HERI Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent du patrimoine canadien
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 28 avril 2004
¹ | 1535 |
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)) |
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC) |
La présidente |
M. Don Butcher (directeur général, Canadian Library Association) |
¹ | 1540 |
La présidente |
M. Steve Wills (gestionnaire, Affaires juridiques, Association des universités et collèges du Canada) |
¹ | 1545 |
¹ | 1550 |
La présidente |
M. Ross Mutton (membre, Association for Media and Technology in Education in Canada) |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion (directrice générale, Canadian Publishers' Council) |
º | 1605 |
º | 1610 |
La présidente |
M. Ken Weber (À titre personnel) |
º | 1615 |
La présidente |
Mme Marian Hebb (conseillière juridique, Playwrights Guild of Canada) |
º | 1620 |
º | 1625 |
La présidente |
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC) |
M. Steve Wills |
º | 1630 |
M. Jim Abbott |
Mme Marian Hebb |
º | 1635 |
M. Jim Abbott |
Mme Marian Hebb |
M. Jim Abbott |
Mme Marian Hebb |
M. Jim Abbott |
Mme Marian Hebb |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ) |
M. Ross Mutton |
º | 1640 |
La présidente |
M. Steve Wills |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
º | 1645 |
La présidente |
Mme Marian Hebb |
La présidente |
M. Ken Weber |
La présidente |
Mme Christiane Gagnon |
La présidente |
M. Steve Wills |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.) |
º | 1650 |
M. Steve Wills |
La présidente |
M. Ken Weber |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick |
La présidente |
M. Ross Mutton |
º | 1655 |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
La présidente |
L'hon. Paul Bonwick |
M. Ken Weber |
La présidente |
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.) |
» | 1700 |
M. Ross Mutton |
M. Clifford Lincoln |
M. Ross Mutton |
M. Clifford Lincoln |
M. Ross Mutton |
M. Clifford Lincoln |
» | 1705 |
M. Ross Mutton |
M. Clifford Lincoln |
M. Ross Mutton |
M. Clifford Lincoln |
La présidente |
M. Steve Wills |
La présidente |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
» | 1710 |
M. Ross Mutton |
Mme Wendy Lill |
La présidente |
M. Don Butcher |
Mme Marian Hebb |
» | 1715 |
La présidente |
M. Steve Wills |
La présidente |
Mme Wendy Lill |
La présidente |
M. Don Butcher |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
» | 1720 |
La présidente |
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.) |
La présidente |
» | 1725 |
M. Steve Wills |
La présidente |
Mme Marian Hebb |
La présidente |
M. Don Butcher |
L'hon. John Harvard |
M. Steve Wills |
L'hon. John Harvard |
M. Steve Wills |
La présidente |
Mme Marian Hebb |
» | 1730 |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
La présidente |
Mme Jacqueline Hushion |
La présidente |
M. Ross Mutton |
» | 1735 |
La présidente |
M. Steve Wills |
La présidente |
CANADA
Comité permanent du patrimoine canadien |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 28 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
La présidente (Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Bienvenue au Comité permanent du patrimoine canadien.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude du rapport d'étape du Gouvernement sur la réforme du droit d'auteur. Nous allons traiter aujourd'hui de questions relatives aux enjeux liés à l'accès et à l'apprentissage amélioré par les technologies.
Il vous faut savoir que nous espérons être en mesure de préparer la semaine prochaine un rapport que nous pourrons déposer à la Chambre. Nous envisageons avec plaisir d'entendre tous les témoins.
Monsieur Schellenberger, vous avez indiqué vouloir dire quelque chose au comité avant que nous ne commencions.
M. Gary Schellenberger (Perth—Middlesex, PCC): Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis très intéressé par tous les mémoires qui vont être déposés aujourd'hui, mais il me faudra malheureusement quitter vers 16 h pour me rendre à l'aéroport, et je m'en excuse. J'espère néanmoins que j'entendrai le gros des exposés qui seront faits, car cette cause m'intéresse énormément.
Merci.
La présidente: Merci.
Nous allons commencer avec la Canadian Library Association, ici représentée par M. Don Butcher, directeur général.
Bienvenue.
Le greffier me rappelle qu'il me faut demander à tous les témoins de s'en tenir chacun à environ huit ou dix minutes pour faire leur déclaration, afin que nous ayons du temps pour des questions.
M. Don Butcher (directeur général, Canadian Library Association): Selon notre chronomètre, notre exposé devrait durer huit minutes, alors nous verrons comment je me débrouille.
Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, la Canadian Library Association est heureuse de l'occasion qui lui est ici donnée d'entretenir le comité sur l'apprentissage amélioré par les technologies et l'utilisation d'oeuvres protégées par le droit d'auteur.
Je suis ici pour les bibliothèques et les clients des bibliothèques dans la communauté—c'est aussi simple que cela. Les utilisateurs, les bibliothèques et tout particulièrement les bibliothèques publiques dans vos localités et vos circonscriptions sont qui je représente ici aujourd'hui.
Dans son récent budget, le gouvernement a clairement exprimé son appui pour l'apprentissage permanent. Il a expliqué que pour les individus et leur famille l'acquisition de connaissances améliore les possibilités d'obtenir de meilleurs emplois et de mettre à jour ses compétences et capacités en vue de s'inscrire dans les nouvelles conditions sociales et économiques. Pour la société tout entière, l'apprentissage est la clé de l'égalité des chances, de la mobilité sociale et de la cohésion sociale. Enfin, mais ce n'est pas le moins important, l'apprentissage établit les fondations nécessaires en vue de la participation active de tous les Canadiens à une société progressiste et démocratique.
Les bibliothèques ont un rôle crucial à jouer si nous voulons être en mesure de réaliser toutes ces possibilités. À chaque étape du processus d'acquisition continue du savoir, les bibliothèques sont là, offrant un appui à l'alphabétisation et à des projets d'aide précoce à l'apprentissage, tels que Read to Me! ou lis-moi une histoire, à des programmes dans les écoles publiques, à des initiatives d'établissements postsecondaires, à l'acquisition de nouvelles compétences en vue de l'obtention de meilleurs emplois dans l'économie fondée sur le savoir, et à l'intégration de nouveaux immigrants dans le marché du travail.
Dans la majorité des cas, le rôle de la bibliothèque dans le processus d'apprentissage résulte du fait de son appartenance à une institution à vocation éducative. Dans de nombreux autres cas, comme celui des bibliothèques publiques, cela résulte du fait que la bibliothèque offre elle-même ou en partenariat avec une institution d'éducation un programme de nature éducative, comme c'est le cas à Brantford, en Ontario.
Avec l'avènement de nouvelles technologies, le rôle des bibliothèques pour faciliter voire même pour rendre possible l'apprentissage est devenu plus important que jamais auparavant. Le rôle de la bibliothèque pour combler le fossé numérique est bien reconnu. Les bibliothèques font également leur part pour étendre l'expérience de l'apprentissage au-delà des limites physiques de la salle de classe traditionnelle. Cela est tout particulièrement important dans un pays aussi vaste que le Canada et dans un pays qui croit en l'inclusion sociale.
Le comité ici réuni a beaucoup prêté l'oreille à des groupes d'intérêt soucieux de questions monétaires; il est maintenant temps d'examiner les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur à la lumière de préoccupations sociales. Le texte de la loi constitue-t-il un obstacle à l'utilisation juste et raisonnable d'oeuvres que les éducateurs et les bibliothécaires ont acquises légitimement à des fins d'apprentissage?
Le contenu de programmes déjà achetés devrait être exempté de toute autre responsabilité en matière de droit d'auteur; il doit pouvoir circuler librement parmi les intervenants engagés dans la poursuite d'éducation et de formation. C'est pourquoi la CLA exhorte le comité à recommander au gouvernement de tirer au clair les dispositions de la loi en matière d'utilisation équitable afin d'englober l'utilisation de nouvelles technologies comme moyen de livrer le contenu de programmes d'études.
Le défi auquel vous êtes confrontés, madame la présidente, est celui de savoir comment définir une catégorie d'exemption. Il vous faudra, sous la rubrique utilisation équitable, créer un environnement composé de trois éléments : les rôles sur les plans formation et éducation des institutions sans but lucratif, qui sont d'une importance fondamentale pour une société libre; l'acquisition, la préservation et le partage de ressources en matière d'information par les bibliothèques; et les merveilleuses possibilités d'extension et de rayonnement rendues possibles par les nouvelles technologies en matière d'information et de communication.
En reconnaissant ces trois éléments et en définissant une catégorie d'exceptions dans le cadre du droit d'auteur, vous ferez une contribution positive au développement sage et équitable des ressources humaines du Canada et à l'augmentation de la participation générale à l'économie fondée sur le savoir.
Il nous faudrait ajouter qu'il existe à l'heure actuelle des mesures de protection technologique telles que l'on peut empêcher tout abus de la communication de matériel didactique à des étudiants.
Je tiens par ailleurs à préciser que, de l'avis de la CLA, l'octroi de licences n'est pas la solution. Au lieu d'envisager différents modèles d'octroi de licences, comme cela est recommandé à l'alinéa b) de l'article 42 du rapport d'étape, la CLA exhorterait plutôt le comité à adopter ce que nous appelons une approche d'intérêt public en vue de régler ce problème et les deux autres questions d'accès.
¹ (1540)
Voici certaines des raisons pour lesquelles la CLA privilégierait une approche axée sur l'intérêt public plutôt qu'un système d'octroi de licences.
Premièrement, cela reconnaîtrait que les oeuvres écrites sont beaucoup plus que des produits commerciaux. Elles ont une vie intellectuelle indépendante qui ne peut pas être achetée ou consommée comme dans le cas de produits ordinaires. La nature même de ces oeuvres est telle que cela devrait déclencher une exemption. Prenez par exemple le roman de 1996 de Margaret Atwood, Alias Grace. Dans ses remerciements à la fin du livre, elle nomme une douzaine d'archivistes et de bibliothécaires qui l'avaient aidée gratuitement dans son travail. Les artistes et les créateurs doivent avoir libre accès à la recherche afin d'être en mesure d'apprendre et de créer.
Deuxièmement, cette approche axée sur l'intérêt public fait appel au gouvernement pour qu'il joue un rôle beaucoup plus actif que celui de simple arbitre entre deux groupes commerciaux concurrentiels. Bien au contraire, le gouvernement a un rôle essentiel d'intendance à jouer en ce sens qu'il doit agir dans l'intérêt de nombreux groupes sans but lucratif—dont les créateurs, les diffuseurs, les intermédiaires et les utilisateurs—qui ont eux aussi un rôle à jouer dans l'économie du savoir et qui, partant, ont des intérêts directs dans les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur.
Troisièmement, cela réaffirmerait le principe selon lequel l'alphabétisme et l'apprentissage sont des biens publics auxquels tous les membres de la société devraient avoir un accès égal. Les technologies modernes devraient être mises à la disposition de la société de façon sage et équitable, afin de surmonter les barrières traditionnelles et d'élargir le domaine public au lieu d'imposer de nouveaux obstacles et de diminuer le domaine public.
En conclusion, madame la présidente, nous exhortons le comité à recommander au gouvernement qu'il modifie la loi de façon à exempter les établissements éducatifs de toute obligation imposée par le droit d'auteur découlant de leur utilisation d'une nouvelle technologie comme moyen de livrer du contenu didactique. Nous aimerions également, si vous le permettez, remettre au greffier un mémoire qui traite de quatre des autres questions à court terme identifiées dans le Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur du ministère, en date du 24 mars 2004.
Merci de votre attention. Je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Butcher.
Nous allons maintenant entendre Steve Wills, de l'Association des universités et collèges du Canada.
M. Steve Wills (gestionnaire, Affaires juridiques, Association des universités et collèges du Canada): Bonjour, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Steve Wills et je suis gestionnaire chargé des affaires juridiques à l'Association des universités et collèges du Canada.
J'aimerais remercier la présidente et les membres du comité d'avoir donné à l'AUCC l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter du «Rapport d'étape du gouvernement sur la réforme du droit d'auteur» et plus particulièrement de la question de l'apprentissage assisté par la technologie. Avant d'aborder cette dernière question cependant, je voudrais situer le contexte.
Les établissements membres de l'AUCC sont à la fois de grands créateurs et de grands utilisateurs d'oeuvres protégées par le droit d'auteur. C'est pourquoi nous avons constamment défendu, ces dix dernières années, le maintien dans la Loi canadienne sur le droit d'auteur d'un juste équilibre entre le droit à une rémunération raisonnable des créateurs et autres détenteurs de droits pour l'utilisation de leurs oeuvres et l'intérêt public, qui est de continuer à bénéficier d'un accès raisonnable, en vertu d'exceptions limitées, aux oeuvres protégées, pour les besoins de l'enseignement, de la recherche et de la diffusion de connaissances.
Nous sommes heureux que la Cour suprême du Canada ait reconnu ces deux objectifs et la nécessité de maintenir un équilibre dans deux affaires récentes. Dans le cas de l'affaire Théberge, qui remonte à 2002, la Cour a statué que:
... on atteint le juste équilibre entre les objectifs de politique générale, dont ceux qui précèdent, non seulement en reconnaissant les droits du créateur, mais aussi en accordant l'importance qu'il convient à la nature limitée de ces droits [...] Un contrôle excessif de la part de titulaires du droit d'auteur et d'autres formes de propriété intellectuelle pourrait restreindre indûment la capacité du domaine public d'intégrer et d'embellir l'innovation créative dans l'intérêt à long terme de l'ensemble de la société, ou créer des obstacles d'ordre pratique à son utilisation légitime. Ce risque fait d'ailleurs l'objet d'une attention particulière par l'inclusion, aux articles 29 à 32.2 [de la Loi sur le droit d'auteur] d'exceptions à la violation du droit d'auteur [...] |
Dans la décision qu'elle a rendue récemment dans l'affaire du Barreau du Haut-Canada, la Cour suprême a également statué qu'«à l'instar des autres exceptions que prévoit la Loi sur le droit d'auteur, cette exception correspond à un droit des utilisateurs».
Je rappelle ces décisions parce que certaines organisations de détenteurs de droits qui ont comparu devant le comité au cours des derniers mois ont soutenu que les exceptions à la violation du droit d'auteur étaient en substance illégitimes ou injustes. Ces organisations n'ont parfois pas hésité à utiliser des mots incendiaires comme «expropriation», «vol» ou «piratage» pour décrire ces exceptions. Or, ce langage est clairement contraire aux décisions de la Cour suprême que j'ai citées. Les limites imposées aux droits des détenteurs de droits d'auteur, dont les exceptions à la violation du droit d'auteur pour des raisons de politique générale comme l'éducation, sont non seulement légitimes, mais font partie de l'équilibre devant être atteint dans la législation en matière de droits d'auteur.
