JUST Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 11 mars 2004
¿ | 0905 |
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)) |
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice et procureur général du Canada) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PCC) |
Le président |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Peter MacKay |
Le président |
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.) |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0930 |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Morris Rosenberg (sous-ministre et sous-procureur général, ministère de la Justice) |
¿ | 0935 |
M. Peter MacKay |
M. Morris Rosenberg |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Peter MacKay |
M. Morris Rosenberg |
M. Peter MacKay |
M. Morris Rosenberg |
M. Peter MacKay |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0940 |
M. Terry Beitner (directeur, Section des crimes de guerre, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, ministère de la Justice) |
M. Richard Marceau |
M. Terry Beitner |
M. Richard Marceau |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0945 |
M. Donald Piragoff (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0950 |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD) |
L'hon. Irwin Cotler |
¿ | 0955 |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Irwin Cotler |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Josée Touchette (sous-ministre adjointe, ministère de la Justice) |
À | 1000 |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Carolina Giliberti (directrice générale, ministère de la Justice) |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.) |
À | 1005 |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1010 |
Le président |
M. Morris Rosenberg |
L'hon. Sue Barnes |
Le président |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
À | 1015 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
M. James Bissell (sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice) |
À | 1020 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Peter MacKay |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Paddy Torsney |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1025 |
Le président |
M. Richard Marceau |
À | 1030 |
L'hon. Irwin Cotler |
M. Richard Marceau |
À | 1035 |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.) |
L'hon. Irwin Cotler |
Mme Marlene Catterall |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1040 |
Le président |
L'hon. Lorne Nystrom |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1045 |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, PCC) |
À | 1050 |
L'hon. Irwin Cotler |
À | 1055 |
Le président |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
Mme Marlene Catterall |
Le président |
Mme Marlene Catterall |
L'hon. Irwin Cotler |
Le président |
CANADA
Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 11 mars 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.
Nous faisons l'examen du Budget supplémentaire des dépenses pour l'exercice se terminant en 2004 ainsi que du Budget principal des dépenses pour l'exercice se terminant en 2005.
Nous recevons aujourd'hui le ministre de la Justice, Irwin Cotler, ainsi que ses collaborateurs, ses chefs de service, toute l'équipe, quoi.
Je vois que le quorum est atteint. Je vous signale qu'à la fin de la séance, nous avons l'intention de siéger à huis clos, en séance du comité directeur. Nous avons près de deux heures pour nos témoins, ce matin. Cela étant dit, commençons.
Je vais demander au ministre Cotler s'il a des observations liminaires. Si c'est le cas, vous pouvez y aller.
[Français]
L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice et procureur général du Canada): Merci, monsieur le président.
Je suis heureux de rencontrer les membres de votre comité concernant le Budget principal des dépenses et le Budget supplémentaire des dépenses du ministère de la Justice.
¿ (0910)
[Traduction]
C'est la première fois que je comparais devant le comité à titre de ministre de la Justice et procureur général et je m'en réjouis. J'ai beaucoup aimé siéger moi-même au comité et je comprends son importance pour la justice.
Je profite de l'occasion pour vous présenter mon sous-ministre, Morris Rosenberg, la sous-ministre adjointe responsable des services ministériels, Josée Touchette, et le sous-ministre adjoint intérimaire chargé notamment des politiques en matière de droit pénal, Don Piragaoff. Je tiens à dire à quel point j'apprécie leur travail.
Monsieur le président, pour que cet examen budgétaire soit aussi complet et compréhensible que possible, je me propose de présenter mon exposé en trois volets. D'abord, je vous donnerai un aperçu de l'évolution de l'environnement socio-juridique et de l'augmentation correspondante de la demande de services juridiques, plaçant ainsi le cadre budgétaire dans son contexte, pour en faciliter la compréhension. Ensuite, je vais parler de l'évolution des besoins en ressources du ministère, étant donné les demandes plus nombreuses, plus fréquentes et plus complexes pour ces ressources, découlant des changements dans l'environnement socio-juridique. Troisièmement, je ferai un survol des priorités de notre portefeuille, qui sont à la base de la demande de ressources.
Parlons d'abord de l'évolution de la demande et de son incidence sur le ministère.
Au cours des dix dernières années, le ministère de la Justice a essayé de suivre le rythme d'une croissance remarquable de la demande de services juridiques. Pour composer tant avec l'augmentation du volume qu'avec l'augmentation de la complexité du travail, le ministère a dû changer de manière importante sa façon de travailler. Ces transformations apparaissent dans les budgets de dépenses dont vous êtes saisis et traduisent à la fois le caractère unique du mandat du ministère et les changements de l'environnement dans lequel il doit s'acquitter de son mandat.
[Français]
Permettez-moi de prendre quelques instants pour vous décrire cette croissance et pour résumer les défis qui l'inspirent. J'en profiterai aussi pour vous décrire certaines de nos priorités courantes, comme je l'ai dit.
Monsieur le président, ces dernières années, le recours aux tribunaux a crû énormément, au point où l'on peut dire que le Canada a dorénavant une culture du litige. Un certain nombre de facteurs contribuent à cet état de choses.
Premièrement, il y a les répercussions de la Charte canadienne des droits et libertés, laquelle a permis de contester devant les tribunaux des lois et des mesures gouvernementales qui étaient auparavant mises en cause dans le cadre du processus politique.
Deuxièmement, on a assisté à la naissance d'un discours sur les droits aux termes duquel les questions de politiques publiques sont considérées sous l'angle des droits en cause, et non comme des choix qu'on retient parmi diverses options.
Troisièmement, les Canadiennes et les Canadiens ont maintenant moins de respect pour les choix législatifs du gouvernement.
[Traduction]
Le sociologue Edgar Freidenberg a décrit ce changement comme une baisse du respect envers l'autorité, qui se manifeste par une augmentation du nombre de contestations judiciaires des mesures gouvernementales et par la volonté de critiquer les propositions législatives, par exemple.
[Français]
Quatrièmement, il y a l'augmentation marquée du nombre d'avocats au Canada, soit une hausse de 21 p. 100 au cours des 10 dernières années.
Cinquièmement, il y a eu l'introduction de la détermination des honoraires en fonction des résultats et de règles en matière de recours collectif, ce qui permet aux demandeurs d'intenter plus facilement une poursuite.
Sixièmement, il y a eu la judiciarisation des relations internationales, notamment les ententes commerciales fondées sur des règles, une demande croissante de la part des ONG pour qu'on édicte, au chapitre des droits de la personne, de nouvelles normes qui ont force exécutoire, etc.
[Traduction]
D'autres difficultés ont, si l'on veut, stimulé la demande de services juridiques: une augmentation des demandes d'accès à la justice, assorties de pressions accrues sur les régimes d'aide juridique provinciaux, ainsi que la demande provenant du secteur de l'immigration et du statut de réfugié, un autre exemple; pensons aussi à l'augmentation des procès très coûteux, non seulement des contestations en vertu de la Charte, mais aussi les recours collectifs, les poursuites, y compris les poursuites collectives en responsabilité civile, les mégaprocès, les revendications pour préjudices historiques, sans compter le coût croissant de l'alourdissement de la charge de travail et de la complexité accrue des dossiers dans les affaires civiles, pénales et administratives. Tout cela, monsieur le président, a une incidence marquée sur la souplesse budgétaire gouvernementale et sur nos obligations possibles et éventuelles. Il y a aussi l'effet des sciences et de la technologie: le système judiciaire doit s'adapter à l'évolution rapide de la biotechnologie, de la génétique, de l'Internet, entre autres. Enfin, n'oublions pas les interactions des Autochtones avec le système judiciaire. Les tribunaux sont en effet devenus le principal recours pour toute une gamme de revendications, que ce soit dans le cadre de traités ou dans celui des écoles résidentielles, par exemple.
Ceci m'amène au deuxième volet de mon exposé, monsieur le président, soit l'adaptation de notre démarche à cette croissance: comment nous avons réagi dans cet environnement, du point de vue administratif et budgétaire, ainsi que la façon dont nous organisons nos besoins en ressources.
Jusqu'au milieu des années 80, les crédits accordés au ministère de la Justice lui suffisaient pour offrir à ses ministères clients toute sa panoplie de services: services juridiques, services-conseils, services législatifs et contentieux. Toutefois, la tendance à l'augmentation de la fréquence et de la complexité de la demande dont j'ai parlé a érodé les ressources du ministère jusqu'à ce qu'elles ne suffisent plus pour assurer le niveau de service exigé et dû à ses clients, et qui est en outre nécessaire à l'administration de la justice.
Voilà pourquoi en 1988, avec le consentement du Secrétariat du Conseil du Trésor, le ministère de la Justice a commencé à recouvrer les coûts des services offerts aux ministères clients. Au départ, seuls les coûts non salariaux étaient facturés aux clients, puis seulement le salaire de quelques avocats, dans le cadre d'accords de partage des coûts négociés avec les clients qui estimaient avoir des besoins pressants de services juridiques. Le ministère continuait à se servir de ses crédits pour financer une partie de ce travail, mais la demande en services juridiques a augmenté avec le temps, de même que le volume d'activités faisant l'objet de recouvrement des coûts, au point où un régime de financement plus solide a été jugé nécessaire.
Dans les discussions entre le Conseil du Trésor et le ministère de la Justice, cette question cruciale a surgi: est-il clair et sans équivoque que le ministère de la Justice a le pouvoir de dépenser les fonds recouvrés auprès des ministères et agences? Comme vous le savez, la Loi sur la gestion des finances publiques exige du ministère qu'il obtienne des pouvoirs explicites pour dépenser ses recettes, par autorisation de crédits nets ou dans le cadre d'un fonds renouvelable. Cela n'a pas encore été fait explicitement.
En attendant, par conséquent, le ministère de la Justice demande une augmentation de budget de 212 millions de dollars pour 2003 et 2004. Cet argent sera placé dans une affectation réservée. Le ministère ne pourra y avoir accès avant d'avoir déposé une somme équivalente recueillie auprès de ses clients ou dans le Trésor.
Grâce à cette mesure, le régime de recouvrement des coûts du ministère de la Justice est transparent pour les parlementaires et tout à fait conforme aux politiques financières du gouvernement. Cette mesure ne coûte rien et les clients du ministère de la Justice ne seront pas touchés par sa mise en oeuvre. Les clients n'ont pas à payer davantage pour leurs services juridiques. Ils seront facturés conformément aux politiques actuelles.
C'est précisément notre démarche: le ministère travaille à la recherche d'une solution à long terme, un régime de financement pour les services juridiques qui serait avantageux tant pour le ministère que pour ses clients et pour la justice, et tant du point de vue financier que du point de vue des politiques.
Un projet est actuellement en marche pour évaluer les divers régimes de financement possibles et pour formuler des recommandations à la haute direction. Le régime choisi sera tout à fait conforme aux politiques du Conseil du Trésor sur les services communs. Cela augmentera la transparence et la reddition de comptes dans l'administration des coûts des services juridiques.
Passons maintenant à mon troisième et dernier volet: les priorités de notre programme. Je vais vous les présenter très rapidement.
Premièrement, monsieur le président, il y a le renforcement de la sécurité et la promotion des droits de la personne.
¿ (0915)
Nous le savons tous, le monde a changé radicalement après le 11 septembre. Les grands titres de tous les médias l'ont dit: le monde n'est plus le même. On l'a vu particulièrement dans la recherche de la sécurité humaine dans le domaine des lois et des politiques de lutte contre le terrorisme, où l'on trouve les deux côtés de la médaille des droits de la personne. D'abord, l'objectif même des lois et politiques contre le terrorisme, c'est d'assurer la sécurité humaine, soit la protection de la sécurité de la démocratie et la protection des droits de la personne, le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne.
D'un autre côté, dans l'application des lois et politiques de lutte contre le terrorisme, il faut s'assurer de protéger aussi les droits de la population sans cibler un groupe ou une minorité visible particulière en accordant un traitement discriminatoire ou différents dans nos lois. D'autres démarches pour protéger... Et je tiens à dire que votre comité fera l'objet de beaucoup d'attention, à ce sujet. Vous entreprendrez en effet à l'automne le premier examen triennal de l'application de loi antiterrorisme, appelée initialement le projet de loi C-36.
