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Je déclare la séance ouverte.
Conformément à l'ordre de renvoi du jeudi 6 février 2020, nous étudions le projet de loi , Loi portant mise en œuvre de l'Accord entre le Canada, les États-Unis d'Amérique et les États-Unis mexicains.
Nous avons comme témoin ce matin Maryscott Greenwood, du Conseil des affaires canadiennes-américaines, par vidéoconférence depuis Washington. Bienvenue et merci d'être des nôtres.
Nous avons également, par vidéoconférence, Jennifer Mitchell, membre du conseil d'administration d'Éditeurs de Musique au Canada.
De la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, nous avons Andrea Kokonis, avocate générale, et Gilles Daigle, consultant.
Nous attendons des représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec qui ne sont pas arrivés.
Nous commencerons par Maryscott Greenwood, du Conseil des affaires canadiennes-américaines.
Vous avez la parole.
Je vous remercie, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité. Je vous souhaite un Mardi gras.
Je vous remercie de m'avoir invitée à m'exprimer aujourd'hui et de m'avoir autorisée à le faire depuis Washington. C'est un honneur de conseiller des parlementaires sur un sujet aussi important pour nos deux pays que celui qui est examiné, à savoir le plus important accord commercial du monde, mis à jour et modernisé pour la troisième décennie du nouveau millénaire.
Vous vous rappelez que le nouvel Accord de libre-échange nord-américain a d'abord été annoncé le 1er octobre 2018. Comme plusieurs experts vous ont dressé un historique de ses éléments, je ne vais pas prendre de votre temps pour récapituler les étapes du chemin assez tortueux qui a mené là où nous en sommes. Nous savons ce qui a été retenu dans l'accord et ce qui ne l'a pas été. Nous savons qu'il ne répond pas à tous les vœux des citoyens ni à tous les nôtres au Conseil des affaires canadiennes-américaines, mais un accord qui ne satisfait pas entièrement toutes les parties, cela s'appelle un compromis, et les compromis sont dans l'esprit même du commerce.
De plus, je crois que tout le monde reconnaît que l'ACEUM améliore sensiblement non seulement nos politiques commerciales, mais aussi les relations entre gouvernements en Amérique du Nord. Il réaffirme notre engagement à l'égard de la primauté du droit et de notre interdépendance économique, ainsi que notre conviction que le Mexique est un partenaire essentiel de notre prospérité commune. Les trois gouvernements sont convenus qu'il fallait actualiser l'ALENA et, à vrai dire, l'aboutissement des négociations a été un immense soulagement pour les entreprises.
Comme vous le devinez sans doute, le Conseil des affaires canadiennes-américaines souhaite qu'il prenne force de loi le plus tôt possible. Je parle pour les entreprises des deux pays et je suis ici pour vous dire que ce nouvel accord est un ensemble de règles stables sur lesquelles nous pourrons compter pendant des années. Les entreprises aiment la stabilité et elles détestent l'incertitude. Vous l'avez probablement déjà entendu dire. On a beaucoup écrit sur le fait que les entreprises et les établissements financiers hésitent à investir depuis la crise de 2008, malgré les efforts déployés par les banques centrales pour les encourager à dépenser et à prêter. C'est à cause de l'incertitude.
Le contexte commercial mondial est instable. Des règles commerciales stables sur lesquelles on s'est entendu sont rassurantes. Est-ce que nous ne voulons pas tous voir les entreprises investir en toute confiance dans la croissance et augmenter les échanges commerciaux en Amérique du Nord?
En tant qu'ancienne diplomate américaine qui ai été en poste au Canada, et en tant que personne qui se lève tous les matins depuis au moins 20 ans pour œuvrer aux relations entre le Canada et les États-Unis, j'ai pour mission de savoir comment on réagit au Congrès et à la Maison-Blanche aux questions d'intérêt bilatéral qui influent sur notre coalition commerciale. Croyez-moi quand je vous dis que nous vivons un moment exceptionnel aujourd'hui. Si quelqu'un pense qu'il est encore possible de trouver le moyen de récrire l'ACEUM, à mon avis, cette personne ne comprend pas la situation actuelle. Nous sommes vraiment arrivés au point où le Parlement du Canada doit approuver ou rejeter l'accord.
Cela dit, permettez-moi d'aller un peu plus loin et de vous dire ce qui arriverait, selon moi, du point de vue de Washington, si le Canada rejetait l'accord et le faisait échouer. Vous savez tous que la Chambre des représentants des États-Unis et le Sénat ont ratifié en décembre et janvier ce que nous appelons à Washington l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, l'ACEUM. Savez-vous combien de projets de loi ont été présentés jusqu'ici au Congrès au cours de cette session? Des milliers. Savez-vous combien ont été adoptés à la Chambre des représentants? Près de 500. Savez-vous combien ont été adoptés à la Chambre des représentants et au Sénat pour le moment? Quatre-vingt-onze, et la plupart visaient à donner un nom à des bureaux de poste ou à des immeubles du secrétariat aux Anciens Combattants. On ne s'entend pas sur grand-chose à Washington.
Vous rappelez-vous que la présidente de la Chambre des représentants, Nancy Pelosi, a déchiré le discours sur l'état de l'Union juste après que le président l'a prononcé en direct à la télévision? Eh bien, elle n'a pas déchiré l'ALENA modernisé, comme certains dans son parti l'auraient voulu. En fait, elle s'est efforcée de manière réfléchie de le faire adopter. Non seulement l'ACEUM a été adopté, mais il l'a été à une immense majorité des deux partis dans les deux chambres. Dans le climat politique actuel, c'est un exploit.
Ensuite, le président Trump l'a promulgué à la fin du mois dernier et, comme vous le savez, le président Trump ne fait pas toujours ce que le Congrès lui demande. Les planètes se sont donc alignées.
Permettez-moi à présent de me faire de nouveau l'avocate de l'accord et d'imaginer ce qui risque d'arriver si, maintenant qu'il a été adopté aux deux chambres du Congrès, qu'il a été signé à la Maison-Blanche et, surtout, que le Mexique l'a ratifié, le Parlement canadien ne l'adopte pas.
Comment vous l'avez probablement entendu dire, le président Trump a tendance à pencher d'instinct vers le protectionnisme. Son slogan, c'est « America First ». Il se décrit lui-même comme favorable aux droits de douane. Il ne réagit pas bien quand il se sent humilié, ce qui serait certainement le cas si le Canada n'entérine pas le nouvel accord. Il considère à raison l'accord comme la grande réussite législative de son premier mandat.
Il recourrait aux droits de douane. Le Canada, le Mexique et les États-Unis ont déjà traversé ce chapitre regrettable. Si les tendances se maintiennent dans les primaires démocrates, le président Trump pourrait bien avoir pour adversaire cet automne le sénateur Bernie Sanders.
Le sénateur Sanders se qualifie lui-même, comme vous le savez, de démocrate socialiste. Comme d'autres personnes à gauche de l'échiquier politique, non seulement il n'aime pas les accords commerciaux, comme l'Accord de libre-échange Canada-États-Unis original et l'ALENA, mais il s'est clairement déclaré opposé à ce nouvel accord. Lui aussi préférerait recourir aux droits de douane pour protéger ce qu'il estime être les intérêts économiques américains. N'oublions pas que le sénateur Sanders est un des rares membres du Congrès à avoir voté contre l'ACEUM.
J'imagine que vous voyez où je veux en venir. Est-ce que quelqu'un croit vraiment que ce soit une bonne idée de pousser le président ou son rival potentiel à une guerre tarifaire avec le Canada et le Mexique? Un président irrité peut, d'un claquement de doigts, renforcer les contrôles frontaliers, créer des bouchons et donner des maux de tête aux entreprises des deux pays. Mais, étant donné la taille de nos économies respectives, je dirais que les maux de tête seraient pires au Canada.
Comme je parle au nom de grandes entreprises canadiennes et américaines, j'aimerais souligner que nos membres ont déjà quelques maux de tête. Il y a la question très délicate du blocage des voies ferrées. Et il y a des questions sur la capacité de choisir le tracé ou l'emplacement de nouveaux projets d'infrastructure et de les financer, notamment dans le secteur de l'énergie, comme vous le savez.
À mon avis, rejeter le nouvel accord commercial dans ce contexte serait non seulement une erreur bête, mais ce serait aussi se tirer une balle dans le pied.
Cela dit, permettez-moi d'adopter juste quelques instants une approche plus optimiste. Contrairement aux États-Unis, le Canada considère, depuis les années 1980, les accords de libre-échange comme répondant à ses intérêts nationaux essentiels. Étant donné la taille relative de votre marché, les Canadiens ont plus intérêt que la plupart des autres pays à des règles claires et transparentes adoptées d'un commun accord, et c'est probablement pourquoi le Canada a des accords de libre-échange avec l'Europe, le Chili, la Jordanie, Israël, le Costa Rica, le Honduras, la Corée, le Panama et le Pérou.
Autrement dit, les entreprises canadiennes ont des règles claires et préférentielles avec des marchés qui représentent des billions de dollars. N'est-il pas logique que le Canada actualise, puis adopte un accord avec son principal partenaire commercial? Je suis certaine que quantité d'autres pays aimeraient avoir un accès préférentiel au marché américain aujourd'hui. Être tout près, mais ne pas y avoir accès est pour le moins exaspérant. Un accord avec le plus gros marché du monde est prêt et existe maintenant. Tout le monde attend.
Le Conseil des affaires canadiennes-américaines estime que le choix qui s'offre à vous est évident. L'accord mis à jour renforce des relations commerciales qui existent depuis que nos deux pays existent. Les efforts consentis ces trois dernières années ont été intenses, parfois éprouvants, mais nous touchons presque au but. C'est une question simple qui est soumise aux parlementaires canadiens et, à mon avis, la poser, c'est y répondre.
Je vous remercie.
Je serai heureuse de répondre à vos questions.
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Je me présente, je m'appelle Charles Milliard, et je suis le PDG de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je suis accompagné de Mme Kathy Megyery, vice-présidente de Stratégie et affaires économiques.
Je remercie le Comité de nous recevoir malgré quelques problèmes techniques. Je dois dire que nous avons eu une certaine difficulté à établir la communication et à nous rendre ici ce matin. Je vous remercie de votre patience.
La Fédération des chambres de commerce du Québec regroupe 132 chambres de commerce partout au Québec et 1 100 sociétés membres. Les membres de la Fédération exercent leurs activités dans tous les secteurs de l'économie et sur l'ensemble du territoire du Québec. Étant le plus important réseau de gens d'affaires et d'entreprises au Québec, la Fédération agit également comme chambre de commerce provinciale et, à ce titre, fait valoir les intérêts de ses membres en matière de politiques publiques.
D'entrée de jeu, la Fédération tient à saluer la signature de l'accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique, qui, comme on le sait, met fin à plus d'une année d'incertitude pour les entreprises. Ce climat d'incertitude qui régnait avant la conclusion de l'accord nuisait passablement au climat d'affaires et aux investissements au Canada. Cependant, si elle reconnaît pleinement l'importance de ce nouvel accord, la FCCQ demeure fortement préoccupée par certains aspects de l'entente qui devront faire l'objet d'un suivi rigoureux de la part du gouvernement fédéral.
D'abord, la Fédération tient à souligner que cet accord a malheureusement été conclu au détriment de notre modèle de gestion de l'offre et des producteurs laitiers du Québec. Encore une fois, ils auront en quelque sorte servi de monnaie d'échange. Ce fut le cas au cours des trois dernières grandes négociations d'accords internationaux, soit celles de l'Accord économique et commercial global, ou AECG, de l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, et de l'ACEUM.
De plus, malgré des demandes très claires du secteur québécois de l'aluminium concernant la réglementation du contenu régional, la situation de ce secteur ne s'améliorera pas. En revanche, le secteur de l'acier, qui, comme on le sait, est concentré à 53 % en Ontario, a obtenu pour sa part les protections qu'il réclamait. À l'avenir, le principe d'équité interprovinciale devra guider les concessions faites par le gouvernement fédéral dans le cadre des négociations d'accords internationaux.
En ce qui a trait précisément à la gestion de l'offre, cette troisième brèche a pour effet de miner la rentabilité de ce système et sa viabilité à long terme, notamment pour les plus petits producteurs. Pour les accords internationaux présents, soit l'AECG et le PTPGP, les annonces relatives aux compensations se sont fait attendre, et leur versement encore plus, malheureusement. À ce jour, les transformateurs laitiers ainsi que les producteurs de volailles et d'œufs attendent toujours qu'on leur verse des sommes. Pour le moment, aucune annonce n'a encore été faite en lien avec l'ACEUM.
La FCCQ demande donc au gouvernement de définir le plus rapidement possible les paramètres du programme de compensation destiné aux producteurs et aux transformateurs laitiers dans le cadre de l'ACEUM. Elle souhaite également que les producteurs d'ici reçoivent un dédommagement équivalent à l'importance du secteur agroalimentaire québécois dans l'ensemble de l'économie canadienne.
