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NDDN Rapport du Comité

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SOINS OFFERTS AUX MILITAIRES CANADIENS MALADES OU BLESSÉS

Assurer la santé et le bien-être des membres des Forces canadiennes est une responsabilité commune incombant aux chefs, aux fournisseurs de soins de santé et aux militaires eux-mêmes. Cela comprend l’adoption d’une démarche pangouvernementale destinée à faire en sorte que ceux et celles qui servent leur pays et qui sont appelés à le faire en assumant une responsabilité illimitée reçoivent les soins et le soutien dont eux et leur famille ont besoin si jamais ils tombent malades ou sont blessés. C’est là le contrat social.
Contre-amiral Andrew Smith, chef du personnel militaire, 22 novembre 2012

Introduction

Le Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes (« le Comité ») s’intéresse depuis longtemps aux soins offerts aux membres des Forces armées canadiennes (FAC) malades ou blessés. Le dernier rapport sur la question, intitulé Pour de meilleurs soins : Services de santé offerts au personnel des Forces canadiennes, en particulier dans le cas des troubles de stress post-traumatique, remonte à 2009. On y conclut que, aussi efficaces soient les programmes et services de santé et de soutien social des FAC, ils peuvent être améliorés, surtout en ce qui concerne les soins offerts aux militaires qui souffrent de blessures liées au stress opérationnel (BSO) et en particulier du trouble de stress post-traumatique (TSPT). Dans son rapport, le Comité présentait 36 recommandations au gouvernement du Canada.

Notre intérêt pour les soins offerts aux militaires malades ou blessés n’a pas diminué, et nous avons entamé cette étude en vue d’examiner les améliorations apportées au cours de la mission du Canada en Afghanistan en ce qui concerne le traitement des blessures physiques et mentales, et les défis qu’il reste à relever. Au fil de l’étude, le Comité a relevé plusieurs thèmes récurrents, notamment la prévention, le traitement et les services de soutien pour les militaires malades ou blessés, la recherche et l’innovation, et le soutien offert aux familles militaires. Le Comité est persuadé que, pour prendre soin de leurs membres, le ministère de la Défense nationale (MDN) et les FAC doivent continuer d’améliorer tous ces aspects, tout au long des différentes étapes de la carrière des militaires : au recrutement, avant le déploiement, en théâtre d’opérations (pendant le déploiement), pendant la récupération post-déploiement et pendant la réintégration à la vie civile. Bien que le rapport porte sur tous les aspects de la carrière des militaires, la majorité des témoignages entendus portaient surtout sur le déploiement et la récupération. Aussi, une bonne partie des témoignages portaient sur les BSO, ce qui fait en sorte que le rapport porte davantage sur la santé mentale que sur les blessures physiques.

Depuis octobre 2011, le Comité a tenu 24 audiences sur les soins offerts aux militaires malades ou blessés. Il a reçu le témoignage de militaires souffrant de blessures physiques ou mentales, de proches de militaires malades ou blessés, de hauts dirigeants et de professionnels de la santé des FAC, de hauts dirigeants du MDN, de l’ombudsman du MDN et des FAC, de divers professionnels et associations de la santé civils, et d’organismes de bienfaisance. Le Comité a également passé une journée à la Garnison Petawawa pour visiter les établissements de santé et rencontrer des administrateurs et des professionnels de la santé, de même que des militaires malades ou blessés et leur famille.

Malgré la grande diversité des témoins entendus, le Comité a eu de la difficulté à amasser des éléments de preuve. Contrairement aux études internes menées par le MDN et les FAC, Statistique Canada et l’ombudsman du MDN et des FAC, le Comité ne bénéficie pas d’un accès illimité aux militaires malades ou blessés, ni à la documentation interne confidentielle du MDN et des FAC. Les règles de protection des renseignements personnels concernant la santé limitent, avec raison, l’information amassée pour chaque cas. Par conséquent, nous avons dû nous fier aux rapports publiés par ces organisations et aux témoignages de leurs représentants. De plus, certaines personnes que nous souhaitions entendre ont choisi de ne pas comparaître ou ne pouvaient pas le faire pour cause de griefs ou de litiges avec le MDN et les FAC à propos des sujets mêmes que nous voulions aborder. Il a fallu composer avec ces contrariétés. Nous avons pu, toutefois, recueillir le témoignage de militaires malades ou blessés qui ont choisi de venir nous faire part de leurs préoccupations. Certains étaient si exaspérés par certains aspects du système de soins de santé et de soutien qu’ils ont senti le besoin de venir témoigner devant le Comité pour être enfin entendus. De plus, nous nous faisions du souci pour un témoin en particulier qui aurait subi de l’intimidation de la part de ses supérieurs pour avoir décidé de témoigner devant le Comité. Nous les remercions tous de nous avoir raconté leurs expériences difficiles si simplement et parfois même avec humour, ce qui était particulièrement surprenant compte tenu des circonstances. Nous admirons leur résilience et leur souhaitons un prompt rétablissement et du succès dans leurs projets futurs.

À la lumière des témoignages recueillis et des informations publiques qu’il a compilées, le Comité convient de faire rapport des conclusions suivantes à la Chambre des communes.

Contexte

À la suite des compressions budgétaires en défense dans les années 1990, les services de santé des FAC ont subi des réductions substantielles qui ont entraîné la fermeture d’hôpitaux militaires et l’élimination d’autres services offerts aux militaires malades ou blessés, comme la réadaptation. En 2000, le MDN, par l’entremise du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, a lancé le projet Rx2000 pour moderniser et rehausser la norme des soins offerts aux militaires. Toutefois, au moment où Rx2000 a été préparé et autorisé, « l’Afghanistan ne figurait dans les plans de personne[1] ». Par conséquent, le programme se fondait sur ce qu’on pensait être plus ou moins des « besoins en temps de paix en matière de santé[2] ». La mission du Canada en Afghanistan (2001–2014) — le plus grand déploiement militaire canadien depuis la Seconde Guerre mondiale et la première grande opération de combat des forces armées depuis la guerre de Corée — a nécessité l’amélioration des programmes et des services de santé des FAC. D’ailleurs, les FAC ont admis qu’il fallait élaborer de nouveaux programmes, surtout en santé mentale et en réadaptation, afin de répondre aux besoins grandissants des militaires revenant au pays avec diverses blessures physiques ou mentales. Selon le commodore (à la retraite) Hans Jung, ancien médecin-chef des FAC, Rx2000 a servi de base pour étendre et améliorer les programmes et services de santé des FAC pendant les années en Afghanistan. Rx2000 a été « bien réfléchi et […] exécuté méthodiquement », a-t-il expliqué au Comité, ajoutant qu’aujourd’hui, les FAC sont « un chef de file et un modèle de soins[3] » à un certain nombre d’autres titres grâce à ce projet.

Par exemple, les FAC possèdent le premier, et pour l’instant le seul, système pancanadien de dossiers de santé électroniques — le Système d’information sur la santé des Forces canadiennes (SISFC) — autre bel héritage de Rx2000. Grâce à ce système, les cliniciens militaires ont accès aux dossiers de santé de tous les militaires canadiens, où qu’ils soient dans le monde, sur la terre ferme comme en mer. Une fois que les provinces et les territoires auront mis sur pied leurs propres systèmes de dossiers de santé électroniques, ceux‑ci devraient pouvoir être intégrés dans le SISFC. En matière de soins de santé mentale, les FAC peuvent également se vanter d’avoir « des temps d’attente globaux nettement moins longs. En outre, [le] nombre de dispensateurs de soins par personne est plus élevé que dans toute autre institution canadienne[4]. »

En ce qui a trait à nos alliés de l’OTAN, les services de santé des FAC ont été remarquables sur le terrain en Afghanistan. L’hôpital de traumatologie à Kandahar, toute première unité médicale multinationale de rôle 3 de l’OTAN[5] en opérations de combat, a été établi et dirigé par les services de santé des FAC de 2006 à 2009. D’ailleurs, cela a valu au Canada, en 2012, d’être choisi récipiendaire du prix Dominique-Jean Larrey pour la meilleure contribution médicale à l’Alliance. De plus, le « médecin‑chef adjoint [des FAC] a été choisi pour présider le Comité de recherche de l’OTAN sur la santé, la médecine et la protection », et des membres du personnel des Services de santé des FAC « assument des rôles de leadership dans pratiquement toutes ses activités de recherche liées à la santé mentale[6] ». En 2013, l’OTAN a demandé à un expert médical des FAC de « coprésider son symposium international sur les pratiques exemplaires en matière de réadaptation au retour du combat et de réinsertion des patients souffrant de dommages physiques et mentaux[7] ».

Le Comité a également appris que les FAC sont un chef de file mondial de la « déstigmatisation » des blessures et des maladies mentales chez les militaires. On nous a dit que les FAC font des efforts remarquables pour traiter avec la même légitimité les blessures physiques et les blessures mentales. Cela signifie notamment utiliser l’expression « blessure liée au stress opérationnel », ou BSO, qui n’est pas une expression médicale, mais qui est utilisée par les FAC pour inciter les militaires à se faire soigner. C’est le lieutenant-colonel (à la retraite) Stéphane Grenier, ex-conseiller en BSO du chef du personnel militaire, qui a inventé le terme en 2001. Il l’a développé d’une façon un peu stratégique en s’écartant de la notion de « blessure de stress du combat », expression utilisée par l’US Marine Corps, qui donne toujours « l’impression qu’il faut être au combat pour avoir des séquelles d’un déploiement outre-mer[8] ». En 2007–2008, quatre causes de BSO ont été cernées avec l’US Marine Corps. La première est le traumatisme. La deuxième est la fatigue, plus particulièrement « l’effet cumulé que les difficultés rencontrées ont sur l’âme[9] ». La troisième est le deuil, le deuil personnel pour les camarades d’armes décédés, mais aussi le deuil collectif chaque fois qu’un cercueil rentre au Canada. Enfin, la quatrième cause est le conflit moral, lorsque les militaires remettent en question la moralité de ce qu’ils ont fait ou pas fait, de ce dont ils ont été témoins. Par exemple, selon le brigadier-général Jean-Robert Bernier, actuel médecin général des FAC, la dernière est la principale cause de BSO découlant des opérations des FAC dans les années 1990, où le mandat et les règles d’engagement de certaines missions ne permettaient pas aux militaires canadiens de réagir aux atrocités commises[10].

Bien que la mission du Canada en Afghanistan ait pris fin en mars 2014 et que le rythme des opérations pour plusieurs armes des FAC ait ralenti, « ce n’est pas le cas des services de santé[11] », surtout les services de santé mentale. Selon le brigadier-général Bernier, « des cas de maladie mentale liés à un traumatisme mettent des années à se manifester », et les services de santé des FAC ont des « problèmes qui exigent une attention et des efforts soutenus ». Cela se reflète dans l’initiative du ministre de la Défense de 2012 visant à « accroître le budget militaire consacré à la santé mentale de 11,4 millions de dollars pour atteindre les 50 millions de dollars annuellement, malgré tous les éléments du MDN qui doivent contribuer à la réduction du déficit national[12] ».

En 2012, les FAC ont lancé Prendre soin des nôtres, une « démarche globale » en vue de la prestation des soins offerts aux militaires et à leur famille. Elle « permet de structurer les programmes et les services offerts au personnel malade ou blessé des FAC et à leurs familles en un système de soins intégré qui garantit qu’ils reçoivent les soins et le soutien qu’il leur faut au cours des étapes successives de récupération, de réadaptation et de réintégration[13] ». Il s’agit de la démarche des 3 R. Dans le cadre de Prendre soin des nôtres, le MDN publie et met régulièrement à jour Le guide sur les prestations, les programmes et les services à l’intention des membres actifs et retraités des Forces canadiennes et de leur famille, qui donne « aux militaires actifs et retraités de la Force régulière et de la Force de réserve ainsi qu’à leur famille un aperçu des prestations, des programmes et des services auxquels ils peuvent être admissibles en cas d’invalidité, de maladie, de blessure ou de décès survenant pendant leur service dans les FAC[14] ».

En octobre 2013 est parue la Stratégie du médecin général en matière de santé mentale. À partir de plusieurs études internes et externes, la Stratégie dresse le portrait actuel de la santé mentale dans les FAC et offre un cadre pour la prestation des services et la priorisation des ressources et de la recherche sur cinq ans. Il importe de souligner que les BSO découlant de l’Afghanistan ne représentent qu’une petite partie des problèmes de santé mentale que l’on retrouve au sein des membres des FAC. Selon la Commission de la santé mentale du Canada, un Canadien sur cinq aura un problème de santé mentale à un moment de sa vie. Selon l’Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes – Santé mentale et bien‑être – Forces canadiennes, réalisée par Statistique Canada en 2002, les membres des FAC sont deux fois plus à risque de vivre une dépression que la population canadienne en général, et ce, qu’elle soit liée ou non aux opérations militaires[15]. Par conséquent, les services de santé des FAC doivent pouvoir traiter « beaucoup plus de cas » de maladie mentale qui ne sont pas liés aux opérations de combat ou de déploiement[16]. Malheureusement, l’enquête de Statistique Canada n’a pas recueilli de données permettant de déterminer si les BSO subies par les militaires étaient liées spécifiquement aux déploiements au Rwanda, en Bosnie ou ailleurs.

Les seules données spécifiques à une mission que possèdent les FAC proviennent du rapport intitulé Étude sur l’incidence cumulative du trouble de stress post-traumatique (TSPT) et d’autres troubles mentaux chez le personnel des Forces canadiennes déployé dans le cadre de la mission en Afghanistan, entre 2001 et 2008. Ce rapport, de David Boulos et Mark Zamorski, montre que sur 30 000 militaires déployés dans le cadre de la mission du Canada en Afghanistan avant le 31 décembre 2008, 13,2 % ont reçu un diagnostic de BSO dans les 5 années suivant leur déploiement. De ce chiffre, 8 % ont reçu un diagnostic de TSPT et plus de 5 % souffrent d’autres types de BSO liées au déploiement, comme la dépression et les troubles anxieux[17]. Selon le brigadier-général Bernier, on peut extrapoler à partir de ces données que 9 ans après le déploiement, les pourcentages passeront à 20 % pour les BSO et à 11,8 % pour les TSPT. À titre comparatif, dans la population générale, entre 7 et 9 % des gens développeront des troubles de stress post‑traumatique[18]. Toujours selon le même rapport, lorsqu’on compile l’ensemble des troubles mentaux, qu’ils soient liés ou non au déploiement, le pourcentage de TSPT grimpe à 18,9 %. Dans un autre rapport, ces mêmes auteurs extrapolent et prétendent que près de 30 % des militaires déployés à Kandahar précisément développeront une BSO dans les 9 années suivant le déploiement[19]. Ces études sont notamment limitées par l’incapacité d’inclure ceux qui ne se sont pas fait soigner, ou qui l’ont fait en dehors des services de santé des FAC, ou qui ont été libérés peu de temps après leur déploiement.

L’ombudsman du MDN et des FAC s’intéresse également aux questions de santé mentale dans les FAC depuis 2002. Il a publié 5 rapports et formulé près de 50 recommandations en vue de l’amélioration des soins et des traitements reçus par les militaires souffrant de BSO, y compris de TSPT. Dans son rapport de 2012 intitulé Ténacité dans l’adversité, il conclut que les FAC ont fait des progrès considérables dans la mise en œuvre de recommandations précédentes concernant le dépistage, la prévention et le traitement des BSO. Le rapport relève également plusieurs autres améliorations, notamment dans l’évolution de la capacité des FAC en matière de santé mentale, qui est passée d’un système « improvisé » à un système mieux structuré et apte à offrir des soins complets aux militaires souffrants de BSO, y compris de TSPT. Les défis qu’il reste à relever sont abordés dans le présent rapport.

Les services de santé des FAC sont le principal fournisseur de soins de tous les militaires, que les problèmes de santé soient liés ou non au service. Si le militaire ne peut se procurer les services nécessaires dans les FAC, il se tourne vers les autorités de santé civiles de la province ou du territoire. Chaque militaire est assuré par un assureur privé, actuellement la Croix Bleue, qui couvre le coût des traitements de soins de santé externes pour le MDN. Depuis la fermeture d’hôpitaux des FAC, et compte tenu du fait que 80 % des militaires et leur famille ne vivent pas sur une base militaire, on constate une dépendance grandissante et sans précédent envers les services de santé et de soutien provinciaux ou territoriaux. Il s’agit d’un grand défi qui touche non seulement les soins offerts aux militaires malades ou blessés, mais aussi ceux offerts aux familles et aux réservistes.

Étape 1 : Recrutement

« […] mieux vaut prévenir que guérir […] »
M. Gregory Woolvett, père d’un soldat blessé, 3 juin 2013

Quiconque veut se joindre aux FAC doit avoir une bonne santé physique et mentale. La forme physique peut se mesurer de façon assez claire. L’évaluation de la santé mentale d’une personne, par contre, est plus complexe. Le Comité voulait comprendre quel genre d’évaluation psychologique est fait à l’étape du recrutement. Le Comité s’est également demandé s’il était possible de mesurer la résilience mentale et la susceptibilité aux troubles mentaux à la suite d’un stress chronique ou d’un traumatisme avant que la personne ne soit acceptée dans les forces armées. Le Comité a aussi appris que, à titre préventif, les FAC renseignent maintenant les militaires sur la résilience mentale dès le recrutement et à chaque étape de leur vie professionnelle dans les forces armées.

Le lieutenant-colonel Alexandra Heber, psychiatre principale et gestionnaire du Centre de soins pour trauma et stress opérationnels d’Ottawa (CSTSO), et le commodore Jung ont expliqué au Comité qu’à l’étape du recrutement, un médecin de famille ou un adjoint, consigne les antécédents médicaux, y compris les antécédents psychologiques. Selon le commodore Jung, lorsque les antécédents soulèvent des doutes, il arrive que les FAC poussent un peu plus loin l’enquête avant de finaliser le dossier. Le lieutenant-colonel Heber a confirmé que les personnes souffrant de problèmes de santé mentale graves ou persistants, comme la schizophrénie ou le trouble bipolaire, sont généralement rejetées à l’étape du recrutement. Toutefois, si le dossier de la personne « n’indique rien ou si la personne n’a jamais demandé d’aide pour quoi que ce soit et n’est donc pas au courant d’un éventuel problème ou s’emploie à le dissimuler, elle passera entre les mailles du filet[20] ». Dans ces cas, le lieutenant-colonel Heber est d’avis que, compte tenu des rigueurs de la vie militaire et que les FAC forment un milieu assez petit, « même si des candidats ne révèlent pas leur état, s’ils sont susceptibles d’avoir un épisode psychotique tôt dans leur carrière, ils vont très rapidement attirer notre attention[21] ».

Bien qu’on puisse prendre certaines mesures pour dépister des problèmes mentaux existants à l’étape du recrutement, il est actuellement impossible de déterminer la résilience mentale d’une personne ni sa susceptibilité à un problème mental à la suite d’un traumatisme, même si la recherche avance dans ce domaine. Marc Fortin, sous-ministre adjoint, Science et technologie, au MDN, a expliqué au Comité que Recherche et Développement pour la défense Canada (RDDC) est à la « recherche de n’importe quel type d’indicateur qui […] permettrait d’identifier une prédisposition au traumatisme causé par le stress[22] ». Cet indicateur pourrait également aider les FAC à mieux diagnostiquer et traiter les maladies et traumatismes mentaux le moment venu. Sanela Dursun, directrice du Soutien au personnel et aux familles (Recherche), à RDDC, a expliqué que RDDC fait également une étude qui suit les militaires du recrutement à la libération afin de dégager certains aspects de leur personnalité qui sont « des facteurs éventuels de risque sous le stress opérationnel qui pourraient déclencher ou accroître une probabilité plus élevée de TSPT[23] ». Au moyen du questionnaire sur la santé des recrues, RDDC étudie les liens entre certains aspects de la personnalité à mesure que les militaires progressent dans leur carrière, y compris pendant le déploiement. Selon Harvey Moldofsky, professeur émérite à la Faculté de psychiatrie de l’Université de Toronto, l’armée américaine étudie aussi de possibles prédicteurs de TSPT. Il a expliqué au Comité que les Américains examinent les antécédents personnels et familiaux à la recherche d’une prédisposition aux problèmes de santé mentale comme étant un facteur, et qu’ils regardent aussi les profils génétiques.

Résilience et préparation mentale à l’étape du recrutement

Compte tenu de l’incapacité de prédire le degré de résilience d’une personne confrontée à un stress chronique ou à un traumatisme, les FAC ont conclu qu’il fallait renseigner les militaires sur la santé mentale dès le recrutement dans les forces. Le programme de formation et de résilience En route vers la préparation mentale (RVPM) est un élément important de la stratégie globale de santé mentale des FAC. Comme l’a expliqué le colonel Rakesh Jetly, conseiller en santé mentale dans les FAC, « [l]’idée de la résilience est non pas de se construire un bouclier contre le stress, mais plutôt de comprendre que le stress est inévitable dans la vie et en déploiement, et qu’on peut s’en remettre[24] ». Les membres du Comité ont reçu un petit livret RVPM qui renseigne les militaires sur la façon d’évaluer leur niveau de stress, de même que celui de leurs subordonnés ou leurs camarades d’armes. On y présente les directives d’intervention pour chaque niveau, que ce soit pour composer avec des situations stressantes ou pour trouver des stratégies de prévention du suicide. On y dresse également la liste des services de soutien et des ressources en santé mentale qui sont offerts aux militaires. Un dépliant semblable est destiné aux familles.