Je vous ai aussi renvoyé à l'article 4 de la Loi sur les secrets officiels. Et toujours au sujet de la promotion et de la protection de la sécurité humaine, nous traiterons des préoccupations liées à la lutte contre l'impunité. Nous estimons prioritaire la poursuite des criminels de guerre, de même que la lutte contre le racisme, la propagande et les crimes haineux, dans le cadre de la protection contre les agressions visant la dignité de la personne humaine et la dignité qui doit être la même pour tous.
Ceci m'amène à ma deuxième priorité, soit la nécessité de protéger les plus vulnérables parmi nous, dans le cadre de la promotion et de la protection de la dignité humaine. Quand je parle des plus vulnérables, je parle de protéger les enfants, les femmes, les personnes handicapées, les minorités sexuelles, les réfugiés, les immigrants, etc. Je pense par exemple à la protection des enfants contre toute forme d'exploitation, de négligence et d'abus, qui doit être une priorité nationale et internationale, qui doit être respectée comme principe et traduite dans les politiques.
Il faut aussi soutenir de nouvelles façons d'être parent après un divorce et renforcer la protection juridique des intérêts de l'enfant.
Par ailleurs, il faut prendre des mesures en priorité pour réprimer toutes les formes de violence contre les femmes. En particulier, nous espérons faire de la lutte contre la traite des femmes... Plus tôt cette semaine, à l'occasion d'une conférence tenue par le ministère de la Justice, la première conférence sur ce sujet, portant à la fois sur les aspects nationaux et internationaux de la question, j'ai décrit la traite des personnes, particulièrement des femmes et des enfants, comme un nouvel esclavagisme mondial et j'ai présenté une proposition en 10 points pour lutter contre cet esclavagisme mondial.
La troisième priorité, celle de la justice autochtone, n'est pas seulement la priorité du ministère de la Justice, mais de l'ensemble du gouvernement. Le gouvernement du Canada, a déclaré le premier ministre, voit une priorité dans l'amélioration des relations entre les Autochtones et le système judiciaire. Quand les personnes autochtones ont des démêlés avec la justice, en tant que victimes ou en tant qu'accusés, leurs besoins sont associés à leur culture, à leur situation économique et sociale et doivent être pris en compte pour que le système soit plus juste et plus efficace pour elles. Nous espérons atteindre cet objectif au moyen d'une stratégie de justice autochtone dont vous trouverez la manifestation dans les budgets qui vous sont présentés.
La quatrième priorité, c'est la réforme globale du système judiciaire, tant du côté pénal que civil. Les Canadiens s'attendent à ce que le système de justice soit une tribune indépendante et impartiale pour régler les litiges. Pour servir la diversité canadienne, le système doit être accessible, juste et adapté à la réalité. Dans ce but, le ministère offre un soutien financier aux provinces et territoires pour divers programmes visant à améliorer l'accès au système judiciaire.
L'aide juridique est le plus important de ces programmes du point de vue financier, et ces besoins ne cessent de croître. C'est un programme offert aux personnes qui sont impliquées dans des affaires criminelles graves et qui sont économiquement défavorisées, aux jeunes pour les questions se rapportant à la Loi sur le système de justice pour adolescents, aux réfugiées, aux immigrants, etc. Je le répète, c'est une part de l'administration de la justice qui prend de plus en plus d'importance pour l'accès à la justice.
Dans le cas de la justice pénale, on comprend facilement que les coûts et les retards augmentent proportionnellement au nombre de dossiers et à leur complexité. C'est souvent dans les médias que les Canadiens l'apprennent. En effet, une accusation sera rejetée ou fera l'objet d'un procès à cause des délais qui ont précédé le procès et qui peuvent discréditer l'administration de la justice. Nous continuons de nous efforcer d'améliorer l'efficience du système judiciaire sans compromettre la justice et l'accessibilité qui sont essentielles.
Nous devons aussi nous pencher sur des questions pressantes comme la propagande haineuse par voie électronique, le cyber-terrorisme et le problème croissant de l'usurpation d'identité.
¿ (0920)
Nous améliorons aussi notre capacité en droit pénal international pour bien collaborer avec nos partenaires internationaux dans la lutte contre la criminalité mondiale et contre les menaces à la sécurité collective et nationale. En bref, monsieur le président, nous assistons à la mondialisation de l'injustice et constatons la nécessité de réagir par une mondialisation de la justice, tant dans nos démarches nationales qu'internationales.
Je passe la rubrique suivante, portant sur le mariage entre conjoints de même sexe, mais je répondrai volontiers à vos questions, s'il y en a. Je parlerai immédiatement de la dernière priorité, soit le plan d'action de la Justice pour le renouvellement démocratique, un complément au plan d'action gouvernemental pour le renouvellement démocratique, qui cible plus particulièrement la justice. Ce plan porte sur l'amélioration de nos relations avec les parlementaires et, j'espère, en particulier avec les membres de votre comité, ainsi que sur un programme de communication régionale pour faire participer les Canadiens au développement du programme en matière de justice.
Dès le début de mon mandat j'ai visité chacune des régions du pays, rencontré mes homologues les procureurs généraux des provinces, ainsi que divers groupes d'intéressés, des étudiants en droit, des facultés de droit, par exemple, des fonctionnaires régionaux du ministère de la Justice, des membres du Barreau: autrement dit, tous les types d'intervenants du secteur. Je leur ai demandé ce qu'ils souhaitaient voir dans le programme de la justice: s'ils étaient ministre de la Justice, quelles seraient leurs priorités? Et j'ai entrepris de faire cela dès le début de mon mandat, pour que nous puissions tenir ces rencontres dans tout le pays.
La réforme de la Loi sur l'accès à l'information, la réforme du processus de nomination des juges de la Cour suprême du Canada, un rôle accru pour les parlementaires dans ces domaines et le soutien international à la réforme démocratique des pays en transition ou des pays où la démocratie n'est pas encore avérée, ce qui a d'ailleurs une incidence sur tout ce que nous faisons...
Monsieur le président, le ministère de la Justice cherche constamment à améliorer l'accès, l'égalité et l'efficacité de notre système judiciaire. Notre travail exige des partenariats avec des provinces et territoires, avec d'autres ministères et organismes, avec des groupes communautaires et des groupes de services ainsi qu'avec les Canadiens eux-mêmes. Il nécessite aussi la coopération avec le milieu international.
Mais à mesure que change l'environnement socioéconomique et que croît la demande pour les services juridiques, le ministère de la Justice doit aussi évoluer. Il ne s'agit pas que d'une question financière ou comptable. Nous parlons ici de ce dont j'ai parlé immédiatement après mon assermentation comme ministre de la Justice et procureur général: ma priorité absolue sera la poursuite de la justice et, dans ce cadre, la promotion et la protection des droits à l'égalité comme fondement d'un système judiciaire englobant la promotion et la protection des droits et de la dignité de la personne.
Je crois que les budgets des dépenses dont vous êtes saisis doivent être considérés comme des investissements dans le système judiciaire canadien, des investissements dans la poursuite de la justice, qui rendront notre système plus accessible, plus universel et équitable pour tous les Canadiens.
Monsieur le président, je répondrai volontiers à vos questions et j'ai hâte d'entendre vos observations.
Merci.
¿ (0925)
Le président: Merci, monsieur le ministre Cotler.
Au nom des membres du comité, en notre nom à tous, je tiens à vous féliciter pour votre nomination au Cabinet.
Je me tourne maintenant vers la gauche, mais pas l'extrême gauche, monsieur Nystrom. Est-ce que M. MacKay posera la première question? Nous aurons un tour de questions de sept minutes.
M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PCC): Je suis à l'extrême centre, en fait.
Le président: Monsieur MacKay, vous avez sept minutes.
M. Peter MacKay: Et vous êtes loin là-bas, dans l'espace intersidéral.
L'hon. Irwin Cotler: Je vois ici une excellente compétition idéologique.
Le président: Monsieur MacKay, vous avez la parole.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, nous sommes très heureux de vous accueillir, vous et ceux qui vous accompagnent. Vous nous avez décrit un programme très ambitieux. Pour ma part, j'admire votre volonté d'entreprendre un programme si ambitieux.
Mais puisque vous êtes ici dans le cadre de notre examen du Budget des dépenses, j'aimerais aborder une question qu'a soulevée hier à la Chambre des communes notre leader parlementaire, Loyola Hearn, car elle traite précisément des prévisions budgétaires. N'est-il pas vrai que, selon le président du Conseil du Trésor, les prévisions budgétaires et l'étude que nous amorçons aujourd'hui ne sont finalement qu'une imposture car le Budget principal des dépenses sera revu dans son intégralité au cours des six prochains mois de l'exercice 2004-2005.
Les données que nous avons sous les yeux n'ont essentiellement aucune pertinence ou fiabilité aux dires du président du Conseil du Trésor lui-même. Permettez-moi de citer un document apparaissant sur son site Web: «En raison de l'ampleur des modifications de l'appareil public annoncées en décembre 2003, le gouvernement prévoit déposer une version révisée du Budget principal des dépenses plus tard dans l'exercice 2004-2005 [...]». Le président du Conseil du Trésor ne précise toutefois pas quand les chiffres définitifs seront disponibles.
Une bonne part des initiatives que vous nous avez décrites aujourd'hui ne se concrétiseront que si votre ministère voit son budget augmenter. Vous avez souligné l'arriéré de travail en aide juridique. Ayant moi-même travaillé au sein du système de justice pénale il n'y a pas si longtemps, je suis en mesure de confirmer que la situation est aussi sérieuse que vous l'avez dit, que l'arriéré de travail en aide juridique est la cause de tensions, de conflits et d'injustices. Comme vous l'avez si bien dit vous-même, justice différée est justice refusée.
On ne pourra atténuer les pressions qui s'exercent sur notre système d'aide juridique qu'en y injectant une somme importante d'argent, un peu comme dans notre système de soins de santé. Ces données, autant dans votre ministère que dans les autres, semblent peu fiables et inexactes tout simplement parce que votre gouvernement, dans ce que je décrirais comme un geste sans précédent, a décidé de ne pas nous présenter les vrais chiffres, mais plutôt de nous dire: «Vous aurez un jour, sous peu, les données exactes. Entre-temps, nous établirons le budget en fonction de chiffres que nous sortirons de notre chapeau de magicien.»
Puisqu'il s'agit de justice fondamentale, j'aimerais savoir si, selon vous, nous pouvons nous fier aux chiffres qui nous sont présentés aujourd'hui dans le Budget principal des dépenses.
Le président: Paddy Torsney invoque le Règlement.
Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je crois que le président de la Chambre est actuellement saisi de la question que soulève le député d'en face et qu'il n'a pas encore rendu sa décision. Il est malavisé d'interroger le ministre sur un sujet qui n'a pas fait l'objet d'une discussion approfondie à la Chambre.
M. Peter MacKay: Monsieur le président, nous sommes ici pour traiter du Budget principal des dépenses.
Le président: Non, nous ne nous lancerons pas dans un débat sur un rappel au Règlement. Ce n'est pas nécessaire, car je ne crois pas que ce qui se passe à la Chambre empêche les membres de notre comité de poser les questions qui les intéressent. Poursuivons.
M. Peter MacKay: Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, pour revenir à ces chiffres que votre ministère nous a présentés aux fins de notre examen des prévisions budgétaires, croyez-vous vraiment qu'ils soient fiables?
L'hon. Irwin Cotler: D'abord, pour répondre à vos observations selon lesquelles ce que vous avez devant vous peut paraître une imposture, permettez-moi de dire que le cadre socio-juridique et les échéanciers et les facteurs de stress que j'ai décrits n'ont, je le répète, aucun rapport avec quelques méthodes comptables que ce soit. Je voulais mettre les choses en perspective, et je pensais que le travail du Comité de la justice et des droits de la personne consistait à mieux comprendre la nature du milieu dans lequel nous vivons, à l'intérieur duquel nous concevons un cadre budgétaire. Privés de ce contexte, nous ne pouvons pas vraiment comprendre le travail.
Nous avons ainsi essayé d'ouvrir une fenêtre, pour ainsi dire, sur ce que nous faisons et sur nos motivations. Puis nous avons abordé le deuxième élément, à savoir comment nous avions l'intention de le faire. Nous voulions ainsi assurer la transparence à cet égard. Comme je l'ai dit, certes, auparavant, en raison d'approches financières données concernant le recouvrement des coûts auprès de nos clients, la transparence n'a peut-être pas été aussi grande que nous aurions pu le souhaiter, en raison de la nature des mécanismes de financement. Pour assurer la transparence, nous avons en fait ouvert tout le processus afin qu'on puisse clairement comprendre ce qui se passe.
