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J'ai l'honneur de déclarer la séance ouverte. Bienvenue à la 15
e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord de la Chambre des communes.
J'aimerais tout d'abord souligner que je vous parle aujourd'hui à partir du territoire traditionnel des nations Haudenosaunee, Anishinabe et Chonnonton.
Conformément à l'ordre de renvoi du 20 avril 2020, le Comité se réunit pour entendre des témoignages concernant la réponse du gouvernement à la pandémie de COVID-19. La réunion d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence. Le compte rendu sera diffusé sur le site Web de la Chambre des communes. Au cours de la séance, la webdiffusion montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.
Afin de faciliter le travail de nos interprètes et d'assurer le bon déroulement de la réunion, j'aimerais établir quelques règles à suivre.
L'interprétation de la vidéoconférence se déroulera de la même façon qu'à l'habitude, lors d'une réunion régulière. Au bas de votre écran, vous avez le choix entre le parquet, l'anglais ou le français. Afin de résoudre les problèmes de son qui ont été soulevés récemment lors de réunions virtuelles et d'assurer une transmission audio claire, nous vous demandons de régler votre langue d'interprétation comme suit lorsque vous prenez la parole. Si vous vous exprimez en anglais, veuillez vous assurer de sélectionner la chaîne anglaise. Si vous parlez en français, choisissez la chaîne française. Si vous comptez passer d'une langue à l'autre pendant votre intervention, vous devrez aussi changer la chaîne d'interprétation conformément à la langue choisie. Veuillez faire une courte pause lorsque vous faites la transition.
Avant de parler, veuillez attendre que je prononce votre nom. Lorsque vous êtes prêts à commencer, vous pouvez soit cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro, soit maintenir la barre d'espacement enfoncée pendant que vous parlez. Le micro se mettra en sourdine lorsque vous relâcherez la barre, comme un walkie-talkie. J'aimerais rappeler à tout le monde que les interventions des membres du Comité et des témoins doivent toujours être adressées à la présidence.
Si vous demandez la parole en dehors du temps qui vous est alloué pour les questions, vous devez activer votre micro et mentionner que vous avez un rappel au Règlement. Si vous souhaitez intervenir en réponse à un rappel au Règlement d'un autre membre du Comité, vous devez utiliser la fonction « lever la main ». Le président saura alors que vous voulez prendre la parole. Pour ce faire, veuillez cliquer sur « participants » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affiche, cliquez sur « lever la main » à côté de votre nom.
Lorsque vous prenez la parole, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être éteint.
L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement encouragée. Si vous avez des écouteurs dotés d'un microphone, veuillez tenir le micro près de votre bouche lorsque vous parlez afin d'améliorer la qualité du son pour nos interprètes.
En cas de difficultés techniques, par exemple si l'interprétation fait défaut ou que vous êtes débranchés par accident, veuillez en informer immédiatement le président ou la greffière, après quoi l'équipe technique s'efforcera de régler le problème. Veuillez prendre note que nous devrons peut-être suspendre la séance pendant ce temps, car nous devons être certains que tous les membres du Comité sont en mesure de participer pleinement.
Avant de commencer, j'invite tout le monde à cliquer sur le coin supérieur droit de son écran et à s'assurer d'afficher la galerie. Ainsi, vous pourrez voir tous les participants dans une grille. Voilà qui permet à tous les participants de se voir les uns les autres.
Pendant la séance, nous suivrons les mêmes règles qui s'appliquent habituellement aux déclarations d'ouverture et à la période de questions aux témoins lors d'une réunion normale. Chaque témoin aura un maximum de cinq minutes pour sa déclaration liminaire, après quoi les membres du Comité poseront des questions suivant les tours habituels.
Permettez-moi maintenant de présenter nos témoins. Nous accueillons Éric Cardinal et Ellen Gabriel, qui comparaissent à titre personnel. Nous recevons également Robert Watt, président de Kativik Ilisarniliriniq. Enfin, nous écouterons Elijah Williams, directeur des Mobilisations autochtones au Centre d'apprentissage et de soutien aux Autochtones, du Sheridan College.
Monsieur Cardinal, vous avez cinq minutes pour votre déclaration liminaire. Allez-y, s'il vous plaît.
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Bonjour et merci de m'avoir invité à comparaître devant le Comité, dont les travaux sont très importants.
Quand je regarde comment la gestion de la crise de la COVID-19 se vit dans les communautés autochtones, une chose me frappe: la différence marquée entre les mesures prises ou souhaitées par les leaders autochtones et celles adoptées par les communautés non autochtones.
Il y a un clivage particulièrement évident dans les régions, où l'on a vu des communautés autochtones adopter plus rapidement des mesures beaucoup plus strictes que celles prises chez leurs voisins non autochtones. À titre d'exemple, la plupart des Premières Nations au Québec ont rapidement fermé leurs communautés pour empêcher que le virus n'y entre. On a aussi vu des Premières Nations maintenir la fermeture de certains services et de certaines activités, alors que la province décrétait leur réouverture.
Pourquoi existe-t-il une telle distinction? Je vous soumets deux réponses possibles. La première est liée à des motifs sanitaires. Comme vous le savez, les populations autochtones sont exposées à un risque plus élevé que d'autres de contracter la COVID-19, notamment en raison de leur situation sanitaire, sociale et économique particulière. L'obésité, le diabète et les antécédents de maladies...
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Comme je le disais, il y a une distinction importante entre ce que font les communautés autochtones et ce que font les communautés non autochtones. Il y a la question de la santé, évidemment. De plus, le nombre de personnes par logement dans les communautés autochtones est beaucoup plus élevé que dans les communautés non autochtones, ce qui rend difficile le respect des mesures d'éloignement physique.
Il faut aussi rappeler que les Premières Nations ont été particulièrement marquées par les épidémies passées, desquelles ont découlé des traumatismes tant psychologiques que culturels, qui subsistent encore aujourd'hui.
Le point principal de mon intervention aujourd'hui concerne la gestion distincte des communautés autochtones, qui repose sur le droit à l'autonomie gouvernementale. C'est un concept dont la reconnaissance est mise en question en cette période de pandémie. Ce que j'observe, c'est que la crise met particulièrement en évidence la difficulté, pour les gouvernements, de reconnaître le statut de gouvernement aux entités, autrement connu sous le concept de conseil de bande. Pour vous l'illustrer, je vais citer trois exemples de Premières Nations au Québec.
Le premier exemple concerne la situation qui a été la plus médiatisée ces dernières semaines, à savoir la réouverture du parc d'Oka. Ce parc relève de la responsabilité du gouvernement du Québec, mais il est situé sur le territoire non cédé de la nation mohawk. Son ouverture a été décrétée sans avoir consulté les autorités du Conseil mohawk de Kanesatake.