En ce qui concerne le secteur de l'aluminium, le gouvernement devra également faire preuve de vigilance. À l'origine, une clause de l'accord stipulait que 70 % du contenu régional pour les métaux, soit l'acier et l'aluminium, devaient être assurés par une production sur le continent nord-américain. Ainsi, le Mexique devait s'approvisionner en Amérique du Nord dans une proportion de 70 %. Cependant, un flou dans la définition risquait de permettre au Mexique de simplement s'approvisionner au rabais auprès de la Chine, ce qu'il fait depuis plusieurs mois déjà.
Dans la nouvelle mouture de l'ACEUM, cette lacune a été corrigée, mais uniquement pour l'acier, et non pour l'aluminium. Cette nouvelle dynamique aura un impact sur les parts de marché du Québec. Les entreprises américaines que le Québec approvisionnait ont déjà amorcé une relocalisation vers le Mexique dans le but de payer leur métal moins cher. En raison de cette situation, nous risquons de perdre de plus en plus de marchés aux États-Unis et, du même coup, de voir se développer une relocalisation des capacités de transformation au Mexique. La FCCQ demande donc au gouvernement fédéral de s'assurer de maintenir la compétitivité de l'industrie dans un marché qui vient de subir un changement majeur et de faire toutes les représentations qui s'imposent, sur le plan diplomatique, auprès des Américains pour forcer les Mexicains à respecter les règles du jeu.
En vertu des dispositions de l'ACEUM, le Canada a accepté d'augmenter le seuil de perception du droit de douane, soit le seuil de minimis. En effet, il est passé de 20 $ à 150 $ pour les droits. Cette augmentation, demandée depuis longtemps par les commerçants en ligne américains, pourrait mener à une forte augmentation des achats transfrontaliers, ce qui aurait des conséquences évidentes pour les détaillants québécois et leurs employés. Avec l'augmentation du seuil, les commerçants en ligne américains pourraient commencer à offrir des envois sans frais vers le Canada. Nombre d'entre eux offrent déjà ces conditions à leurs clients aux États-Unis. La FCCQ demande donc au gouvernement fédéral de porter une attention particulière au commerce de détail dans son ensemble afin d'assurer sa compétitivité face aux entreprises étrangères.
La Fédération aimerait également faire part au gouvernement d'une préoccupation qui est souvent exprimée par ses membres, notamment par les PME, soit la diffusion insuffisante d'information à propos des avantages de tous ces accords commerciaux. À leur avis, le gouvernement devrait offrir un meilleur service après-vente en lien avec les accords commerciaux.
Bien que plusieurs mécanismes soient en place, l'information ne semble pas toujours se rendre aussi efficacement que souhaité dans l'ensemble de notre réseau entrepreneurial au Québec. Le gouvernement devrait être plus proactif afin de faire connaître aux entreprises les avantages de nos accords commerciaux, tout en les informant des bénéfices de conquérir les marchés extérieurs.
À ce titre, nous croyons qu'il est nécessaire d'offrir un accompagnement aux entreprises pour effectuer leur première exportation. Il serait aussi pertinent d'accorder plus de soutien en ligne aux entreprises de plus petite taille et un accompagnement personnalisé aux entreprises à haut potentiel.
La FCCQ a toujours prôné la diversification de nos marchés d'exportation et son importance. D'ailleurs, elle met à contribution son réseau de chambres de commerce partout au Québec, qui est bien implanté dans leur milieu respectif, pour amener les entreprises québécoises à découvrir les avantages de l'exportation et à saisir les nouvelles occasions d'affaires qui s'offrent à elles.
Dans le contexte du protectionnisme américain actuel que nous connaissons, il importe que les entreprises québécoises puissent cibler d'autres marchés à haut potentiel et augmenter la pondération des exportations hors États-Unis, qui représentaient plus de 70 % des exportations québécoises l'an dernier, comme vous le savez.
La diversification de nos partenaires économiques est encore plus importante lorsqu'on considère l'incertitude causée par les surtaxes américaines, qui a nui à notre économie au cours des dernières années.
En terminant, il appert que beaucoup de produits non conformes à la réglementation actuelle réussissent à passer les frontières, faute de ressources à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. En ajoutant des contraintes, il importe d'augmenter les vérifications et les analyses appropriées afin de s'assurer que les produits importés respectent les mêmes exigences que les produits d'ici.
Certes, la réglementation canadienne vise à favoriser une meilleure santé pour les consommateurs, mais elle engendre aussi un coût pour les entreprises qui doivent s'y conformer. L'harmonisation est donc essentielle pour assurer la compétitivité de l'industrie agroalimentaire québécoise. Conséquemment, la FCCQ recommande au gouvernement d'augmenter les contrôles et les inspections de l'Agence afin de vérifier que les produits importés sont soumis aux mêmes règles et normes que celles du Canada.
Je vous remercie de votre attention. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
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Bonjour et merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner cette occasion de m'exprimer. Je suis désolée de ne pas être des vôtres en personne.
J'ai le plaisir d'être propriétaire-exploitante d'une société d'édition de musique canadienne indépendante depuis près de 20 ans. J'ai à mes côtés aujourd'hui Casey Chisick, de Cassels, qui est conseiller juridique extérieur des Éditeurs de Musique au Canada et de mes entreprises.
Je suis ici pour vous parler de la nécessité de mettre pleinement en œuvre la prolongation de la durée de la protection des droits d'auteur, conformément à l'ACEUM, immédiatement, totalement et sans condition. Cela permettra aux auteurs-compositeurs de réussir et aux petites entreprises comme la mienne de prospérer. Il est indispensable pour encourager leurs efforts créatifs et nos efforts commerciaux de ratifier l'ACEUM et de mettre en œuvre sans tarder la prolongation de la durée de la protection des droits d'auteur.
Le projet de loi prolonge la durée de la protection des droits d'auteur de quelques œuvres, mais laisse de côté les compositions musicales, autrement dit les chansons. Au nom des Éditeurs de Musique au Canada et des auteurs-compositeurs et compositeurs avec qui je travaille, je demande instamment aux membres du Comité de modifier le projet de loi C-4 afin que le Canada protège, comme ses partenaires commerciaux internationaux, toutes les œuvres musicales, littéraires, dramatiques et artistiques.
L'édition de musique canadienne est une industrie de 329 millions de dollars, et ce n'est qu'un secteur de l'industrie créative, elle-même évaluée à 53 milliards de dollars. Les éditeurs de musique sont des innovateurs. Leurs stratégies d'exportation dynamiques permettent à des entrepreneurs comme moi d'être mieux préparés à affronter la concurrence internationale. Aujourd'hui, 67 % des revenus des éditeurs de musique viennent de sources étrangères, contre 28 % en 2005. Il est essentiel, avec l'évolution de la technologie, de pouvoir prendre un essor international. Pour cela, nous prenons des risques financiers et nous investissons notre temps, notre énergie et notre argent pour bâtir la carrière internationale d'auteurs-compositeurs, y compris de jeunes talents.
Par exemple, nous avons signé un contrat avec Tom Probizanski, ce qui lui a permis de venir s'installer à Toronto. Nous avons ensuite payé pour qu'il aille coécrire à Los Angeles et au Danemark, et nous avons organisé ses séances de coécriture. Nous avons également payé pour la promotion de son blogue et de sa sélection, de sorte qu'il a eu droit à un article dans le magazine Clash et qu'il figure dans différentes sélections de Earmilk et Spotify. Si nous avons pu prendre ces risques et investir cet argent, c'est uniquement parce que j'ai pu compter sur les revenus de plusieurs chansons dont mes entreprises possèdent les droits d'auteur — par exemple Imagine de John Lennon; What a Wonderful World; My Way; Y.M.C.A.; Start Me Up des Rolling Stones; Skinnamarink de Sharon, Lois and Bram; et même le thème des Simpsons. Mais un certain nombre de chansons vont bientôt tomber dans le domaine public parce que la loi canadienne sur le droit d'auteur ne suit pas les normes internationales.
Conserver ces précieux droits d'auteur pendant 20 années de plus représenterait des centaines de milliers de dollars pour payer de bons emplois de la classe moyenne, un réinvestissement dans l'économie canadienne et dans des auteurs-compositeurs canadiens, et la possibilité de faire grandir notre entreprise pour exporter notre musique sur les marchés internationaux. Il faut agir immédiatement pour éviter que d'innombrables œuvres précieuses ne tombent dans le domaine public entre aujourd'hui et la fin de 2022. Autrement, nous risquons d'étouffer l'innovation, la créativité, le potentiel d'exportation et la croissance de petites entreprises comme la mienne. Nous risquons aussi de semer davantage la confusion, car en restant en décalage avec nos partenaires commerciaux internationaux, il demeure compliquer pour les utilisateurs d'obtenir des licences, au lieu de simplifier les choses.
J'aimerais dire quelques mots sur le rapport du comité de l'industrie sur son examen de la Loi sur le droit d'auteur à la dernière législature. Certains croient qu'une inscription des droits d'auteur est nécessaire à une transition sans heurts. Je ne puis être d'accord. Les éditeurs et les auteurs-compositeurs enregistrent déjà leurs œuvres auprès de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN et de l'Agence canadienne des droits de reproduction musicaux ltée, la CMRRA, au Canada pour être payés. Un deuxième système d'inscription fédéral ne ferait que créer un fardeau inutile pour les titulaires de droits d'auteur et risque d'entraîner des abus d'un système qui fonctionne déjà très bien pour les créateurs, les utilisateurs et le public. Une inscription obligatoire porterait aussi atteinte aux obligations du Canada aux termes de traités internationaux, même si elle ne s'applique qu'aux 20 dernières années d'une protection prolongée. La législation internationale du droit d'auteur a notamment pour principe élémentaire que la protection doit être accordée sans formalités.
En conclusion, protéger le droit d'auteur pendant 20 années supplémentaires encourage le dynamisme du secteur créatif, les exportations culturelles canadiennes et la croissance de nombreuses entreprises novatrices qui ont adopté le marché numérique.
Il est grand temps que le Canada rattrape ses partenaires commerciaux internationaux à cet égard. Nous demandons instamment aux membres du Comité de modifier le projet de loi afin d'y inclure la mise en œuvre immédiate de la prolongation de la durée de la protection des droits d'auteur, sans condition. Les Éditeurs de Musique au Canada ont préparé à ce propos une version préliminaire du libellé législatif qu'ils ont soumise à la greffière afin que le Comité l'examine.
Je crois comprendre que la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN, s'exprimera dans quelques instants. Nous avons lu ses mémoires et nous sommes totalement d'accord avec leur contenu.
Je vous remercie encore de m'avoir donnée l'occasion de m'exprimer sur ce sujet important. Casey Chisick et moi-même répondrons avec plaisir à vos questions.
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Merci, madame la présidente et membres du Comité.
Je m'appelle Andrea Kokonis et je suis chef du service des affaires juridiques de la Société canadienne des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN. Je suis accompagnée de Gilles Daigle, un avocat possédant plus de 30 années d'expertise dans le domaine du droit d'auteur.
La SOCAN est la plus importante société canadienne de droits musicaux, et elle administre les droits d'exécution publique, de communication et de reproduction des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique. Nous comptons actuellement plus de 160 000 membres et clients au Canada, et nous représentons, de plus, le répertoire d'exécution de toutes les sociétés étrangères et de plusieurs sociétés de droits de reproduction sur le territoire canadien.
La SOCAN est profondément dévouée à la cause d'une rémunération équitable pour les créateurs de musique canadiens et leurs partenaires d'affaires lorsqu'il est question de l'utilisation de leurs œuvres en vertu d'une protection au Canada qui est en phase avec celle offerte par ses plus importants partenaires commerciaux.
Le nouvel ALENA présente une nouvelle occasion de mettre en vigueur le changement consistant à porter de 50 à 70 ans la durée de protection après la mort de l'auteur, un changement important et très attendu, et ce, immédiatement. Malgré le fait que l'intention et les mots du nouvel ALENA sont clairs, la prolongation du terme de protection est absente du projet de loi dans sa forme actuelle.
Il n'y a aucune raison valable pour que le Canada retarde une fois de plus la prolongation de la durée de protection du droit d'auteur. Nous exhortons donc ce comité de recommander de la manière la plus insistante possible que les modifications nécessaires à la prolongation de cette durée de protection soient immédiatement ajoutées au projet de loi C-4.
À l'heure actuelle, la durée de protection du droit d'auteur au Canada ne respecte pas les normes internationales en vigueur. Cela signifie que nos membres et tous les créateurs canadiens sont désavantagés par rapport à ceux de nos partenaires commerciaux les plus importants. Une prolongation de cette durée de protection se traduirait par une augmentation des investissements et des activités commerciales axées sur le droit d'auteur du Canada en abolissant les disparités entre le Canada et ses partenaires économiques majeurs.