La question de l'équilibre est également importante du fait que certaines organisations aient vivement encouragé le gouvernement à ratifier immédiatement les traités de 1996 de l'Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, que le gouvernement soit ou non disposé à donner suite aux questions d'accès. Selon le rapport de 2002 du ministère de l'Industrie intitulé Stimuler la culture et l'innovation: Rapport sur les dispositions et l'application de la Loi sur le droit d'auteur, l'enjeu à court terme était d'aborder les questions relatives aux traités de l'OMPI ainsi que les questions d'accès et d'utilisation à des fins éducatives. Toujours selon ce rapport, les questions d'accès et d'utilisation à des fins éducatives sont des «questions urgentes en raison de l'engagement du Canada à l'égard de l'éducation permanente, de l'innovation, de l'accès à la culture et de la nécessité de préserver un certain équilibre dans la loi». L'AUCC ne s'oppose nullement à la ratification des traités de l'OMPI. Cependant, compte tenu des décisions de la Cour suprême citées antérieurement et des conclusions du rapport du ministre de l'Industrie, nous exhortons le comité à recommander au gouvernement de procéder à la réforme à court terme du droit d'auteur de manière équilibrée et englobant non seulement la ratification des traités de l'OMPI mais aussi les questions d'accès et d'utilisation à des fins éducatives.
Passant maintenant à l'apprentissage amélioré par les technologies, une étude effectuée par Industrie Canada en 2003 sur l'incidence économique de la réforme du droit d'auteur sur l'apprentissage assisté par la technologie montrait que les établissements d'enseignement tiraient de plus en plus partie des nouveaux outils d'apprentissage et des technologies d'information et de communication de pointe, dans le but de mettre au point une enseignement mieux adapté aux besoins de différents types d'apprenants et aux exigences de l'économie du savoir. À titre d'exemple, nous pourrions citer l'utilisation des vastes ressources de l'Internet en complément des programmes de cours ainsi que l'accès à divers types d'ouvrages par l'entremise de sites de formation en ligne. Parallèlement à la multiplication des nouvelles technologies d'information et de communication, la nature même de la population étudiante est en train de changer. Les universités attirent aujourd'hui beaucoup d'étudiants plus âgés qui, pour des raisons de contraintes de temps et d'obligations familiales, veulent un accès asynchrone aux cours de formation et au matériel didactique, alors que les jeunes étudiants d'aujourd'hui s'attendent résolument à avoir accès à des outils d'apprentissage en ligne.
La Loi sur le droit d'auteur n'a malheureusement pas progressé au même rythme que ces changements. De ce fait, qu'il s'agisse d'une personne qui étudie à distance ou d'un étudiant sur le campus qui désire revoir le matériel d'apprentissage en se servant de son ordinateur à la maison, quiconque ne se trouve pas en salle de classe ne peut pas voir, entendre ou lire des ouvrages qui ont été montrés ou étudiés en classe car les dispositions de la Loi sur le droit d'auteur autorisant ces activités ont été conçues avant l'ère numérique et ne permettent pas leur communication via l'Internet.
¹ (1545)
À l'article 42, page 14, le Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur envisage deux démarches afin de régler ce problème. À notre avis, ces deux démarches ne s'excluent pas mutuellement. Nous demandons instamment au comité de donner suite à la recommandation énoncée à l'alinéa 42a) en modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour que les nouvelles technologies d'information et de communication puissent être utilisées pour acheminer le contenu de programmes d'études.
De telles modifications aideraient au moins un peu les universités canadiennes à ne pas se laisser distancer par les établissements d'enseignement américains qui ont profité dès 2002 de la Technology, Education and Copyright Harmonization Act (TEACH Act, ou loi américaine sur l'harmonisation de la technologie, de l'éducation et du droit d'auteur) qui autorise la communication électronique d'exposés ou d'exercices faits en classe.
Nous reconnaissons également que la création de nouveaux modèles de licences, prévue à l'alinéa 42b), pourrait jouer un rôle à cet égard. Comme dans le domaine de l'imprimé, cependant, l'attribution de licences devrait aller de paire avec les exceptions prévues dans la loi pour les besoins de l'enseignement et non pas les remplacer, si nous voulons que la Loi sur le droit d'auteur demeure équilibrée.
Cette mesure en soi ne mettrait cependant pas encore tous les outils dont disposent les professeurs américains à la disposition de leurs collègues canadiens en ce qui concerne le recours aux nouvelles technologies d'information et de communication pour l'enseignement du programme d'études. Par exemple, un professeur d'une université américaine peut, en vertu du principe de l'utilisation équitable à des fins éducatives, prendre une image numérique ou un petit extrait d'une oeuvre audiovisuelle, et, sans devoir obtenir la permission du détenteur de droits, les mettre à la disposition des étudiants de manière asynchrone sur un site Web de formation à accès restreint. Or, un professeur canadien ne pourrait le faire qu'en obtenant l'autorisation des détenteurs de droits d'auteur et en acquittant les droits exigés, car la disposition sur l'utilisation équitable dans la loi canadienne n'inclut pas l'enseignement dans la liste des fins autorisées. L'AUCC prie le comité de recommander au gouvernement de modifier la disposition sur l'utilisation équitable dans la Loi sur le droit d'auteur pour que l'enseignement y soit inclus.
Mes derniers commentaires porteront sur la question des licences. Certains groupes de détenteurs de droits affirment que les régimes d'octroi de licences actuels ou que l'adoption de nouveaux modèles d'attribution de licences, comme l'octroi de licences obligatoires ou élargies, permettront de résoudre tous les problèmes auxquels se heurtent les établissements d'enseignement. Il ne fait aucun doute que les régimes d'octroi de licences actuels laissent beaucoup à désirer dans de nombreux domaines. Selon l'étude effectuée par Industrie Canada sur l'apprentissage assisté par la technologie, divers facteurs, dont le coût d'obtention des autorisations voulues, l'imbroglio des droits de propriété et le processus long et compliqué à suivre pour obtenir une autorisation pour certains types d'ouvrages, ont découragé le recours aux nouvelles technologies d'information et de communication comme moyen d'acheminer le contenu de programmes d'études.
Même si le gouvernement devait envisager de nouveaux régimes d'octroi de licences, comme l'octroi de licences obligatoires ou élargies—et il me faut préciser que nous sommes favorables à l'octroi de licences volontaires, mais non pas obligatoires ou élargies—il existe une raison pratique, outre l'équilibre à réaliser, pour que la loi renferme des exceptions raisonnables pour les besoins de l'enseignement en vue de faciliter l'apprentissage assisté par la technologie.
Un pourcentage élevé des ressources documentaires et des outils d'apprentissage utilisés dans les universités canadiennes est d'origine étrangère et principalement américaine. De plus, l'étude effectuée par Industrie Canada montre que le contenu canadien sur l'Internet ne compte que pour environ 3 p. 100.
Sur le plan de la politique générale, est-il bien avisé de maintenir au Canada des lois sur le droit d'auteur plus strictes que celles des États-Unis si cela veut dire que les éducateurs canadiens seront tenus de verser des redevances aux détenteurs de droits américains pour se servir de passages de leurs oeuvres dans leurs programmes de cours, alors que les professeurs américains peuvent utiliser ces mêmes oeuvres et ce même contenu didactique sans permission et sans frais? Une telle politique défavoriserait les établissements d'enseignement canadiens dans le marché concurrentiel de l'éducation et entraînerait des sorties nettes de redevances du Canada.
En conclusion, nous exhortons le comité à appuyer la recommandation énoncée à l'alinéa 42a) du Rapport d'étape sur la réforme du droit d'auteur en modifiant la Loi sur le droit d'auteur pour que les nouvelles technologies d'information et de communication puissent être utilisées pour livrer les programmes d'études. Nous vous encourageons également à recommander que la disposition sur l'utilisation équitable soit modifiée pour s'appliquer à l'enseignement.
Avant de céder le micro, madame la présidence, j'aimerais dire ceci. Comme vous le savez, dans le cadre de la séance d'hier sur l'utilisation de l'Internet à des fins éducatives, une seule organisation à vocation éducative avait été invitée à comparaître, mais il y avait cinq organisations de détenteurs de droits d'auteur. L'AUCC demande au comité de nous accorder cinq minutes environ, ou à la fin de mes commentaires ou une fois que tous les autres témoins auront eu l'occasion de faire leur déclaration, afin que nous puissions vous soumettre nos vues sur certaines des questions qui ont été soulevées hier, ce qui aidera peut-être le comité à avoir une meilleure vision d'ensemble de l'utilisation de l'Internet à des fins éducatives.
Je vous remercie à nouveau de l'occasion qui nous a été ici donnée de comparaître devant le comité.
¹ (1550)
La présidente: Merci beaucoup. Je vais mettre votre demande en délibéré.
Nous allons maintenant passer à l'Association for Media and Technology in Education in Canada, représentée par M. Ross Mutton.
M. Ross Mutton (membre, Association for Media and Technology in Education in Canada): Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité. Je m'appelle Ross Mutton, et je suis directeur des services d'aide à l'enseignement à l'Université Carleton. Je suis membre de l'AMTEC et je représente le conseil pour tout ce qui touche aux questions de droit d'auteur.
L'AMTEC s'intéresse de très près aux modifications proposées à la Loi sur le droit d'auteur du Canada depuis la fin des années 80. Les membres de l'AMTEC viennent du secteur de l'éducation, recouvrant le jardin d'enfant jusqu'à la douzième année ainsi que le postsecondaire, et des secteurs commerciaux et de la formation. Nous nous intéressons vivement à l'utilisation des médias et de la technologie médiatique en éducation et en formation et arguons depuis longtemps que l'accès au matériel, en respectant le droit des éducateurs et le droit des créateurs à une juste rémunération, est crucial.
Nos membres, dont bon nombre oeuvrent dans des médiathèques et des centres documentaires audiovisuels, s'inscrivent entre les utilisateurs finaux côté éducation et les fournisseurs de ressources. Ils sont souvent chargés d'interpréter la loi en matière de droit d'auteur, d'éduquer les utilisateurs et d'appliquer diverses pratiques connexes.
Le mouvement de réforme du droit d'auteur au Canada doit protéger le domaine public et veiller à ce que l'utilisation équitable s'étende au contexte numérique. L'accès raisonnable est la pierre angulaire du partenariat, reconnaissant le principe du juste prix pour l'utilisation d'oeuvres protégées par le droit d'auteur tout en favorisant l'utilisation équitable, la protection du domaine public, l'accès équitable pour les étudiants et les enseignants dans tous les domaines et l'accès à des supports de rechange pour les personnes souffrant de déficience de la perception.
Les technologies de l'information et de la communication (TIC) font aujourd'hui partie intégrante de l'enseignement et de l'apprentissage au Canada. Les éducateurs utilisent les TIC pour enrichir l'expérience des étudiants en salle de classe. Ils créent des sites Web de programmes d'études qui offrent ressources pédagogiques et copies de leur matériel didactique de cours. Ils utilisent du matériel d'enseignement numérique assorti de manuels de cours. Les étudiants échangent des documents électroniques dans le cadre de groupes de discussion en ligne. Les étudiants travaillant à distance ont accès en ligne au matériel pédagogique de cours et aux ressources de bibliothèque. Courrier électronique et salons de clavardage font aujourd'hui partie de la communication instructeur-étudiant et étudiant-étudiant.
L'Association des universités et collèges du Canada estime que 50 p. 100 des cours de niveau universitaire offerts au Canada recourent d'une façon ou d'une autre à la technologie. En conséquence, lorsqu'on parle de joindre les étudiants en dehors des limites physiques de la salle de classe, cela ne s'applique pas uniquement aux étudiants à distance. De fait, l'on utilise de plus en plus souvent ces technologies pour joindre les étudiants qui se trouvent physiquement en salle de classe mais qui, en dehors de la salle de classe, ont accès à des ressources pédagogiques par d'autres moyens aux fins de révisions et d'études. La majorité des étudiants de niveau postscondaire ont accès à l'Internet à la maison et bon nombre d'entre eux ont un accès à haute vitesse. L'avenir promet une capacité accrue de transmission de fichiers audio et vidéo.
Les systèmes de gestion de cours tels WebCT et Blackboard offrent un environnement dans lequel seuls les étudiants inscrits peuvent accéder au site Web du cours et aux ressources connexes. Le logiciel utilisé facilite les annonces de cours, l'échange de courrier électronique entre l'instructeur et les étudiants, les groupes de travail d'étudiants en ligne, la livraison de ressources de cours et l'exécution d'interrogations et de tests en ligne. Ces systèmes sont utilisés pour le téléenseignement. Cependant, l'on s'en sert plus fréquemment conjointement avec des cours en salle de classe, car les étudiants s'attendent à des cours qui combinent travail en salle de classe et ressources en ligne, notamment documents de cours, présentations en PowerPoint et liens Internet.
L'Internet est souvent utilisé pour livrer des renseignements à jour et pertinents aux étudiants en salle de classe. Je vous citerai à titre d'exemples l'imagerie satellitaire à jour, les actualités via des sites de journaux accessibles en direct et des images en provenance de galeries d'art ou de musées. La technologie de l'information a sensiblement changé ce qui se passe en salle de classe et reflète ce à quoi les étudiants d'aujourd'hui s'attendent en salle de classe.
Les étudiants connaissent très bien les médias. Nous travaillons avec eux pour développer leur pensée critique et leurs compétences analytiques afin de les armer pour évaluer la vaste gamme de renseignements qui sont à leur disposition 24 heures par jour. Les étudiants sont encouragés à acquérir de bonnes connaissances médiatiques—c'est-à-dire à être capables de faire une évaluation critique des renseignements disponibles sur l'Internet, à la télévision, à la radio et dans la presse écrite. L'utilisation d'exemples et de séquences tirés des ces médias fait partie intégrante de ce processus d'études et d'apprentissage.
Un cadre éducatif efficace dans la salle de classe du XXIe siècle exige l'accès à une vaste gamme de médias qui soient pertinents, à jour et accessibles de façon fiable. Le monde numérique offre justement cela et facilite l'utilisation de ressources pertinentes et très à jour. Les questions de droits doivent être prédéterminées ou réglées instantanément afin de permettre un accès pertinent et opportun à des fins éducatives.
Les instructeurs et les étudiants sont nombreux à avoir une connaissance incomplète des questions liées au droit d'auteur et ils confondent souvent les dispositions de la loi américaine en matière d'emploi équitable (fair use) et celles de la loi canadienne en matière d'utilisation équitable (fair dealing). Nombre d'entre eux sont très étonnés d'apprendre que l'utilisation des médias en salle de classe au Canada est plus restreinte.
¹ (1555)
Ceux qui entreprennent une étude approfondie de la loi canadienne constatent qu'elle est confuse et dépassée en ce qui concerne les droits et des créateurs et des utilisateurs pour ce quiest du numérique. En fin de compte, éducateurs et étudiants veulent pouvoir recourir à la technologie numérique pour offrir et suivre leurs cours, respectivement, et il nous faut des méthodes qui fonctionnent dans le contexte éducationnel.
J'aimerais vous soumettre quatre points. Les actuelles exceptions prévues pour l'utilisation équitable et les fins éducatives doivent englober le monde numérique. Lorsqu'on parle de sortir de la salle de classe, c'est plus que l'éducation à distance. Il nous faut envisager d'inclure l'enseignement en salle de classe dans l'exception prévue en matière d'utilisation équitable. Lorsque des droits doivent être négociés, le processus doit être rapide, abordable et simple.
La première étape est de déterminer clairement que l'utilisation équitable s'applique aux oeuvres numériques. Les utilisateurs continuent d'avoir besoin du droit d'accès à l'information et au savoir, surtout dans notre économie du savoir émergente, ce afin de favoriser la créativité et une base de connaissances concurrentielles. Le pays sera d'autant plus fort s'il favorise l'acquisition de savoir et le développement de cerveaux critiques et solides capables d'asseoir notre position en cette ère de l'information et du savoir que vit l'économie mondiale.