Les témoins ont souligné l’importance de suivre de la formation en santé mentale dès le recrutement, en rappelant qu’il ne faut surtout pas attendre le moment du déploiement pour aborder le sujet. Heather Allison, mère d’une soldate blessée, a fait valoir avec conviction que la formation et la sensibilisation à la santé mentale devraient se faire dès l’instruction de base. Selon elle, c’est « quelque chose qu’on devrait intégrer au camp d’entraînement; cela fait partie de la vie d’un soldat, et certaines choses peuvent se produire[25] ». Le commodore Jung a aussi justifié la nécessité de la formation et de la sensibilisation à la santé mentale dès le recrutement et tout au long de la carrière afin de déstigmatiser la santé mentale en général dans les forces armées. Le fait d’intégrer la formation sur la santé mentale aux divers niveaux d’entraînement pour les militaires de rang et les officiers permet d’inculquer aux militaires une « nouvelle façon éclairée d’examiner la santé mentale[26] ».

Selon le colonel Scott McLeod, directeur en santé mentale dans les FAC, on procède actuellement à une étude technique pour évaluer les retombées du programme RVPM non seulement pendant ou après le déploiement, mais aussi ses répercussions sur son taux de réussite, et sur la façon dont les militaires composent avec les facteurs de stress quotidiens qu’ils vivent à tous les niveaux de l’entraînement militaire et dans toute leur carrière. Le colonel Jetly a aussi informé le Comité que le programme RVPM attire l’attention sur la scène nationale et internationale pour ses pratiques exemplaires. Par exemple, la GRC et la Police provinciale de l’Ontario ont contacté les FAC en vue de la mise en œuvre d’un programme semblable dans leurs forces policières respectives. Il en va de même pour un groupe de l’OTAN, qui compte adapter le programme pour l’appliquer dans toute l’Alliance.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada procède à une évaluation rigoureuse de la santé mentale de chaque membre des Forces armées canadiennes au moment du recrutement.

Recommandation 2

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise de Recherche et Développement pour la défense Canada ou d’autres entités, étende ses recherches sur la prédisposition aux blessures liées au stress opérationnel.

Étape 2 : Avant le déploiement

Avant le déploiement, le militaire suit une quantité considérable de séances de formation et de préparation qui, depuis quelques années, incluent la résilience et la préparation mentale. Le Comité a été renseigné sur la formation que doivent suivre les militaires avant le déploiement, ainsi que sur le volet destiné à préparer les familles en vue du déploiement. Le Comité a également pris connaissance des recherches en cours concernant la résilience et la prévention des BSO.

Le lieutenant-colonel Heber a expliqué au Comité qu’avant d’être déployé, le militaire subit un examen médical, au cours duquel le médecin de famille procède à une évaluation en fonction des antécédents médicaux et psychologiques. Le lieutenant-colonel Heber et Marie Josée Hull, travailleuse sociale clinique auprès de militaires malades ou blessés, ont toutes deux expliqué la difficulté de dépister chez une personne les facteurs de risque associés aux BSO avant le déploiement. Comme l’a expliqué Mme Hull, « parfois, des soldats qui ont déjà subi un traumatisme présentent toutes les qualités requises pour exercer leur métier — ils ont acquis des habiletés d’adaptation qui feront d’eux d’excellents soldats[27] ». Il se peut que d’autres avec les mêmes antécédents ne puissent composer avec un autre traumatisme, tandis que ceux qui ont déjà été exposés à un stress élevé ou à un traumatisme peuvent ou non s’avérer avoir de solides capacités d’adaptation. Le lieutenant-colonel Heber a souligné qu’il y a « beaucoup d’autres personnes qui présentent ces facteurs de risque sans jamais souffrir de TSPT[28] ». Le fait que chacun réagisse différemment au stress et aux traumatismes rend le dépistage préalable très difficile. Par ailleurs, le lieutenant-colonel Heber estime qu’empêcher un militaire en parfaite forme d’être déployé uniquement à cause de la présence de ces facteurs de risque, « ce ne serait pas lui rendre service[29] ».

Résilience et préparation mentale avant le déploiement

Compte tenu des limites du dépistage préalable, on investit davantage dans la formation sur la résilience et la préparation mentale. Selon Judith Pizarro Andersen et ses collègues de l’Université de Toronto, on a « de plus en plus de preuves statistiques que la prévention et la préparation permettent de réduire les effets négatifs de l’exposition à des situations traumatisantes et le risque de [T]SPT et autres [BSO][30] ». De même, le lieutenant-colonel Heber a expliqué que, selon les études, peu importe « la gravité de la situation sur le terrain, il me semble que mieux on est préparé au préalable, moins on en sort traumatisé […] Il faut savoir que les surprises, en tant que telles, produisent des traumatismes[31]. » Dans le même sens, Mme Andersen et ses collègues prétendent que la « préparation réduit le caractère imprévisible et incontrôlable » des situations auxquelles sont confrontés les militaires et qu’elle « aide à réagir de façon appropriée à des situations menaçantes et réduit les réactions négatives[32] ». Le programme RVPM est fondé sur de telles études et ne possède pas de volet préalable au déploiement. Le lieutenant-colonel Heber a expliqué que, de la même façon que les FAC préparent ses membres au combat, on les prépare aussi mentalement « en leur enseignant des techniques qu’ils peuvent employer lorsqu’ils se sentent dépassés ou très anxieux. [On] leur [enseigne] également des techniques de relaxation[33]. »

L’effet du sommeil sur la préparation mentale est un autre aspect de la résilience s’inscrivant dans un ensemble croissant de recherches. Le Comité a entendu des chercheurs qui étudient le lien entre le sommeil et la santé mentale. Parmi eux, Anne Germain, professeure associée en psychiatrie de l’École de médecine de l’Université de Pittsburgh, a expliqué au Comité que les troubles du sommeil sont une véritable menace à la préparation mentale et au rendement opérationnel dans un contexte militaire. Selon elle, les troubles du sommeil qui précèdent l’exposition à des événements stressants ou traumatisants sont un indicateur de risque de troubles psychiatriques. Qui plus est, les troubles du sommeil ou la vulnérabilité aux troubles du sommeil peuvent être détectés avant le déploiement. Elle a expliqué que « le sommeil est un comportement modifiable » et que, par conséquent, les gens pouvaient être formés avant le déploiement pour avoir un sommeil de meilleure qualité. Selon elle, « différentes stratégies [...] peuvent être appliquées longtemps avant le déploiement, pendant la formation, pour améliorer non seulement le sommeil, mais également l’acuité mentale[34] ». Bien souvent, les militaires ne dorment pas suffisamment bien et sont, en fait, entraînés à être en mesure de fonctionner malgré le peu de sommeil. Les recherches présentées par Mme Germain montrent que même chez les militaires non déployés, 70 % d’entre eux ont un sommeil de très courte durée, moins de 6 heures par nuit, de façon chronique. Par comparaison, seulement 30 % de la population civile a le même problème. Toutefois, si les militaires peuvent être formés à mieux dormir à chaque occasion qui se présente, cela aurait un effet bénéfique sur leur acuité mentale et leur santé mentale en général[35].

Le Bureau des conférenciers conjoints (BCC) sur les BSO est un autre aspect de la préparation mentale préalable au déploiement. Un groupe de conférenciers, dont des militaires souffrants de BSO, racontent leurs expériences personnelles et offrent du soutien par les pairs; tandis que les cliniciens en santé mentale enseignent aux militaires à reconnaître les signes et les symptômes des BSO et les encouragent à demander de l’aide le plus tôt possible en cas de besoin. Par ailleurs, le BCC contribue à déstigmatiser les réactions mentales aux expériences stressantes et traumatisantes. Selon le témoignage de Gregory Woolvett, père d’un militaire malade et blessé, il semble que son fils n’ait pas eu accès à de tels programmes de résilience avant ses déploiements. Il a expliqué au Comité qu’on « leur apprend à arrêter les saignements, à installer des tourniquets et tout cela, mais on ne leur donne aucun outil pour gérer l’aspect mental du combat, ou la terreur, parce que, bien souvent, il y a plus de terreur que de combat[36] ».

Le Comité reconnaît que les FAC ont fait énormément de progrès dans la dernière décennie en ce qui concerne la formation sur la résilience et la préparation mentale. Toutefois, il est particulièrement inquiétant d’entendre les familles des militaires raconter que leurs proches en uniforme n’ont peut-être pas eu accès à cette formation parce qu’elle n’est offerte que depuis quelques années. Il y a sans doute bien d’autres victimes de ce « mauvais timing » et des lacunes passées. Le fait que les FAC aient adapté leurs exigences pour répondre aux besoins opérationnels montre qu’on met en œuvre les leçons apprises. Le Comité espère que les FAC continueront dans cette voie afin que ces programmes soient continuellement améliorés et qu’ils soient déjà en place quand le gouvernement du Canada aura besoin de déployer des militaires pour exécuter des tâches difficiles au nom des Canadiens.

Préparation des familles des militaires

Le programme de formation RVPM sur la résilience comporte également un volet pour les familles. En effet, les FAC, par l’entremise des Centres de ressources pour les familles des militaires (CRFM), offrent aux familles une formation préalable au déploiement ainsi qu’une formation de « décompression à la maison » quelques semaines avant que leurs proches militaires ne rentrent d’une mission, de même qu’une rencontre conjointe de suivi après le retour. Mme Allison a raconté au Comité avoir assisté, lorsque sa fille a été déployée, à une rencontre préalable au déploiement pour les familles à son CRFM. Lorsqu’elle a posé des questions sur le TSPT, les conseillers ont répondu qu’il n’en serait pas question pour l’instant, mais plutôt « quelques semaines avant que votre soldat revienne[37] », à la formation sur la décompression à la maison. Selon elle, c’est inacceptable. Elle recommande que les familles soient préparées plus tôt aux répercussions du TSPT, plus particulièrement les parents, qui vivent généralement dans une autre ville que leur fils ou fille militaire.

Bien que la préparation mentale soit un élément important de la formation préalable au déploiement des militaires, on a rappelé au Comité que ce n’est pas nécessairement possible de préparer les militaires à composer avec chaque type de traumatisme, surtout compte tenu du fait que les événements traumatisants inattendus se produisent généralement dans un environnement dangereux et instable. Mark Ferdinand, directeur national des Politiques publiques à l’Association canadienne pour la santé mentale (ACCM), a souligné l’importance de reconnaître qu’« un peu moins de 10 % » des personnes qui subissent un traumatisme auront des incidences très sérieuses sur leur vie « au point d’avoir de la difficulté à vivre au quotidien[38] ». D’autres peuvent souffrir d’autres symptômes et réactions du spectre de la santé mentale. Mark Zamorski, chef de la Section de la santé des militaires au MDN, a constaté qu’il n’avait pas vu jusqu’à maintenant de gains concernant la prévention qui pourraient avoir un effet transformateur. Les « mesures préventives seront efficaces, a-t-il expliqué, mais le seront, au mieux, modérément ». Par ailleurs, les FAC continueront de voir des BSO. Il croit qu’il ne verra pas de « prévention fiable du [T]SPT » de son vivant, que « la tâche est trop colossale[39] ». Le commodore Jung a expliqué qu’en termes de résilience, « [p]ersonne ne sait si on peut, en fait, instiller la résilience[40] ». Il faudrait que davantage de recherches montrent que la formation sur la résilience prévient le développement de BSO et s’assurer que les FAC agissent en conséquence.

Bien que la formation sur la résilience et la préparation mentale ne prévienne pas le développement des BSO chez les militaires, le Comité estime que ces programmes parviennent à déstigmatiser le sujet de la santé mentale et à encourager les militaires ayant besoin de traitement à se reconnaître et à demander de l’aide plus tôt.

Recommandation 3

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada accroisse la formation sur la santé mentale offerte aux familles des militaires avant le déploiement par le biais du programme En route vers la préparation mentale.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada accroisse la préparation et la formation des militaires sur les blessures liées au stress opérationnel avant leur déploiement et améliore les méthodes utilisées pour enseigner aux militaires à reconnaître et à évaluer leurs problèmes potentiels de santé mentale.

Étape 3 : En théâtre d’opérations

« Après l’explosion, j’ai perdu conscience. Lorsque je suis revenu à moi, je me suis retrouvé coincé dans la carcasse du véhicule, le corps enflammé. J’ai alors dû en extraire mon camarade agonisant ainsi que les corps des trois autres qui y avaient laissé leur vie, toujours sous le feu de l’ennemi. Je ne voudrais pas vous troubler outre mesure, mais sachez que j’ai dû ramper dans une véritable bouillie humaine pour les sortir tous de là pendant que j’étais encore en flammes. »
Caporal Glenn Kirkland, 5 juin 2013

Telle était la réalité pour bon nombre de militaires canadiens en mission en Afghanistan. Les militaires malades ou blessés en théâtre d’opérations devaient compter les uns sur les autres, sur les techniciens médicaux et sur les professionnels de la santé des FAC à l’hôpital de rôle 3 à Kandahar. Le Comité a pu apprécier les innovations visant à accroître la capacité de survie des militaires en théâtre d’opérations et les soins offerts aux militaires souffrant de blessures physiques ou mentales pendant le déploiement. La plupart des exemples présentés au Comité découlent de la Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS) en Afghanistan, soit la plus récente et considérable contribution du Canada à une mission dirigée par l’OTAN.

Secourisme en situation de combat

On nous a dit que les FAC tentent continuellement d’accroître la capacité de survie de leurs militaires et d’améliorer la prévention des blessures en théâtre d’opérations. Au cours de la mission du Canada en Afghanistan, les soins nécessaires à la survie ont évolué en fonction de la nature de la menace, surtout des effets des engins explosifs improvisés (EEI). De plus, l’équipement de protection individuelle a été amélioré et RDDC a concentré ses travaux sur la réduction de l’impact des EEI sur les véhicules militaires.

Un certain nombre de témoins ont rapporté le succès considérable de la prestation des soins préhospitaliers — ou secourisme en situation de combat — offerts par les FAC, qui ont permis de sauver de nombreuses vies sur le champ de bataille. On nous a informés que la plus grande menace pour les vies canadiennes en Afghanistan était les EEI. Le Canada a perdu 158 braves hommes et femmes en uniforme pendant cette mission. Selon le major Ray Wiss, médecin et fantassin ayant servi en Afghanistan, « seulement huit décès sont attribuables à un tir direct des talibans […] Les Canadiens ne meurent pas dans les combats armés[41]. » Pour contrer efficacement les effets dévastateurs des EEI, il faut que les premiers soins vitaux soient offerts le plus près possible du front. Selon le brigadier-général Bernier, les techniciens médicaux et les soldats d’armes de combat ont été formés pour effectuer plusieurs « procédures qui, au Canada, peuvent souvent n’être pratiquées que par un médecin urgentologue[42] ».

Toujours selon le brigadier-général Bernier, deux outils indispensables ont été ajoutés à la trousse distribuée aux soldats : le tourniquet autoserreur et une substance en poudre concentrée appelée QuikClot. Cette dernière a été remplacée par une gaze coagulante qui ne cause pas de brûlure chimique, mais qui peut « être insérée dans des plaies s’il est impossible d’arrêter l’hémorragie par compression à cause de la profondeur ou de l’étendue des plaies[43] ». Les techniciens médicaux reçoivent également une formation supplémentaire axée sur les traumatismes et les blessures susceptibles de survenir sur un champ de bataille. Ils apprennent, par exemple, à faire une décompression à l’aiguille en cas d’affaissement du poumon. Le colonel Homer Tien, traumatologue militaire canadien et titulaire d’une chaire de recherche sur les traumatismes liés au service militaire à l’hôpital Sunnybrook, a expliqué au Comité que les techniciens médicaux des FAC sont formés selon le principe du secourisme en situation de combat depuis 1996, mais que les techniques ont vraiment été mises en pratique uniquement à partir de 2001‑2002, avec le début de la mission du Canada en Afghanistan. Ayant lui-même servi en Bosnie dans les années 1990 puis en Afghanistan dans la dernière décennie, il a constaté que « les techniciens médicaux ont vraiment pris leur place. Ils ont une mission qui leur est propre […] Personne n’est mieux placé qu’eux pour offrir des soins d’urgence préhospitaliers[44]. »

Selon le commodore Jung, la première cause de mort évitable sur le champ de bataille demeure l’exsanguination, et les techniques d’intervention utilisées par les soldats et les techniciens médicaux des FAC dans les 10 premières minutes après la blessure — la « période déterminante » — ont permis d’éviter que des blessés ne perdent tout leur sang. Ces techniques donnent également une certaine flexibilité à l’équipe médicale en théâtre d’opérations. Si on se fie au registre commun des traumatismes en théâtre d’opérations, qui a énormément servi en Afghanistan pour recueillir des données sur les soins offerts en théâtre d’opérations aux militaires malades ou blessés, ces techniques « [prolongent] le délai de presque deux heures avant de pratiquer la chirurgie nécessaire tout en maintenant la même capacité de sauver des vies[45] ».

L’équipement de protection individuelle porté par les militaires joue un grand rôle dans la prévention des blessures physiques extrêmement graves. Le major Wiss nous a montré la veste en Kevlar et les plaques pare-balles en métal portées par les militaires pour protéger le « carré mortel » — c’est-à-dire où se trouvent le cœur et les grosses artères — des cartouches d’AK-47. Les lunettes de protection balistique portées par les militaires empêchent les fragments provenant de l’explosion d’EEI ou de grenades propulsées par fusée d’endommager les yeux. Les lunettes et le casque portés par les soldats les ont protégés de nombreuses blessures graves à la tête. Selon le major Wiss, seulement 5 % des patients qui respirent encore meurent d’un traumatisme à la tête et au cou. Par contre, si la trachée est atteinte, les cas de décès sont sept fois plus importants[46].

La protection des militaires à l’intérieur des véhicules blindés contre les EEI demeure un défi. D’ailleurs, RDDC a conçu des installations uniques pour étudier les effets de ces explosions sur les véhicules. Comme l’a expliqué le major Wiss, le blindage des véhicules peut devenir un problème pour les militaires si leur véhicule est frappé par une bombe en bordure de route. Si la force de l’explosion crée une brèche partielle dans le blindage et qu’elle est retenue à l’intérieur du véhicule, la montée de la pression peut être fatale. Si le blindage n’est pas percé et qu’il est seulement gauchi, « [l]e plancher du véhicule blindé se soulève très rapidement dans le compartiment de l’équipage; c’est comme si le soldat avait sauté du balcon d’un troisième ou quatrième étage[47] ».

M. Fortin a expliqué au Comité qu’au début de la mission du Canada en Afghanistan, lorsque la menace des EEI s’est intensifiée, RDDC a réorienté ses travaux afin de se concentrer sur la réduction de l’impact des EEI sur les véhicules en améliorant le blindage, et sur les éléments à l’intérieur du véhicule, c’est‑à‑dire les harnais, les sièges et la suspension des sièges.

Soins offerts à l’unité médicale multinationale de rôle 3

En ce qui concerne les traitements en théâtre d’opérations, le Comité a été informé de la vaste gamme de soins d’urgence offerts aux militaires malades ou blessés en Afghanistan. Bien que les militaires ayant subi une blessure physique aient été évacués du pays pour être traités, très peu de militaires qui souffraient de BSO ont été renvoyés à la maison avant la fin de leur tour. Le Comité a été impressionné par les réalisations du personnel médical de l’hôpital de rôle 3. Pour ce qui est de la santé mentale, par contre, le Comité s’interroge sur le manque d’une capacité psychologues cliniciens en uniforme, surtout pour les soins en théâtre d’opérations, et s’inquiète de l’impossibilité pour un militaire francophone d’avoir accès à des services de santé mentale dans la langue de son choix pendant son déploiement en Afghanistan.

Bien que le Comité ait compris l’importance des soins préhospitaliers reçus par les militaires blessés au front, il a aussi entendu parler des soins visant à prévenir les décès et les amputations en théâtre d’opérations qui se poursuivaient après que le militaire ait été évacué vers l’unité médicale multinationale de rôle 3 à Kandahar. Le colonel Tien a pris la direction de l’unité en 2006, lorsqu’elle était un hôpital de combat américain. À l’époque, ce n’était qu’une cabane en contreplaqué avec une seule salle d’opération. Après le départ du colonel Tien, à la fin de son tour en décembre 2011, l’hôpital était devenu un immeuble moderne de briques avec trois salles d’opération. Pendant ces années, l’hôpital a acquis du nouvel équipement qui a permis d’améliorer les capacités diagnostiques. Comme l’a dit le colonel Tien, « les unités ont beaucoup évolué pendant ce temps ». Étant donné que les soins offerts aux militaires blessés étaient une priorité, l’hôpital « a très rapidement [eu] accès aux ressources[48] ». Par ailleurs, on apportait une amélioration aux soins dès que les traumatologues repéraient un problème. Ainsi, les soins d’urgence étaient au mieux pendant toute la durée du conflit.

Le Comité a appris que, selon une étude du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, un militaire blessé qui arrivait à l’hôpital de rôle 3 avec des signes vitaux était sûr à 97 % de survivre — soit le taux de survie le plus élevé en temps de guerre, selon le commodore Jung. Il s’agit d’une réalisation remarquable compte tenu non seulement des difficultés sur le terrain, mais aussi du fait que c’était « la première fois que l’OTAN exploitait un hôpital multinational dans une zone de combat, avec de très nombreux blessés qui […] arrivaient presque quotidiennement[49] ». Selon le brigadier-général Bernier, il y avait « de nombreux obstacles » en raison des différences dans les normes nationales, les titres de compétence et la culture par rapport aux champs de pratique des différentes professions de la santé. Il était aussi difficile de coordonner ces professionnels de la santé de différents pays en une équipe de traumatologie et de chirurgie efficace. Il était plus simple de travailler avec les alliés partageant les mêmes pratiques médicales, comme les Britanniques, les Américains, les Australiens et les Néo‑Zélandais. Le major Wiss a expliqué au Comité que, pendant son mandat à l’hôpital de rôle 3 en 2007 et 2009, tout s’était relativement bien déroulé avec le personnel de l’OTAN.

