SECU Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité permanent de la sécurité publique et nationale
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 décembre 2007
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Il s'agit de la 7e séance du Comité permanent de la sécurité publique et nationale. Nous poursuivons notre étude du projet de loi C-3, Loi modifiant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés (certificat et défenseur) et une autre loi en conséquence.
Avant de passer à nos témoins, j'aimerais faire une brève annonce. C'est à l'intention des membres du comité. Si vous le voulez bien, nous avons organisé une séance pour demain après-midi, le mercredi 5 décembre, de 15 h 30 à 17 h 30. Nous recevrons trois témoins: Amnistie Internationale, la Fédération canado-arabe et Human Rights Watch.
Est-ce que quelqu'un a une objection ou pouvons-nous faire les arrangements nécessaires? Cela découle d'une motion dont le comité a été saisi.
Monsieur MacKenzie, vous avez la parole.
Monsieur le président, nous sommes certainement pour.
Par ailleurs, je voudrais demander au greffier d'organiser une autre séance, jeudi matin, de 9 h 30 à 11 h 30.
Peu importe, il s'agirait d'une séance de deux heures, jeudi matin. Je crois que M. Dosanjh a déjà dit au greffier quels témoins seraient prioritaires, s'ils sont disponibles.
Je pense à ceux que nous n'avons pas entendus. Il faudrait recevoir les deux comités de défense de MM. Harkat et Charkaoui, et toute autre personne qui voudrait venir présenter un exposé jeudi.
Je pense qu'il est important que les gens aient le sentiment d'avoir été écoutés.
Si le comité accepte que nous tenions des séances demain matin et jeudi matin, en plus des séances déjà prévues, je retirerai la motion que j'ai présentée.
Une chose à la fois.
Le comité est-il pour la tenue de ces deux séances supplémentaires?
Madame Priddy, s'il vous plaît.
Merci.
Y a-t-il d'autre commentaire?
Bien, qui ne dit mot consent. C'est réglé.
Nous nous en remettons au greffier. On a déjà confirmé pour certains témoins, je vous laisse faire le reste.
Il y a autre chose... Quelle était la deuxième partie de votre motion? Nous avons accepté les séances supplémentaires et...
Et la motion est retirée.
Vous êtes tous d'accord? Oui.
Je savais qu'il y avait une deuxième partie.
Nous accueillons aujourd'hui au comité trois groupes. Nous allons d'abord écouter la Ligue des droits et libertés, puis le Conseil canadien pour les réfugiés et enfin, la B.C. Civil Liberties Association.
Bienvenue, mesdames et messieurs. Vous ne le savez peut-être pas, mais au comité, nous accordons habituellement, une dizaine de minutes à chaque groupe pour un exposé liminaire, puis pour des questions et commentaires des députés.
Nous donnons d'abord la parole à la Ligue des droits et libertés.
[Français]
Je m'appelle Dominique Peschard et je suis président de la Ligue des droits et libertés. Je vais partager ces 10 minutes avec M. Philippe Robert De Massy, qui est également de la Ligue des droits et libertés.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les députés, je tiens à dire que nous sommes très heureux de pouvoir témoigner devant vous aujourd'hui, car le projet de loi C-3 soulève des enjeux fondamentaux sur le plan des droits de la personne. Par contre, c'est avec une certaine consternation que nous avons pris connaissance de l'ensemble de la consultation que le comité compte faire avant de renvoyer ce projet de loi en troisième lecture à la Chambre.
Nous sommes heureux d'apprendre qu'une séance sera ajoutée pour permettre à Amnistie Internationale, Human Rights Watch et la Fédération canado-arabe de témoigner. Néanmoins, un certain nombre de groupes qui ont demandé à être reçus ne seront pas entendus par le comité, en particulier ceux qui soutiennent les personnes faisant actuellement l'objet d'un certificat de sécurité et les groupes qui soutiennent les communautés particulièrement ciblées par ces certificats, les questions d'immigration et les mesures antiterroristes en général. Nous vous demandons de reconsidérer cette décision de façon à ce que l'ensemble des groupes et organismes qui veulent être entendus à ce sujet puissent témoigner devant vous.
Cela étant dit, je vais maintenant aborder le projet de loi C-3.
Jusqu'à ces dernières années, le Canada avait toujours été considéré dans le monde comme un leader en matière de droits de la personne. Cela semble malheureusement avoir changé depuis le tournant du siècle, en particulier depuis les événements du 11 septembre 2001. Pourtant, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés est une des seules lois qui, à notre connaissance, fasse référence non seulement à la Charte canadienne mais également aux instruments internationaux.
Au paragraphe 3(3) de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, on peut lire ce qui suit:
3) L’interprétation et la mise en oeuvre de la présente loi doivent avoir pour effet:
d) d’assurer que les décisions prises en vertu de la présente loi sont conformes à la Charte canadienne des droits et libertés, notamment en ce qui touche les principes, d’une part, d’égalité et de protection contre la discrimination [...]
f) de se conformer aux instruments internationaux portant sur les droits de l’homme dont le Canada est signataire.
Le projet de loi C-3 a pour objectif d'éliminer de la Loi sur l'immigration les aspects qui ont été jugés inconstitutionnels par la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui. Le projet de loi répond-il de manière appropriée aux exigences exprimées par la cour?
Nous allons rappeler quelques affirmations catégoriques du jugement. Au paragraphe 25 du jugement, on peut lire ce qui suit au sujet des certificats de sécurité:
25 Par ailleurs, ce contexte risque d’avoir des conséquences importantes — en fait, terrifiantes — pour la personne détenue. L’importance des intérêts individuels en jeu fait partie de l’analyse contextuelle. Comme la Cour l’a affirmé dans Suresh : « Plus l’incidence de la décision sur la vie de l’intéressé est grande, plus les garanties procédurales doivent être importantes afin que soient respectées l’obligation d’équité en common law et les exigences de la justice fondamentale consacrées par l’art. 7 de la Charte » (par. 118).
Au paragraphe 27, la cour dit:
27 Les mesures requises pour assurer la justice fondamentale doivent tenir compte des exigences propres au contexte de la sécurité. Il faut toutefois s’assurer que l’essence de l’art. 7 demeure intacte.
Le jugement décrit ainsi la principale irrégularité de la loi incompatible avec la Charte:
139 [...] l’al. 78g) du régime autorise l’utilisation d’éléments de preuve qui ne sont jamais communiqués à la personne désignée, sans établir de mesures adéquates pour pallier cette absence de communication et pour résoudre les problèmes constitutionnels qui en découlent.
La principale innovation du projet de loi C-3 est la création du rôle de défenseur, terme dont la mauvaise traduction, censée correspondre à special advocate, risque d'induire en erreur en donnant l'impression que cette personne est véritablement l'avocat de la personne visée par le certificat. Le projet de loi C-3 offre-t-il « une protection véritable et substantielle » — comme on le dit dans le jugement Charkaoui — conforme au principe de justice fondamentale? Pour nous, la réponse est non.
Je vais maintenant énumérer les raisons pour lesquelles nous sommes d'avis que les objectifs ne sont pas atteints.
La personne visée et son avocat ne connaîtront toujours pas la preuve présentée contre elle et ne pourront pas tester cette preuve dans une procédure contradictoire qui permette une défense pleine et entière.
Le défenseur n'est pas tenu au secret professionnel et ne peut pas vraiment représenter la personne visée, puisqu'il ne pourra pas communiquer avec elle sans la permission du juge et ne peut pas lui communiquer le contenu de la preuve secrète présentée au juge.
Le contre-interrogatoire des agents du SCRS sera, à toutes fins pratiques, inutile puisque, selon le témoignage de l'ex-avocat spécial britannique Ian Macdonald qui a déjà témoigné devant ce comité, les membres des services secrets n'ont en général aucune connaissance personnelle des faits qu'ils déposent en preuve.
Le juge pourra toujours recevoir en preuve des éléments qui ne seraient pas admissibles dans un procès en matière criminelle: ouï-dire, opinion, etc.
Le juge pourra aussi recevoir des preuves ou des témoignages obtenus sous la torture sans que l'on puisse le savoir ou s'y opposer, puisque rien dans le projet de loi C-3 ne l'interdit.
Les ministres qui émettent les certificats de sécurité contrôlent la preuve. Ils n'ont aucune obligation de présenter toute la preuve, en particulier des éléments de preuve qui seraient disculpatoires. Or, on sait que le SCRS, entre autres, détruit des preuves. Récemment, une des personnes faisant l'objet d'un certificat de sécurité, M. Adil Charkaoui, s'est adressé aux tribunaux en apprenant que le SCRS avait détruit les enregistrements d'un témoignage dont on n'a présenté en preuve que les résumés.
D'autre part, la personne visée pourra toujours être détenue pour des périodes indéfinies, sans procès, alors que si elle était accusée au criminel, elle connaîtrait la nature des actes qu'on lui reproche, pourrait se défendre et être acquittée ou condamnée à une peine d'emprisonnement qui aurait un terme. C'est ce que la Cour suprême avait dénoncé dans l'arrêt Charkaoui c. Canada, en écrivant ceci:
Tant pour les étrangers que pour les résidents permanents, la période de détention peut être de plusieurs années et atteint souvent cette durée. De fait, M. Almrei est toujours détenu et il ignore quand il sera remis en liberté, s’il l’est un jour.
M. Almrei est celui qui est toujours détenu à Kingston depuis ce jugement qui a presque un an.
Autre élément, le fardeau de la preuve est toujours la simple obligation d'établir « le caractère raisonnable du certificat », ce qui est un fardeau dérisoire si on compare cela à ce qui est toujours exigé lorsqu'une personne est susceptible de perdre sa liberté, c'est-à-dire de prouver ces prétentions « hors de tout doute raisonnable ».
Neuvième élément, il est toujours possible de renvoyer la personne vers la torture, même si le ministre Stockwell Day l'a nié devant vous lors de sa comparution le 27 novembre dernier. À ce chapitre, il nous importe de souligner que le Comité des Nations Unies contre la torture vient d'émettre une décision contre le Canada, le 16 novembre 2007, il y a quelques jours, dans le cas de Bachan Singh Sogi, un ressortissant indien que le Canada avait expulsé en juillet 2006 malgré le fait que le Comité des Nations Unies contre la torture ait demandé à deux reprises au Canada de surseoir au renvoi en attendant qu'il puisse examiner la plainte.
Le comité conclut:
Le Comité contre la torture [...] est d'avis que l'expulsion du requérant vers l'Inde le 2 juillet 2006 a constitué une violation des articles 3 et 22 de la Convention.
Vous savez que l'article 3 ne prévoit aucune exception. Cette expulsion s'est faite sous la responsabilité du ministre Day.
Nous voudrions qu'on ait recours aux règles qui règnent en matière de droit criminel. Vous connaissez les récents succès contre le crime organisé et les bandes de motards au Québec. De nombreuses personnes ont été condamnées et purgent maintenant des peines de prison. Cela s'est fait dans le cadre de procès criminels, avec des preuves conformes aux règles de droit conventionnelles. Pourtant, comme dans le domaine des activités antiterroristes, cela soulève des questions délicates comme la nécessité de préserver l'anonymat d'informateurs de la police ou de garder secrètes les stratégies ou méthodes d'enquête.
Nous croyons donc que, plutôt que d'avoir recours aux certificats de sécurité et à la preuve secrète, il faut se tourner vers les procédures criminelles traditionnelles et procurer ainsi à toutes les personnes qui sont sur le territoire canadien, sans discrimination, l'assurance qu'elles ne subiront pas d'atteintes à leur liberté et à leurs droits sans un procès juste et équitable et une défense pleine et entière.
En expulsant des personnes que le Canada considère comme trop dangereuses pour qu'elles y restent, le Canada les envoie dans d'autres pays où elles seront tout aussi dangereuses! Où est la sécurité?
En conclusion, ne répétons pas les erreurs historiques.
Chaque fois dans l'histoire que nous nous sommes permis une érosion des protections traditionnelles, les conséquences ont été catastrophiques et ont forcé le gouvernement canadien à reconnaître ses erreurs, demander des excuses et, parfois, offrir une réparation. Pensons seulement à l'expropriation et à l'incarcération des Canadiens de descendance japonaise durant la Seconde Guerre mondiale, aux centaines d'arrestations et d'incarcérations inutiles et injustifiées pendant la crise d'octobre 1970 au Québec et plus récemment, comme vous le savez, à la responsabilité du Canada dans le renvoi de Maher Arar vers la torture en Syrie par le gouvernement des États-Unis.