Troisièmement, l'échéancier que je vous propose, cet ensemble de priorités en cinq points, correspond exactement à ce qu'il en serait tant pour l'examen hors du cadre budgétaire que pour l'examen à l'intérieur de ce cadre budgétaire. Il n'y a aucun changement; rien ne change; les chiffres sont toujours valables. Il n'y a rien ici qui vise de quelque manière à obscurcir ou à confondre les choses. Du point de vue financier, on visait la transparence. Du point de vue politique, on visait à cerner nos priorités à cet égard.
¿ (0930)
M. Peter MacKay: Monsieur le ministre, c'est bien. Vous avez beau vous donner toutes les priorités que vous voulez. Pour les respecter, compte tenu des chiffres, du budget sur lequel vous comptez, il doit bien y avoir une certaine intégrité, on doit pouvoir s'appuyer sur la réalité de ces chiffres. Si vous voulez réaliser cet ambitieux programme, vous devez être en mesure de combler les lacunes du système d'aide juridique, du système d'immigration.
Plus particulièrement, dans le passé vous vous êtes fait le champion du dossier des criminels de guerre qui se trouvent au Canada, et vous avez dénoncé le manque de diligence dans la recherche de ces derniers. Aux dernières nouvelles, on avait tout simplement perdu la trace de 75 criminels de guerre qui devaient être expulsés du pays. J'ai lu vos observations au sujet des criminels de guerre. Vous auriez dit à un moment donné qu'il existait au Canada une culture d'impunité en ce qui concerne les criminels de guerre. Vous auriez aussi dit que la présence de criminels de guerre dans nos démocraties, y compris au Canada, était une obscénité morale et judiciaire, un affront à la conscience. Ce n'est pas peu dire.
Je vous le rappelle. Que pourra faire votre ministère à ce sujet, si le processus budgétaire est déficient, si les chiffres ne sont pas réels, si l'on ne dispose pas d'assez de ressources pour combler ces mêmes lacunes sur lesquelles vous avez à maintes fois insisté, tant avant votre nomination que depuis celle-ci?
L'hon. Irwin Cotler: Je reconnais mes propres déficiences en matière de comptabilité, et les membres de ma famille seraient les premiers à vous les confirmer. Si bien que pour ne pas ajouter à mes déficiences en matière de comptabilité et de chiffres, je vais faire appel aux spécialistes qui m'accompagnent pour traiter de cette question. Je pense qu'un ministre devrait savoir non seulement où se trouvent l'expérience et le savoir-faire mais aussi quelles sont ses limites. Pour ma part, ces limites ont trait au détail des budgets, non pas à la politique, mais plutôt aux calculs comptables mêmes. Comme je l'ai dit, ce que nous avons mis de l'avant favorisait la transparence.
Je vais maintenant céder la parole au sous-ministre, qui incarne en quelque sorte nos archives pour ce qui est de ces questions. Il possède une mémoire institutionnelle qui dépasse largement la nôtre en ce qui a trait à la politique et au processus budgétaire et à leur recoupement.
M. Morris Rosenberg (sous-ministre et sous-procureur général, ministère de la Justice): «Les archives incarnées», c'est tout un titre.
¿ (0935)
M. Peter MacKay: Est-ce un compliment?
M. Morris Rosenberg: Je n'en suis pas certain.
Monsieur le président, nous avons un programme ambitieux, cela ne fait aucun doute. Le ministre a parlé de la forte hausse de la demande à laquelle le système judiciaire doit faire face, et nous devons le faire dans un environnement, comme c'est le cas pour tous les ministères, où les ressources ne sont pas illimitées. Diverses priorités se font concurrence, et nous en sommes tous bien conscients. Nous devons donc gérer notre ministère aussi efficacement que possible. Cela signifie—à propos de certains des facteurs dont a parlé le ministre—que nous avons la responsabilité non seulement de constater la hausse du nombre de litiges mais aussi d'essayer effectivement de composer avec cette hausse par une gestion proactive.
Qu'est-ce que cela signifie? Cela signifie que ces dernières années, nous avons mis en place, dans le cadre de l'approche de la gestion du risque adoptée pour l'ensemble du gouvernement, une approche de gestion du risque juridique, en essayant de cerner dès que possible quels étaient certains des risques juridiques, en essayant de régler les cas qui méritaient un règlement, en essayant de déjudiciariser les litiges pour lesquels il y avait d'autres moyens d'en traiter. J'ai dit que l'un des facteurs dont toute la société devait prendre conscience face à la tendance à intenter de plus en plus de poursuites, c'est qu'il y a beaucoup de cas où un procès n'est pas la meilleure façon de régler un litige. Si l'on veut établir des liens avec quelqu'un, un procès ou un litige n'est pas la meilleure façon de faire. Nous avons donc essayé, par exemple, dans le contexte autochtone, de chercher d'autres moyens de régler des différends, tant au criminel qu'au civil, et d'adopter des mesures de justice réparatrices en droit pénal et des mesures de justice participatives en droit civil.
La Commission du droit vient tout juste de faire paraître une excellente étude sur la justice participative, où l'on examine les pratiques exemplaires dans l'ensemble du pays et ailleurs sur la façon de recourir le moins possible aux poursuites, et nous essayons d'adopter certaines de ces approches. Une des choses qui—
M. Peter MacKay: Le ministère de la Justice...
Le président: Monsieur MacKay, nous n'avons plus de temps, et il faudrait laisser M. Rosenberg terminer.
M. Peter MacKay: Je veux dire une dernière chose à ce sujet.
Le président: Faites-le, puis nous terminerons là-dessus. Vous avez interrompu M. Rosenberg.
M. Peter MacKay: Monsieur Rosenberg, le ministère de la Justice a intenté une poursuite contre François Beaudoin, n'est-ce pas?
Le président: Monsieur MacKay, vous vouliez dire quelque chose. Vous pouvez le dire et cela mettrait fin à votre tour. Or vous avez posé une question.
M. Peter MacKay: Votre ministère a intenté une poursuite contre François Beaudoin, ce qui semble aller à l'encontre de ce que vous dites justement au sujet de l'évitement des poursuites.
M. Morris Rosenberg: Si vous parlez de l'affaire de la BDC...
M. Peter MacKay: Je parle effectivement de l'affaire de la BDC.
M. Morris Rosenberg: ... je crois que la poursuite a été intentée par la BDC. La BDC n'est pas représentée par le ministère de la Justice. Elle a ses propres avocats. Je crois qu'elle a fait appel à un avocat de l'extérieur pour cette question.
M. Peter MacKay: Merci.
Le président: Merci.
Monsieur Marceau, vous avez sept minutes.
[Français]
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.
Monsieur le ministre, merci d'être ici ce matin. Je dois avouer que cela me fait plaisir, en tant que jeune avocat, de questionner un professeur de droit, alors que c'est habituellement l'inverse qui se produit. Disons que j'éprouve un plaisir un peu pervers à le faire.
Vous avez dit à maintes reprises que la poursuite des criminels de guerre était une de vos grandes priorités et vous l'avez répété ici ce matin. Je n'hésite aucunement à affirmer que cela fait consensus, non seulement autour de cette table, mais dans l'ensemble de la population.
Il semble y avoir certains problèmes d'efficacité dans ce programme. Comment peut-on s'assurer que les enquêtes et les poursuites criminelles soient faites le plus rapidement et le plus complètement possible? Y a-t-il un problème d'argent? Y a-t-il un problème à Immigration Canada? Y a-t-il un problème à la GRC? Y a-t-il un problème chez la police provinciale? Où est-ce que les choses clochent?
L'hon. Irwin Cotler: Vous avez dit que la question de la poursuite des criminels de guerre était une de mes priorités. Il en était ainsi même avant que je sois nommé ministre de la Justice.
Comme je l'ai dit avant d'être ministre, il y a des problèmes quant à la poursuite des criminels de guerre. Le problème, à mon avis, réside dans les questions d'enquête et de poursuite. Je parle non seulement des enquêtes à l'intérieur du pays, mais aussi des enquêtes dans divers autres pays. On a du mal à trouver de la documentation et à obtenir des témoignages pertinents. C'est particulièrement difficile quand il s'agit des criminels de la Seconde Guerre mondiale, étant donné le passage du temps et la difficulté qu'il y a à trouver la documentation et les témoins nécessaires.
Quant aux criminels de guerre qu'il y a maintenant à l'échelle du monde, la priorité est de voir à ce qu'aucun d'entre eux ne soit admis au Canada. Si on en trouvait ici, au Canada, il faudrait commencer par les poursuivre au civil ou au criminel.
Je vais demander au directeur de la section qui s'occupe des criminels de guerre d'apporter des précisions relativement au travail de sa section.
¿ (0940)
M. Terry Beitner (directeur, Section des crimes de guerre, ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, ministère de la Justice): Bonjour. Je m'appelle Terry Beitner et je suis le directeur de la Section des crimes de guerre au ministère de la Justice.
Premièrement, j'aimerais vous faire part du contexte. Il faut se rappeler que, depuis 1995, nous avons entrepris 21 causes contre des gens au sujet desquels on alléguait qu'ils avaient participé à des crimes de guerre lors de la Seconde Guerre mondiale. Nous avons eu du succès.
Quant à la question de l'efficacité dans les causes impliquant des criminels de guerre dans un contexte moderne, c'est-à-dire des personnes dont on allègue qu'elles ont commis des crimes après la Seconde Guerre mondiale, nous venons de terminer une période d'environ trois ans au cours de laquelle nous avons fait des enquêtes dans quelque 15 pays. Nous avons environ 85 causes ou allégations contre des individus et nous travaillons avec la GRC, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration et l'Agence des services frontaliers du Canada. Ces enquêtes sont toujours en cours et elles sont complexes.
Comme le ministre vient de le dire, cela implique une recherche de preuves dans les pays où vient de se produire une guerre, où les gens viennent tout juste d'être personnellement victimes de crimes de guerre ou de crimes contre l'humanité. Ce sont des affaires complexes.
M. Richard Marceau: Je comprends que ce soit complexe, mais je vais vous citer un article du National Post qui ne surprendra personne:
[Traduction]
Alors la GRC a réuni plusieurs cas qui ont été envoyés au ministère de la Justice; jusqu'à maintenant le procureur général n'a dans aucun cas donné son approbation pour porter des accusations. |
[Français]
Et là, il y a une citation de M. Dubé:
[Traduction]
Nous attendons toujours. Nous demeurons optimistes. |
[Français]
On laisse entendre que l'enquête est terminée et que le problème, c'était la poursuite. Est-ce bien le cas?
M. Terry Beitner: Il est vrai qu'on vient de recevoir quelques causes. Je dispose de trois équipes d'avocats et d'analystes qui travaillent aux dossiers. Notre rôle à cet égard est d'examiner la preuve requise, de lire les transcriptions et de juger si les preuves sont suffisantes pour entamer une poursuite.
Auparavant, d'autres causes nous ont été soumises, et nous avons décidé qu'il n'y avait pas suffisamment de preuves pour entamer les poursuites. C'est un processus continuel.
M. Richard Marceau: Merci. Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
Monsieur le ministre, vous avez dit tout à l'heure qu'une de vos priorités était de protéger les personnes les plus vulnérables. Évidemment, comme vous le savez, on est en train d'adopter le projet de loi C-12. Une question qui avait été soulevée en comité et qui avait même reçu l'appui de députés des deux côtés de cette table, mais un appui non majoritaire, concernait l'idée de peines minimales pour les gens qui sont coupables de tels actes envers les enfants.
Seriez-vous prêt à tout le moins à étudier de façon approfondie l'idée d'imposer des peines minimales dans des cas particulièrement crapuleux impliquant des enfants dans des contextes sexuels?
L'hon. Irwin Cotler: L'approche que j'adopte est peut-être celle d'un professeur de droit, mais je suis en général ouvert à l'égard d'études qui peuvent améliorer notre politique, particulièrement quand elles touchent la question de la protection des enfants et des adolescents.
Pour ce qui est de votre question spécifique, je dois dire qu'en général, je n'ai pas pour politique de favoriser les peines minimales et des choses semblables. M. Piragoff voudra peut-être ajouter quelque chose à cet égard.