Nous vous soumettons que le gouvernement devrait sérieusement envisager d'élargir l'utilisation équitable pour englober l'enseignement en salle de classe afin que nous demeurions concurrentiels, surtout par rapport à nos voisins américains qui bénéficient d'une telle disposition en vertu de l'exception relative à l'emploi équitable (fair use) et de la TEACH Act. Une telle disposition faciliterait l'utilisation limitée d'oeuvres pour appuyer l'entreprise de l'enseignement. À l'heure actuelle, l'utilisation équitable au Canada ne s'applique qu'aux études et aux recherches privées et n'englobe pas l'enseignement en salle de classe. Ne sont par exemple pas couvertes, au titre de l'utilisation équitable, l'utilisation de séquences pour analyser les reportages médiatiques et les bulletins de nouvelles, l'utilisation de séquences dans les présentations faites par les étudiants et l'utilisation comme matériel pédagogique de graphiques tirés de livres.
L'enseignement en salle de classe doit également tenir compte de l'utilisation de moyens d'accès numérique à l'extérieur de la salle de classe même. Le matériel qui peut être légalement montré en salle de classe devrait être disponible pour examen et étude à l'extérieur de la salle de classe. L'acquisition de connaissances n'est pas limitée aux réunions en face à face entre étudiants et enseignants. Le système de gestion de cours évoqué plus haut offre des mesures de protection en matière d'accès et de distribution. Il importe que l'on harmonise l'accessibilité du matériel pédagogique pendant les heures de classe et en dehors des heures de classe.
Au-delà de l'utilisation équitable, il est essentiel que l'obtention de droits relativement au matériel numérique devant servir à appuyer l'enseignement et l'apprentissage relève d'un processus simple, rapide et abordable. L'idéal serait un service centralisé, mais les modèles actuels posent différents problèmes. Les organisations qui s'occupent présentement de négociation de droits ne représentent pas tous les détenteurs de droits. Cela est parfois dû à la multitude de droits qui sont liés à une oeuvre donnée; dans d'autres cas, c'est à cause de restrictions applicables aux signataires de sociétés de gestion collective. C'est ainsi que nous nous voyons obligés de maintenir nos propres services pour négocier les droits ou de transférer cette responsabilité à l'instructeur.
Lorsqu'on compare la négociation de droits par le biais d'une société de gestion collective et la négociation de droits directement avec le détenteur des droits, il ressort que la méthode directe serait plus rapide, meilleur marché et plus simple. Or, ce n'est pas ce que nous préférerions. Nous préférerions traiter avec un point de contact centralisé, simplifié, efficace et efficient. Or, ce n'est pas cela que nous avons vécu avec les sociétés de gestion collective avec lesquelles nous traitons à l'heure actuelle, notamment Access Copyright et l'ERCC.
Les utilisateurs à des fins éducatives doivent avoir la liberté d'utiliser des parties d'oeuvres pour en faire une évaluation critique et pour comprendre les différents dossiers. Je vous citerai à titre d'exemple l'examen du sexisme dans les annonces à la télévision, l'étude de la culture populaire, l'analyse des reportages de journalistes et la critique d'oeuvres artistiques. Les technologies de l'information et de la communication facilitent toutes ces choses et les rendent plus pertinentes pour les étudiants du fait de la variété de ressources que l'on peut livrer à la classe. Ces ressources sont par ailleurs, de par leur nature même, sans cesse mises à jour. Or, les droits énoncés dans la loi nous empêchent de progresser et ont une incidence sur la qualité de l'enseignement que nous pouvons offrir à nos étudiants.
Il nous faut en fin de compte établir un équilibre qui appuie la distribution de matériel pédagogique commercial tout en tenant compte des droits et des besoins des utilisateurs, nos étudiants qui sont en train de se renseigner sur notre pays et sur le monde. Les technologies de l'information et de la communication et l'Internet ont eu un effet marquant sur ce que nous pouvons livrer en salle de classe, surtout dans le contexte canadien. Des oeuvres que l'on n'avait autrefois pas les moyens de livrer à un auditoire canadien du fait de la petitesse de notre marché peuvent aujourd'hui être proposées. Cela enthousiasme et nos enseignants et nos étudiants.
Le travail de Rescol au cours de la dernière décennie a élargi le monde pour la salle de classe. L'Internet, autrefois un réseau de recherche, est devenu une ressource de salle de classe, d'enseignement et d'apprentissage dans le monde postsecondaire. Il nous faut un système de gestion des droits qui soit pratique et abordable et qui permette aux enseignants et aux étudiants de se consacrer à ce qu'ils prisent le plus : enseigner et apprendre. Ce sont eux notre avenir.
Merci, madame la présidente.
º (1600)
La présidente: Merci beaucoup, monsieur Mutton.
Nous allons maintenant entendre Jacqueline Hushion, directrice générale du Canadian Publishers' Council.
Bienvenue.
Mme Jacqueline Hushion (directrice générale, Canadian Publishers' Council): Merci, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité, d'avoir invité le Council à venir ici aujourd'hui. Je suis heureuse de comparaître de nouveau devant vous. Je suis toujours directrice générale du Canadian Publishers' Council.
Comme vous le savez, nous sommes une association professionnelle qui a été fondée il y a près de 100 ans, et lorsque je parcoure la belle calligraphie de nos anciens procès-verbaux, je relève l'expression «droit d'auteur», à chaque page.
Nos membres sont des éditeurs d'ouvrages pour les cycles primaire et secondaire, postsecondaire et supérieur, d'ouvrages d'érudition, de revues professionnelles, d'ouvrages de fiction et d'ouvrages non-romanesques pour les jeunes et les adultes, de publications juridiques en format imprimé ou téléchargeable et d'autres types d'oeuvres.
Le chiffre de ventes global des ouvrages de nos membres représente plus de 80 p. 100 de la valeur annuelle de la totalité des ventes de livres au Canada. Cela inclut des ouvrages originaux canadiens et importés. Comptent parmi nos membres les quatre plus grosses maisons d'édition d'ouvrages éducatifs offerts sur Internet au monde.
La politique du droit d'auteur vise à permettre aux titulaires de droits d'accorder l'accès à leurs oeuvres par le biais de l'exploitation commerciale positive de celles-ci. L'à-propos des exceptions est déterminé grâce à des principes reconnus internationalement. Ces exceptions ne doivent jamais être préjudiciables aux intérêts des créateurs. Je pense que c'est là l'essentiel pour notre communauté.
Auteurs et éditeurs doivent être rémunérés pour l'utilisation de leurs oeuvres. Ce concept vaut autant pour le matériel imprimé que pour l'environnement numérique, et l'Internet n'est à bien des égards qu'un canal de transmission de plus. Nous respectons et comprenons les inquiétudes des utilisateurs de matériel protégé concernant la possibilité de se voir bloquer l'accès légitime aux oeuvres dans l'environnement numérique. Le fait de barrer l'accès aux oeuvres que les éditeurs veulent introduire dans le marché en ligne ne serait pas une bonne chose pour les affaires. L'objectif de nos membres est de répondre aux besoins de propriété intellectuelle de leurs clients d'une manière fluide, souple et abordable. J'y reviendrai.
Comme l'a dit M. Mutton, les modèles actuels d'apprentissage amélioré par la technologie sont gérés par les éducateurs. Ils stimulent l'expérience de l'étudiant en salle de classe. Ils font appel, par exemple, à WebEx, NetMeting ou PowerPoint. L'accès est réservé aux étudiants autorisés à ouvrir une session et munis d'un mot de passe. Ces modèles sont présentement appuyés par les éditeurs et par Access Copyright et disposent d'un cadre administratif.
Il y a ensuite le modèle « gratuit ». Il s'agit normalement de fichiers PDF qui sont transmis numériquement à l'élève dans les limites physiques d'une salle de classe. La situation est exactement la même pour l'étudiant à distance. Il y a aussi l'enseignement distribué par le biais d'applications Web comme WebCT et Blackboard, dont M. Mutton a fait état.
Cette méthodologie d'acheminement de l'enseignement à des étudiants à distance est entièrement contrôlée par des mesures de protection technologique. L'étudiant doit être inscrit au cours et doit s'être vu attribuer un mot de passe. Chose intéressante, avec ce modèle, les questions de propriété sont nombreuses. La propriété revient-elle à l'éditeur? À l'enseignant, qui est également un auteur? Revient-elle à l'université, qui a demandé au professeur de créer le cours? L'oeuvre est-elle à louer? Le milieu de l'édition, au sens le plus strict du terme, n'est pas le seul à être intéressé à protéger ses intérêts en matière de propriété intellectuelle dans le milieu en ligne.
Il y a également le modèle livré sur le Web, comme celui d'Athabasca College.
M. Wills a parlé de la TEACH Act aux États-Unis. Il s'agit d'une exception extrêmement limitée et étroite qui, d'après ce que nous avons compris, frustre aux États-Unis beaucoup de ceux qui doivent y recourir. Elle n'offre que très peu de marge de manoeuvre. Elle n'assure que très peu de liberté qu'à ceux qui s'y soumettent et exige certains documents. Chaque université doit élaborer un manuel en matière d'apprentissage à distance et de propriété intellectuelle pour que la TEACH Act puisse être utilisée comme il se doit dans l'université.
En fait, l'octroi de licences est plus flexible qu'une exception étroite comme celle offerte par la TEACH Act, car l'octroi de licences est élastique.
º (1605)
La Concord Law School a produit 13 diplômés en octobre 2003. Elle n'a pas de campus, n'a pas de bâtiment, est virtuelle à 100 p. 100 et est gérée par voie d'octroi de licences. L'Université Capella a un cours différent, selon le New York Times de dimanche dernier. Elle forme des employés pour 1 400 entreprises et organismes gouvernementaux nord-américains. Fondée par les anciens présidents de trois établissements postsecondaires, l'une au Canada et deux aux États-Unis, elle n'a pas de campus. L'Université de Phoenix a 91 centres d'apprentissage regroupant 99 457 étudiants en ligne à temps plein. Ces progrès sont appuyés par des lois qui reconnaissent et protègent la propriété intellectuelle, et sont gérés par voie de licences.
Le gouvernement devrait encourager Access Copyright à offrir dans un environnement numérique des services aussi vastes que ceux qu'il offre dans l'environnement papier. Access Copyright s'est déjà vu reconnaître des droits numériques de différents types, et d'autres droits vont suivre, en tout cas selon les clients membres que je représente, une fois qu'on aura mis en oeuvre un régime de licences étendues. Ce régime leur donnera la confiance requise pour accorder ces droits à Access Copyright, de telle sorte que les statistiques que je viens de vous citer puissent devenir des statistiques canadiennes. Les exceptions sont considérées comme un échec du marché. Il n'y a pas d'échec ici. Vous ne pouvez pas savoir exactement ce qui est accordé lorsqu'il y a une exception : qui sait ce que sera devenu le modèle d'affaires dans deux ans? Qui sait ce qu'il sera devenu dans deux mois? Nous pourrions très bien rapidement couper l'herbe sous le pied à la communauté des créateurs/producteurs.
Les licences peuvent être modifiées rapidement pour tenir compte de nouveaux besoins chez l'utilisateur. Si l'équilibre venait à défavoriser les utilisateurs, alors, bien sûr, les personnes ayant conçu le contenu pour les utilisateurs voudraient régler leurs propres problèmes. On ne peut pas modifier les lois aussi vite que les licences. Les titulaires de droits tiennent à savoir où leurs oeuvres sont utilisées et à quelles fins. Mais ils accordent souvent une permission gratuite. Access Copyright peut également renoncer aux honoraires dans certaines circonstances. Tout cela est négociable. Comme l'a dit Don Butcher, ce n'est pas qu'une question d'argent.
En ce qui concerne le paragraphe 42 du rapport, nous ne pourrions absolument pas appuyer un amendement qui exempterait les établissements d'enseignement d'une responsabilité additionnelle au titre du droit d'auteur pour l'utilisation des TIC. Nous envisageons les licences pour l'utilisation des TIC en rapport avec l'utilisation de matériel protégé à des fins éducatives comme point de départ, mais avant de s'engager dans des programmes exhaustifs et dispendieux conçus pour la création et la distribution de programmes à des centres d'apprentissage à distance, il faudrait que chaque université réalise une vérification de la propriété intellectuelle et tous les points sur lesquels on s'accorde devraient être notés par écrit et toutes les questions relatives à la propriété et aux droits d'exploiter le matériel résolues.
N'est-il pas plus censé et tellement plus simple de mettre en oeuvre un régime de licences étendues? Si l'on devait par la suite connaître l'échec sur le marché, nous n'aurions alors d'autre choix que d'y réagir, mais je ne pense pas que cela arrive.
Merci.
º (1610)
La présidente: Merci beaucoup.
Monsieur Weber.
M. Ken Weber (À titre personnel): Merci beaucoup, madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du comité.
Je suis en effet une anomalie sur la liste car je comparais ici à titre personnel. Je ne représente aucune organisation. Je suis professeur émérite à l'Université de Toronto et j'ai plus de 40 années d'expérience aux niveaux élémentaire, secondaire et universitaire. Au lieu de représenter une organisation, donc, je suis un Canadien qui est très touché, sur tous les plans, par le droit d'auteur. Je suis un utilisateur de matériel pédagogique protégé par le droit d'auteur. Je suis le créateur de matériel pédagogique protégé par le droit d'auteur. J'ai présentement à mon actif quatre textes savants et 15 textes de niveau élémentaire ou secondaire qui ont été publiés. J'ai également une modeste maison d'édition.
Lorsqu'un professeur ouvre sa bouche, il en sort habituellement 50 minutes de paroles. Je vais me limiter à 10. Je tiens à ajouter ma voix à celle de ceux qui comprennent la nécessité absolue, dans ce monde numérique, d'avoir des sociétés de gestion collective des droits d'auteur. J'ai une expérience considérable de la façon dont les choses se sont passées pendant des années et de ce qui se passe dans le monde de l'imprimé.
Mon domaine est celui de l'éducation spécialisée. Lorsque ma carrière a débuté il y a de cela 41 ans, l'éducation spécialisée était presque un désert. Il n'y avait pas de précédents, pas d'infrastructure et, ce qui était le plus malheureux et le plus frustrant pour nous tous, il n'y avait pas de ressources pédagogiques. Il n'y avait absolument rien que nous puissions utiliser avec ces jeunes gens nécessiteux. La plupart d'entre nous passions du temps infini à bricoler du matériel didactique en amateur, reproduisant le tout avec ces vieux duplicateurs à carbones. Un avantage corollaire discutable, bien sûr, était que dans mes cours de comportement, les élèves étaient toujours ravis de pouvoir renifler l'encre sur les feuilles qui sortaient du duplicateur à carbones, heureusement avec des résultats limités. Graduellement, des maisons d'édition nous sont venues en aide et ont commencé à nous livrer du matériel moins volumineux, plus ciblé et plus gérable—du matériel pédagogique dont nous avions besoin.