Par conséquent, la Ligue des droits et libertés recommande, premièrement, l'abolition des certificats de sécurité et de la possibilité de priver quelqu'un de sa liberté et de l'expulser du Canada en recourant à des preuves secrètes. Elle recommande, deuxièmement, que la participation du Canada à la lutte contre le terrorisme se fasse dans le respect des règles de procédure équitables et du droit international.
Je vous remercie.
[Traduction]
Merci.
Nous passons maintenant au Conseil canadien pour les réfugiés et je vais vous demander de vous présenter avant de commencer votre exposé.
Merci.
[Français]
Merci. Je me présente: Janet Dench, directrice du Conseil canadien pour les réfugiés. Je vais faire cette présentation avec ma collègue Sharryn Aiken, ancienne présidente du Conseil canadien pour les réfugiés.
Le CCR, qui regroupe plus de 170 organismes partout au Canada, suit le dossier des certificats de sécurité depuis de nombreuses années. Nous avons pris position dans les années 1990 contre les violations des droits inhérentes aux certificats. Nous avons commenté les modifications apportées à la législation lors de l'étude du projet de loi C-11, qui est devenu la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés actuelle, et nous avons fait partie des intervenants devant la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui.
Nous partageons les préoccupations déjà exprimées par nos collègues de la Ligue des droits et libertés quant à la nécessité de permettre la comparution d'un plus grand nombre de témoins, et nous soulignons l'importance d'accorder assez de temps pour étudier tranquillement leurs soumissions.
Vous avez devant vous le mémoire assez volumineux que nous avons préparé, ainsi qu'un court résumé. Le temps nous permet de vous en présenter un très bref survol et de nous attarder sur quelques points seulement, mais il nous fera bien sûr plaisir de répondre à vos questions sur d'autres aspects de notre mémoire. Je vous présente donc le survol.
La réponse du Canada à des menaces potentielles à la sécurité devrait se fonder sur un engagement sans réserves à respecter les droits de la personne et ne devrait pas reposer sur des distinctions entre citoyens et non-citoyens.
L'usage de renseignements secrets constitue une grave menace aux principes de justice fondamentale. Par conséquent, il faut limiter au strict minimum tout usage de renseignements secrets et offrir un maximum de garanties à toute personne dont les droits sont en jeu. Si les garanties sont insuffisantes pour permettre à la personne intéressée de connaître la preuve produite contre elle et d'y répondre, les renseignements secrets ne doivent pas être utilisés.
Le régime des certificats de sécurité devrait être aboli.
Les possibilités d'usage de renseignements secrets dans d'autres procédures d'immigration, en vertu de l'article 86, sont beaucoup plus nombreuses que sous le régime des certificats de sécurité, et les mesures de protection des droits sont minimales. Cet aspect du projet de loi C-3 n'a pas reçu l'attention qu'il mérite.
Le Canada doit prendre au sérieux ses obligations de protéger les non-citoyens contre le renvoi vers des pays où ils risquent la persécution ou la torture. Il faut modifier la loi à cet égard de manière à la rendre conforme aux instruments internationaux relatifs aux droits de la personne auxquels le Canada est partie.
[Traduction]
J'aimerais maintenant parler de notre dernier argument sur les questions liées à la protection, qui n'ont pas reçu beaucoup d'attention jusqu'à présent au comité, je crois.
Parmi ceux que touchent les certificats de sécurité peuvent figurer des gens qui ont fui la persécution dans leurs pays d'origine. D'autres, qui peuvent ne pas avoir demandé le statut de réfugié, seront exposés à un risque réel de torture si leur nom est associé au terrorisme au Canada, et qu'ils sont renvoyés dans un pays qui pratique la torture. Pour ces raisons, le Canada doit rigoureusement respecter ses obligations internationales en vertu de la Convention sur les réfugiés et de la Convention contre la torture.
Dans ce domaine, le projet de loi C-3 comporte de graves lacunes:
Premièrement, il ne rend pas les lois canadiennes conformes aux obligations que nous avons en matière de droit international des droits de la personne en interdisant absolument le renvoi à la torture et en limitant les exceptions au principe du non-refoulement à celles énoncées dans la Convention sur les réfugiés.
Deuxièmement, les dispositions relatives à la protection sont faibles et incohérentes. Si elles ne sont pas modifiées, elles donneront presque certainement lieu à d'autres constatations judiciaires.
Troisièmement, il y a le problème crucial du recours à l'examen des risques avant renvoi, ou ERAR, pour déterminer comment peut être protégée la personne. En vertu de l'ERAR, un fonctionnaire doit mesurer le besoin de protection de l'intéressé, d'une part, et d'autre part, le risque qu'il peut représenter pour la sécurité du pays. Alors même que cette détermination de la dangerosité de l'intéressé est faite par le fonctionnaire, un juge de la Cour fédérale évalue le dossier du ministre contre l'intéressé, y compris les allégations relatives à sa dangerosité pour la sécurité nationale. Les deux procédures sont parallèles et distinctes. Ainsi, le fonctionnaire peut décider que l'intéressé est trop dangereux pour avoir droit à la protection du Canada pendant que le juge de la Cour fédérale juge que l'intéressé n'est pas aussi dangereux que le prétend le gouvernement.
Quatrièmement, la procédure en vertu de l'article 115 se fait en parallèle avec celle du certificat de sécurité. Il semble qu'il s'agisse pour le fonctionnaire de réévaluer une décision prise préalablement quant au statut de réfugié de l'intéressé par la Commission de l'immigration et du statut de réfugié. C'est une façon troublante de recourir à une disposition qui décrit l'engagement le plus fondamental du Canada de protéger les réfugiés, soit le principe de non-refoulement, précisément pour enlever à quelqu'un son statut de réfugié.
En conclusion, les dispositions relatives à la protection ne respectent pas les garanties de principe ni les procédures nécessaires pour que le Canada se conforme à ses obligations en matière de protection des droits des intéressés.
J'aimerais commencer par signaler à l'attention du comité le contexte historique, soit les problèmes et les erreurs dont sont depuis longtemps responsables les services de renseignements du pays, qu'il s'agisse de la GRC ou du SCRS. Pensons aux conclusions de la Commission McDonald sur les activités de la GRC dans les années 70, à l'enquête récente sur l'affaire Arar ou à la Commission d'enquête qui travaille actuellement sur l'écrasement du vol d'Air India. Nous tous, le public canadien, devons être très sceptiques quant à la crédibilité de la preuve secrète et non vérifiée présentée par les services de renseignements du pays. Il importe de garder ça en tête quand nous examinons des dispositions du projet de loi C-3.
Comme ma collège Mme Dench, j'invite le comité à se pencher sur quelques dispositions du projet de loi C-3 dont on n'a peut-être pas autant discuté que d'autres. Pensons particulièrement à l'article 86, sur l'emploi d'une preuve secrète, en dehors du contexte de la procédure de certificat de sécurité. Je vais citer notre mémoire. Je vous signale que ces paragraphes ont reçu l'appui de la Refugee Lawyers Association, dans leur mémoire, que vous avez sans doute reçu. J'aimerais simplement attirer votre attention sur le fait que le projet de loi C-3 propose de continuer de permettre l'usage de renseignements secrets en vertu de l'article 86 dans un vaste éventail de situations.
La CISR, qui convoque les audiences en vertu de l'article 86, est encore moins en mesure de satisfaire aux conditions d'équité procédurales fixées par la Cour suprême. Ce n'est qu'un tribunal administratif quasi judiciaire, au sein duquel seuls quelques décideurs sont des avocats, et aucun n'est juge. Ces audiences sont bien plus informelles que celles d'une Cour de justice et elles offrent une protection procédurale moindre. Ces décisions peuvent malgré tout entraîner des conséquences aussi graves que la délivrance de certificats de sécurité pour les personnes visées par elles, dont la détention prolongée et le renvoi du Canada vers un pays où elles risquent la persécution et la torture.
L'article 86 a une portée encore plus large, puisqu'il permet au ministre de demander l'usage de renseignements secrets dans le cadre de toute audience relative à l'admissibilité, audience de contrôle des motifs d'une détention ou enquête devant la Section d'appel de l'immigration. La loi n'exige même pas qu'il soit allégué que les intéressés sont interdits de territoire pour raison de sécurité ou pour cause de criminalité. Il suffit que le ministre souhaite produire des renseignements secrets. N'oubliez pas que de telles preuves secrètes peuvent être produites dans le contexte de l'article 86 pour une affaire de fausses déclarations. On peut alléguer toute forme de criminalité, mais pas nécessairement la commission de crimes graves. On peut même parler d'interdiction de territoire pour motifs de santé ou pour des raisons économiques. L'article 86 confère donc de vastes pouvoirs en matière de présentation de preuves secrètes. La décision du commissaire de la Section d'appel de l'immigration peut se fonder sur ces renseignements secrets s'il considère que ceux-ci sont fiables, utiles et pertinents. Ce sont les seuls critères.
Si le gouvernement croit que les droits fondamentaux de certains non-citoyens doivent être violés parce qu'ils représentent une menace à la sécurité, pourquoi l'usage de renseignements secrets n'est-il pas limité au cas où l'on allègue que les intéressés représentent une menace à la sécurité? En effet, toutes les déclarations gouvernementales jusqu'ici, et les réponses de la foire aux questions du site Web du gouvernement, laissent entendre que le pouvoir de produire des preuves secrètes n'est exercé que dans les cas où l'intéressé représente un risque pour la sécurité nationale, pour la société, et sont entendues par un juge de la Cour fédérale. C'est une fausse prémisse, comme l'on fait remarquer les membres de la Refugee Lawyers Association, mais il semble que peu de gens en soient conscients. Nous parlons du fait que le projet de loi C-3 propose de continuer de permettre l'usage de renseignements secrets dans un plus vaste éventail de situations.
Le CCR voudrait rappeler la teneur de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Charkaoui. Même si cette affaire traitait particulièrement de la procédure de certificats de sécurité, il y avait beaucoup à dire sur l'usage de renseignements secrets dans le contexte de la sécurité nationale, en général. J'aimerais vous citer quelques petits paragraphes de l'arrêt Charkaoui:
Les principes de justice fondamentale ne peuvent être réduits au point de ne plus offrir la protection de l’application régulière de la loi qui constitue le fondement même de l’article 7 de la Charte. Il se peut que cette protection ne soit pas aussi complète qu’en l’absence de contraintes liées à la sécurité nationale. Mais il demeure qu’il ne saurait y avoir conformité avec l’article 7 sans une protection véritable et substantielle.
Les mots-clés ici sont véritable et substantielle.
La Cour suprême dit ensuite:
Pour respecter l’article 7, il faut soit communiquer les renseignements nécessaires à la personne visée, soit trouver une autre façon de l’informer pour l’essentiel.
J'insiste encore une fois: « une autre façon de l'informer pour l'essentiel ».
Nous estimons que le recours proposé au modèle du défenseur, dans le contexte de l'article 86, ainsi que dans le contexte de la procédure du certificat de sécurité, ne répond vraiment pas aux critères énoncés par la Cour suprême et que le projet de loi C-3 est par conséquent nettement déficient. Contrairement à ce qu'a dit le gouvernement, il ne respecte même pas au minimum les exigences de l'article 7 de la Charte.
J'étofferai volontiers ces arguments dans le cadre de notre discussion.
Merci, monsieur le président et merci aux membres du comité.
Quand on vient de l'Ouest, c'est toujours un plaisir d'arriver en un endroit où la neige reste au sol, contrairement à Vancouver, où quand on a une bordée, la pluie la fait disparaître rapidement. Je vous remercie de nous avoir donné, à mon organisme et à moi-même, l'occasion de voir cela.
J'aimerais commencer par les préoccupations dont nous parlons chaque fois que nous rencontrons des parlementaires, et qui portent sur la sécurité nationale. Les questions de sécurité nationale suscitent beaucoup d'émotion, parfois même un sentiment de panique, au sein de la population. Dans ce contexte, où il est très difficile d'atteindre un équilibre entre diverses considérations, nous voulons que nos parlementaires soient prudents, qu'ils prennent leur temps pour délibérer d'une question au nom de notre souveraineté collective, au nom de tous les Canadiens.
Je suis fort préoccupé. J'ai des craintes à cause du peu de temps dont vous disposez. Je me suis laissé dire que le gouvernement avait déposé ce projet de loi à une certaine date, que vous devez en faire rapport à une certaine échéance et que vous devez prendre des décisions rapides, à cause de l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Je vous exhorte néanmoins à prendre le temps nécessaire pour vraiment bien comprendre les incidences de ce projet de loi.