Les Mohawks ont pris la décision de maintenir la fermeture du parc en instaurant un contrôle routier improvisé. C'était lors du congé de la fête des Patriotes, vers la mi-mai. Il s'est ensuivi un conflit entre le conseil mohawk et le gouvernement provincial, ce qui a obligé le gouvernement fédéral à s'interposer.
Cet exemple montre clairement que les autorités gouvernementales n'ont pas le réflexe de consulter les leaders des Premières Nations lorsqu'elles prennent des décisions qui touchent des territoires dits non cédés, ce qui est aussi le cas pour une grande portion du territoire québécois, soit dit en passant. L'absence de consultation se voit même si le territoire fait l'objet d'un processus de négociation territoriale, comme c'est le cas pour les Mohawks de Kanesatake, dans la région d'Oka.
Les deux autres exemples ont été moins médiatisés, malgré les efforts faits en ce sens par les autorités autochtones. Ils illustrent à quel point les services gouvernementaux sont toujours pris dans leur carcan colonial de la Loi sur les Indiens.
Comme bien d'autres Premières Nations, celle de Long Point, en Abitibi, a décrété la fermeture de sa communauté et a tenté d'imposer à ses membres des mesures strictes de restriction des déplacements. N'ayant pas de corps policier, la Première Nation a fait appel aux services de la Sûreté du Québec, le service de police de la province. Elle a bénéficié d'une patrouille régulière de policiers, mais ceux-ci disent ne pas avoir l'autorité nécessaire pour faire appliquer les mesures de la Première Nation. Pourquoi? Parce que la communauté située dans le village de Winneway n'est pas officiellement une réserve au sens de la Loi sur les Indiens.
Même si l'on reconnaît, depuis au moins 1996, année de la publication du Rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones, que l'autonomie gouvernementale est un droit ancestral inhérent protégé par l'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982, et même si le gouvernement fédéral reconnaît théoriquement les conseils comme des gouvernements de Première Nation, concrètement, nous sommes loin encore de cette reconnaissance.
Le troisième exemple concerne une nation située en Gaspésie.
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[
Le député s’exprime en inuktitut ainsi qu’il suit:]
ᐋᐃ, ᐅᓐᓄᓴᒃᑯᑦ. ᓇᑯᕐᒦᒃ ᐱᕕᖃᖅᑎᑕᐅᒐᒪ. ᐊᑎᒐ ᕌᐳᑦ ᒍᐊᑦ. ᐊᖓᔪᕐᖄᖑᔪᖓ ᑲᑎᕕᒃ ᐃᓕᓴᕐᓂᓕᕆᓂᕐᒥ. ᐃᓕᓐᓂᐊᓂᓕᕆᓂᖅ ᓄᓇᕕᒃᒥ.
[Les propos en inuktitut sont traduits ainsi:]
Aai, bon après-midi. Merci de me donner l'occasion de m'exprimer. Je me nomme Robert Watt. Je suis le président de Kativik Ilisarniliriniq, la commission scolaire du Nunavik.
[Traduction]
Je tiens d'abord à vous remercier de votre invitation. Je suis heureux de pouvoir vous informer des conséquences de la pandémie de COVID-19 sur le secteur de l'éducation du Nunavik.
Comme vous le savez, l'année scolaire s'est terminée le 23 mars dans le Nunavik. Nous prévoyons de rouvrir les écoles en août. Notre décision tiendra compte des mesures d'hygiène et de sécurité annoncées pour le Nunavik pour le lent déconfinement de nos communautés.
Ces temps uniques ont mis en relief des besoins essentiels en éducation, et je voudrais me focaliser sur six recommandations essentielles en la matière dans le Nunavik. J'ai adressé un mémoire à votre comité, où vous trouverez des renseignements détaillés sur chacune d'elles. Bonne lecture!
Faute d'accès à Internet à haute vitesse et à large bande, en ce qui concerne les infrastructures de communication, envolé l'espoir d'offrir sérieusement des plateformes de télé-enseignement et de cyberéducation pour les secteurs de l'enseignement aux jeunes, aux adultes et au niveau postsecondaire dans le Nunavik.
L'accès aux technologies? Dans le Nunavik, la vie est particulièrement chère, et le revenu médian, en 2018, des familles inuites était de 25 627 $, contre 61 400 dans le reste du pays. Il faut procurer aux familles et aux étudiants les moyens financiers pour les acquérir. C'est indispensable pour garantir la réussite des étudiants inuits, puisque l'enseignement est susceptible d'employer de plus en plus de plateformes et d'outils en ligne.
Le dépistage de la COVID? Il importera, à mesure qu'on rouvrira nos écoles et nos centres d'éducation des adultes et pour donner davantage confiance dans nos réseaux et nos compagnies de transport, que les compagnies et les transporteurs aériens du Nunavik qui desservent nos communautés aient accès à des trousses de dépistage permettant de connaître rapidement les résultats des tests. Avec un taux élevé de tuberculose en toile de fond et un passé récent d'épidémies catastrophiques, c'est indispensable, pour briser la peur que ressentent les habitants du Nunavik à la perspective de déconfiner nos communautés.
L'accès à des services d'adduction de l'eau et d'égout? C'est un enjeu permanent dans le Nunavik. Faute de ces services, les écoles de la plupart de nos communautés doivent fermer à répétition. Pendant l'épidémie de COVID-19, alors que la principale mesure d'hygiène était le lavage fréquent des mains, nous avons besoin d'investissements dans les infrastructures qui favoriseront et assureront le maintien durable de ces services après la pandémie.
Alors que la population des élèves et des étudiants ne cesse de croître et qu'on s'intéresse de nouveau aux études postsecondaires à distance, il faut des investissements dans les infrastructures qui appuieront le réseau d'éducation du Nunavik après les mesures immédiates annoncées dans le contexte de cette pandémie, notamment pour la construction, la rénovation et l'agrandissement des écoles et des centres d'éducation des adultes, de logements pour les employés, de résidences pour les étudiants dans les secteurs des adultes et des locaux où les étudiants du postsecondaire pourront étudier.
Enfin et surtout, viennent l'éducation traditionnelle et la protection de l'inuktitut. Les ressources pédagogiques, le contenu numérique, les plateformes en ligne et le programme d'études élaboré par le conseil scolaire sont offerts en inuktitut, en anglais et en français. Nous devons reconnaître qu'il faut du temps et des compétences particulières pour garantir l'accès constant à du contenu en inuktitut élaboré selon le point de vue inuit, ce qui n'est possible que grâce à un financement convenable.
Les programmes d'éducation traditionnelle et les activités connexes offrent des occasions exceptionnelles sur le plan pédagogique pour mettre les jeunes en contact avec leur langue, leur identité et leurs communautés. Ils jouent un rôle essentiel dans le renforcement de l'inuktitut et ils ont besoin d'un financement à la hauteur.