[Traduction]
La durée actuelle de la protection des droits d'auteur — la vie de l'auteur plus 50 ans pour les créateurs d'œuvres musicales et autres — ne correspond pas à la législation moderne du droit d'auteur. En 1998, après la ratification de l'ALENA original, les États-Unis ont porté cette protection à la vie de l'auteur plus 70 ans. En 2003, le Mexique l'a, quant à lui, fait passer à la vie de l'auteur plus 100 ans. Dans le cadre de la renégociation de l'ALENA, nous avons demandé des dispositions qui tiennent compte de cette nouvelle réalité et recommandé que la durée minimale de protection des droits d'auteur soit égale à la vie de l'auteur plus 70 ans. Toutes les grandes organisations de l'écosystème musical nord-américain soutenaient notre position.
Au Canada, la protection des œuvres musicales est égale à la vie de l'auteur plus 50 ans, alors que chez la majorité de ses principaux partenaires commerciaux, la norme générale reconnue est de la vie de l'auteur plus 70 ans au moins. C'est le cas de tous les pays membres de l'Union européenne, du Royaume-Uni, de l'Australie, d'Israël, de la Norvège, de la Suisse, du Pérou, du Brésil, de l'Islande, du Japon et même de la Russie. Le droit canadien actuel ne correspond qu'aux protections minimales établies il y a plus d'un siècle dans la Convention de Berne pour la protection des œuvres littéraires et artistiques. L'intention à l'époque était de fixer une durée de protection suffisamment longue pour profiter à deux générations de descendants du créateur de l'œuvre. L'espérance de vie s'allongeant, une durée égale à la vie de l'auteur plus 50 ans ne répond plus à l'intention sous-jacente de ce traité. À l'époque où le Canada a adhéré à la Convention de Berne, en 1928, l'espérance de vie moyenne était de 60 ans. Elle est passée à 81 ans environ entre 2007 et 2009.
La durée actuelle de la protection prévue par la Loi sur le droit d'auteur ne suffit donc pas pour couvrir deux générations de descendants d'un auteur-compositeur et elle ne répond pas aux objectifs de la Convention de Berne en matière de politique. Comme je le disais, les principaux partenaires commerciaux du Canada en ont pris conscience et y ont remédié. La durée de protection plus courte du Canada est aussi en décalage avec l'importance et la valeur qu'il accorde par ailleurs à la création d'œuvres, au Canada même, dans le cadre de notre patrimoine, et dans le reste du monde, où notre pays compte parmi les chefs de file des exportations culturelles.
Les auteurs et les compositeurs de musique canadiens, et leurs éditeurs peuvent être désavantagés en tant qu'exportateurs culturels parce que leurs œuvres risquent d'être moins protégées à l'échelle internationale à cause de la durée de protection anachronique du Canada. C'est injuste et très regrettable, car les lois canadiennes ne devraient pas limiter la capacité des créateurs canadiens d'exploiter leurs œuvres dans le monde entier.
Une protection canadienne plus longue permettrait davantage aux éditeurs de musique de réinvestir les recettes tirées de l'exploitation d'œuvres protégées par le droit d'auteur dans la découverte d'auteurs-compositeurs et de compositeurs, dans le soutien à leur apporter et dans le développement de leur carrière. De plus, d'un point de vue multinational, des durées de protection plus longues sur un marché encouragent les entreprises étrangères à investir dans le répertoire sur ce marché. Dans les deux cas, allonger la durée de la protection des droits d'auteurs au Canada renforcerait le réinvestissement intérieur dans le développement et la diversité culturels, ainsi que l'investissement étranger dans les immenses talents locaux canadiens. Rien ne justifie de retarder encore la mise en œuvre de la prolongation. Le gouvernement devrait tenir son engagement dès à présent.
Quand le projet de loi a été déposé à la Chambre l'an dernier, puis remplacé par le projet de loi dans cette législature, la SOCAN et d'autres organisations musicales ont été déçues de voir que, malgré quelques modifications au droit d'auteur prévues dans le projet de loi de mise en œuvre, le texte ne touchait pas à la prolongation de la protection. Il semble que le Canada ait deux ans pour mettre totalement en œuvre l'ACEUM, mais nous sommes convaincus que la prolongation de la durée de la protection était, et reste, un élément essentiel de la renégociation, étant donné les mêmes prolongations adoptées par nos partenaires commerciaux dans leurs lois sur le droit d'auteur respectives.
En ce moment, la réalité embarrassante est que les auteurs canadiens bénéficient des mêmes protections limitées du droit d'auteur que les créateurs de pays comme l'Iran, le Libéria, le Pakistan, la Syrie, le Zimbabwe, l'Afghanistan, l'Angola et la République populaire démocratique de Corée. Nos membres méritent mieux que cela. Tous les créateurs canadiens méritent mieux que cela.
La Société canadienne des auteurs compositeurs et éditeurs de musique, la SOCAN, recommande donc que le Canada modifie la Loi sur le droit d'auteur afin de porter la durée de la protection des droits d'auteur pour les œuvres musicales à la vie de l'auteur plus 70 ans, compte tenu des normes internationales actuelles en la matière et de l'intention sous-jacente de la Convention de Berne et d'autres instruments de référence visant à reconnaître la valeur de la propriété intellectuelle. Plus particulièrement, la SOCAN recommande que la durée de base de la protection des droits d'auteur soit augmentée en vertu de l'article 6 de la Loi sur le droit d'auteur, ainsi que des quelques autres dispositions, peu nombreuses, qui doivent être ajoutées.
Dans le mémoire que nous avons distribué, nous avons également inclus avec les notes préparées le tableau créé par les Éditeurs de Musique au Canada pour montrer les modifications à apporter.
Je vous remercie.
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Bien entendu, le Parti libéral n'était pas intéressé.
Le projet de loi sera adopté et je veux que vous sachiez que nous n'allons pas voter contre. Cela dit, et vous le comprendrez aussi, Donald Trump a été élu par les États de la « rust belt » qui se sentaient négligés, qui étaient mis de côté ou auxquels on n'a pas pensé après le dernier ALENA, et je ne veux pas commettre la même erreur. Nous avons reçu quelque 200 mémoires de témoins qui souhaitaient comparaître devant le Comité, et nous proposions d'en avoir terminé le 5 mars au Comité, c'est-à-dire pendant la semaine de relâche, autrement dit, pour un renvoi à la Chambre à la même date que maintenant. Le Parti libéral a dit non, et je comprends pourquoi, parce qu'en examinant le projet de loi, nous voyons l'analyse économique de l'Institut C.D. Howe selon laquelle l'accord coûtera 10 milliards de dollars au Canada. Si on le compare au Partenariat transpacifique (PTP), si nous avions tous accepté ce que voulait le président Obama, la facture se serait élevée à plus de 4 milliards de dollars. Il y a donc beaucoup à absorber.
Quand on examine cette facture de 10 milliards de dollars, on s'aperçoit que beaucoup de groupes et d'organisations subissent des effets négatifs. Je ne vais pas voter contre le projet de loi et ils le savent, mais ils veulent au moins un plan d'atténuation. Ils veulent savoir ce que l'accord veut dire pour eux et comment le gouvernement va les aider, et c'est tout ce que nous essayons de faire ici. Nous allons donc examiner le projet de loi. J'espère que nous l'étudierons article par article d'ici jeudi et qu'il sera renvoyé à la Chambre, puis au Sénat, mais je précise que je n'ai pas d'influence sur ce qui s'y passe. C'est une autre paire de manches, et bonne chance de ce côté-là.
Nous avons notamment parlé avant de la clause de minimis et des changements à cette clause, dont le montant passe de 20 $ à 40 $. Je sais que vous auriez probablement préféré qu'il passe à 800 $, mais ce n'est pas le cas. Ensuite, il y a l'exemption de taxe jusqu'à 150 $, mais beaucoup de gens ne savent pas que Postes Canada, principal transporteur au Canada, n'est pas incluse dedans.
Qu'en pensez-vous et pourquoi Postes Canada ne serait-elle pas incluse et que seules les entreprises de messagerie privées le seraient?
À la première question, je réponds que je suis tout à fait d'accord, les travailleurs aiment autant la stabilité que les propriétaires d'entreprise. Nous devons tous trouver le moyen d'équilibrer nos comptes. Nous devons trouver le moyen de payer nos factures, de payer le collège de nos enfants et, aux États-Unis, de payer les soins de santé. Assurément, il est essentiel pour tout le monde, pour toutes les familles — ouvriers, éleveurs, agriculteurs, et j'en passe —, d'être capable de prévoir qu'on pourra tenir jusqu'à la fin du mois et payer les factures.
Pour ce qui est des avantages pour les travailleurs, en plus des propriétaires d'entreprise, il est intéressant de noter que pour la première fois de l'histoire moderne, l'AFL-CIO, principale confédération syndicale américaine, s'est prononcée en faveur de l'ACEUM, le nouvel ALENA. Je souligne aussi que des représentants des travailleurs au Canada, dont M. Jerry Dias, y sont très favorables depuis le début.
Pour les gros constructeurs automobiles, qui représentent une part importante de l'économie canadienne, américaine et mexicaine, comme pour les magasins familiaux, il y a un avantage, absolument, non seulement à savoir quelle est la réglementation, mais aussi à savoir comment régler un différend, le cas échéant, ce qui figure aussi dans cet accord — à l'insistance du Canada, je dois le dire. Mais c'est le fait de savoir combien coûteront les intrants et qu'on pourra continuer de faire ce qu'on fait à la fin de chaque mois.
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Je remercie encore une fois l'ensemble des intervenants de leurs exposés toujours diversifiés et pertinents.
Ma question s'adressera aux représentants de la Fédération des chambres de commerce du Québec. Je pense que le portrait qu'ils ont brossé rejoint celui du Bloc québécois jusqu'à maintenant. Nous sommes loin d'être contre le libre-échange, mais l'Accord, dans sa forme actuelle, comporte des irritants.
Vous avez bien expliqué que dans cet accord, contrairement à ce qui a été affirmé à de multiples reprises, l'aluminium n'avait pas droit au même traitement que l'acier et que l'aluminium se trouve essentiellement au Québec, contrairement à l'acier, qui est essentiellement en Ontario.
Par ailleurs, vous avez aussi parlé de la gestion de l'offre, qui a été mise à mal dans les négociations, comme dans tant d'autres négociations par le passé. Vous avez aussi abordé la nécessité de compensations rapides et à la hauteur. J'ai donc envie de vous poser une question, puisque vous avez quand même appuyé la ratification éventuelle de l'Accord.
Hier, nous avons reçu les représentants des Producteurs laitiers du Canada. Je leur ai demandé quel serait le bon délai pour la ratification, et ils m'ont dit que cela ne devrait pas être fait avant le 1er mai, pour respecter le délai d'entrée en vigueur de trois mois, ce qui nous mènerait au 1er août, date de début de l'année financière du secteur laitier.
Y a-t-il une date que vous auriez tendance à privilégier, ou croyez-vous aussi qu'il y a urgence?
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Certainement. Merci de votre question.
Ce que je remarque d'emblée, c'est la différence entre notre démocratie constitutionnelle et votre démocratie parlementaire. Elles sont très différentes.
Aux États-Unis, le système se divise en deux pouvoirs séparés qui sont vraiment différents. Les pères fondateurs l'ont conçu de sorte qu'ils soient très jaloux l'un de l'autre, et ils ont des prérogatives différentes. Les États sont venus en premier dans notre système. Ensuite, à la formation du gouvernement fédéral, historiquement, le Congrès a été créé comme contrepoids au pouvoir exécutif, et il faut véritablement l'accord des deux pour accomplir quoi que ce soit.
Comme vous le savez bien mieux que moi, le régime parlementaire est une tout autre réalité. Il est différent selon que le gouvernement est majoritaire ou minoritaire. Je ne suis pas spécialiste du régime parlementaire, et je ne voudrais pas me prononcer sur le degré d'interaction approprié entre les parties.
Ce que je dirais, c'est que, dans notre système, même lorsque vous avez le même parti à la Maison-Blanche et à la tête du Congrès, les pouvoirs restent séparés et ils doivent négocier entre eux. C'est une tradition de longue date ici. L'administration Trump savait donc qu'elle devrait négocier avec le Congrès parce qu'il en est ainsi depuis la naissance de notre démocratie.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je tiens à remercier tous les témoins de leur présence.
Je voulais tout d'abord remercier Mme Greenwood. Lorsque ces négociations ont débuté, nous savions tous que les échéanciers étaient très serrés. Chaque fois que nous descendions aux États-Unis, vous avez toujours réagi très rapidement pour réunir les bonnes personnes afin que nous puissions nous renseigner, et je tiens à vous remercier chaleureusement de l'avoir fait.