Je suis content d'entendre que vous recevrez d'autres témoins, mais vous pourriez probablement en écouter davantage encore, et aussi, sans doute, prendre davantage de temps pour en discuter entre vous.
Je vais commencer mon exposé sur le projet de loi C-3 en vous parlant d'un entretien que j'ai eu avec Ian Macdonald, un avocat britannique que vous connaissez peut-être et qui a peut-être aussi témoigné auparavant. Je crois qu'il a comparu devant un comité parlementaire au Canada plus tôt cette année. J'ai eu cet entretien avec lui le 6 juillet 2005.
Comme vous le savez, il était défenseur dans le système britannique. Il a fait ce travail de représentation pendant huit ans. On peut se demander qui il représentait exactement. À tout le moins, il vérifiait les renseignements présentés dans le cadre des travaux de la Special Immigration Appeals Commission. Après huit ans, il a décidé qu'il ne pouvait plus assumer ce rôle, estimant qu'il n'était qu'un paravent, je crois qu'il a parlé d'une feuille de vigne, mais nous demandions plus tôt aujourd'hui si le juge Hugessen n'avait pas aussi utilisé cette expression.
Autrement dit, il ne pouvait plus jouer ce rôle de manière à donner une crédibilité à un système qui ne pouvait plus être équitable et qui ne garantissait pas une procédure équitable aux intéressés, en Angleterre.
L'une des principales réserves qu'il avait, parmi d'autres, c'était l'impossibilité pour lui de rencontrer la personne faisant l'objet de l'ordonnance, l'impossibilité de discuter des renseignements qu'il avait reçus ou examinés, une fois qu'il avait pris connaissance de tous les renseignements présentés au tribunal. Nous ne parlons pas que de renseignements relatifs à la sécurité nationale, qui doivent bien entendu faire l'objet d'une certaine confidentialité, mais aussi de toute discussion avec l'avocat ou l'intéressé.
C'est bien différent de ce qui est arrivé dans l'affaire Arar. Dans son rapport que j'ai lu hier soir encore, le juge Dennis O'Connor dit clairement qu'il est absolument nécessaire que pour toute audience à huis clos, l'avocat de la commission, M. Cavalluzzo, puisse entendre toute la preuve présentée par le gouvernement, et rencontrer M. Arar et son avocat pour recueillir des suggestions, pour examiner la preuve, dans la mesure du possible compte tenu des prétentions à la confidentialité nécessaire à la sécurité nationale. Il était donc très utile de pouvoir étudier la preuve dans la mesure du possible, avant de revenir à une séance à huis clos. Cela ne s'est pas produit, dans le cas de M. Macdonald, et c'est l'une des principales raisons de sa démission.
Revenons à l'affaire Charkaoui, qui est après tout la raison pour laquelle nous sommes ici. En effet, c'est l'arrêt de la Cour suprême et de son juge en chef qui a fait en sorte que nous soyons ici aujourd'hui, parce que vous êtes saisis de ce projet de loi. Je vais citer le paragraphe 63, vers le milieu:
Ignorant tout du reste de la cause, (le juge) n’est pas en mesure de déceler les erreurs ou les omissions ni d’évaluer la crédibilité et la véracité des renseignements comme la personne désignée pourrait le faire. Même si le juge peut poser des questions à cette personne à la reprise de l’instance en sa présence, il doit éviter celles qui pourraient révéler des renseignements protégés. De même, comme la personne désignée ignore les allégations formulées contre elle, elle ignore quels renseignements elle doit fournir au juge désigné.
Si le juge ne peut fournir à la personne désignée un résumé des renseignements qui soit suffisant pour que cette dernière sache quelle preuve elle doit produire, le juge ne peut être convaincu que les renseignements dont il dispose sont suffisants ou fiables. Peu importe les efforts qu’il déploie pour interroger les témoins du gouvernement...
On parle donc ici de l'interrogatoire par le juge des témoins du gouvernement.
... et examiner la preuve documentaire, le juge se retrouve dans une situation où il doit poser des questions et, ultimement, rendre sa décision en s’appuyant sur des renseignements incomplets, qui ne sont peut-être pas fiables.
Je vous lis un extrait du paragraphe 64:
Néanmoins, sa participation au nom de la personne désignée se limite à ce que les ministres lui soumettent. Par conséquent, le juge n’est pas en mesure de compenser l’absence d’examen éclairé, de contestation et de contre-preuve par une personne qui serait au fait de la cause. Or, pareil examen est précisément ce que requiert le principe selon lequel une personne dont la liberté est en jeu doit savoir ce qu’on lui reproche.
Il doit avoir la capacité de contester ces allégations.
En l’espèce, ce principe n’a pas été simplement restreint, il a été vidé de sa substance. Comment peut-on réfuter des allégations dont on ignore tout?
Ce sont les mots de la juge en chef McLaughlin.
Je vous pose donc la question: si le juge ne peut pas faire cela, comment l'avocat spécial proposé par le projet de loi C-3y arrivera-t-il, puisqu'il est exactement dans la même position, essentiellement, que le juge sous l'ancien système, ou sous le système actuel, d'ici à ce que le projet de loi C-3 soit adopté sans modification?
La réponse, c'est que l'avocat spécial n'est pas mieux placé que lui pour examiner les renseignements, sans un droit absolu de s'adresser à l'intéressé désigné par le certificat, ou à son avocat, pour en discuter.
En Angleterre, le Comité mixte sur les droits de la personne, dans un rapport publié plus tôt cette année, a conclu que le système des avocats spéciaux comportait des lacunes fondamentales. Je me suis laissé dire qu'au Canada, nous pensons faire mieux. Je ne pense pas que ce soit le cas, et nous pourrons reparler de cela plus en détail.
Revenons à mon entretien avec M. Macdonald. Je crois qu'il a témoigné devant le Parlement à ce sujet ici, mais il a dit, au bout du compte, qu'il fallait se demander si la preuve secrète et la procédure de certificat de sécurité était une bonne politique de lutte contre le terrorisme. Dans son mémoire, il a dit que s'il suffisait aux autorités de donner des renseignements à un juge à l'effet que quelqu'un devait être expulsé pour des raisons de sécurité, la norme de preuve était relativement vague. En effet, il s'agit de renseignements. Il ne s'agit pas vraiment de preuve, au sens où on l'entend habituellement, quand des avocats se présentent devant des tribunaux et des tribunaux administratifs, et qu'on ne conteste pas vraiment les renseignements.
Il a dit que ce qu'il craignait, et je pense que c'est assez clair, c'est que les services de sécurité, soit la GRC ou le SCRS, n'aient pas à scruter les renseignements soigneusement, de manière à ce qu'il s'agisse d'une preuve fiable dans le but, ultimement, de prévenir le terrorisme. Or, je pense qu'il s'agit là après tout de l'objectif visé, la prévention du terrorisme. Et en effet, ces renseignements ne peuvent être convertis en preuves pouvant être présentées devant un tribunal, aux fins d'un procès.
Ce qu'on craint, c'est que les services de sécurité du Canada fassent flèche de tout bois. M. Arar n'est pas le seul dans son cas, nous le savons. Les services de sécurité portent leur attention sur des gens qui ne devraient vraiment pas en être l'objet, à leurs dépens. Vous, parlementaires, avez une grave responsabilité quant à la sécurité nationale du pays mais n'oubliez pas que le projet de loi C-3n'atteint pas l'équilibre optimal entre les libertés civiles et la sécurité nationale. En fait, je crois qu'il est presque certain que cette loi sera contestée devant la Cour suprême du Canada. Heureusement, il faudra pour cela des années, alors que vous, parlementaires, en êtes saisis assez rapidement.
J'aurais bien d'autres choses à dire, et j'espère pouvoir le faire en réponse à vos questions.
Merci beaucoup.
Merci à nos témoins.
À notre comité, la routine veut que nous commencions avec les questions de l'opposition officielle et que nous passions ensuite au côté du gouvernement.
Monsieur Dosanjh, vous avez la parole.
Merci beaucoup.
Je veux remercier chacun des témoins qui sont venus nous parler. On vous l'a dit, nous accueillerons d'autres témoins, mais il semble que les témoins entendus jusqu'ici présentent des arguments semblables, pour la plupart des aspects de la question, qu'il s'agisse de l'accès, de la preuve obtenue sous la torture, etc. On pourrait donc dire qu'il y a consensus sur les critiques légitimes relatives au projet de loi, mais cela ne nous empêchera pas de vouloir écouter d'autres témoins.
J'ai une question pour Mmes Aiken et Dench, mais d'autres peuvent aussi y répondre. Je n'ai pas très bien compris vos arguments sur la protection. Je suis un ancien avocat, un ancien procureur général aussi. Je n'ai rien compris. Pourriez-vous reformuler vos arguments en termes accessibles aux profanes, que je comprenne ce que vous disiez? Vous parliez de la CISR et de la preuve qui y était présentée dans le cadre d'autres procédures. Nous nous occupons ici de certificats de sécurité. Si vous vous limitez aux certificats de sécurité et aux questions de protection qui s'y rapportent, dites-le-moi.
Volontiers.
Les questions de protection se posent autrement, pour les certificats de sécurité, et je comprends la confusion que vous n'êtes pas seul à ressentir. J'ai parlé à des avocats qui travaillent dans ce domaine et eux aussi sont perplexes. Je pense que cela en dit beaucoup sur la façon dont la loi est écrite, et aussi sur le fait que le gouvernement ne donne pas d'explication connexe aux changements apportés par le projet de loi C-3. Nous aussi, nous nous demandons quel est l'objectif de ces changements.
Au sujet de la protection, deux situations se présentent qui se rapportent aux certificats de sécurité. Dans un cas, il peut s'agir d'une personne qui n'est pas protégée par le statut de réfugié. On ne lui a pas encore accordé ce statut. Dans le cadre de la procédure de certificat de sécurité, cette personne peut faire une demande en vertu de l'article 112 de la LIPR, pour l'évaluation des risques avant renvoi.
Si vous faites l'objet d'un certificat de sécurité, vous n'avez pas droit à toute l'ERAR, mais seulement à un certain type décrit à l'article 113, qui doit tenir compte à la fois du risque pour la personne renvoyée et du risque qu'elle représente pour le Canada. Cette évaluation est faite par un fonctionnaire, plutôt que par la CISR ou par un juge de la Cour fédérale.
Nous nous posons beaucoup de questions, mais celle-ci en particulier: ce fonctionnaire procède à l'évaluation en disant: « Cette personne est exposée à un certain risque en cas de renvoi, mais nous la considérons comme étant dangereuse à tel ou tel degré ». Disons qu'il y a une échelle de un à 10 et que le fonctionnaire dise: « Cette personne est un risque de catégorie sept pour le Canada ».
Parallèlement, un juge de la Cour fédérale est saisi de la même question. C'est possible, normalement, s'il est question d'un certificat de sécurité. Le juge reçoit des preuves secrètes, qu'il évalue, et il conclut: « Pour cette personne, il y a lieu d'être préoccupé de ses fréquentations » et le juge de la Cour fédérale pourra penser: « Mais cette personne n'est qu'un risque de catégorie trois, pour le Canada ». Or, la décision relative à la protection de cette personne a été prise d'un côté par le fonctionnaire, sans aucun lien avec la procédure se déroulant à la Cour fédérale.
Notre deuxième préoccupation au sujet de l'article...
Mais dans ce cas, la décision de juge ne primerait-elle pas, implicitement? Je sais que le ministre prend des mesures en fonction de la procédure de l'ERAR, mais n'est-il pas tenu d'agir selon la décision de la Cour fédérale?
La loi n'est pas claire à ce sujet, actuellement. Elle est d'ailleurs loin de l'être, et dans le projet de loi C-3, le gouvernement a notamment supprimé l'examen judiciaire automatique prévu dans la loi actuelle.
En effet, la décision prise dans le cadre de l'ERAR, pour les certificats de sécurité, est automatiquement assujettie à un examen par un juge de la Cour fédérale. Cet examen a été supprimé et il n'y a donc plus de lien entre les deux procédures.
Il s'agit de l'article 115 de la LIPR qui pourrait servir en parallèle à la procédure de certificat de sécurité. L'article 115 n'est pas vraiment une procédure, il s'agit de la déclaration relative au principe du non-refoulement. C'est une déclaration importante, qui intègre dans le droit canadien notre obligation de ne pas renvoyer des réfugiés là où ils pourraient être persécutés.
Pourquoi a-t-on fait de l'article 115 une procédure parallèle à celle du certificat de sécurité? Il semble que ce soit pour invoquer cet article à mauvais escient, de notre point de vue, essentiellement pour enlever à quelqu'un le statut de réfugié qu'il a obtenu. Pour nous, c'est un grave problème.