Enfin, le plus gros défi, selon le brigadier-général Bernier, était le mandat évolutif de l’hôpital de rôle 3. Au départ, le mandat de l’hôpital était de traiter les blessés de la FIAS. Toutefois, 80 % des blessés traités étaient des Afghans, et essentiellement des civils afghans, y compris des enfants. On nous a informés que les hôpitaux en zone de guerre, contrairement aux hôpitaux militaires des missions d’aide humanitaire, sont conçus de façon à avoir « une empreinte médicale minimale sur le terrain et un mécanisme d’évacuation médicale très efficace » pour transporter les blessés vers « un hôpital doté de plus de ressources dans une zone plus sûre[50] ». L’équipement en appareils, en capacités et en compétences cliniques est fondé sur ce principe. Selon le brigadier-général Bernier, tout cela a évolué quand la haute direction de l’OTAN et d’autres facteurs politiques ont changé les règles d’admissibilité aux soins de l’hôpital de rôle 3 de l’OTAN[51].

Les militaires blessés ne restaient à l’hôpital de rôle 3 qu’environ 24 heures avant d’être évacués vers un hôpital offrant des soins tertiaires de stabilisation et de chirurgie supplémentaires, habituellement le centre médical régional de Landstuhl, en Allemagne, hôpital de l’US Army et de l’US Air Force. Selon le commodore Jung, le Canada doit une fière chandelle aux Américains pour l’accès aux soins à Landstuhl ainsi que pour le système d’évacuation médicale. Dès que l’évacuation médicale stratégique était possible, une équipe médicale de spécialistes des FAC ramenait le militaire blessé au Canada dans un hôpital de soins quaternaires où tous les soins et les programmes de réadaptation supplémentaires étaient offerts « le plus près possible » du soutien social maximum et du soutien clinique compétent[52].

Le nombre de professionnels de la santé déployés dans les opérations dépend de la taille et de la portée de chaque mission. Lorsque le rôle de combat du Canada en Afghanistan a pris fin en 2011, le nombre de médecins en théâtre d’opérations des FAC a été réduit. Au cours de l’Opération Attention — mission de suivi du Canada visant à former et à encadrer l’Armée nationale afghane à divers endroits en Afghanistan, qui s’est poursuivie jusqu’en 2014 — les militaires recevaient des « soins intensifs de courte durée au niveau des soins primaires », c’est‑à‑dire qu’ils avaient accès à des médecins et à des techniciens médicaux des FAC. Pour les blessures plus graves, les militaires comptaient sur les hôpitaux militaires américains ou français en théâtre d’opérations[53]. Maintenant que la mission en Afghanistan est terminée, il faudra que les services de santé des FAC, surtout le volet des soins d’urgence, maintiennent une force agile et capable et, à tout le moins à un niveau rudimentaire, des capacités dans tous les domaines en vue d’un prochain déploiement[54].

Le stress opérationnel en théâtre d’opérations

Les soins en théâtre d’opérations pour le stress opérationnel sont différents de ceux pour les blessures physiques puisque les militaires souffrant d’un problème de santé mentale à la suite de combats sont rarement rapatriés à la maison. Les symptômes typiques de stress opérationnel sont la nervosité, l’anxiété, l’insomnie et l’hypervigileance. Le commodore Jung, à l’instar de nombreux autres témoins, a souligné l’importance de traiter le stress opérationnel le plus près du front possible et de s’assurer que le soldat réintègre son bataillon — pratique découlant d’une leçon tirée de la Première Guerre mondiale et appliquée depuis la Seconde Guerre mondiale. De nombreuses raisons expliquent pourquoi les militaires souffrant de ce type de problèmes de santé mentale ne sont pas renvoyés à la maison. Le major Wiss a raconté que lorsqu’un jeune soldat s’entraîne pendant la majeure partie de sa vie professionnelle pour accomplir un travail et qu’il doit admettre qu’il échouera sa mission, la perte d’estime de soi « est dévastatrice ». De plus, étant donné que « la plus importante motivation d’un soldat combattant, ce sont les collègues [et ne] pas les décevoir », le renvoyer à la maison tandis que ses amis sont toujours au combat est « catastrophique pour le moral ». Par ailleurs, plus le sentiment de perte d’estime de soi demeure, plus il est difficile pour le soldat de reprendre du service, et plus « on se dirige vers la dépression et les idées suicidaires[55] ». Selon le commodore Jung, renvoyer à la maison les militaires souffrant de stress opérationnel aurait pour effet de stigmatiser les problèmes de santé mentale sur le champ de bataille. Le major Lisa Compton, gestionnaire du Programme de maintien de préparation clinique du MDN, a expliqué qu’il y avait des « hôtels des héros » à l’extérieur de divers hôpitaux de rôle 3 dans le théâtre d’opérations où les militaires souffrant de stress opérationnel pouvaient prendre une pause et consulter une équipe médicale jusqu’à ce qu’ils soient médicalement aptes à reprendre du service.

Des équipes de santé mentale composées d’une infirmière en santé mentale, d’un travailleur social et d’un psychiatre ont également été déployées à Kandahar. Leur objectif premier était d’aider les militaires à finir leur tour en leur offrant des soins de santé mentale sur place; certains membres de l’équipe se rendaient parfois dans les bases d’opérations avancées. Selon le lieutenant-colonel Heber, l’une des leçons tirées par l’équipe de santé mentale dans les débuts de la mission en Afghanistan est la nécessité de mettre à contribution les dirigeants et de donner une formation solide à la chaîne de commandement pour composer avec les problèmes de santé mentale et aider les militaires qui ont besoin de soins sur place. L’équipe de santé mentale avait notamment comme rôle d’accroître auprès des militaires, y compris de la chaîne de commandement, la formation et la sensibilisation aux problèmes de santé mentale afin que les personnes ayant besoin d’aide soient rapidement repérées.

Étant donné que des soins de santé mentale sont offerts en théâtre d’opérations, les rapatriements étaient rares et se faisaient surtout pour des raisons familiales ou psychosociales. Selon le brigadier-général Bernier, les maladies mentales graves étaient plutôt rares en Afghanistan; la plupart des problèmes se manifestaient après[56]. Nous avons entendu le témoignage du bombardier Geoffry Logue, l’un des rares rapatriés. Il a raconté qu’il avait reçu un diagnostic de TSPT grave en Afghanistan et qu’il avait été rapatrié sans accompagnement, sur un avion civil, sans période de décompression. Nous avons été choqués d’entendre cela et, sans avoir tous les détails pour des raisons de confidentialité, nous ne pouvons qu’espérer que les FAC aient mené leur enquête et amélioré les procédures depuis.

Le Comité était également surpris d’apprendre l’absence de psychologues dans les équipes de santé mentale du fait que les FAC ne comptent pas de psychologues cliniciens dans ses rangs. Les militaires ayant besoin de soins psychologiques en théâtre d’opérations étaient traités par des psychologues américains. Se fier à nos alliés pour les services de santé mentale pourrait être un problème, en particulier pour la question de la langue. Au Canada, les militaires jouissent du rôle spécialisé des psychologues cliniciens qui font partie des équipes médicales multidisciplinaires dans les bases des FAC. Toutefois, ces psychologues cliniciens sont des civils et ne peuvent donc pas être déployés en zones de conflit. L’an dernier, les FAC ont examiné la question de savoir s’il fallait des psychologues cliniciens en uniforme. Jusqu’à maintenant, les FAC ont jugé satisfaisante la composition actuelle des équipes de santé mentale — soit un travailleur social, une infirmière et un psychiatre — puisque les soins à long terme offerts par les psychologues ne conviennent pas en théâtre d’opérations. Selon le brigadier-général Bernier, les résultats de cette étude étaient attendus pour la fin d’avril 2014[57].

Enfin, le Comité s’inquiétait des plaintes rapportant que les militaires francophones n’avaient pas accès à des services de santé mentale en français en théâtre d’opérations. Selon le brigadier-général Bernier, les FAC essaient de s’assurer qu’il y a toujours au moins une personne bilingue par équipe de santé mentale déployée. Ce ne sont pas seulement les spécialistes en santé mentale qui jouent le rôle de professionnels en santé mentale; tous les médecins des FAC sont appelés à pratiquer dans le domaine de la santé mentale[58]. Malgré cela, les membres du Comité estiment que les soins de santé mentale devraient être offerts par des spécialistes en santé mentale afin que les militaires bénéficient dès que possible des meilleurs soins possibles. Et cela comprend le même niveau de soins pour les militaires anglophones et francophones.

En plus des soins et des traitements médicaux, les militaires peuvent se confier aux aumôniers en théâtre d’opérations. Selon le colonel John Fletcher, aumônier général intérimaire, il y a environ 220 aumôniers dans la Force régulière et à peu près 120 dans la Force de réserve, qui représentent « plus de 20 confessions chrétiennes différentes ainsi que les groupes confessionnels juifs et musulmans[59] ». La majorité des aumôniers travaillent dans une unité ou dans le cadre d’opérations de déploiement. Leur rôle est de « fournir du soutien, des conseils et des services religieux et spirituels » aux militaires dans les deux langues officielles et dans tout contexte militaire. Les services d’aumônerie appuient les programmes de santé mentale « visant à prévenir, à cerner et à traiter » les blessures et les maladies mentales, programmes qui ont été élargis et améliorés par les FAC au cours de la dernière décennie[60]. Les aumôniers n’étaient pas déployés seulement en Afghanistan, il y en avait également au Centre médical régional de Landstuhl. Comme l’a expliqué le colonel Fletcher, pour un militaire souffrant de problèmes de santé mentale liés au stress ou à un traumatisme, il est parfois plus facile de s’adresser d’abord à l’aumônier que de se rendre à la clinique de santé mentale. Le rôle de l’aumônier consiste alors à encourager le militaire à profiter des ressources en santé mentale qui lui sont offertes, et parfois aussi à l’accompagner dans ce cheminement.

Recherche et innovation

Selon Alice Aiken, directrice de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans (ICRSMV), l’expérience de la mission du Canada en Afghanistan a permis entre autres de mener des recherches de pointe en traumatologie d’où découle la réadaptation. Le Comité a entendu parler de recherches menées en théâtre d’opérations sur les soins d’urgence. Ces recherches se poursuivent, en grande partie, à RDDC, ainsi que dans les hôpitaux et les universités de partout au Canada en collaboration avec nos alliés.

Le brigadier-général Bernier et le major Compton nous ont tous deux dit que le registre commun des traumatismes en théâtre d’opérations avait été très utile pour améliorer les soins d’urgence en théâtre d’opérations. Les FAC participent à ce registre depuis 2007. En Afghanistan, grâce à ce registre, les médecins pouvaient recueillir et analyser simultanément des données, afin d’analyser « nos protocoles et nos processus cliniques, et de les modifier pratiquement en temps réel, ce qui […] a permis de sauver des vies[61]. » Dans la même veine, le major Compton a ajouté que le guide de pratiques cliniques est l’une des ressources les plus utiles du registre commun des traumatismes en théâtre d’opérations. Ce guide porte sur la façon d’améliorer les soins dans les zones de combat et il explique comment traiter les blessures propres à l’environnement de combat. Le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes a publié le résultat de ses recherches à grande échelle, y compris au Centre interarmées d’analyse et d’enseignements de l’OTAN, afin d’en faire profiter toute l’Alliance.

Le colonel Tien et le major Wiss ont tous deux vanté les avantages des échographies en théâtre d’opérations, particulièrement pour le triage et les évacuations médicales. En sachant que le soldat souffre d’une hémorragie interne, le personnel médical peut rapidement prioriser les soins à prodiguer de façon à sauver plus de vies. Étant donné que l’hémorragie interne est difficile à détecter à cause de l’absence de signes externes évidents, le fait d’avoir un outil de diagnostic comme l’échographie peut faire la différence entre la vie et la mort. Quelques membres du Comité ont pu visiter les installations de RDDC à Downsview (Toronto) pour voir les appareils à ultrasons qu’on y met au point. Selon M. Fortin, RDDC essaie d’améliorer la technologie des outils à ultrasons en 3D pour la rendre « portable, assez solide pour pouvoir être déployée, et assez fiable, bien sûr, pour être déployée sur le théâtre[62] ». Le colonel Tien a expliqué au Comité qu’en mars 2013, la recherche en était encore au stade des essais précliniques. Selon lui, l’avantage de cette nouvelle technologie est qu’il s’agit d’un système automatisé de diagnostic. Il faut des années pour qu’un radiologiste sache interpréter une échographie, luxe que les techniciens médicaux de combat n’ont pas nécessairement. En ce sens, un système automatisé de diagnostic sera utile. Le major Wiss a apporté son propre appareil à ultrasons en théâtre d’opérations. Même s’il était au courant des travaux de RDDC, il a expliqué qu’il existe déjà sur le marché des appareils à ultrasons portables pouvant détecter une hémorragie interne ou un affaissement du poumon en quelques secondes. Ayant déjà montré à 8 000 médecins canadiens à se servir d’un tel appareil, il savait qu’il pouvait le montrer à un technicien médical en 10 heures. C’est d’ailleurs lui qui a formé tous les techniciens médicaux pour utiliser les 16 ou 17 appareils à ultrasons que le Commandement des Forces d’opérations spéciales du Canada a achetés. Le Comité ignore si ces appareils sont utilisés actuellement dans les opérations de déploiement. Selon le colonel Tien, le fardeau que représente la formation et le risque possible d’un mauvais diagnostic expliquent pourquoi les appareils à ultrasons commerciaux n’ont pas été déployés à tous les techniciens médicaux en Afghanistan.

Comme il a été mentionné plus tôt, la première cause de décès sur le champ de bataille est l’exsanguination. Le colonel Tien, titulaire de la chaire de recherche Major-Sir-Frederick-Banting sur les traumatismes liés au service militaire à l’hôpital Sunnybrook, fait plusieurs grands essais avec les militaires américains sur la meilleure façon de faire des transfusions aux patients qui font une hémorragie grave. Le centre de RDDC à Downsview a contribué à ces travaux en élaborant un nouveau traitement salin intraveineux et en modifiant le conditionnement de la solution pour pouvoir la rendre plus portable. Elle a été déployée en théâtre d’opérations[63].

Par ailleurs, les scientifiques de RDDC à Suffield font des recherches sur les cellules souches dans l’espoir d’améliorer le traitement des brûlures. Aussi, dans le cadre du programme de recherche sur les lésions par souffle, ils examinent les lésions par écrasement qui peuvent se produire quand on reste coincé sous un véhicule pendant longtemps. Selon le lieutenant-colonel Roger Tremblay, chef de projet de la Protection du personnel, à RDDC, ces incidents arrivent de plus en plus souvent en théâtre d’opérations. Le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et l’Australie font des recherches pour améliorer l’équipement de protection individuelle porté par les militaires ainsi que la protection des véhicules. Le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes et RDDC participent tous deux au Projet d’analyse d’équipement de protection des blessés, ou CASPEAN en anglais[64]. Cette recherche consiste notamment à évaluer les blessures et les causes de décès chez les militaires, et les effets sur l’équipement de protection ou sur les véhicules blindés. On fait des analyses très approfondies ici au Canada, ainsi qu’en collaboration avec nos alliés, « en vue d’apporter les modifications nécessaires à la protection des véhicules et de l’équipement personnel[65] ». Comme il a été mentionné plus tôt, l’équipement de protection individuelle a été amélioré tout au long du conflit en Afghanistan.

Selon M. Fortin, RDDC adapte ses programmes de recherche de sorte que les militaires puissent faire face aux menaces actuelles et celles en constante évolution. Le récent conflit en Syrie nous amène à envisager l’usage possible d’agents de guerre chimiques et biologiques contre nos forces armées. RDDC forme les militaires sur la façon de composer avec ces toxines et développe des vaccins et des antidotes contre les agents chimiques et bactériologiques utilisés dans les armes chimiques. Par ailleurs, RDDC travaille avec les services de renseignement pour « identifier quelles sont les nouvelles menaces et les nouvelles armes qui sont déployées dans différentes parties du monde ». Avec cette information, RDDC peut développer des solutions avant que les militaires ne soient déployés en théâtre d’opérations. Selon M. Fortin, les EEI « demeurent l’une des menaces les plus sérieuses pour le déploiement du personnel [et] cette menace va demeurer pendant plusieurs années encore[66] ».

Aide aux familles des militaires

Le colonel Russell Mann, directeur des Services aux familles des militaires, a expliqué au Comité qu’aujourd’hui, 80 % des familles des militaires vivent à l’extérieur des bases et comptent plus que jamais sur leur entourage civil. Par conséquent, le MDN et les FAC ont dû adapter la façon dont ils évaluent les besoins des familles des militaires, ajuster leurs programmes et sensibiliser les familles des militaires aux services qui s’offrent à elles.

Lorsqu’un militaire est déployé, sa famille vit plusieurs facteurs de stress en raison de la séparation. D’abord et avant tout, les proches s’inquiètent jour et nuit et craignent pour la sécurité et le bien-être du militaire. Ce sentiment redouble d’intensité chaque fois que les médias signalent une blessure ou un décès en théâtre d’opérations. La conjointe, ou le conjoint, doit s’occuper de la maison, parfois seul, les enfants ressentent les effets de cette perturbation, mais n’en comprennent pas bien les raisons, et les parents se sentent isolés, surtout s’ils ne demeurent pas dans la même ville que leur fils ou fille militaire.

Le Directeur général Recherche et analyse (personnel militaire) de RDDC a fait un sondage et publié le rapport intitulé Quality of Life among Military Families: Results from the 2008/2009 Survey of Canadian Forces Spouses. Les quelque 2 084 conjointes et conjoints qui ont répondu ont permis de dépeindre le stress que vivent les conjointes et les conjoints de militaires pendant le déploiement et l’accessibilité des programmes du MDN et des FAC. En voici quelques résultats :

  • Près de la moitié des répondants ont indiqué avoir utilisé au moins un service des FAC et du MDN pendant le déploiement.
  • Pendant le déploiement de leur conjoint ou conjointe, 49,6 % des répondants ont été contactés par leur CRFM, tandis que 27,3 % ont été contactés par un représentant des FAC.
  • Près de la moitié des répondants ont signalé que pendant le déploiement d’un parent, les enfants devenaient plus accaparants, tandis qu’environ le tiers ont constaté des changements de comportement chez l’enfant, comme un jeune enfant qui dort avec son parent, qui fait des crises ou qui souffre d’anxiété.
  • Environ 5 % des répondants ont dit avoir songé à s’enlever la vie pendant le déploiement de leur conjoint ou conjointe, et un cinquième dit avoir songé à mettre fin à la relation avec leur partenaire pendant cette période[67].

Le colonel Mann a informé le Comité des divers programmes et services offerts aux familles des militaires pendant le déploiement de leur proche militaire. Selon lui, au cours d’une mission, « plusieurs commandants et organismes » — comme les CRFM — appellent les familles pour qu’elles soient en contact avec la communauté militaire et les ressources dont elles peuvent bénéficier[68]. D’après les commentaires du colonel et les statistiques énoncées ci-dessus, le Comité soupçonne que ces mesures ne sont pas constantes.

Le site Web du Programme de services aux familles des militaires (PSFM) offre un certain nombre de ressources d’information pour aider les familles des militaires à se préparer à vivre le stress associé au déploiement. Il offre aussi des conseils pour organiser les soins de santé des familles, les services juridiques dont elles pourraient avoir besoin et les besoins émotionnels des familles avant, pendant, et après le déploiement. De plus, il permet aux familles de trouver leur CRFM local parmi les 32 situés dans les bases des FAC un peu partout au Canada, en Europe et aux États-Unis. Par ailleurs, la ligne d’information pour les familles offre gratuitement des services bilingues et confidentiels aux familles et, depuis 2014, ce service est offert 24 heures par jour et 7 jours par semaine. Des conseillers formés peuvent répondre aux questions concernant les politiques et les procédures, aider à résoudre des crises familiales et faire le lien entre les familles et les ressources locales, y compris les professionnels de la santé mentale.

Les aumôniers peuvent également aider les familles. Selon le colonel Fletcher, l’aumônerie est « la seule fonction militaire dont le mandat englobe des services aux membres de la famille ». Les aumôniers jouent également un rôle important en accompagnant l’officier qui va informer une famille qui vient de perdre un fils, une fille, un mari ou une épouse. Toujours selon le colonel Fletcher, leur « présence peut faire une différence, donc [ils essaient d’]offrir une présence de qualité[69] ».

Les parents des militaires et les membres de la famille des réservistes sont plus difficiles à contacter. Selon le colonel Mann, étant donné que les parents ne vivent pas nécessairement sous le même toit que leur fils ou leur fille militaire, il est plus difficile de répondre à leurs besoins. Plusieurs familles de réservistes ont dit se sentir exclues. Il arrive que les parents et les réservistes qui ne vivent pas près d’une base militaire se sentent encore plus isolés du reste de la communauté militaire et des services qui leur sont offerts. Le colonel Mann a expliqué au Comité qu’au cours des 12 derniers mois, il avait « changé les conditions et la description des populations desservies par les CRFM[70] ». Selon le site Web du PSFM, les services ont été élargis aux personnes suivantes avant, pendant et trois années après un déploiement :

  • Les parents des membres à temps plein des FAC;
  • Les parents, le conjoint, les enfants, les enfants du conjoint et les parents à charge des membres de la Force de réserve touchés;
  • Les parents, le conjoint, les enfants, les enfants du conjoint et les parents à charge des membres du personnel des Fonds non publics (FNP) et des employés civils du MDN en déploiement au sein des FAC dans une mission à l’extérieur du Canada.

Les FAC tentent d’avoir une définition claire et inclusive de la notion de « famille », particulièrement en ce qui concerne le programme de services aux familles. Toutefois, le MDN et les FAC n’ont pas adopté une définition globale de la famille militaire moderne, comme le recommandait l’ombudsman du MDN et des FAC dans son rapport de novembre 2013 sur les familles militaires intitulé Sur le front intérieur. Le colonel Mann a affirmé s’être engagé à examiner la question et à répondre à l’ombudsman d’ici un an.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, continue d’appuyer activement les recherches cliniques en cours sur la prévention des décès par hémorragies.