Vous avez mentionné dans votre déclaration que les entreprises aiment la certitude. Nous ne pouvons qu'abonder dans le même sens. Nous savons que l'on a fait une sorte de campagne aux États-Unis pour dire que les conservateurs allaient tenter de freiner la ratification de cet accord; mais je vous l'affirme très clairement: c'est faux. Nous essayons plutôt de faire preuve de toute la diligence nécessaire.
Ce fut une grande source de frustration pour nous, dans ce comité. M. Hoback souhaitait effectuer une étude préliminaire de la question, le printemps dernier, avant les élections. Mais nous avons été incapables de le faire. Nous savions que la Commission de commerce internationale des États-Unis avait sorti des chiffres selon lesquels cet accord aurait un impact positif net pour les Américains, et qu'il se chiffrerait aux alentours de 68,2 milliards de dollars.
Nous tentions seulement d'obtenir des perspectives canadiennes à ce sujet. On nous a dit avant les élections que c'était un accord sans perdant. On nous a dit que ce serait une victoire pour les Canadiens, un résultat positif. Nous avons demandé à la et elle s'est montrée très peu coopérative et n'a communiqué aucun renseignement. Vendredi dernier, l'Institut C.D. Howe a présenté un rapport selon lequel la ratification de l'accord entraînerait des pertes de 10 milliards pour le PIB du Canada. Toujours selon le rapport, même si nous subissons des pertes économiques, l'absence d'accord serait encore pire, par conséquent, nous sommes d'accord avec vous qu'il faut adopter cet accord, et s'en servir comme point de départ.
Je me demandais si le Conseil des affaires canado-américaines disposait d'une analyse économique indépendante que vous pourriez transmettre au Comité. Comme vous venez de l'entendre, nous n'obtiendrons l'optique canadienne que demain, et nous prévoyons effectuer l'étude article par article d'ici la fin de la semaine.
Auriez-vous de la documentation à nous communiquer, même aujourd'hui, ou d'ici quelques jours, pour éclairer notre lanterne?
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Merci, madame la présidente.
Je vous remercie tous d'être ici.
Ma question s'adresse à la Fédération des chambres de commerce du Québec.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de votre appui et de votre demande de ratifier l'Accord au plus vite. Comme vous le savez, les échanges commerciaux entre le Québec et les États-Unis sont extrêmement importants. D'ailleurs, ils dépassent les 90 milliards de dollars. Comme vous l'avez si bien dit dans votre présentation, il faut accompagner nos entrepreneurs pour les aider à connaître les possibilités en vertu de nos ententes commerciales.
Nous avons bonifié le rôle de nos délégués commerciaux, et je précise qu'il s'agit bien des délégués commerciaux du gouvernement fédéral, présents dans plus 160 villes du monde, qui se font un devoir d'aider nos PME à s'orienter vers les marchés internationaux. Nous avons également Développement économique Canada pour les régions du Québec, le DEC, qui offre un financement et un accompagnement très spécialisé et personnalisé à nos entrepreneurs avec une attention axée sur nos petites entreprises. Il y a également Exportation et développement Canada, ou EDC, ainsi que CanExport, qui sont là pour accompagner nos PME.
J'aimerais avoir votre opinion, ainsi que celle de vos membres, sur toutes ces initiatives et sur la façon dont nous pourrions les bonifier.
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Je suis entièrement d'accord avec vous.
La question est de savoir, quels sont les scénarios possibles? En tant que décideurs vous avez raison de vous pencher sur la question. Il ne s'agit pas seulement de dire que nous préférons le nouvel accord, ou que nous l'aimons moins que le précédent. La question est de savoir ce qui se passera si on ne ratifie pas cet accord que vous avez négocié durant toute l'année dernière. Que feront les États-Unis dans ce cas? Et que fera le Mexique?
Vous avez raison de dire que la situation actuelle est très instable. Vous ne pouvez vous permettre de sous-estimer les mesures de rétorsion que l'actuel locataire du bureau ovale pourrait décider de prendre, peu importe les dommages qu'il infligerait aux États-Unis ce faisant, dans le but de faire pression sur nos partenaires et nos alliés ou de les punir.
Il s'agit des plus importantes relations économiques au monde, et elles pèsent dans la balance, croyez-moi, avec cet accord.
Du point de vue des États-Unis, voici comment les décideurs voient la situation: si nous ne parvenons pas à une entente avec le Canada et le Mexique, nos voisins et proches alliés, comment allons-nous négocier avec le reste du monde? Quand l'économie américaine va bien, l'économie de nos voisins et amis va bien.
Nous sommes vraiment interreliés. Il y a d'énormes intérêts en jeu dans cet accord, il s'agit de notre prospérité commune.
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Bonjour. Je vous remercie de votre invitation. Si je l'avais reçue plus tôt, j'aurais pu être des vôtres.
La Chambre de commerce du Montréal métropolitain est une organisation qui est en poste depuis près de 200 ans pour représenter la communauté d'affaires du Montréal métropolitain. Depuis 36 ans, nous accompagnons des entreprises vers les marchés d'exportation. Pour ce faire, nous sommes appuyés par le gouvernement du Canada par l'entremise de Développement économique Canada pour les régions du Québec. Nous collectons des fonds dans les entreprises et le secteur privé. Nous sommes aussi appuyés par le gouvernement du Québec.
Cette expérience sur les marchés internationaux nous a amenés, d'abord, à comprendre l'importance du marché américain. Depuis des décennies, le milieu des affaires montréalais est très conscient de l'importance des marchés américains, à la fois pour leur croissance et leur approvisionnement et, dans le cas de bien des entreprises, pour l'efficacité de leur chaîne de production, qui est bien intégrée et qui traverse la frontière dans les deux sens. Cela a mené la Chambre de commerce, depuis plus de 20 ans, à soutenir de façon durable, robuste et permanente le déploiement d'ententes de libre-échange. Ainsi, de notre point vue, l'entente avec les États-Unis est évidemment la pierre angulaire de notre développement économique.
Soixante-dix pour cent des exportations du Québec vont aux États-Unis et nous estimons que 20 % du PIB du Québec dépend de cette relation commerciale fluide avec les États-Unis. Au fil des années, le nombre d'emplois, ici, directement liés au commerce avec les États-Unis n'a cessé de croître. Dans bien des cas, se sont des emplois très bien rémunérés, qui sont soit dans la région de Montréal ou dans l'ensemble du Québec.
L'entente de libre-échange qu'on devait renouveler et qui est devenue l'ACEUM était cruciale. Nous avons appuyé ce renouvellement depuis le début. De plus, il y a maintenant près de deux ans, nous avons amené, à Montréal, 24 dirigeants de chambres de commerce de grandes villes nord-américaines — il y en avait huit des États-Unis, huit du Canada et huit du Mexique —, pour discuter de ce que nous pouvions faire pour nous assurer du renouvellement de l'entente. Nous avons été extrêmement heureux de voir les progrès accomplis et, finalement, le renouvellement d'une entente.
Dans le cadre du renouvellement de cette entente, il a été dit que des choses auraient pu être encore plus intéressantes, notamment dans le dossier de l'aluminium. De la même façon, lorsqu'il y a eu la négociation de l'entente avec l'Union européenne, des enjeux sont apparus chez les producteurs agricoles. Nous estimons qu'aucune entente n'est parfaite et, dans ce cas, nous avons probablement la meilleure entente qu'il était possible d'espérer avec les États-Unis. Nous estimons que, s'il y a des points que nous aurions voulu voir améliorés, relativement à l'aluminium, par exemple, notre défi consiste à trouver comment on peut aider le secteur de l'aluminium et absolument pas comment bloquer, rejeter ou retarder la mise en place et la ratification de l'entente.
Le message que nous vous lançons et que nous avons communiqué à tous les politiciens, c'est qu'il n'y a aucune ambiguïté du point de vue de l'économie du Québec, de la région de Montréal ainsi que des entreprises actives à partir de Montréal et que l'entente doit être ratifiée sans délai et appliquée le plus rapidement possible.
Je vous remercie.
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Je tiens à remercier le Comité au nom du CCPA de nous offrir l'occasion de vous présenter nos observations quant à la ratification de la loi sur l'ACEUM.
Le CCPA est l'institut de recherche indépendant le plus ancien du Canada. De fait, nous célébrons cette année le 40e anniversaire de notre création. Depuis ses tout débuts, le CCPA fonde ses recommandations en matière de politiques dans les valeurs de justice sociale et de durabilité environnementale. C'est tout aussi vrai pour la recherche que nous effectuons dans les domaines du commerce et des investissements. Nous avons récemment travaillé à l'échelle internationale sur les négociations de l'ALENA avec quelques amis aux États-Unis et au Mexique.
J'aimerais débuter par une chose que Michael Geist a dite au Comité la semaine dernière, à savoir que la chose la plus importante ici n'est peut-être pas la mise en œuvre de la loi elle-même, mais plutôt l'impact que l'accord aura sur les Canadiens et sur les politiques publiques canadiennes à l'avenir. Je pense que c'est une idée que de nombreux témoins ont soulevée eux aussi.
En ce moment, le Parlement dispose de peu de moyens de modifier l'ACEUM. Mais pourtant, il y a des mesures que le Canada peut prendre de sa propre initiative sans rouvrir l'accord afin d'améliorer les aspects positifs du traité et d'en atténuer les aspects les plus dommageables. Je vais vous énumérer rapidement certains de ces aspects.
Le premier enjeu consiste à rendre les médicaments plus abordables. Selon le chapitre initial sur les droits de propriété intellectuelle de l'ACEUM, le Canada aurait été forcé de prolonger les limites de la durée de protection des données sur les médicaments biologiques de huit à 10 ans. Les médicaments biologiques jouent un rôle de plus en plus important dans le traitement de la maladie de Crohn, de l'arthrite rhumatoïde et de nombreuses autres maladies. Le directeur parlementaire du budget avait prévu que la prolongation initiale de l'exclusivité des données dans l'ACEUM aurait entraîné une hausse de leurs coûts dans le cadre des régimes d'assurance-médicaments publics et privés d'environ 160 millions de dollars par année.
Aux États-Unis, grâce aux démocrates, cet amendement a été retiré de l'accord. Les démocrates sont également parvenus à retirer de l'ACEUM les dispositions qui auraient facilité l'approbation de brevets pour de nouvelles utilisations de médicaments existants — la question de la perpétuation des brevets — qui empêche la mise en marché de médicaments génériques moins coûteux.
Le Canada devrait tabler sur ces victoires pour s'attaquer sérieusement aux coûts élevés des médicaments, ici au pays. Nous pouvons le faire en allant de l'avant avec les propositions visant à améliorer la manière dont nous réglementons les prix des médicaments de marque. Santé Canada estime, par exemple, qu'en éliminant les États-Unis et la Suisse du panier de pays dont le ministère se sert pour déterminer les prix au Canada, nous pourrions économiser, en moyenne, près de 1,2 milliard de dollars en coûts de médicaments.
Deuxièmement, je pense que nous devrions rapidement adopter un régime universel d'assurance-médicaments à payeur unique, comme l'a recommandé le groupe d'experts gouvernementaux sur les régimes d'assurance-médicaments, étant donné que cette décision permettrait de réduire considérablement les coûts des médicaments en accroissant le pouvoir de négociation des acheteurs publics. Ces deux mesures sont déjà dans la mire du Secrétaire d'État au Trésor des États-Unis, par exemple, qui cherche à faire pression sur le Canada pour qu'il n'aille pas de l'avant avec ces projets, parce qu'ils subiraient les foudres de leur industrie pharmaceutique. Il faut donc que nous bougions rapidement.
Le deuxième enjeu consiste à faire appliquer les droits du travail dans le nouvel ACEUM. Comme le Comité l'a déjà entendu de plusieurs témoins, les dispositions relatives au travail de l'ACEUM marquent une amélioration significative par rapport à l'ALENA. Le défi maintenant pour les trois pays est l'application de ces dispositions.
Au-delà de l'engagement à recevoir et à examiner les plaintes publiques concernant les violations des dispositions relatives au travail au Canada, au Mexique ou aux États-Unis, ces dispositions de l'ACEUM ne peuvent être appliquées que dans le cadre d'un mécanisme de règlement des différends entre gouvernements. Pour diverses raisons, ce n'est pas idéal. On ne peut pas toujours faire confiance aux gouvernements pour qu'ils se portent à la défense des travailleurs.
Une manière pour le Canada d'aborder cette question consisterait à mettre sur pied un processus de règlement des plaintes indépendant et national qui permettrait aux syndicats, citoyens et groupes de citoyens de présenter une plainte lorsque les normes internationales du travail sont violées. Il devrait exister un organisme impartial pour entendre ces plaintes, de la même manière que des instances impartiales entendent les plaintes en matière d'approvisionnement dans le cadre d'autres parties des accords commerciaux. Si elles sont dignes de foi, les plaintes seraient entendues quoi qu'il arrive.