[Français]
Si nous votons la loi telle qu'elle est présentée maintenant, croyez-vous qu'elle va retourner devant la Cour suprême et que celle-ci va de nouveau la casser? Le cas échéant, quelle en serait la raison principale, selon vous?
[Traduction]
Merci de votre question.
J'en ai touché quelques mots dans mes brèves remarques et notre collègue de la B.C. Civil Liberties Association l'a aussi noté. À notre avis, les dispositions du projet de loi C-3 seront certainement contestées jusqu'en Cour suprême. Elles ne sont pas conformes aux exigences de l'article 7 de la Charte. Selon nous, ce projet de loi comporte de graves lacunes et ne répond pas aux exigences de la Charte.
Concernant plus précisément le modèle de défenseur proposé, autant dans le contexte du certificat de sécurité que dans celui de l'article 86, il importe de noter que, dans l'affaire Charkaoui, la Cour suprême n'a pas explicitement appuyé ce modèle. Elle en a fait mention comme l'une des mesures de protection envisageables, comme l'une des procédures qui empiéterait moins sur les droits qu'un certificat de sécurité et comme celui qui était en place et sur lequel se penchait la cour.
La Cour suprême n'a pas dit que le modèle du défenseur proposé dans le projet de loi C-3 satisferait aux exigences de l'article 7.
Pourrais-je ajouter une chose, monsieur Ménard?
J'insiste sur le fait que la cour a dit clairement que la privation de la liberté n'était pas négligeable mais bien très importante. Depuis quelques années déjà, la cour est très sensible aux déclarations du Parlement... surtout après qu'une décision est rendue.
Néanmoins, honnêtement, j'estime que la décision de la juge en chef McLachlin est assez générale. Elle dit simplement qu'il existe d'autres mesures qui constitueraient une violation moins grave sans aller dans les détails.
La cour vous donne donc une marge de manoeuvre, mais, à mon avis, étant donné qu'il s'agit d'une violation grave, la cour examinera très attentivement toute proposition qui sera faite par les parlementaires comme celle du défenseur prévue au projet de loi C-3. Vous avez entendu les témoignages de M. Waldman et de M. Forcese abordant ces différents points, et nous pouvons les examiner plus en détail avec vous si vous le souhaitez.
Même si vous adoptez le modèle du défenseur — Mme Aiken vient de préciser que la cour n'a pas préconisé ce modèle plutôt qu'un autre — vous devrez vous assurer que c'est le meilleur régime qui soit dans le monde si vous voulez que la cour l'accepte, et je ne crois pas que ce soit le cas.
[Français]
Quand je lis la décision de la Cour suprême, je n'ai pas l'impression que celle-ci nous dit qu'il est impossible d'avoir un régime de droit qui nous permettrait d'exclure du territoire des gens qu'on estimerait dangereux parce qu'ils représentent un risque de terrorisme, en raison du type de terrorisme auquel nous avons à faire face, qui est pas mal loin du FLQ, pas mal plus avancé que les dangers de l'époque. Toutefois, la nature de ce système est telle qu'il se basera sur des informations secrètes données par des alliés, à la condition que nous les gardions confidentielles, et qui nous proviendront d'agents infiltrés dont on mettrait la vie en danger si on révélait leurs noms ou leurs connaissances. La lutte contre le terrorisme, contrairement à la lutte contre le crime organisé, a besoin de garder secrètes ses méthodes d'enquête pour qu'elles soient efficaces contre les terroristes.
Donc, pour la Cour suprême, il doit y avoir une façon de faire cette loi. Je crois que vous nous avez donné certaines pistes de solution. Quelles sont les suggestions que vous voudriez nous faire pour nous assurer que si cette loi sur les certificats de sécurité retourne devant la Cour suprême, celle-ci va maintenir ses dispositions.
J'aimerais qu'il soit clair que je faire cette remarque dans le contexte où la position de la ligue est contre la preuve secrète. À partir du moment où un gouvernement décide de priver une personne de sa liberté, il doit dire à cette personne pourquoi et ce qu'il a à lui reprocher, ce qu'il a comme preuve contre elle. Or, nous ne voyons pas comment il est possible, sur le plan de la justice, de sortir de cette position. La preuve secrète en soi pose des problèmes qui sont insolubles sur le plan de l'exercice de la justice.
Cela étant dit, il faut quand même remarquer que les amendements apportés actuellement ne reconnaissent aucun droit au procureur spécial de communiquer avec l'intéressé, de débattre avec lui et de se renseigner. Je pense que Murray vous a très bien décrit la situation. Comme avocats, vous et moi savons très bien à quel point ce contact avec la personne dont la liberté est en danger sont absolument fondamentaux, essentiels pour que nous soyons capables de tester la preuve présentée contre elle.
[Traduction]
Le gouvernement a laissé entendre qu'il suffit de donner au juge, dans le projet de loi C-3, un grand pouvoir discrétionnaire relativement aux ordonnances. Selon le CCR, et je crois mes collègues aussi, cela ne suffit pas à apaiser ces craintes. La loi doit prévoir avec précision les mesures de protection exigées par l'application régulière de la loi.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être venus aujourd'hui.
Avant de poser mes questions aux témoins, j'aimerais tenter d'établir le contexte dans lequel je le ferai, car le NPD est contre ce projet de loi. Pour diverses raisons, nous estimons que les certificats de sécurité violent des droits fondamentaux de la personne. Nous préférerions qu'on invoque le Code criminel, ce dont certains témoins ont parlé, mais pas tous. Même avec un défenseur, nous ne croyons pas que le projet de loi garantisse la protection des droits des personnes visées par les certificats de sécurité.
Je crois que deux groupes ont évoqué plutôt la possibilité de créer une infraction au Code criminel plutôt qu'une infraction aux lois sur l'immigration. Monsieur Mollard, je ne sais pas si c'est vous qui en avez fait mention, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Merci.
Notre organisation a en effet bien débattu de cette question. Comme dans toute organisation qui défend la liberté d'expression, il y avait plus d'un point de vue. Idéalement, nos membres et notre association souhaiteraient que...
Encore une fois, je vous renvoie au témoignage de M. Macdonald. Si vous voulez une bonne politique antiterrorisme, il vous faut savoir non seulement qu'une personne est associée à un certain groupe, qu'il était à un certain endroit à un moment particulier, etc. Cette norme de preuve est si peu exigeante qu'elle permet à notre appareil de sécurité de se contenter d'une enquête superficielle, d'une enquête qui ne va pas aussi loin que nous le souhaitons. Nous préférerions que notre appareil de sécurité aille le plus loin possible pour prévenir le terrorisme. D'ailleurs, le Canada a des obligations non seulement ici mais aussi à l'étranger et doit poursuivre jusqu'aux limites permises par la loi ceux qui commettent des actes de terrorisme.
On pourrait certainement intenter des poursuites au criminel, avec toute la rigueur de la loi, sans prendre de raccourci. Mais il faudrait que notre appareil de sécurité prenne tout le temps voulu pour enquêter sur ceux qui l'intéressent et obtenir des preuves acceptables. Ça nous ramène à ce qu'a dit M. Ménard autrement — et c'est ce que prévoit ce projet de loi avec le défenseur, une solution de rechange — il faudra adopter un modèle qui soit l'envie du monde. Ce que prévoit ce projet de loi n'est pas un modèle dont le reste du monde voudrait s'inspirer.
Je pourrais aborder d'autres points, mais je m'arrête ici, à moins que vous ne souhaitiez que je vous en dise plus long.
Est-ce que les autres témoins voudraient nous dire ce qu'ils pensent de l'idée d'intenter des poursuites aux termes du Code criminel plutôt qu'en vertu de la Loi sur l'immigration? Évidemment, la norme de preuve est différente.
D'un point de vue pratique, il y a actuellement cinq personnes faisant l'objet d'un certificat de sécurité. J'ai du mal à croire que, si la police ou les services de sécurité estiment que ces personnes représentent une menace, le Canada n'a pas les moyens de surveiller leurs activités et de prouver leur culpabilité, leur participation à des activités, et ce faisant, identifier leurs réseaux, ce qui serait une façon beaucoup plus efficace de lutter contre le terrorisme.
Quand la police enquête sur le crime organisé, elle n'arrête pas le premier suspect. Elle suit sa trace et établit des liens afin de pouvoir mettre la main sur le plus grand nombre de membres de cette organisation. On devrait adopter la même approche dans notre lutte contre le terrorisme.
Nous en faisons mention dans notre mémoire. Nous exprimons notre préoccupation devant le fait qu'on traite différemment ceux qui sont citoyens canadiens et ceux qui ne le sont pas. N'oublions pas que les immigrants et les réfugiés servent souvent de boucs émissaires et sont souvent victimes de préjudice et de stéréotype qu'il importe d'éviter le plus possible.
Le recours à des mesures d'immigration ne fait que renforcer ces stéréotypes négatifs. Pourquoi? Parce que ceux qui sont citoyens canadiens pourraient donner lieu aux mêmes inquiétudes que ceux qui font actuellement l'objet d'un certificat de sécurité, mais les citoyens canadiens ne peuvent, eux, être assujettis à un certificat de sécurité. On laisse donc entendre au public canadien que les non-citoyens, les immigrants et les réfugiés, que l'on voit dans les médias, pourraient représenter une menace pour la sécurité du Canada. Cela va tout à fait à l'encontre de l'objectif voulant que les nouveaux arrivants soient les bienvenus et que les nouveaux Canadiens s'intègrent à notre société.
Bon. Une minute.
J'ai oublié qui, mais un représentant de l'organisation de défense des réfugiés a affirmé que le public est plutôt sceptique devant les informations que lui fournissent la GRC et le SCRS, et vous avez donné des exemples. Je sais qu'il reste peu de temps, mais auriez-vous un modèle de surveillance à recommander?
Oui. Le Conseil canadien pour les réfugiés a prié instamment le gouvernement d'adopter des mécanismes de surveillance beaucoup plus étendus et des mesures de reddition de comptes, et nous le répétons dans tous nos mémoires.
Et ce serait particulièrement important pour l'Agence des services frontaliers du Canada, qui n'a fait l'objet d'aucun examen externe même si elle a un pouvoir d'arrestation et de détention.
Très brièvement, le juge O'Connor a suggéré une méthode exhaustive d'examen, mais nous attendons encore que le gouvernement l'adopte et qu'il examine le travail de toutes les agences et de tous les organismes du secteur policier et du renseignement.
C'est précisément ce que je voulais dire. Cela fait déjà plus d'un an. Quand ces réformes seront-elles mises en oeuvre? Quand la GRC et le ministre vous diront-ils comment ils ont donné suite aux recommandations du rapport Arar?
Merci beaucoup.
Je cède maintenant la parole au parti ministériel. Monsieur MacKenzie, vous avez la parole.
Merci, monsieur le président, et merci aux témoins.
Les questions vous porteront peut-être à croire que je n'apprécie pas votre présence, mais ce n'est pas le cas. Je le précise car je suis un député ministériel et que ce projet de loi est un projet de loi du gouvernement.
Monsieur Peschard, en particulier, j'ai constaté qu'il y avait des erreurs dans vos remarques. Premièrement, six personnes, et non pas cinq, font actuellement l'objet d'un certificat de sécurité. Vous avez aussi parlé de groupes ciblés et j'en conclus — vous me corrigerez si je me trompe — qu'il s'agit de groupes qui auraient été ciblés essentiellement depuis le 11 septembre. Il s'agirait donc de réfugiés qui seraient d'une façon ou d'une autre liés au terrorisme.
Me suis-je trompé dans mes conclusions? Si oui, n'hésitez pas à me le dire.
Je parlais des six personnes qui sont considérées comme représentant un risque pour la sécurité, d'après ce que nous savons, en raison de lien avec le terrorisme dont nous ignorons précisément la nature parce que, pour des raisons évidentes, nous ne savons pas quelles preuves ont été recueillies contre ces personnes.
Je vois.
Si je vous disais que trois de ces personnes étaient dans la mire des autorités bien avant le 11 septembre, qu'une a été arrêtée trois semaines après le 11 septembre et que seulement deux l'ont été depuis le 11 septembre, ça change un peu l'éclairage. Et dans le cas de la dernière personne pour laquelle le gouvernement a émis un certificat de sécurité, il s'agissait d'espionnage industriel.
Pour ma part, j'estime que les certificats de sécurité sont devenus ce qu'ils sont non pas en raison du terrorisme mais bien pour empêcher d'entrer au pays ceux dont on présume qu'ils représentent une menace. Cette menace peut être liée au crime organisé, à l'espionnage industriel ou au terrorisme.