Permettez-moi de vous donner un exemple et de vous en expliquer également son sort. Je suis peut-être l'une des rares personnes ici qui soit assez vieille pour me rappeler des documents à la diazocopie que l'on utilisait dans le milieu de l'éducation. Il s'agissait de documents assez simples que l'on pouvait reproduire sur le duplicateur, avec de petits textes très ciblés qui étaient extrêmement utiles pour les périodes propres à l'enseignement. En fait l'éducation spécialisée est dans une très large mesure responsable de la création de la période propre à l'enseignement, aujourd'hui appelée période propre à l'apprentissage. En un sens, les documents ozalid à reproduire n'étaient pas très différents des licences, car ils expiraient. Vous ne pouviez les utiliser que pour une période de temps donnée, et vous payiez donc une utilisation limitée. Le créateur se faisait payer, les enfants en bénéficiaient et les enseignants aussi. Il y a eu plusieurs autres types de publications du genre, mais je ne vais pas essayer de les énumérer ici.
Les photocopieurs sont arrivés sur le marché peu après, pour balayer carrément tout le reste. Les photocopieuses sont devenues très sophistiquées et perfectionnées et, bien sûr, on les a retrouvées dans les écoles. Étant donné la confusion massive chez les enseignants quant à ce qui constitue une exception au droit d'auteur et ce qui n'en constitue pas, il s'est fait du photocopiage en masse. Par suite de cela, toutes ces précieuses publications que nous avions ont simplement disparu. Les maisons d'édition ont, ce qui était parfaitement raisonnable, cessé de les produire, étant donné qu'il n'y avait pas d'argent à gagner. C'est ainsi que, pour la deuxième fois dans la carrière, nous nous sommes retrouvés dans le désert.
C'est peu après cela—mais ce n'est pas venu assez vite—qu'Access Copyright a vu le jour, alors sous le nom de CANCOPY. Grâce à son travail, cette boîte a sauvé le gros du domaine d'éducation que je connais en permettant aux utilisateurs d'accéder légalement aux ressources et en permettant aux créateurs de toucher la rémunération dont ils avaient besoin, afin de pouvoir continuer de produire du matériel pédagogique. Sur papier en tout cas, le système fonctionne, et il fonctionne très bien pour ces trois éléments, soit les maisons d'édition, les producteurs et, surtout, les utilisateurs. Ma crainte est que si un système semblable n'est pas créé dans le monde numérique, les utilisateurs, plus particulièrement, se retrouveront de nouveau dans le désert, car les créateurs et les maisons d'édition fermeront tout simplement boutique.
º (1615)
J'aimerais vous montrer un exemple que j'ai apporté avec moi. Voici l'un de mes livres. Il s'intitule Special Education in Ontario Schools. Cela vous intéressera peut-être de savoir que l'on s'en sert dans six autres provinces, en dépit du titre, et que c'est un ouvrage très populaire dans l'éducation à distance. L'ouvrage est la distillation de 40 années d'expérience pratique en éducation spécialisée. Il est très populaire. Il est produit à un coût très raisonnable, car je suis rémunéré. C'est la cinquième édition. La cinquième édition est sortie il y a à peine deux semaines. J'ai sorti cette cinquième édition car je continue, comme je le disais, d'être rémunéré pour la production. Étant donné le grand usage qu'on en fait en éducation spécialisée, lorsque le moment sera venu d'envisager une sixième édition, il y a très peu de doute que l'incidence du monde numérique devra entrer en ligne de compte, et il est très probable que cela aura une incidence directe sur la décision de produire ou non une sixième édition. Je peux vous dire en toute franchise que s'il n'y a pas de mécanisme de rémunération sûr, genre société de gestion de droits d'auteur, alors il n'y aura tout simplement pas de sixième édition. Il s'agit manifestement d'une ressource dont veulent les enseignants, si l'on en juge par le fait que l'on s'en serve dans six autres provinces.
En résumé, ce que vous ferez en créant une licence collective pour le monde numérique c'est protéger les créateurs comme moi et, en même temps, bénéficier aux usagers comme moi en veillant à ce que l'on continue de produire du matériel didactique.
Merci beaucoup.
La présidente: Merci beaucoup.
Notre dernière invitée, mais non la moindre, est Marian Hebb, de la Playwrights Guild of Canada. Bienvenue une nouvelle fois devant le comité.
Mme Marian Hebb (conseillière juridique, Playwrights Guild of Canada): Merci, madame la présidente, et merci aux membres du comité.
La Playwrights Guild of Canada représente les dramaturges professionnels oeuvrant surtout en anglais. La guilde, certifiée comme organisation d'artistes en vertu de la Loi sur le statut de l'artiste, réunit près de 400 membres professionnels et 100 membres associés qui, ensemble, représentent la majorité des dramaturges professionnels travaillant au Canada dans des langues autres que le français.
Nos membres appartiennent également à Access Copyright, qui accorde des licences pour la reproduction de parties de pièces produites en format écrit. Jusqu'ici, l'on aura principalement recouru à la reprographie, copiant une page de texte imprimé sur une autre feuille de papier, mais nos membres souhaitent également qu'Access Copyright accorde des licences pour la reproduction numérique de leurs oeuvres. Si cela ne se fait pas, les gens seront nombreux à tout simplement se servir et piocher dans l'oeuvre d'un auteur où qu'ils la trouvent, possiblement sur l'Internet—probablement sur l'Internet. Il y en aura qui, s'ils ne trouvent pas l'oeuvre déjà numérisée, entreprendront de la scanner eux-mêmes et de l'utiliser sans autorisation; d'autres récupéreront des copies numériques, et ainsi de suite.
Il est déjà difficile de protéger aujourd'hui dans le monde de l'imprimé les droits d'un auteur, mais la difficulté est multipliée lorsque l'oeuvre d'un auteur est disponible sur l'Internet. Les auteurs ne peuvent maintenir un certain contrôle que grâce à l'intervention de sociétés de gestion collective par le biais de l'octroi de licences, du contrôle et de l'exercice de leurs droits. Notre organisation, tout comme Access Copyright, est une société de gestion collective; elle administre les droits qui ne sont pas administrés par les membres eux-mêmes ou par Access Copyright.
La Playwrights Guild distribue des pièces de théâtre canadiennes depuis ses débuts en 1973. Nous octroyons des licences aux fins d'exécution publique des oeuvres de nos membres. Nous sommes particulièrement fiers du fait qu'au cours des trois dernières années nous ayons élaboré un nouveau modèle d'entreprise et nous avons récemment commencé à présenter nos pièces en mode numérique. Nous avons un site Web qui offrira de plus en plus de ressources supplémentaires susceptibles d'intéresser les étudiants et d'autres qui sont sensibles à la littérature et au théâtre. Nous avons consenti énormément de temps, d'argent et d'autres ressources à l'offre de scripts en ligne. Cette initiative a été lancée en partenariat avec notre organisation soeur québécoise, l'AQAD, et Access Copyright. Cela n'aurait pas été possible sans l'aide financière considérable consentie par le gouvernement canadien et son engagement à distribuer par voie électronique du matériel culturel canadien.
Le catalogue tout entier des pièces des membres de la guilde est disponible pour furetage en ligne, et les pièces qui ne sont pas encore disponibles en numérique continuent d'être distribuées sur copie papier. Si vous trouvez une pièce qui vous intéresse, vous pouvez vérifier pour voir si elle est disponible en format numérique. Si elle l'est, vous pouvez alors en lire les cinq premières pages. Si vous voulez en lire davantage, vous vous inscrivez et vous accédez à notre système pour lire le reste de la pièce. Si vous voulez acheter une licence pour imprimer une ou plusieurs copies, vous vous inscrivez et vous accédez au système de gestion des droits d'Access Copyright. Pour acheter une pièce—c'est-à-dire pour faire plus que la lire—et pour l'imprimer, il vous faut accepter les conditions de licence. Les paiements sont fonction du nombre d'exemplaires que vous achetez, mais vous pouvez lire les pièces en ligne sans frais.
Notre intention est à la longue de numériser et de rendre disponible la totalité de nos scripts, qui sont au nombre de plus de 3 000. La guilde possède une très précieuse ressource qui n'existe que dans quelques rares pays. Il s'agit sans doute de la collection la plus exhaustive de pièces de dramaturges nationaux au monde, et elle va bientôt être à la disposition de quiconque a accès à l'Internet et à une imprimante.
Cela est prometteur mais en même temps effrayant. Les dramaturges veulent voir leurs pièces rejoindre des publics de plus en plus importants et au Canada et ailleurs, mais ils souhaitent en même temps maintenir un contrôle raisonnable sur leurs oeuvres et toucher une rémunération qui soit juste. Le service de livraison de la guilde maintient sa promesse d'augmenter les revenus pour nos membres, mais nous sommes sérieusement préoccupés par les perspectives de l'adoption de nouvelles modifications à la Loi sur le droit d'auteur, et nous songeons tout particulièrement aux exemptions des droits d'auteur que demandent principalement les éducateurs.
L'apprentissage amélioré par les technologies est un merveilleux outil pour les étudiants en milieu scolaire et universitaire, et tout particulièrement pour ceux qui ne peuvent bénéficier que de programmes d'éducation à distance et ceux qui souhaitent acquérir des connaissances à l'extérieur du cadre institutionnel régulier dans le contexte de ce que l'on appelle l'apprentissage permanent. Nous partageons l'enthousiasme des éducateurs quant aux possibilités qu'ont amenées la numérisation et l'Internet. Nous souhaitons que nos pièces soient lues et jouées, et les dramaturges veulent en tirer un revenu raisonnable, mais la plupart n'y parviennent pas. Le revenu professionnel moyen du dramaturge dans ce pays est inférieur à 10 000 $.
º (1620)
La guilde est une société de gestion collective. Elle est en mesure de livrer ce que les gens veulent, là où cela est approprié, en vertu de licences générales qui accorderaient aux éducateurs et à leurs étudiants un accès immédiat aux oeuvres protégées au fur et à mesure de la demande. Access Copyright serait en mesure de faire la même chose en ce qui concerne la reprographie et certaines utilisations numériques des oeuvres de nos membres.
La Convention de Berne, à laquelle le Canada a adhéré, dit:
Est réservée aux législations des pays de l'Union la faculté de permettre la reproduction desdites oeuvres dans certains cas spéciaux, pourvu qu'une telle reproduction ne porte pas atteinte à l'exploitation normale de l'oeuvre ni ne cause un préjudice injustifié aux intérêts légitimes de l'auteur. |
L'Accord sur les ADPIC, qui est une annexe à l'Accord relatif à l'OMC à laquelle adhère également le Canada, renferme un libellé semblable à celui-ci, autorisant certaines limites et exceptions aux droits d'auteur, comme le fait d'ailleurs l'article 10 du Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, que le Canada a signé en 1997, mais qui n'a malheureusement pas été ratifié.
Nous vous soumettons qu'une exception eu égard à l'apprentissage amélioré par les technologies irait à l'encontre de nos intérêts légitimes et de notre capacité d'exploiter nos oeuvres dans le contexte du modèle d'affaires que nous avons élaboré en vue de la distribution en ligne de nos oeuvres protégées par le droit d'auteur, qu'il s'agisse de scripts ou d'écrits autres. Il pourrait par exemple s'agir d'entrevues d'auteurs ou de biographies d'écrivains. Il n'est nullement nécessaire qu'il y ait une exception pour que l'accès soit possible.
Nous pensons que le prix est juste. Par exemple, 4 $ sont versés à un dramaturge lorsqu'est téléchargée et imprimée la première copie de sa pièce en entier. S'il y a désaccord quant au montant du paiement, la Commission du droit d'auteur est autorisée à apporter des changements aux royalties que nous demandons. Il n'est nullement besoin d'une exception pour l'apprentissage amélioré par les technologies. Nos membres sont prêts à accorder des licences pour leurs oeuvres et en mesure de le faire.
Notre guilde représente sans doute plus de 90 p. 100 des dramaturges professionnels oeuvrant dans ce pays, mais nous reconnaissons néanmoins qu'il existe certains trous dans notre répertoire. Il y aura toujours des trous dans le répertoire d'une société de gestion collective, et cela a été mentionné par les représentants de l'AMTEC. Nous sommes donc en faveur de l'introduction d'une licence collective élargie, qui nous permettrait d'accorder des licences et d'offrir au public accès aux oeuvres des auteurs dramatiques que nous ne représentons pas, qui ne se sont pas officiellement inscrits auprès de nous, y compris les dramaturges d'autres pays. Chacun serait libre de se soustraire au système, mais d'après l'expérience vécue par les sociétés de gestion collective d'autres pays, rares sont ceux qui le font.
Nos membres ont déjà essuyé un très dur coup. Une modification apportée en 1997 à la Loi sur le droit d'auteur a sérieusement réduit la possibilité pour nos membres de contrôler l'utilisation faite de leurs oeuvres aux fins de représentations en direct dans les écoles. C'est ainsi que les auteurs dramatiques ont subi une baisse considérable de leurs revenus.
En conclusion, nous vous soumettons, à vous les législateurs, qu'il serait mal à propos et néfaste pour l'esprit des engagements internationaux du Canada de faire quoi que ce soit qui enlève aux auteurs et aux autres détenteurs de droits la possibilité d'être payés pour leur travail là où ils ont donné la preuve concrète qu'ils sont prêts, désireux et capables de satisfaire les exigences raisonnables des utilisateurs.
Merci beaucoup.
º (1625)
La présidente: Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer aux questions.
Monsieur Abbott.
M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, PCC): Merci.
J'ai le sentiment qu'il n'y a pas unanimité au sein du panel.
Je ne sais vraiment pas par où commencer, car je ne veux pas ici lâcher le renard dans le poulailler. Je suis certain que dans le cadre de nos échanges vous aurez tous et chacun l'occasion de nous exposer votre perspective particulière.
Monsieur Wills, vous avez mentionné l'une des choses qui m'intéressent, soit l'idée d'une certaine symétrie par rapport à la loi et aux règlements américains. Étant donné que nous sommes tout préoccupés par la place qu'occupe le Canada dans le monde et par l'importance du maintien de notre propre loi, de quelle façon recommanderiez-vous que nous procédions en la matière? En d'autres termes, du simple fait que nous ayons un jeu donné de lois et de règlements chez... un fournisseur dominant de culture à l'échelle mondiale, où devons-nous tracer la ligne entre simplement dire, d'accord, c'est ce que nous faisons, alors c'est ce que nous allons faire...? Ne prenez pas cela comme un reproche. Je vous invite simplement à nous aider, nous les législateurs, à établir des frontières et des paramètres raisonnables.
M. Steve Wills: Je vous répondrai que je n'ai pas soulevé la question des États-Unis dans le but de dire qu'il nous faudrait reproduire tout ce que font les Américains. Si j'en ai fait état c'était en partie pour dire qu'ils ont fait un choix de politique dans le contexte des besoins en matière d'éducation dans le monde numérique; ils ont apporté des changements législatifs de façon à faciliter l'apprentissage amélioré par les technologies, car ils comprennent l'importance de la nature changeante de l'éducation et la nécessité que les lois s'y adaptent.
Prenons, par exemple, l'utilisation des nouvelles technologies de l'information et de la communication. Mme Hushion a parlé de ces genres de technologies à l'Internet et a dit, en définitive, qu'elles ne constituent qu'encore une autre mécanisme de livraison.
