:
Merci, monsieur le président
[Traduction]
et mesdames et messieurs les députés.
J'ai le plaisir de me présenter aujourd'hui devant vous pour discuter des soins que nous offrons aux hommes et aux femmes des Forces canadiennes, et à leur famille, lorsqu'ils sont blessés ou qu'ils tombent malades en service. Comme vous le savez déjà, nous avons toujours disposé de programmes et de services visant à assurer la santé et le bien-être du personnel des Forces canadiennes; cependant, les opérations que nous avons menées au cours des 10 dernières années en Afghanistan ont servi de catalyseur pour bon nombre de changements et d'améliorations. Je soulignerai brièvement certains de ces changements pendant ma déclaration préliminaire et je me ferai le plaisir de vous donner plus de détails par la suite.
[Français]
La fonction du personnel des Forces canadiennes englobe des douzaines de secteurs d'activité et des centaines de politiques habilitantes, de programmes et d'activités.
En ma qualité de chef du personnel militaire, je suis chargé de deux fonctions stratégiques, soit la production du personnel et le soutien du personnel.
Le volet du soutien du personnel consiste normalement à offrir aux militaires, aux blessés et à leur famille des programmes de bien-être, de soins et de soutien adaptés à leurs besoins. Quand les mesures de soutien ne sont pas adéquates, la production du personnel en souffre et, en fin de compte, l'efficacité opérationnelle en subit les répercussions.
[Traduction]
Voilà pourquoi j'accorde la priorité à la santé mentale et aux soins offerts aux blessés et à leur famille, ainsi qu'aux familles des militaires tombés au combat. Quand un membre des Forces canadiennes est blessé ou tombe malade, il doit être convaincu de pouvoir bénéficier des soins et des services de réadaptation qui lui permettront de recouvrer la santé et avoir la certitude que les besoins de sa famille seront comblés. Il doit savoir que s'il ne peut reprendre le service militaire, le gouvernement du Canada l'appuiera dans ses démarches pour commencer une nouvelle vie.
À cet égard, Anciens Combattants Canada, tout comme les Forces canadiennes, s'est engagé à fournir aux membres des Forces canadiennes et à leur famille un éventail complet de soins et de services. Un solide partenariat est établi entre les deux ministères, qui collaborent étroitement en vue d'intégrer leurs services et d'assurer la continuité du soutien. Je serai ravi de fournir des précisions sur cette collaboration lorsque vous nous poserez des questions, si vous le souhaitez.
Nous venons de terminer le document intitulé Prendre soin des nôtres, que vous avez devant vous. Il décrit le cadre global qui régit les soins offerts aux militaires canadiens, hommes et femmes, malades ou blessés. Le cadre est fondé sur cinq piliers: une approche pangouvernementale aux soins et au soutien, ce qui signifie que les Forces canadiennes et Anciens Combattants Canada travaillent de concert; un système de prestation de services intégré multidisciplinaire et lié à différents organismes; l'accès à des soins uniformes et la gestion des blessés partout où des membres des Forces canadiennes sont en service; un intérêt, et c'est très important, pour l'amélioration continue en vue d'évaluer l'efficacité des politiques, des programmes et des services et de combler les lacunes; la communication, au sein et à l'extérieur des Forces, sur les soins que nous offrons aussi bien aux membres des Forces canadiennes malades et blessés qu'à leur famille et le soutien que nous leur apportons.
[Français]
Notre concept de soins prévoit l'intégration ainsi que l'administration et la prestation uniforme d'avantages et de services pendant toute la durée des trois étapes qu'ont à franchir les militaires ayant subi une blessure ou souffrant d'une maladie, soit la récupération, la réadaptation et la réintégration au service militaire ou à la vie civile.
La récupération est la période de traitement et de convalescence entre le moment où le patient tombe malade ou subit une blessure et celui où sa condition est suffisamment stable pour recevoir des soins médicaux à plus long terme visant à augmenter sa capacité à prendre part à tous les aspects de la vie professionnelle, sociale et physique.