En matière d'environnement et d'urgence climatique, nous dirions que le nouvel ALENA est résolument moins satisfaisant. Cela reflète, évidemment en partie, le fait que nous négocions avec une administration américaine climatosceptique. Néanmoins, le PTPGP, le Partenariat transpacifique, et l'accord commercial avec l'UE ne sont pas tellement supérieurs sur le plan de l'environnement. Aussi, on ne peut pas rejeter l'entièreté du blâme sur l'obstructionnisme de l'administration américaine.
Le chapitre de l'ACEUM sur l'environnement est techniquement exécutoire au moyen d'un mécanisme de règlement des différends d'État à État. Mais, encore une fois, est-ce bien vraisemblable? Les obligations qu'il contient sont tellement faibles que ça n'a pas vraiment d'importance. Mis à part quelques règles strictes concernant des questions telles que les subventions à la pêche et trafic d'espèces sauvages, les engagements contenus dans ce chapitre sont pour la plupart vagues et volontaires. Il contient aussi une brèche gigantesque en ce sens qu'il ne s'applique qu'à trois fédérations, à trois États fédéraux. Il ne s'applique donc qu'au niveau fédéral dans les trois pays.
La plus grande avancée de l'ACEUM en matière d'environnement a consisté à se débarrasser du RDIE, le règlement des différends entre investisseurs et États. Le Canada a dû affronter des dizaines de cas de RDIE, plus que tout autre pays dans la région de l'ALENA, et bon nombre de ces cas contestaient des décisions légitimes, légales et non discriminatoires sur la gestion de l'environnement et des ressources. L'élimination du RDIE dans l'ACEUM est certainement importante, comme l'a déclaré la au Comité la semaine dernière, et elle devrait établir un précédent. La difficulté maintenant pour le Canada consiste à éliminer le RDIE des dizaines de traités en matière d'investissement avec d'autres pays.
J'aimerais aborder brièvement la déréglementation dans l'ACEUM. Les chapitres et les annexes de l'ACEUM qui portent sur la manière dont les gouvernements assurent la réglementation de façon générale ont suscité relativement moins d'attention dans les trois pays que d'autres parties de l'accord; pourtant, ils pourraient se révéler aussi importants et controversés que le RDIE l'est devenu dans l'ALENA. Rappelez-vous, lors de la signature de l'ALENA, nous ne savions pas grand-chose au sujet du règlement des différents entre investisseurs et pays, ni sur son mode de fonctionnement. La même logique s'applique avec le chapitre sur les bonnes pratiques de réglementation, lesquelles, pour la première fois dans un accord de libre-échange, enchâssent une idéologie très précise en matière de réglementation, selon laquelle le commerce devrait régner en maître, et le principe de précaution serait relégué au second plan, voire jeté aux oubliettes.
Les organismes centraux de réglementation, par exemple le Conseil du Trésor au pays ou l'OIRA aux États-Unis, sont tenus selon l'ACEUM de veiller à ce que les organismes fédéraux évitent les restrictions inutiles à la concurrence sur les marchés lorsqu'ils prennent des décisions sur les mesures de protection appropriées en matière de santé ou d'environnement. Il existe des possibilités importantes pour que les multinationales abusent d'un nouveau processus d'avis et d'examen dans l'ACEUM selon lequel les organismes de réglementation doivent chercher à répondre à toute recommandation visant à modifier ou à abroger une réglementation qui est susceptible d'imposer un fardeau aux entreprises.
Les producteurs mondiaux de produits chimiques, de pesticides, de produits pharmaceutiques, d'OGM, de cosmétiques, de tabac, d'additifs alimentaires, et ainsi de suite, remettent continuellement en question de bons arguments scientifiques concernant les risques que leurs produits posent pour la santé humaine et l'environnement. Désormais, aux termes de l'ACEUM, un pays pourrait forcer un gouvernement à se présenter devant le mécanisme de règlement des différends au sujet d'une plainte présentée par un autre pays pour le compte de l'une de ses industries. La plainte pourrait par exemple porter sur le refus soutenu ou récurrent de tenir compte des plaintes d'entreprises au sujet de règlements pris dans l'intérêt public. Le Conseil de coopération Canada-États-Unis en matière de réglementation, un processus qui est maintenant intégré à l'ACEUM et qui jusqu'ici exerce ses activités sur une base volontaire, pourrait entraîner des retards dans l'élimination de toxines connues, de carcinogènes connus, de composés biocumulatifs et de perturbateurs endocriniens dans les produits de consommation en raison de pressions liées à l'harmonisation transfrontalière dans l'intérêt du commerce, encore une fois, ces dispositions sont intégrées au chapitre sur les bonnes pratiques réglementaires.
Comme l'a habilement démontré l'ancien directeur général du CCPA Bruce Campbell, de telles pressions ont entraîné l'harmonisation à la baisse des normes sur la sécurité du transport ferroviaire au Canada et des normes en matière de sécurité aérienne ayant conduit à des tragédies comme celle de Lac-Mégantic et à des catastrophes comme celle de Boeing. En théorie, le chapitre sur les bonnes pratiques de réglementation de l'ACEUM laisse la porte ouverte aux gouvernements qui souhaiteraient réglementer de manière plus prudente et offrir plus de protection, cependant l'objectif premier du chapitre est clairement de réduire le fardeau imposé aux entreprises. De fait, la coopération en matière de réglementation est définie dans l'ACEUM comme, d'abord et avant tout, un moyen de faciliter et de promouvoir la croissance économique, et non un moyen d'améliorer la protection du public.
Par conséquent, il est plus important que jamais que le Canada fasse contrepoids aux pressions en vue de la déréglementation prévues dans cet accord et dans d'autres accords de libre-échange en intégrant le principe de précaution dans la loi. Une directive réaffirmant le pouvoir de nos organismes de réglementation d'accorder le bénéfice du doute à la protection de la santé publique; d'éliminer les substances toxiques potentielles de la circulation, les plastiques par exemple; de protéger les populations animales; etc, correspondrait à la compréhension qu'ont la majorité des Canadiens de ce que l'on entend par une bonne réglementation.
En conclusion, l'ACEUM est une macédoine, du moins d'un point de vue progressiste. Mais s'agit-il d'un modèle pour les futurs traités commerciaux canadiens? Nous répondons non, pas du tout. Les Canadiens reconnaissent que la signature de cet accord constituait une mesure défensive. En dépit du nouvel accord, tout comme avec l'ALENA, notre accès au marché américain demeure précaire. Les États-Unis sont la plus grande puissance mondiale. Ils feront ce que bon leur semble. Je ne vois pas comment le Canada pourrait faire abstraction de cette réalité. Le défi maintenant pour le pays consiste à trouver des moyens de contourner l'ACEUM pour améliorer les normes en matière de travail et les mesures de protection de l'environnement dans toute l'Amérique du Nord, diminuer les coûts des médicaments pour les Canadiens, rendre rapidement notre économie carboneutre conformément aux engagements pris dans l'Accord de Paris et reconnaître pleinement la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones pour s'engager sur la voie d'une réconciliation véritable.
Merci beaucoup.
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Lorsque l'ACEUM sera pleinement mis en œuvre, l'accès accordé, ajouté aux concessions existantes en vertu des autres accords, représentera près de 18 % de notre marché canadien. Si l'on tient compte des trois derniers accords commerciaux, les transformateurs laitiers canadiens perdront 320 millions de dollars par année au chapitre des marges nettes une fois que les accords seront complètement mis en œuvre.
En plus des concessions de marché, l'ACEUM comprend un article imposant des plafonds d'exportation qui limitent dans le monde entier les exportations canadiennes de poudres de lait, de concentrés de protéines et de préparations pour nourrissons. Pour vous donner un exemple, en ce qui concerne la poudre de lait écrémé et les concentrés de protéines de lait, il y aura un plafond imposé de 55 000 tonnes dès la première année, et ce plafond passera à 35 000 tonnes dès la deuxième année.
Si l'on considère qu'au cours de l'année laitière 2017-2018, le Canada a exporté plus de 70 000 tonnes de poudre de lait écrémé, il ne fait aucun doute que cet article de l'?ACEUM limitant nos exportations dans le monde entier aura des répercussions considérables sur les transformateurs de lait canadien et sur nos besoins d'approvisionnement en lait provenant des fermes laitières canadiennes. Nous estimons que les plafonds d'exportation pourraient entraîner une perte annuelle de 60 millions de dollars pour les transformateurs laitiers.
Nous tenons également à souligner un aspect extrêmement particulier, qui est l'imposition de plafonds aux exportations canadiennes de poudre de lait vers tous les pays, y compris ceux qui ne font pas partie de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique. C'est une première dans un accord commercial international et un dangereux précédent pour le Canada.
Le gouvernement pourrait atténuer l'impact négatif des plafonds d'exportation en s'assurant que l'Accord entre en vigueur le 1er août 2020, ou plus tard, afin que l'industrie fonctionne une année complète de plus sous un plafond d'exportation de 55 000 tonnes.
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Nous faisons beaucoup de choses, et nous pourrions probablement en faire plus. Bien entendu, c'est toujours une question de financement. Je souligne au passage que le gouvernement fédéral a un rôle à jouer.
Tout d'abord, pour ce qui est des entrepreneurs, nous tentons de notre mieux de leur faire comprendre qu'ils doivent avoir une perspective internationale dès le départ. Dès la création et la mise au point de leurs plans d'affaires, nous encourageons les PME à envisager la possibilité d'exporter leurs produits, et nous les accompagnons sur cette voie. Par exemple, quand elles conçoivent leur site Web, elles doivent s'assurer qu'il est transactionnel. Au Québec, il peut être transactionnel en anglais. Quand elles font affaire à l'étranger, nous leur faisons voir que si elles engagent du personnel, elles doivent avoir une optique de développement de leurs marchés internationaux. C'est une première chose.
Ensuite, nous offrons énormément d'activités de formation. Par exemple, comme je l'ai déjà mentionné, nous amenons des groupes à la frontière. L'objectif est de leur expliquer ce qui se passe et qu'ils réalisent tout simplement que pour les PME, le marché américain est dans leur cour et qu'elles ont tout intérêt à l'intégrer à leur plan de croissance.
Enfin, nous organisons des missions aux États-Unis, et nous accompagnons les PME... Habituellement, ce ne sont pas de grosses entreprises parce qu'elles n'ont pas besoin de nous. Nous accompagnons des représentants de PME aux États-Unis, dans la région de New York ou dans la Silicon Valley. Nous jouons le rôle d'intermédiaires avec le personnel de la délégation du Québec, de l'ambassade ou des consulats. Nous les aidons à établir des liens personnels. Toute notre stratégie vise à faire réaliser aux PME, aussi rapidement que possible, que leur croissance dépend de leur accès à ce marché.
Pour ce qui est du nouveau...
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Je vous remercie de me donner la chance de m'adresser à vous aujourd'hui.
Notre ferme est située près de Grunthal, au Manitoba, à 80 kilomètres environ au sud de Winnipeg. Je suis un producteur laitier de la troisième génération. Mes grands-parents sont arrivés au Canada dans les années 1920 afin de commencer une nouvelle vie et de fonder une famille. Mes parents ont repris leur ferme dans les années 1950.
Depuis les années 1960, quand le système de gestion de l'offre est entré en vigueur, leur revenu d'exploitation s'est stabilisé. Cette stabilité leur a permis d'agrandir la ferme et de faire vivre leur famille. La gestion de l'offre a permis aux exploitations laitières de contribuer à la prospérité de leurs communautés.
Mon frère, moi-même et nos familles avons repris l'exploitation laitière sur laquelle nous continuons de travailler aujourd'hui. La ferme familiale nous a permis, à mon frère et à moi, d'élever nos familles. Nous avons continué de l'agrandir et de contribuer à notre communauté.
Aujourd'hui, à titre de président des Producteurs laitiers du Manitoba, je représente 270 familles exploitant des fermes laitières dans la province. L'ACEUM aura des répercussions négatives à long terme sur la très dynamique industrie laitière du Manitoba. Les concessions que nous avons faites se traduiront par des pertes permanentes. L'ACEUM n'est pas un accord avantageux pour les secteurs laitiers du Canada ou du Manitoba. Ce secteur fait partie des deux plus importants secteurs agricoles dans 7 provinces sur 10, mais pas au Manitoba. Malgré tout, ses retombées sont importantes pour la province puisque la transformation des produits laitiers se classe au quatrième rang dans le secteur de la transformation d'aliments.