Nous, nous parlons d'exceptions à cet égard qui existent déjà dans la loi. La décision politique a été prise d'exempter ces activités particulières, et tout ce que nous disons c'est que la loi devrait défaire le mur; que ce n'est pas juste, à cause de la nature changeante du corps étudiant, à cause de la nature changeante de la technologie, que les étudiants qui se retrouvent à l'extérieur de la salle de classe ne soient pas en mesure de bénéficier de la même formation que ceux qui se trouvent en salle de classe. Nous pensons que l'approche adoptée par les États-Unis à cet égard est une chose que le Canada devrait envisager, une chose que nous devrions selon nous envisager d'inscrire dans notre loi.
J'aimerais faire un commentaire supplémentaire au sujet des obligations internationales. D'aucuns sont préoccupés par la question du respect et de l'exécution de nos obligations internationales. Ces mêmes traités de l'OMPI que les détenteurs de droits ont si hâte de voir mis en oeuvre renferment justement une disposition relative aux limites et exceptions. Les déclarations consensuelles sur le Traité de l'OMPI sur le droit d'auteur, par exemple, disent clairement que les parties au traité pensent que les exceptions actuelles pourront être adaptées à l'environnement numérique et que de nouvelles exceptions pourront être créées et conçues pour le milieu numérique en particulier.
J'ajouterai que la Convention de Berne, qui est sans doute le principal document régissant présentement les relations internationales en matière de droits d'auteur, comporte un processus à trois étapes pour les exceptions. Comme l'a expliqué Mme Hushion, il faut se demander si l'on entrave ou non l'exploitation normale de l'oeuvre, etc.
L'OMPI a commandé une étude sur les limites et les exceptions, étude qui a été publiée il y a environ un an ou deux. Contrairement à la proposition énoncée dans l'un des exposés que nous venons d'entendre et selon laquelle il faut qu'il y ait échec sur le marché avant d'accorder une exception, l'auteur de cette étude a indiqué qu'il faut tenir compte des considérations en matière de politique publique et décider si le détenteur des droits devrait ou non être autorisé à contrôler une activité donnée, et non pas s'il pourrait contrôler cette activité. J'estime que c'est là un facteur important qu'il nous faut garder à l'esprit s'agissant de savoir ce qu'il nous faut faire avec notre loi.
Enfin, je tiens à souligner que la Convention de Berne renferme également au paragraphe 10(2) une disposition qui prévoit explicitement l'utilisation d'oeuvres à titre d'illustration de l'enseignement sous réserve qu'une telle utilisation soit conforme aux bons usages. En gros, je considère que cela doit servir de ligne directrice pour les différents pays, signifiant que s'ils veulent, par exemple, comme nous l'avons suggéré, autoriser l'emploi équitable ou l'utilisation équitable à des fins d'enseignement, alors ce devrait être autorisé.
º (1630)
M. Jim Abbott: Madame Hebb, mon attention a été captée lorsque vous avez employé le terme «société de gestion collective», car il y a ici de nombreuses questions—pas directement liées à ce dont nous parlons ici. Il me faudrait un petit éclaircissement.
J'ai peut-être mal compris. J'ai eu l'impression que ce que vous disiez c'était qu'une société de gestion collective pourrait percevoir de l'argent. Expliquez-moi à nouveau cette partie-là, soit que la société pourrait percevoir de l'argent et le distribuer. Je suis vraiment très confus.
Mme Marian Hebb: Une société de gestion collective représente, bien sûr, un important groupe de détenteurs de droits. La disposition que nous aimerions vous voir envisager serait qu'une fois un certain nombre de signatures de détenteurs de droits recueillies par la société de gestion collective, alors celle-ci serait autorisée à couvrir tous les détenteurs de droits travaillant dans le genre concerné. Ce mécanisme est depuis de nombreuses années utilisé dans les pays scandinaves.
Si ces créateurs en arts médiatiques ou un autre groupe de détenteurs de droits n'ont pas adhéré, alors la société de gestion ne serait pas autorisée à traiter des droits de ces personnes. C'est sans doute la Commission du droit d'auteur qui déciderait si une société de gestion collective pourrait ou non... J'imagine que la question serait de savoir si les détenteurs de droits nationaux, les auteurs de ce secteur ou encore les producteurs... si la société de gestion collective a suffisamment de crédibilité pour qu'un nombre important des auteurs et titulaires de droits du pays aient signé. La Commission du droit d'auteur déciderait alors que la société a fait preuve de suffisamment de responsabilité, de bon travail de gestion, pour pouvoir en fait représenter tous les titulaires de droits oeuvrant dans la catégorie artistique en question.
º (1635)
M. Jim Abbott: Venez-moi en aide. Cela me paraît un peu orwellien.
Mme Marian Hebb: Eh bien, un détenteur de droits peut s'y soustraire.
M. Jim Abbott: Pourquoi le ferait-il?
Mme Marian Hebb: Je ne pense pas que les détenteurs de droits le feront.
M. Jim Abbott: Non, je ne pense pas non plus—c'est de l'argent gratuit. Non, ce n'est pas gratuit; je ne veux pas dire qu'ils ne l'ont pas gagné. Mais si la société est allée le recueillir et qu'elle le leur envoie, ils ne vont pas dire: «Non, non, je n'en veux pas.»
Ce n'est pas ce qui va se passer, n'est-ce pas?
Mme Marian Hebb: Peut-être pas, mais jetez un coup d'oeil sur l'organisation pour le compte de laquelle je m'exprimais. Nous représentons, je pense, plus de 90 p. 100 des dramaturges actifs dans ce pays. Une société de gestion qui travaille pour les détenteurs de droits va chercher en permanence de nouveaux adhérents, de nouveaux participants. Lorsque Access Copyright, par exemple, ramasse de l'argent pour des personnes qui ne figurent présentement pas dans son répertoire, elle leur écrit et leur dit: «Quelqu'un a copié votre oeuvre, aimeriez-vous devenir membre de la société? Nous avons recueilli de l'argent qui est à vous, auquel vous avez droit». Et 99 fois sur 100 la personne va adhérer à la société de gestion collective.
Elle ne savait peut-être pas que la société existait; elle n'en avait peut-être pas la moindre idée. Et elle ignorait sans doute totalement que quelqu'un utilisait son oeuvre. Et si vous réfléchissez à la façon dont cela fonctionne à l'échelle internationale, vous avez le problème de personnes au Canada qui reproduisent l'oeuvre de gens se trouvant peut-être en Allemagne ou ailleurs. Ces artistes n'ont pas la moindre idée que quelqu'un au Canada photocopie leur travail. Ils n'ont aucun moyen de savoir que leur oeuvre a été reproduite et absolument aucun moyen de se faire payer en retour.
Ce que je veux dire par là c'est que le revenu des artistes et des auteurs dans ce monde est ridiculement bas.
La présidente: Madame Hushion, vouliez-vous dire quelque chose?
Mme Jacqueline Hushion: Marian a dit ce que je voulais dire, merci.
[Français]
Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Bonjour. Cet après-midi, vous nous donnez des pistes qu'on a moins entendues hier parce qu'on a reçu plus de créateurs et d'associations qui représentent les auteurs.
Eux sont très inquiets. Selon leur perception, entre l'utilisation équitable et la protection pour les créateurs et les auteurs, ils ont de moins en moins, dans l'univers numérique ou de l'utilisation équitable, la sensation d'être vraiment bien défendus et protégés.
Tout à l'heure, monsieur Mutton, vous disiez qu'il y avait une difficulté dans la perception. Vous disiez que c'était tellement compliqué que cela empêchait certains utilisateurs d'avoir accès aux oeuvres et que ce serait peut-être à revoir.
Est-ce que vous pourriez préciser vos propos de tout à l'heure?
[Traduction]
M. Ross Mutton: La question concerne les difficultés auxquelles nous sommes confrontés côté accès aux oeuvres, et je suppose qu'elles existent sur deux fronts.
Le premier est d'ordre technologique. Il y a une vaste gamme d'oeuvres qui ne sont pas représentées par les sociétés de gestion collective, la plupart dans les nouveaux médias. En conséquence, lorsque nous parlons d'Access Copyright, nous parlons d'oeuvres sur papier, mais nous avons énormément de difficultés dès lors qu'il est question d'oeuvres individuelles, comme par exemple des séquences de film, des séquences télévisées, de la musique et des séquences radiophoniques, etc.
Nous avons créé une société de gestion collective appelée ERCC, qui a pour objet de s'occuper des droits de reproduction à la télévision et, bien franchement, cela a été un abominable échec. Nous n'avons rien obtenu du tout. Les tarifs ont été établis à un niveau tel que personne n'y a adhéré. Cela n'a donc en fait débouché sur rien.
Voilà pour ce qui est du premier aspect.
La deuxième partie du problème est celle de l'obtention de droits numériques par le biais des systèmes de gestion de droits existants, comme Access Copyright, qui a un système de gestion de droits numériques. Les utilisateurs me disent qu'ils trouvent que le système est complexe, lent et relativement coûteux et qu'à cause de la difficulté du processus, ils considèrent qu'il est tout aussi simple de traiter directement avec les détenteurs de droits que de passer par la société de gestion collective des droits.
Nous avons également connu des cas où le coût de négociation des droits numériques était sensiblement supérieur que dans le cas des mêmes droits, mais pour la version imprimée. Par exemple, on m'a dit que cela coûte environ 2 $ par étudiant de livrer un article par voie électronique à un étudiant à distance, alors qu'on pourrait en fait le lui faire parvenir par la poste pour 70 ¢ la copie. Nous ne savons pas encore trop bien pourquoi il y a une différence de coût dès lors qu'il s'agit de droits numériques.
Nous avons également découvert que lorsque nous nous adressons directement aux détenteurs de droits, nous obtenons souvent ces droits à un tarif plus raisonnable et parfois même gratuitement, alors que lorsque nous traitons avec une société, cela coûte automatiquement de l'argent. Bien franchement, au bout du compte, s'agissant du coût de l'éducation et de ce que les étudiants payent pour y avoir accès, il nous faut nous efforcer de trouver le moyen le plus abordable.
Nous voulons donc quelque chose qui soit abordable, simple et pratique, et qui fonctionne rapidement, car il faut en moyenne compter environ 25 jours pour négocier des droits. Ce n'est pas un problème si cela intervient avant que le cours ne commence ou au tout début, mais s'il s'agit de négocier les droits pendant le dernier mois du cours ou d'essayer de... parce que les professeurs ne se préparent pas toujours beaucoup à l'avance. Il nous faut pouvoir obtenir rapidement les autorisations requises sans quoi nous ne pourrons pas utiliser le matériel dans le cours en question.
º (1640)
La présidente: Monsieur Wills, vouliez-vous intervenir dans la discussion?
M. Steve Wills: Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais simplement étoffer un peu les commentaires faits par M. Mutton et la discussion d'hier au sujet du coût et de la volonté de payer. Il me faudrait tout d'abord préciser que les établissements d'enseignement dépensent à l'heure actuelle beaucoup d'argent au titre de licences. Access Copyright est un exemple. Cette boîte touche près de 27 millions de dollars par an. L'étude sur l'apprentissage amélioré par les technologies, commandée par Industrie Canada, a fait ressortir qu'en 2001 72 p. 100 de cet argent a été versé par des établissements éducatifs. Et nous avons d'autres ententes de licences, avec la SOCAN, par exemple, ce en vue d'offrir des exécutions publiques de musique dans des théâtres, sur des terrains de football, dans des arénas, dans des gymnases et il y a également les licences d'utilisation sur site pour la présentation de longs métrages, etc. La question n'est donc pas que nous ne sommes pas prêts à payer; nous versons déjà des montants d'argent considérables.
Mais hier, il a été suggéré, dans le cadre de la présentation de Mme Levy, qu'un régime de licences étendues couvrant l'accès à l'Internet coûterait un ou deux dollars par étudiant. Ce que Mme Levy n'a pas mentionné est que son organisation, Access Copyright, a déposé un tarif auprès de la Commission du droit d'auteur pour les années 2005 à 2009, demandant 12 $ par étudiant, et ce pour la simple reproduction par reprographie—c'est-à-dire pour le photocopiage. Compte tenu de ce que nous avons vu dans l'étude sur l'apprentissage amélioré par les technologies d'Industrie Canada, et qui dit que les coûts des autorisations pour le numérique sont sensiblement supérieurs, et compte tenu de ce que m'ont communiqué nos institutions membres, soit que le coût des autorisations pour les oeuvres numériques est supérieur, je vous dirais que les coûts d'une licence qui engloberait la reproduction numérique, qu'il s'agisse d'une licence étendue ou d'un quelconque autre type de licence, seraient sensiblement supérieurs. N'oublions pas que nous ne traitons pas simplement de textes mais également d'autres types d'oeuvres, par exemple photos, oeuvres audiovisuelles, enregistrements sonores, etc.
C'est ainsi que lorsque quelqu'un annonce que le coût d'une licence pour autoriser l'accès par Internet, par exemple, pourrait n'être que d'un ou deux dollars par étudiant, je pense qu'il y a tout lieu d'envisager cela avec une forte dose de scepticisme.
La présidente: Madame Hushion.
Mme Jacqueline Hushion: Je voulais simplement réagir à l'un des points soulevés par M. Mutton.
Vous avez dit que les producteurs ou les maisons d'édition sont en fait parfois un peu plus généreux quant au consentement d'autorisations et à la renonciation au prélèvement de droits, etc. J'en ai en fait parlé dans mes remarques, disant qu'Access Copyright pourrait faire cela. C'est ce que j'ai voulu dire par «tout cela est négociable». En fait, si votre groupe ou un quelconque autre groupe, ou si la communauté d'utilisateurs représentant l'éducation, a constaté que c'est là son expérience, alors il faudrait bien en discuter avec les maisons d'édition. Et les maisons d'édition qui conserveraient le droit de consentir le droit pourraient dire à Access Copyright: «Nous voulons que vous leur laissiez faire ces choses gratuitement». Ce n'est pas Access Copyright qui prendrait la décision, mais la maison d'édition. Access Copyright est le tiers ou l'intermédiaire. C'est le créateur ou la maison d'édition qui fixerait le tarif dans le monde numérique, et Access Copyright prélèverait ces droits pour son compte. Si donc nous savons quels sont ces volets, et s'ils sont exempts, alors nous pouvons parler de cela.
º (1645)
La présidente: Madame Hebb, très rapidement.
Mme Marian Hebb: Oui, j'aimerais juste répondre à l'affirmation voulant que le tarif pour les droits électroniques seraient tellement plus élevés. De fait, l'école négocierait un tarif forfaitaire. On voit aujourd'hui que les écoles utilisent moins de photocopies beaucoup plus de copies numériques; donc, avec ce changement, au fur et à mesure que les copies numériques augmentent, les photocopies diminuent. Je pense donc que ce que Mme Levy disait hier, c'est que cela allait probablement rendre le tarif un peu plus cher qu'il ne l'est aujourd'hui. Ainsi, peut-être une école paierait-elle un dollar de plus qu'à l'heure actuelle.
Le tarif plus élevé concerne les transactions individuelles. Lorsque quelqu'un fait une demande individuelle, il est beaucoup plus coûteux de traiter cette autorisation que lorsqu'on accorde une licence collective forfaitaire, comme c'est normalement le cas des écoles.
La présidente: Monsieur Weber, sur ce point.