[Traduction]
La réadaptation, qui comprend des éléments physiques, mentaux et professionnels, constitue le processus actif visant à devenir le plus autosuffisant possible à la suite d'une blessure ou d'une maladie.
La réintégration est une période de transition durant laquelle le membre des Forces canadiennes malade ou blessé retourne à une charge de travail et à un horaire normaux au sein de la Force régulière ou de la Première réserve, se recycle dans les organisations de cadets ou de Rangers ou se prépare à entamer une carrière et à poursuivre sa vie en tant que civil.
Il peut y avoir un chevauchement considérable entre les trois étapes, car les militaires malades ou blessés passant de la récupération rapide à la réadaptation clinique, physique, mentale ou professionnelle à plus long terme sont souvent également prêts à entamer la réintégration dans le milieu de travail.
La récupération, la réadaptation et la réintégration sont étroitement liées au principe de l'universalité du service. Les normes opérationnelles minimales dictées par ce principe exigent que les militaires soient en forme, qu'ils puissent être employés sans restrictions considérables et qu'ils soient prêts à participer à un déploiement dans le cadre de leurs fonctions opérationnelles. L'universalité du service est une manière nécessaire et juste de préserver les effectifs qualifiés en activité et la capacité opérationnelle des Forces canadiennes.
[Français]
Bien que les blessures physiques et les maladies attirent beaucoup d'attention, particulièrement compte tenu des pertes au combat subies en Afghanistan, je suis également déterminé à assurer la prestation de soins de santé mentale.
En effet, le message que je cherche à transmettre est qu'il ne faut tout simplement pas faire une différence entre les deux. Les commandants, à tous les niveaux, savent très bien qu'ils doivent transmettre ce message à tous nos militaires pour que nos gens reçoivent le traitement dont ils ont besoin, en partie en changeant la manière dont les maladie mentales sont perçues.
[Traduction]
Étant donné que les militaires doivent être en bonne condition physique pour occuper leur poste et participer à des missions, nous avons un système de santé spécialisé et exhaustif. Il est tout à fait manifeste que le personnel des Forces canadiennes a accès à l'un des meilleurs systèmes de santé au Canada, voire le meilleur.
Au-delà de l'apport de soins médicaux de classe mondiale et pour que la gestion des militaires blessés soit uniforme et juste, les Forces canadiennes ont établi des Unités interarmées de soutien au personnel régionales composées de centres intégrés de soutien du personnel situés partout au pays qui forment un réseau intégré décentralisé et global en matière de soutien aux blessés.
L'Unité interarmées de soutien au personnel a adopté l'approche du guichet unique pour assurer la prestation d'un éventail de services principaux qui permettent au personnel des Forces canadiennes et à leur famille de bénéficier d'un soutien exhaustif et uniforme. Parmi les services de soutien, on trouve la coordination du programme de retour au travail, le suivi des blessés, l'administration et les interventions liées au soutien, ainsi que les services fournis par Anciens Combattants Canada, le Régime d'assurance-revenu militaire, les programmes de soutien du personnel des Forces canadiennes, Santé Canada et un officier de liaison pour les familles de militaires.
[Français]
La conscientisation du public constitue également un élément important. Car il faut que les Canadiens sachent que leurs fils et filles, leurs frères et soeurs, leurs conjoints et conjointes, leurs amis et leurs voisins qu'ils ont confiés aux Forces canadiennes sont en bonnes mains.
La confiance que le public accorde aux Forces canadiennes constitue la base de son soutien.
[Traduction]
La santé et le bien-être des membres des Forces canadiennes constituent une responsabilité qui incombe autant aux dirigeants qu'aux professionnels de la santé et aux militaires. Une approche pangouvernementale est donc nécessaire pour que ceux qui servent leur pays et qui sont appelés à remplir le mandat de la Stratégie de défense Le Canada d'abord puissent recevoir les soins et le soutien dont ils ont besoin, et dont leur famille a besoin, s'ils ont la malchance de tomber malades ou de subir des blessures.