Depuis 1991, 27 personnes ont fait l'objet de 28 certificats de sécurité. On ne se sert pas de cet outil pour exclure beaucoup de gens du pays. Les certificats de sécurité ne visent qu'un petit nombre de gens, vous en conviendrez avec moi — 27 personnes depuis 1991. La dernière personne ayant fait l'objet d'un certificat de sécurité a quitté le pays, elle a préféré entrer chez elle. Il ne s'agit donc pas seulement de cas liés aux événements du 11 septembre, mais de toutes sortes de cas dont certains remontent à bien avant cette date.
Ne croyez-vous pas que le pays a le droit souverain d'interdire l'entrée au pays de quiconque représente une menace pour les Canadiens?
Le niveau de justice qu'il faut appliquer doit être mesuré par rapport aux conséquences. La réalité est qu'en dépit des intentions du législateur, comme vous l'avez vous-même dit, le résultat est qu'il y a des gens qui, pendant des années, restent en détention perpétuelle. Lorsqu'ils sont libérés, c'est pour être assignés à résidence et ils risquent au bout du compte d'être déportés dans un pays où ils risquent la torture. C'est quelque chose de très grave. Cela équivaut à une condamnation pénale, et il est inacceptable d'exposer des gens à ce genre de traitement sans un procès juste et sans le droit de se défendre eux-mêmes.
Sur les 21 personnes qui ont quitté le Canada sous couvert d'un certificat de sécurité, pouvez-vous prouver qu'il y en a eu qui, à leur retour dans leur pays, ont été torturés ou maltraités d'une façon ou d'une autre?
Par contre, les gens que le gouvernement tente actuellement d'expulser, Charkaoui par exemple, risquent la torture s'ils sont renvoyés au Maroc.
Conviendriez-vous avec moi que la très grande majorité des gens tombant sous le coup d'un certificat de sécurité et dont nous avons traité ont fait valoir la même chose, certains d'entre eux étant même rentrés dans leur pays?
Et voici ce que j'aimerais savoir: pour tous ces gens qui étaient ici et qui, prétendaient-ils, risquaient la torture dans leur pays, avez-vous la preuve qu'ils aient effectivement été torturés à leur retour?
... mais je comprends bien qu'on puisse arriver avec de l'information. Je n'avais pas étudié de près les six cas qui font actuellement l'objet d'un certificat de sécurité, et il est parfaitement exact de dire que certains d'entre eux sont antérieurs au 11 septembre. Dans nos interventions, il est possible qu'un court-circuit se produise quelque part parce que, depuis le 11 septembre, une des choses qui nous préoccupent beaucoup est précisément ce risque qu'il y a, pour les membres de tel ou tel groupe, d'être victimes d'un stéréotype.
Pourtant, depuis le 11 septembre, le gouvernement précédent, pas plus que celui-ci, n'a utilisé bon gré mal gré les certificats de sécurité, et d'ailleurs la loi elle-même existait déjà bien avant que le terrorisme ne prenne le visage que nous lui connaissons aujourd'hui.
D'après ce que j'ai cru comprendre, cette loi était destinée à permettre d'intervenir dans toutes sortes de cas, par exemple de gens qui ne seraient pas admissibles ici mais qui, pour une raison ou une autre, ne voulaient pas retourner dans leur pays. Si nous avions eu des membres du crime organisé... Et je comprends fort bien qu'on hésite à invoquer le Code criminel. Vous faites preuve de loyauté. Vous devez admettre, je n'en doute pas, qu'une organisation criminelle est-européenne pourrait souhaiter envoyer ici certains de ses membres pour y créer une cellule locale. Alors pouvez-vous me dire comment nous pourrions nous y prendre pour lancer des poursuites au Canada? De quelle façon pourrions-nous invoquer le Code criminel?
Je voudrais revenir à l'intention qui était la nôtre lorsque nous avons voulu témoigner devant vous.
La question était en substance de déterminer si le projet C-3 était une bonne réponse aux objections formulées par la Cour suprême à l'endroit du processus. Notre réponse est non et c'est la raison pour laquelle nous sommes ici.
Absolument, je n'en disconviens pas, et je sais également que l'avocat a pour rôle de défendre ses clients, ce qui est tout à fait normal. Je ne reviens pas là-dessus.
Par contre, je voulais simplement dire qu'à mes yeux, vous avez très certainement un souci fort légitime dans votre perspective à vous. Il semble que les préoccupations vont plus loin que...
Ce que j'entends dire, c'est que le système anglais est mauvais et que le système canadien est le meilleur. Pouvez-vous nous dire si vous avez un peu étudié le fonctionnement du système français et du système allemand?
Si vous me permettez, je vous dirais qu'il est utile de mentionner que de nombreux pays européens et d'autres également ont préféré avoir recours au droit pénal et cela beaucoup plus souvent que le Canada. Cela ne veut pas dire pour autant que ces pays n'adoptent pas à l'occasion aussi certaines procédures en matière d'immigration, mais on peut facilement voir, en France par exemple, que dans des causes de terrorisme, les poursuites pénales aboutissent beaucoup plus qu'ici. Même aux États-Unis, il y a par exemple eu le cas d'Ahmed Ressam, que les médias avaient appelé le millennium bomber et qui avait été jugé par un tribunal pénal tout à fait ordinaire à partir de preuves tout à fait conformes à la procédure pénale normale.
Si vous me permettez de vous interrompre un petit instant, je dois vous rappeler que cela s'est passé aux États-Unis alors que nous parlons ici de gens qui veulent venir au Canada et que nous considérons à leur arrivée comme une menace pour nous.
Je voudrais également fait valoir autre chose, si vous le voulez bien, en réponse à ce que vous disiez à propos des procédures associées aux certificats de sécurité qui ne sont pas invoquées très souvent dans l'ensemble, de sorte qu'il n'y a pas vraiment lieu pour nous de monter aux barricades puisque cela ne touche qu'un tout petit nombre de gens.
Je voudrais répondre deux choses à cela: tout d'abord, même si les certificats de sécurité ne concernent directement qu'un tout petit nombre de gens, cela ne justifie pas pour autant qu'il y ait des vices dans la procédure. Même s'il n'y avait qu'une personne au Canada à être la victime d'un système foncièrement injuste, nous serions tous et tout autant gravement préoccupés.
En second lieu, il faut à mon avis impérativement comprendre que même si les procédures relatives aux certificats de sécurité s'appliquent aux particuliers, le fait qu'elles existent dans le droit canadien touchent de vastes communautés où vivent ces gens. En particulier, le milieu des réfugiés des immigrants a été profondément affecté par l'existence de ces procédures et il a été gravement souillé par la généralisation que ces procédures ont entraînée. Tout le problème du racisme et du profilage racial qui existait déjà bien avant le 11 septembre, mais qui s'est trouvé aggravé après cet attentat fait partie intégrante de la procédure associée aux certificats de sécurité. À mon avis, il est important de ne pas oublier ce contexte, et il est à espérer que d'autres témoins que vous avez déjà entendus ou que vous serez appelés à entendre demain pourront éclairer davantage cette question.
Très bien, nous allons maintenant passer aux séries de questions de cinq minutes.
Monsieur Cullen, je vous en prie.
Merci, monsieur le président.
Je remercie les témoins. Je pense vous avoir sans doute déjà rencontrés tous sur ce même dossier, peut-être même déjà pendant l'avant-dernière législature, mais toujours sur le même texte de loi, et je vous remercie néanmoins d'être venus.
Je voudrais poursuivre dans le même sens que M. MacKenzie.
Ces 19 personnes ont été expulsées sous couvert d'un certificat de sécurité, mais à votre connaissance, aucune d'entre elles n'a perdu la vie ou été torturée. D'ailleurs, pour ces 19 personnes, peut-être n'ont-elles pas passées le test de l'évaluation de l'ERP, et peut-être sont-elles ainsi volontairement reparties dans leur pays. Mais vous n'avez pas réellement vérifié cela.
Lorsque je regarde la liste des gens qui sont en détention... En fait, j'ai une liste de six noms et je pense que vous n'en avez pour votre part que cinq.
Mais, ils sont six. Effectivement, c'est ce qu'on voit ici sur la liste.
L'un de ceux-là craint d'être torturé et mis à mort en Algérie. Un autre, craint la même chose en Syrie, un troisième, la torture et la mort au Maroc, deux autres, la torture et la mort en Égypte, et le dernier la torture et la mort au Sri Lanka. Avez-vous essayé de vérifier la crédibilité de ces affirmations?
Si je vous pose la question, c'est qu'il y a beaucoup de gens qui arrivent au Canada, qui revendiquent le statut de réfugié, qui se le font refuser, qui interjettent appel et qui se retrouvent devant la Cour fédérale. À ce niveau-là, ils perdent leur cause, et ils deviennent donc passibles de renvoi. À ce moment-là, ils présentent une demande d'évaluation des risques en disant qu'ils vont être torturés ou assassinés s'ils rentrent dans leur pays. Dans certains cas, cet argument est entendu et accueilli, mais très souvent, il ne l'est pas.
Vous êtes-vous interrogés sur la crédibilité des six personnes en question? Après tout, c'est bien une question de crédibilité, la crédibilité de ces affirmations lorsqu'ils prétendent qu'ils risquent la torture ou la mort dans leur pays d'origine.
Je dirais en fait qu'il n'y a pas que moi, la Cour suprême du Canada également a examiné la crédibilité de ces affirmations dans le cas de M. Suresh, l'une de ces personnes qui fait l'objet d'un certificat de sécurité et dont le nom figure dans la liste, et en l'occurence la Cour suprême du Canada a jugé qu'il y a à première vue effectivement un risque que M. Suresh soit torturé s'il rentrait au Sri Lanka. Il y a donc effectivement la Cour suprême du Canada qui a dit que les allégations de la personne en question étaient suffisamment fondées pour que M. Suresh puisse bénéficier d'une nouvelle audience et donc d'une réouverture de la procédure.
Quant aux faits qui concernent les autres cas cités, étant professeure de droit, je les ai étudiés très attentivement parce que ce sont des cas que j'expose à mes étudiants. Certes, il est toujours très difficile pour quelqu'un qui n'a pas directement accès à toute la preuve de se présenter ici devant vous et de vous affirmer avec conviction que nous savons ceci ou cela du dossier, parce qu'en réalité, ce que nous en savons, n'est qu'une toute petite partie du dossier soumis au tribunal.
Par contre, permettez-moi de vous demander à mon tour pourquoi vous posez cette question. Cela a-t-il vraiment de l'importance que nous ayons une opinion personnelle au sujet de la crédibilité ou de la non-crédibilité de quelqu'un? Au bout du compte, ce qui importe c'est que la procédure elle-même est viciée et qu'elle n'est pas le meilleur moyen de procéder vraiment à une évaluation de la crédibilité.
C'est quelque chose qui m'intéresse parce que bien souvent, dans les cas de ce genre — et pas exclusivement en ce qui concerne ces six détenus — les affirmations faites par des gens qui se réclament du statut de réfugié dont la demande a été refusée, qui ont fait appel et ainsi de suite, il est très rare, j'ai pu le voir moi-même, que leur crédibilité tienne la route.
Vous avez parlé de M. Suresh, mais il y en a cinq autres, et il y en a eu 19, dont certains, je le reconnais volontiers, sont peut-être volontairement rentrés dans leurs pays.
Mais, permettez-moi de revenir à ceci, existe-t-il une façon de faire en sorte que le projet de loi aboutisse? Que nous dites-vous en fait? Reconnaissez-vous la nécessité des certificats de sécurité?
Non, alors vous n'êtes pas en faveur de cela. En d'autres termes, si les audiences duraient jusqu'à la fin de février et si ces gens venaient à être libérées parce que le Parlement canadien n'aurait pas réussi à régler le problème, cela ne vous contrarierait pas, n'est-ce pas?
Il ne faut pas oublier que ces dispositions ne s'appliquent qu'à des non-citoyens canadiens. Nous n'avons aucunement lieu de penser qu'il n'y a que des non-citoyens canadiens qui représentent un risque pour le Canada. Par conséquent, si vous estimez collectivement que le Canada est en sécurité même s'il n'existe aucune disposition semblable qui s'appliquerait à ses propres citoyens, pourquoi ne serions-nous pas en sécurité si nous n'avons pas ce genre de dispositions pour des non-citoyens?
Je pense que vous n'avez pas répondu à ma question. Si tous ces gens étaient remis en liberté au Canada parce que l'échéance fixée par la Cour suprême n'a pas été respectée par le Parlement, cela vous préoccuperait-il? C'est une question toute simple.