J'accorderai ensuite une question rapide à Mme Gagnon.
M. Ken Weber: Merci.
Je veux de nouveau attirer votre attention sur un aspect soulevé par M. Mutton, soit la facilité de l'accès et le fait qu'il peut être plus rapide de s'adresser directement au titulaire des droits plutôt qu'à une agence. Dans mon expérience d'usager, j'ai constaté l'inverse; il faut beaucoup plus longtemps si vous devez négocier les droits directement avec le titulaire.
Pour coiffer un autre chapeau encore, en tant que titulaire de certains droits, je peux vous dire qu'il est beaucoup plus compliqué de recevoir des appels de toutes sortes de demandeurs, au lieu que ces derniers passent automatiquement par une agence.
La présidente: Madame Gagnon.
[Français]
Mme Christiane Gagnon: Ça va.
[Traduction]
La présidente: Très rapidement, et nous allons devoir passer à quelqu'un d'autre.
M. Steve Wills: Très rapidement, en réponse aux propos de Mme Hebb, l'étude sur la technopédagogie commandée par Industrie Canada donne un exemple, effectivement, d'une demande de licence générale demandée par Open Learning Agency en vue de produire des versions électroniques de blocs de cours. Il ne s'agissait donc pas d'une transaction ponctuelle, mais d'une tentative d'obtenir une licence globale en vue de produire des blocs de cours électroniques.
Selon l'étude, l'Agence a été informée que le coût serait de trois à quatre fois le coût de l'autorisation pour une version papier des blocs de cours, si bien qu'elle a renoncé. Ce n'était tout simplement pas viable.
Donc, affirmer que le coût des licences numériques serait à peine plus élevé que le droit pour des copies papier me paraît contraire aux informations que j'ai reçues et à ce que je lis dans l'étude sur la technopédagogie.
La présidente: Monsieur Bonwick, puis monsieur Lincoln.
L'hon. Paul Bonwick (Simcoe—Grey, Lib.): Merci, madame la présidente.
J'aurais dû acheter des actions dans Tylenol avant le début de ces travaux.
Je ne pense pas que l'on puisse exagérer l'importance de cette ère de l'apprentissage électronique. Je crois réellement que le cyberapprentissage aura des conséquences au cours de ce siècle comparable à celles de la révolution industrielle au cours du dernier.
Je suis convaincu que la multiplication par deux des connaissances tous les cinq ans, comme c'est le cas aujourd'hui, ne sera utile que sous une condition. Il n'y a qu'un seul moyen pour les masses d'accéder à ce savoir, et c'est par un format numérique. Je dis donc aux créateurs: prenez garde.
On semble considérer les choses en regardant dans un rétroviseur et en comparant avec l'ère du papier. Il faut plutôt regarder à l'horizon de dix ans et c'est ce que M. Weber a manifestement fait. Il reconnaît que les créateurs ne vont plus produire 50 000 ou 100 000 copies reliées de leurs ouvrages; ils vont produire une version ou une copie numérique. Et si nous ne faisons pas les choses comme il faut, il y aura des répercussions terriblement négatives pour les créateurs.
Monsieur Wills, en ce qui concerne votre citation d'une décision de justice récente, c'est une justice qui me déçoit, mais je pense qu'elle nous oblige à demander des comptes à notre gouvernement. Je ne pense pas que le gouvernement, ou les Canadiens en général, considèrent qu'il appartienne aux tribunaux de déterminer le niveau de soutien que le pays accorde à ses créateurs. Je pense qu'ils se tournent vers le Parlement pour cela et c'est précisément la tâche à laquelle nous nous attaquons en ce moment. J'espère donc que l'on ne va pas se réfugier derrière l'opinion de juges pour déterminer s'il faut ou non soutenir notre secteur culturel.
Si je comprends bien votre argumentation, cela signifie qu'il ne faudrait pas payer non plus pour des choses telles que des ordinateurs, des logiciels, l'électricité, ni rien d'autre d'ailleurs, car je ne peux que supposer que vous attribuez autant de valeur au contenu que vous fournissez sous la forme de votre programme d'enseignement qu'au logiciel Microsoft que vous achetez, ou à l'ordinateur que vous achetez, ou à l'électricité que vous achetez et qui fait fonctionner tout cela.
De fait, si je vais au bout de cette logique, vous ne devriez pas non plus faire payer vos cours, ou seulement une partie.
Je suis très, très inquiet à l'idée que nous ne fassions pas les choses comme il faudrait, en ne veillant pas à avoir une bonne structure en place pour canaliser les fonds à l'ère électronique, dans cinq ans, et assurer que nous ayons le niveau approprié de soutien pour les créateurs car vous, les pédagogues, aurez beaucoup de mal à trouver des ouvrages de cours si personne ne les produit.
J'aimerais donc savoir comment vous voyez les choses dans cinq ans, dans 10 ans, sachant que cette multiplication par deux du savoir... C'est totalement inimaginable pour moi. Les 25 000 dernières années vont maintenant être égalées par la progression du savoir humain tous les cinq ans, et le rythme va sans doute accélérer encore. Comment voyez-vous les choses dans 5, 10 ou 15 ans si nous n'avons pas de licence collective pour faire vivre nos créateurs?
º (1650)
M. Steve Wills: Monsieur Bonwick, ma thèse n'est certainement pas qu'il ne faut pas avoir de licence collective. Ce serait une prémisse fausse car ce n'est que dans des conditions très restreintes que la loi empêche les licences collectives. Notre position depuis toujours, et c'est celle que nous défendons aujourd'hui, est que les deux peuvent coexister. Si vous regardez des pays comparables, vous verrez que la plupart d'eux ont des exceptions beaucoup plus larges que nous. Si vous prenez les États-Unis, par exemple, ils sont réellement le foyer, en quelque sorte, de la création culturelle. Leurs produits culturels sont présents partout dans le monde. Pourtant, ils ont la règle de l'utilisation équitable aux fins d'enseignement. Ils ont des exceptions plus larges pour l'utilisation pédagogique et les bibliothèques, et le ciel ne leur est pas tombé sur la tête.
Comment est-ce que je vois les choses dans cinq ans? Les licences collectives vont s'améliorer et j'espère que nous aurons des licences collectives numériques pour certains usages. Mais il y a également place pour des exceptions limitées en faveur des institutions éducatives et des bibliothèques.
La présidente: Monsieur Weber.
M. Ken Weber: L'expérience avec l'imprimé montre que les exceptions conduisent au désastre. Nul ne sait interpréter correctement les exceptions. Je pense qu'il faut commencer sans exceptions, instaurer les licences collectives, puis autoriser la recherche d'exceptions.
La présidente: Monsieur Bonwick.
L'hon. Paul Bonwick: Suite aux remarques de M. Wills, je ne cherche pas à créer des impressions fausses, monsieur Wills, et si je l'ai fait, je vous demande pardon. Ce que je fais, c'est recueillir des impressions et les partager avec vous, et c'est là mon impression.
La présidente: Monsieur Mutton et madame Hushion souhaitent intervenir.
M. Ross Mutton: Je voudrais juste dire que nous prévoyons que de plus en plus d'ouvrages seront disponibles sous forme numérique. Il importe pour nous qu'il y ait des moyens légaux de les rendre disponibles. J'ai été encouragé par un enseignant qui m'a dit récemment que de plus en plus d'éditeurs de manuels en produisent aujourd'hui qui sont conçus pour être utilisés soit sur un tableau noir soit sur un site Internet d'enseignement. Cet enseignant ne voulait plus utiliser de manuel n'offrant pas cette possibilité et ne retient plus que ceux qui peuvent être utilisés dans un cours sur Internet. Plus les maisons d'édition et les créateurs travaillerons avec nous sur le genre de matériau que nous cherchons à utiliser, et plus nous progresserons.
Pour ce qui est des exceptions, il nous faut quelques exceptions très limitées pour les cas très particuliers où nous voulons faire une critique en salle de classe. Labatt ne va pas nécessairement nous autoriser à utiliser ces publicités si nous allons critiquer la façon dont elle use de la publicité pour vendre ses produits. Il nous faut donc quelques exceptions limitées afin de pouvoir faire cela et ne pas être réduit à en parler. Nous devons pouvoir faire certaines choses visuellement et oralement.
º (1655)
La présidente: Je demanderais aux témoins d'essayer de raccourcir leurs réponses, sinon nous allons manquer de temps, et je sais que M. Bonwick a une autre question.
Madame Hushion.
Mme Jacqueline Hushion: Trois remarques rapides. Premièrement, le problème que nous voyons dans l'idée d'une exception limitée, c'est que les revendications de la collectivité éducative ne sont pas limitées.
Deuxièmement, si l'on considère les États-Unis, nous voyons bien l'impact des lignes directrices de la CONFU, la Conference on Fair Use. Le mécanisme de l'utilisation équitable, là-bas, est très différent. En effet, aux États-Unis, il n'y a pas de licence collective pour le matériel pédagogique aux cycles élémentaire, secondaire et universitaire. La raison en est que l'industrie là-bas est guidée par les lignes directrices sur l'utilisation équitable et le fait que tant d'ouvrages peuvent être pris sans permission. Moins d'une douzaine de grandes maisons d'édition d'ouvrages scolaires subsistent aux États-Unis et ce dans un pays 12 fois plus grand que nous.
M. Mutton a fait état de SchoolNet. SchoolNet a été un projet fabuleux dans ce pays. Mais, il est intéressant de le noter, SchoolNet elle-même se préoccupait beaucoup de savoir si elle respectait la Loi sur le droit d'auteur et si ce qu'elle faisait était légal ou non. Je me suis adressé à Access Copyright pour lui demander de m'aider à le déterminer. Donc, Access Copyright a procédé à une vérification des activités promues et sanctionnées par SchoolNet.
La présidente: Monsieur Bonwick.
L'hon. Paul Bonwick: Monsieur Weber, est-ce que vous, qui avez un pied dans chaque camp pour ainsi dire, considérez les exceptions dans le monde électronique comme une proposition raisonnable?
M. Ken Weber: Au stade ultime, oui, mais la technologie accélère à un tel rythme que nous n'avons pas vraiment idée de ce que pourront être ces exceptions à l'avenir. Créer une loi qui ne va pas assurer la protection avant de savoir ce que sont ces exceptions pourrait reproduire la situation que nous avons connue avec l'imprimé, où l'exception était mal interprétée. On a toujours très largement cru que l'enseignement était exonéré, que l'on pouvait photocopier n'importe quoi, car c'était à des fins pédagogiques. Je soupçonne qu'avec tous les développements technologiques, nous aboutirons à la même chose si nous n'établissons pas clairement les licences collectives aujourd'hui et ensuite accorder, à partir de là, d'éventuelles exceptions à l'avenir.
La présidente: Merci.
Monsieur Lincoln.
M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Étant l'un des membres qui va formuler des recommandations au gouvernement sur la prochaine phase de la législation en matière de droit d'auteur afin de couvrir les ouvrages numériques et le système numérique, je me sens extrêmement frustré car on semble être confronté toujours au même scénario. On se trouve en face de deux camps, très polarisés. On peut pratiquement savoir, avant même de venir, ce qui va se passer. Les créateurs, les éditeurs, les gens du milieu culturel, ne veulent aucune exception. Ils veulent le système collectif, car ils pensent qu'il y va de leur survie, et je comprends tout à fait cela. De l'autre côté, les éducateurs, les distributeurs, les commerciaux, veulent toujours un élargissement de l'exception pour utilisation équitable et n'aiment pas le système collectif, ou ne vont en tolérer que le minimum. Invariablement, ceux qui veulent l'utilisation équitable mentionneront les rapports d'Industrie Canada et l'argument de l'équilibre pour justifier leur position.
Nous sommes pris dans cette polarisation. Ce que j'essaie de trouver, personnellement, c'est une ouverture qui puisse déboucher sur un consensus ou un compromis sur lequel nous puissions travailler.
J'ai été d'une certaine façon encouragé. M. Mutton veut un élargissement des exceptions et considère qu'elles sont indispensables dans le cas des ouvrages pédagogiques dans le monde de la technologie. Dans le même temps, j'ai retiré l'impression d'après ce que vous avez dit et ce que j'ai lu dans votre mémoire, que vous souhaitez deux choses. Premièrement, vous voulez un élargissement de la définition d'ouvrage pédagogique dans le système technologique, afin que la notion soit aussi ouverte que possible. Deuxièmement, vous avez dit vouloir transiger avec un système rationalisé, centralisé et efficace. Laissant de côté Access Copyright, que vous n'aimez pas, et la question du coût, dont on peut débattre, est-ce que votre position n'admet pas la possibilité d'une sorte de société de gestion collective qui négocierait avec vous une définition large des matériaux pédagogiques de nature technologique et qui serait un point central qui serait efficace, centralisé et rationalisé? Est-ce que nous ne parlons pas de la même chose, avec des termes différents? Je l'espère.
» (1700)
M. Ross Mutton: Je l'espère aussi.
Je ne veux pas donner l'impression que nous voulons ouvrir grand la porte aux exceptions pour fins éducatives.
M. Clifford Lincoln: Mais sans ouvrir du tout les exceptions, est-ce que ce serait si...
M. Ross Mutton: D'accord. Vous ne voulez pas en parler.
M. Clifford Lincoln: Lorsque je lis votre paragraphe ici, après celui sur l'utilisation équitable, vous dites qu'il est vital... Si on laisse de côté l'utilisation équitable un instant, ne décrivez-vous pas un système collectif, de toute façon? Vous n'aimez peut-être pas le système collectif actuellement en place, parce que vous considérez peut-être qu'il se montre trop restrictif quant aux ouvrages admis, mais s'il va exister une sorte de système collectif, est-ce que celui que vous décrivez dans votre paragraphe n'en est pas un?
M. Ross Mutton: Oui, car je vois la nécessité de négocier les droits pour l'usage pédagogique dans certains cas, particulièrement lorsqu'on utilise une partie importante d'un ouvrage, particulièrement lorsque le texte va être largement distribué. Nous payons déjà beaucoup d'argent à une société de gestion collective pour ce genre d'utilisation.
Là où j'éprouve des problèmes avec la société de gestion collective, c'est lorsque je me heurte à des choses telles que la multiplication par deux du coût de production de blocs de cours au cours des cinq prochaines années, ce qui va probablement nous amener à nous demander très sérieusement si nous pouvons seulement produire de tels blocs de cours, ou lorsque je constate qu'il faut beaucoup trop longtemps pour obtenir les droits d'utilisation, ce qui nous fait perdre l'occasion lors de l'enseignement du cours d'utiliser cet instrument pédagogique particulier parce que nous marchandons les droits. Nous devons veiller également à ne pas crouler sous le fardeau—et cela commence—de la tenue de dossiers avec un processus de collectif.
Je pense qu'il faut examiner la manière dont fonctionnent les sociétés de gestion collective et nous devons améliorer nos relations avec elles. Si nous le faisons, nous aurons fait un travail utile. Nous voulons que les choses soient simples et faciles, nous voulons que l'argent aille au titulaire des droits en fin de compte. Si les choses deviennent trop compliquées, trop laborieuses et inefficientes, nous finirons probablement par traiter avec les titulaires de droit nous-mêmes sans passer par la société de gestion collective, et pourtant je ne pense pas que ce soit l'idéal. Nous voulons un système de gestion collective qui fonctionne.
