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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 30 mars 2004




Á 1105
V         Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.))
V         L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice)

Á 1110

Á 1115

Á 1120
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Vic Toews (Provencher, PCC)

Á 1125
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ)

Á 1130
V         L'hon. Irwin Cotler

Á 1135
V         Mme Judith Bellis (avocate générale, Service des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice)
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.)

Á 1140
V         L'hon. Irwin Cotler

Á 1145
V         Le président
V         M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD)
V         L'hon. Irwin Cotler

Á 1150
V         Le président
V         Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.)
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président

Á 1155
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         Mme Marlene Catterall
V         L'hon. Irwin Cotler

 1200
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         Le président
V         M. Vic Toews
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.)

 1205
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau

 1210
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         M. Richard Marceau
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion (Saint-Laurent—Cartierville, Lib.)

 1215
V         L'hon. Irwin Cotler
V         L'hon. Stéphane Dion
V         L'hon. Irwin Cotler
V         M. Marc Giroux (conseiller à la magistrature, ministère de la Justice)
V         L'hon. Stéphane Dion
V         M. Marc Giroux
V         L'hon. Stéphane Dion
V         M. Marc Giroux
V         L'hon. Stéphane Dion
V         M. Marc Giroux
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         M. Marc Giroux

 1220
V         L'hon. Stéphane Dion
V         Le président
V         L'hon. Irwin Cotler
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la justice, des droits de la personne, de la sécurité publique et de la protection civile


NUMÉRO 007 
l
3e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 30 mars 2004

[Enregistrement électronique]

Á  +(1105)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.)): Chers collègues, je déclare la séance ouverte.

    Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Irwin Cotler, ministre de la Justice. M. Cotler présentera au public le processus actuel de sélection et de nomination des juges à la Cour suprême du Canada. Écoutez-moi bien, chers collègues. Nous ne parlerons aujourd'hui que du processus actuel. Le ministre Cotler est certainement prêt à revenir passer plus de temps avec nous pour parler de la façon de le modifier, de ce que le Parlement pourrait vouloir faire. Mais aujourd'hui, nous nous limiterons au processus actuel.

    Puisque nous n'avons qu'une heure, nous ne pourrons pas suivre la procédure habituelle des questions de sept minutes. Nous aurons donc des questions de trois minutes, et nous suivrons un rythme assez rapide. J'interviendrai au bout de deux minutes, pour que vous sachiez qu'il ne reste qu'une minute pour la réponse. Je suis désolé d'avoir à être si strict, mais nous n'avons qu'une heure. Je compte sur les membres du comité, qui sont très bien disciplinés et qui éviteront les longs discours dans leurs questions, contrairement à ce que je fais maintenant.

    Je vous signale qu'ensuite, nous aurons une séance à huis clos pour discuter des travaux futurs, et pour mieux cerner notre point de vue sur cette question particulière.

    Bienvenue, monsieur le ministre. On nous a dit que vous aviez un discours pour commencer, pour nous aider, et nous passerons ensuite aux questions.

    Avez-vous des notes d'allocution? Je ne crois pas qu'on nous en ait remis copie.

+-

    L'hon. Irwin Cotler (ministre de la Justice): Je crois que nous pourrons distribuer le texte à la fin de la séance.

    Monsieur le président et membres du comité, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour traiter de la question des nominations à la Cour suprême du Canada. Comme vous le savez, le premier ministre a annoncé, le 12 décembre 2003, que le gouvernement «consulterait particulièrement le Comité permanent de la justice et des droits de la personne afin de déterminer la meilleure façon de mettre en oeuvre l'examen préalable de la nomination des juges à la Cour suprême du Canada». Le 4 février, le gouvernement a réaffirmé son engagement dans le Plan d'action de la réforme démocratique. Une certaine forme d'examen parlementaire constitue donc une valeur ajoutée, cela va de soi, et les audiences du comité sont l'expression de cet engagement.

    Permettez-moi de rappeler et de réaffirmer d'emblée les deux thèmes qui ont caractérisé les délibérations. Tout d'abord, l'examen du processus de nomination, y compris cet examen parlementaire, est une tâche fort importante pour notre pays. En effet, la Cour suprême, plus haute cour d'appel et arbitre ultime des différends juridiques, n'est pas seulement à l'apogée de notre système judiciaire, mais notre système judiciaire est la pierre angulaire de notre démocratie constitutionnelle.

    Autrement dit, notre constitution établit le cadre de la répartition du pouvoir gouvernemental entre le gouvernement fédéral et les provinces—connu aussi comme le fédéralisme légal ou le processus du pouvoir—ainsi que les limites de l'exercice du pouvoir gouvernemental, qu'il soit fédéral ou provincial, soit les droits de la personne ou processus des droits.