Recommandation 6

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada appuie la recherche sur la hausse du taux de survie aux lésions par souffle causées par exemple par les engins explosifs improvisés et les obus de mortier.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise de Recherche et Développement pour la défense Canada, ou d’autres entités comme l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans, continue d’appuyer activement les recherches en cours au centre de Downsview, où des appareils à imagerie par ultrasons sont adaptés pour fonctionner en théâtre d’opérations, et les recherches visant à améliorer les outils de diagnostic ultrasoniques en 3D auxquels les techniciens médicaux ont accès sur place.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada forme et encourage activement les militaires à s’autoévaluer afin de reconnaître les problèmes de santé mentale dont ils peuvent souffrir en déploiement.

Recommandation 9

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada procède à des évaluations périodiques et rigoureuses de la santé mentale pendant le déploiement des membres des Forces armées canadiennes pour dépister les blessures liées au stress opérationnel et les troubles comorbides courants.

Étape 4 : Rétablissement

« […] cette fois-ci, lorsqu’elle est revenue, au moment où elle a descendu dans l’escalier mobile et que je l’ai regardée dans les yeux, ça lui ressemblait – c’était ma fille, c’était l’enfant que j’avais mis au monde, c’était mon soldat – mais ce n’était pas elle. »
Heather Allison, mère d’une soldate blessée, 3 juin 2013

Bon nombre de témoins, y compris des militaires malades ou blessés, ont parlé de militaires qui, au retour d’un déploiement, continuent de faire la guerre dans leur tête bien après leur retour à la maison, au Canada, et qui ont laissé une partie d’eux-mêmes là-bas, en Afghanistan. Comme il a été mentionné plus tôt, l’amélioration de l’équipement de protection individuelle et le taux de survie de 97 % à l’hôpital de rôle 3 ont sauvé de nombreuses vies. Toutefois, ces survivants continuent de vivre les traumatismes du combat et reviennent au pays avec des blessures physiques et mentales. Selon le MDN, 2 000 soldats canadiens ont été blessés en Afghanistan, dont 635 au combat et 1436 hors combat. Les blessures au combat comprennent les blessures physiques et mentales « directement liées au combat », tandis que les blessures hors combat incluent les blessures causées par des accidents non liés au combat[71]. Le Comité s’intéressait à la prévention et au diagnostic des blessures mentales, au traitement et au soutien social offerts aux militaires ayant subi des blessures physiques et mentales, à la recherche et à l’innovation dans ces domaines, et le soutien offert aux familles qui prennent soin de leurs proches militaires malades ou blessés.

Prévention et diagnostic

Le Comité s’est informé des mesures préventives en place pour détecter et diagnostiquer avec certitude les BSO et pour encourager les militaires à se faire traiter, afin d’éviter que les symptômes s’accentuent et de prévenir les suicides. Un défi de taille demeure cependant : éliminer les préjugés liés à la maladie mentale, que ce soit dans les institutions ou dans la population.

a. Affronter les préjugés

À la fin de leur tour et avant de rentrer au Canada, la plupart des militaires sont envoyés en décompression dans un tiers lieu (DTL) pour une période de relaxation hors de la zone de combat pendant laquelle ils passent du temps avec leurs camarades avant de revenir dans leur famille et dans la société canadienne. Selon le brigadier-général Bernier, la décision d’instaurer la DTL ne se fondait sur aucune donnée; elle découlait d’un « examen fondé sur le bon sens » des expériences canadiennes passées à la suite de la Seconde Guerre mondiale et de la guerre de Corée, où les troupes avaient pu « passer beaucoup de temps ensemble avant leur démobilisation complète de retour au Canada[72] ». On a aussi examiné l’expérience des Américains après la guerre du Vietnam, où les troupes n’ont pas eu cette possibilité. Mme Aiken a expliqué qu’il est utile pour les militaires d’avoir ce temps pour se reposer, relaxer et recevoir de l’information sur la réintégration dans la famille et la vie civile. La lieutenant-colonel Heber, quant à elle, a raconté qu’elle avait entendu parler, de façon anecdotique, des effets bénéfiques de la DTL. Selon elle, cette décompression est à la fois sociale et éducative. Des professionnels de la santé mentale sont sur place pour offrir un encadrement solide et rappeler aux militaires ce qu’ils ont appris dans leur formation RVPM préalable au déploiement sur la façon de s’autoévaluer, de composer avec les symptômes de stress ou les BSO et d’accéder aux ressources disponibles. Ces professionnels de la santé mentale sont également disponibles 24 heures par jour, 7 jours par semaine, pour ceux qui ont déjà besoin de soins. Le lieutenant-colonel Heber nous a raconté qu’il lui est arrivé de recevoir des recommandations de patients directement de la DTL, avant même que les militaires ne rentrent au Canada.

Un certain nombre de témoins ont insisté sur l’importance de traiter les militaires ayant des blessures ou des troubles mentaux le plus tôt possible. Pour ce faire, il faut que les militaires consultent dès les premiers symptômes. Du point de vue des soins de santé, le dépistage des troubles mentaux et la pose d’un diagnostic précis sont aussi des critères importants pour prodiguer rapidement les soins adéquats. Les préjugés demeurent l’un des plus grands obstacles empêchant une personne d’obtenir des soins dans les FAC, mais aussi dans la société canadienne en général. Le MDN et les FAC ont fait un travail considérable pour réduire la stigmatisation associée aux blessures et aux maladies mentales. En fait, plusieurs témoins ont fait remarquer que les FAC étaient un chef de file mondial de la déstigmatisation des problèmes de santé mentale. Selon Mme Aiken, les « autres armées se tournent vers le Canada pour s’informer sur les moyens de déstigmatiser les maladies mentales ». Et, d’après son expérience, d’autres organismes gouvernementaux au Canada, comme la GRC et Service correctionnel du Canada, disent « souhaiter » que, « à l’instar des Forces canadiennes, on déstigmatise […] les problèmes de santé mentale[73] » dans leurs institutions aussi.

Le MDN et les FAC ont multiplié les initiatives de lutte contre les préjugés ces dernières années. La campagne « Soyez la différence » lancée en 2009 et dirigée par le général Walter Natynczyk, ex-chef d’état-major de la Défense, a permis d’étendre l’éducation sur les blessures et les maladies mentales à l’ensemble des FAC et d’encourager les militaires de tous les rangs à participer personnellement aux efforts de sensibilisation et de compréhension grâce au BCC et au programme Soutien social aux blessés de stress opérationnel (SSBSO). Le général Natynczyk lui-même a commencé à parler ouvertement du stress psychologique qu’il avait vécu après son déploiement. De plus, comme il a été mentionné plus tôt, la formation sur la résilience et la préparation mentale comporte un volet sur la santé mentale qui commence dès le recrutement et se poursuit tout au long de la carrière du militaire, particulièrement dans le cycle de déploiement. Selon le colonel McLeod, « le simple fait de reconnaître le trouble de stress post-traumatique et les maladies comme des blessures subies au cours des combats a certainement amélioré la compréhension de la stigmatisation également[74] ».

Malgré toutes ces initiatives, nous avons entendu plusieurs témoins raconter que des militaires présentant des symptômes de BSO continuent d’hésiter à se faire soigner. De nombreux témoins s’entendent pour dire que le leadership est un facteur important dans l’élimination des préjugés. Toutefois, il faut impliquer tous les niveaux de leadership, des sergents jusqu’aux généraux. Les cliniciens ont également un rôle important à jouer. Les militaires qui se font soigner rapidement ont une meilleure chance de reprendre du service. Les dirigeants et les cliniciens des FAC ont la responsabilité de transmettre l’information à tous les militaires et d’éliminer les obstacles aux soins.

Comme l’a expliqué le colonel McLeod, les militaires « craignent qu’en déclarant leur maladie, ils pourraient rejoindre des catégories temporaires ou se voir attribuer des tâches restreintes[75] ». Les militaires craignent également d’être libérés des forces armées pour des raisons médicales. En fait, le caporal-chef Bill Nachuk a raconté au Comité qu’il avait été menacé d’être libéré pour des raisons médicales par deux médecins, dans deux bases militaires distinctes. On lui a même dit que s’il avait une rechute à tout moment de sa carrière, on allait lui attribuer un profil médical permanent et qu’on entreprendrait un processus de libération des forces armées[76]. Puisque le TSPT est une lutte constante, il savait que s’il rechutait, il ne pourrait demander de l’aide sans craindre de perdre son emploi. Phil Upshall, directeur général national de la Société pour les troubles de l’humeur au Canada, a fait remarquer que « les soins de santé mentale étaient en réalité un enjeu qui faisait l’objet d’une stigmatisation chez les professionnels de la santé eux-mêmes[77] ». Louise Bradley, présidente-directrice générale de la Commission de la santé mentale du Canada, a confirmé cela en ajoutant qu’il faut mettre l’accent sur les professionnels de la santé parce que « ces professionnels représentent un des plus grands obstacles aux soins[78] ». Le défi est de taille puisque quiconque souffre d’un problème mental consultera probablement son médecin généraliste d’abord. Selon le brigadier-général Bernier, tous les médecins militaires « sont appelés à pratiquer dans le domaine de la santé mentale[79] ».

Les préjugés peuvent venir de diverses sources. Le caporal-chef Nachuk nous a confié qu’il avait l’impression que la police militaire faisait tout pour le « surveiller » et qu’il était ciblé parce qu’il avait des troubles de santé mentale. Comme l’a expliqué le commodore Jung, les « préjugés viennent de l’extérieur et de l’intérieur. Il faut savoir d’où ils proviennent. Proviennent‑ils de leurs pairs? Proviennent-ils du commandement de leur unité? Proviennent‑ils d’eux‑mêmes? Il se peut que ce soit une combinaison de tout cela, selon la micro‑culture de leur milieu[80]. » Il semble que la culture militaire en soi constitue un obstacle aux soins. Le caporal-chef (à la retraite) Paul Franklin a dit : « Je me suis joint à l’unité en 1994, à l’époque où les gens malades ne disaient à personne qu’ils l’étaient et les blessés étaient des mauviettes. Nous avons peut-être un peu favorisé cette attitude dans ce temps-là[81]. » Il semblerait que les femmes militaires en particulier soient plus réticentes à se faire soigner, de peur de se faire dire qu’elles n’ont pas ce qu’il faut pour être dans l’armée[82].

Selon le lieutenant-colonel Grenier, la culture « a bien changé » ces dernières années. En effet, en 2011, « la majorité des militaires — sinon 80 % d’entre eux — qui démontraient des signes avant-coureurs de problèmes de santé mentale 6 mois après leur retour de Kandahar recevaient déjà des soins cliniques. Ce n’était pas le cas lors du conflit en Bosnie[83]. » À l’époque, un militaire aurait attendu sept ou huit ans avant de demander de l’aide. Le lieutenant-colonel Grenier a cependant fait remarquer que les FAC doivent continuer de traiter de la même façon les blessures physiques et les blessures mentales. Il s’est dit inquiet de constater que, depuis qu’il a pris sa retraite des FAC, il y a deux catégories. Selon lui, c’est une « erreur stratégique » que de procéder ainsi. L’armée ne pourra lutter contre les préjugés sur les blessures mentales si, dans ses programmes, elle alimente ou endosse indirectement l’idée « qu’il y a des blessures légitimes et qu’il y a des blessures de l’esprit qui peuvent être imaginaires ». Toujours selon lui, c’est « une chose de dire qu’un soldat blessé est un soldat blessé, mais les dirigeants de l’armée doivent montrer qu’ils le croient vraiment[84] ».

Le commodore Jung et le colonel Jetly ont tous deux parlé de « l’autopréjugé », en faisant remarquer que, souvent, les militaires sont prêts à passer l’éponge pour leurs camarades, mais ils sont incapables d’avoir la même compassion pour eux-mêmes. Mme Bradley a raconté au Comité que, dans ses travaux de recherche, la Commission a constaté que « les gens préfèrent souffrir plutôt que d’admettre qu’ils souffrent de problèmes de santé mentale. Passer aux aveux est perçu comme un signe d’incompétence ou d’instabilité[85] ». Le Dr Don Richardson, consultant en psychiatrie à l’Association des psychiatres du Canada, a recommandé que les FAC améliorent la diffusion des connaissances. Selon lui, les militaires « doivent savoir que le TSPT peut être soigné par des traitements fondés sur des données probantes, y compris la pharmacothérapie et la psychothérapie[86] ». Peut-être que davantage de militaires demanderaient de l’aide s’ils savaient que les BSO, y compris le TSPT, peuvent être traitées.

Il faut poursuivre la lutte contre les préjugés. Bien que soigner le militaire le plus tôt possible augmente ses chances de reprendre du service, l’amener à consulter le bon professionnel de la santé n’est que la première étape. Selon Mme Aiken, s’il « est possible de faire un diagnostic exact et de donner le traitement approprié, alors le patient a de plus fortes chances de guérir et de rester dans les Forces[87] ».

b. Diagnostiquer les BSO

Les témoins nous ont parlé de l’importance d’accroître la portée et la fréquence des dépistages de BSO et de l’importance des diagnostics exacts. Selon le colonel McLeod, les militaires en DTL ont l’occasion de « signer une déclaration et de rapporter les contacts à risque élevé qu’ils ont eus avec d’autres traumatismes, des combats et d’autres événements qui pourraient les mettre dans la catégorie des personnes plus à risque[88] ». Une fois de retour au Canada, ceux qui ont été identifiés comme étant à risque sont « immédiatement pris en charge » par les professionnels de la santé. De quatre à six mois après leur retour de déploiement, ils passent un examen postdéploiement amélioré qui comprend un questionnaire approfondi qui porte sur tout ce qui est lié à la santé mentale, de même qu’une entrevue personnelle avec un professionnel de la santé mentale. De plus, les professionnels de la santé des FAC font des « examens de santé périodiques qui ciblent également en profondeur les maladies mentales[89] ». Selon le Dr Richardson un « dépistage périodique du TSPT et des troubles comorbides courants tels que la dépression grave, les dépendances et le suicide favoriserait une détection précoce et faciliterait le traitement[90] ». Une évaluation de la santé est faite au moment du recrutement et tous les 5 ans par la suite, jusqu’à l’âge de 40 ans. De plus, on fait une évaluation avant chaque déploiement et une autre pendant le déploiement, puis on procède à une évaluation complète entre trois et six mois après le déploiement. Enfin, le militaire est évalué une dernière fois avant d’être libéré des Forces armées[91].

Un diagnostic exact de BSO, y compris du TSPT, est essentiel au rétablissement du militaire. Dans le cas du fils de M. Woolvett, qui a servi deux tours en Afghanistan en 2007 et en 2008, il avait été traité seulement pour son alcoolisme quand on a finalement diagnostiqué un grave TSPT en 2010. M. Woolvett a exprimé de la frustration en nous expliquant qu’il avait passé des années à tenter de convaincre les professionnels de la santé des FAC que l’alcoolisme de son fils était une conséquence d’un TSPT. Le Dr Richardson a recommandé que les connaissances sur les TSPT soient mieux diffusées aux cliniciens. Selon lui, « les cliniciens doivent savoir que le TSPT se manifeste rarement de façon isolée et que la comorbidité est fréquente, et qu’elle doit être traitée énergiquement pour optimiser les résultats, surtout si le patient s’apprête à suivre une psychothérapie axée sur le traumatisme — au cours de laquelle il parle de l’événement traumatisant[92] ».

Les réservistes sont confrontés à un défi particulier parce qu’ils dépendent davantage des professionnels de la santé de leur province ou territoire. À moins d’être évalué, d’être diagnostiqué et de recevoir les soins appropriés à une base des FAC, le réserviste ne recevra peut-être pas les soins adéquats. Le Dr Richardson a recommandé que les FAC travaillent étroitement avec les provinces et les territoires pour s’assurer que les médecins primaires et les spécialistes demandent aux patients s’ils sont militaires ou si un de leurs proches est militaire. Ainsi, les réservistes seraient évalués pour les BSO. Il semblerait que cette façon de faire connaît beaucoup de succès aux États-Unis.

c. Suicide et prévention du suicide

Le suicide et la prévention du suicide demeurent un autre défi. Le lieutenant-colonel Grenier nous a dit que s’il avait une seule recommandation à faire, ce serait d’investir dans la prévention du suicide. Mme Bradley nous a également informés que la Commission de la santé mentale du Canada se lançait aussi dans des stratégies de prévention du suicide.

Dans un rapport du médecin général des FAC, intitulé Le suicide dans les Forces canadiennes de 1995 à 2012, on peut lire les conclusions suivantes :

  • Il n’y a pas eu de changements statistiquement significatifs dans les taux de suicide chez les hommes des FAC entre 1995 et 2012.
  • Le taux de suicide est plus bas que celui de la population canadienne en général lorsqu’il est normalisé selon l’âge et le sexe.
  • Les antécédents de déploiement ne sont pas un facteur de risque de suicide au sein des FAC[93].

Le Dr Richardson nous a informés que, même si le TSPT est associé au suicide, aux tentatives de suicide et aux idées suicidaires, il est souvent accompagné de dépression. Selon lui, on a « découvert que la dépression était à l’origine des idées suicidaires ». Le colonel Jetly a ajouté que l’impulsivité est l’un des plus importants facteurs de risque pour le suicide. Selon les premiers résultats menés par l’Army Study to Assess Risk and Resilience in Servicemembers, « en général, le trouble dépressif majeur amène des idées suicidaires et non des tentatives, tandis qu’un trouble du contrôle des impulsions, comme le trouble explosif intermittent, laisse présager des tentatives de suicide[94] ». Il est difficile de faire le suivi des tentatives de suicide, puisque les médecins des FAC ou la chaîne de commandement n’en ont pas toujours connaissance. Par conséquent, les FAC ne peuvent consigner que le nombre de suicides parmi les militaires en service[95]. Les suicides d’anciens combattants ne sont pas consignés par le MDN et les FAC, ni par Anciens Combattants Canada (ACC). Toutefois, selon une étude réalisée en 2011 par Statistique Canada, intitulée Étude du cancer et de la mortalité chez les membres des Forces canadiennes : causes de décès, le pourcentage de décès attribuables au suicide est 45 % plus élevé chez les anciens combattants que dans la population en général et chez les militaires en service[96]. Zul Merali, président-directeur général de l’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa, nous a informés que le gouvernement américain consigne les suicides des anciens combattants et que les études montrent que le nombre « ne cesse d’augmenter avec le temps[97] ».

Selon le brigadier-général Bernier, on « ne peut exploiter un programme de prévention du suicide à l’extérieur du système de santé mentale. La bonne santé mentale contribue à la prévention du suicide[98]. » À la suite du Comité d’experts des Forces canadiennes sur la prévention du suicide, en 2009, les FAC ont modifié leurs stratégies de prévention du suicide. Selon le brigadier-général Bernier, le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes a « donné suite » à toutes les recommandations du Comité. La Stratégie du médecin général en matière de santé mentale établit la marche à suivre.

On recommandait notamment de procéder à des examens techniques des suicides par des professionnels de la santé après chaque suicide. Selon le major-général David Millar, actuel chef du personnel militaire, et le lieutenant-colonel Heber, ces examens se font depuis 2010. Dans les trois jours suivant le suicide d’un militaire, un médecin militaire généraliste et un psychiatre militaire d’une autre base procèdent à l’examen. Ils interrogent toutes les parties, y compris les cliniciens qui ont traité le militaire, la famille et la police, si cette dernière a été appelée. Dans les 30 jours, ils font leur rapport au médecin général des FAC dans lequel ils décrivent les circonstances et, le cas échéant, les mesures préventives qui auraient pu être prises. Ces examens permettent aux FAC de mieux comprendre ce qui a pu pousser un militaire à s’enlever la vie. On nous a dit que selon les examens menés jusqu’à présent, environ 60 % des militaires qui s’enlèvent la vie ont participé à un déploiement et 40 % ne sont jamais partis en mission. De même, les relations interpersonnelles (45 %), les problèmes disciplinaires ou professionnels (21 %), les problèmes financiers (16 %) et les problèmes juridiques (10 %) sont les facteurs de suicide les plus répandus[99]. La moitié des militaires se sont suicidés malgré le fait qu’ils suivaient déjà un traitement. La quasi-totalité d’entre eux avait un trouble de santé mentale, qu’il soit traité ou non[100].

Une commission d’enquête est également lancée par le MDN après chaque suicide pour déterminer la distribution des prestations d’ACC. Il y a actuellement un retard d’environ 70 enquêtes, ce qui, selon le major-général Millar n’empêche pas le gouvernement de verser les prestations à la famille[101]. Une équipe d’experts a quand même été nommée pour achever ces enquêtes. De plus, les FAC procèdent à une réorganisation afin que les commissions d’enquête relèvent d’une seule organisation au lieu de deux.

Selon le brigadier-général Bernier, comme la moitié des militaires qui se sont suicidés ne recevaient aucun traitement, les services de santé des FAC devraient « pousser la recherche en permanence pour améliorer les traitements et la gestion du rendement pour améliorer les traitements individuels et prendre des mesures en continu pour éliminer les préjugés et les obstacles au traitement[102] ».

Accès aux soins et aux traitements

En ce qui concerne les traitements, le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes est légalement responsable de fournir des soins de santé aux militaires au pays et à l’étranger. Si des soins en particulier ne sont pas offerts par les FAC, les militaires peuvent se tourner vers les services de santé provinciaux et territoriaux, dont les coûts sont payés par le MDN. La Coopération civilo-militaire des services de santé (COCIM SS) a pour mandat d’établir des partenariats avec des organisations civiles pour faciliter les soins complémentaires. D’après les témoignages entendus, les soins et les traitements en cas de blessures physiques sont plutôt directs et le processus est bien établi. Les préoccupations portent plutôt sur le traitement et le soutien des militaires souffrant de BSO, particulièrement en ce qui concerne le manque de personnel et la prestation de services aux réservistes.