[Français]
Je tiens à remercier les membres du comité de l'intérêt qu'ils manifestent à cette question très importante et du fort soutien qu'ils accordent aux membres des Forces canadienne ainsi qu'à leur famille.
C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
En Afghanistan, il y a eu un peu plus de 2 000 blessés au total: 620 blessés au combat et environ 1 400 blessés hors combat. La majorité des blessures au combat ont été causées par des dispositifs explosifs de circonstance. Dans de nombreux cas, il y a eu des blessures physiques et psychologiques. L'une des plus grandes difficultés auxquelles nous faisons face, c'est la réadaptation des gens à la suite d'amputations. Ces blessures font beaucoup la manchette, mais il y a également un certain nombre de blessures physiques hors combat: des blessures musculo-squelettiques, et des blessures au dos et aux genoux.
L'une des choses que je veux soulever, c'est que sur le théâtre d'opérations, nous avons un meilleur équipement de protection individuel qu'auparavant. Je pense que c'est la raison pour laquelle le taux de survie aux explosions, qui auraient pu causer la mort de beaucoup plus de personnes auparavant, est plus élevé maintenant. Des gens ont perdu des membres et ont vécu des choses terribles lors d'explosions, mais en fin de compte, ils ont survécu. Je pense que c'est grâce à l'équipement de protection individuel qu'ils portent et, certainement, à l'hôpital de traumatologie à Kandahar. Un membre des Forces canadiennes a été au commandement de cet hôpital pendant un certain temps, et il relève maintenant du commandement d'un Américain. Dans 97 p. 100 des cas, si une personne se rend à l'hôpital de rôle 3 de l'Aérodrome de Kandahar, comme on l'appelle, elle survivra. C'est un hôpital multinational. Les gens se réunissent et font des miracles là-bas. J'y suis allé trois fois, et j'ai vu les miracles qu'ils font.
Donc, oui, nous avons beaucoup de blessés, mais selon moi, il y aurait beaucoup plus de décès si ce n'était de l'équipement de protection individuel et des services de soins de santé offerts sur place.
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Si un trouble de santé mentale était lié au service, à un traumatisme provoqué par un incident sur un champ de bataille et non accompagné d'une blessure physique, il compterait certainement comme une blessure au combat.
L'une des priorités pour laquelle je lutte continuellement, c'est que l'on considère les problèmes de santé mentale de la même façon que les blessures physiques — les maux de dos, une blessure causée par un éclat d'obus, des problèmes de genou ou une blessure à la cheville. À mon avis, les Forces canadiennes ont une occasion de dissiper les préjugés associés à la santé mentale. Je pense que nous avons fait beaucoup de chemin à cet égard. Je reconnais volontiers qu'il y a encore des choses à améliorer, mais je pense que nous avons constaté de véritables progrès dernièrement.
Lorsque nous sortons les soldats du théâtre d'opérations, avant qu'ils repartent chez eux, nous les envoyons dans un tiers lieu pour leur permettre de décompresser pendant une période de cinq jours. Au cours de cette période, ils participent à des conférences et à des consultations où on leur explique l'importance de la santé mentale et ce à quoi correspond un état de détérioration avancé de la santé mentale. À cette étape, j'ai vu de jeunes hommes, qui à mon avis, sont les gens qui ont le plus de difficulté à admettre qu'ils souffrent peut-être de troubles mentaux, lever la main pour dire qu'il aimeraient rencontrer quelqu'un. Je pense qu'il y a tout juste cinq ans, il aurait été inconcevable de voir des gens admettre qu'ils ont un problème, certainement pas en public, et je considère cela comme un signe de progrès pour ce qui est de montrer aux gens que c'est correct de dire qu'on a un trouble de santé mentale.
Maintenant, en toute justice, je sais que votre question portait sur les blessés au combat, mais la majorité des problèmes de santé mentale auxquels nous faisons face dans les Forces canadiennes ne sont pas liés au TSPT. Il y a beaucoup d'autres troubles de santé mentale, mais votre question portait précisément sur...