[Français]

    La Cour suprême a la responsabilité constitutionnelle de rappeler les gouvernements à l'ordre lorsqu'ils dépassent ces limites, qu'ils outrepassent leurs champs de compétence dans le cadre des relations fédérales-provinciales ou qu'ils enfreignent des droits en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. Je me dois de souligner qu'il s'agit d'une responsabilité que le Parlement a conférée à la Cour suprême. C'est une responsabilité dont la Cour suprême s'est acquittée avec diligence, sensibilité et équité.

    Un deuxième thème qui a caractérisé vos délibérations est l'excellence exemplaire de la Cour suprême, dont l'héritage juridique a résonné au-delà des frontières canadiennes. Les Canadiens et les Canadiennes ne sont pas les seuls à être fiers de notre Cour suprême, cela va de soi. En effet, la cour est respectée dans tout le pays, et aussi dans le monde entier, comme un modèle de ce qu'une institution judiciaire vitale, moderne et indépendante devrait être.

    Comme le représentant du Barreau du Québec vous l'a dit l'autre jour, la qualité des juges de la Cour suprême est «impeccable». Le professeur Weinrib a souligné dans sa présentation que les tribunaux de pays aussi divers qu'Israël et l'Afrique du Sud citent constamment les décisions de la Cour suprême. Le premier ministre lui-même a dit récemment que nous avions d'excellents juges à la Cour suprême qui sont reconnus dans le monde entier. Dans la poursuite de vos délibérations, je vous conjure de vous en souvenir.

[Traduction]

    Je m'en suis souvenu moi-même lorsque j'ai participé à titre d'universitaire à des conférences savantes internationales, où la Cour suprême du Canada était présentée comme un modèle international.

[Français]

Elle a un rayonnement à l'échelle internationale, comme je l'ai dit.

[Traduction]

    Permettez-moi maintenant d'exposer le processus actuel de nomination qui repose sur deux principes: premièrement, le cadre constitutionnel régissant ces nominations et, deuxièmement, le vaste processus de consultations qui a donné naissance à cette responsabilité constitutionnelle.

    Je commencerai par le cadre constitutionnel. Pour l'heure, notons-le, la Loi sur la Cour suprême confère le pouvoir constitutionnel de nommer les juges de la Cour suprême à la branche exécutive du gouvernement—ou le Cabinet—au moyen d'une nomination par décret en conseil, et la branche exécutive demeure responsable et comptable de l'exercice de ce pouvoir important. La considération fondamentale de ce processus de nomination est de trouver les meilleurs candidats possibles et d'avoir la meilleure Cour possible.

    En conséquence, et afin de s'acquitter de cette responsabilité constitutionnelle et de trouver les meilleurs candidats, un processus complet de consultations a été mis sur pied. Malheureusement, ce processus n'est pas bien connu—et même relativement inconnu—, ce qui a fait croire que le processus est à la fois secret et partisan.

    Il faut bien insister sur une chose, monsieur le président: le processus n'est pas secret, en fait, il n'est pas connu. Je voudrais donc, aux fins de transparence et de responsabilité, vous décrire le processus de consultation ou le protocole de consultation qui sert à choisir les membres de la Cour suprême. Je ne puis prétendre que ce processus ou protocole consultatif a toujours été suivi dans le moindre détail. Je ne peux que m'engager à le suivre, puisque c'est ce que je dois faire, comme ministre de la Justice. J'ajouterais que c'est la première fois que ce protocole, ou protocole de nomination, est communiqué, une autre expression du bénéficiaire de ce suivi parlementaire.

    Il va sans dire que la première étape du processus est l'identification des candidats. Comme vous le savez, les candidats sont originaires de la région dans laquelle existe le poste à pourvoir—les régions de l'Atlantique, de l'Ontario, du Québec, des Prairies et du Nord, et de la Colombie-Britannique. C'est une question de convention, sauf pour le Québec car la Loi sur la Cour suprême prévoit que trois des juges doivent venir du Québec.

    Les candidats sont sélectionnés parmi les juges des tribunaux ayant compétence dans ces régions, notamment au sein des cours d'appel, et des membres chevronnés du barreau et des universitaires de premier plan dans la région en question. Parfois, des candidats sont d'abord identifiés à la suite de consultations antérieures menées pour d'autres nominations judiciaires.

    Monsieur le président, l'identification et l'évaluation des candidats éventuels se fondent sur des consultations auprès de diverses personnes. À titre de ministre de la Justice, je consulte les personnes suivantes: le juge en chef du Canada, et peut-être d'autres membres de la Cour suprême du Canada, les juges en chef des tribunaux de la région en question, les procureurs généraux de la région en question, au moins un membre chevronné de l'Association du Barreau canadien et au moins un membre chevronné du Barreau de la région en question.