S'il y avait quoi que ce soit de grave que nous pourrions reprocher à ces gens, je suis convaincu que la police et les services d'information feraient le nécessaire pour les inculper si nécessaire.
Pour ce qui est de leur crédibilité, je voudrais simplement signaler...
Mais justement, si vous me permettez, si des accusations pouvaient être portées, elles l'auraient été, soyez-en bien sûr.
Mais, poursuivez.
Je n'en suis pas certain. En fait, pour revenir à ce que j'ai déjà dit, je penserais plutôt que la procédure associée aux certificats de sécurité permet à la machine de raccourcir les enquêtes et d'apporter des renseignements qui, en fait, viennent court-circuiter la procédure.
Si la loi venait effectivement à tomber en février, pour revenir à ce que disait mon collègue, je suis convaincu que la machine de la sécurité publique, le SCRS et la GRC, ne permettrait pas que ces gens puissent opérer en toute impunité si, effectivement, ils représentent la menace qu'on leur attribue. Ils seraient surveillés de très près, ils seraient en fait beaucoup plus surveillés que quiconque pourrait l'être à mon avis. Et d'ailleurs, si c'était le cas, on parviendrait à réunir des preuves et des renseignements qui couperaient court à toute activité terroriste à laquelle ils pourraient se livrer. Cela pourrait même aller jusqu'à empêcher un acte de terrorisme.
Monsieur Mollard, vous ne vous en souvenez peut-être même pas, et ce n'était d'ailleurs peut-être pas vous, mais, pendant l'avant-dernière législature, nous avions entendu en table ronde la B.C. Civil Liberties Association. J'avais beaucoup apprécié votre franchise, à l'époque — je pense bien que c'était peut-être vous, mais c'était peut-être un de vos collègues — lorsque j'avais posé une question sur le dossier d'un présumé assassin. Je dis « présumé », mais je pense qu'il a depuis reconnu qu'effectivement, cet Iranien était un assassin. J'avais demandé à votre collègue, sinon à vous, si, après avoir parcouru tout ce dossier vous auriez aimé que cette personne soit votre voisin, et je pense que c'était votre collègue qui avait dit non qu'il n'aimerait pas cela. J'avais alors dit: « Alors, votre problème est...? », et il avait répondu que c'était la procédure.
Ce que nous avons ici, c'est une nouvelle procédure avec un défenseur, mais vous nous dites qu'à votre avis, cette procédure demeure néanmoins viciée. Est-ce bien cela?
Ce n'était pas moi, monsieur Cullen. Je ne sais pas de qui il s'agissait, mais à n'en pas douter, il y a dans notre monde des gens qui sont méchants. Je ne pense pas que quiconque veuille laisser entendre qu'il n'existe aucune menace pour la sécurité du Canada qui puisse être associée à des gens qui se livrent à des activités terroristes, et je suis d'ailleurs moi-même très heureux que nous ayons au Canada une telle machine qui travaille pour la sécurité et qui peut se charger de ce genre de travail.
Il faut en revanche voir avec un certain scepticisme une partie du travail effectuée par cette machine et aussi être très prudent en ce qui concerne les mécanismes de responsabilisation dont nous nous sommes dotés, parce que nous savons qu'ils donnent lieu à des erreurs. Nous savons que parfois on arrondit les angles et d'ailleurs les preuves dans ce sens ne manquent pas dans le cas de l'affaire Arar.
J'ai déclaré que l'autre éventualité, si on ne laisse pas le système actuel mourir de sa belle mort et si on veut conserver le programme des certificats de sécurité et si on veut pouvoir avoir recours aux défenseurs, je ne pense pas que le projet de loi dont vous êtes saisis actuellement puisse résister à l'épreuve de la norme constitutionnelle des principes de la justice fondamentale exigée par la Cour suprême du Canada. C'est cela qui à mon avis, doit essentiellement guider vos délibérations.
Je pense qu'il y aurait toute sorte de choses possibles. J'imagine que vous avez entendu déjà d'autres témoins à ce sujet. Je sais que M. Waldman et M. Forcese sont venus témoigner devant vous. mais il y a toutes sortes de choses possibles. Il y a la divulgation complète, pas uniquement la divulgation au bénéfice du tribunal; d'ailleurs, toute l'information réunie par l'État sur la personne en question, et qui pourrait également contenir des preuves disculpatoires et des preuves susceptibles de l'exonérer complètement, devrait être mise à la disposition du défenseur.
Je pense que nous avons déjà fait valoir que ce défenseur devrait pouvoir avoir accès a posteriori de façon inconditionnelle à la personne faisant l'objet d'un certificat de sécurité. Arrêtez-moi si c'est nécessaire, parce que j'imagine que vous avez déjà tout entendu cela.
[Français]
Je comprends parfaitement que si on s'inquiète du sort des 21 personnes expulsées, c'est probablement parce qu'elles ont été expulsées, justement, parce que'elles ne risquaient pas la torture.
Notre grande préoccupation actuelle concerne les gens qui risquent la torture ou la mort et qui ont fait l'objet d'une expulsion. Quand je lis le jugement de la Cour suprême, c'est justement à cause des conséquences très importantes, comme l'incarcération pour une période indéterminée, qu'elle demande d'avoir des exigences qui ressemblent beaucoup aux exigences en matière criminelle. J'imagine que si ces personnes choisissent le confort de nos prisons plutôt que de retourner chez elles, ce n'est pas parce qu'elles seraient si mal chez elles, c'est parce qu'elles risquent d'être en prison. C'est ce dont je m'occupe principalement.
Pour reprendre une expression que j'entends souvent, c'est vrai que cet ordre d'expulsion est une prison à trois murs. Si je continue la comparaison, il y a des circonstances où la prison a trois murs et un précipice du quatrième côté. C'est dans ces cas que, avant d'y projeter les gens, nous devons nous assurer d'avoir davantage que d'un simple ordre d'expulsion.
Je ne veux pas entrer dans le sujet à savoir si on devrait, dans les cas où on est en présence de gens qui risquent véritablement la mort s'ils sont expulsés, demander une procédure plus exigeante ou encore une preuve plus solide que dans les cas où il s'agit tout simplement d'un ordre d'expulsion, car d'autres sujets me préoccupent. Cependant, je pense que c'est aussi un sujet que l'on pourrait aborder. D'ailleurs, il me semble que les critères devraient être de plus en plus exigeants si la détention se poursuit pendant plusieurs années.
Sur un autre sujet, personne n'a parlé de l'appel. Êtes-vous satisfaits du fait que cet appel, qui est purement administratif, est peut-être accessible et acceptable dans des cas où on a de simples décisions d'ordre administratif qui n'impliquent pas la perte de la liberté? Êtes-vous satisfaits de ce type d'appel?
Personnellement, je ne connais pas d'exigences aussi élevées pour faire un appel. Si j'étais la personne visée, je me dirais que ce type d'appel est peut-être bien gentil pour l'avancement du droit, mais cela ne me rassurerait pas beaucoup de savoir que celui qui décide que je dois rester en prison de façon indéterminée est aussi celui qui rédigera mon avis d'appel pour le présenter devant un juge d'appel.
Avez-vous des commentaires à faire sur l'appel?
Vous parlez d'un problème qui existe dans le droit d'immigration qui ne touche pas seulement ceux qui sont assujettis aux certificats de sécurité, mais tous ceux qui font l'objet d'une décision en immigration. L'appel est limité à un contrôle judiciaire, et un appel de cette décision de la première instance de la Cour fédérale se fait avec autorisation seulement, et c'est au juge de la première instance de certifier des questions. De notre point de vue, cela représente une limitation importante aux droits des nouveaux citoyens.
Êtes-vous d'accord avec moi pour dire qu'on devrait leur donner au moins autant de droits qu'un accusé qui risque une peine de prison déterminée?
Étant donné que ce qui est en jeu n'est pas l'expulsion, puisque ces gens ne peuvent être expulsés sans risquer la mort, avant qu'on les projette dans le précipice, ne pourraient-ils pas bénéficier d'un droit d'appel équivalent à ceux qu'on envoie simplement en prison pour un temps déterminé, c'est-à-dire un appel sur des questions de droit, des questions de fait, des questions mixtes de droit et de fait, de façon à ce qu'il n'y ait pas qu'une seule personne qui porte la responsabilité de les détenir pour un temps indéterminé?
Évidemment, il est étonnant qu'on donne si peu de droits à quelqu'un qui fait face à une détention à long terme et à une expulsion éventuelle vers la persécution, la torture et même la mort.
J'ai une autre question à poser.
Monsieur Mollard, je suis parfaitement conscient des suggestions que vous nous faites et de celles auxquelles vous référez. C'est certain que nous penserons à améliorer le processus.
Vous avez fait allusion à une chose très importante. Si je vous comprends bien, l'avocat spécial devrait avoir les moyens d'en connaître plus que le juge et devrait pouvoir consulter les dossiers des agences de sécurité pour connaître des éléments qui tendraient à démontrer que la personne n'est pas reliée à... Par exemple, je pense à M. Charkaoui, qui semble comprendre un peu pourquoi on l'a arrêté et qui cherche à y répondre.
Comment voyez-vous le fonctionnement pratique de cela? Est-ce qu'on doit donner un accès illimité à ces avocats spéciaux? J'essaie de voir comment cela pourrait fonctionner.
[Traduction]
Très brièvement, il y a une ou deux choses. D'abord, il y a assurément l'accès à l'intégralité du dossier de l'État, et pas uniquement l'information qui est remise au tribunal. Ensuite, la possibilité de voir cette communication avec la personne qui fait l'objet du certificat sera essentielle dans une certaine mesure — et le défenseur, son propre avocat — de manière à apporter l'information nécessaire, la preuve nécessaire de sorte que le défenseur puisse peut-être citer des témoins et apporter d'autres preuves documentaires susceptibles peut-être de contester, voire de contredire la position de l'État.
Je voudrais rapidement expliciter cela, et il s'agit de la page 326 du rapport de l'enquête Arar. Je voudrais vous citer ce texte, parce qu'il parle de la tendance qu'a l'État — et cela est assurément apparu très clairement pendant l'enquête Arar — de se réclamer à l'excès de la confidentialité pour raison de sécurité nationale. Voici ce qu'il en est, et les mots sont du juge O'Connor:
Toutefois, la partie publique des travaux de la Commission aurait pu être plus complète, si, pendant un an, le gouvernement n'avait pas formulé des recommandations CSN à l'égard d'une bonne partie de l'information qui, en fin de compte, a été rendue publique soit par suite de la décision du gouvernement de réexpurger certaines parties du document à partir de juin 2005, soit par l'intermédiaire de ce rapport. Tout au long des audiences à huis clos, qui ont pris fin en avril 2005, et durant le premier mois des audiences publiques, en mai 2005, le gouvernement a continué de faire valoir des réclamations CSN à propos d'information qu'il a depuis reconnu pouvoir être divulguée. Cette multiplication des revendications CSN du gouvernement ne respectait pas l'assurance qu'il avait donnée au début des travaux de la commission, selon laquelle ses premières réclamations CSN refléteraient sa position réfléchie et viseraient à maximer la divulgation. Les premières revendications CSN du gouvernement n'étaient pas censées représenter une position de négociation de départ.
En fait, il sera toujours vrai que le gouvernement, dans ses revendications CSN, aura probablement tendance à exagérer l'affaire. Il va se montrer conservateur. Et je ne veux pas nécessairement dire que cela soit néfaste.
Mais je voulais simplement dire cela pour le compte rendu parce qu'à mon avis, c'est extrêmement important.
Merci, monsieur le président.
Je relis ici le mémoire du Conseil canadien pour les réfugiés. Dans l'un des premiers paragraphes de la première page, on peut lire ceci: « La réponse du Canada à des menaces potentielles à la sécurité devrait se fonder sur un engagement sans réserves à respecter les droits de la personne et ne devrait pas reposer sur des distinctions entre citoyens et non-citoyens. »
Je dirais quant à moi que les distinctions font partie de la démarche de l'immigration. Il y a des distinctions qui reposent sur les compétences. Il y en a d'autres qui sont basées sur des actifs financiers, sur le parrainage, sur des quotas selon le pays d'origine ou encore l'âge. Il y a toutes sortes de distinctions lorsqu'il s'agit d'immigrants au Canada. Pourquoi donc ne pas en avoir pour ce qui est d'une association avec des éléments criminels ou terroristes?