Au conseil scolaire, l'éducation traditionnelle et les excursions pédagogiques ont profité de l'appui du programme Nouveaux Sentiers pour l'éducation, auparavant géré par les Affaires autochtones et du Nord Canada. Les discussions se poursuivent pour transférer au Québec le financement offert par ce programme. Il s'ensuivrait que le financement fédéral sur lequel compte le conseil scolaire pour l'éducation traditionnelle serait distribué par le ministère de l'Éducation du Québec. Nous oserions insister sur l'importance extrême d'une transition sans à-coups de ce programme. Une interruption du financement risquerait de mettre en péril certaines activités importantes sur le plan culturel qu'offrent nos écoles.
Merci beaucoup.
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Mes salutations à tous les membres du comité parlementaire.
Comme beaucoup d'autres personnes dans le monde, nous avons d'abord eu l'impression, au début de la pandémie, que nous déambulions les yeux bandés dans un monde dystopique. Pendant au moins un mois, il n'y a plus eu d'autorité. Nous étions vulnérables aux membres des communautés de l'extérieur qui venaient chez nous acheter de la marijuana ou des cigarettes, et il a fallu un certain temps pour que l'unité d'intervention d'urgence ne déclare l'état de pandémie, le 23 mars.
Que les interprètes me pardonnent. Je viens de constater que cinq minutes ne me suffiront pas.
La diffamation et l'ostracisation des commerces de Kanesatake et de Kahnawake par les entités coloniales ont aggravé le problème. Nous nous sentions encore plus vulnérables au début de la pandémie. Vous le savez peut-être, mais nous vivons dans une communauté qui défend depuis trois siècles ses droits aux terres de notre patrie et dont on ne fait pas de cas et quand, pendant une pandémie, on ne possède aucun droit, cela n'améliore en rien les sentiments de frayeur et d'incertitude et celui d'une dépossession territoriale encore plus poussée.
Évidemment, ce point de vue négatif a ses racines dans le racisme institutionnalisé et sociétal qui dévalue la vie des Autochtones vaincus par la colonisation et ses séquelles.
Quand le a déclaré l'état d'épidémie, les Autochtones étaient encore au beau milieu des protestations antioléoduc des Wetsuwetens pour les droits des Autochtones, et la pandémie a stoppé à ce mouvement. Nous comprenons les motifs — les précautions prises pour la santé —, mais les ouvriers de la construction et les policiers ont continué à occuper les terres des Wetsuwetens, malgré un protocole d'entente conclu avec les chefs héréditaires traditionnels.
À Kanesatake, nous étions aux prises avec les facteurs économiques ayant préséance sur les droits. Un foyer pour personnes âgées a fermé avant la déclaration de l'état de pandémie. On n'y a donc signalé aucun cas. Je précise que ma communauté, Kanesatake, a été le siège de la crise d'Oka. Un témoin antérieur a parlé du parc d'Oka. C'est de là que je viens.
Une réunion, de marchands mohawks locaux surtout, a eu lieu. Comme on nous avait confinés, à cause de la COVID-19, personne n'en avait été informé, même si certains, comme Theresa Tam, conseillaient à tous de rester à la maison. Malgré mes hésitations, je suis d'accord pour les points de contrôle établis. Notre communauté est diffamée par les médias et le gouvernement. D'après un préjugé et des calomnies, nous serions sans loi, d'où l'attitude du public qui semble dicter qu'aucune loi ne s'applique à notre communauté, même pendant une pandémie. Pendant la semaine de relâche, au printemps, des jeunes viennent dans notre communauté, comme si elle était leur terrain de jeu.
La pandémie nous a rendus plus vulnérables à l'intérieur de nos points de contrôle. On a souvent porté atteinte aux droits de la personne, et les préposés des points de contrôle étaient harcelés même par les agents de la Sûreté du Québec, par un médecin et par le maire d'Oka. Je décris ces faits dans mon mémoire.
La ministre Carolyn Bennett enferme notre peuple autochtone dans le silence. Elle fait taire les voix de nos dirigeants traditionnels. La question est trop vaste pour qu'on en discute devant votre comité, mais, journellement, nous nous sentons vulnérables, particulièrement quand la dépossession territoriales se poursuit, parce qu'on a autorisé la construction pendant que chacun s'était fait confiner chez soi.
Nous sommes sans voix et nous pouvons prétendre sans risque d'erreur que nous souffrons d'épuisement chronique et de racisme institutionnel. On nous a amenés, nous les Autochtones, à nous sentir, nos vies durant, comme quantité négligeable, par une société colonisatrice qui n'était pas parvenue à concevoir que nos droits étaient des droits de la personne. Nos peuples ont le droit de s'autodéterminer, mais le Canada continue de nous opprimer, en arrêtant tout progrès que rendrait possible le soutien accordé aux diverses normes internationales en matière de droits de la personne dont il est le signataire. À la place, on nous amadoue par des séances de mobilisation qui favorisent notre dépossession de nos droits inhérents par les colonisateurs.
Le 1er juillet, cette année, marquera le 30e anniversaire du siège de Kanesatake et de Kahnawake, que vous connaissez sous le nom de crise d'Oka. C'est le moment d'un réveil d'une longue dispute de trois siècles pour les Mohawks de Kanesatake. Le peuple de la maison longue a été exclu.
Alors que nous assistons à l'indignation aux États-Unis et, dans d'autres pays, au mouvement Black Lives Matter ainsi qu'au meurtre de George Floyd, nous constatons encore une fois que le racisme institutionnalisé a fait de nombreuses victimes.
Le Canada a eu amplement d'occasions pour apporter les changements dont on a bien besoin. Pandémie ou pas, la réconciliation et des réparations s'imposent. Le calcul économique égoïste a engendré la colonisation, les capitalistes partisans du libre jeu du marché et l'économie globale.
On n'accorde quotidiennement aucun respect à nos droits à nous, les premiers peuples occupants de l'Amérique du Nord et encore moins pendant une pandémie. Les protestations et les barricades se poursuivront. Nos ancêtres nous ont enseigné qu'une atmosphère de peur ne peut pas engendrer la paix, que la justice est impossible au milieu d'une lutte quotidienne pour faire respecter nos droits humains fondamentaux.
Merci beaucoup de m'avoir écoutée.
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Merci, monsieur le président.
Chers témoins et chers membres du Comité, je suis honoré d'être virtuellement avec vous. Je me trouve à Oakville, sur le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de la Credit, des peuples wendats et de mon propre peuple, les Haudenosaunees. Je parlerai de la situation dont m'ont fait part des apprenants autochtones qui affrontent la COVID-19 dans les établissements postsecondaires.