Bien que notre Code criminel prévoie certaines peines minimales, comme vous le savez, le Canada y a recouru avec modération dans le passé et a donné aux tribunaux le pouvoir discrétionnaire d'imposer une peine qui soit proportionnelle à la gravité de l'infraction et au comportement du délinquant. Je suis d'accord sur cette approche.
Je pense que nous devons toutefois nous rappeler les données qui révèlent qu'en général, les peines obligatoires n'ont pas d'effet dissuasif sur la criminalité et ont de nombreuses conséquences préjudiciables non désirées sur le système de justice pénale. Lorsque je dis cela, je ne vous donne pas seulement mon avis personnel. En effet, plusieurs choses le démontrent. Citons à titre d'exemple une augmentation appréciable des coûts en raison de procès plus nombreux et plus longs, du nombre moins élevé de plaidoyers de culpabilité et de l'accroissement du nombre de délinquants en détention préventive.
On voit ce qui se passe actuellement aux États-Unis. De nombreux États américains remettent en question leur recours à des régimes rigides de détermination de la peine, comme celui des trois prises--three strikes and you're out--en raison des conséquences non désirées qu'ils ont constatées après l'étude qu'ils ont effectuée sur ce problème aux États-Unis. Il y a actuellement aux États-Unis des démarches en vue de réformer la politique qui y a eu cours pendant quelques années à cet égard.
¿ (0945)
[Traduction]
M. Donald Piragoff (avocat général principal, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice): Merci, monsieur le ministre.
J'aimerais ajouter que non seulement c'est là l'avis du ministre, comme il l'a dit, mais il était également soutenu par une recherche indépendante.
En mai 2001, une étude de la documentation a été entreprise par l'Université d'Ottawa et l'Université Carleton dans un rapport intitulé Les effets des peines minimales obligatoires sur la criminalité, la disparité des peines et les dépenses du système judiciaire. Le rapport portait sur la recherche effectuée au Canada, aux États-Unis, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Malaisie et au Royaume-Uni.
En bref, le rapport concluait que la recherche n'appuyait pas le recours à des peines minimales obligatoires comme mesure de dissuasion et de neutralisation. Rien ne tendait à montrer que les écarts en matière de détermination de la peine étaient atténués par le recours à des peines minimales obligatoires ni qu'augmentaient le nombre d'effets négatifs involontaires et de distorsions dans les modes traditionnels de détermination de la peine.
Je pense que le ministre en a mentionné certains, comme l'augmentation de la durée et des coûts des procès, la diminution du nombre de plaidoyers de culpabilité et l'augmentation du nombre de contrevenants emprisonnés dans l'attente d'un procès.
Des peines minimales obligatoires ont été infligées, mais dans certains cas seulement où il y avait eu récidive, par exemple, conduite avec facultés affaiblies, ce genre de choses. C'est dans ces cas-là que nous avons recouru à des peines minimales obligatoires. Mais en tant que mécanisme général de détermination de la peine, cela entraîne des distorsions, et aux États-Unis dans de nombreux États on revient maintenant à des directives assouplies en matière de détermination de la peine, par opposition à un recours à des peines minimales obligatoires.
[Français]
L'hon. Irwin Cotler: Je voudrais souligner un petit point, mais qui est quand même important. Pour ce qui est cette question, un des grands secrets, à mon avis, est la jurisprudence progressive et significative que nous avons élaborée ici, au Canada, à l'égard de la poursuite des criminels de guerre et qui peut avoir un rayonnement international. Ayant fait une étude de la jurisprudence, je suis d'avis qu'il s'agit d'une jurisprudence non seulement progressive, mais aussi révolutionnaire à certains égards dans le cadre du droit criminel international. J'ai demandé au ministère, et il me l'a donné il y a deux jours, de me préparer un dossier complet qu'on pourrait présenter non seulement ici, au Canada, mais aussi sur le plan international afin qu'on puisse en faire une étude qui pourrait avoir un rayonnement international et servir à la poursuite des criminels de guerre à l'échelle internationale. C'est une des choses que nous faisons ici. Comme je le disais, c'est l'un de nos secrets, et la dissémination de ces connaissances pourrait faciliter les poursuites sur les plans interne et international.
¿ (0950)
[Traduction]
Le président: Merci beaucoup.
J'espère que les membres du comité n'y voient pas d'inconvénient—les réponses ont dépassé la limite des sept minutes. Mais je suppose que les députés sont heureux de recevoir des réponses complètes.
Monsieur Nystrom, vous avez sept minutes.
L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Merci, monsieur le président.
C'est la première fois que j'ai l'occasion de féliciter le ministre pour sa nomination à la direction du ministère de la Justice. Je pense que vous êtes tout désigné pour occuper ce poste et je vous souhaite bonne chance.
J'aimerais d'abord vous poser une question d'ordre général: pourriez-vous nous dire si vous pensez que la Cour suprême entendra le renvoi sur les mariages de conjoints de même sexe, combien de temps cela pourrait prendre, si vous croyez qu'on légiférera sur cette question et, dans l'affirmative, à quel moment cela se fera?
Je voulais seulement savoir si vous pouviez nous éclairer un peu sur l'échéancier que vous prévoyez. Bien des gens dans l'ensemble du pays nous ont posé ces questions, comme vous pouvez l'imaginer.
L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de cette question.
Dans l'état actuel des choses, le renvoi devrait être entendu à la mi-octobre. On a prévu de lui consacrer trois jours d'audience. Initialement, il devait être entendu en avril et la cour avait réservé deux jours à cet effet, mais elle a elle-même accueilli 18 intervenants—et je crois que ce n'est pas fini— ainsi que trois gouvernements. Ce sera donc trois jours à la mi-octobre. Il est difficile de prévoir quand la cour rendra son arrêt. Dans une affaire importante de ce genre, il se pourrait que la cour veuille non seulement rendre un arrêt, mais également exposer les motifs de sa décision, puisqu'il s'agit d'un avis consultatif.
Il faut bien mesurer l'importance de la question. Si l'avis de la Cour suprême fait autorité, il n'a qu'une valeur consultative. Par conséquent, la question va revenir au Parlement, qui aura donc le dernier mot. J'espère qu'il sera informé par la Cour suprême de toute la trame des opinions formulées et qu'ensuite, nous amorcerons notre propre débat, qui débouchera sur un vote libre, et nous exercerons de notre mieux notre jugement, éclairé par l'avis consultatif de la Cour suprême. Dans cette affaire, la décision ultime sera parlementaire, ce qui est bien normal, étant donné la façon dont le dossier a évolué. Il y a non seulement pluralité d'opinion, mais à mon avis, il arrive que la même personne ait plusieurs opinions sur la question.
C'est précisément pourquoi nous avons ajouté une troisième question. Soyons clairs. Notre argumentation juridique s'articule autour de deux principes fondamentaux. Le premier est le respect du droit égalitaire et, dans ce cadre, l'appui au mariage homosexuel ou, comme je préfère parfois l'appeler, à l'extension du mariage civil aux gais et lesbiennes. J'utilise cette formule car elle indique que personne n'est privé de ses droits et que nous octroyons de façon plus inclusive des droits à des catégories de personnes qui en sont privées actuellement alors qu'elles revendiquent l'égalité. Le deuxième grand principe est le respect de la liberté de religion. Aucun responsable religieux ne sera contraint de célébrer un mariage homosexuel qui serait contraire à sa conscience ou à ses croyances religieuses.
Nous avons ajouté une autre question au renvoi en vertu d'un troisième principe, que j'appelle le principe de démocratie ou le principe de l'application régulière de la loi démocratique. Ceux qui ont un point de vue différent du nôtre sur la question pourront, comme on dit, le faire valoir en justice. Nous espérons obtenir ainsi trois résultats: tout d'abord, une contestation plus étendue devant les tribunaux, et c'est déjà ce que l'on constate avec l'accueil des intervenants devant les tribunaux, et nous obtiendrons donc une trame d'argumentation plus vaste; deuxièmement, nous aurons un débat parlementaire mieux informé, car nous aurons bénéficié de ce contrôle judiciaire, et troisièmement, les différents groupes d'opinion auront le sentiment d'avoir leur mot à dire en justice et d'avoir le droit d'exprimer leurs vues. Que l'on soit ou non d'accord avec eux, la diversité et la pluralité des opinions auxquelles je fais référence pourront se manifester à l'occasion de ce renvoi.
¿ (0955)
L'hon. Lorne Nystrom: Quand prévoyez-vous de solliciter l'opinion du Parlement?
L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit, je ne sais pas quand la Cour suprême va rendre sa décision. J'ai l'impression que si elle entend la cause en octobre 2004, elle devrait rendre son arrêt vers la fin du printemps 2005. Selon que le Parlement siégera ou non à ce moment-là, nous pourrions commencer à étudier cet avis consultatif, étant parfaitement informés, du moins je l'espère, des opinions exprimées à l'intérieur et à l'extérieur de la cour.
L'hon. Lorne Nystrom: Je remarque qu'au titre du crédit numéro 1 du budget, le ministère de la Justice demande environ 493,8 millions de dollars pour des services à des clients du gouvernement, ce qui représente une augmentation de 92,7 p. 100 par rapport au budget de 2003-2004. Quels sont les motifs d'une augmentation aussi importante? Quatre-vingt-douze pour cent, c'est très élevé. Il a dû y avoir de nouvelles initiatives ou des événements imprévus. Pourriez-vous fournir une explication au comité, s'il vous plaît?
L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit, lorsqu'il est question de gestion financière et de données précises à ce sujet, je m'en remets à notre experte en archives financières, en l'occurrence Josée Touchette.
Mme Josée Touchette (sous-ministre adjointe, ministère de la Justice): Merci, monsieur le ministre.
Vous avez raison de signaler une augmentation importante dans notre budget de cette année. Elle est due en particulier au financement des ressources provisoires du régime de recouvrement des coûts, qui représente 212,8 millions de dollars. Avec les fonctionnaires du Conseil du Trésor, nous avons décidé de renforcer les pouvoirs du ministère de la Justice de dépenser les fonds que lui versent d'autres ministères au titre du recouvrement des coûts pour des services juridiques qu'il assure en leur nom. Nous avons conclu avec le Conseil du Trésor une entente qui prévoit une solution provisoire de révision du financement du régime actuel.
Jusqu'au milieu des années 80, le ministère de la Justice était financé exclusivement par ses crédits budgétaires. À cette époque, la demande de services juridiques a commencé à augmenter, et nous avons mis en place avec le Conseil du Trésor un système qui nous permettait de récupérer une partie des coûts et des salaires des avocats du ministère de la Justice. Comme la demande de services juridiques augmentait rapidement, le niveau des ressources disponibles au ministère est devenu insuffisant pour assurer le niveau de services requis par les autres ministères, et notre ministère a donc commencé à récupérer une partie croissante de ces coûts. Au départ, seul le salaire de quelques avocats était récupéré auprès des ministères en vertu d'ententes de partage des frais. Mais comme la demande augmentait, la partie des coûts recouvrés a elle aussi augmenté, à tel point que nous en sommes venus à considérer, avec les fonctionnaires du Conseil du Trésor, qu'il fallait délimiter plus précisément notre pouvoir de redépenser l'argent perçu.
Pour vous donner un exemple, l'année dernière, en 2002-2003, le ministère de la Justice a récupéré 117 millions de dollars auprès de ses ministères clients, et il prévoyait en récupérer 145 millions en 2003-2004. La Loi sur la gestion des finances publiques oblige les ministères à obtenir des pouvoirs spécifiques pour dépenser les recettes qu'ils perçoivent, généralement sous la forme d'autorisation de crédit net ou de fonds renouvelable. La mise en place d'un mécanisme de ce genre prend environ un ou deux ans. C'est pourquoi cette année, avec l'accord du Conseil du Trésor, nous avons constitué une affectation bloquée qui, dans le budget, représente un montant de 212 millions de dollars. Cette affectation bloquée permet au ministère de récupérer les salaires et les coûts des services juridiques auprès des ministères clients, de verser l'argent au Trésor public, puis de le reprendre au fur et à mesure sur ce montant de 212 millions, qui représente le plafond de ce que nous pourrons récupérer d'ici un an.