L'ACEUM élargit l'accès pour le lait venu d'ailleurs, il élimine la classe de lait 7, il diminue notre souveraineté en raison de l'exigence des États-Unis d'avoir droit de regard sur l'élaboration des politiques sur le secteur laitier, et il impose une surtaxe sur les exportations de protéines de lait. Ces concessions auront de fortes conséquences à l'échelle locale. Pour le marché manitobain, l'élargissement de l'accès fera chuter les revenus annuels de 8,4 millions de dollars. Pour l'ensemble du Canada, les pertes atteindront 190 millions de dollars. Ces chiffres ne tiennent pas compte des répercussions de l'élimination de la classe de lait 7 et du plafonnement des exportations. En accordant aux Américains un droit de regard sur le système de gestion du secteur laitier canadien et la possibilité de s'ingérer dans l'élaboration de nos politiques, nous renonçons ni plus ni moins à souveraineté.
Au Canada, ce sont 3,9 %, ou 100 000 tonnes de lait ou de produits laitiers étrangers qui pourront pénétrer dans notre marché. Dans une perspective pancanadienne, la perte de 3,9 % du marché équivaut à la disparition presque complète de l'industrie laitière du Manitoba.
Les concessions accordées dans l'ACEUM ont des répercussions profondes sur les piliers de la gestion de l'offre, c'est-à-dire les mécanismes de contrôle des importations, la gestion de la production et la prévisibilité des importations. Ces piliers sont aussi importants que les trois pieds d'un tabouret à traire. Enlevez-en un, et il ne tient plus. Les répercussions de l'ACEUM ne se feront pas sentir seulement sur l'industrie laitière du Manitoba, de la ferme au transformateur, mais sur notre capacité de contribuer au produit intérieur brut à long terme. À l'échelle nationale, on parle de 19,9 milliards de dollars, et de 582 millions de dollars au Manitoba. Des emplois seront perdus, dans la province puisque les produits de provenance étrangère feront chuter la demande en lait de provenance locale.
Le recul de notre production agricole aura un effet boule de neige dans toutes les régions rurales du Manitoba. Si les exploitations familiales disparaissent, les fournisseurs de services comme les vétérinaires, les mécaniciens ou les nutritionnistes subiront une baisse de la demande. Il y aura aussi un recul de la dépendance à des produits agricoles comme l'orge fourragère, ou même la farine de canola qui sont produites au Manitoba et qui sont utilisées par les fermes laitières.
Ces répercussions ne toucheront pas seulement le Manitoba rural. Si moins de lait est produit au Canada et qu'on importe plus de lait des États-Unis, nos 12 transformateurs seront touchés. Au Manitoba, l'industrie laitière génère 7 955 emplois équivalents temps plein. Ces chiffres diminueront. Par ailleurs, l'accord a entraîné une suspension des investissements dans le secteur manitobain de la transformation parce que les transformateurs ont pris un temps de réflexion pour déterminer les effets sur leurs activités et quels types de procédés de transformation devront être favorisés à l'avenir. Le gel des plans d'investissement compromet les perspectives d'installation d'un nouveau transformateur ou d'expansion d'un transformateur existant. L'accroissement des activités de transformation de produits laitiers aurait entraîné la création d'emplois durables et la hausse des volumes de lait produits et transformés dans la province et, par conséquent, du produit intérieur brut du Manitoba.
De plus, l'augmentation de l'accès au marché canadien aura pour conséquence de réduire la part du marché intérieur des producteurs laitiers, sur laquelle reposent leurs décisions d'investissement. Cette part de marché est aussi déterminante dans la décision de beaucoup de jeunes agriculteurs de se lancer ou non dans cette industrie. Les produits laitiers étrangers supplanteront le lait canadien et les produits fabriqués avec ce lait, même si les normes de salubrité et de qualité qui régissent les produits importés ne sont pas aussi strictes que celles auxquelles sont tenus les agriculteurs canadiens conformément au programme national de salubrité alimentaire à la ferme, que nous appelons « proAction ». C'est le prix à payer pour renoncer à cette part du marché intérieur et respecter l'engagement du gouvernement d'octroyer une indemnisation en compensation de ces concessions.
La clause liée au droit de regard porte atteinte à la souveraineté du Canada et à sa capacité d'élaborer et d'administrer des politiques sans que les États-Unis interviennent. Malheureusement, les États-Unis ne seront pas obligés de soumettre leurs systèmes à une surveillance aussi étroite du Canada. Ce régime est un autre exemple des coups que portera l'ACEUM à notre avantage concurrentiel et de la dépendance dans laquelle il place l'industrie laitière canadienne par rapport aux décisions des Américains. Il ne faut pas minimiser cet effet à long terme sur le secteur laitier canadien. La clause de souveraineté de l'ACEUM minera notre capacité à administrer nos propres politiques à l'abri de l'ingérence américaine. En permettant aux Américains de nous dicter nos politiques, nous menottons notre industrie.
Le dernier effet de l'ACEUM dont je veux parler a trait à l'imposition de restrictions aux exportations canadiennes. Le Canada a obtempéré aux demandes des États-Unis de plafonner ses exportations de poudre de lait écrémé, de concentrés de protéines de lait et de préparations pour nourrissons. L'effet combiné de ces mesures restreindra nos capacités de croissance du marché intérieur. La clause sur les exportations paralyse l'industrie laitière canadienne sur les deux fronts. Non seulement perdra-t-elle des parts de marché, mais elle ne pourra plus exporter ses produits en raison des surtaxes et des restrictions draconiennes.
Le programme d'indemnisation annoncé pour compenser l'élargissement de l'accès aux termes de l'AECG et du Partenariat transpacifique était un premier pas en ce sens. Toutefois, nous demandons au gouvernement canadien d'octroyer aux producteurs laitiers une aide directe pour les sept années restantes du plan d'indemnisation pleine et équitable visant à atténuer les répercussions de ces accords, et d'inscrire ces sommes au Budget principal des dépenses de 2020. Nous demandons aussi au gouvernement de respecter sa promesse d'octroyer une indemnisation pleine et équitable pour compenser les répercussions de l'ACEUM.
Des mesures doivent être prises pour atténuer les répercussions des droits à l'exportation. Des mesures administratives pourraient être négociées avec les États-Unis, même après la ratification de l'ACEUM. Les plafonds imposés marquent un dangereux précédent pour tous les produits canadiens exportables puisqu'ils réduisent la compétitivité du Canada dans les marchés mondiaux. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement canadien de négocier une entente administrative avec le gouvernement américain pour que les droits prévus à l'ACEUM s'appliquent seulement aux exportations vers les États-Unis et le Mexique, et pas aux exportations vers d'autres pays.
Il faut souligner que si l'ACEUM entre en vigueur avant le 1er août, soit la date de début de la campagne laitière, les seuils d'exportation de poudre de lait écrémé, de concentrés de protéines de lait et de préparations pour nourrissons subiront une baisse spectaculaire de près de 35 % en quelques mois. Ce serait un autre coup dur pour le marché des produits laitiers, parce qu'il n'y aura pas de période de transition. Pour que la période de transition soit suffisante avant l'imposition de seuils d'exportation, nous demandons que l'ACEUM n'entre pas en vigueur avant le 1er août de cette année.
Pour terminer, je trouve important d'attirer votre attention sur le fait que plus les importations sont importantes, plus le risque est grand, et qu'il faut par conséquent augmenter les ressources pour assurer une bonne surveillance et l'application des règles et des normes commerciales à la frontière. Actuellement, les niveaux de formation, les outils et les ressources de l'ASFC ne lui permettent pas d'assurer un contrôle efficace des importations au Canada. Par exemple, les États-Unis autorisent encore l'utilisation de l'hormone de croissance artificielle STBr dans le secteur laitier, mais elle a été interdite au Canada pour des raisons de santé animale. Nous demandons une hausse des ressources, des outils et des niveaux de formation pour permettre à l'ASFC d'améliorer rapidement et de manière transparente ses interventions à la frontière.
Merci.
Je suis Joel Prins, et j'ai travaillé dans l'industrie laitière toute ma vie. J'ai grandi et je travaille actuellement dans une ferme près du petit village de Warburg, en Alberta, à une heure au sud-ouest d'Edmonton.
Comme tant d'autres producteurs laitiers de notre région, mes parents ont tous deux émigré des Pays-Bas au Canada en quête de nouvelles possibilités. Au milieu des années 1980, ils ont pu économiser assez d'argent pour verser un acompte sur une petite ferme laitière qui comptait 37 vaches et 160 acres de terre. Ils ont travaillé jour et nuit depuis afin d'avoir la certitude d'être en mesure de nous élever, mes trois jeunes et frères et moi, sur la ferme.
En grandissant, mes frères et moi avons appris de nombreuses leçons précieuses, de l'importance de prendre soin des animaux à l'importance de l'engagement et du dévouement à la tâche. Quand nous fréquentions l'école primaire, mes frères et moi nous levions à l'aube pour veiller à nourrir tous les veaux avant de rentrer à la maison sans tarder pour nous préparer à prendre l'autobus.
C'était la même chose après l'école. Nous nous dépêchions souvent à la sortie de l'autobus d'aller aider nos parents dans les champs, à ratisser ou mettre le foin en balles, ou dans l'étable à traire les vaches. On pourrait dire que la production laitière nous a été inculquée, à mes frères et à moi, dès notre plus jeune âge, et j'ai appris que c'est un mode de vie, pas seulement un travail. Dans cet état d'esprit, rendus à l'âge adulte, mes frères et moi avons pu continuer à faire grandir la ferme pour en arriver aux 400 vaches que nous trayons aujourd'hui.
Le système de gestion de l'offre est la principale raison pour laquelle nous avons pu prospérer. La gestion de l'offre permet aux agriculteurs, comme ma famille, de continuer à investir dans le secteur, sûrs de la stabilité future. Elle garantit aussi que nous touchons un prix équitable pour le produit que nous vendons et que nous n'avons pas à dépendre de subventions directes de l'État pour la production, dont les producteurs laitiers d'autres pays sont si dépendants.
Par exemple, les agriculteurs européens touchent 55 milliards d'euros de subventions par an, et les Américains ont versé 4 milliards de dollars de subventions en 2009. Les producteurs laitiers canadiens tirent leurs revenus du marché, et non de l'État. Nous apprécions les programmes d'indemnisation de l'État pour atténuer une partie de l'impact du rétrécissement de notre marché, mais si nous avions eu le choix, nous aurions de loin préféré avoir un marché intérieur qui ne subisse pas les contrecoups d'accords commerciaux, sans programmes d'indemnisation pour l'industrie laitière.
Les producteurs laitiers sont aussi un moteur important de l'économie canadienne. L'industrie laitière continue à générer annuellement 20 milliards de dollars pour le PIB du Canada. Les producteurs laitiers soutiennent aussi grandement nos économies rurales locales. Rien que sur notre ferme, nous avons cinq employés locaux et nous créons de nombreuses retombées par les achats que nous faisons dans les collectivités voisines pour aider à maintenir la vigueur de notre économie rurale.
Dans l'ensemble, l'industrie laitière emploie plus de 220 000 Canadiens, de la ferme au détaillant en passant par la transformation et toutes les étapes intermédiaires. La gestion de l'offre permet non seulement d'employer des gens locaux, mais aussi aux consommateurs de savoir que leur lait est local et qu'ils soutiennent les fermes voisines. Sondage après sondage, il est clair que les Canadiens soutiennent les fermes laitières locales et le lait produit localement. C'est rassurant pour plusieurs, puisque le lait canadien répond à des normes parmi les plus rigoureuses au monde. Ce qui est inquiétant, c'est que le lait étranger qui entre au Canada en vertu de ces accords commerciaux n'est pas tenu de respecter les mêmes normes de production.
Au cours des deux dernières années, sur notre ferme, ma famille est passée par les étapes de la planification de la relève. Mes frères et moi commençons tous à fonder notre famille et notre seul souhait est d'élever nos enfants sur une ferme laitière où nous pouvons leur enseigner les valeurs qu'ils ne peuvent apprendre que sur une ferme. Cette planification de la relève exige une grande confiance dans notre système de gestion de l'offre et dans l'État, qu'ils continueront à soutenir notre industrie en la défendant et en la protégeant.
Nous avons tous contracté des dettes de plusieurs millions de dollars, qui prendront des années à rembourser. Cependant, ces derniers temps, nous remettons en question notre décision d'assumer ce genre de risque. On dirait que notre industrie est sans cesse donnée en pâture pour conclure un accord commercial. La gestion de l'offre au Canada s'érode graduellement, en commençant par l'Accord économique et commercial global, l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste et maintenant, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique.
À lui seul, l'ACEUM demande 3,9 % de notre marché intérieur. Si nous additionnons les trois accords, cela représente 18 % de notre marché intérieur d'ici 2024, quand ils seront tous mis en œuvre. Cet accès au marché a des répercussions dramatiques sur nos fermes et n'a probablement qu'un effet minime sur les pays qui bénéficient de cet accès accru.