La pandémie de COVID-19 a fait surgir beaucoup de difficultés inédites que personne n'avait prévues. L'éducation postsecondaire n'y a pas fait exception. Les étudiants et beaucoup d'apprenants autochtones ont dû s'adapter à une nouvelle façon d'apprendre, par le virtuel. Dans mes fonctions de directeur de la mobilisation des Autochtones, j'ai entendu les réactions de nombreux étudiants sur ce changement. Beaucoup éprouvaient des difficultés à s'adapter. Certains, sur la réserve, n'ont pas accès à des services Internet convenables et, dans certains cas, il doivent se rendre dans une ville proche ou sur un terrain de stationnement de Tim Horton pour accéder au Wi-Fi pour étudier.
L'école est déjà cause de stress, la COVID a amplifié ce stress. Les lieux normaux d'étude sont fermés aux étudiants, de même que les centres autochtones de soutien culturel.
On entend beaucoup dire, aussi, que la technologie pose un problème aux étudiants. Beaucoup d'entre eux n'ont pas accès à un ordinateur ou n'en possèdent pas. L'accès aux campus est donc une priorité de taille. Au collège Sheridan, on a mis sur pied un programme de prêt d'ordinateurs portables aux étudiants qui en ont un besoin criant. Il est facile à ceux qui vivent hors réserve ou en milieu rural de commuter directement au travail ou à l'apprentissage à distance. Mais c'est le contraire pour beaucoup. Une grande partie d'entre eux ont perdu leur emploi, et beaucoup ne peuvent pas accéder aux importants services de soutien nécessaires sans devoir se présenter quelque part en personne.
Le programme de soutien aux étudiants du postsecondaire est le principal qui gère le financement des bandes autochtones et chacune des bandes interprète à sa façon la politique nationale de financement. Nous avons entendu dire que de nombreux étudiants éprouvaient des difficultés à recevoir un appui de leur bande, et beaucoup vivaient loin de leur communauté. Des étudiants sont même tenus de faire remplir une feuille de présences, en raison des exigences administratives qu'impose le programme aux étudiants et au personnel.
Parlons aussi de la paperasse de suivi à remplir. Malgré la COVID-19 et la nécessité, pour tous, de s'adapter à de nouvelles méthodes de travail et d'apprentissage, le délai de production de cette paperasse n'a pas changé. De fait, ç'a été le statu quo. Ainsi, dans ma propre communauté des Six Nations de la Grand, beaucoup d'étudiants doivent encore se plier aux mêmes délais. Faute d'accéder à Internet ou de mettre la main sur un ordinateur pour s'inscrire au plus tard le 1er mai, ils cessaient d'être admissibles.
Quand j'en parle, c'est vraiment dans l'espoir de faire comprendre que ce programme doit être agile. L'information sur les mesures de soutien aux apprenants autochtones n'est pas claire, et les étudiants financés par l'entremise de leur bande ne peuvent compter sur aucune actualisation ni ligne directrice. J'ai la conviction que de meilleures communications entre les ministères, les organisations et les établissements postsecondaires assureront un appui optimal aux étudiants, parce que nous, à l'école, nous sommes directement en contact avec beaucoup de nos apprenants. Il faut examiner les formules de financement pour ce programme, parce que beaucoup d'étudiants s'inscrivent auprès d'établissements postsecondaires. À mesure que le déconfinement gagnera l'ensemble de notre pays, beaucoup d'entre eux devront aussi apprendre de nouvelles compétences et peut-être retourner à l'école.
J'ai entendu dire que deux étudiants de communautés différentes du nord de l'Ontario n'ont pas été autorisés à y retourner parce que l'accès y était restreint. Cela les a obligés à vivre à l'extérieur de leur réserve. Il me semble que les apprenants autochtones du postsecondaire se trouvent dans une zone grise, qui relève surtout de la province. Mais je sais aussi que le devoir à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis est fédéral.
Avant de conclure, je tiens à vous communiquer des nouvelles emballantes. Malgré les obstacles semés par la COVID-19, la dernière promotion, à Sheridan, compte 51 Autochtones, tous une grande source de fierté pour moi.
Merci.
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Je vous remercie, c'est très gentil de votre part, monsieur Viersen.
Mon troisième exemple concerne une nation située en Gaspésie. Il s'agit de la nation des Micmacs de Gespec, qui, comme celle de Long Point, ne vit pas sur une réserve. Les membres vivent en grande partie sur le territoire traditionnel non cédé de la région de Gaspé. Même si la nation n'a pas de communauté à gérer, son conseil a quand même des responsabilités à l'égard des membres, au même titre que les autres gouvernements de Premières Nations. La nation des Micmacs de Gespeg a fait une demande d'aide dans le cadre du Fonds de soutien aux communautés autochtones. Elle n'a pas demandé grand-chose, seulement 150 000 $. Le gouvernement a répondu que la nation de Gespeg n'avait pas droit à l'aide, puisqu'elle n'est pas une réserve.
Depuis le début de la crise, le conseil assume pourtant ses responsabilités gouvernementales à l'égard de ses membres. Ce que demande la nation de Gespeg, c'est une aide pour couvrir les coûts supplémentaires associés à la gestion de la crise liée à la COVID-19. La nation se fait dire qu'elle ne peut pas recevoir l'argent, parce qu'elle ne correspond pas aux critères dictés par une lecture colonialiste de la gestion de la crise chez les Premières Nations. On est loin de la relation de nation à nation et de gouvernement à gouvernement que dit pourtant vouloir entretenir le gouvernement canadien. C'était le troisième exemple que je voulais donner pour montrer la difficulté de concilier la reconnaissance des gouvernements des Premières Nations avec la gestion de la crise liée à la COVID-19.
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Il y a trois siècles qu'on enlève des petits morceaux à notre collectivité, et c'est maintenant un assemblage disparate. Le gouvernement fédéral a tenté de résoudre cette situation après 1990 et il y a maintenant certaines régions où des Québécois vivent parmi nous. Des Mohawks vivent dans la collectivité d'Oka, qui est également Kanesatake.
Lorsque des postes de contrôle ont été érigés pour protéger la collectivité de cette libre circulation de gens qui refusaient de rester à la maison et qui entraient dans notre collectivité, comme je l'ai dit, le maire d'Oka a d'abord appuyé cette initiative. Toutefois, le ton a vite changé, car on jugeait qu'il fallait ouvrir l'économie.
Cette notion selon laquelle il faut accorder la priorité à l'économie en toutes circonstances et que l'économie est plus importante que les droits de la personne, que la sécurité et le bien-être... Comme je l'ai mentionné, des menaces ont été proférées. C'était un problème.