Cette formule assure une plus grande transparence. Autrefois, les transactions, les entrées et les sorties n'étaient pas comptabilisées aussi clairement. Nous reconnaissons cependant qu'il s'agit d'une solution provisoire, car il va falloir rajuster les crédits avec l'aide du Conseil du Trésor, et à cette fin, nous devrons revenir devant le Parlement. Mais dans l'immédiat, afin d'améliorer la transparence, nous avons eu recours à cette solution, et c'est pourquoi nous demandons un montant supplémentaire dans notre budget, qui de ce fait, est bien différent de celui de l'année dernière.
À (1000)
Le président: Vous n'avez plus de temps, monsieur Nystrom, mais si vous voulez compléter très brièvement, je vous y autorise.
L'hon. Lorne Nystrom: Très rapidement, pour faire appel aux connaissances du ministre en matière de comptabilité et d'affaires publiques. Je remarque une note en bas de page qui fait état de 2,5 millions de dollars pour l'aide juridique en matière de sécurité publique et d'antiterrorisme. Quelle est cette initiative?
L'hon. Irwin Cotler: Jusqu'à maintenant, pour autant que je sache, nous n'avons eu aucune dépense à ce titre. Il s'agit d'éventuelles poursuites résultant du projet de loi C-36 et de notre législation sur l'antiterrorisme; nous ne sommes pas intervenus dans des poursuites sur ce thème. Il s'agissait d'une prévision concernant d'éventuelles poursuites dans le contexte de la structure sur la sécurité publique.
Je profite de l'occasion pour dire—car j'ai été surpris de l'apprendre moi-même—que le ministère de la Justice participe à près de 50 000 procès au civil, ce qui représente un coût de 175 millions de dollars, et nous avons ouvert et fermé environ 30 000 dossiers de poursuite à l'interne, sans parler de toute la série des affaires constitutionnelles.
Je dois vous dire que lorsque j'enseignais le droit et que je voyais l'affaire Untel contre le procureur général du Canada—c'est souvent ainsi qu'on citait les arrêts—, je n'y prêtais jamais attention. Maintenant, j'en prends note, parce que je me rends compte que nous sommes la partie défenderesse dans la plupart de ces 50 000 procès au civil, et le ministère de la Justice a environ 160 000 dossiers de poursuites au pénal dans son inventaire interne. À voir toutes ces affaires, leur volume et leur complexité croissante, on comprend que nous sommes heureux de notre sort. Mais je terminerais en disant qu'actuellement, nous n'avons pas à nous occuper des affaires d'antiterrorisme, mais nous pourrions devoir nous en occuper.
On me signale que Carolina voudrait donner des précisions sur ces 2,5 millions du budget.
Mme Carolina Giliberti (directrice générale, ministère de la Justice):
Merci beaucoup, monsieur le ministre.
Pour participer à la mise en oeuvre de la Loi sur l'antiterrorisme, le ministère a créé un fonds de contribution qui permet aux différentes juridictions d'obtenir des ressources. En vertu de l'accord de contribution, les provinces peuvent obtenir des ressources pour toutes les accusations portées en vertu de la Loi sur l'antiterrorisme ou des mesures législatives de sûreté publique que pourraient adopter le Parlement, pour le contrôle frontalier des immigrants et des réfugiés après les événements du 11 septembre ou pour toute poursuite en vertu de la Loi sur l'extradition lorsque l'État requérant allègue la perpétration d'un acte terroriste. Jusqu'à présent, nous n'avons pas reçu de demandes concernant ce fonds, mais il a été constitué pour venir en aide aux provinces.
L'hon. Irwin Cotler: J'avais raison en ce qui concerne la politique en la matière mais je suis heureux de la confirmation concernant le budget.
Le président: Merci beaucoup.
Nous passons maintenant à Mme Barnes, pour sept minutes.
L'hon. Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Merci beaucoup.
Soyez le bienvenu, monsieur le ministre. Je sais tous les efforts qu'il vous a fallu faire pour être ici ce matin.
J'aimerais commencer par un sujet qui me tient à coeur et dont vous avez parlé, à savoir la justice autochtone. Il est un fait que la population autochtone a des problèmes considérables dans ses rapports avec la justice et il semble que les Autochtones soient surreprésentés à tous les niveaux, qu'ils doivent passer devant un juge ou non. Le système ne donne pas l'impression de bien fonctionner si l'on s'en tient aux résultats que donne la représentation de différents groupes de population. Je sais que le problème vous préoccupe. J'ai entendu parler des efforts déployés par le ministère pour se rapprocher d'une formule culturellement acceptable qui combine les paramètres de la sûreté des collectivités et qui reconnaisse et intègre un autre système de valeurs.
Je sais que cette démarche vient tout juste de commencer, mais j'aimerais que vous nous en parliez en nous donnant des détails si vous le pouvez.
À (1005)
L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de cette question. Comme je l'ai dit, la justice autochtone est une priorité non seulement pour nous, mais aussi pour le gouvernement.
Je dois dire que la personne la mieux placée pour répondre à cette question est celle-là même qui l'a posée, car en tant que secrétaire parlementaire à la Justice, elle fait de la sensibilisation presque à plein temps. Quand elle n'est pas ici à la Chambre, c'est parce qu'elle rencontre des Autochtones quelque part au Canada. Chaque fois que je me rends dans une région pour demander aux intervenants quel programme de justice et quelles priorités il faudrait adopter, Sue Barnes m'accompagne, les consulte et sollicite leur point de vue.
Pour répondre à la question, je peux peut-être faire référence à un échange très émouvant auquel j'ai participé. Il se trouve par hasard que ma première rencontre avec des intervenants m'a mis en contact avec des étudiants en droit du Nunavut, de la faculté de droit Akitsiraq, qui étaient venus à Ottawa dans le cadre d'un stage à l'Université d'Ottawa. Il s'agit de la première faculté de droit inuit au Nunavut, et les étudiants étaient accompagnés par le premier ministre et ministre de la Justice du territoire, Paul Okalik, qui venait d'être réélu. Curieusement, ce sont les premières personnes que j'ai rencontrées dans le cadre de cette campagne.
Les étudiants autochtones m'ont dit quelque chose de très convaincant. J'ai déjà cité leurs propos ailleurs, mais j'aimerais qu'ils figurent à votre compte rendu, car je pense qu'ils apportent sans doute une réponse non seulement sur le plan juridique, mais également plus profondément, sur le plan existentiel. Ils ont dit: «Professeur Cotler, nous ne sommes pas de simples étudiants en droit, nous sommes des étudiants autochtones en droit. Nous arrivons avec un passé, une histoire, un patrimoine, une langue, un droit, une culture, une identité, une tradition juridique autochtone, et nous avons été dépossédés de tout cela. On nous a coupés de notre histoire, de notre patrimoine, de notre droit, de notre langue, de notre culture, de notre identité et de notre propre tradition juridique autochtone. Et quand nous allons au tribunal, ça n'est pas pour exprimer une doléance ou pour faire valoir nos droits, c'est parce que nous voulons reprendre contact avec nous-mêmes. Pour nous, c'est une question d'identité. Nous voulons retrouver toute notre histoire et tout notre patrimoine, y compris notre tradition juridique autochtone.»
C'est dans ce contexte, je crois, qu'il faut comprendre notre action et développer une nouvelle sensibilité culturelle dans nos relations avec les peuples autochtones.
Je n'ai pas besoin de vous faire part des détails de cette rencontre. Les nombreux rapports et commissions d'enquête qui se sont accumulés au fil des ans montrent bien que de l'avis des peuples autochtones, notre système de justice ne répond pas à leurs besoins. Même si je ne dis rien ici qui ne soit déjà connu des membres du comité, les peuples autochtones sont beaucoup plus exposés que les autres aux arrestations, aux condamnations, à l'incarcération et à la récidive.
Dans ses deux derniers discours du Trône, le gouvernement a rappelé son engagement envers les peuples autochtones et sa volonté de trouver une formule plus cohérente pour traiter des problèmes autochtones.
Quant à notre stratégie de justice autochtone, c'est la structure ou le prisme qui nous permet de travailler en partenariat avec les peuples autochtones et les autorités des provinces et des territoires, lesquels sont favorables à des solutions axées sur la collectivité comme la déjudiciarisation, les mesures de rechange à l'incarcération, la justice familiale et la médiation—et la sous-ministre y a fait référence—ainsi que les autres programmes susceptibles de renforcer les liens entre les travailleurs de la justice communautaire et les tribunaux.
Ma collègue Mme Barnes a organisé ici une réunion sur la justice autochtone, à laquelle ont participé des travailleurs de la justice communautaire et des agents autochtones.
Elle doit maintenant partir. J'ai parlé du Nunavut parce que la semaine prochaine, elle se rend au Nunavut pour poursuivre les contacts avec les peuples autochtones.
En conclusion, la stratégie de justice autochtone regroupe environ 85 programmes desservant 280 collectivités disséminées sur le territoire canadien. Ces programmes visent à permettre aux collectivités autochtones de développer leurs capacités de régler elles-mêmes leurs problèmes de justice tout en préservant leurs valeurs et leurs traditions culturelles.
Le 1er avril 2002, nous avons renouvelé la stratégie de justice autochtone grâce à 57,3 millions de dollars répartis sur cinq ans. Je dois dire qu'il s'agit non pas d'un exercice comptable, mais plutôt de savoir qui ils sont par rapport à nous et où ils en sont quant à leurs besoins et à leurs inspirations. Le problème ne doit pas être considéré simplement du point de vue de leur présence disproportionnée dans le système de justice pénale, non seulement en tant que délinquants mais aussi en tant que victimes; il faut aussi intégrer la conception autochtone de la justice au sein de notre système de justice. Nous pouvons nous inspirer de certaines conceptions communautaires de la justice, et je ne fais pas référence uniquement au conseil de détermination de la peine.
À (1010)
Nous pouvons donc nous inspirer des approches à la justice communautaire et à la justice participative qui font partie de la tradition juridique autochtone avec laquelle les Autochtones veulent renouer.
Le président: Monsieur Rosenberg.
M. Morris Rosenberg: À mon avis, l'échange va dans les deux sens. Étant donné qu'elles peuvent être bénéfiques pour tous les Canadiens, le ministre a fait observer que notre système de justice général pourrait adopter avec profit certaines des pratiques juridiques autochtones traditionnelles et notamment les conseils de détermination de la peine et les approches à la justice réparatrice.
Par ailleurs, nous devons aussi nous efforcer de faciliter l'accès des Autochtones aux professions liées à notre système de justice. Les avocats et les policiers autochtones ne sont pas assez nombreux à l'heure actuelle. Il y a peu d'Autochtones également dans des professions connexes. De concert avec nos collègues qui appartiennent à des organismes autochtones, nous devons chercher à encourager davantage d'Autochtones à se diriger vers ces professions.
L'hon. Sue Barnes: Me reste-t-il du temps?
Le président: Malheureusement, non. Je vous ai déjà accordé huit minutes de plus.
Les tours seront maintenant de trois minutes. C'est maintenant à l'opposition de poser une question.
Monsieur MacKay, vous avez trois minutes.
M. Peter MacKay: Je vous remercie, monsieur le président.
Monsieur le ministre, vous venez d'indiquer que plus de 50 000 poursuites civiles sont en instance. Vous avez aussi indiqué que ces poursuites pourraient entraîner des frais de 175 millions de dollars, si je ne m'abuse. Vous ai-je bien compris?
L'hon. Irwin Cotler: Il ne s'agit pas de poursuites en instance. J'ai plutôt dit que le ministère s'occupait de 45 000 à 50 000 poursuites civiles par année.
M. Peter MacKay: Dans votre déclaration préliminaire—et c'est avec beaucoup de respect que je dis ceci—, vous avez affirmé que votre ministère est confronté à de nombreux défis d'envergure, notamment de nature financière pour ce qui est de l'aide juridique et de l'arriéré. La question de l'aide juridique soulève aussi des problèmes liés au partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces. J'aimerais donc savoir ce que vous comptez faire pour permettre au ministère de relever ces défis? Allez-vous chercher à réduire le nombre de poursuites en instance?
Les poursuites civiles ne se comptent plus dans ce pays. Le pire qui puisse arriver à un citoyen canadien est semble-t-il d'avoir maille à partir avec son propre gouvernement parce qu'il risque d'y laisser sa chemise tant les tribunaux mettent du temps à trancher les litiges.
Que fait votre ministère pour s'attaquer à l'arriéré?