En raison de la fermeture d’hôpitaux militaires, il manque aux services de santé des FAC « certaines composantes, ce qui le rend dépendant du réseau civil de la santé[103] ». Huguette Gélinas, coordonnatrice pour le Québec de la COCIM SS, a expliqué au Comité que la COCIM SS a été créée en 2003 et qu’elle est composée d’un gestionnaire national à Ottawa et de coordonnateurs régionaux dans les diverses régions du pays. Depuis 2006, elle a le mandat d’assurer des soins aux militaires malades ou blessés dans les environnements des services de santé au Canada, y compris des soins de courte durée ou d’urgence dans les hôpitaux civils canadiens, des services de réadaptation, des services de santé mentale et d’autres services spécialisés comme les soins à domicile. La COCIM SS est également responsable de trouver des occasions d’éducation et de formation pour les professionnels de la santé des FAC dans les hôpitaux civils et d’autres environnements de soins de santé dans le but de maintenir leurs compétences cliniques. En mai 2013, il y avait 154 protocoles d’entente négociés et officialisés à cet égard. Selon le colonel Tien, une des « raisons pour lesquelles la qualité des soins en traumatologie est si élevée est que de nombreux cliniciens des forces font partie d’hôpitaux civils[104] ».

a. Réadaptation et rétablissement à la suite de blessures physiques et mentales

Comme il a déjà été mentionné, la prépondérance de militaires blessés au combat dans la mission en Afghanistan est associée aux engins explosifs improvisés. Les FAC ont donc dû fournir des traitements à un nombre considérable d’amputés. Par conséquent, en collaboration avec des centres civils de réadaptation, les FAC ont « mis en place un système visant à offrir aux amputés les meilleurs soins possible[105] ». Selon le caporal-chef Franklin, au fil des ans, plusieurs universités et centres hospitaliers de réadaptation ont grandement amélioré le traitement des militaires. Ces améliorations ont également aidé les provinces à traiter les civils blessés. Selon lui, des « milliers de personnes blessées ont pratiquement transformé tout le système médical canadien[106] ». Le commodore Jung nous a informés que le MDN et les FAC avaient également fait l’acquisition d’une technologie unique, le système de réadaptation assistée par ordinateur (CAREN), pour améliorer les soins offerts aux militaires malades ou blessés, ainsi qu’à l’ensemble des Canadiens.

Helen Zipes, directrice en clinique de l’Équipe universitaire de santé familiale du Centre de réadaptation de l’Hôpital d’Ottawa, nous a informés que le MDN et les FAC avaient acheté deux unités CAREN. L’une est située au Centre de réadaptation de l’Hôpital d’Ottawa et l’autre au Centre de réadaptation Glenrose à Edmonton. Le centre de réadaptation d’Ottawa s’occupe des militaires de l’Est et du Centre du Canada, tandis que Glenrose s’occupe des militaires de l’Ouest du Canada. Le laboratoire en réalité virtuelle qu’est le CAREN est en fonction depuis mars 2011. Avant l’arrivée de l’unité CAREN, les physiothérapeutes et les ergothérapeutes travaillaient avec les amputés dans une salle de conditionnement physique et parfois aussi à l’extérieur, sur un terrain inégal. Le processus était long puisqu’il fallait attendre que le patient ait retrouvé suffisamment de forces pour ne pas tomber. L’unité CAREN est munie d’un tapis roulant à deux vitesses, d’un écran de 180 degrés qui peut être programmé pour afficher tout environnement, et de caméras autour de l’unité pour mesurer l’équilibre et la démarche, selon les objectifs du traitement. De surcroît, l’unité compte un harnais qui empêche le patient de tomber. Ce harnais permet aux professionnels de la santé de faire progresser le traitement beaucoup plus rapidement puisqu’il met le patient en confiance et permet à celui-ci de repousser ses limites dans un environnement sûr et contrôlé, ce qui rend le traitement difficile, mais agréable. L’unité CAREN sert aussi à traiter les militaires souffrant de blessures physiques et de BSO. Selon Mme Zipes, le colonel Jetly a soumis un projet au centre de réadaptation pour travailler avec les militaires qui souffrent uniquement de BSO, y compris du TSPT.

Selon Ken Brough, chiropraticien et membre du conseil d’administration de l’Association chiropratique canadienne, la prévalence de lombalgie chez les militaires canadiens est deux fois plus élevée que dans la population canadienne, et 53 % des cas de libération pour des raisons médicales sont associés à des troubles musculosquelettiques (MS)[107]. De plus, la moitié des demandes liées aux soins des anciens combattants concernent des troubles MS. Les services chiropratiques sont déjà reconnus par le MDN dans le cadre de l’assurance-maladie complémentaire, mais les militaires sont souvent référés trop tard, après que d’autres traitements aient échoué, et le trouble du patient est alors jugé chronique. Selon son collègue chiropraticien, Eric Jackson, l’intervention précoce par une équipe « peut grandement améliorer les résultats et favoriser un retour rapide au travail[108] ». De plus, des études ont montré qu’une telle intervention est rentable. Dans le cadre de son rôle dans le récent comité d’experts du MDN sur la santé vertébrale, l’Association s’est montrée prête à en faire l’essai et elle a offert des fonds pour un projet de recherche sur cinq bases des FAC visant à inclure les chiropraticiens dans l’équipe de soins de santé. Enfin, compte tenu de la prévalence des troubles MS dans les FAC, l’Association a recommandé que le MDN et les FAC élaborent une stratégie MS globale.

Les blessures physiques et mentales vont souvent de pair. Il se peut que le militaire blessé physiquement soit traumatisé par l’incident ayant causé sa blessure; après tout, « le TSPT n’est en fait qu’une réaction normale à une situation très anormale[109] ». Il peut également avoir de la difficulté à accepter le fait que sa vie a brusquement changé. Le caporal-chef Franklin, qui a perdu ses deux jambes dans l’explosion qui a tué le diplomate Glyn Berry en 2006, nous a raconté que « [ç]a change tout. C’est comme passer du noir au blanc. C’est passer de la jeunesse à la vieillesse en un instant[110]. » Pour de nombreux militaires jeunes et en forme, l’effet est dévastateur. De même, selon Elizabeth Steggles, dirigeante en affaires professionnelles de l’Association canadienne des ergothérapeutes, « 90 % des gens souffrant de problèmes de santé mentale ont aussi des problèmes physiques[111] ».

Bien que le Comité estime que la Stratégie du médecin général en matière de santé mentale soit une étape importante pour faire de la santé mentale des militaires une priorité pour le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes, les prochaines étapes, bien entendu, comprennent sa mise en œuvre. Comme l’a expliqué le colonel Jetly, « nous devons être prêts à soutenir tous ceux qui ont le courage de faire le premier pas de demander de l’aide[112] ».

Les organisations nationales de santé mentale ont eu leur mot à dire sur certains aspects de la Stratégie du médecin général en matière de santé mentale. Par exemple, Mme Bradley nous a expliqué que la formation sur la résilience et la préparation mentale, RVPM, est très bien perçue, surtout pour la déstigmatisation. De même, selon M. Ferdinand (ACSM), ce que son organisation voit dans la stratégie « encourage beaucoup » les membres parce qu’on y établit « une approche scientifique pour aborder la personne dans son ensemble ». Il la qualifie d’approche multidisciplinaire assez complète et remarque qu’elle ne met pas l’accent que sur les interventions, mais également « sur la promotion de la santé, la prévention des maladies et toutes sortes de ressources[113] ». L’ACSM souligne également que la recherche et l’évaluation sont mises de l’avant dans la stratégie.

Le Comité a entendu parler de la difficulté de traiter le TSPT. Le Dr Richardson a expliqué que même si les données montrent que « le TSPT peut être soigné par des traitements éprouvés, y compris la pharmacothérapie et la psychothérapie », la recherche, elle, « montre invariablement qu’ils sont moins efficaces chez les militaires qui souffrent de TSPT que chez les civils[114] ». On ne sait pas pourquoi. Toutefois, l’explication réside peut-être dans « le type de traumatisme ou le taux plus élevé de comorbidité chez les militaires atteints[115] ». Comme il a été mentionné plus tôt, le TSPT se manifeste rarement seul chez les militaires. En effet, plusieurs témoins nous on dit que le TSPT est souvent accompagné d’autres troubles psychiatriques, y compris un trouble de dépression majeur, d’autres troubles de l’anxiété et des dépendances. Dans les FAC, l’alcoolisme est plus prévalent que la toxicomanie. Selon le lieutenant-colonel Heber, il n’est pas rare que les professionnels de la santé des FAC qui posent un diagnostic de TSPT aient également à traiter le patient pour alcoolisme et dépression majeure. Un tel diagnostic nécessite « un éventail complet de traitements », dont un traitement des dépendances. Selon Mme Aiken, si le « TSPT a été diagnostiqué de façon appropriée, un tiers des patients seront traités et guériront, un tiers nécessiteront un traitement permanent, mais pourront toujours servir, et environ un tiers ne répondront pas au traitement[116] ». Pour le Dr Richardson, il « reste donc beaucoup de travail à faire pour mieux comprendre la mauvaise réaction au traitement chez les militaires et les anciens combattants ainsi que pour choisir des modalités de traitement adapté[117] ».

Le lieutenant-colonel Heber gère le CSTSO d’Ottawa — l’un des sept au pays. Ces centres s’ajoutent aux 26 cliniques générales de santé mentale un peu partout au Canada qui traitent les maladies et les stress qui affectent tous les Canadiens. Le CSTSO d’Ottawa a été créé en 1999 pour répondre aux besoins en santé mentale des militaires qui ont été déployés au Rwanda, en Somalie et en Bosnie dans les années 1990. Les soins de santé mentale au CSTSO sont axés sur les BSO et offerts par une équipe multidisciplinaire composée de psychiatres, de psychologues, de travailleurs sociaux, d’infirmières en santé mentale, un aumônier et un pharmacien. Il y a également des spécialistes en toxicomanie, des gestionnaires de cas et des personnes affectées au soutien par les pairs. L’équipe de santé mentale a aussi des relations étroites avec les médecins de famille des militaires. Deux cliniciens sont nommés pour recevoir les gens en crise, sans rendez-vous. Entre 2007 et 2009, l’équipe de santé mentale du CSTSO d’Ottawa s’est également occupée des militaires malades ou blessés de Petawawa avant que la base ait son propre centre.

Le système de santé mentale des FAC doit toutefois encore compter sur les établissements civils des provinces et des territoires à certains égards. Bien que le CSTSO fasse l’évaluation, pose le diagnostic et établisse le plan de traitement pour les militaires, il ne peut « malheureusement pas fournir une thérapie […] à tous ces patients[118] » dans sa clinique. Ainsi, les patients sont référés à des psychologues civils, et après chaque série de 10 séances, le militaire revient pour rencontrer son travailleur social et discuter de la progression du traitement. Selon le brigadier-général Bernier, les militaires peuvent certes être aiguillés vers des ressources externes, mais le principe général de la continuité des soins veut qu’ils fassent partie du système de santé militaire.

Le système médical des FAC dépend aussi d’établissements civils offrant des traitements résidentiels. Le lieutenant-colonel Grenier a soutenu que « les critères sont tellement stricts qu’on est toujours soit trop malade soit trop en santé pour être admissible à ces programmes[119] ». Mme Allison a été informée, avant sa comparution devant le Comité, que sa fille allait être admise à Homewood, un établissement civil, mais elle a exprimé les mêmes préoccupations que le lieutenant-colonel Grenier et a expliqué qu’elle a « dû [se] battre avec l’énergie du désespoir pour obtenir cela[120] ». Le brigadier-général Bernier a indiqué que la décision repose sur le jugement clinique et que les cliniciens, les membres de la famille et la personne concernée « ne [sont] pas toujours du même avis[121] ». Mme Allison a aussi indiqué que sa fille et d’autres soldats ont été admis dans des unités de psychiatrie à des fins d’évaluation, aux côtés de patients présentant de graves maladies mentales, et que cela a constitué des expériences terrifiantes pour eux. Le lieutenant-colonel Grenier a soutenu qu’il est important que les FAC disposent de leurs propres programmes d’hospitalisation et qu’elles créent leur propre expertise dans ce secteur. Selon lui, envoyer des membres des FAC malades ou blessés dans des établissements civils offrant des traitements revient à abdiquer les responsabilités des FAC. Le brigadier-général Bernier a indiqué que les FAC utilisent une série de centres d’orientation pour le traitement à l’interne de la toxicomanie et leur propre centre d’orientation et de traitement résidentiel, à Halifax. L’établissement Bellwood de Toronto, où le fils de M. Woolvett est traité, offre maintenant un programme de traitement du TSPT causé par la guerre.

M. Woolvett, Mme Allison, le caporal Kirkland et le bombardier Logue ont dit craindre que les membres des FAC malades ou blessés ne soient surmédicamentés. Le brigadier-général Bernier a indiqué que les professionnels de la santé des FAC « [tentent] continuellement de déterminer, selon les nouvelles recherches, quelle est la meilleure façon de traiter[122] ». Les services de santé des FAC organisent aussi des séances de formation et incitent les médecins à consulter toutes les nouvelles informations disponibles. Le colonel McLeod ne pouvait pas formuler des commentaires sur des cas précis, mais il a indiqué qu’en général, les professionnels de la santé des FAC préfèrent employer « une approche multidisciplinaire en matière de soins, ce qui suppose une part égale de psychothérapie et de pharmacothérapie » et que « la pharmacothérapie ne devrait jouer qu’un rôle relativement mineur[123] ». Le brigadier-général Bernier a indiqué que s’il y a des motifs de préoccupation, il a toujours la possibilité de faire des vérifications cliniques de cas par l’entremise des médecins-chefs des bases, ainsi que des évaluations nationales de cas en particulier.

b. Pénurie de personnel spécialisé en santé mentale

Selon l’ombudsman du MDN et des FAC et selon les témoignages entendus, un des problèmes qui nuit continuellement aux soins prodigués aux personnes souffrant de BSO est la pénurie nationale de fournisseurs de soins en santé mentale. Tous les témoins des FAC ont reconnu qu’il y avait non seulement une pénurie de professionnels de la santé mentale au sein du MDN et des FAC, mais aussi à l’échelle du pays en général. Selon les résultats d’un sondage réalisé par Statistique Canada en 2002, combinés aux données tirées du projet Rx2000, le nombre idéal de fournisseurs de soins en santé mentale s’élève à 447[124]. Cette évaluation a toutefois été faite avant la mission du Canada en Afghanistan. L’ombudsman du MDN et des FAC a indiqué qu’en 2005, le MDN et les FAC ont convenu de porter de 228 à 447 le nombre d’intervenants en santé mentale, et que les sommes nécessaires ont été débloquées à cet effet[125]. Selon le colonel Jetly, en date du 6 décembre 2012, le MDN et les FAC avaient pourvu 379 des 447 postes en santé mentale. L’ombudsman du MDN et des FAC a souligné que ce nombre est demeuré relativement inchangé depuis 2010 (378)[126].

En plus du manque de professionnels de la santé mentale au Canada, le commodore Jung a confirmé que lorsqu’il était médecin-chef des FAC, les problèmes qu’il rencontrait pour embaucher des professionnels de la santé civils ne concernaient jamais le financement. Son incapacité de dépenser l’argent et d’embaucher du personnel était causée par des obstacles internes échappant à son contrôle (comme des gels de l’embauche, des salaires non concurrentiels et de lourds processus bureaucratiques). Il a souligné qu’il fallait parfois 10 mois, voire plus, pour embaucher un professionnel de la santé civil. Voici ce qu’il a déclaré : « La fin de l’année financière arrivait, et je n’avais pas été en mesure de dépenser mon budget[127]. » Jacqueline Rigg, directrice générale des opérations de gestion des ressources humaines civiles au MDN, a indiqué que la difficulté d’embaucher des professionnels de la santé civils dans les régions rurales et éloignées représentait un autre obstacle. Malgré le gel de l’embauche dans la fonction publique, le brigadier-général Bernier a indiqué que les FAC étaient toujours en mesure d’embaucher des professionnels de la santé civils par l’entremise de Calian, un entrepreneur externe, et de les payer aux taux du marché.

En octobre 2013, le sous-ministre du MND a retiré le gel d’embauche affectant les postes civils. Depuis, on nous a informé que les FAC ont créé une « équipe d’experts » pour accélérer le processus d’embauche. Le major-général Millar a indiqué que l’objectif actuel est d’avoir 452 professionnels de la santé mentale et employés de soutien. Le 8 avril 2014, Mme Rigg a indiqué au Comité qu’il ne restait plus que 17 postes à combler au sein du MDN et des FAC, comparativement à 54 lorsqu’elle a comparu devant le Comité pour la première fois le 4 mars 2014. Le MDN et les FAC ont sollicité l’appui du Secrétariat du Conseil du Trésor (SCT) et de la Commission de la fonction publique (CFP) « afin d’obtenir un maximum de flexibilité à l’intérieur de la structure législative de la fonction publique, de manière à attirer et à recruter davantage de professionnels de la santé mentale[128] ». Par exemple, en ce qui concerne l’embauche de personnel dans les localités isolées, le SCT a approuvé une augmentation (valide jusqu’au 31 mars 2015) du remboursement maximum accordé aux candidats prêts à déménager pour obtenir un poste, qui est passé de 5 000 $ à 40 000 $. De plus, la CFP a accepté de diriger les employés prioritaires vers le MDN s’ils répondent aux besoins et exigences du poste. Ces candidats obtiennent une autorisation en matière de priorité, ce qui réduit le temps requis pour doter le poste, et le MDN et les FAC offrent l’échelon supérieur de salaire dans chaque catégorie clinique, de manière à mieux soutenir la concurrence du secteur privé.

Étant donné que les postes de psychologues cliniciens demeurent difficiles à combler, particulièrement dans les régions isolées, des témoins ont présenté des arguments en faveur de la création de postes de psychologues cliniciens militaires. De fait, dans son rapport Ténacité dans l’adversité, l’ombudsman du MDN et des FAC a indiqué que «[les] services spécialisés en santé mentale les plus difficiles à assurer à Petawawa, de même que dans plusieurs autres emplacements géographiquement isolés, sont les soins psychologiques, et ce, principalement en raison de l’absence de psychologues au sein du personnel militaire. Le fait d’intégrer des psychologues au personnel militaire augmenterait probablement le nombre de ces spécialistes aptes et disposés à servir les FC dans des endroits isolés comme Petawawa, à l’exemple des psychiatres[129]. » Comme il a déjà été mentionné, le MDN et les FAC étudient actuellement cette demande. Le commodore Jung a souligné que l’ajout de nouveaux professionnels de la santé militaires n’est pas aussi simple qu’il y paraît. Il a ajouté ce qui suit : « […] si nous augmentons le nombre de professionnels de la santé en uniforme, il faudra procéder à des réductions quelque part ailleurs, car le gouvernement ne nous autorise qu’un nombre total fixe de militaires en uniforme. Le nombre de professionnels de la santé en uniforme est donc dicté par nos besoins opérationnels […] Pour tous les autres services, nous faisons appel à des civils[130]. »

Entretemps, le MDN et les FAC améliorent leurs stratégies pour recruter des professionnels de la santé mentale. Le colonel McLeod a indiqué que le MDN et les FAC annoncent les postes vacants dans des publications et revues professionnelles. Le médecin-chef des FAC et les psychiatres principaux des FAC assistent également à des événements médicaux pour attirer des professionnels de la santé mentale au sein des FAC. Mme Rigg a aussi indiqué que le MDN élabore des produits de communication qui présentent le MDN comme un employeur de choix.

c. Soins et traitements offerts aux réservistes

Il peut s’avérer particulièrement difficile de s’assurer que les réservistes reçoivent des traitements de grande qualité rapidement. Des témoins ont indiqué qu’au cours des dernières années, il y avait de la confusion chez les réservistes et les professionnels de la santé des FAC quant à savoir qui était responsable des soins. De plus, certains réservistes habitent loin des collectivités militaires, où aucune structure de soins et de soutien n’est disponible. En ce qui concerne les blessures physiques, l’ombudsman du MDN et des FAC a constaté que certains réservistes recevaient une compensation ne correspondant qu’à 40 % de ce que d’autres réservistes et les membres réguliers recevaient pour les mêmes blessures[131].

Les réservistes ont fait augmenter les effectifs de la Force régulière d’une proportion allant jusqu’à 20 % pendant la mission en Afghanistan. Lorsque des réservistes sont en opération, ils sont embauchés en vertu d’un contrat de classe C et bénéficient des mêmes services de santé que leurs collègues de la Force régulière. Lorsqu’ils reviennent au Canada, et qu’ils ont terminé de s’acquitter de leurs tâches, ils retournent dans leur unité et sont alors dans une catégorie d’emploi de classe A. Selon le Padre Phil Ralph, aumônier du 32e Régiment de combat et directeur des programmes à Wounded Warriors Canada, il y a deux problèmes liés aux soins prodigués aux réservistes malades et blessés : le temps et l’espace. Si les blessures se manifestent dans les 30 jours avant que le contrat de classe C du réserviste n’expire, les FAC peuvent prolonger le contrat et maintenir le niveau de soins offerts, qui correspond alors à celui dont bénéficient les membres de la Force régulière. Les réservistes peuvent alors se concentrer sur leur guérison, tout en continuant d’être payés. Cependant, les symptômes des BSO peuvent survenir des mois, voire des années, après le déploiement. Les réservistes ont alors du mal à obtenir des soins adéquats en tant que civils. Le Comité croit comprendre que les réservistes malades ou blessés par suite de leur service militaire peuvent avoir accès aux services médicaux des FAC. Les réservistes qui vivent dans des régions isolées, toutefois, ont du mal à obtenir des soins adéquats près de chez eux. Entretemps, ils tentent aussi de subvenir aux besoins de leur famille et de conserver leurs emplois civils[132].