Nous sommes nombreux à nous sentir très vulnérables dans notre collectivité, et ce, au quotidien. Ces événements ont en quelque sorte renforcé ce sentiment, car lorsque quelque chose arrive, nous évitons d'appeler la Sûreté du Québec, car ses membres sont racistes. Ils ne le sont peut-être pas tous, mais ils sont racistes. De plus, nous vivons dans une province séparatiste qui a des idées préconçues selon lesquelles nous sommes l'ennemi public numéro un et que, quelle que soit la violence que nous subissons, nous la méritons sûrement. Ces personnes entrent donc dans la collectivité en toute impunité, qu'il s'agisse d'un officier de la SQ qui crache sur une personne au poste de contrôle ou d'un médecin qui entre et frappe l'une des personnes au poste de contrôle. Ces incidents sont bien entendu signalés à la Sûreté du Québec. À qui d'autre pourrait-on les signaler?
Il est très difficile d'assurer la sécurité aux points de contrôle lorsque les personnes qui s'y trouvent ne sont même pas autorisées à demander une pièce d'identité pour déterminer si une personne réside réellement dans la collectivité et a donc le droit d'y entrer. C'est de la négligence. On discrédite notre communauté et nous sommes victimes de racisme au quotidien. De plus, nous sommes aux prises avec tous les problèmes issus du colonialisme qui se produisent depuis une éternité — depuis trois siècles —, mais qui ont réellement été exacerbés au cours des 30 dernières années, depuis le siège.
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À ma connaissance, il n'y en a aucun à l'heure actuelle, car lorsque ce financement a été annoncé, un grand nombre de nos étudiants avaient déjà presque terminé. Au début, un grand nombre d'entre eux tentaient de rentrer chez eux. Certains n'ont pas pu le faire, comme je l'ai mentionné, et ils vivent donc toujours ici, à Oakville.
Nous avons encouragé un grand nombre de nos étudiants à faire une demande de financement pour les études postsecondaires. Je pense que ce processus n'est pas vraiment clair, car lorsque j'ai parlé à certains d'entre eux, ils ne savaient pas que leur bande était censée recevoir de l'argent pour les soutenir pendant leurs études. La diffusion de ces annonces est un peu comme le jeu du téléphone où le message se perd en cours de route.
De plus, il s'agit d'étudiants qui ont probablement 18, 19, 20 et peut-être même 17 ans dans certains cas. S'ils ne savent pas vraiment que ce financement existe pour eux, comment sont-ils censés le trouver? Je pense que la communication est réellement la solution dans ce cas-ci. Il est très important de simplifier le langage utilisé, car si nous utilisons un grand discours bureaucratique et gouvernemental, personne ne se sentira visé et les étudiants ne comprendront pas ce qu'on leur dit réellement.
Je crois qu'il y a aussi une certaine méfiance. En effet, je sais que certaines personnes ne font malheureusement pas confiance au gouvernement, et elles n'auront donc pas accès au soutien de cette façon non plus. Toutefois, ces personnes feraient confiance à un centre autochtone. Si nous recevions les renseignements pertinents plus rapidement, nous pourrions indiquer aux étudiants ce qui leur est offert et nous pourrions les encourager à faire une demande de financement. Je pense que c'est à ce moment-là que les bureaux régionaux ont un rôle à jouer. Selon moi, il faut renforcer les liens avec les bureaux régionaux et les établissements d'enseignement postsecondaire.
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C'est tellement essentiel. Environ 98 % de la réserve des Six Nations de la rivière Grand n'ont pas accès à un service Internet adéquat. Lorsqu'il y a un accès, il s'agit généralement d'une connexion de trois ou cinq mégaoctets par seconde.
C'est dommage que cette réserve ne se trouve pas dans le Nord ou dans un endroit éloigné. Mais elle est proche de Caledonia, de Brantford, du comté de Simcoe, de London et de Hamilton, et elle n'a donc pas accès aux services Internet à large bande appropriés. Il n'est pas impossible d'y amener ces services, mais il y a un manque d'infrastructure en ce moment.
Si nous continuons à exiger que les étudiants suivent leurs cours en ligne à l'automne — et la plupart de nos étudiants seront en ligne à l'automne, même si certains programmes ne le seront pas —, ce sera un énorme facteur pour que les étudiants puissent avoir accès aux soutiens à l'éducation.
Je joue également un autre rôle, car je fais partie du conseil d'administration d'un bureau de placement. Plus de 50 % de nos employés ne peuvent pas travailler à distance en raison de l'endroit où ils vivent dans la réserve. Ils ne peuvent pas avoir accès aux portails d'aide à l'emploi pour notre collectivité.
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C'est une bonne question.
Ce que la crise ferroviaire du mois de février nous a appris, c'est la complexité de concilier les intérêts du développement économique avec les droits ancestraux des Premières Nations sur leurs territoires traditionnels non cédés. C'est ce que nous constatons également dans la crise actuelle. Comme vous le savez, une très grande partie du territoire québécois se situe justement en territoire traditionnel autochtone non cédé, sur lequel les Premières Nations possèdent des droits, parfois même un titre ancestral, qui leur confèrent un droit au territoire lui-même.
Contrairement au peuple wet'suwet'en en Colombie-Britannique, la plupart des nations autochtones au Québec n'ont pas de gouvernement traditionnel qui puisse s'opposer aux conseils de bande des Premières Nations du Québec, sauf quelques exceptions. Les chefs et les conseillers élus exercent à la fois les pouvoirs du conseil de bande, ceux conférés par la Loi sur les Indiens, et ceux dits inhérents, dont celui à l'autonomie gouvernementale, reconnu par le droit canadien et la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Les conseils des Premières Nations sont donc des gouvernements possédant des pouvoirs qui s'étendent au-delà de la limite de la communauté.
Ce qu'il faut retenir de la crise ferroviaire et de la crise actuelle liée à la COVID-19, c'est la nécessité pour les gouvernements de reconnaître l'autorité gouvernementale des Premières Nations, non seulement sur le territoire de la réserve à proprement parler, mais sur un territoire beaucoup plus vaste qui est celui du territoire traditionnel non cédé.
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Pour répondre à cette question, je vais revenir à l'exemple de la situation au parc d'Oka.
Quand on regarde la couverture médiatique, on s'aperçoit que le Conseil mohawk a eu beaucoup de difficultés à faire passer son message et à expliquer que sa position était basée sur une responsabilité liée à la protection de la santé et de la santé publique de ses membres. Bon nombre d'articles et de reportages présentaient la situation comme étant plutôt un relent de conflits visant les revendications territoriales qui opposent Kanesatake à la municipalité d'Oka. De façon générale, je vois les mêmes enjeux que j'ai soulevés lors de mon témoignage à la Commission Viens, qui portait sur les relations entre les Autochtones et certains services publics au Québec.
La constatation la plus évidente, lorsqu'on observe la couverture médiatique concernant les Autochtones, est la présence de biais dans le travail journalistique. Personnellement, je considère qu'il y a trois grandes catégories de biais: les biais que l'on peut classer comme étant de la méconnaissance; ceux qui relèvent de la différence culturelle; et enfin ceux qui sont plutôt de nature idéologique, ce qui englobe notamment le racisme.