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Je vous remercie de la question.
Votre question tombe bien. Vendredi soir dernier, le ministre MacKay a officiellement lancé un programme d’aide pour les gens en période de deuil dans le cadre du programme Côte à côte avec des membres — veufs, veuves, famille, pères et conjoints des militaires décédés.
L’une des principales caractéristiques du programme Côte à côte, c’est qu’il est conçu pour être un engagement durable, et non quelque chose qui va cesser lorsqu’un membre quittera les Forces canadiennes ou lorsqu’un membre décédera. C’est un engagement à long terme. Il fait intervenir des travailleurs sociaux et inclut le volet de soutien par les pairs sur le Web dont vous avez parlé.
Il y a un réseau de consultation par les pairs que nous appelons le programme ESPOIR — Empathie, Soutien par les Pairs, Offrons une Invitation au Réconfort. C’est efficace pour les gens qui doivent vivre cette expérience difficile et s’en sortir. Le deuil comporte sept étapes. Lorsqu’ils s’en sortent, certains d’entre eux veulent aider des gens après ce qu’ils ont vécu. Il y a donc un volet de soutien par les pairs.
Pour ce qui est de l’exemple précis que vous avez donné, où un conjoint et des enfants ont besoin d’aide aux personnes endeuillées, cela leur est tout à fait accessible. Je veux seulement dire que le programme Côte à côte est ouvert à tous, peu importe les causes de décès — en service, maladie ou blessure. C’est vraiment pour les gens en période de deuil, pour ceux qui survivent.
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Les suicides, même un seul, sont une tragédie, et nous affectent tous. Parfois, ce sont nos propres médecins qui posent ce geste fatal. Il y a aussi de nombreux problèmes de santé mentale. Les Forces canadiennes sont notre famille; nous sommes tissés très serré. Tout suicide est considéré comme une véritable tragédie à nos yeux.
Cependant, pour obtenir des statistiques utilisables, nous devons compiler le nombre de suicides, comme le feraient des statisticiens, sur une période d’environ cinq ans, parce que les quelques rares cas doivent être cumulés pour que les statistiques aient une quelconque importance et pour que nous puissions démontrer que les données ne sont pas le fruit du hasard. Nous obtenons ainsi un dénominateur et un numérateur utilisables, le nombre de suicides, pour établir des comparaisons significatives.
Le nombre de suicides n’a pas changé d’une période à l’autre depuis 1995. La dernière période, de 2005 à 2009, correspond au plus fort de la mission en Afghanistan. En fait, le taux sur 100 000 est très légèrement moins élevé que celui des deux périodes précédentes, ce qui n’est pas statistiquement significatif. En gros, nos taux de suicide sont demeurés stables. Nous ne pouvons pas comparer d’une année à l’autre, parce qu’il pourrait y avoir des anomalies qui seraient le fruit du hasard.
Par exemple, il y a eu 108 suicides depuis le début des opérations en Afghanistan en 2002 jusqu’en 2010, ce qui inclut tous les suicides que nous avons été en mesure de compiler, dont les suicides de femmes — qui sont extrêmement rares, et la plupart du temps, il n’y en a aucun — et de réservistes, même si certains suicides de réservistes n’ont probablement pas été compilés, parce que nous ne sommes pas autant en contact avec eux. De ce nombre, 67 personnes n’avaient jamais été déployées. Des 45 membres qui l’avaient été, seulement 17 avaient été déployés en Afghanistan. Donc, la majorité des suicides et la majorité des problèmes de santé mentale sont causés par les mêmes facteurs de stress que vit le reste de la population canadienne.
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Je parle des Forces canadiennes; nous n’assurons un suivi qu’auprès de nos membres actuels.
Nous perdons la trace de ces anciens membres, parce que les facteurs de stress qui peuvent pousser des gens au suicide sont cumulatifs et peuvent mener à des problèmes de santé mentale, voire à des comportements suicidaires, des années après que les gens ont été libérés ou que les facteurs de stress sont survenus. Par conséquent, nous avons réalisé l’étude en collaboration avec Anciens Combattants Canada. Des 188 000 membres étudiés, 112 000 avaient été libérés des Forces canadiennes.