Lorsque l’ombudsman du MDN et des FAC a étudié cette question, il a découvert que certains médecins des FAC ne savaient pas quels soins ils avaient le droit de prodiguer aux réservistes malades et blessés, et que certains réservistes ne savaient pas non plus à quels soins ils avaient droit. De fait, dans certains cas, des réservistes qui avaient fait appel à des professionnels de la santé des FAC dans une base militaire ont été dirigés vers des services de santé provinciaux. Lorsque l’ombudsman du MDN et des FAC a attiré l’attention sur cette question, le médecin-chef des FAC a émis une directive temporaire précisant les soins auxquels les réservistes avaient droit. Cependant, l’ombudsman du MDN et des FAC a indiqué que les FAC doivent aller plus loin et adopter des politiques et des règlements permanents qui définissent clairement, dans les Ordonnances et règlements royaux applicables aux Forces canadiennes, les soins auxquels les réservistes ont droit. Il a également recommandé que ces droits soient mieux communiqués aux réservistes et au personnel médical des FAC.

Après un projet pilote de trois ans qui s’est déroulé de 2008 à 2011, les équipes de liaison médicale de l’ambulance de campagne (ELMAC) ont été chargées de faciliter le suivi médical des réservistes. Selon le Rapport sur les plans et priorités 2013–2014, les rôles et responsabilités de l’Initiative de soutien aux blessés de la Réserve – équipes de liaison médicale de l’ambulance de campagne, sont notamment les suivants :

  • Coordination, soutien et liaison avec les unités pour faciliter le processus de suivi médical de l’ensemble du personnel revenant d’opérations de déploiement; initiative axée principalement sur les réservistes de classe A. Cela signifie qu’on communiquera trois fois avec chaque réserviste ayant pris part à une opération de déploiement.
  • Organisation de séances d’information annuelles sur l’admissibilité aux soins de santé destinées aux unités de la Première réserve (l’Armée, la Marine et la Force aérienne) qui relèvent des ambulances de campagne de la Réserve.

Selon le brigadier-général Bernier, les ELMAC sont principalement composées d’infirmières chargées d’effectuer un suivi auprès des réservistes malades ou blessés par suite de leur service militaire. Le personnel des ELMAC fait partie de la Force de réserve et peut être appelé pour le service militaire pour une période minimale de deux semaines par année. Le personnel des ELMAC peut aussi se rendre dans des régions isolées pour rejoindre des réservistes appartenant à son secteur de responsabilité. Les réservistes peuvent avoir accès aux professionnels de la santé locaux, mais ils devraient idéalement chercher à se faire soigner dans un centre militaire spécialisé en santé mentale. Les FAC sont d’ailleurs prêtes à les transporter jusqu’à un de ces centres, au besoin. Comme la Légion royale canadienne compte des centres dans la plupart des collectivités au pays, les FAC ont également conclu un partenariat avec la Légion pour qu’elle serve de « façade » pour tous les programmes disponibles. Les FAC étudient aussi l’option de la télémédecine avancée. Le brigadier-général Bernier a reconnu que les réservistes représentent une « vulnérabilité spéciale » et qu’il faut prêter une « attention particulière » aux soins qui leur sont prodigués[133].

L’étude de l’ombudsman du MDN et des FAC a aussi souligné « l’écart […] énorme » entre les compensations offertes aux militaires réguliers et celles offertes aux réservistes dans le cas de la perte d’un membre (cela relève du Régime d’assurance mutilation accidentelle). L’ombudsman a confirmé au Comité que deux semaines après la parution du rapport de l’ombudsman du MDN et des FAC intitulé Des soins sous toutes réserves, « le ministre a annoncé que les réservistes recevraient les mêmes compensations que les militaires réguliers pour la perte d’un membre. Le Conseil du Trésor du Canada a mis cette politique en vigueur. C’est réglé[134]. »

Service de soutien social

Le Groupe des Services de santé des Forces canadiennes offre des services de santé mentale aux membres des FAC malades ou blessés, tandis que le centre intégré de soutien du personnel (CISP) offre du soutien social et des services administratifs à l’échelle du pays. Il y a 30 CISP et centres satellites qui relèvent de 8 éléments régionaux de commandement et de contrôle, qui relèvent quant à eux d’une Unité interarmées de soutien du personnel (UISP) située à Ottawa. Avant 2009, ces services étaient offerts de façon ponctuelle et chaque commandant de base utilisait les ressources mises à sa disposition, et les services offerts « étaient beaucoup plus limités qu’aujourd’hui[135] ». À l’époque, les membres des FAC malades ou blessés étaient placés sur la Liste des effectifs du personnel non disponibles (LEPND) jusqu’à ce qu’ils soient médicalement aptes à retourner dans leur unité, ou libérés pour raisons médicales. Le caporal-chef Jody Mitic nous a indiqué que par le passé, la LEPND était utilisée comme une menace et avait la réputation d’être l’élément qui « sonnait le glas de la carrière de soldat ». Il a ajouté que « la LEPND était vue comme une mise au rancart », tandis que « l’UISP est comme un centre de réparation[136] ».

Voici quelques-uns des services offerts par l’UISP :

  • suivi des blessés;
  • soutien administratif et juridique des blessés;
  • gestion de cas des FAC;
  • coordination du Programme de retour au travail;
  • services financiers du Régime d’assurance-revenu militaire (RARM);
  • liaison avec les CRFM, les représentants des services de soutien locaux des bases et les commandants des unités locales; et
  • services à la clientèle et services de transition d’ACC[137].

Le réseau UISP/CISP sert de « guichet unique ». Si un membre des FAC est malade ou blessé à un point tel qu’il ne peut remplir ses fonctions pendant six mois ou plus, il est affecté à l’UISP et dirigé vers son CISP local pour obtenir des soins. L’affectation à l’UISP vise principalement à permettre au militaire malade ou blessé de se concentrer sur son rétablissement. Le principal objectif du réseau UISP/CISP est de tenter d’amener les membres malades et blessés « à un état de santé optimal, de sorte qu’[ils] puissent reprendre leur carrière ou être [préparés] à la transition à la vie civile[138] ». De plus, les membres malades et blessés qui ont besoin de soins, mais qui sont en mesure de continuer à travailler malgré des contraintes à l’emploi, peuvent avoir accès aux services offerts par l’UISP. Ces contraintes à l’emploi sont émises par les médecins militaires et respectent la confidentialité du membre des FAC (les tâches que le membre peut effectuer sont communiquées, mais la condition médicale du membre ne l’est pas). Des témoins ont indiqué que cette confidentialité était essentielle pour aider les membres des FAC malades ou blessés à aller de l’avant et à se faire soigner. Le brigadier-général Bernier a indiqué ce qui suit au Comité : « Si les militaires comprennent et si nos patients savent que les renseignements sur leur santé seront bien protégés, leur confiance s’en trouve accrue[139]. » Lorsque nous avons visité la Garnison Petawawa, le colonel Gerry Blais, directeur, Gestion de soutien aux blessés et Unité interarmées de soutien au personnel, nous a dit que 158 membres malades et blessés ont été affectés à l’UISP, et que près de deux fois plus de membres ont eu accès à des services. Il a indiqué qu’actuellement, un peu moins de 2 000 membres malades et blessés sont affectés au réseau UISP/CISP et que 3 500 autres membres sont des clients occasionnels[140].

Le caporal-chef Mitic a néanmoins souligné que le réseau UISP/CISP pourrait avoir conservé une partie de l’héritage de la LEPND et pourrait toujours être considéré comme l’élément qui « sonne le glas » de la carrière d’un militaire. Il a expliqué que lorsqu’un membre des FAC est affecté à l’UISP, il perd le contact avec son unité et ne prend plus part aux opérations. À Petawawa, des témoins ont indiqué que le fait d’être retiré du cycle de formation est aussi une préoccupation pour les militaires, parce que cela peut avoir des répercussions sur leur carrière.

Le caporal-chef Mitic et M. Woolvett ont exprimé des inquiétudes à propos de la pénurie de personnel au sein du réseau UISP/CISP. Certains membres du personnel sont eux-mêmes malades ou blessés, approchent l’âge de la retraite ou sont des réservistes de classe B dont le contrat finira par expirer. Par conséquent, « [il] y a un roulement de personnel constant dans ces unités[141] ». L’ombudsman du MDN et des FAC a suivi ce dossier de près. En octobre 2013, il a publié son évaluation préliminaire du réseau UISP/CISP. Il a constaté que le nombre insuffisant de membres du personnel par rapport aux demandes des clients était le principal problème soulevé par l’ensemble du personnel de l’UISP et des CISP. À l’époque, un problème important était la perte de réservistes de classe B qui avait résulté de la mise en place de nouvelles règles concernant les membres des FAC à la retraite qui ne pouvaient plus travailler comme réservistes tout en touchant leur pension de la Force régulière. En outre, « de nombreux postes civils ont été laissés vacants » pendant la période de restrictions en matière de dotation au sein de la fonction publique[142]. Depuis la parution de cette évaluation préliminaire, l’ombudsman a confirmé que le sous-ministre du MDN « avait accordé des exemptions à l’embauche de membres des FC en service de réserve de classe B (46 membres du personnel) et […] il avait donné l’approbation de doter tous les postes civils qui avaient été laissés vacants pendant la période de restrictions en matière de dotation à l’échelle de la fonction publique[143] ».

Une autre préoccupation était la nécessité d’offrir « une meilleure formation afin d’accroître la confiance et la résilience du personnel dans leur soutien et leur gestion des clients malades et blessés[144] ». À cette fin, l’officier de service social qui relève du colonel Blais a été chargé d’élaborer une trousse nationale de formation qui porte sur la résilience du personnel.

Les membres des FAC malades et blessés qui sont venus témoigner ont vécu des expériences variées auprès de leur UISP/CISP. Certains estimaient qu’ils avaient reçu un bon service de la part du réseau UISP/CISP, alors que d’autres ne voyaient pas les choses de cette façon. Le niveau de satisfaction semblait varier en fonction des endroits et du type de service reçu. Par exemple, le caporal-chef Frankkin et le caporal-chef Mitic ont attendu pendant des années que des modifications soient effectuées dans leur maison. Ils ont tous deux indiqué que les formalités administratives et les documents à remplir pour avoir accès à des compensations et à des avantages du MDN et des FAC étaient accablants. Mme Steggles a soutenu que les ergothérapeutes pourraient aider le personnel des FAC à faire face à ces défis, étant donné qu’ils peuvent jouer le rôle de gestionnaire de cas et proposer un plan complet pour le rétablissement et la réadaptation de la personne. Il y a actuellement un ergothérapeute qui fait partie du personnel à Valcartier et un ergothérapeute contractuel à Edmonton. Mme Steggles nous a dit que l’ergothérapeute de Valcartier s’occupe du retour au travail, de la réadaptation à la conduite automobile et des modifications au véhicule et au domicile. Elle a indiqué qu’en 2008, les services de six ergothérapeutes devaient être retenus pour aider les militaires présentant des problèmes de santé mentale. Selon elle, ces embauches n’ont pas eu lieu. Finalement, elle a fait valoir qu’idéalement, il devrait y avoir un ergothérapeute chargé de la santé mentale et un ergothérapeute chargé de la santé physique dans chacun des sept centres de réadaptation au pays.

Le caporal-chef Mitic a fait valoir que si le réseau UISP/CISP avait davantage d’histoires de réussite à présenter, la perception qu’en ont les membres changerait alors peut-être. Le commodore Jung a souligné que la satisfaction des membres à l’égard de l’UISP pourrait aussi provenir de « la micro-culture au sein de l’unité ». Le colonel Blais a indiqué au Comité que trois examens distincts (par l’ombudsman du MDN et des FAC, le chef du Service d’examen et le Comité d’examen des programmes) sont en cours pour évaluer l’efficacité du réseau UISP/CISP. De plus, un groupe est expressément chargé d’améliorer continuellement les programmes, tout en tenant compte des suggestions des membres malades et blessés, de la chaîne de commandement et des familles.

La plupart des témoins considéraient que le soutien par les pairs est une composante importante du traitement et du rétablissement d’un militaire malade ou blessé. Le Programme de SSBSO est le programme de soutien par les pairs géré conjointement par le MDN et ACC. Il a été mis sur pied il y a 13 ans par le lieutenant-colonel Grenier. Mme Aiken et le lieutenant-colonel Grenier ont tous deux expliqué que l’avantage du soutien par les pairs est que le membre des FAC malade ou blessé acquière la confiance nécessaire pour chercher de l’aide lorsqu’il constate que d’autres ont vécu des expériences semblables. Comme le lieutenant-colonel Grenier l’a expliqué : « [I]l n’y a rien comme de poser cette question et d’obtenir une réponse franche, authentique, qui vient du cœur, qui nous explique comment la personne s’en est sortie et qui nous assure que la personne sera là avec nous, que nous allons nous en sortir ensemble[145]. » Le soutien par les pairs offre cet accompagnement continu. Le soutien par les pairs ne remplace pas les soins cliniques, mais il les complète. Il n’y a pas de diagnostic requis pour se joindre au programme de SSBSO.

La majorité des bénévoles du programme du SSBSO sont logés dans les CISP. Il y a actuellement 127 bénévoles formés et 45 coordonnateurs du soutien par les pairs au MDN et 10 au ministère des Anciens Combattants. Les coordonnateurs et les bénévoles participants au programme de soutien par les pairs sont généralement d’anciens membres des FAC qui ont déjà vécu une BSO. Les services offerts par les coordonnateurs du soutien par les pairs sont nombreux : collaborer avec les pairs afin de favoriser l’autonomie en matière de santé, apporter un soutien actif aux pairs afin de mieux gérer les événements et transitions de la vie, travailler à faire tomber les barrières de la stigmatisation, et offrir de façon continue mentorat et orientation aux pairs bénévoles. Les coordonnateurs du soutien par les pairs sont des employés de la fonction publique. Ils doivent donc satisfaire des exigences linguistiques afin que les pairs puissent être servis dans la langue de leur choix. Ces exigences linguistiques ne peuvent toutefois pas s’appliquer dans le cas des pairs bénévoles.

Selon le colonel Blais, l’utilisation du programme de SSBSO a connu une hausse de 20 % au cours de la dernière année. Les coordonnateurs et bénévoles du programme de SSBSO viennent en aide à 2 000 clients, tant dans des groupes que lors d’entretiens individuels. Il a indiqué que le rythme opérationnel du programme est surveillé afin de déterminer s’il manque de personnel. Lors de notre visite à la Garnison Petawawa, des bénévoles du SSBSO nous ont indiqué qu’ils aimeraient qu’un plus grand nombre de bénévoles se joignent au programme.

Le lieutenant-colonel Grenier a souligné qu’au cours des deux dernières années, il a remarqué « un laisser-aller par rapport à quelques-unes des politiques de self care » qui lui étaient chères[146]. Ces politiques visent à s’assurer que les gens ont rapidement accès à un psychologue lorsqu’ils passent à travers des moments difficiles. Il était inquiet parce que « cet encadrement s’est effrité » et parce que les pairs aidants étaient dirigés vers des « programmes traditionnels d’aide aux employés du gouvernement fédéral[147] ».

Les militaires peuvent aussi obtenir du soutien auprès des aumôniers des FAC. Selon le colonel Fletcher, l’aumônier « doit trouver le moyen d’entrer en relation avec le commandant aussi bien qu’avec les personnes des grades inférieurs[148] ». L’aumônier peut devenir un baromètre de l’humeur dans l’unité. Le colonel Fletcher a souligné que le plus grand risque pour les militaires est de s’isoler des ressources qui sont là pour leur venir en aide. Les aumôniers ont un rôle important à jouer, mais celui-ci constitue toujours un défi : aider à créer un esprit de communauté. Les aumôniers de la Réserve jouent un rôle unique parce qu’ils travaillent souvent dans de petites communautés où les ressources sont limitées, que ce soit sur le plan des soins de santé, des soins de santé mentale ou des réseaux de soutien social. Les aumôniers deviennent le point central. L’aumônerie des FAC s’efforce de donner aux aumôniers de la réserve les outils et les ressources nécessaires pour établir et soutenir la communauté.

M. Woolvett estimait qu’une intervention communautaire permettrait d’améliorer les soins et d’éviter des conséquences tragiques lorsqu’un membre des FAC malade ou blessé est en crise. Il a indiqué que les services locaux de police, les services d’aide à l’enfance (s’il y a des enfants), les agents de probation (si le militaire a des démêlés avec la justice), la chaîne de commandement, la police militaire et les professionnels médicaux devraient coordonner leurs efforts lorsqu’un militaire malade ou blessé a grandement besoin d’aide[149].

Finalement, les organismes de bienfaisance comme La patrie gravée sur le cœur, Wounded Warriors Canada, et l’Association canadienne pour les skieurs handicapés peuvent constituer une autre source de soutien pour les militaires malades ou blessés. De nombreux témoins ont indiqué que le secteur caritatif a un rôle à jouer pour aider les membres des FAC malades et blessés. Le lieutenant-colonel Grenier a soutenu qu’ils sont « efficaces et représentent un filet de sécurité si les programmes fédéraux sont insuffisants[150] ». De plus, le colonel Blais a indiqué que les fonds publics ne peuvent servir à payer les services qui ne sont pas « [fondés] sur des besoins », tandis que le colonel Jetly a soutenu que les traitements qui ne sont pas fondés sur des données scientifiques ne peuvent être financés, eux non plus. Bronwen Evans, directrice exécutive de la fondation La patrie gravée sur le cœur, a indiqué que son organisme recueille des fonds pour les distribuer à d’autres organismes de bienfaisance. Au cours des 4 dernières années, il a recueilli 14 millions de dollars pour soutenir les familles militaires. Par exemple, il a fourni du financement à tous les CRFM au pays, du financement pour les enfants ayant des besoins spéciaux et des services de santé mentale destinés aux familles. Derrick Gleed, vice-président du conseil d’administration et directeur financier, Wounded Warriors Canada, a indiqué que les fonds amassés ont servi à financer un programme de thérapie canine et un programme de thérapie équestre. Son organisme a aussi amassé des fonds pour le Veterans Transition Network afin de faciliter l’implantation de son programme de transition des vétérans en Ontario. Il offre aussi une bourse d’études de doctorat de 10 ans sur la santé mentale des anciens combattants en partenariat avec l’Université Queen’s et l’ICRSMV. Selon le Padre Phil Ralph, 60 % du financement de Wounded Warriors Canada vise les problèmes de santé mentale. Il a ajouté que c’est la seule organisation canadienne qui porte une attention particulière au bien-être des Premières réserves. Clay Dawdy, directeur de l’Association canadienne pour les skieurs handicapés, a parlé des séances de sports d’hiver offertes aux soldats malades et blessés et à leurs conjoints. Il a expliqué qu’en apprivoisant leur corps transformé, les militaires malades et blessés regagnent confiance en eux. Ces séances permettent non seulement aux militaires de tisser des liens avec leurs pairs et des mentors, mais aussi d’échanger au sujet des conséquences de leurs blessures sur eux-mêmes et sur leur famille. Il a fait valoir que cette organisation devrait être approuvée par le MDN pour que les membres des FAC malades et blessés puissent y participer pendant leurs heures de travail, ce qui permettrait de maximiser la participation des militaires[151].

Recherche et innovation

De nombreux projets de recherche novateurs sont en cours dans les secteurs public et universitaire, tant en ce qui concerne les blessures physiques qu’en ce qui concerne les blessures mentales.

Selon Mme Aiken, plusieurs percées médicales découlent du nombre d’amputés blessés en Afghanistan. Elle a expliqué qu’il y a maintenant des chirurgiens qui se spécialisent dans la transplantation de membres. Selon le caporal-chef Franklin et elle, la mise au point de membres bioniques va de l’avant, surtout pour les membres supérieurs. Ces membres bioniques sont connectés au cerveau, de sorte que la personne peut faire bouger son bras artificiel, et même le sentir. Dans ce domaine, de nombreux travaux sont menés par des chercheurs militaires américains.

En ce qui concerne les BSO, des recherches sont menées pour aider à établir les diagnostics et pour améliorer les résultats thérapeutiques. À Suffield, RDDC a des installations où les scientifiques peuvent reproduire certaines explosions. Ils tentent actuellement de « comprendre les effets physiologiques fondamentaux d’une onde explosive sur les cellules » et les origines du traumatisme que subissent les militaires exposés à de telles explosions[152]. Le colonel Tien a confirmé que les traumatismes cérébraux légers (TCL) sont l’une des priorités de recherche pour les FAC et leurs alliés, tout comme la réadaptation et les questions de douleurs chroniques qui en découlent. M. Fortin a ajouté que RDDC travaille avec des organismes universitaires pour mieux comprendre les liens entre les blessures causées par des explosions et les problèmes de santé mentale, notamment le TSPT. Cette recherche est axée sur le diagnostic précoce, qui pourrait permettre d’améliorer les traitements et prévenir l’apparition de symptômes plus profonds.

Le commodore Jung a fait une mise en garde concernant le corps médical qui essaie « désespérément » de trouver une raison biologique expliquant les troubles mentaux. Le commodore a expliqué qu’il y a une différence fondamentale entre une commotion cérébrale subie par un civil et une dont un militaire est victime : l’intention derrière la cause de l’impact. Lorsqu’une personne est blessée pendant qu’elle pratique un sport, par exemple, l’intention de l’adversaire n’était pas de tuer cette personne. Au contraire, dans le contexte militaire, « l’élément même à l’origine de la commotion — qu’il s’agisse d’une bombe ou d’un engin explosif improvisé — visait de par sa nature à compromettre l’intégrité mentale et physique du soldat ». Par conséquent, « [le] même incident pouvant causer un traumatisme crânien léger est aussi celui qui peut déclencher un trouble de stress post-traumatique ». Il a parlé de la théorie selon laquelle un trouble mental qui résulterait d’un événement traumatisant ne pourrait pas être causé par des facteurs psychologiques, mais résulterait plutôt d’une commotion cérébrale. Il disait craindre que se diriger « trop radicalement » dans cette direction ait comme effet de stigmatiser encore davantage, involontairement, les personnes qui souffrent de BSO[153].