On parle du principe ici que ces certificats sont émis parce qu'on peut effectivement accuser une personne d'avoir violé la loi ou d'avoir commis un acte terroriste. Mais en réalité, ce n'est pas le cas. En ce qui me concerne, la décision est ici de savoir si la personne en question, par association, représente une menace pour la société canadienne et s'il convient ainsi ou non de l'accepter sur notre territoire. Est-ce que je me trompe?
Je me ferai un plaisir de répondre à vos préoccupations.
Il est vrai que, par nature, la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés introduit des discriminations de toutes sortes de façons. Il y a foncièrement de la discrimination au niveau de la gestion du programme d'immigration du Canada relativement à des objectifs, etc. Une distinction est faite entre certaines catégories et types de candidats à l'immigration, mais c'est tout autre chose que d'accepter une discrimination portant sur d'éventuelles activités de gens qui sont au Canada, qu'ils soient citoyens ou non. Je vous exhorte à tenir compte de cette distinction fondamentale.
Ce que fait la procédure relative aux certificats de sécurité dans le cas de quelqu'un pouvant ou non représenter une menace pour la sécurité, c'est de tout simplement considérer un non-citoyen comme quelqu'un qui sera assujetti à une procédure entièrement distincte. Le CCR ne suggère pas que le gouvernement n'a pas le droit de décider en dernier ressort si quelqu'un peut rester ou non, sous réserve bien entendu des engagements pris en matière des droits de la personne visant à ne pas déporter une personne dans un pays où elle risque la torture. Le gouvernement conserve ce plein pouvoir, mais la façon dont nous traitons du cas de quelqu'un qui est déjà au Canada doit être conforme aux protections légales que quiconque, citoyen ou non-citoyen, est en droit d'escompter lorsqu'il est au Canada. La Charte des droits reconnaît qu'il peut y avoir un traitement différent pour les citoyens et les non-citoyens au niveau de la mobilité, du droit de vote, mais pas pour ce qui est du droit à une procédure équitable et pas non plus en ce qui concerne le respect des droits qui sont ancrés dans les libertés fondamentales et la protection de la sécurité de la personne.
Si vous me permettez de vous donner simplement un exemple, en cas de meurtre, nous ne faisons pas la différence entre un citoyen et un non-citoyen. S'il y a meurtre, meurtre commis par un citoyen ou un non-citoyen l'un comme l'autre sera traduit devant les tribunaux. Ce que nous disons ici, c'est que les cas de terrorisme devraient être traités de cette façon, ce qui n'empêche que si quelqu'un est condamné pour meurtre mais n'est pas citoyen canadien, il est passible de déportation, ce qui ne sera pas le cas pour un citoyen. Mais la première réponse, la façon de traiter les cas de meurtre, consiste à passer par le système de justice pénale, lequel ne fait pas la différence entre un citoyen et un non-citoyen.
Il me semble qu'il y a en l'occurrence deux types de procédures. Il y a la procédure judiciaire et il y a la procédure de l'immigration, et elles ne me semblent pas être distinctes dans ce cas, alors que je pense qu'elles devraient l'être. La politique en matière d'immigration devrait être déterminée par le peuple pour savoir si oui ou non, par association...
Lors de notre réunion précédente, j'ai donné l'exemple de quelqu'un placé sous surveillance dans son pays d'origine et qui, par conséquent, est presque certainement associé au crime organisé, même s'il n'existe aucune preuve à cet effet. La personne en question pourrait venir dans notre pays, mais nous n'avons aucune preuve sur ses activités illégales. Cela étant, l'information donnée par la police ou par Interpol démontrerait que la personne en question est probablement associée...
Accepterez-vous que ce genre de personnes soient admises au Canada?
Parlons-nous vraiment de ce genre de cas? Lorsque vous parlez du « crime organisé », je crois comprendre que la Cour suprême a décrété que le recours à des preuves secrètes était une violation de l'article 7, mais que ce recours pouvait se justifier en vertu de l'article 1 lorsque la sécurité nationale est en cause. Je ne suis pas persuadée que l'appartenance à une organisation criminelle constituerait une urgence telle qu'elle puisse justifier une limitation des droits aux termes de l'article 1.
C'est précisément pour cette raison que ce projet de loi a été présenté. La Loi sur la preuve permet la production de preuves secrètes lors de procès criminels. Il s'agit bien de cela, de procès criminels. Pour moi, il y a une différence. Je parle plutôt de la procédure dans les cas d'immigration.
Il faut par ailleurs également définir le terme « secrète ». C'est une autre difficulté. Personnellement, j'ai beaucoup de mal à faire la distinction entre la nécessité d'un certificat en matière d'immigration et la nécessité d'un certificat dans le cas de quelqu'un qui représente une menace avérée en raison de ses activités criminelles, d'activités terroristes ou d'activités d'espionnage.
Vous avez mentionné la Loi sur la preuve au Canada. Nous pensons qu'il y a peut-être là des éléments de solution utiles étant donné que la Loi sur la preuve au Canada dit qu'il peut exister des renseignements délicats dans certaines circonstances; mais elle prévoit un mécanisme beaucoup plus flexible lorsqu'il s'agit de protéger ce genre d'information ainsi que les intérêts de la personne visée. Dans le cas du projet de loi C-3, on se demande entre autre pourquoi il semble y avoir cette disposition du tout ou rien. Ou bien le gouvernement craint que l'on divulgue des informations — au quel cas, il n'y a aucune divulgation — ou alors on dévoile tout devant le tribunal. On se demande alors pourquoi vous n'avez pas envisagé une approche plus nuancée et plus flexible qui favoriserait le respect des droits de la personne visée tout en prenant en compte des nécessités de la divulgation ou de la non-divulgation dans un cas particulier.
J'imagine que ce qui compte pour moi, ce sont les droits de la personne. Il pourrait aussi s'agir d'un cas où la personne n'a pas de ressources financières, mais on ne saurait l'empêcher d'entrer au Canada à cause de cela. On porte atteinte aux droits des personnes dans tout ce processus parce qu'on établit des distinctions entre les gens qui immigrent au Canada, dans le cadre de la procédure.
Merci beaucoup.
Merci à tous d'être venus aujourd'hui et de nous avoir fait part de vos avis.
Au cours des quelques derniers jours, divers témoins nous ont fait d'excellentes suggestions relativement aux amendements, mais il s'agit d'un projet de loi qui nous a été soumis après la deuxième lecture, et certains de ces amendements, dans le cadre de notre procédure, seraient en marge du projet de loi et ne seraient probablement pas recevables, et nous ne pourrions pas y donner suite. Je vais donc m'en tenir à quelques éléments que l'on pourrait inclure, je l'espère, dans le projet de loi, et qui pourraient prendre la forme d'un amendement.
Je veux tout d'abord vous demander votre avis sur la confidentialité, en ce qui concerne le défenseur, sur le degré de confidentialité qu'on pourrait définir dans ce projet de loi afin de l'améliorer.
J'aimerais aussi savoir si à votre avis la personne visée devrait pouvoir choisir son avocat. Je crois encore que cela pourrait s'inscrire dans le projet de loi, que nous pourrions faire quelque chose d'utile de ce côté.
Troisièmement, l'une des choses qui me préoccupe le plus, comme on l'a vu dans d'autres pays, c'est la question des ressources concernant les défenseurs. Que devrait faire le gouvernement pour faciliter le travail du défenseur, si c'est la voie que nous privilégions? Qu'est-ce qui serait nécessaire à votre avis?
Peu importe qui répondra en premier, mais j'aimerais entendre votre opinion à tous.
Merci. Je n'ai que cinq minutes.
Je peux peut-être répondre tout de suite.
Si vous retenez ce projet de loi et voulez l'améliorer, j'ai dit que si vous allez avoir recours au défenseur, vous voudrez lui donner des conditions de travail idéales.
Vous avez mentionné d'autres aspects qui permettraient d'améliorer ce projet de loi.
Si j'ai bien compris, le projet de loi, sous son libellé actuel, dit bien qu'il n'existe pas de relation privilégiée avocat-client entre le défenseur et la personne visée. Cependant, une des améliorations proposée consiste à permettre au défenseur de discuter de l'affaire après avoir eu accès aux renseignements secrets et aussi de conserver, même s'il ne s'agit pas d'une relation privilégiée typique entre l'avocat et son client, l'obligation d'assurer la confidentialité entre le défenseur et son client.
Je crois qu'il est important de pouvoir choisir son avocat. L'un des principes essentiels de la procédure équitable est que la personne visée puisse choisir son avocat. Nous aimerions avoir un système où la personne visée aurait un plus grand choix.
On ne sait pas vraiment comment cela est supposé fonctionner, parce qu'une bonne part de la procédure sera précisée par voie de règlement. L'indépendance de l'avocat est un élément très important ici aussi, l'indépendance par rapport à l'État. Je crois savoir que le juge est censé nommer le défenseur, mais il est évident que le juge choisira à partir d'une liste établie par l'État, il y a donc un vrai point d'interrogation ici au niveau de l'indépendance du défenseur.
Quant aux ressources pour les défenseurs, dans ce genre de cas, bien sûr, la preuve est très volumineuse. Si vous avez recours à un défenseur, il faudra vous assurer que cette personne dispose des ressources et de l'assistance nécessaires pour passer au peigne fin cette preuve volumineuse, car il y aura beaucoup de preuves.
Nous avons mentionné dans notre mémoire divers cas particuliers où le modèle du défenseur, comme on l'appelle, est un modèle minimaliste, le pire qui soit. Nous croyons que vous vous trompez d'entrée de jeu parce que nous ne pensons que cette façon est celle qui portera le moins atteinte aux droits de la personne visée, et nous n'entrevoyons pas la nécessité du processus relatif aux certificats de sécurité.
Quelqu'un d'autre?
Voulez-vous intervenir, madame Barnes? Il semble que les autres n'aient rien à dire.
Je crois que nous avons déjà fait valoir notre point de vue, à savoir que nous ne sommes pas d'accord avec la procédure relative aux certificats de sécurité, même si elle est améliorée légèrement d'une manière ou d'une autre. Nous avons mentionné dans notre mémoire les problèmes essentiels que soulève cette procédure, et nous ne croyons pas que le modèle du défenseur, amélioré ou non, permettra de régler cette question. Nous pensons que la sécurité du Canada peut être garantie sans avoir recours à des certificats de sécurité. C'est ce que nous pensons.
D'accord.
Monsieur Mollard, vous avez proposé diverses améliorations. Si l'on apporte ces améliorations, pensez-vous que ce projet de loi sera contesté quand même.
Oui, je le crois.
Il est porté atteinte aux principes de la justice fondamentale tant et aussi longtemps que la personne visée par le certificat n'a pas entièrement accès à toutes les informations, qu'elle ignore les preuves qui pèsent contre elle et qu'elle ne peut vraiment pas se défendre. Je crois donc que le projet de loi fera l'objet de contestations.
Eh bien, il s'agit de savoir...
Je tiens à déclarer qu'il y a une meilleure façon de procéder au niveau des poursuites au criminel et même de la surveillance des personnes. Même si ce projet de loi ne passe pas, il y a encore une solution. Mais si vous établissez ce processus avec le défenseur, vous aurez beaucoup de choses à faire.
Il existe d'autres modèles. Par exemple, dans le cas d'Air India, le procureur chargé du dossier avait accès, si je comprends bien — et l'on peut me corriger si j'ai tort — aux renseignements secrets. L'avocat de ces personnes connaissait les renseignements secrets, donc l'avocat de ces personnes avait accès à ces informations, et il ne s'agissait même pas d'un défenseur au sens de ce projet de loi.
Il existe même un modèle plus solide, où l'avocat a toutes sortes de liens, a accès aux renseignements de fond, connaît parfaitement le dossier et conserve sa relation privilégiée avec son client.
Merci, monsieur le président.
S'il reste un peu de temps, j'aimerais partager mon temps de parole avec mon collègue, M. Brown.
Je n'ai qu'une question. Si j'ai bien compris, vous préférez collectivement que le Canada ait une politique de porte ouverte à l'égard de l'immigration et des réfugiés, et qu'une fois qu'une personne entre au pays, il incombe au service de police d'intenter des poursuites au criminel. Vous ai-je bien compris?
Aucun d'entre nous n'a dit cela — certainement pas en termes aussi clairs — à savoir que le Canada devrait avoir une politique de porte ouverte. Et nous croyons savoir que le texte même de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés établit des distinctions.
Nous parlons de la façon dont sont traités les gens une fois qu'ils sont entrés au Canada.
Vous préférez donc qu'on utilise le Code criminel. Comment serait-ce possible si on ne les laisse pas entrer et qu'on s'en remet ensuite à la police?