Dans la première partie sur les taux de mortalité et les causes de décès, nous avons jusqu’à présent appris que les membres actuels et les anciens membres ont un taux de mortalité de 35 p. 100 inférieur pour toutes les causes de mortalité comparativement à la population en général.
Cependant, il y a deux anomalies. Le taux de décès dans un accident d’avion est plus élevé de 2,6 p. 100, ce qui s’explique par le fait que la population compte proportionnellement beaucoup plus de membres d’équipage ou de gens qui volent. Ensuite, dans l’ensemble, le taux de suicide est le même, mais le taux est une fois et demie plus élevé pour les gens de 16 à 44 ans qui ont été libérés après avoir servi moins de 10 ans, tout cela avant 1986; c’est donc dire avant la création des programmes actuels de santé mentale, de sensibilisation, de dépistage, etc.
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C’est une bonne question.
Depuis novembre 2010, nous avons visité 22 bases au pays dans ce but exact; il s’agit d’un projet de sensibilisation, en collaboration avec Anciens Combattants. Nous avons accueilli sur les bases militaires nos collègues d’Anciens Combattants pour faire passer le mot aux membres actuels de la force régulière et de la réserve. Les anciens combattants y sont invités de même que les gens de la Légion.
J’ai remarqué que malheureusement, ou peut-être heureusement, lorsque les gens joignent les Forces canadiennes au centre de recrutement, ils ne regardent souvent que les aspects positifs. Il s’agit d’une compréhension sélective. Ils aiment l’entraînement, les possibilités, les voyages et l’apprentissage de compétences professionnelles. Ils ont envie d’aventure. Par contre, je dois avouer que ce n’est pas tout le monde qui songe vraiment à ce qui se passera si...
Je dis aux gens que je rencontre en parcourant le pays qu’ils doivent également porter une attention particulière à ce qui se produira si les choses tournent mal, parce que nous évoluons dans un environnement dangereux. Il faut bien l’avouer. Il faut regarder comment on s’occupera de vous et de votre famille si le pire vous arrive, si vous êtes l’un des malchanceux.
Après avoir visité 22 bases, je peux dire avec confiance que le message est lancé. Nous poursuivons un programme de sensibilisation par l’entremise des UISP, qui se trouvent sur chaque base. Nous continuons de sensibiliser les gens dans nos diverses publications. Selon moi, il n’y a rien comme des hauts gradés qui font une présentation et répondent ensuite aux questions. Dans la presque totalité des rencontres tenues d’un océan à l’autre, nous avons des questions difficiles qui nous sont posées par des gens qui sont frustrés ou qui ont vécu une mauvaise expérience. Nous sommes justement là pour les aider à comprendre le tout.
Je crois que nous avons réalisé d’immenses progrès grâce à ce projet de sensibilisation.
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Merci beaucoup, amiral, de votre excellent exposé.
J'aimerais féliciter les Forces canadiennes des progrès formidables accomplis dans le domaine des soins prodigués aux soldats blessés et à leur famille. Je peux vous parler de mon expérience personnelle en Bosnie, en 2004... J'ai été l'un des instigateurs du poste d'officier désigné. Lorsqu'un contingent hongrois qui travaillait avec les Canadiens a eu un accident qui a fait un mort et un blessé grave, j'étais la seule personne qui parlait hongrois. J'ai donc dû fournir tous les services aux familles, et aussi faire la liaison avec les Forces hongroises, qui venaient juste d'arriver en Bosnie, afin de rapatrier le corps, etc.
À la suite de ces événements et de trois jours sans sommeil, je suis évidemment tombé malade; les services médicaux m'ont bien sûr prodigué d'excellents soins après mon retour du théâtre des opérations. Toutefois, je n'ai reçu aucune aide en ce qui a trait au processus de rétablissement, de réadaptation et de réintégration.