Par exemple, 3,9 % d'accès pour un producteur laitier américain est loin d'être une solution à son problème de surproduction. L'État du Wisconsin produit plus de lait que le Canada dans son ensemble, donc ce petit accès n'aide pas à régler son problème et nuit considérablement à nos fermes locales. Non seulement l'accord commercial élargit-il l'accès nos marchés intérieurs, mais il nous oblige aussi à limiter notre production de lait de classe 7.
D'autres concessions comprenaient un plafond à l'exportation mondiale qui limite l'exportation de produits laitiers canadiens dans le monde entier. C'est très inquiétant, car les implications de ce plafond vont au-delà des trois pays pour lesquels l'accord commercial est négocié. Le Canada devrait pouvoir défendre ses propres droits et s'opposer aux répercussions commerciales dans ces pays au lieu de voir ses pays voisins les lui dicter.
Au-delà de l'accès accru au marché, de l'élimination d'une de nos classes de lait et du plafonnement mondial des exportations, l'élément le plus préoccupant est que l'industrie laitière canadienne devra aussi consulter les États-Unis pour toute modification de la politique intérieure relative à la classification du lait. Il s'agit d'une grave atteinte à notre souveraineté canadienne. L'industrie laitière canadienne ne devrait pas avoir besoin de l'approbation d'un autre pays pour modifier une politique intérieure.
Nous estimons que cela nuira à notre capacité à nous adapter et réagir aux demandes du marché et à innover. Nous ne pourrons plus prendre des décisions qui servent au mieux les intérêts des Canadiens, puisque nous devrons consulter les États-Unis avant de modifier des politiques. Cette politique ne sert pas les intérêts des Albertains ni des Canadiens. L'effet économique de cette disposition est difficile à déterminer, mais on peut supposer que les États-Unis ne verraient pas d'un bon œil une politique qui profiterait aux Canadiens face à l'industrie laitière américaine. Posez-vous la question: les États-Unis ou le Mexique auraient-ils accepté cette disposition si les rôles avaient été inversés?
L'accord commercial entre le Canada, les États-Unis et le Mexique a de nombreuses répercussions négatives sur nous en tant qu'industrie laitière assujettie à la gestion de l'offre. Même si l'accord n'a pas encore été signé, il a eu de nombreuses implications. Des transformateurs ont hésité à réinvestir au Canada, tandis que certains ont même abandonné de nouveaux projets qui étaient sur le point d'être conclus. Ce sont des occasions ratées pour la croissance de l'économie canadienne.
Même à la ferme, lorsque nous nous entretenons avec des collègues agriculteurs, nous ressentons un malaise et une réticence par rapport à ce qu'ils doivent faire. J'ai même vu quelques voisins qui ont décidé de quitter l'industrie en raison du stress accru qu'ils vivaient à cause des accords commerciaux. Ils font encore remarquer que d'autres accords commerciaux s'en viennent et ils craignent que nous finissions encore par être donnés en pâture. Même pour mes frères et moi, cet accord commercial nous tourmente énormément. Nous venons de prendre la relève de nos parents et nous sommes découragés et frustrés de voir notre croissance sur notre marché intérieur être sacrifiée périodiquement à quelques années d'intervalle.
Comment une industrie peut-elle survivre si on lui demande de stagner ou de rétrécir pour permettre à des pays étrangers d'y entrer avec leurs produits? Cela ne pourra plus fonctionner à long terme.
En conclusion, je voudrais dire que les producteurs laitiers veulent simplement pouvoir tirer leur subsistance de leur marché, en faisant ce qu'ils aiment faire sans la menace constante de voir le gouvernement les offrir sans cesse en sacrifice dans le prochain accord commercial. Personnellement, je veux pouvoir me réveiller dans 30 ans et transmettre à mon fils une exploitation laitière prospère, et savoir qu'il pourra aussi le faire un jour pour ses enfants. Je veux raconter comment mon gouvernement a défendu nos fermes laitières et apprécié nos contributions à ce grand pays, mais aujourd'hui, je ne sais pas si je pourrai avoir cette conversation, si nous sommes continuellement confrontés aux obstacles que le gouvernement crée contre notre industrie.
Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné l'occasion de vous faire part de certaines des implications de l'ACEUM pour ma ferme laitière et les fermes laitières à la grandeur du Canada et de ce que l'avenir réserve à notre industrie.
Je vous remercie.
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Merci, madame la présidente.
Je suis Matthew Flaman. Ma femme, mes fils et moi sommes des producteurs agricoles de quatrième et cinquième générations de Vibank, en Saskatchewan, près de Regina.
Aujourd'hui je parle en mon nom et au nom de 165 producteurs laitiers de la Saskatchewan. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous faire part de mes réflexions sur les répercussions que l'ACEUM aura sur moi.
La gestion de l'offre a permis à notre ferme et à ma famille de contribuer à l'économie locale en faisant appel à des employés locaux, des vétérinaires, des concessionnaires de machinerie agricole et d'autres services à proximité. La stabilité offerte par la gestion de l'offre m'a permis d'avoir la confiance nécessaire pour investir dans notre ferme, notre collectivité et notre région. Les concessions accordées dans les accords commerciaux ont maintenant créé une certaine incertitude quant à la conjoncture future.
Les producteurs laitiers ne voulaient pas de concessions, mais elles sont là — 3,9 % dans l'ACEUM et près de 18 % à venir. Il est important pour moi que l'on entende, dans les termes que notre gouvernement a employés, qu'une indemnisation « complète et équitable » sera versée pour compenser les répercussions directes de ces concessions. Nous avons réclamé des paiements directs, parce que nous nous sommes fait soutirer une partie de notre marché. Les programmes qui stimulent les innovations sont formidables, mais ils peuvent être mis en œuvre en tout temps. Ils ne constituent pas une indemnisation pour la perte de marché.
Jusqu'à présent, nous avons reçu un paiement dans le cadre d'un précédent accord commercial européen, et nous l'avons utilisé pour faire des gains d'efficacité en améliorant le confort des vaches et la ventilation dans notre étable pour nos plus jeunes veaux. Nous l'avons aussi utilisé pour financer la prochaine génération, dans le cadre de la planification de la relève.
Je tiens aussi à parler des plafonds d'exportation qui sont entrés en vigueur dans le cadre de l'ACEUM. Ils touchent une corde sensible chez moi, non seulement comme producteur laitier, mais aussi comme citoyen canadien. Comme mes collègues vous l'ont dit, ces plafonds sont sans précédent. Pour répondre à la question de M. Prins, à mon avis, il n'y a aucune chance que les États-Unis ou le Mexique permettent un jour que des plafonds qui devaient se limiter aux trois pays soient étendus au monde entier. Comme Canadien, c'est très troublant pour moi, et pas seulement comme producteur laitier. Les répercussions vont bien au-delà du secteur laitier et ces plafonds peuvent être utilisés dans n'importe quel autre secteur lors de futures négociations commerciales. Cela me fait peur.
En conclusion, je tiens à dire que la production laitière m'a donné une bonne vie. Elle m'a donné une bonne occasion d'élever ma famille. Elle m'a donné la possibilité de faire travailler quelques employés locaux et de permettre à quelques jeunes de faire des études. Elle a été pour moi une source de fierté dans ma vie. Je ne demande rien d'autre que mon entreprise puisse prospérer et que mes fils prennent un jour la relève et mènent eux aussi une vie prospère.
Je crains qu'on fasse subir à l'industrie une mort à petit feu. Non seulement perdons-nous un accès au marché, mais les plafonds à l'exportation qui nous empêchent d'expédier nos concentrés de protéines dans le monde entier me préoccupent beaucoup, parce qu'ils limitent nos possibilités d'expansion. Si cette situation perdure, je ne sais pas quel conseil je donnerai à mon fils dans ses efforts pour devenir un producteur laitier.
Je vous suis reconnaissant du temps que vous m'avez accordé. Je vous remercie de m'avoir donné cette occasion.
Nous sommes reconnaissants d'avoir l'occasion de vous adresser la parole. La possibilité de décrire ce qui se passe sur le terrain, dans nos entreprises, peut être mutuellement bénéfique pour cette législature et celles à venir.
J'ai aussi grandi sur une ferme, mais j'ai fini par posséder une pharmacie. Je suis le propriétaire de Tofield PharmaChoice. Tofield est une municipalité située à environ une demi-heure d'Edmonton. Je gère en plus une clinique médicale voisine et je suis l'actuel président de l'Alberta Pharmacists' Association. Je ne parle pas aujourd'hui en leur nom, les opinions que je présente aujourd'hui sont mes opinions personnelles.
L'ACEUM a beaucoup retenu l'attention à cause des changements touchant le secteur de l'automobile et l'industrie laitière, comme nous venons de l'entendre. Le Comité permanent devrait se préoccuper des dispositions de l'accord susceptibles d'avoir des répercussions importantes sur l'industrie pharmaceutique et, par conséquent, sur mes patients.
Je crois comprendre que l'ACEUM original aurait prolongé de huit à 10 ans la protection des données découlant d'essais de médicaments pour un sous-ensemble de médicaments connus sous le nom de médicaments biologiques innovants. Je vais vous expliquer de quoi il s'agit.
Comme pharmaciens et comme patients, nous connaissons très bien les petites molécules simples qui ont été produites au cours des 50 dernières années, dont l'acétaminophène, la codéine et les antibiotiques. Elles sont faciles à reproduire, car nous pouvons en faire un produit générique et ces produits se vendent à environ 25 % du coût d'un produit de marque. Nous utilisons ces produits génériques depuis leur arrivée il y a environ 35 ans, et j'étais là dès le début. La disponibilité de produits génériques a augmenté la disponibilité de médicaments pour tous les patients et permis d'économiser des millions de dollars aux régimes d'assurance-médicaments privés, provinciaux et fédéraux.
Un médicament biologique est un produit un peu différent. Il s'agit d'une grosse molécule complexe, généralement fabriquée en manipulant des cellules vivantes pour produire une protéine précise. La plus courante que tout le monde connaît est l'insuline. Les médicaments biologiques ont de nombreux avantages, notamment celui d'être une option thérapeutique exceptionnelle soit parce qu'ils ont moins d'effets secondaires ou qu'ils constituent un traitement plus efficace pour une maladie. Le prix des médicaments biologiques peut être de cinq à 10 fois supérieur à celui des petites molécules simples. Quand je parle de molécules, je parle de médicaments.
Les versions génériques de médicaments biologiques sont appelées « biosimilaires », parce qu'ils ne sont pas identiques, contrairement à la fabrication d'un générique d'une molécule simple. Ils sont très proches d'être identiques et ils produisent les mêmes résultats dans l'organisme pour une maladie donnée. De nombreuses provinces les traitent comme des substituts, même s'ils ne sont pas interchangeables, mais en comparaison, ils vont permettre aux payeurs d'économiser plusieurs millions de dollars par an. Les biosimilaires sont disponibles et nous les utilisons maintenant à la grandeur du Canada.
La loi canadienne en vigueur prévoit 20 ans de protection des brevets, ce qui n'est pas la même chose que la protection des données. Les brevets de médicaments sont comme des brevets de produits. La protection de données est un peu différente. Comme il faut mener des recherches pour mettre au point un médicament, sa mise en marché prend beaucoup de temps. Une protection est offerte aux entreprises après la mise en marché du médicament parce que le délai de 20 ans n'offrirait pas une protection suffisante.
Contrairement aux autres brevets, les médicaments doivent faire l'objet d'essais et d'analyses pour prouver leur efficacité et leur innocuité, ce qui épuise une grande partie de la période de protection offerte par le brevet. La protection des données débute au moment où les fabricants commencent à commercialiser le médicament et elle offre concrètement une durée minimale d'exclusivité commerciale, peu importe le statut du brevet. La protection des données interdira aux fabricants de médicaments d'utiliser les données pour obtenir l'approbation commerciale de la sécurité et de l'innocuité d'un médicament. Lorsqu'une société titulaire d'un brevet teste un produit dans le secteur des génériques, si les gens étaient autorisés à utiliser une partie de ces données pour mettre en marché leurs médicaments, c'est essentiellement ce qu'offre cette protection des données: elle protège le médicament pour x nombre d'années afin de permettre à l'entreprise de faire un peu d'argent.
Avant sa signature en décembre, l'ACEUM prévoyait deux années supplémentaires de protection des données pour les molécules biosimilaires. C'est important, car cette protection supplémentaire aurait augmenté le prix des produits et était valide deux années de plus. D'après ce que j'ai compris, la durée a été ramenée à huit ans le jour de la signature, le 10 ou 11 décembre, je crois.
En Alberta, nous avons récemment été témoins de modifications dans nos régimes d'assurance-médicaments publics qui remplacent pour les patients des médicaments biologiques par des biosimilaires moins coûteux. Ces politiques ont été explicitement mises en œuvre afin de réduire les dépenses du régime d'assurance-médicaments public. Plus le recours à des biosimilaires sera répandu en Alberta, plus les économies réalisées par les payeurs et les patients seront grandes. L'Alberta a dépensé plus de 238 millions de dollars en 2018-2019 pour des médicaments biologiques et ces coûts augmentent chaque année.