M. Clifford Lincoln: Mais vous parlez là de modalités, vous ne parlez pas du principe. Je parle moi de la question de principe consistant à savoir si l'on va opter pour un système de gestion collective ou s'en remettre aux exceptions. C'est l'un ou l'autre. On ne peut pas avoir un mélange des deux, comme l'un de ces mémoires le prétend. Manifestement, les créateurs ne veulent pas d'exception du tout et vous-mêmes voulez le système de gestion collective le plus restreint possible. Mais s'il y avait un système de gestion collective comme celui que vous décrivez, où des négociations peuvent se dérouler avec tous les divers créateurs, qui comprendrait un élargissement de la description des ouvrages pouvant être utilisés, à ce que vous estimez être un prix équitable, et un conseil arbitral pour trancher les différends, ne serait-ce pas ce que nous cherchons tous à réaliser? Seriez-vous alors satisfait, sans recourir aux exceptions?
» (1705)
M. Ross Mutton: Je n'ai jamais encore vu de système de gestion collective qui s'occupe des aspects que nous gérons au moyen d'exceptions.
M. Clifford Lincoln: Je ne parle pas des systèmes de gestion collective tels qu'ils existent aujourd'hui, mais d'orientations et de principes. Si ces systèmes n'existent pas, on peut tout de même les inventer. Il n'est tout de même pas impossible d'inventer le genre de choses que vous décrivez vous-même ou modifier ce qui existe pour l'améliorer dans le sens que vous souhaitez. Vous n'avez pas d'objections de principe, n'est-ce pas?
M. Ross Mutton: Je suis complètement en faveur de l'amélioration.
M. Clifford Lincoln: Merci.
La présidente: Voilà la solution.
Très rapidement, monsieur Wills, car nous sommes à pleine capacité aujourd'hui et tout le monde doit avoir la possibilité de poser ses questions.
M. Steve Wills: En tant que président de l'équipe de l'AUCC qui a négocié la dernière licence avec Access Copyright, je peux vous dire que ceci est la deuxième ronde de négociations en cinq ans dans laquelle nous avons demandé une licence numérique globale sans qu'elle puisse nous l'octroyer.
Deuxièmement, la raison pour laquelle il n'y a pas de société de gestion collective aux États-Unis est la même raison faisant que le Canada n'en avait pas jusqu'en 1988: ce sont fondamentalement des créations anticoncurrentielles. En 1988, le gouvernement du Canada a pris la décision de principe d'exempter les sociétés de gestion collective de l'application de la Loi sur la concurrence. Ce n'est pas parce que le secteur culturel aux États-Unis a été anéanti par des exceptions, c'est parce que l'on y craint la nature anticoncurrentielle des sociétés de gestion collective.
J'ai une dernière remarque. M. Weber, en tant qu'ancien universitaire, a des opinions particulières sur la question des exceptions. Je peux lui dire que l'Association canadienne des professeures et des professeurs d'université, représentant les professeurs d'université, et la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, représentant les enseignants des cycles élémentaire et secondaire, appuient la notion d'exceptions dans la loi.
La présidente: Madame Lill.
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
J'espère que nous pouvons aboutir à une solution. J'aimerais prolonger la discussion entamée et par M. Bonwick et par M. Lincoln.
Ne craignez-vous pas d'avoir du mal à obtenir du matériel pédagogique dans 10 ans si nul n'a les moyens d'en produire? Mme Hushion fait remarquer qu'aux États-Unis, vu le système qui y est en place, le nombre de producteurs a plongé en chute libre. Cela semble plutôt probant. Je trouve que la notion voulant qu'une société de gestion collective soit une créature anticoncurrentielle est démentie par ce fait. Lorsqu'on voit l'incapacité des créateurs à produire encore du matériel, parce que cela n'en vaut économiquement pas la peine ou qu'ils ne gagnent pas leur vie, on voit un rétrécissement du contenu et c'est précisément ce qui nous préoccupe à titre de Comité du patrimoine, le rétrécissement du savoir. Le contenu canadien est un autre facteur.
Il me semble que l'idée de M. Mutton d'un service centralisé pour la négociation des droits collectifs serait l'idéal. Vous l'avez dit, tout le monde le dit, il semble exister des problèmes avec le système de gestion collective existant. Mme Hebb a lancé l'idée de cette nouvelle licence élargie. Est-ce que cela faciliterait les choses, à votre avis, pour certaines des personnes qui souffrent des complexités du système tel qu'il existe?
Par ailleurs, pour ce qui est de la lourdeur du recours à une société de gestion collective, je ne sais pas trop. Supposons un auteur dramatique qui reçoit, mettons, 100 demandes de représentation de ses pièces par semaine dans différentes universités ou écoles secondaires, combien de temps faudra-t-il pour négocier les droits avec cette personne? Cela paraît une tâche excessivement lourde. Ne serait-il pas beaucoup plus facile de simplement appeler Access Copyright et dire que nous voulons telle oeuvre de cette personne et que ce soit tout? Je conteste simplement la notion que de négocier les oeuvres individuellement serait forcément plus facile. Pourquoi le serait-ce?
» (1710)
M. Ross Mutton: Je suis d'accord, il devrait être plus facile de passer par une société de gestion collective. Malheureusement, ce n'est pas ce que nous constatons. Nous constatons que, dans certains cas, il est effectivement plus facile de s'adresser directement aux détenteurs des droits que de passer par la société de gestion. Les formalités ne sont pas toujours plus rapides par celle-ci; il faut attendre au moins de un à deux mois pour obtenir la moindre réponse. Pendant ce temps, nous devons tous tenir toutes sortes de dossiers et transmettre des documents. Nous semblons faire une bonne partie du travail administratif qui devrait être plutôt celui de la société de gestion collective. Je sais que celle-ci essaye de retransmettre autant d'argent que possible aux mains des titulaires de droits, mais peut-être devrait-elle réexaminer combien elle consacre à ses frais généraux.
Grâce à l'Internet, nous pouvons parfois traiter directement avec les titulaires de droits. Un exemple qui m'a été communiqué concernait l'utilisation de matériel à partir d'un site Internet de l'Alberta. Ils ont pu obtenir l'accès à presque tout le matériel gratuitement, parce que les titulaires de droits étaient absolument ravis que le milieu scolaire s'y intéresse. Nous constatons que de plus en plus de matériel canadien est utilisé par des bibliothèques et établissements d'enseignement qui, autrement, resterait totalement obscur.
Il faut donc travailler avec tout le monde, mais d'une manière qui permette aux choses de se faire logiquement, rapidement et efficacement, et la société de gestion collective devrait être ce moyen.
Mme Wendy Lill: Il s'agit donc simplement de réparer les aberrations de la structure de gestion collective, une structure qui a notre faveur à tous. Il s'agit de trouver le moyen de mieux faire marcher le système.
La présidente: J'ai deux autres personnes qui souhaitent la parole, M. Butcher et Mme Hebb.
M. Don Butcher: Peut-être le problème n'est-il pas que nous ne savons pas faire fonctionner le système de licences, le problème c'est peut-être les licences. Les alternatives sont les exemptions et les exceptions. Ce détour semble éviter toute la question des licences élargies, qui constituent à toutes fins pratiques un abonnement par défaut. On l'a refusé dans le cas de la câblodistribution : pourquoi faudrait-il contraindre les gens à abandonner leurs droits? Je ne comprend pas du tout cela. Nous ne semblons pas posséder le bon modèle de licences, et peut-être le problème conceptuel évoqué par M. Lincoln est-il celui des licences et que l'on peut éviter tout l'autre volet de l'argumentation.
Mme Marian Hebb: Je pense que le problème serait résolu par la licence collective élargie, car alors vous n'avez pas à chercher les titulaires de droits : soit ils sont déjà membres de la société de gestion, soit la licence est élargie pour les couvrir. Ainsi, dans la pratique, Access Copyright ou la Playwrights Guild pourrait accorder cette licence immédiatement à la personne qui la demande. Ensuite, c'est la société qui cherche le détenteur des droits et lui effectue le versement.
Cela intéresse également le coût. La raison pour laquelle ces licences numériques coûtent tellement plus cher c'est que, lorsqu'Access Copyright cherche à vous obtenir la licence, si le détenteur n'a pas déjà signé avec Access Copyright... Depuis quelque temps, en fait, pratiquement tous les affiliés d'Access Copyright lui ont concédé les droits numériques, ce qui n'était pas vrai il y a trois ans. Le coût des licences dans le monde numérique baisse car ce n'est plus une affaire de transactions. Si vous demandez une licence pour un ouvrage donné à Access Copyright et que la personne n'est pas membre, Access Copyright doit aller chercher la signature et c'est pourquoi le coût est si élevé.
Et lorsqu'on parle de coût, les 12 $ mentionnés par M. Wills représentent le tarif demandé par Access Copyright. Il est actuellement en cours de négociation entre CMCC et Access Copyright. Il est loin d'être certain que ce sera le tarif réel. L'affaire est devant la Commission du droit d'auteur—sauf que je crois savoir que les parties cherchent actuellement à négocier une solution à l'amiable. Si vous avez tous les droits réunis en un seul lieu, le coût des licences devient considérablement moindre.
» (1715)
La présidente: Monsieur Wills, très rapidement.
M. Steve Wills: Merci.
Pour ce qui est des licences, nous sommes en faveur des licences facultatives. On a beaucoup parlé hier de solutions de marché à cette question. Nous considérons les licences facultatives, en conjonction avec des exceptions limitées, comme une solution de marché. Toutes les exceptions dans notre loi doivent résister à l'épreuve des trois critères de Berne, comme je l'ai mentionné, l'épreuve du traité OMPI, c'est-à-dire en substance qu'elles ne doivent pas porter un préjudice déraisonnable au titulaire des droits. Toutes les exceptions de notre loi actuelle que nous voulons transférer à l'environnement numérique répondent à ces critères, tout comme les exceptions américaines.
Mais il est un autre aspect de cela qui reste peut-être ignoré. On ne peut aborder toute cette problématique uniquement selon la perspective de ceux qui créent des ouvrages dans un but lucratif, c'est-à-dire ceux qui créent des oeuvres exclusivement pour une fin commerciale, et cela ramène la discussion à l'Internet. J'aimerais vous citer un court passage, une ligne, de l'étude sur l'apprentissage amélioré par la technologie: «Une politique de facilitation de l'accès n'a pas un effet d'encouragement de la création dans les cas où des oeuvres sont produites sans qu'aucune rémunération ne soit escomptée, ce qui est la situation de la vaste majorité des oeuvres disponibles sur les sites Internet publics».
C'est là notre souci. Si je puis utiliser très brièvement une analogie, nous considérons ces ouvrages créés sans but lucratif comme un grand parc public. Comme Mme Levy l'a dit hier, il existe deux autres types d'ouvrages: ceux créés dans un but lucratif et ceux situés dans la zone grise. Nous considérons ce parc public comme ayant pour riverains des propriétaires désirant une rémunération pour leurs créations. Ce qu'ils demandent actuellement au gouvernement, c'est une loi imposant de leur payer un droit de passage de 20 $ pour accéder au parc public et c'est cela que nous avons du mal à accepter. C'est le principe qui nous pose problème, même si en face on finit par dire d'accord, nous allons réduire notre droit de passage à 16 $ eu égard au fait qu'il y a un parc public de l'autre côté de notre terrain.
La présidente: Vous pouvez réagir, mais très rapidement, madame Lill, car j'ai toujours M. Harvard et nous avons un vote. Et j'ai moi-même quelques questions.
Mme Wendy Lill: Je suis préoccupée par toute cette notion voulant que l'Internet existe et les gens auraient le droit de prendre tout le matériel qui s'y trouve. Je crois que les gens sont prêts à payer—et ils payent cher, un montant croissant chaque mois—pour leur accès Internet et leur courriel et tout le reste. Est-ce que l'idée que les gens doivent payer un certain montant pour le contenu est tellement aberrante?
C'est juste une réflexion finale qui me vient. Nous payons tout le temps. Il faut prendre conscience aussi que c'est par ce biais que l'on nourrit la création. Le contenu doit être créé, mais la source tarit s'il n'y a pas de rémunération—regardez l'exemple très éloquent du professeur Weber et tout son cycle, depuis l'apprentissage jusqu'à l'enseignement en éducation spécialisée.
La présidente: Monsieur Butcher.
M. Don Butcher: Mais les établissements d'enseignement et les bibliothèques paient pour le contenu; vous ne cessez de l'oublier. Ils paient pour le contenu. Nous disons qu'une fois que nous avons payé, il n'y a pas de raison de payer encore et encore et encore.
La présidente: Madame Hushion.
Mme Jacqueline Hushion: On a fait l'analogie avec un parc public. S'il y a du contenu sur l'Internet qui est librement disponible et aussi gratuitement—et les deux ne vont pas forcément de pair—c'est là le parc public. Cela sera également pris en compte dans le calcul du tarif qu'Access Copyright pratiquera, c'est-à-dire que le tarif sera réduit de la valeur du parc public. Dans votre analogie, ce pour quoi vous payez, c'est le périmètre du parc public, la propriété privée.
Peut-être faudrait-il nous enfermer dans une salle, verrouiller la porte et ne pas nous laisser sortir tant que nous n'aurons pas une solution.
Mais la vérité... M. Butcher dit que nous avons les licences élargies ou, comme remplacement, les exceptions. Je ne suis pas d'accord. L'alternative, si vous avez des exceptions, sera un recul de l'édition, un recul de la production de contenu. Nous ne forçons pas les gens à renoncer à leurs droits. Les pays scandinaves et nordiques adorent ce que nous appelons la disposition de présomption. Si vous ne vous êtes pas exclu, officiellement et formellement par une signature, de toute licence élargie, vous êtes présumé couvert et l'on vous paye. Ils adorent cela.
» (1720)
La présidente: Je vais devoir passer à M. Harvard car nous devrons bientôt partir pour un vote.
L'hon. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Je ne pense pas que M. Wills va être surpris par la position qui est la mienne.
Une voix: À ma gauche.
Des voix: Oh, oh!
L'hon. John Harvard: Écoutez, j'ai beaucoup de sympathie pour les institutions éducatives. J'ai beaucoup de sympathie aussi pour les bibliothèques. Vous jouez un rôle très important dans la société. Mais il me semble que M. Mutton cherche à être soulagé du fardeau des modalités du système de licences.
Lorsque je vous écoute, monsieur Wills, vous semblez rechercher également un allégement financier, en sus d'un allégement de la mécanique du système. Vos arguments sur le plan financier sont peut-être bons, mais pourquoi le sacrifice devrait-il être fait par les créateurs? Ils ne sont qu'un maillon de la chaîne. Ils devraient pouvoir faire payer tout ce que le marché tolère. À mon sens, ce devrait être leur droit inhérent. J'ai l'impression que vous recherchez des subventions, d'une certaine façon, par l'intermédiaire du législateur, mais voyez ce que la méthode des subventions a engendré partout dans le monde. Elle a déformé les marchés partout. Je ne veux pas m'engager dans cette voie.
Lorsque je vous écoute, j'ai l'impression que vous vous inscrivez dans une catégorie de plaideurs spéciale. Cela me rappelle les églises: je vends le salut, alors donnez-moi une exemption fiscale. Vous dites: je vends de l'éducation, alors donnez-moi une exemption. C'est cela que vous demandez et vous demandez cette aide spéciale aux créateurs.