J'étais assez remis pour être déployé en Afghanistan en 2007, où j'ai aidé à construire l'hôpital de rôle 3. Nous l'avons équipé d'un tomodensitomètre à 16 coupes en 2007, en remplacement de celui à 2 coupes qui s'y trouvait déjà, ce qui a permis de sauver des vies au sein des troupes canadiennes et des troupes alliées.
Entre 2004 et 2007, après 15 ans en Bosnie, nous avions subi 23 pertes humaines, et durant mon déploiement en 2007, nous avons subi 24 pertes humaines en 8 mois. C'est une grande différence.
Pour revenir au sujet, le poste d'officier désigné est très important, car il s'occupe des familles et des pertes humaines. Pourriez-vous m'en dire plus au sujet du processus de sélection de l'officier désigné et comment on l'a amélioré depuis que j'ai suivi ce cours en 2008? J'ai quitté les forces en 2009. Je pose la question, car l'officier désigné doit être très solide au niveau psychologique. En effet, si le processus de sélection n'est pas effectué correctement, il peut aussi subir un traumatisme pendant qu'il intervient auprès des familles des victimes.
Lorsque vous aurez terminé de parler des améliorations dans la formation de l'officier désigné, j'aimerais que vous répondiez à une autre question. Comment les dossiers médicaux sont-ils tenus au sein des Forces canadiennes? Pourrait-on y apporter des améliorations? Si un membre des Forces canadiennes a recours aux services médicaux civils, comment les forces en sont-elles informées et comment assurent-elles le suivi de son traitement et de son bien-être?
Je m'informe au sujet du transfert de dossiers, car je m'occupe toujours des cadets; c'est très intéressant. Il n'y a pas de conflit d'intérêts, mais si vous êtes un civil, il n'est pas facile d'accéder au dossier médical.
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Je peux faire deux ou trois commentaires à ce sujet et le colonel Bernier pourra ensuite entrer dans les détails. Tout d'abord, je suis d'accord avec vous lorsque vous dites qu'on ne peut pas nécessairement se fier à une durée précise. Nous avons vu des gens qui ont été traités avec succès et qui sont retournés au travail. Je connais personnellement beaucoup de personnes à qui l'on a diagnostiqué des problèmes de santé mentale et qui, après une combinaison de traitements cliniques et non cliniques liés à la santé mentale, sont retournées au travail, complètement rétablies et prêtes à être déployées. En effet, elles sont retournées sur le théâtre des opérations et ont complété la mission.
Pendant le forum Prendre soin des nôtres, j'ai dit publiquement que je me rends maintenant compte, étant donné les recherches que nous avons effectuées et notre capacité de catégoriser, que dans mon cas, lorsque je suis revenu du golfe Persique en 2002, je suis passé d'un état mental normal à un état mental qui requiert une certaine attention, pour ensuite retourner à la normale. Je m'en rends compte avec le recul. En effet, maintenant que j'ai lu sur le sujet, je pense qu'il s'agissait d'une réaction tout à fait normale et qu'un grand nombre de gens réagissent de cette façon.
Je dirais que nous cherchons à traiter le plus de gens possible afin de les ramener à un état normal, tout en reconnaissant qu'il y a certaines personnes, surtout lorsqu'il s'agit de graves problèmes de santé mentale, de graves troubles de stress post-traumatique et de graves blessures liées au stress opérationnel, qui ne pourront jamais se rétablir complètement ou qu'on ne pourra jamais réussir à traiter. C'est un fait. Mais nous avons réussi, dans bien des cas, à traiter les gens et à les renvoyer en service.
Lorsque j'étais en Afghanistan, en 2010, j'ai parlé avec une infirmière en santé mentale. Elle avait la merveilleuse tâche d'aller sur le terrain, dans un rôle d'intervention, et de renforcer une partie de la formation et la sensibilisation des gens qui avaient vécu des périodes d'angoisse. Elle en discutait avec eux, renforçait une partie de leur formation, et les aidait à se concentrer et à composer avec leur angoisse, afin qu'ils soient en mesure de reprendre le service, sans être retirés du théâtre des opérations. Ce sont quelques-unes des percées que, selon moi, nous avons effectuées.