En plus des biais dans la couverture médiatique, il faut ajouter le fait que les leaders autochtones ont de la difficulté à passer dans les médias. On perçoit souvent une espèce d'indifférence à leur égard, ce qui fait en sorte qu'il est difficile d'exposer les questions autochtones correctement dans les médias, même si c'est d'intérêt public.
Comme vous le savez, il y a quelques années, M. Richard Desjardins a produit un film sur les Premières Nations qui s'intitulait Le peuple invisible et qui parlait justement des Anishinabes.
Dans les médias comme dans la sphère publique en général, il y a une invisibilité des Autochtones qui est, encore aujourd'hui, un enjeu bien réel et qui pose un certain nombre de problèmes. Le plus important problème, selon moi, c'est l'image déformée des Autochtones que se fait la population à leur égard, une image qui est fortement influencée par ce que les médias transmettent ou ne transmettent pas, justement.
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Absolument. La relance économique est certainement une priorité des Premières Nations, mais elle soulève beaucoup d'inquiétudes. L'une d'entre elles est la crainte que l'on ne tienne pas suffisamment compte des intérêts des Autochtones dans les plans de relance économique des gouvernements.
On le constate présentement à la lecture du projet de loi-61 du Québec. Aujourd'hui même, le chef de l'Assemblée des Premières Nations Québec-Labrador, M. Ghislain Picard, comparaissait devant la commission parlementaire chargée d'examiner ce projet de loi. Il a souligné que, malgré le contexte d'urgence, le gouvernement ne peut pas se dérober à ses obligations de consulter les Premières Nations. Il a aussi soulevé une inquiétude qui préoccupe beaucoup les Premières Nations, soit la protection de l'environnement en général, des ressources naturelles et des habitats fauniques.
Par ailleurs, le déconfinement et la relance économique doivent aussi être vus comme des occasions favorables à l'économie des entreprises et des communautés autochtones. Je trouve important de souligner ici une initiative très intéressante prise par plusieurs organisations autochtones nationales, qui ont décidé d'unir leurs forces pour aider le gouvernement fédéral à mieux répondre aux besoins des Autochtones en matière de développement économique. Ensemble, ils ont créé l'Équipe spéciale COVID-19 pour les entreprises autochtones, qui vise à donner au gouvernement du Canada une voix autochtone unifiée en cette période de crise. Je trouve cela bien et important.
Cette équipe crée actuellement une base de données exhaustive sur les entreprises autochtones, qui pourra être utilisée par les ministères fédéraux qui recherchent des fournisseurs. Elle produit également des analyses ayant trait à l'incidence de la crise sur les entreprises et les communautés autochtones afin d'assurer que le gouvernement du Canada peut fournir des mesures de soutien adéquates, équivalentes à celles offertes au reste des acteurs de l'économie canadienne. On assiste à une collaboration sans précédent et très importante, qui facilitera une meilleure représentation des Autochtones dans le plan de relance économique au Canada.
Avant de commencer, j'aimerais informer les membres du Comité que les députés suivants ont le droit de voter: Jamie Schmale, Gary Vidal, Arnold Viersen, Bob Zimmer, Sylvie Bérubé, Leah Gazan, Jaime Battiste, Pam Damoff, Marcus Powlowski, Adam van Koeverden et Lenore Zann.
Lorsque vous entendrez votre nom, veuillez attendre deux ou trois secondes avant de répondre. Votre vidéo devrait maintenant être activée. Lorsque vous entendrez votre nom, veuillez indiquer clairement et verbalement si vous êtes pour ou contre la motion.
Je vais maintenant procéder au vote par appel nominal sur la motion.
(La motion est adoptée par 11 voix contre 0. [Voir le Procès-verbal])
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Tout d'abord, je tiens à préciser que je suis une personne de la longue maison. Je ne vote donc pas aux élections du conseil de bande, car c'est un système imposé. Je sais que M. Cardinal travaille pour le conseil de bande de Kanehsatà:ke.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, notre système de gouvernance traditionnelle a été rendu illégal par une loi canadienne adoptée en 1924. La dépossession du territoire se poursuit. Par exemple, il y a des travaux de construction domiciliaire à Saint-Joseph-du-Lac, une collectivité voisine et l'état inconnu du soi-disant don écologique d'un promoteur, M. Gollin, qui a acheté des terres. Cela crée également de l'incertitude, car les conseils de bande nous excluent de tout renseignement sur les négociations. Ce sont les gouvernements traditionnels qui ont les droits inhérents et les personnes qui ont survécu à la colonisation qui ont ces droits.
Je présume que ce que je veux vraiment dire, avec tout le respect que je dois à Mme Bérubé, c'est que les questions qu'elle a posées auraient dû être posées à une personne autochtone. Je respecte M. Cardinal, et je pense qu'il a très bien répondu. J'ai seulement parfois l'impression que j'assiste à une séance d'anthropologie et je suis une tierce personne qui observe de l'extérieur pendant que des gens parlent de nous.
J'aimerais beaucoup qu'à l'avenir, tout ce qui concerne les personnes vivant dans une collectivité soit adressé aux membres de cette collectivité, car la dépossession des terres se poursuit. Le développement domiciliaire se poursuit. Une nouvelle maison a été construite à la frontière de la pinède.
Nous sommes loin d'avoir résolu les questions liées au territoire, et comme je l'ai déjà mentionné, les points de contrôle installés à Oka n'ont pas été respectés par les gens. Notre décision concernant le parc provincial d'Oka n'a pas été respectée. Je pense que le grand chef Serge a fait une bonne chose dans cette situation, mais nous sommes tellement divisés, et c'est le résultat de la coercition gouvernementale qui vise à diviser et conquérir notre communauté.
Il faut que cela cesse. Il faut trouver une solution à ce problème. Trente ans plus tard, nous arrivons à un autre anniversaire, et nous n'avons pas progressé dans la résolution de ces enjeux. Et la pandémie n'a fait qu'aggraver la situation.
J'ai deux ou trois questions pour MM. Watt et Williams.
J'ai déjà été enseignant et j'ai moi aussi écrit un cours sur la transition vers les métiers. J'ai travaillé dans les métiers également. Cet aspect de l'éducation me préoccupe beaucoup; c'est une chose que nous pouvons accomplir. Certains cours sont offerts en ligne, mais je suis sûr que pour les cours concrets et pratiques, ce sera un défi, si ce n'est pas maintenant, dans l'avenir.
Mes questions portent sur l'EPI. La question concerne les cours qui sont offerts présentement. Je sais que certains des programmes ont été interrompus.
Avez-vous eu accès à l'EPI qu'il faut pendant la crise?