Le coût par patient pour des médicaments biologiques originaux peut être supérieur à 25 000 $ par an, tandis que les versions biosimilaires coûtent jusqu'à 50 % de moins. L'initiative de l'Alberta relative aux biosimilaires permettra d'économiser environ 30 millions de dollars par an, une somme qui pourrait être investie dans d'autres services de santé pour les Albertains. La modification de la protection des données prévue dans l'ACEUM aurait directement compromis l'accès de l'Alberta à des pharmacothérapies biologiques abordables.
Voici quelques exemples. Pour un patient qui se présente au comptoir de ma pharmacie, le prix moyen du Remicade, un médicament biologique de marque utilisé dans le traitement de la polyarthrite rhumatoïde, est de 1 553 $ par mois pour ce patient ou un tiers payeur, comme la Croix Bleue ou Anciens Combattants Canada, contre 848 $ par mois pour un médicament biosimilaire. Ce prix exclut tout frais ou majoration, ce qui représente une économie annuelle d'environ 8 460 $.
Prenons un autre exemple: l'insuline Lantus coûte environ 100 $ par mois, contre 75 $ pour un biosimilaire, une économie de 300 $ par an. Cela semble peu, mais lorsqu'on multiplie cette somme par le nombre de diabétiques en Alberta, qui augmente, les économies sont substantielles. Le patient à revenu fixe sans assurance-médicaments ne verra aucune différence concrète entre les deux produits et il utilisera peut-être les économies réalisées pour acheter des bandelettes de test glycémique afin de mieux contrôler son diabète et éviter des séjours à l'hôpital. Rien qu'à ma pharmacie, nous avons probablement 20 à 25 patients qui font ce changement.
À l'échelle nationale, si la protection des données avait été prolongée à 10 ans au lieu de huit, cela nous aurait coûté plus de 169 millions de dollars en 2029. Je parle de 2029 parce que les brevets sont en voie d'être obtenus pour des produits qui seront disponibles cette année-là, et ce sont eux que l'ACEUM touchera. D'après ce que je comprends, une clause de droits acquis s'applique aux médicaments déjà autorisés.
D'après ce que je comprends, les modalités définitives de l'ACEUM maintiennent la protection des données à huit ans, ce qui permettra aux payeurs comme mes patients et aux régimes d'assurance-médicaments privés et publics, comme les régimes gouvernementaux, de continuer à faire des économies et ce qui maintiendra le caractère abordable des médicaments pour les patients qui fréquentent ma pharmacie.
Je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de témoigner.
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Merci beaucoup de m'offrir aussi l'occasion de témoigner.
Je suis Gayleen Erickson, propriétaire de Guardian Pharmacy et de la clinique médicale Tofield à Tofield, Alberta. J'ai des réserves à propos de l'ACEUM et des effets qu'il aura sur mes activités commerciales.
J'aimerais vous fournir quelques données de base sur la pharmacie au Canada et l'incidence des pénuries de médicaments sur ma pharmacie et nos patients. Nous avons vécu de nombreuses pénuries de médicaments, dont le nombre semble augmenter. Les pénuries s'expliquent par de nombreuses variables et circonstances, notamment des inspections d'usines qui révèlent la présence de contaminants, l'accès aux matières brutes qui entrent dans la fabrication des produits, la demande internationale de produits et, le plus souvent, le prix trop bas des produits génériques. Les prix bas rendent les produits plus populaires et moins rentables à fabriquer. La baisse du bénéfice peut convaincre les fabricants d'arrêter la production en faveur d'autres molécules plus rentables, d'où une diminution des réserves qui font office de tampons entre l'offre et la demande. Les produits pharmaceutiques ont des dates de péremption, ce qui limite la quantité de produits dans le système.
Toutes ces préoccupations engendrent un système d'offre et de demande très inélastique pour les produits pharmaceutiques. À tout moment, le site penuriedemedicamentcanada.ca fait état de pénuries pour environ 2 000 médicaments. Actuellement, notre pharmacie est incapable de fournir à nos clients 60 médicaments courants en raison de ruptures de stock. De plus, tout arrangement conclu par des payeurs privés ou le gouvernement peut exercer un stress supplémentaire sur un système surchargé. Voici quelques exemples de ces pénuries.
Le pantoprazole a été en rupture de stock après que le principal payeur public de l'Alberta lui a donné préséance comme médicament à prescrire à tous les patients souffrant de reflux gastrœsophagien pathologique, autrement dit de brûlures d'estomac. C'était uniquement dans un souci d'économie.
La metformine, un antidiabétique courant, n'est plus rentable en raison de la compression des prix pratiqués par de nombreux fabricants, et ils en ont arrêté la production.
En 2017, un groupe d'environ 20 à 30 médicaments chirurgicaux injectables n'étaient plus disponibles après la découverte d'une contamination dans la seule usine qui en produisait et qui approvisionnait les hôpitaux et les pharmacies au Canada. Nous n'avons pu fournir aux services d'ambulance Beaver des produits essentiels à leurs activités quotidiennes. Bon nombre de ces produits injectables demeurent disponibles en quantités contingentées auprès de notre grossiste, ce qui limite les quantités qu'une pharmacie peut acheter.
Une pénurie de valsartan a frappé le monde entier lorsqu'un contaminant a été découvert en juillet 2018 dans un produit brut utilisé pour fabriquer les comprimés. Ce rappel, conjugué à la compression des prix, a engendré des problèmes d'approvisionnement qui perdurent pour toute la catégorie des médicaments appelés « antagonistes des récepteurs de l'angiotensine II, ou ARA ». La plupart des molécules de losartan, irbésartan, telmisartan, candésartan et olmésartan sont en pénurie par un effet domino.
À l'été 2019, les pharmacies canadiennes n'ont pu approvisionner les citoyens canadiens en EpiPen. Les agences de presse ont fait savoir que les gens devaient utiliser des injecteurs périmés en cas d'urgence, tandis qu'aux États-Unis, il n'y a pas eu de pénurie, mais des injecteurs ont été vendus à un prix plus élevé dans un marché à marge plus élevée. Les décisions de prix du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés, de l'Alliance pancanadienne pharmaceutique et des régimes provinciaux peuvent avoir une incidence sur l'offre de médicaments de marque et génériques. Les prix des génériques sont souvent basés sur le prix des produits de marque.
Les pharmaciens sont très préoccupés par les politiques des États-Unis qui permettraient l'exportation supplémentaire de médicaments d'ordonnance du Canada vers les États-Unis. L'importation de médicaments par les États-Unis, tant à titre personnel qu'en gros, n'est ni pratique ni viable. L'ACEUM n'a pas traité de cette préoccupation importante avec laquelle les pharmacies canadiennes doivent composer. Le gouvernement doit être conscient de ces pénuries et des effets de celles-ci sur notre industrie et sur le bien-être de tous nos patients. Bernie Sanders a récemment encouragé les Américains à acheter leurs fournitures pharmaceutiques au Canada à des prix plus avantageux.
Nous avons assisté hier à la période de questions et nous avons été très inquiets d'entendre une motion concernant l'assurance-médicaments. Nous avons du travail à faire pour régler les problèmes actuels d'approvisionnement en produits pharmaceutiques au Canada. La compression des prix, les problèmes de fabrication et les rappels demeurent des sources de problèmes majeures.
En conclusion, nous vivons d'importants problèmes d'approvisionnement en médicaments au Canada. Ces problèmes sont passés sous silence. Ils augmentent chaque année et nos patients en subissent les conséquences. J'aimerais confirmer que l'ACEUM n'oblige pas ou ne suggère pas que nous fournissions des produits pharmaceutiques en dehors de notre chaîne d'approvisionnement sans garantie d'approvisionnement supplémentaire. Il est essentiel que les modèles d'approvisionnement futurs tiennent compte de la situation actuelle qui se vit dans les pharmacies à la grandeur du Canada.
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Il faut d'abord nous assurer d'un approvisionnement. Actuellement, ils négocient un prix si bas, en ne prévoyant qu'un seul fournisseur pour certains médicaments, qu'en cas de contamination dans cette usine, toute la production est arrêtée. Par la suite, il faut rétablir la chaîne d'approvisionnement à l'usine et il faudra peut-être attendre trois mois avant que le médicament soit à nouveau produit. Pendant cette période, les pharmacies doivent se tourner vers d'autres médicaments, des produits similaires, pour assurer leur approvisionnement.
C'est comme pour l'olmésartan et tous les ARA. Subitement, l'approvisionnement de tout un groupe de médicaments est interrompu parce que les usines ne peuvent plus les fournir et la situation ne fait que s'aggraver.
Pour certains produits, comme la metformine, il y avait plusieurs fournisseurs, mais maintenant, je crois qu'il n'en reste plus qu'un. C'est tout ce que nous avons à la pharmacie. C'est un médicament antidiabétique très courant et personne d'autre ne le fournit, donc s'il y a une contamination dans cette usine, nous sommes cuits. Nos clients, nos patients, devront s'en passer.
Les gens ne se rendent pas compte de la gravité de la situation. Nous avons eu des médicaments pour le cœur... Le médicament pour les oreilles est un médicament mineur, mais quand vous consultez votre médecin et que celui-ci vous dit « Je suis désolé, nous ne pouvons pas le fournir. Utilisez du vinaigre et de l'eau » et vous risquez de perdre l'ouïe... C'est arrivé à notre fils. C'est pourquoi cela me tient à cœur. Ça arrive partout.
Il y avait un médicament pour les femmes qui éprouvaient des problèmes de contrôle de la vessie. Le prix a été négocié tellement à la baisse que les compagnies ont cessé de le produire. Il n'y a plus de médicament pour cette affection.
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Je vous remercie, madame la présidente,
Je remercie également les témoins qui sont venus ici aujourd'hui.
Alors que je faisais quelques recherches, j'ai trouvé une lecture intéressante. Elle est intitulée « L'industrie de la transformation laitière en chiffres ». Je vais commencer par vous parler du bon côté des choses.
Depuis 2008, on enregistrait des investissements de 7,5 milliards de dollars, un apport au PIB canadien annuel de 18 milliards de dollars, un taux de croissance de 16 % du PIB réel de la transformation laitière, un nombre de 12 000 fermes laitières canadiennes soutenues par des transformateurs laitiers et 24 500 Canadiens employés par des transformateurs laitiers, avec une masse salariale annuelle agrégée de 1,2 milliard de dollars.
J'en viens maintenant au côté négatif des choses: des pertes prévues sur le rendement des investissements de 670 millions de dollars imputables à l'AECG, et d'autres de même nature de 730 millions de dollars imputables, elles, au PTPGP, auxquelles il faudra ajouter des centaines de millions de pertes sur le rendement des investissements imputables à l'ACEUM
J'ai trouvé ça très intéressant.
J'ai trois questions à poser à quiconque du secteur laitier qui s'estimera le mieux à même de répondre. Les transformateurs laitiers ont demandé au gouvernement du Canada d'inclure un contingent tarifaire dans l'accord d'indemnisation. Pourriez-vous m'expliquer comment cela pourrait compenser les pertes de marché à la suite de l'entrée en vigueur d'un nouvel ALENA.
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L'une des façons d'empêcher cela de se produire est de laisser les forces du marché œuvrer par elles-mêmes.
Pour les compressions, nous en avons eu l'expérience avec les médicaments génériques dont les prix ont été réduits ou contrôlés. Il y a alors des fabricants qui ont abandonné la fabrication de certaines molécules.
Nous constatons aussi que des usines sont très facilement contaminées. Elles sont maintenant soumises à des critères très rigoureux, ce qui entraîne la fermeture de certaines d'entre elles.
La combinaison de ces réductions de prix et d'une baisse des stocks, en cas de contamination, nous plonge dans une situation réellement problématique. Cela vient tout juste de se produire pour un médicament, le Valsartan. Celui-ci était le bloqueur de recaptage d'angiotensines le plus utilisé. Nous avons maintenant une pénurie de sept d'entre eux parce que le Valsartan a été contaminé il y a environ un an et demi.
Je suis partisan de laisser davantage de marge de manœuvre au marché. Comme pharmacien, nous craignons que, avec une assurance-médicaments, quelqu'un décide de réduire les prix encore plus et nous annonce: « Vous savez, pour la Metformine, nous n'aurons plus dorénavant qu'un seul fournisseur. » Si les installations de celui-ci sont contaminées, nous allons manquer de Metformine et nous éprouverons des difficultés.
Il faut que nous conservions un certain nombre de fabricants dans le système et que nous conservions des prix un peu plus élevés. C'est ainsi que nous pourrons nous protéger.