D’autre part, Mme Aiken a soutenu que découvrir et comprendre les différences entre les TCL et le TSPT pourrait s’avérer extrêmement utile « parce que les symptômes sont souvent très similaires ». Elle a expliqué que c’est particulièrement crucial pour établir le diagnostic et proposer un traitement. Selon elle, « si une personne, à la clinique, fait un mauvais diagnostic, qu’elle donne un traitement pour le trouble de stress post-traumatique à un patient qui a un traumatisme cérébral mineur; ce patient ne guérira jamais ». Elle a indiqué que la recherche en cours porte sur la cartographie cérébrale, qui vise à déterminer si les marqueurs biologiques du cerveau sont les mêmes lorsqu’une personne souffre de TCL et lorsqu’une personne souffre du TSPT. Découvrir ces différences pourrait aussi aider les FAC à protéger ses membres contre les TCL et le TSPT. Mme Aiken a noté ce qui suit : « Le traumatisme cérébral mineur peut être un problème d’équipement, mais ce n’est pas le cas du trouble de stress post-traumatique[154]. »

En ce qui a trait au traitement, l’ICRSMV collabore avec plusieurs groupes de recherche afin de créer une application mobile pour aider les membres des FAC malades ou blessés présentant des besoins précis en matière de soins de santé. Pour une personne souffrant d’une BSO, par exemple, l’application pourrait proposer des techniques d’auto-apaisement lorsque cette personne se trouve dans une situation stressante, ou indiquer où se trouve le service d’urgence le plus près. Mme Aiken croit qu’une telle application serait attrayante pour les jeunes qui font partie des FAC.

Le caporal-chef Nachuk et le bombardier Logue ont présenté les avantages des chiens d’assistance psychiatrique. Nous avons été déçus d’apprendre que le caporal-chef Nachuk s’est heurté à une certaine résistance et a même été ridiculisé lorsqu’il a exprimé sa décision d’utiliser un chien d’assistance offert par la Manitoba Search and Rescue Dog Association. Le caporal-chef Nachuk et le bombardier Logue ont tous deux expliqué comment leurs chiens facilitent leur traitement. De fait, la présence d’un chien atténue le besoin d’hypervigilance que ressentent souvent les membres des FAC atteints de TSPT. Leurs chiens leur procurent un sentiment de protection, et lorsqu’ils sont à l’extérieur, ce sont leurs chiens, et non pas eux, qui reçoivent de l’attention, ce qui calme leur sentiment d’anxiété. Le caporal-chef Nachuk a indiqué que depuis qu’il a son chien d’assistance, il prend moins de médicaments et ses rendez-vous pour le traitement de la dépression ont été espacés. Allison Vandergragt, directrice de programme, Hope Reins Equine Assisted Therapy Programs, et Mme Hull, qui a effectué des séances d’équithérapie en tant que travailleuse sociale, ont présenté les avantages de l’équithérapie. Mme Hull a expliqué que le cheval est un outil précieux parce qu’il assure sa survie en interprétant les signes non verbaux et aussi grâce à sa capacité de ressentir les états affectifs. Le militaire doit être honnête quant à son état affectif lorsqu’il tente d’obtenir la coopération d’un cheval, et pour connaître du succès. L’équithérapie peut aussi se pratiquer en famille. Des représentants des FAC ont indiqué au Comité qu’il n’y avait pas suffisamment de preuves pour justifier l’inclusion de la thérapie canine et de la thérapie équestre à la gamme de soins offerts aux membres des FAC. Le bombardier Logue a soutenu que « les États-Unis et le Royaume-Uni approuvent et financent le recours aux chiens d’assistance psychiatrique offerts à leurs soldats, alors le fondement scientifique existe[155] ». Mme Aiken a quant à elle indiqué  qu’il existe « des recherches qui documentent solidement[156] » l’effet thérapeutique de l’équithérapie. Malheureusement, aucune recherche de ce type n’a encore été effectuée auprès de populations militaires. Mme Vandergragt a indiqué que le Royaume-Uni et les États-Unis ont entrepris de telles recherches.

Des témoins ont indiqué que le gouvernement du Canada a investi 5,2 millions de dollars dans la recherche sur la dépression, le suicide lié à la dépression et le TSPT par l’entremise du Réseau canadien de recherche et intervention sur la dépression (RCRID). Le gouvernement du Canada a aussi fourni 200 000 $ pour permettre à la Société pour les troubles de l’humeur du Canada d’élaborer, en collaboration avec la Commission de la santé mentale du Canada, l’ICRSMV et l’Association médicale canadienne, « un programme de formation médicale continue à l’intention des 76 000 médecins de famille canadiens afin de parfaire la théorie sur la stigmatisation et informer les médecins sur la façon d’améliorer le traitement de [T]SPT[157] ».

M. Merali a recommandé qu’une plus grande attention soit accordée aux troubles du sommeil, qui sont intimement liés au TSPT. Le brigadier-général Bernier a indiqué que des membres des FAC n’ont pas dormi pendant 10 ans. M. Moldofsky et Mme Germain ont parlé de recherches intéressantes sur les troubles du sommeil. M. Moldofsky a souligné que le facteur clé de notre santé est le fonctionnement de notre cerveau – notre cerveau au sommeil et en éveil. Comme le cerveau ne s’arrête jamais de fonctionner, « [si] nous ne dormons pas comme il faut, nous devenons malades[158] ». Mme Germain a parlé des traitements d’une efficacité démontrée mis au point par elle et ses collègues. Elle a découvert qu’ils permettent non seulement d’améliorer la qualité du sommeil chez les militaires, mais qu’ils permettent en outre d’atténuer les symptômes de BSO ressentis pendant la journée, y compris ceux associés au TSPT. L’Institut de recherche en santé mentale de l’Université d’Ottawa étudie aussi les troubles du sommeil associés au TSPT. Le brigadier-général Bernier a indiqué que le MDN et les FAC participent à une recherche sur le sommeil et qu’ils financent des recherches sur des médicaments qui améliorent le sommeil et qui diminuent l’occurrence des cauchemars. Il a noté que la lutte contre les troubles du sommeil fait partie des protocoles des FAC concernant les soins fournis aux patients souffrant de BSO, particulièrement le TSPT, « parce que les gens ne peuvent pas aller mieux » tant que leur sommeil ne s’améliore pas[159].

M. Merali a recommandé que le « gouvernement songe à créer des chaires de recherche pour rapprocher les services des forces armées des entreprises de recherche civiles[160] ». Le colonel Tien est toujours titulaire de la chaire de recherche Major Sir Frederick Banting sur les traumatismes liés au service militaire. Il a indiqué que la chaire lui permet de faciliter, d’organiser et d’effectuer les recherches auxquelles s’intéressent les militaires, étant donné que toutes les recherches effectuées en traumatologie ne sont pas toujours utiles pour le milieu militaire. La chaire de recherche lui permet aussi de mener des recherches en collaboration avec des alliés, et d’accorder des subventions à des médecins des FAC qui veulent explorer un domaine de recherche propre au monde militaire. Le brigadier-général Bernier a indiqué qu’en 2013, il a établi une nouvelle chaire de recherche sur les soins intensifs aux militaires associée à l’Université Western. Actuellement, le titulaire de cette chaire est le capitaine de vaisseau Ray Kao. Il a également indiqué que d’autres chaires de recherche sur la santé des militaires sont envisagées.

Soutien aux familles des membres des FAC

Prodiguer des soins aux familles de militaires malades ou blessés demeure un défi. De plus, « les sources de stress intrinsèques au mode de vie des militaires peuvent peser très lourd sur leur famille[161] ». Les professionnels de la santé des FAC ne peuvent prodiguer de soins de santé, y compris des soins de santé mentale, aux membres des familles. Ces derniers doivent donc compter sur les autorités provinciales et territoriales en matière de santé. Les FAC sont toutefois en mesure d’offrir du soutien par l’entremise de son Programme des services aux familles de militaires et de ses Services de bien-être et moral. Le colonel Mann a indiqué que le MDN et les FAC ne restent « pas les bras croisés » pour ce qui est du soutien aux familles, malgré le fait que les lois ne permettent pas au MDN et aux FAC de prodiguer des soins de santé aux familles de membres des FAC.

Un certain nombre de témoins ont indiqué que le traitement des troubles de santé mentale est nettement meilleur dans les FAC que dans le secteur civil. Cela veut cependant dire que les membres de la famille qui côtoient un militaire malade ou blessé et qui souffrent eux-mêmes d’un trouble de santé mentale n’ont pas accès au même niveau de soins de santé mentale que le militaire qui fait partie de leur famille. Les familles des militaires peuvent aussi avoir du mal à avoir accès à des services de santé mentale dans la société civile. Les déménagements fréquents, rendus nécessaires par les affectations dans différentes bases militaires partout au pays, obligent les membres des familles à se trouver un nouveau médecin de famille dans une nouvelle province ou territoire à intervalles de quelques années. Le colonel Mann a indiqué que le MDN et les FAC ont négocié avec les provinces et les territoires et ont réussi à faire lever la période d’attente de 90 jours pour l’admissibilité à l’assurance-maladie provinciale/territoriale pour les familles de militaires[162].

On nous a indiqué que les militaires des FAC malades ou blessés « essaient d’avaler la pilule » tous les jours au travail et que c’est surtout à la maison « que tout s’écroule[163] ». Le lieutenant-colonel Grenier a soutenu que ce sont les familles « qui nous remontent, littéralement, lorsque nous revenons de déploiement et que nous avons vraiment du mal à nous intégrer[164] ». Cela occasionne beaucoup de stress chez les membres de la famille. Les parents, les conjoints et les enfants sont tous touchés par les blessures de leur proche, qu’elles soient physiques ou mentales, et ils peuvent avoir de la difficulté à obtenir des services dans la communauté. Comme M. Woolvett et Mme Allison l’ont indiqué, ils souffrent aussi d’épuisement au combat. Selon le caporal-chef Franklin, 90 % des soldats blessés sont divorcés. Il a aussi souligné que ce sont les enfants qui souffrent le plus. Mme Allison a indiqué qu’elle a trouvé très difficile d’obtenir de l’information sur l’état de sa fille auprès des autorités militaires. Elle estimait que le CRFM local n’avait tout simplement pas les ressources nécessaires pour aider les familles de militaires qui souffrent du TSPT. Elle a recommandé d’améliorer le programme d’approche pour les familles afin de mieux les renseigner sur les services disponibles.

Le colonel Mann a indiqué que les commentaires obtenus auprès des familles de militaires sont axés sur un meilleur accès aux soins de santé, aux services de garde et aux soins de santé mentale. Il y a 32 CRFM répartis partout au Canada, ainsi qu’en Europe et aux États-Unis. Le conseil d’administration de chaque CRFM est composé à 51 % de conjoints de militaires. Les FAC versent 27 millions de dollars par année pour les services de base qui doivent être offerts partout au pays et les CRFM peuvent recevoir du financement additionnel d’organismes sans but lucratif pour financer des programmes particuliers permettant de répondre aux besoins locaux. Tous les trois ans, tous les CRFM procèdent à une évaluation des besoins de la communauté. Depuis 2011, des officiers de liaison avec les familles font partie des équipes prodiguant des soins aux familles des militaires. Il s’agit de travailleurs sociaux formés, employés par les CRFM, mais déployés dans les CISP. Ces officiers de liaison avec les familles offrent des services de consultation et de soutien aux familles. En 2013, un programme appelé InterCom a aussi été lancé pour offrir des services de counseling aux couples. De plus, le colonel Mann a indiqué au Comité qu’un groupe de travail a été formé pour se pencher sur les « éléments familiaux uniques » du programme RVPM. En ce qui concerne la sensibilisation, qui comprend aussi les communications destinées aux membres des familles de réservistes, le colonel Mann a indiqué que les FAC adoptent une « approche à canaux multiples ». Des annonces sont publiées dans les journaux des bases militaires et dans le Canadian Military Family Magazine, dans les médias locaux et sur les médias sociaux, afin de faire la promotion de toute la gamme de services disponibles. Il y a des CRFM dans certaines collectivités où se trouvent les réservistes et certains CRFM peuvent envoyer du personnel dans une région isolée, ce qui leur permet de rejoindre des unités de la Réserve et offrir sur place des programmes spéciaux destinés aux membres des FAC et à leurs familles.

Mme Allison et des témoins qui ont comparu lors des audiences tenues à Petawawa ont formulé des commentaires positifs à propos de la composante familiale du SSBSO. Un des avantages du programme de soutien par les pairs est qu’il permet aux personnes qui ont vécu des problèmes semblables de s’entraider. Mme Aiken estime que les familles ne sont pas outillées pour faire face à leurs propres problèmes de santé mentale parce qu’elles sont tributaires d’un système de santé qui ne comprend pas leurs besoins particuliers. Selon elle, l’ICRSMV s’efforce de changer les choses à cet égard. La Commission de la santé mentale du Canada a publié des lignes directrices nationales décrivant les besoins des aidants membres de la famille qui s’occupent d’un proche atteint d’une maladie mentale. De plus, le Dr Richardson a fait valoir que « l’amélioration des services qui leur sont offerts et de la coordination avec les services communautaires des provinces est essentielle pour mieux répondre aux besoins des familles et, par le fait même, des militaires et des anciens combattants[165] ».

Recommandation 10

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les Forces armées canadiennes à mettre en œuvre une politique qui déconseille fortement aux supérieurs militaires de poser des questions de nature médicale à un subordonné, à moins qu’il y ait un risque immédiat pour la santé ou la sécurité du militaire ou de son unité.

Recommandation 11

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de reconnaître l’importance du soutien par les pairs pour se remettre des blessures de stress opérationnel.

Recommandation 12

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada prenne des mesures pour enrayer la stigmatisation liée aux problèmes de santé mentale au sein des rangs et de la chaîne de commandement dans les Forces armées canadiennes.

Recommandation 13

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de reconnaître l’important travail accompli par des organisations non gouvernementales comme Wounded Warriors Canada, Sans limites, La patrie gravée sur le cœur et l’Association canadienne pour les skieurs handicapés, qui soutiennent les membres des FAC en transition. Le Comité recommande aussi que le gouvernement du Canada établisse des relations avec de nouvelles organisations.

Recommandation 14

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage activement les membres des Forces armées canadiennes à s’autoévaluer pour déterminer s’ils ont des problèmes de santé mentale après le retour d’un déploiement et lors de leur transition à la vie civile.

Recommandation 15

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada poursuive la recherche sur les traumatismes cérébraux.

Recommandation 16

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage l’achèvement de toutes les commissions d’enquête en cours sur des suicides de militaires.

Recommandation 17

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore une stratégie musculosquelettique complète afin de mieux comprendre les causes des blessures et de s’y attaquer, d’encourager le traitement précoce, et de réduire les obstacles qui empêchent actuellement les soldats et les anciens combattants blessés d’obtenir les soins dont ils ont besoin.

Recommandation 18

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada améliore la coordination entre les Forces armées canadiennes et les services de santé provinciaux afin de mieux répondre aux besoins des familles de militaires.

Recommandation 19

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de soutenir la recherche sur l’efficacité des traitements pour les blessures de stress opérationnel.

Recommandation 20

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’examiner les pratiques exemplaires et les nouvelles technologies provenant d’autres pays.

Recommandation 21

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage la recherche sur les blessures traumatiques physiques.

Recommandation 22

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise des Forces armées canadiennes, maintienne ses partenariats avec des hôpitaux civils et des centres de réadaptation civils, de même qu’avec des institutions universitaires.

Recommandation 23

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de soutenir l’intégration de cliniciens des Forces armées canadiennes dans les hôpitaux civils.

Recommandation 24

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada souligne le rôle que doivent jouer la direction et la chaîne de commandement des Forces armées canadiennes dans la déstigmatisation des blessures de stress opérationnel.

Recommandation 25

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue d’informer les militaires et les anciens combattants en leur indiquant qu’il est possible de traiter le TSPT à l’aide de traitements fondés sur des données probantes, comme la pharmacothérapie et la psychothérapie.

Étape 5 : La transition

« Maintenant que je commence à aller mieux, j’aimerais pouvoir continuer à servir dans l’armée. Je ne veux pas qu’on m’abandonne. L’armée, c’est tout ce que j’ai connu. Je me suis joint aux FC à 18 ans. »
Bombardier Geoffrey Logue, le 6 décembre 2012

Les membres des FAC malades et blessés affectés à l’UISP retournent au travail ou réintègrent la vie civile. Lorsqu’ils retournent au travail, ils exercent le même métier ou sont reclassés dans une spécialité différente si un poste est disponible. Si un membre des FAC malade ou blessé ne satisfait pas aux conditions de l’universalité du service, qui l’oblige à être « en bonne santé physique et [apte] à l’emploi et au déploiement[166] » conformément aux normes des FAC, il est libéré pour raisons médicales. La transition à la vie civile est une responsabilité conjointe du MDN et d’ACC. La plupart des témoignages entendus sur la transition portaient sur le principe de l’universalité du service et sur les programmes offerts aux militaires et à leurs familles par le MDN et les FAC pendant ce processus. Malheureusement, le Comité n’a pas été en mesure d’obtenir une description détaillée des rôles et responsabilités d’ACC concernant le processus de transition, ce qui a limité sa capacité d’étudier cette importante question.

Lors de son témoignage, l’ombudsman du MDN et des FAC a indiqué que son équipe et lui se sont rendus dans 10 CISP, où ils ont constaté que seulement de 5 à 10 % des militaires étaient renvoyés dans leur unité, ce qui signifie que la plupart des militaires étaient libérés des FAC. Selon le colonel Blais, il y a 1 000 libérations pour raisons médicales par année. Le major‑général Millar a fait une mise à jour sur la situation et a souligné qu’en date de mars 2014, le taux de réussite du programme de retour au travail était de 23 %.

Les membres des FAC malades et blessés peuvent être affectés à l’UISP de six mois à trois ans, selon la période dont ils ont besoin pour se rétablir et selon s’ils retournent dans leur unité ou réintègrent la vie civile. Aux dires de Mme Steggles, les interventions précoces sont bénéfiques pour ce qui est du retour au travail. Elle a déclaré ceci : « Nous savons que quelqu’un qui n’a pas travaillé pendant six mois a très peu de chances de retourner au travail[167]. » Elle a également souligné que l’ergothérapeute de Valcartier qui s’occupe du programme de retour au travail a un taux de succès deux fois supérieur à celui des installations canadiennes de réadaptation des FAC où il n’y a aucun ergothérapeute sur place.

Un certain nombre de témoins n’étaient pas d’accord avec le principe de l’universalité du service et ont demandé plus de souplesse dans son application. Le caporal-chef Franklin a exprimé ainsi les frustrations entendues à plusieurs reprises : « Nous avons perdu des membres, et […] nous perdons notre emploi, et tout ce que nous avons jamais connu n’existe plus[168]. » Il a expliqué que des membres des FAC malades et blessés pourraient servir et être déployés dans une autre spécialité, derrière un bureau — dans une « spécialité moins exigeante ». De plus, si les membres des FAC croient que faire état de leurs blessures risque de leur faire perdre leur emploi, ils préféreront essayer de s’en sortir seuls, ou avec l’aide de leurs camarades, et éviteront de faire appel à des professionnels pour se faire soigner[169]. Des représentants des FAC ont toutefois maintenu que le principe de l’universalité du service est important. Le colonel Jetly a expliqué que si un membre des FAC malade ou blessé est jugé inapte physiquement ou mentalement à être déployé, le fait d’être déployé pourrait lui causer un « tort irréparable »[170]. Selon le major-général Millar, il y a des membres des FAC malades ou blessés qui satisfont aux conditions de l’universalité du service, et qui continuent de servir dans l’armée. On offre à des membres des FAC malades ou blessés qui ne satisfont pas aux conditions de l’universalité du service de continuer à servir dans les FAC, dans les programmes des Rangers canadiens et des cadets, où l’universalité du service n’est pas exigée.

La période de transition peut être très difficile pour les militaires malades et blessés qui sont libérés des FAC pour des raisons médicales. Des membres des FAC malades ou blessés rencontrés à Petawawa, de même que ceux qui ont témoigné devant le Comité, ont déclaré avoir ressenti beaucoup d’anxiété pendant cette période de transition. D’abord et avant tout, certains membres des FAC malades ou blessés qui sont libérés pour des raisons médicales pensent qu’ils auraient dû rester[171]. Après la visite à Petawawa, les membres du Comité ont compris que lorsque des jeunes se joignent aux FAC, ils ne s’attendent pas à ce que leur carrière militaire soit interrompue en raison d’une blessure ou d’une maladie. Il peut être très difficile d’accepter cette réalité. Ne pas savoir quelle couverture médicale et quels avantages seront offerts par ACC avant d’être libéré des Forces armées constitue une autre source d’anxiété. Par exemple, lorsque le lieutenant-colonel Grenier a pris sa retraite en 2011, le MDN et ACC avaient toujours deux inventaires distincts en ce qui concerne les médicaments approuvés pour les troubles psychiatriques. Lorsqu’il a été libéré, il a donc dû commencer à payer ses médicaments lui‑même. Voici ce qu’il a déclaré : « [Q]u’en est-il d’une personne qui a un faible revenu ou qui n’a pas d’emploi et qui doit trouver 180 $? Qu’arrive-t-il à ces soldats ou à ces anciens combattants? Eh bien, ils se passent de ces médicaments, et lorsqu’une personne cesse de prendre ses médicaments, cela entraîne des problèmes[172]. » Il a ajouté que ce problème était connu il y a 12 ans.