Si vous pouviez seulement me répondre brièvement, j'aurai une autre question à vous poser par la suite.
Monsieur Williams, vous avez la parole.
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Que fait-on maintenant?
Je connais les défis. Mon dossier est le développement économique, donc je pose mes questions de ce point de vue. Nous devons absolument relancer nos économies, et l'éducation joue un rôle important à cet égard. En tant qu'ancien charpentier, je savais à quel point c'était important de faire entrer les étudiants sur le marché du travail.
Je suis préoccupé par l'accès à l'EPI, aux tests, etc., pour le retour à cette nouvelle normalité, car j'ai des enfants qui sont à l'école.
Il s'agit d'une mesure provisoire, mais ce n'est certainement pas ce que nous voulons.
Quand reviendra-t-on à des sessions normales où les étudiants en menuiserie feront du travail de menuiserie dans les écoles professionnelles, à votre avis? Dans combien de temps en arriverons-nous là, et l'EPI qu'il faut sera-t-il accessible? Est-ce possible?
Je demanderais à M. Williams de commencer, encore une fois.
Bonjour à tous. Je me trouve sur le territoire non cédé des Micmacs, dans le Nord de la Nouvelle-Écosse.
J'aimerais tout d'abord féliciter M. Elijah Williams pour ses étudiants qui ont obtenu leur diplôme. C'est merveilleux d'entendre cela.
Bon nombre de nos étudiants de Truro vont au Collège Sheridan pour étudier la comédie musicale et des choses comme cela, et je connais donc bien cela. C'est vraiment une très bonne nouvelle.
L'un des problèmes que j'ai vu se produire au fil des ans en éducation, c'est que mes parents étaient tous les deux enseignants et lorsque nous avons quitté l'Australie et que nous sommes arrivés en Nouvelle-Écosse, ma mère a dit que les livres qu'elle était censée utiliser pour enseigner l'histoire étaient remplis d'épithètes racistes.
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Permettez-moi de recommencer.
Écoutez, je pense que l'un des problèmes au Canada, et probablement dans la plupart des pays, c'est que lorsqu'il s'agit d'éducation, les manuels scolaires qui sont utilisés depuis des années sont racistes. Lorsque ma mère, mon père et moi avons quitté l'Australie et sommes arrivés en Nouvelle-Écosse, en 1968, ma mère était censée enseigner l'histoire et elle a dit à son groupe qu'elle allait leur montrer à quel endroit les livres d'histoire devraient se trouver. Elle les a alors jetés à la poubelle, à l'avant de la salle, et elle a dit « je refuse de vous enseigner le contenu de ces livres, car il est raciste envers la communauté noire et nos peuples des Premières nations et il est faux ». Mon père enseignait dans un collège d'enseignants, à Truro, et il n'y avait aucun enseignant micmac en Nouvelle-Écosse. Alors, lui ainsi que Noel Knockwood et Bernie Francis, deux formidables Micmacs de la Nouvelle-Écosse, ont créé un programme de formation des enseignants micmacs. C'était au début des années 1970 et ils ont formé des étudiants micmacs pour qu'ils deviennent enseignants, et 13 étudiants ont obtenu un diplôme. Un gouvernement à l'époque a éliminé ce programme par la suite. Je pense que cela fait partie du problème: il n'y a pas assez d'Autochtones et de membres des Premières Nations dans le système, et une grande partie de l'histoire que les Canadiens apprennent est fausse.
Je dirais que cela a contribué au racisme dans ce pays. J'aimerais seulement que vous me disiez tous ce que vous en pensez, si vous pensez que cela a contribué au racisme et ce que nous pouvons faire pour changer les choses.
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Eh bien, il y a des différences.
En 1990, nous avions proposé que le conseil de bande puisse s'occuper des services. C'est un prestataire de services, mais lorsqu'il s'agit de l'utilisation des terres, de développement ou de quoi que ce soit qui a trait aux terres, dont le parc d'Oka, les gouvernements traditionnels qui existent depuis des siècles sont ceux auxquels le gouvernement s'adresse. Il s'agit là de la vraie relation de nation à nation, plutôt que des relations entre le gouvernement et le conseil de bande créé par le Canada, parce qu'il relève d'Affaires autochtones et du Nord Canada. C'est un ministère en tant que tel, même s'il y a une élection.
Nous ne faisions que demander la tenue d'une réunion, ce qui nous a été refusé à maintes reprises, même par le , qui nous a dit de nous adresser à , qui nous a dit de nous adresser au conseil de bande.
Pendant ce temps, des tiers prennent nos terres. Pendant ce temps, si nous essayons de défendre nos terres en faisant des manifestations ou en érigeant des barricades, nous sommes des criminels. Comme nous l'avons constaté dans le cas des revendications des Wet'suwet'en, il semble que les autorités policières travaillent pour les tiers. Elles ne sont pas là pour défendre la sécurité des peuples autochtones, mais bien pour défendre les intérêts des sociétés. C'est ce que nous voyons partout dans les territoires autochtones.
Je suis dans la communauté micmaque d'Eskasoni, qui se trouve sur un territoire non cédé.
J'ai entendu M. Williams et Mme Gabriel parler des obstacles auxquels sont confrontés les peuples autochtones ainsi que du racisme institutionnel.
Cela me fait penser à mon ami, le regretté Donald Marshall Jr. Sa condamnation injustifiée a mis en lumière le racisme qui existe au sein du système de justice et a mené à plusieurs recommandations sur l'inclusion dans l'éducation. Je me demande quelles sont les meilleures façons de décoloniser l'éducation, d'éliminer les obstacles qui nuisent aux peuples autochtones en éducation et, en même temps, de faire en sorte que les gens prennent conscience de l'histoire et des contributions autochtones au Canada.
Si chacun de vous peut répondre en deux minutes, ce serait vraiment bien.
Je vais maintenant me tourner du côté de M. Watt, et peut-être que je reviendrai à vous par la suite, monsieur Williams, s'il me reste encore du temps.
Monsieur Watt, vous avez parlé dans votre exposé de l'éducation ancrée dans le territoire, et j'aimerais citer l'une des recommandations de votre mémoire:
La culture et l'identité inuites sont indissociables du territoire. Les programmes et les activités d'éducation ancrés dans le territoire offrent aux jeunes des possibilités d'apprentissage uniques qui les mettent en connexion avec leur langue, leur identité et leur communauté.
Chez nous, dans le nord de la Saskatchewan, nous parlons d'apprentissage sur le terrain. Je pense que c'est assez similaire à ce dont vous traitez ici, car on cherche dans les deux cas à mettre les jeunes en contact avec leur culture et leur histoire.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus long sur l'apprentissage ancré dans le territoire en nous indiquant quelle forme cela peut prendre et en quoi il est efficace pour la formation des jeunes?