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Je vous remercie de cette question.
Les communications stratégiques, surtout en ce qui concerne les soins et le soutien aux militaires... À mon avis, les réussites comme celles-là ne font pas les manchettes des journaux, malheureusement. Nous avons tant accompli sur le plan des soins médicaux, des soins non cliniques, du soutien aux blessés, de l'administration des pertes militaires et de l'administration des carrières.
À l'occasion de notre colloque « Prendre soin des nôtres », il y a environ un mois, nous avons délibérément pris contact avec les parlementaires, les médias, les groupes de défense, les organismes de soutien aux anciens combattants, les ombudsmans — celui des vétérans et celui du MDN — ainsi que des intervenants de ce milieu, et ce, expressément pour tenter de faire passer le message. On parle du programme Côte à côte partout sur le site Web des Forces canadiennes. Toutes les initiatives qui ont été mises en place sont accessibles sur notre site Web, qu'il s'agisse de la campagne Soyez la différence, des programmes Sans limites ou Côte à côte, de l'UISP, ou du programme En route vers la préparation mentale. Toutefois, il demeure difficile de fournir continuellement l'information. Je le reconnais.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais moi aussi féliciter nos invités pour cette séance incroyablement utile et pour les initiatives entreprises au cours des dernières années. Vous en avez mentionné toute une série. Je sais qu'il y en a d'autres dont nous n'aurons pas le temps de parler, comme le fonds Soyez la différence ou Sans limites, ainsi que l'initiative Côte à côte, qui était le principal motif pour nous de tenir cette séance maintenant, en raison du caractère immédiat de cette initiative, et du cadre plus vaste du programme Prendre soin des nôtres.
Nous voyons que vous démontrez du leadership et que vous apprenez des leçons. Pour répondre à votre message clair sur ce point, contre-amiral Smith, je crois que les Canadiens s'attendent à ce que les Forces canadiennes jouent leur rôle en ce qui concerne le deuil et la façon de s'occuper de cette question, le soin des malades et des blessés, les troubles de santé mentale — dans tous ces domaines.
Nous le voyons. Oui, il y a des défis à relever sur le plan des communications. Oui, il y aura toujours des lacunes et des ajustements à faire, mais nous vous félicitons pour le leadership que vous démontrez et que vous continuerez de démontrer.
Je voudrais aborder quelques questions dont nous n'avons peut-être pas encore parlé. La première est très simple. Nous connaissons l'impact qu'ont eu les événements de la dernière décennie sur le recrutement, en particulier après le lancement de la Stratégie de défense Le Canada d'abord. En général, l'impact a été positif. Mais j'aimerais demander au colonel Bernier de nous parler plus précisément du recrutement dans le domaine médical, y compris en santé mentale, pour les déploiements et les postes à combler ici. Nous savons qu'il existe encore des besoins en ce qui concerne les postes dans le domaine de la santé mentale, en dépit des efforts colossaux qui ont été déployés pour avoir accès aux bonnes personnes. Parlez-nous un peu du recrutement des professionnels de la santé, dont on a tant besoin.
Nous nous employons toujours à régler certains problèmes par rapport aux professions médicales pour lesquelles il y a toujours un manque de personnel. Cependant, pour la première fois de l'histoire, nous allons avoir un léger surplus de médecins. Traditionnellement, sur le plan du recrutement, c'était notre plus important problème, au point où certaines années, nous avions moins de 50 p. 100 des médecins dont nous avions besoin. En tant que dirigeants de l'équipe médicale qui s'occupe des pertes, fournir ces soins — tant en garnison qu'en déploiement — est une réussite extraordinaire et un énorme besoin opérationnel.