Des représentants d’ACC partagent des bureaux avec le personnel de tous les CISP. Le colonel Blais a expliqué que six mois avant la libération d’un militaire malade ou blessé, ACC procède à une entrevue de transition et « élabore un plan pour le militaire en voie de libération afin de s’assurer que toute l’information dont dispose le gestionnaire de cas des Forces canadiennes est acheminée au gestionnaire d’ACC, qui prendra le dossier en main ». Cependant, des membres des FAC malades ou blessés continuent d’affirmer qu’ils ne savent pas exactement quels avantages et quelle couverture médicale ils obtiendront d’ACC. Michel Doiron, sous-ministre adjoint, Prestation de services, ministère des Anciens Combattants, a toutefois indiqué que les deux ministères coopèrent à différents niveaux. Par exemple, le comité directeur qu’il préside conjointement avec le CPM est un organisme décisionnel qui gère les priorités communes, qui portent « généralement sur le maintien d’un continuum de services, entre autres dans le domaine de la santé mentale et du soutien à la famille[173] ». Par exemple, les ministères collaborent pour éduquer et sensibiliser davantage les professionnels de la santé mentale dans les collectivités partout au Canada en ce qui a trait aux traitements à prodiguer aux anciens militaires[174].

Un autre défi concerne la perte d’identité vécue par certains membres des FAC lorsqu’ils quittent les Forces armées, ainsi que les difficultés émotionnelles et mentales qui en résultent. Tim Laidler, directeur exécutif du Veterans Transition Network, a exhorté le gouvernement à investir dans des programmes qui viennent en aide aux membres des FAC pendant cette période de transition. Il a expliqué que les choses se compliquent « lorsqu’une personne doit se réinventer » parce qu’elle passe d’une carrière militaire à la vie civile, et qu’elle doit en outre composer avec les symptômes du TSPT, de la dépression et d’autres problèmes de santé mentale[175]. Le Veterans Transition Network offre un programme de 10 jours, répartis sur une période de 2 mois. L’ancien combattant travaille avec un clinicien dans un établissement pendant quatre jours, puis retourne dans sa famille et sa collectivité de deux à trois semaines pour continuer de mettre en pratique les compétences de réintégration nouvellement acquises. Ce cycle se répète une autre fois et les deux dernières journées servent à faire le point avec le clinicien et à finaliser le programme. M. Laidler a souligné que le Veterans Transition Network a cerné une lacune en ce qui concerne les services offerts aux membres des FAC malades et blessés. Il a expliqué qu’ils « peuvent connaître de façon cognitive les différents métiers qui leur sont offerts, mais ils ne semblent pas effectuer cette transition psychologique, cette transition identitaire nécessaire[176] ». Même les membres des FAC qui n’ont pas reçu de diagnostic peuvent avoir « des problèmes à déterminer ce [qu’ils] deviendront une fois [qu’ils] auront quitté les forces[177] ». M. Laidler a aussi indiqué que le plus gros problème auquel font face les anciens combattants est le fait d’être sous-employés. Il est « accablant[178] » d’entreprendre une nouvelle carrière et de recommencer au bas de l’échelle, après avoir été responsable de la vie d’autres personnes. Finalement, il a noté que le modèle de recrutement entre pairs du Veterans Transition Network est un autre aspect important du programme. Il a ajouté que cet élément contribue vraiment à surmonter la honte. Le colonel Blais a indiqué qu’il étudie actuellement la demande qui vise à ce que le programme devienne un fournisseur de service financé par le MDN.

Avant qu’un membre des FAC malade ou blessé soit libéré, l’UISP lui offre toute une gamme de programmes d’orientation professionnelle et de programmes d’aide à la transition de carrière. Ces programmes comprennent la réadaptation professionnelle et la priorité d’embauche au sein de la fonction publique. De la formation est également offerte par l’entremise du Régime d’assurance-revenu militaire, qui comprend le soutien du revenu. Le MDN et les FAC collaborent aussi avec le secteur privé par l’entremise du Programme d’aide à la transition de carrière pour les militaires. Le programme offre 10 000 emplois aux militaires qui ont été libérés des FAC pour des raisons médicales, ainsi qu’un cours universitaire d’une semaine destiné à ceux qui souhaitent démarrer leur propre entreprise. Les membres des FAC ont également la possibilité de poursuivre leurs études et d’obtenir l’équivalent civil de leurs qualifications militaires.

Le colonel Mann a indiqué que pendant ces périodes de transition, un revenu familial devient doublement important. Il y a aussi des cas où le conjoint peut devenir le seul pourvoyeur si le conjoint militaire est incapable de continuer à travailler en raison de sa maladie ou de ses blessures. Les CRFM offrent différentes formes d’aide à l’éducation et à l’emploi aux conjoints de militaires, notamment du rattrapage scolaire et des services de placement. Le colonel Mann a également indiqué que le MDN et ACC effectuent des recherches conjointes sur l’emploi des conjoints. Ils analysent actuellement les lacunes dans ce qui est offert, de manière à ce que le MDN puisse renforcer ses programmes destinés aux conjoints, là où les programmes actuellement offerts aux conjoints ne vont pas assez loin.

Recommandation 26

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada, par l’entremise des Centres de ressources pour les familles des militaires, maintienne le soutien aux conjoints de militaires atteints d’une maladie ou d’une blessure permanente grâce à des services d’aide à l’éducation et à l’emploi.

Recommandation 27

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada envisage d’examiner le principe de l’universalité du service.

Recommandation 28

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada continue de reconnaître que pour les membres des Forces armées canadiennes, la transition à la vie civile requiert à la fois du soutien émotionnel et des opportunités professionnelles dans la vie civile.

Recommandation 29

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada procède à de rigoureux examens de dépistage des troubles de santé mentale pendant la période de transition d’un membre des Forces armées canadiennes, et qu’il encourage les médecins de soins primaires et les spécialistes à en faire autant.

Recommandation 30

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada s’assure que les membres des Forces armées canadiennes soient mieux préparés à affronter leur éventuelle transition à la vie civile, pendant qu’ils sont en service.

Recommandation 31

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada favorise l’expansion et l’appui du Veterans Transition Network.

Recommandation 32

Le Comité recommande que le gouvernement du Canada mette au point un outil logiciel complet et algorithmique de conversion des compétences militaires, ce qui aiderait les membres des Forces armées canadiennes à trouver un emploi civil après leur libération.

Conclusion

Le Comité a appris beaucoup de choses au sujet des défis que doivent relever les membres des FAC malades et blessés et leurs familles, des programmes et services mis à leur disposition, et des difficultés constantes rencontrées par le MDN, les FAC et ACC dans leurs efforts en vue de répondre à ces besoins uniques. Tout au long des audiences tenues dans le cadre de notre étude, qui se sont échelonnées sur plus de deux ans, ces programmes et services étaient continuellement évalués et améliorés. Nous avons grandement apprécié les efforts déployés par les représentants du MDN et des FAC pour se montrer disponibles et pour faire le point sur tous les aspects des programmes et services mis à la disposition des membres des FAC. Nous avons toutefois observé un écart entre ce que la direction des FAC nous a dit et ce que nous avons observé sur le terrain. Nous avons entendu parler d’un certain nombre d’expériences troublantes où des membres des FAC malades ou blessés se sont sentis abandonnés et ont dû se battre contre le système qui devait prendre soin d’eux. Le Comité reconnaît que les services et programmes de santé des FAC évoluent continuellement et que compte tenu du moment où certains problèmes sont survenus, il est possible que de nombreux membres des FAC malades et blessés qui sont venus témoigner, ainsi que leurs familles, n’aient pas eu accès aux nouveaux services et programmes au moment où ils en avaient le plus besoin. Nous ne pouvons qu’espérer que ces militaires et leurs familles reçoivent des soins appropriés maintenant et que les membres des FAC malades et blessés qui sollicitent un traitement aujourd’hui reçoivent les soins dont ils ont besoin.

Il faut souligner que nous éprouvons beaucoup d’admiration pour les techniciens médicaux des FAC et tous les autres professionnels de la santé. Comme le brigadier-général Bernier l’a indiqué, ils ont « traité de nombreuses personnes souffrant de blessures horribles en Afghanistan, [ils ont] souvent côtoyé la mort, [ils ont] connu le plus grand nombre de victimes et de morts au combat après les spécialistes de l’arme de combat, et la maladie mentale et le suicide le[s] touchent comme tout autre élément des forces armées[179] ». Le dévouement du Groupe des Services de santé des Forces canadiennes se poursuit chez nous. Nous avons entendu parler de médecins des FAC qui retirent leur uniforme à la fin de leur journée de travail et qui traitent des membres des familles de militaires en tant que médecins civils, ce qui permet de combler le vide juridictionnel et de prodiguer des soins appropriés aux familles de militaires, qui en ont grandement besoin. Nous félicitons le Service de santé royal canadien, à qui la Princesse Anne a remis, en octobre 2013, une bannière royale pour souligner la valeur, le sacrifice et l’excellence clinique de ses membres au cours du conflit en Afghanistan. Nous tenons également à souligner le travail extraordinaire accompli par le personnel de soutien du réseau UISP/CISP, les coordonnateurs et bénévoles du soutien par les pairs, et les aumôniers des FAC, qui jouent tous un rôle important dans la gamme de soins offerts aux militaires. Tout au long de l’étude, nous avons régulièrement posé la question suivante : « Qui aide les soignants? » Nous exhortons le MDN et les FAC à mettre des mesures en place pour également venir en aide aux soignants, qui aident souvent les autres avant de s’aider eux-mêmes. Pour ce faire, il faudrait notamment s’assurer que les soignants reçoivent la formation et les outils appropriés pour s’acquitter de leurs responsabilités, et qu’il y a suffisamment de personnel pour répondre à la demande et pour éviter les cas d’épuisement professionnel.

Comme l’environnement militaire est si particulier, la recherche sur les soins à prodiguer aux membres des FAC et aux anciens combattants doit se poursuivre dans un esprit de collaboration. Nous sommes ravis de la création de l’Institut canadien de recherche sur la santé des militaires et des vétérans et nous avons été impressionnés de constater à quel point les organismes nationaux de santé mentale travaillent en étroite collaboration, ainsi qu’avec le MDN et les FAC. Dans le domaine de la recherche, il faut recueillir des données afin de bien évaluer les besoins permanents des militaires et de leurs familles. Les résultats de l’enquête de Statistique Canada sur la santé mentale et du sondage des FAC sur la santé et le style de vie seront connus en 2015. Ils fourniront des données qui aideront les FAC à façonner les services de santé qu’elles offriront dans les années à venir. Nous espérons aussi que lorsque le SISFC sera entièrement mis en œuvre, il sera utilisé pour améliorer continuellement les services de santé des FAC.

Le MDN et les FAC mesurent notamment l’efficacité de leurs services de santé mentale en examinant les temps d’attente. Selon le brigadier-général Bernier, un outil de gestion des résultats cliniques sera créé pour évaluer les réponses aux traitements. Nous estimons que le MDN et les FAC doivent instaurer des mécanismes pour mesurer la réussite de leurs programmes, particulièrement dans le secteur des soins de santé mentale, afin de s’assurer que ces derniers sont efficaces. Si les membres des FAC malades ou blessés savent qu’ils recevront des soins de santé mentale de qualité auprès des FAC, ils seront davantage portés à se faire traiter rapidement et à terminer leur plan de traitement. Le MDN et les FAC doivent également s’assurer que tous les militaires, peu importe l’endroit où ils sont basés, ont accès à des soins uniformes de qualité dans la langue de leur choix.

De plus, conformément à l’Engagement des Forces canadiennes à l’endroit des familles, nous encourageons le MDN et les FAC à effectuer des sondages réguliers auprès des conjoints des militaires afin d’être en mesure d’évaluer leurs besoins, de mieux adapter les services de soutien et de collaborer avec les autorités provinciales/territoriales en ce qui concerne les soins. Les familles des militaires nécessitent et méritent elles aussi des soins uniformes de qualité dans la langue de leur choix, peu importe l’endroit où la famille est affectée.

Avec la fin de la mission du Canada en Afghanistan, espérons que nous nous souviendrons des dures leçons apprises au cours de la dernière décennie. La plupart des services de santé décrits dans le présent rapport découlent de l’expérience en Afghanistan, mais toutes les blessures physiques et mentales résultant de conflits antérieurs, du stress quotidien et d’événements traumatisants survenus au pays sont légitimes et méritent toute l’attention et les soins possibles de la part des services de santé des FAC. De nombreux militaires malades et blessés ont souffert en silence et continuent de souffrir en silence. Nous croyons fermement que la lutte contre la stigmatisation est une question de leadership, c’est pourquoi nous encourageons les dirigeants des FAC de tous les grades à demeurer ouverts et à soutenir les membres des FAC malades et blessés qui veulent suivre un traitement. Pour sauver des vies, le milieu militaire doit tenter de briser cette culture du silence.

Cette étude a permis au Comité de mieux comprendre les mesures préventives, les programmes de traitement et les services de soutien social mis à la disposition des membres des FAC malades et blessés. Le Comité a aussi pris connaissance des recherches en cours sur tous ces aspects et du soutien offert aux familles de militaires. Aucun système n’est parfait et il est toujours possible de faire mieux. Nous espérons que les lacunes relevées dans ce rapport et les recommandations qui y sont formulées aideront le gouvernement du Canada à établir la marche à suivre pour l’avenir.




[1]              Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, Comité permanent de la Défense nationale (NDDN), 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[2]              Ibid.

[3]              Ibid.

[4]              Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[5]              « Les services de rôle 3 sont généralement offerts au niveau de la division et aux niveaux supérieurs. Ils comprennent des services supplémentaires liés notamment aux ressources diagnostiques spécialisées, aux ressources médicales et chirurgicales spécialisées, à la médecine préventive, à l’inspection des aliments, à la dentisterie et aux équipes de gestion du stress opérationnel, s’ils n’ont pas été fournis au niveau 2. » [traduction] Col Ronald Brisebois et coll., « The Role 3 multinational medical unit at Kandahar Airfield 2005–2010 », Journal canadien de chirurgie, décembre 2011. [En anglais seulement]

[6]              Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[7]              Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[8]              Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[9]              Ibid.

[10]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[11]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[12]           Ibid.

[13]           Ministère de la Défense nationale, Prendre soin des nôtres.

[15]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014

[16]           Ibid.

[18]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[19]           David Boulos et Mark A. Zamorski, « Deployment-related mental disorders among Canadian Forces personnel deployed in support of the mission in Afghanistan, 2001–2008 », Journal de l’Association médicale canadienne, 6 août 2013. [En anglais seulement]

[20]           Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[21]           Lcol Alexandra Heber, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[22]           Marc Fortin, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[23]           Sanela Dursun, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[24]           Col Rakesh Jetly, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 60, 6 décembre 2012.

[25]           Heather Allison, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[26]           Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[27]           Marie Josée Hull, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 54, 1er novembre 2012.

[28]           Lcol Alexandra Heber, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[29]           Ibid.

[30]           Judith Pizarro Andersen et coll., « Les programmes de développement de la résilience, l’amélioration de la santé et la prévention du syndrome de stress post-traumatique dans l’armée », Université de Toronto, distribué aux membres du Comité le 11 avril 2014.

[31]           Lcol Alexandra Heber, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 78, 1er mai 2013.

[32]           Judith Pizarro Andersen et coll., « Les programmes de développement de la résilience, l’amélioration de la santé et la prévention du syndrome de stress post-traumatique dans l’armée ».

[33]           Lcol Alexandra Heber, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 78, 1er mai 2013.

[34]           Anne Germain, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 6, 26 novembre 2013.

[35]           Ibid.

[36]           Gregory Woolvett, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[37]           Heather Allison, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[38]           Mark Ferdinand, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 5, 21 novembre 2013.

[39]           Mark Zamorski, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 77, 29 avril 2013.

[40]           Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[41]          Maj Ray Wiss, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 77, 29 avril 2013.

[42]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[43]           Ibid.

[44]           Col Homer Tien, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[45]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[46]           Maj Ray Wiss, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 77, 29 avril 2013.

[47]           Ibid.

[48]           Col Homer Tien, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[49]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[50]           Ibid.

[51]           Ibid.

[52]           Ibid.

[53]           Ibid.

[54]           Ibid.

[55]           Maj Ray Wiss, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 77, 29 avril 2013.

[56]           Col Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 8, 25 octobre 2011.

[57]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[58]           Ibid.

[59]          Col John Fletcher, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[60]           Ibid.

[61]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[62]           Marc Fortin, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[63]           Ibid.

[64]           Lcol Roger Tremblay, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[65]           Col Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 8, 25 octobre 2011.

[66]           Marc Fortin, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[67]           Recherche et Développement pour la défense Canada, « Quality of Life among Military Families: Results from the 2008/2009 Survey of Canadian Forces Spouses », août 2010. [En anglais seulement]

[68]           Col Russell Mann, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 84, 5 juin 2013.

[69]           Col John Fletcher, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[70]           Col Russell Mann, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 84, 5 juin 2013.

[71]           Ministère de la Défense nationale, « Statistiques sur les morts et les blessés des Forces canadiennes », 10 juin 2013.

[72]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[73]           Alice Aiken, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 49, 4 octobre 2012.

[74]           Col Scott McLeod, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 54, 1er novembre 2012.

[75]           Ibid.

[76]           Cplc Bill Nachuk, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 60, 6 décembre 2012.

[77]           Phil Upshall, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[78]           Louise Bradley, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[79]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[80]           Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[81]           Cplc (à la retraite) Paul Franklin, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[82]           Bronwen Evans, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[83]           Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[84]           Ibid.

[85]           Louise Bradley, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013

[86]           Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[87]           Alice Aiken, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 49, 4 octobre 2012.

[88]           Col Scott McLeod, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[89]           Ibid.

[90]           Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[91]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[92]           Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[93]           Ministère de la Défense nationale, Le suicide dans les Forces canadiennes de 1995 à 2012, Direction – Protection de la santé de la Force, mars 2013.

[94]           Matthew J. Friedman, « Suicide Risk Among Soldiers: Early Findings from Army Study to Assess Risk and Resilience in Servicemembers », Journal of the American Medical Association, 5 mars 2014. [traduction]

[95]           Col Rakesh Jetly, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[96]           Calcul tiré des données du tableau 4, à la page 9.

[97]          Zul Merali, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[98]           Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[99]           Mgén David Millar, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[100]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[101]         Mgén David Millar, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[102]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[103]         Huguette Gélinas, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 78, 1er mai 2013.

[104]         Col Homer Tien, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[105]         Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[106]         Cplc (à la retraite) Paul Franklin, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[107]         Ken Brough, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 9, 10 décembre 2013.

[108]         Eric Jackson, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 9, 10 décembre 2013.

[109]         Cplc (à la retraite) Paul Franklin, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[110]         Ibid.

[111]         Elizabeth Steggles, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 5, 21 novembre 2013.

[112]         Col Rakesh Jetly, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 60, 6 décembre 2012.

[113]         Mark Ferdinand, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 5, 21 novembre 2013.

[114]         Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[115]         Ibid.

[116]         Alice Aiken, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 49, 4 octobre 2012.

[117]         Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[118]         Lcol Alexandra Heber, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 78, 1er mai 2013.

[119]         Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[120]         Heather Allison, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[121]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[122]         Ibid.

[123]         Col Scott McLeod, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 54, 1er novembre 2012.

[124]         Pierre Daigle, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[125]         Ibid.

[126]         Ibid.

[127]         Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[128]         Jacqueline Rigg, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[130]         Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[131]         Pierre Daigle, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[132]         Derrick Gleed et Phil Ralph, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 78, 1er mai 2013.

[133]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[134]         Pierre Daigle, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[135]         Col Gerry Blais, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 12, 25 février 2014.

[136]         Cplc Jody Mitic, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[137]         Documentation du MDN/des FAC, « L’unité interarmées de soutien au personnel », 28 mai 2009.

[138]         Pierre Daigle, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[139]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.

[140]         Col Gerry Blais, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 17, 1er avril 2014.

[141]         Cplc Jody Mitic, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[142]         Ombudsman du MDN et des FAC, « Évaluation préliminaire – Unité interarmées de soutien du personnel (UISP) », 31 octobre 2013.

[143]         Ibid.

[144]         Ibid.

[145]         Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[146]         Ibid.

[147]         Ibid.

[148]         Col John Fletcher, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 74, 27 mars 2013.

[149]         Gregory Woolvett, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[150]         Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[151]         Clay Dawdy, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 5, 21 novembre 2013.

[152]         Marc Fortin, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[153]         Cmdre (à la retraite) Hans Jung, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 61, 11 décembre 2012.

[154]         Alice Aiken, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 49, 4 octobre 2012.

[155]         Bdr Geoffry Logue, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 60, 6 décembre 2012.

[156]         Alice Aiken, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 49, 4 octobre 2012.

[157]         Phil Upshall, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[158]         Harvey Moldofsky, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 8, 3 décembre 2013.

[159]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 19, 8 avril 2014.

[160]         Zul Merali, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[161]         Col Russell Mann, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 12, 25 février 2014.

[162]         Ibid.

[163]         Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[164]         Ibid.

[165]         Don Richardson, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 76, 17 avril 2013.

[166]         Mgén David Millar, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[167]         Elizabeth Steggles, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 5, 21 novembre 2013.

[168]         Cplc (à la retraite) Paul Franklin, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 83, 3 juin 2013.

[169]         Pierre Daigle, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 72, 20 mars 2013.

[170]         Col Rakesh Jetly, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[171]         Col Gerry Blais, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 12, 25 février 2014.

[172]         Lcol (à la retraite) Stéphane Grenier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 73, 25 mars 2013.

[173]         Michel D. Doiron, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[174]         Col Rakesh Jetly, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 13, 4 mars 2014.

[175]         Tim Laidler, Témoignages, 41e législature, 2e session, réunion no 9, 10 décembre 2013.

[176]         Ibid.

[177]         Ibid.

[178]         Ibid.

[179]         Bgén Jean-Robert Bernier, Témoignages, 41e législature, 1re session, réunion no 55, 6 novembre 2012.