Il me semble que si le système de licence ne va pas comporter d'exemptions, aucune exception du tout, et si cela vous nuit, monsieur Wills, alors vous allez devoir vous adresser à vos bienfaiteurs—les contribuables, les pouvoirs publics, qui vous voudrez—et plaider votre cause devant eux.
Je me souviens que lors du débat sur le libre-échange—et d'ailleurs, j'étais contre l'Accord de libre-échange tel que négocié—les viticulteurs sont venus se lamenter, disant que si nous avions le libre-échange avec les États-Unis, la viticulture allait s'écrouler. Eh bien, nous voici, 15 ans plus tard, et je ne pense pas que la viticulture canadienne ait jamais été aussi forte.
Aussi, parfois, lorsque j'entends cela... car le scénario que vous présentez, monsieur Wills, est un scénario catastrophe.
Je dirais ceci. Nous, politiciens, devons nous soucier des résultats. Mettons sur pied un système de licences sans exceptions, aucune, et peut-être dans cinq ou dix verrons-nous quelques dégâts sérieux, quelques résultats néfastes. Peut-être, à ce moment-là, nous les législateurs devrons-nous intervenir si le marché ne règle pas le problème seul. Si vous ne pouvez pas vous débrouiller avec le système de licences, avec la Commission du droit d'auteur, alors peut-être les politiciens devront-ils agir. Mais au départ, j'ai tout simplement pas trop d'estime pour les créateurs. Je pense que M. Weber avait absolument raison, si vous continuez à augmenter la pression exercée sur eux, vous verrez un jour que leur créativité va s'assécher. Et c'est cela qui m'inquiète.
Je pense que nous avons été un peu trop rapides dans ce pays à dire: voyez la bibliothèque, voyez l'école, ce sont de braves gens, il faut les aider. Mais parfois nous oublions... et c'est le politicien qui très souvent ne veut pas mettre la main à la poche du contribuable pour lui soutirer quelques sous et qui préfère s'en prendre aux producteurs, aux créateurs. Et ce n'est pas très juste.
Que souhaitez-vous dire?
La présidente: Monsieur Wills.
» (1725)
M. Steve Wills: Pour réagir à cela, le genre de système que vous proposez, c'est-à-dire des licences sans aucune exception, est fondé sur une fausse prémisse, à mon avis. Nous ne sommes pas en Europe. Nous n'avons pas une approche continentale du droit d'auteur. Notre Cour suprême a indiqué très clairement que la législation en matière de droit d'auteur est un compromis, et que ce compromis prend la forme de dérogations limitées aux droits.
Je vous renvoie au professeur David Vaver, un spécialiste canadien connu du droit d'auteur, qui a dit un jour qu'il était opposé à l'emploi du terme «exception» car il impliquait que ceux qui créent ont un droit inhérent à la panoplie totale des droits sur l'utilisation de leurs oeuvres, quoi qu'il advienne. Il a dit que c'était faux en réalité, car ce qu'ils ont, c'est un droit statutaire, un droit limité. Ils ont le droit que le gouvernement convient de leur donner, et c'est tout.
Nous disons seulement que, conformément à la description faite par la Cour suprême de notre législation, le type d'exceptions limitées que nous demandons et qui, d'ailleurs, sont beaucoup... Ce que prévoit actuellement notre loi est beaucoup plus restreint que ce qui existe dans d'autres pays. Nous demandons le même genre d'exemptions que celles que la Cour suprême a jugé faire partie intégrante de l'équilibre dans notre législation. Nous pensons que cela ne revient nullement à manquer de respect. Nous avons toujours les licences collectives et nous les conserverons à l'avenir. Nous payons énormément d'argent aux titulaires des droits par le biais des licences collectives. Nous pensons simplement que les deux concepts peuvent et doivent coexister.
La présidente: Madame Hebb, puis monsieur Butcher.
Mme Marian Hebb: Je voudrais simplement me faire l'écho de ce que M. Bonwick a dit précédemment, à savoir que c'est le législateur qui décide ce que doit être la loi, et non les tribunaux. Les tribunaux et la Cour suprême du Canada ont en fait puisé leurs termes et leurs concepts dans le livre de David Vaver. Je considère celui-ci comme un livre plutôt populaire, un livre assez distrayant et amusant, mais c'est là que ces idées ont été cristallisées et que la Cour les a puisées.
Je vous implore, vous les législateurs, de ne pas vous limiter à l'interprétation que la Cour a donné de la loi actuelle. S'il vous plaît, donnez-nous la loi dont nous avons besoin.
La présidente: Monsieur Butcher, puis monsieur Mutton.
M. Don Butcher: Lorsque j'ai comparu devant ce comité en novembre dernier, j'ai essayé de faire valoir qu'il ne fallait pas transformer tout cela en un affrontement entre les bibliothèques et les créateurs. Les bibliothèques soutiennent les créateurs, comme je l'ai amplement démontré.
Un résultat possible du scénario que vous esquissez est une diminution du contenu canadien, en réalité. Il y aurait un plus grand transfert d'argent des écoles et bibliothèques vers les créateurs, peut-être, mais il irait aux auteurs les plus populaires. En tant que Comité du patrimoine, il me semble qu'il vous incombe d'assurer la dissémination la plus large possible de la culture et du contenu canadiens. Il faudra prendre garde de ne pas construire un système qui profite... pardonnez-moi, aux Margaret Atwoods, et non pas aux petits créateurs comme Donald Belfalls qui ne travaille pas pour de l'argent.
L'hon. John Harvard: Puis-je vous demander encore une chose, monsieur Wills? Vous indiquez dans votre mémoire, je crois, que les institutions que vous représentez ont payé 27 millions de dollars en redevances de droits d'auteur. Est-ce exact?
M. Steve Wills: Non, pas nos institutions, mais les établissements d'enseignement dans leur ensemble ont payé... Nous ne savons pas quelle proportion des 27 millions de dollars cela représente, mais dans l'étude TEL commandée par Industrie Canada, ils donnent les chiffres 2001 pour Access Copyright. À l'époque, les redevances étaient de l'ordre de 22 ou 22,5 millions de dollars, dont 72 p. 100 provenaient des établissements d'enseignement.
L'hon. John Harvard: Je vois. Eh bien, je ne peux que rétorquer à cela que tant que le chiffre, qu'il s'agisse de 22 ou de 25 millions de dollars, n'est pas inscrit dans un contexte ou assorti d'un point de référence, cela ne me dit rien du tout. Je n'ai aucun moyen d'évaluer cet ordre de grandeur.
L'autre chose que je dirais, cependant, c'est que si nous pouvons payer un joueur de hockey 5 millions de dollars par an, et que tous les créateurs auxquels les établissements font appel touchent 22 ou 23 millions de dollars en tout, cela ne me paraît pas être beaucoup d'argent.
M. Steve Wills: Pourrais-je faire une remarque rapide?
La présidente: Mme Hebb d'abord.
Mme Marian Hebb: Je voudrais simplement dire que lorsque les oeuvres de Margaret Atwood sont copiées, elle touche exactement le même montant que n'importe quel autre écrivain. La raison pour laquelle elle peut toucher plus, si c'est le cas—je ne sais pas si c'est le cas ou non—est que ses oeuvres sont copiées plus souvent, ce qui est le choix des enseignants.
La même chose vaut pour une remarque antérieure à l'effet que l'argent part aux États-Unis. Si les enseignants canadiens choisissent d'enseigner des ouvrages canadiens, alors plus d'argent ira aux créateurs et producteurs canadiens. D'ailleurs, c'est un montant comparativement faible qui va à l'étranger. Nous avons été ravis d'apprendre que la plus grande partie de l'argent reste chez nous, et c'est dû au fait que les enseignants canadiens font les bons choix et enseignent des oeuvres canadiennes.
» (1730)
La présidente: J'ai quelques questions moi-même.
Madame Hushion, j'aimerais que vous m'expliquiez comment il se fait que les licences semblent marcher aux États-Unis. Vous citez l'exemple dans The New York Times... Donc, l'enseignement électronique ou le commerce électronique est fait au moyen de licences. Voilà une chose.
Et Monsieur Wills, vous serez peut-être sauvé par la cloche—vous avez dit dans vos remarques liminaires que vous êtes quelque peu anxieux face à la ratification des traités de l'OMPI, à moins que je n'aie mal compris. Si je me trompe, faites-moi le savoir, car l'une des choses dites hier par Mme Peacock, qui représente le cinéma...
Il était donc intéressant, monsieur Mutton, de vous entendre dire que, dans le cas des droits de télévision, cela ne marche pas. Comment pensez-vous obtenir les droits de la part des cinéastes, plus particulièrement de l'énorme association qu'elle représente? Ils sont très puissants. Je dirais qu'ils sont plus puissants que vos sociétés de gestion collective. Elle disait espérer que cela n'engloberait pas les oeuvres cinématographiques. Parlons un peu de celles-ci, et pas seulement de télévision.
Et monsieur Wills et monsieur Butcher, vous parlez du tort que nous risquons de faire aux modèles commerciaux. Or, à mon sens, les modèles commerciaux continuent à évoluer. Nous ne savons pas si une personne n'a pas mis quelque chose sur l'Internet pour que l'on puisse y jeter un regard, mais s'il y a moyen de faire un modèle commercial de ce genre de choses, pourquoi l'empêcher? Ce serait contre l'intérêt de l'industrie. Ce serait contraire à la prospérité. Ce serait anticoncurrentiel.
Quoi qu'il en soit, madame Hushion, puis monsieur Wills.
Mme Jacqueline Hushion: Je pense que la raison pour laquelle les licences fonctionnent aux États-Unis dans le contexte de l'Internet et de l'éducation à distance tient au fait que les gens veulent que cela marche, car le régime est tellement flexible.
Supposons que vous enseignez un cours sur l'Internet. Vous voulez l'acheminer à 4 000 étudiants. Vous allez voir x nombre de producteurs et/ou de créateurs et vous dites: «Je veux tel et tel contenu vous appartenant.» Vous achetez des licences qui peuvent comporter différents emballages. C'est très flexible.
Le semestre suivant vous dites: «Ce n'était pas parfait, ce semestre nous allons faire les choses de telle manière. Nous allons modifier tel élément, supprimer totalement tel autre. Il y aura alors une licence pour ce contenu précis. Ce sera un type de licence différent. Ce sera une licence multisite, qui permettra de faire du travail interactif entre étudiants». Ainsi, un nouveau modèle est élaboré.
La raison pour laquelle cela fonctionne aux États-Unis est que les producteurs peuvent offrir de meilleurs prix aux établissements d'enseignement qu'ils ne le pourraient dans un environnement papier, car les coûts sont différents. Le modèle commercial est différent. Les postes de coût sont différents. Les établissements adorent, car c'est la souplesse ultime.
La présidente: Je dois vous demander de répondre de façon un peu plus concise, car nous avons bientôt le vote.
Monsieur Mutton.
Mme Jacqueline Hushion: Désolée.
La présidente: Nous sommes sur des charbons ardents car nous devons nous rendre à la Chambre pour voter. Ce n'est pas que je ne souhaiterais pas en entendre plus.
Monsieur Mutton.
M. Ross Mutton: Je suppose que vous aimeriez que je parle des oeuvres cinématographiques et de l'association du cinéma, etc.
Ce qui me chiffonne réellement, c'est qu'aux États-Unis vous pouvez passer une vidéo enregistrée sur Home Box Office, ou tout ce que vous voudrez, dans votre salle de classe, gratuitement. Au Canada, nous devons payer pour cela. Donc, en ce moment, nous subventionnons probablement l'industrie cinématographique américaine plus qu'ils ne le font aux États-Unis, et Dieu sait qu'ils n'ont pas besoin de subventions.
En outre, ce qui me trouble réellement, c'est qu'aux États-Unis ces oeuvres ne tomberont jamais dans le domaine public. J'ai de la sympathie pour Disney et MIckey Mouse, mais franchement, prolonger la durée de protection, avec toutes les complications que représente un film, nous pose problème.
S'agissant de l'utilisation dans le monde numérique, n'y songeons même pas. J'avais un professeur qui voulait utiliser un court extrait, de moins de deux minutes, d'un film pour illustrer un cours, et nous avons décidé que ce serait beaucoup trop compliqué et que nous serions probablement tous grisonnants et chenus avant d'obtenir les droits, et nous n'avons même pas essayé.
» (1735)
La présidente: Merci, monsieur Mutton.
Monsieur Wills.
M. Steve Wills: Brièvement, en réponse à votre question sur les traités de l'OMPI, non, nous ne craignons leur ratification. Notre souci est simplement que la ratification soit accompagnée par les exceptions limitées que nous proposons.
L'une de nos grandes préoccupations est de ne pas voir se répéter une démarche de réforme à deux phases, où les détenteurs de droit ont obtenu d'énormes avantages dans la première phase. On a promis aux établissements d'enseignement et aux bibliothèques qu'ils recevraient sous peu une compensation, et il a fallu attendre dix ans. Nous ne voulons pas voir se répéter ce processus.
Deuxièmement, très rapidement, pour ce qui est de la solution du marché, nous ne pensons pas que ce soit une solution de marché que d'imposer des licences élargies et un seul gardien de l'accès à toutes les oeuvres appartenant à une catégorie donnée. Nous pensons que la solution du marché, ce sont les licences facultatives. Ce que nous proposons, par exemple pour l'utilisation pédagogique de l'Internet, c'est que les titulaires de droits fassent connaître leurs intentions. S'il faut installer certaines MPT—elles peuvent contrôler soit l'accès soit l'utilisation—faites-le, et cela manifestera votre volonté d'être couvert par cette disposition, et cela nous conviendra très bien.
Concernant la notion lancée hier selon laquelle tout cela coûterait trop cher, Bob Schad, de l'Université de Regina, qui est dans l'auditoire aujourd'hui, a mené un petit sondage auprès d'un certain nombre de fournisseurs de services Internet et découvert qu'en fait certains d'entre eux fourniraient cela gratuitement, ou bien à un coût très minime. Lorsque quelqu'un prétend qu'il est exclu de se doter de mesures de protection technologique, ce n'est simplement pas vrai. Cela ne coûte pas cher. Cela peut être fait à un coût raisonnable.
Merci.
La présidente: Encore une fois, désolée de devoir interrompre la discussion. Cependant, si vous avez des remarques supplémentaires à nous communiquer, transmettez-nous-les cette semaine, car nous voulons rédiger un rapport la semaine prochaine et le finaliser d'ici la fin de la semaine.
Je vois que Mme Lill est là.
Nous aimerions jeter un coup d'oeil sur l'ébauche du rapport mardi et s'il va y avoir un rapport dissident, il faudra nous le transmettre d'ici mercredi prochain. Je vous en avertis. Nous bouclons les audiences demain.
Encore une fois, s'il y en a parmi vous qui souhaitent nous communiquer d'autres documents, n'hésitez pas. Si nous avons entendu des témoignages auxquels vous n'avez pas eu l'occasion de réagir, là encore, il serait bon que vous transmettiez les renseignements au greffier d'ici la fin de la semaine.
Merci à tous d'être venus.
La séance est levée.