À (1015)
L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit, le ministère est le plus souvent le défendeur; ce n'est pas lui qui intente les poursuites. Il ne fait qu'y réagir.
M. Peter MacKay: Et vous n'y réagissez pas très bien, si je peux me permettre de le dire. Ces affaires mettent beaucoup de temps à aboutir et le fait que le ministère soit le défendeur n'y change rien. Comme j'ai pu le constater moi-même et comme d'autres me l'ont fait observer, le ministère de la Justice semble croire que la meilleure tactique consiste à faire traîner les choses en longueur.
L'hon. Irwin Cotler: Je vais céder la parole dans un instant à notre spécialiste des poursuites civiles, mais j'aimerais d'abord faire remarquer comme je l'ai déjà fait qu'il faut tenir compte de certaines facteurs socio-juridiques. Ce sont à ces facteurs qu'il faut attribuer tous les retards bien que ces facteurs contribuent aussi à l'amélioration de la justice. Prenons la Charte. Comme je l'ai fait remarquer, l'avènement de la Charte explique l'augmentation des litiges civils et criminels. L'équité et la justice entraînent certains coûts.
Permettez-moi de vous donner un exemple de cas où il y a juxtaposition du monde parlementaire et du monde juridique. Nous constatons de plus en plus—et je parle ici comme parlementaire et ancien membre du comité—qu'il y a une tendance, parce que nous réagissons aux préoccupations de nos électeurs, à considérer de plus en plus de comportements comme des crimes parce que nous voulons assurer la sécurité du public. Je le comprends. Par ailleurs, la Charte a aussi eu pour effet de constitutionnaliser en quelque sorte la justice criminelle. Par conséquent,—et vous savez tous cela aussi bien que moi—, toute une partie de la Charte vise à protéger le droit des accusés. La Charte est toujours invoquée pour protéger les accusés. Je l'ai moi-même invoquée dans des affaires criminelles. La Charte n'est pas là pour faire traîner les choses en longueur, mais pour servir la justice.
Notre attitude générale dans ce domaine—et il s'agit ici de l'approche du ministère— est de chercher un juste équilibre entre l'équité et l'efficacité. Comment faire en sorte que le processus soit équitable tout en étant efficace compte tenu de la nature des litiges et cela, comme je l'ai dit, pas seulement en raison de la Charte, mais en raison de toute la question de la complexité du processus. Nous devons apprendre à composer avec cette situation. Dernièrement, en Alberta, nous avons dû nous retirer d'une poursuite criminelle en raison de la constitutionnalisation de l'exigence de divulgation dans ce nouveau monde électronique. La science et la technologie s'allient à la constitutionnalisation découlant de la Charte et au phénomène social du crime organisé pour compliquer les choses. Il faut dire que le monde dans lequel nous évoluons a complètement changé.
J'essaie de répondre à votre question en vous montrant que la dynamique socio-juridique est complexe. Quant au retard, il s'explique par notre désir d'atteindre un équilibre entre l'équité et l'efficacité.
Je vais maintenant céder la parole à mon collègue qui pourra répondre mieux que moi à cette question en raison de son expérience concrète dans ce domaine.
M. Peter MacKay: Monsieur le ministre, j'aimerais d'abord vous demander où en est l'affaire Steven Truscott dans le pipeline de l'arriéré?
L'hon. Irwin Cotler: On pourrait dire qu'elle est dans le pipeline des enquêtes, si je peux m'exprimer ainsi. Comme vous le savez, cette affaire est devant le juge Fred Kaufman, qui siégeait autrefois la Cour d'appel du Québec. Nous attendons son rapport.
M. Peter MacKay: Je vous remercie.
M. James Bissell (sous-procureur général adjoint, ministère de la Justice): Tout ce que je pourrais ajouter à ce qu'a dit le ministre, c'est que nous nous préoccupons des retards et que nous essayons de les éviter. Nous savons qu'une justice tardive peut être vue comme un déni de justice. Nous favorisons donc la médiation pour essayer de régler les cas le plus rapidement possible. Le problème qui se pose cependant souvent lorsque le gouvernement est partie à un litige est que le principe en jeu va au-delà de l'affaire elle-même. Nous nous retrouvons parfois mêlés à des poursuites qui portent sur des principes, ce qui peut, je le reconnais, ralentir le processus. Nous devons chercher le juste équilibre.
À (1020)
L'hon. Irwin Cotler: Je peux répondre de façon plus précise à votre question. Le juge Kaufman doit rendre son rapport un peu plus tard au printemps.
M. Peter MacKay: Je vous remercie, monsieur le ministre.
Le président: J'aimerais replacer les choses dans leur contexte. Bien que M. MacKay fasse observer à juste titre qu'il existe un arriéré, je pense que la plupart des avocats pour l'autre partie considèrent qu'il s'agit d'un inventaire.
L'hon. Irwin Cotler: Soit dit en passant, lorsque je donnais un cours sur la Charte, certains de mes étudiants, des avocats en devenir, parlaient de la loi d'aide aux avocats en chômage. Il est vrai que l'augmentation phénoménale du nombre de litiges qui découlent de la Charte donne de l'emploi à plus d'avocats.
Le président: Je vous remercie.
J'accorde maintenant la parole pendant trois minutes à un député ministériel. Madame Torsney.
Mme Paddy Torsney: Je vous remercie.
Monsieur le ministre, comme vous le savez, je m'inquiète beaucoup de la prolifération des exploitations de culture de la marijuana. Mon propre chef de police me disait que si son service disposait des ressources voulues, il pourrait mener des descentes dans 60 à 100 exploitations de ce genre dans notre région.
Je ne suis pas sans savoir que le projet de loi C-10 prévoit des peines qui peuvent être deux fois plus sévères que les peines actuelles. J'aimerais cependant savoir ce que nous faisons de plus pour lutter contre ces exploitations? Allons-nous nous assurer que les tribunaux et que les juges se servent des outils qui sont prévus dans ce projet de loi étant donné qu'ils ne semblent pas disposés à l'heure actuelle à imposer la peine maximale de sept ans?
L'hon. Irwin Cotler: Eh bien, comme vous le savez, le projet de loi C-10 est en fait un train de réformes. C'est comme quelqu'un qui irait au ciel et à qui on dirait: «Oh, en passant, lorsque vous parlez, Noé est dans la salle.» Il serait un peu présomptueux, peut-être même prétentieux, de ma part de vous parler du texte de loi sur la marijuana dont vos collègues du comité et vous êtes en réalité les auteurs.
Je dirais que le projet de loi comporte un certain nombre d'éléments. Il y a notamment le problème des producteurs, dont vous avez parlé. Il s'agit en l'occurrence d'un volet moins bien compris du projet de loi, étant donné que tout ce qu'on entend à propos de celui-ci, c'est la dépénalisation. Ce qu'on ne sait pas, c'est que nous avons mis au point un autre régime de peines concernant la conduite. Nous parlons donc de l'utilisation de la marijuana en petites quantités à des fins de consommation personnelle, et dans ces cas-là, le régime des peines est différent. Ce n'est pas une légalisation, l'acte en soi demeure illégal. Nous disons simplement que nous ne voulons pas frapper d'un casier judiciaire une génération plus jeune, et nous voulons que les lois canadiennes soient appliquées uniformément. À notre avis, cela permettra également d'améliorer et de rendre plus efficace l'application de la loi.
Par conséquent, d'une part nous n'allons pas faire des criminels de cette génération plus jeune. De l'autre, grâce à notre nouvelle stratégie concernant la drogue et au volet éducatif qu'on trouve ici, avec évidemment tout le reste, nous allons faire comprendre à cette génération, toujours en agissant d'un point de vue préventif, que l'acte demeure illégal. On continuera à avoir recours à cette disposition en sachant que l'application de la loi sera désormais meilleure ou uniforme, et il s'agit donc d'un régime de peines différent pour toutes les raisons que je vous ai mentionnées.
Par ailleurs, il y a cette nouvelle stratégie concernant la drogue à laquelle on n'a pas accordé suffisamment d'attention et qui comporte un programme de prévention, de protection, d'éducation, de réhabilitation et de traitement très complet. Les centres de désintoxication en font partie. J'ai parcouru tout le pays et j'ai pu constater sur place l'utilité de ce genre de choses, c'est-à-dire des centres de désintoxication, notamment lorsque j'étais tout dernièrement à Vancouver pour m'y entretenir avec le procureur général de la province.
Mais comme je le disais aussi, il y a la question des producteurs. Ici aussi, lorsque j'ai parcouru le pays, j'ai pu constater que dans toutes les collectivités, la culture du cannabis suscitait beaucoup d'inquiétude. Il n'y a pas un procureur général provincial que j'ai rencontré qui ne m'ait pas parlé de ces producteurs qui sont de plus en plus souvent associés au monde du crime organisé. Par conséquent, non seulement il s'agit là d'actes criminels graves en soi, mais ces actes produisent également d'énormes bénéfices, vous le savez très bien, pour le monde de la criminalité et tous ceux qui sont associés à ce trafic.
Il y a également de graves risques d'incendie, ainsi que le vol d'électricité, les dégâts structurels et les problèmes de moisissure dans les maisons utilisées pour faire pousser le cannabis. Nous savons qu'il arrive parfois que ce genre de producteurs clandestins piègent les maisons qu'ils utilisent pour mettre en danger les pompiers ou les policiers qui essayent de les attraper. C'est pour cette raison que nous avons un projet de loi parallèle concernant ce genre de piège. Pour pouvoir protéger les travailleurs auxiliaires et les représentants de l'ordre, nous avons prévu ce qu'on pourrait appeler des amendements parallèles au Code criminel.
Simultanément, alors que nous poursuivons nos réformes axées sur les petits utilisateurs de marijuana, nous allons continuer à poursuivre avec acharnement les trafiquants de drogues et ceux qui font la culture du cannabis à des fins commerciales. Nous allons continuer à travailler dans ce domaine, et c'est la raison pour laquelle j'ai mentionné toutes nos activités externes étant donné que nous travaillons de concert avec les représentants des ministères publics et des forces de l'ordre aux niveaux fédéral, provincial et territorial, ainsi qu'avec d'autres intervenants, afin de mettre au point des stratégies efficaces concernant tout le domaine de la prévention, de la protection, de l'éducation, du traitement et, bien sûr aussi, afin d'enrayer la culture de la marijuana partout au Canada.
Le projet de loi veut mettre en exergue tout cela étant donné qu'il alourdit la peine maximum qui peut être imposée à quiconque est condamné pour avoir cultivé de la marijuana à des fins commerciales. Comme vous le savez pertinemment bien, ce genre d'activité est frappé par un régime de peines particulier. Comme je vous l'ai déjà dit, le projet de loi C-14 avec toutes ses dispositions qui viendront modifier le Code criminel propose également des peines beaucoup plus lourdes pour ceux qui installent des pièges qui risquent d'être mortels là où se déroule ce genre d'activités illégales, par exemple là où on cultive ou produit de la drogue.
À (1025)
Je pense que nous devons considérer l'ensemble du projet de loi C-10 comme un train de réformes. Très souvent, les gens ne parleront que d'une de ses composantes, celle qui concerne la possession de petites quantités de marijuana à des fins de consommation personnelle, et selon la position qu'on adopte parfois tant du point de vue politique que du point de vue juridique, on dira soit que cela ne suffit pas, c'est-à-dire que ce régime ne va pas suffisamment loin, soit encore qu'il va trop loin et que dans une certaine mesure, nous dépénalisons la marijuana, nous la légalisons et ainsi de suite. Il y a donc toutes sortes d'informations qui manquent dans tout le monde des idées qu'on rencontre dans la société, mais j'espère toujours pouvoir parler de monde des idées.
C'est la raison pour laquelle nous avons cette nouvelle stratégie concernant la drogue, car elle permet non seulement de combattre cette absence d'information, mais également de redonner l'heure juste.
S'agissant des jeunes gens, il se fait que mon fils est le président du comité antidrogue de son école. Il a lui-même fait part de l'opinion parfois critique qu'il a de ce que nous faisons ici, dans ce projet de loi, mais comme je vous l'ai dit, et je vous en fait volontiers part, nous devons considérer tout cela comme un tout et, sous cet angle-là, je pense qu'il s'agit d'un texte de loi équitable, juste et efficace.
Le président: Je vous remercie.
Pour mémoire, la présidence constate que le quorum est maintenant atteint.