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Tout récemment, un groupe d'étudiants s'est retrouvé sur le territoire où chacun a eu l'occasion d'expérimenter les rites de passage inuits.
J'estime que nous excluons trop souvent de l'éducation occidentale nos rites de passage inuits. Ceux-ci sont très similaires à une forme d'apprentissage, et je crois qu'ils sont pour nous l'occasion d'établir le lien entre l'éducation occidentale et les connaissances inuites.
Lorsque j'étais plus jeune, on m'a amené découvrir notre territoire, et je me souviens encore des choses que j'y ai apprises. Je pense qu'il est essentiel de ne pas dissocier l'éducation occidentale des connaissances traditionnelles. Il doit y avoir des façons de faire en sorte que ces deux formes d'apprentissage s'appuient et se complètent mutuellement.
Ainsi, Kativik Ilisarniliriniq est en train de concevoir une toute nouvelle approche. C'est ce que nous appelons la science environnementale inuite. Il s'agit en fait de jeter des ponts entre la science et les programmes d'apprentissage ancrés dans le territoire. C'est donc là où je voulais en venir.
Merci.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Un grand merci à tous les témoins qui participent à notre séance d'aujourd'hui. Votre contribution nous est très utile.
Je veux d'abord souligner que je me trouve actuellement sur le territoire ancestral non cédé des peuples algonquin et anishinabe ici même à Ottawa, notre capitale nationale.
Comme nous avons la chance d'accueillir des témoins qui sont inuits ou représentent les nations haudenosaunee et mohawk, j'aimerais aussi préciser que je me suis retrouvé à Ottawa indirectement à cause du kayak, une invention inuite. En tant qu'homme blanc venant d'Oakville, je suis bien conscient qu'il y a appropriation culturelle, mais je tiens à vous exprimer ma reconnaissance pour cette invention qui m'a permis d'explorer le monde, mais aussi mon propre pays.
Ma question porte sur les moyens à prendre pour que les jeunes Autochtones profitent mieux des bienfaits de l'éducation.
Je vais la poser à M. Williams et Mme Gabriel. Pourriez-vous nous expliquer un peu mieux comment l'éducation rend les jeunes plus forts en leur permettant de renouer avec leur territoire et leurs pratiques ancestrales tout en améliorant leur santé mentale et leur résilience?
La période actuelle est difficile pour les jeunes de tout le pays, mais elle l'est certes encore davantage pour ceux qui étaient vulnérables avant la pandémie. Nous avons entendu parler de tous ces jeunes qui vivent des moments pénibles, et notamment de ces étudiants qui retournent au collège ou à l'université sans savoir ce que l'avenir leur réserve. Je tiens donc à reconnaître que c'est encore plus difficile pour la plupart des jeunes Autochtones au Canada, et j'aimerais savoir comment nous pourrions mieux les aider.
Peut-être puis-je demander à Mme Gabriel de répondre d'abord.
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Merci, monsieur van Koeverden, car c'est vraiment une bonne question.
Nous avons notamment mis en place un programme d'immersion pour adultes afin de permettre aux jeunes d'apprendre la langue. C'est un peu plus difficile depuis le début de la pandémie, car tous nos locuteurs en langue autochtone sont des aînés qui n'utilisent pas vraiment Zoom. Ils commencent à peine à s'y faire.
Il est vraiment primordial que les jeunes Autochtones apprennent leur histoire, tout comme les autres Canadiens apprennent la leur.
La terre est notamment importante du fait qu'elle nous procure bon nombre de nos remèdes. Les langues sont au cœur de toutes les relations que nous nouons au sein de nos territoires. Je fais partie du clan de la tortue, et tous les autres membres de ce clan sont mes proches. C'est le lien commun avec nos ancêtres. C'est notre lien avec ce récit de la création que nous apprécions tant au sein du peuple haudenosaunee. La richesse de ces récits consolide notre identité. Comme tout le monde vous le dira, le programme d'études en place depuis trop longtemps vise seulement à ce que les jeunes terminent leur secondaire.
Je vous remercie pour la question, mais je ne veux pas prendre trop de temps, car je sais que M. Williams a sans doute beaucoup de choses à ajouter.
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J'ajouterais que nous voulons permettre aux étudiants d'explorer leur identité.
Beaucoup d'étudiants ignorent qui ils sont. Ils ne savent pas d'où ils viennent. Certains ont le statut d'Indien, mais ne savent d'où cela provient. Notre centre permet un dialogue au sujet de ces questions. Nous organisons des événements à cette fin. Nous invitons différents conférenciers. Nous avons reçu des gens comme Thomas King qui est venu pour une lecture de son livre.
L'école permet cette exploration de l'identité. En outre, à partir du moment où un étudiant fréquente l'école, il semble y avoir des cousins et d'autres proches intéressés à lui emboîter le pas. Mes nièces et mes neveux ont commencé leurs études postsecondaires. Dès qu'un exemple positif peut servir de modèle, les jeunes peuvent commencer à se voir eux-mêmes dans un établissement postsecondaire.
Il est agréable d'assister à ce vaste processus de transformation. Nous pouvons constater l'impact positif important que peut avoir l'école en suivant l'évolution d'un jeune du début de sa première année jusqu'au moment de son départ.
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Je pense que cela va bien au-delà des salles de classe. Je pense que cela dépend de la façon dont on enseigne aux gens et de ce qu'on leur enseigne.
Selon le rapport 5 du vérificateur général « Les écarts socio-économiques dans les réserves des Premières Nations », le taux de diplomation n'était que de 24 % chez les étudiants en 2016. C'est ce qu'a constaté le vérificateur général.
Nous devons vraiment nous demander si nous enseignons le bon contenu aux étudiants, si les étudiants se voient et s'il y a quelque chose qui manque dans nos politiques, parce que comme vous l'avez dit, c'est généralement l'éducation qui sort les gens de la pauvreté, mais si seuls 24 % de nos étudiants réussissent à décrocher un diplôme, c'est un grand problème. Le ministère devrait vraiment se concentrer là-dessus s'il veut stimuler la prospérité économique et le développement économique.
Ce rapport fait ressortir de grands écarts.
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Notre réunion s'achève ici, monsieur Powlowski.
Je vous remercie de cette perspective très intéressante.
Je tiens à remercier sincèrement nos témoins. Ce fut une réunion fascinante pour nous tous. Nous apprenons beaucoup, mais nous en avons encore tant à apprendre.
Je vous remercie encore une fois.
J'aimerais poser une question à la greffière, si possible.
Si je lève la séance, puis-je vous demander de rester en ligne une minute, pour poser une question à deux de nos...? Est-ce que les règles le permettent? Pouvons-nous lever la séance, mais rester en ligne 30 secondes? D'accord, elle me fait signe que oui.
La séance est donc levée.