L'élan de patriotisme engendré par le conflit en Afghanistan a permis le recrutement de certains des meilleurs spécialistes cliniques au Canada. Par exemple, un des meilleurs chirurgiens spécialistes des greffes du Canada est un de nos médecins. Le directeur du meilleur centre de traumatologie du Canada, Sunnybrook, le plus important centre du genre au pays, est un de nos chirurgiens.
Donc, cela a eu une très grande incidence sur le recrutement de médecins dévoués qui, en plus d'être des professionnels des soins de santé, ont aussi l'âme d'un soldat. En réalité, c'est vrai au point où, en raison de la réduction des opérations en Afghanistan qui découle d'une baisse de la menace, cela pourrait avoir l'effet inverse sur la rétention et le recrutement. Donc, nous nous en sortons très bien.
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Merci, monsieur le président.
Ce fut une matinée fort intéressante. Je vous en remercie.
Je veux simplement faire un commentaire sur l'incompatibilité qui existe entre le fait de lever la main et les aspirations professionnelles. Il est certainement très courageux de lever la main en présence de vos pairs, en particulier pour des soldats. J'ai été particulièrement impressionné par les hauts dirigeants lors du colloque « Prendre soin des nôtres », où il y a eu d'importants témoignages de la part de hauts gradés. Je pense que s'il y avait plus d'événements de ce genre, ce serait très utile pour lutter contre la stigmatisation.
Concernant le commentaire complémentaire sur le suicide, je devrais vous montrer un article et vous demander de le commenter, parce qu'il s'inscrit en faux par rapport à votre témoignage. Cependant, je n'irai pas plus loin sur ce point.
La question que je veux vous poser porte sur le soldat qui veut contester sa capacité d'être déployé ou employé. Vous employez environ 90 000 personnes. Il serait tout à fait stupéfiant si chacune d'entre elles était heureuse. À un moment ou un autre, elles quitteront les forces armées, possiblement pas entièrement de leur propre gré.
Si une personne est libérée ou qu'on lui offre une compensation qu'elle considère comme inadéquate, y a-t-il, dans les forces, un processus d'enquête ou d'arbitrage relativement neutre pour le règlement de ce genre de conflit?
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Premièrement, le personnel libéré pour raisons médicales a une présentation prioritaire au sein de la fonction publique.
Deuxièmement, les unités interarmées de soutien au personnel — nous sommes accompagnés aujourd'hui d'un colonel qui est responsable de toutes les unités interarmées de soutien au personnel du pays — gèrent ce qu'on appelle le PAT, le Programme d'aide à la transition. Il y a une liste d'employeurs qui ont montré un intérêt à employer des militaires libérés par les Forces canadiennes.
De plus, nous travaillons en étroite collaboration avec M. Blake Goldring et Canada Company dans l'aide qu'ils fournissent aux grandes entreprises canadiennes — les chaînes d'alimentation, les banques, les entreprises de déménagement et de transport — dans le recrutement. Nous essayons de satisfaire à leurs besoins grâce aux gens qui sont libérés pour raisons médicales; nous cherchons un emploi qui leur convient pour faciliter la transition.
En outre, il importe de souligner que nous travaillons en très étroite collaboration avec le ministère des Anciens Combattants, qui fait partie intégrante de l'unité interarmées de soutien au personnel. Quelle qu'en soit la raison, tout membre des Forces canadiennes libéré aura une entrevue avec le ministère des Anciens Combattants pour discuter des besoins et des possibilités d'emploi.
La dernière chose dont je pourrais parler, je suppose, c'est que nous avons aussi — vous vous en souviendrez peut-être —, le service de préparation à une seconde carrière, où nous aidons les gens au chapitre de la rédaction du curriculum vitae, de l'évaluation de leurs compétences et des techniques d'entrevues. Nous avons aussi le Régime d'assurance-revenu militaire, qui comporte un volet sur la réadaptation professionnelle. Les militaires ont l'occasion de se prévaloir de ce programme d'assurance afin de se réadapter sur le plan professionnel.
Tout cela n'est qu'un aperçu de la panoplie de services que nous offrons. Nous nous employons activement à aider les gens dans leur transition.