Nous allons maintenant entendre M. Marceau qui dispose de trois minutes.
[Français]
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
C'est dommage qu'on n'ait pas plus de temps avec vous, monsieur le ministre. J'ai deux questions à vous poser sur deux sujets complètement différents.
Premièrement, en ce qui concerne le projet de loi C-10, le comité qui était présidé de façon très efficace par ma collègue Torsney avait déposé deux rapports: un sur le projet de loi C-10 et un autre qui demandait à ce qu'un projet de loi sur le problème de la conduite sous l'influence de la drogue soit déposé le plus rapidement possible. Pouvez-vous nous dire quand vous prévoyez déposer ce projet de loi?
Deuxièmement, en ce qui concerne les crimes de guerre, vous savez qu'une campagne a été lancée visant à faire reconnaître les attentats suicides comme des crimes contre l'humanité. J'aimerais savoir si vous seriez favorable à ce que la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre soit amendée de manière à ce qu'il soit bien clair qu'un attentat suicide est un crime contre l'humanité. Je crois qu'il s'agit d'une question de précision. Seriez-vous favorable à ce que la loi soit précisée pour rendre cela bien clair? Merci.
À (1030)
L'hon. Irwin Cotler: Je peux dire que si nous n'avons pas assez de temps pour répondre à ces deux questions et aux autres questions que vous pourrez nous poser, je suis prêt à revenir devant ce comité.
Pour ce qui est de la question centrale que vous avez posée, je peux vous dire que le Code criminel érige en infraction la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool ou par une drogue. Dans le cas de la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool, il existe, en plus de l'infraction de conduite avec facultés affaiblies, une infraction distincte de conduite avec un taux d'alcoolémie supérieur à la limite légale de 0,08. Cependant, aucune limite n'a été imposée pour les drogues, étant donné que les scientifiques ne s'entendent pas sur le seuil de concentration à partir duquel les facultés de la plupart des conducteurs sont affaiblies.
Aussi, mes fonctionnaires préconisent-ils qu'on s'intéresse aux tests de sobriété plutôt qu'aux tests visant à déterminer la concentration d'une drogue. Une consultation a été menée récemment afin de savoir quelle approche pourrait améliorer les enquêtes policières ouvertes en regard des infractions de conduite avec facultés affaiblies par la drogue en vertu du Code criminel.
Prenant en compte les résultats, mon ministère a agi aussi rapidement qu'il était possible de le faire. Il veut permettre aux agents de police d'ordonner aux conducteurs de se soumettre à des tests de sobriété et de fournir des échantillons de substances corporelles. À l'heure actuelle, le Code criminel ne confère pas aux agents de la paix le pouvoir d'ordonner à un suspect de se soumettre à des tests de sobriété. Ces tests ne peuvent être administrés que si le suspect y consent volontairement. C'est le problème que nous avons maintenant, et les agents de la paix connaissent très bien les signes d'ébriété. J'espère que nous aurons prochainement des tests scientifiques et légaux que nous pourrons administrer aux personnes dont les facultés sont affaiblies par la drogue, comme ceux que nous pouvons maintenant administrer aux personnes ayant les facultés affaiblies par l'alcool.
Pour ce qui est de votre question sur les crimes de guerre, les crimes contre l'humanité et les attentats suicides, à mon avis, les crimes de ces terroristes sont maintenant des crimes contre l'humanité. C'est aussi l'avis de diverses ONG comme Human Rights Watch et Amnistie internationale, qui ont affirmé que ces manifestations de terrorisme étaient maintenant des crimes contre l'humanité. Mais je pense qu'on peut, d'une manière symbolique, explorer une démarche visant à conclure un traité contre ces actes terroristes. Si un tel traité est basé sur le principe de la juridiction universelle, et je pense que cela peut se faire parce que c'est la nature de ces crimes terroristes, il pourra donner un message à ceux qui s'engagent dans ces actes terroristes et nous donner ici la possibilité d'avoir une autre manière de poursuivre.
M. Richard Marceau: Donc, il n'y a pas de problème quant à l'idée d'un traité. Vous seriez disposé à amender la loi canadienne pour préciser qu'un attentat suicide est un crime contre l'humanité, étant donné la valeur symbolique que cela peut avoir et le message que cela peut envoyer.
À (1035)
L'hon. Irwin Cotler: Je me suis engagé à l'égard d'un projet de loi. Nous avons maintenant une loi contre les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui savent que nous avons cette loi sur les crimes contre l'humanité. Nous avons aussi des dispositions législatives canadiennes à l'égard de nos obligations en vertu de la convention internationale contre le terrorisme. Donc, nous pouvons maintenant avoir recours à deux lois, la Loi sur les crimes contre l'humanité et les crimes de guerre et l'autre loi, qui porte sur les attentats terroristes à l'échelle nationale, à l'égard de ces manifestations terroristes.
[Traduction]
Le président: Merci.
Madame Catterall, trois minutes, puis monsieur Nystrom.
Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Pour commencer, monsieur le président, permettez-moi de dire que je croyais être ici pour parler du budget alors que ce n'est manifestement pas notre intention. J'espère donc que nous pourrons organiser une autre séance pour le faire, à défaut de quoi nous concédons collectivement le droit de critiquer plus tard la façon dont le ministère de la Justice dépense son budget et de lui demander s'il a des crédits et des programmes qui sont à notre avis superflus ou qui sont trop richement dotés...
L'hon. Irwin Cotler: Ou le contraire.
Mme Marlene Catterall: ... ou le contraire, en l'occurrence que le ministère est incapable d'assumer les fonctions qui lui ont été confiées par le Parlement faute de ressources suffisantes.
Cela étant dit, monsieur le ministre, vous savez que le premier ministre a dit qu'il voulait que le Parlement examine les nominations à la magistrature. Personnellement, je suis opposée à toute politisation des nominations à la Cour suprême qui contraindrait les candidats à renoncer à leur neutralité politique. Il me semble que le rôle du Comité de la justice devrait plutôt être de faire en sorte qu'il y ait un processus d'examen valide, et j'aimerais savoir comment, à votre avis, nous pourrions concrétiser cela.
L'hon. Irwin Cotler: Effectivement, comme vous l'avez dit, le premier ministre a promis une intervention du Parlement—et la chose est devenue encore plus immédiate—en ce qui concerne la dotation du siège qui a été libéré par Mme la juge Arbour lorsqu'elle a accepté de présider la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, ce dont je voudrais d'ailleurs la féliciter. Le premier ministre avait ainsi évoqué plusieurs mécanismes qui pourraient être utilisés pour que le Parlement procède à ce genre d'examen, et je ne doute pas que le gouvernement et vous-mêmes vouliez à votre tour examiner chacune des formules possibles.
Si j'ai bien compris la position du premier ministre—et je pense que c'est une position à laquelle nous pourrons tous souscrire—il est contre toute politisation du processus qui entraînerait également celle de la magistrature, et il est d'avis que le processus choisi devrait être, comme il l'a dit lui-même, compatible avec l'indépendance de la magistrature et l'intégrité de la Cour suprême.
Je voudrais conclure sur un point plus précis en vous disant que d'abord, peu importe le processus d'examen pondu par le Parlement—et nous sommes tout à fait favorables à cette promesse faite par le premier ministre de mettre en place un processus d'examen par le Parlement—, ce processus devra tenir compte, comme l'a laissé entendre le premier ministre, du cadre constitutionnel dans lequel cet examen parlementaire aura lieu.
D'un point de vue constitutionnel, il faut en effet bien comprendre que dans l'état actuel des choses, la Constitution permet la nomination des juges à la Cour suprême du Canada par voie de décret. C'est le pouvoir exécutif qui procède à ce genre de nomination et, d'après la Constitution, ce n'est pas un pouvoir que l'exécutif peut déléguer. Voilà pour commencer.
En deuxième lieu, même s'il ne s'agit nullement d'un processus partisan ou conduit en secret, c'est malheureusement ce que les gens pensent, parce qu'ils ne le connaissent pas. Il existe en effet un processus consultatif très complet qui permet de concrétiser cette responsabilité de l'exécutif, le pouvoir de gouverner, concernant les nominations à la Cour suprême.
En d'autres termes, ce processus consultatif très complet, comme je le disais, veut actuellement que le ministre de la Justice consulte le juge en chef du Canada, le juge en chef de la région ou de la province dont doit être issu le nouveau juge, le procureur général de la même province, le président de l'Association du Barreau canadien, le président de l'Association régionale du Barreau, les doyens des facultés de droit, ainsi que toutes les autres parties prenantes et intéressées qui souhaiteraient pouvoir donner leur point de vue. Il existe donc déjà un processus de consultation fort complet.
À cela, nous allons maintenant ajouter un examen parlementaire dans l'intérêt du principe de la participation démocratique qui veut que le processus comporte un volet parlementaire. Mais, comme je viens de le dire, il s'agit d'un volet parlementaire qui doit exister dans le contexte des paramètres constitutionnels que nous devons respecter et, dirais-je aussi, d'un processus consultatif qui ne doit pas seulement entrer en ligne de compte mais que nous devons dans toute la mesure du possible essayer d'améliorer et d'affiner.
J'espère pouvoir rendre public prochainement un protocole qui décrira la façon dont nous nous y prendrons précisément pour nommer les juges à la Cour suprême du Canada. Je pense que cela pourra à tout le moins rassurer ceux qui croient que le processus est secret ou partisan. La publication de ce protocole pourrait d'ailleurs peut-être aider les gens à mieux comprendre pourquoi nous avons ainsi pu avoir une Cour suprême aussi excellente, parce qu'il y avait ce processus consultatif très complet qui nous a permis d'obtenir d'excellents candidats à la magistrature suprême.
Pour moi, le processus d'examen parlementaire devra tirer parti de ce qui existe déjà pour améliorer la formule actuelle et l'affiner dans le but, manifestement, de préserver ces principes indéfectibles que sont l'indépendance de la magistrature et l'intégrité de la Cour suprême.
À (1040)
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Nystrom, vous avez trois minutes.
L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le ministre, j'aurais une autre question à caractère stratégique à vous poser et qui concerne le système d'aide juridique au Canada. Je sais que ce domaine est surtout de compétence provinciale, mais il sous-tend certains financements offerts par le gouvernement fédéral, ainsi qu'une composante interprovinciale, et c'est également un domaine associé à votre domaine de prédilection, la Constitution. Je voudrais donc vous demander : Que faire pour pouvoir offrir une aide juridique aux gens pauvres qui, actuellement, n'y ont pas droit?
À l'heure actuelle, pour pouvoir bénéficier de l'aide juridique, on ne peut pas avoir un revenu supérieur à 10 000 $, ou un montant de cet ordre, établi par chaque province . Il y a donc énormément de gens pauvres qui n'ont pas droit à cette aide. Avez-vous réfléchi à la possibilité de relever un peu les seuils et d'utiliser l'influence que vous avez auprès des procureurs généraux ou des ministres de la Justice des provinces, en faisant miroiter la possibilité d'un financement fédéral, afin de relever ce niveau?
Je pense que la question est très simple et appelle une réponse très simple.
L'hon. Irwin Cotler: Au contraire, il s'agit d'un sujet profond même si la réponse l'est peut-être moins.
En fait, nous parlons ici du principe fondamental de l'accès à la justice. L'accès à la justice est véritablement un pilier de tout le processus démocratique. Lorsqu'on parle de cela, moi je prends la chose très au sérieux—et pour une autre raison. Mon premier emploi était un poste de professeur en droit de la pauvreté. Mon fils me dit que ce poste me colle toujours à la peau. Ainsi donc, toute la question du droit et de la pauvreté est un secteur de préoccupation en soi. Le gouvernement est résolu, tout comme l'est certainement aussi le comité, de faire en sorte que les économiquement faibles aient de façon équitable accès à l'aide juridique.
Nous avons réaffirmé notre engagement à cet égard dans le budget de 2003, et nous l'avons réitéré dans le budget de 2004. Il y a deux catégories d'aide juridique: l'aide juridique au pénal et l'aide juridique au civil. Pour ce qui est des secteurs de compétence, l'aide juridique au pénale relève de nous. Par contre, au civil, c'est un champ de compétence des provinces, même s'il y a transfert de fonds direct, grâce au TCSPS, qui est fait aux provinces dans ce but-là.
Une des composantes d'un renforcement de l'intervention fédérale pour l'aide juridique au pénal est un financement modeste. Je le reconnais, ce financement est modeste, et nous devons voir comment nous pourrions peut-être...