En fait, comme deux de nos collègues l'ont dit, le Code criminel lui-même comporte tout un éventail de mesures préventives qui ont été adoptées dans la foulée du 11 septembre, et ces outils nous permettent largement de contrer les menaces réelles à la sécurité.
Par exemple, pour justifier les certificats de sécurité, le gouvernement invoque souvent le fait que c'est parce que nous n'avons pas assez de preuves sur ces personnes. On sait qu'il faut s'en méfier. Ils sont douteux. Nous avons des renseignements. Nous disposons de certaines preuves, mais nous n'avons sûrement pas assez de preuves pour intenter des poursuites au criminel. C'est pourquoi nous voulons une procédure expéditive qui nous permettra de renvoyer ces personnes hors du pays.
Eh bien, nous répondrons à cela qu'on ne peut pas recourir à des mesures expéditives lorsque les droits fondamentaux d'une personne sont en jeu. Mais ce que vous pouvez faire...
Peu importe.
Mais ce que vous pouvez faire, c'est mobiliser les outils d'enquête que vous donne le Code criminel pour réunir suffisamment de preuves pour intenter des poursuites ou, dans de nombreux cas, pour extrader la personne si elle est accusée d'avoir commis des crimes.
Mais peut-on extrader quelqu'un parce qu'on lui reproche d'être au Canada dans un but particulier?
Si on peut les empêcher d'entrer... Je comprends l'aspect poursuite de la chose, et j'aimerais vous poser une autre question. J'apprécie ce que font les avocats et ce que vous faites pour protéger les intérêts de la personne et tout le reste. Mais, est-ce que l'un d'entre vous a déjà défendu une victime devant un tribunal, ou une industrie ou une firme qui a été victime d'espionnage industriel ou d'une activité criminelle? Et si c'est le cas, dites-le moi. Mais, si je comprends bien, vous avez pour rôle de défendre la personne. Et ça, ça va, je comprends. Je ne vous fais aucun reproche.
Mais comment allons-nous, nous l'État, défendre les intérêts des Canadiens, de tous les Canadiens, et pas seulement des individus qui ne sont peut être pas au Canada...?
Eh bien, il existe divers degrés de menace. Vous parlez maintenant d'espionnage. L'espionnage ne menace pas directement la vie des Canadiens de la même façon qu'un acte terroriste, et nous ne voyons pas pourquoi une personne accusée d'espionnage devrait être traitée différemment, qu'il s'agisse d'un citoyen canadien ou d'un étranger.
Nous sommes ici parce que M. Almrei est privé de liberté depuis plus de six ans, parce qu'il ne sait pas quelle preuve pèse contre lui, parce qu'il ne peut pas se défendre et parce sa détention pourrait durer toute sa vie. C'est pour ça que nous sommes ici; nous affirmons que cela va à l'encontre de tous les principes fondamentaux en matière de droits de la personne.
Nous défendons ces principes; nous ne sommes pas ici pour défendre des personnes ou pour mettre en péril des sociétés face au danger que ces personnes posent. Nous sommes ici pour défendre ces principes. Nous affirmons que la lutte contre le terrorisme ou le crime organisé, ou ce que vous voulez, peut-être menée dans le respect intégral des principes fondamentaux dont les êtres humains se sont dotés.
Je comprends cela, et cela ne me pose aucun problème; je respecte ce rôle que vous jouez. Mais qu'allons-nous faire nous des Canadiens? Nous avons entendu ici la semaine dernière une veuve d'une victime du 11 septembre. Comment allons-nous lui expliquer que nous allons protéger l'intérêt de ces personnes? Les victimes d'Air India nous demandent ce que nous avons fait pour les protéger, et manifestement, nous n'en avons pas assez fait?
Monsieur le président, juste une question.
Il est évident que la Cour suprême a maintenu le régime du certificat de sécurité, et vous nous dites tous aujourd'hui que vous ne voulez rien en savoir; vous pensez que ce régime ne devrait même pas exister.
Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est chercher des moyens d'améliorer la situation ainsi que le régime. Dans les quelques minutes qui nous restent, j'aimerais savoir ce que... Vous ne pourrez peut-être pas nous répondre parce que vous n'avez pas foi en ce régime, mais pourriez-vous nous donner des informations qui nous permettraient d'améliorer ce projet de loi et ainsi vous satisfaire quelque peu? Ce n'est peut-être pas possible, mais vous tenez là l'occasion de nous donner votre avis.
Je vous en remercie.
J'aimerais revenir à la question de l'article 86 parce qu'on a toujours tendance à parler des certificats de sécurité. Je crois comprendre que c'est la question la plus sérieuse qui se pose dans le projet de loi pour ce qui s'agit des droits de la personne, mais l'article 86 est une disposition importante. Il a été invoqué en de multiples occasions — plus que le certificat de sécurité, me semble-t-il — et nous devons songer à l'avenir et aux moyens dont on pourra utiliser cette disposition à l'avenir, je vous invite donc à songer à limiter davantage l'utilisation des renseignements secrets, sinon à cesser cette pratique.
Est-ce que quelqu'un d'autre veut intervenir pour conclure? Nous devons aller voter à la Chambre dans un instant.
En fait, le problème, c'est bien sûr la preuve secrète, mais vous savez, en protégeant ces valeurs fondamentales qui font maintenant partie du droit international auquel le Canada adhère par voie de diverses conventions et divers traités, nous protégeons chacun d'entre nous ici présents. Ce sont nos droits dont nous parlons, et non des droits de quelques éléments criminels qui vont mettre en péril notre société; il s'agit du droit qu'a chaque personne de ne pas être privée de sa liberté sans procédure équitable. C'est la seule chose que nous voulons. Si nous voulons une procédure équitable, nous ne l'obtiendrons pas avec cet amendement.
Merci.
Nous avons parlé des droits de ces personnes qui sont détenues, et je suis d'accord pour dire que c'est une question importante.
Qu'en est-il de la nécessité de protéger les renseignements qui nous viennent de nos alliés? Il serait dangereux que ces renseignements tombent entre de mauvaises mains. Autrement dit, nous cesserions de recevoir des renseignements utiles si nous trahissions la confiance de nos alliés? Y avez-vous songé?
D'abord, une des améliorations que nous proposons — et je ne suis pas sûr qu'on en ait discuté à fond aujourd'hui — c'est la nécessité d'interdire l'usage de renseignements s'il est raisonnable de croire qu'ils ont été obtenus par la torture ou par quelques autres moyens cruels, dégradants, inhumains.
Monsieur Cullen, vous avez vu la liste des six personnes détenues en vertu d'un certificat de sécurité. Notre organisation n'a fait aucune recherche en profondeur. D'ailleurs, nous ne le pouvons pas. Personne ne peut faire de recherche parce que personne n'a d'information crédible. On se demande d'ailleurs comment le défenseur pourrait avoir accès à ces informations.
Prenez cette liste, je crois que presque tous ces pays sont au haut de la liste des pays qui sont souvent bien connus dans le milieu des droits de la personne pour faire de la torture ou d'autres moyens cruels, dégradants, inhumains, etc. Il y a lieu de penser, à mon avis, que les renseignements provenant de ces régions et de ces services secrets ne devraient même pas être demandés par nos services de renseignements étant donné les pratiques en cours dans ces pays.
Si vous le permettez, je vais répondre à votre question sur les renseignements fournis par des pays alliés ne pratiquant peut-être pas la torture, et sur le fait que cela risquerait de tarir nos sources de renseignements. Nous pensons qu'il n'y a aucun mal à échanger des informations en tant que telles. On peut quand même protéger ces renseignements, mais on n'a pas besoin de s'en servir pour bâtir un dossier contre une personne. Autrement dit, rien n'empêche les services du gouvernement canadien de continuer à recevoir ces informations et d'assurer à leurs alliés que ces renseignements resteront confidentiels. Mais si ces services décident d'intenter des poursuites au criminel contre quelqu'un, ils doivent avoir des preuves corroborantes provenant de renseignements de sources ouvertes. Je dirais que dans les cas où il y a une menace réelle, aucune raison nous empêche de réunir des preuves dans le cadre d'un processus de surveillance ou autre, sans manquer à la parole donnée à nos alliés, et nos alliés n'auront aucune raison de s'inquiéter non plus.
J'espère que je suis clair. Autrement dit, vous pouvez vous servir de tous ces renseignements au niveau de l'enquête, mais lorsqu'il s'agit d'intenter des procédures, ces procédures doivent être fondées sur des preuves provenant de sources ouvertes, et vous n'aurez pas à vous inquiéter...
Je n'ai qu'une question qui fait suite à la sienne.
Votre façon de dire les choses m'intrigue — je comprends que vous soyez attaché à ces valeurs — et la façon dont vous proposez d'utiliser la preuve m'intéresse aussi, mais une fois que nous devons détenir une personne ou limiter sa liberté, nous devons alors avoir des preuves à nous que nous devrons produire nous-mêmes.
Ce qui me trouble dans ce raisonnement, c'est qu'on ne pourrait jamais détenir qui que ce soit en nous servant des renseignements que nous obtenons de l'étranger, à moins d'avoir la preuve qu'il y a une activité criminelle en cours chez nous. C'est le dilemme dans lequel se trouve les gouvernements. Je ne défends personne ici, mais si vous étiez au conseil des ministres, vous ne pourriez pas détenir qui que ce soit, vous ne pourriez pas déporter qui que ce soit en vertu du certificat de sécurité parce que vous n'auriez pas la preuve qu'un crime a été commis au Canada — preuve que vous pourriez recueillir, je suis d'accord avec vous; nous devrions être en mesure de faire cela.
Qu'allez-vous faire dans ces cas si vous avez des preuves que vous avez obtenues ailleurs et qui sont fiables et que vous ne pouvez pas vous en servir?
N'est-ce pas le même genre de dilemme où vous vous trouvez si la personne visée est citoyen canadien? Que faites-vous si la personne est citoyen canadien?
Ces gens-là, vous les avez sur les bras, non? Qu'ils soient nés au Canada ou qu'ils soient venus au Canada et aient acquis la citoyenneté canadienne, vous ne pouvez pas vous en débarrasser à moins de leur retirer leur citoyenneté légalement, et légitimement, et pour cela, il vous faut disposer de preuves.
Évidemment, si la personne est arrivée chez nous et qu'elle est sur le point de s'établir de façon permanente dans notre pays, mais que nous apprenons qu'elle est extrêmement dangereuse grâce à des preuves fournies par un allié fiable, mais que nous ne pouvons pas produire ces preuves dans un tribunal public, vous proposez alors de ne rien faire tant qu'on n'aura pas trouvé une preuve qui soit d'ici, qui est disponible, et qui prouve que la personne a commis une infraction. Il nous faudra obtenir des preuves de première main, que nous pourrons ensuite produire, et alors nous pourrons ensuite régler l'affaire.
Si l'on me permet de répondre rapidement, tout d'abord, s'il existe une preuve fiable — pas seulement des renseignements mais une preuve — d'une source étrangère, des preuves qui démontrent que cette personne qui vient d'arriver au Canada a commis des crimes ailleurs, il est évident qu'il existe des procédures pour extrader cette personne dans le respect des procédures légitimes qui existent dans l'autre pays.
Il faut alors se demander pourquoi. S'il s'agit d'un gouvernement que nous respectons, il doit exister dans ces pays une procédure démocratique et judiciaire parfaitement équitable.
[Français]
Oui, monsieur le président.
J'aimerais savoir si je résume bien votre pensée et celle que vous percevez du gouvernement. Je crois que la Cour suprême nous a expliqué pourquoi notre procédure n'était pas conforme à la Charte. Elle a dit au Parlement qu'il lui revenait de trouver une solution afin qu'elle soit conforme à la Charte, alors que le gouvernement semble avoir agi en disant que la Cour suprême a rendu une décision lui indiquant ce qu'il devait faire afin qu'elle soit conforme à la Charte.
Au fond, vous pensez que ce n'est pas ce que nous a dit la Cour suprême. C'est la première chose qu'elle nous a dite, et vous êtes venu ici pour nous aider à faire ce qu'il faut pour la rendre conforme à la Charte, n'est-ce pas?
Comme parlementaires, c'est à vous d'assumer votre responsabilité, de faire des choix pour le pays en conformité avec la Charte. Toutefois, vous n'êtes pas limités par ce qu'a dit la Cour suprême. Nous, comme membres de la société démocratique, nous vous encourageons à respecter le plus possible les droits de chacun dans notre société.
Elle nous a surtout dit que l'article 7 de la Charte canadienne s'applique à des gens qui ne sont pas des citoyens canadiens. C'est très, très important et c'est dans ce contexte qu'il faut prendre des décisions d'immigration.
[Traduction]