J'ai discuté, avec les procureurs généraux des provinces, de la possibilité de financer un certain nombre de projets pilotes pour l'aide juridique au civil qui seraient axés sur la pauvreté familiale, l'immigration, et aussi la question des réfugiés à l'échelle de tout le pays. À chaque fois, mes homologues m'ont rappelé que l'aide juridique aux immigrants et aux réfugiés est de plus en plus sollicitée, c'est un exemple, tout comme d'ailleurs l'aide juridique aux défavorisés.
Mais ici, la question de la juridiction heurte de front celle de la politique de l'État. Par exemple, pour ce qui est de l'aide juridique aux immigrants et aux réfugiés, le procureur général de la Colombie-Britannique que j'ai rencontré il y a deux semaines estime que le gouvernement fédéral est tellement présent dans ce domaine que les provinces ne devraient pas avoir à assumer cette charge. Et pourtant, cela relève bien de l'aide juridique au civil, qui est et demeure une responsabilité des provinces.
Si l'on regarde les choses sous l'angle budgétaire, si l'on regarde le budget ligne par ligne, on constate que chaque année, nous augmentons notre part du financement de l'aide juridique au civil et de l'aide juridique au pénal. D'ailleurs, nous avons exploré d'autres initiatives en faisant intervenir un fonds pour l'innovation qui peut être utilisé afin de réaliser des projets pilotes destinés expressément à protéger les plus défavorisés.
Nous allons, je crois, devoir déterminer jusqu'où nous pouvons aller dans ce domaine. Déjà, nous avons un réseau de cabinets d'avocats de quartier qui couvre tout le pays. Cela a commencé au Québec à Pointe-Saint-Charles et en Ontario à Parkdale. Il va falloir regarder à nouveau tout ce concept des services juridiques de quartier, les centres communautaires juridiques. Ainsi, même ces concepts dont nous avons déjà parlé au sujet de la justice communautaire et de la justice réparatrice ou participative, ce dont précisément parlait la Commission de réforme du droit, pourraient se concrétiser par la façon dont nous offrons des services juridiques et utilisons dans ce but des auxiliaires comme notre fonds pour l'innovation. En agissant de concert avec nos homologues des provinces et territoires, nous pourrions chercher des formules nouvelles qui nous permettraient de faire mieux avec les moyens dont nous disposons actuellement, tout en continuant à augmenter ces financements dans une optique d'aide juridique au civil et au pénal.
D'après les entretiens que j'ai eus avec les procureurs généraux que j'ai rencontrés—c'est-à-dire la plupart d'entre eux—, nous allons mettre la question en tête des sujets qui seront discutés à la prochaine conférence fédérale-provinciale-territoriale des procureurs généraux, de sorte qu'elle deviendra prioritaire à notre programme.
À (1045)
Le président: Je vous remercie.
C'est maintenant le tour de M. Cadman pour trois minutes.
L'hon. Irwin Cotler: J'ai rencontré le procureur général de votre province, la Saskatchewan, il y a juste deux semaines de cela.
Le président: Un autre comité siégera probablement dans cette même salle à 11 heures, ce qui risque de jouer sur l'heure à laquelle nous allons devoir ajourner. Tout de suite après, nous allons nous réunir en comité directeur, puis passer à la salle 306.
Monsieur Cadman.
M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, PCC): Merci, monsieur le président. Je vais être bref.
Monsieur le ministre, je vous remercie pour votre présence aujourd'hui.
Vous avez mentionné, dans votre introduction, le colloque qui a eu lieu cette semaine sur le trafic d'êtres humains, et j'aimerais savoir quelles sont vos intentions. Qu'allons-nous faire? Allons-nous continuer à étudier la question encore longtemps, allons-nous continuer à en parler, ou allons-nous au contraire voir le gouvernement fédéral prendre des initiatives concrètes à ce sujet?
Je suis au courant de l'existence d'un programme qui a été mis sur pied par un couple de policiers de Vancouver et qui est maintenant utilisé partout dans l'Ouest, et même dans les États américains de l'Ouest. Le FBI semble également s'y intéresser, d'autres corps policiers aussi, et pourtant ce programme semble avoir du mal à être accepté par le gouvernement fédéral. Au lieu de gaspiller notre temps à regarder ce qui se passe ailleurs dans le monde et à réinventer la roue, sommes-nous prêts à commencer à envisager des solutions purement canadiennes qui nous sautent déjà aux yeux?
À (1050)
L'hon. Irwin Cotler Monsieur Cadman, je vous remercie pour cette question.
Puisque nous approchons la fin de la séance, je voudrais pour commencer remercier sincèrement les membres du comité pour toutes leurs questions. Cela a été pour nous à la fois instructif et édifiant. Nous travaillons d'ailleurs avec le comité un peu en partenariat pour faire régner la justice. Alors je ne vois pas du tout cela comme une sorte de démarche partisane. Il s'agit ici après tout du bien public, même si chaque fois que j'utilise cette expression, je sais qu'elle a un rayonnement différent ailleurs, mais quoi qu'il en soit, c'est le bien public qui est au centre de nos préoccupations.
La question que vous me posez touche à l'une de nos préoccupations les plus impérieuses en ce qui concerne les droits humains. Nous avons souvent tendance à compartimentaliser les choses, ce qui fait que lorsque nous parlons aux gens qui s'occupent de ce trafic, certains considèrent qu'il s'agit d'un problème relevant du droit pénal alors que d'autres voient cela comme un problème de droit de l'immigration, ou encore un problème de santé publique, un problème policier ou un problème d'immigration. Et la liste ne s'arrête pas là.
En réalité, il s'agit en l'occurrence d'une des atteintes les plus insidieuses et les plus persistantes aux droits humains dans notre société d'aujourd'hui. C'est la raison pour laquelle j'ai parlé... Ce n'est pas moi qui ai inventé cette expression. Le professeur Harold Koh, qui est actuellement le doyen de la Faculté de droit de Yale, et qui était jadis secrétaire d'État adjoint à la démocratie, au travail et aux droits humains aux États-Unis, est l'auteur de cette expression qui qualifie ce que nous appelons maintenant le «trafic mondial d'esclaves», le trafic d'êtres humains et en particulier le trafic des femmes et des enfants.
Nous avons donc eu cette semaine un colloque au cours duquel deux policiers de Vancouver ont pris la parole. C'est avec plaisir que je peux vous dire—et je ne l'aurais pas su moi-même—que c'est le gouvernement fédéral qui a payé les frais de voyage de ces deux policiers de Vancouver pour leur permettre d'assister à la conférence.
Ce que je veux faire valoir ici, c'est que nous voulons faire intervenir toutes les parties prenantes à ce genre de conférence, les policiers, les gens des ministères publics, les représentants des groupes de victimes, les ONG, ainsi que les fonctionnaires fédéraux, provinciaux et territoriaux.
Mais passons maintenant à des initiatives concrètes. Elles ont la priorité. Nous allons envisager une réforme du Code criminel afin d'y inclure le délit de trafic d'êtres humains. Je m'empresse d'ajouter que le Code criminel punit déjà les actes criminels de ce genre. Il y a ainsi le délit de séquestration, le délit d'extorsion et d'agression sexuelle et ainsi de suite. Nous avons déjà toute une série d'actes criminels punissables, et certains trafics d'êtres humains ont fait l'objet de poursuites en vertu de ces dispositions actuelles du Code criminel. Et nous avons aussi, depuis 2002, une disposition de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui concerne expressément le trafic d'êtres humains.
Ce qu'il faudrait à mon avis—et le comité pourrait également vouloir s'en saisir—, c'est définir de façon précise ce qu'est un délit de trafic d'êtres humains afin de pouvoir non seulement traduire les coupables devant les tribunaux, mais également protéger les victimes. Voilà donc une chose.
En second lieu, nous avons pour la première fois créé un groupe de travail interministériel sur le trafic qui est doté d'un mandat officiel et qui est composé de représentants de 15 ministères et agences et qui travaillera dorénavant de concert avec nos homologues des provinces et territoires. Ce qui est important ici, c'est que jusqu'à présent, ce groupe interministériel n'avait pas vraiment d'existence officielle et n'avait pas de mandat comme tel. Ce groupe de travail est maintenant officiel, il a un mandat, et ce mandat nous donnera quelque chose que nous n'avons jamais eu jusqu'à présent, un point de convergence gouvernementale pour l'élaboration de stratégies, de programmes et de politiques étant donné que c'est ce que nous ordonne de faire le protocole facultatif sur le trafic d'êtres humains de la Convention contre le crime organisé transnational.
Ce point de convergence n'existait pas jusqu'à présent. Maintenant, nous en aurons un. Nous avons fait appel à la GRC qui interviendra désormais dans une série d'initiatives, la formation par exemple, et qui est à créer, au moment même où je vous parle, une unité d'enquête spéciale pour la répression du trafic d'êtres humains, une équipe qui aura une composante nationale et une composante internationale.
Nous allons rencontrer nos homologues des autres pays à ce sujet. L'un des chefs de file de ce mouvement a été les États-Unis. Je m'empresse d'ailleurs d'ajouter que l'initiative prise aux États-Unis au sujet du trafic d'êtres humains—et je tiens à être politiquement très neutre en disant ceci—a été attribuée récemment au président Bush, mais c'est Harold Koh, dont j'ai déjà parlé, qui en a été à l'origine au moment où il était secrétaire d'État adjoint à la démocratie, au travail et aux droits humains. Comme il le disait lui-même, même s'il a beaucoup de divergences de vues avec le président Bush, dans ce dossier-là, il est parfaitement en accord avec lui.
À (1055)
J'étais censé rencontrer John Ashcroft...
Le président: Monsieur Cotler, votre enthousiasme pour ce projet est manifeste...
Des voix : Oh, oh!
Le président : ... et seul le peu de temps qui nous reste en viendra à bout. Vous savez qu'il y a un autre comité qui doit occuper la salle pour se préparer.
L'hon. Irwin Cotler: Et moi, je dois aller à une réunion du Cabinet.
Le président: Madame Catterall, vous aviez une question à poser mais je vais essayer de vous soudoyer. Je voudrais que vous nous proposiez la motion portant adoption du budget qui a déjà été distribuée, ce qui nous permettra d'obtenir un financement transitoire pour nos travaux futurs.
Mme Marlene Catterall: Avec plaisir.
(La motion est adoptée [voir les Procès-verbaux])
Le président: Chers collègues, je vous remercie.
Nous devons terminer pour pouvoir laisser la place à l'autre comité.
Mme Marlene Catterall: Me permettriez-vous juste un commentaire qui ne durera qu'une minute? Je laisserai au ministre le soin de répondre une autre fois. Il s'agit de quelque chose qui concerne vaguement le budget, en l'occurrence ce que coûtent les procédures judiciaires et ainsi de suite.
Le ministère de la Justice avait jadis un service du règlement extrajudiciaire des différends qui a je crois été dissous. Le ministère pourrait peut-être se pencher sur une disposition aberrante de la politique du Conseil du Trésor ou encore de la loi qui encourage les litiges. Si un ministère règle un différend moyennant paiement, le montant en question émarge au budget du ministère. Si l'affaire est portée devant un tribunal, le paiement éventuel émarge aux recettes générales. Il est clair que les ministères ont tout intérêt à ne pas régler leurs différends avec des sous-traitants par exemple et à aller plutôt devant les tribunaux pour préserver leurs budgets.
Je vous demanderais donc de voir ce qu'il serait possible de faire pour favoriser le recours au mécanisme de règlement extrajudiciaire des différends là où les différends n'ont pas le même niveau d'importance que ceux auxquels nous avons dû consacrer énormément de ressources, et cela dans l'espoir de pouvoir garder ces mêmes ressources pour les choses vraiment importantes.
L'hon. Irwin Cotler: Je vous dirai simplement que je vais vous répondre par écrit mais, pour mémoire, le service en question n'a pas été dissous; c'est au contraire pour nous une priorité.
Encore une fois, merci pour toutes vos questions bien préparées et pour cet échange de vues.
Le président: Cette réunion a été très productive. Monsieur le ministre, je vous remercie ainsi que vos fonctionnaires.
Chers collègues, la séance est maintenant levée. Je vous demanderais de passer à la salle 306 pour la réunion du comité directeur. La séance est levée.