    Je peux également consulter d'autres personnes intéressées, comme des universitaires et des organismes qui souhaitent recommander un candidat. En effet, toute personne peut recommander un candidat. D'ailleurs, plusieurs le font en écrivant au ministre de la Justice, par exemple.

    La deuxième étape est celle de l'évaluation des candidats possibles. Le facteur prédominant à ce chapitre est le mérite. En consultation avec le premier ministre, je me sers des critères suivants, répartis en trois grandes catégories: aptitude professionnelle, qualités personnelles et diversité.

    Commençons par les aptitudes professionnelles. Sous cette rubrique, voici les facteurs considérés: le plus haut degré de connaissance en droit, une capacité intellectuelle et analytique supérieure ainsi que des habiletés rédactionnelles, une capacité prouvée d'écouter et de maintenir une ouverture d'esprit tout en écoutant les divers volets d'un argument; un esprit de décision et un jugement sûr; la capacité de gérer et de partager une charge de travail toujours lourde dans un contexte de collaboration; la capacité de gérer le stress et les pressions rattachés au rôle d'un juge; de solides habiletés de coopération dans les relations interpersonnelles; la sensibilisation au contexte social, le bilinguisme et une spécialisation particulière requise pour travailler à la Cour suprême. L'expertise peut être définie par la Cour ou par d'autres.

Á  +-(1110)  

    Comme je le disais, monsieur le président, voilà pour les aptitudes professionnelles. C'est un ensemble de critères très complet. Chaque candidat n'a pas à répondre à chacun de ces critères. C'est un ensemble de critères qui sert à l'évaluation.

[Français]

    Sous le titre des qualités personnelles, voici les facteurs considérés: degré d'éthique personnelle et professionnelle le plus élevé, honnêteté, intégrité et franchise; respect et égard pour autrui, patience, courtoisie, tact, humilité, impartialité et tolérance; sens personnel des responsabilités, bon sens, ponctualité et fiabilité.

    Diversité: ce titre porte sur la mesure dans laquelle la composition de la cour reflète convenablement la diversité de la société canadienne.

Á  +-(1115)  

[Traduction]

    Monsieur le président, tels sont les critères.

    En examinant les candidats, je prends en compte les profils de jurisprudence compilés par le ministère de la Justice. Ces profils de jurisprudence offrent des renseignements sur le volume des décisions écrites, les domaines de spécialité, les résultats des appels et la mesure dont ils ont été suivis par les tribunaux inférieurs.

    Une fois terminées les évaluations et les consultations que je viens de décrire, je discute des candidats avec le premier ministre. Il peut y avoir eu préalablement d'autres discussions avec le premier ministre. Un candidat préféré est alors choisi. À son tour, le premier ministre recommande un candidat au Cabinet et la nomination est faite par voie de décret, comme le prévoit la Constitution.

    Cela conclut la description du protocole actuel ou processus consultatif, dont je vous fais part.

    Monsieur le président, votre comité procède actuellement à l'examen important du rôle que les parlementaires pourraient jouer dans le processus de nomination. Cet examen pourrait inclure à la fois celui du processus de nomination et celui du candidat recommandé par le processus.

    Pour ce qui est de l'examen du processus de nomination, nous devons nous rappeler deux facteurs déjà énoncés, c'est-à-dire le cadre constitutionnel qui confère à la branche exécutive du gouvernement le pouvoir de procéder à ces nominations et, par ailleurs, le processus consultatif établi pour mettre en vigueur cette responsabilité constitutionnelle et par lequel les candidats sont identifiés et évalués. Nous ajoutons maintenant au processus un examen parlementaire.

    Quant à l'examen du candidat proposé, la question à poser est celle-ci: quelle forme pourrait prendre cet examen parlementaire concernant le candidat proposé? Et selon quel mécanisme cet examen se déroulerait-il?

    Un certain nombre d'options peuvent être envisagées. D'abord, le comité pourrait entreprendre son examen en écoutant des représentations du ministre de la Justice sur les motifs de la sélection du candidat. Deuxièmement, le comité pourrait mener une entrevue directe du candidat. Troisièmement, l'examen pourrait être mené par un comité indépendant composé d'experts pouvant comprendre des représentants du Parlement.

    D'autres enjeux pourraient intervenir en dehors des modalités de l'examen. Tout d'abord, quelle serait la composition appropriée du comité menant l'examen? Ensuite, le processus devrait-il être confidentiel ou une partie de l'examen devrait-elle être publique? S'il s'agit d'une entrevue directe, quelles questions pourraient être posées sans embarrasser le candidat ou politiser le processus?

    En conclusion, monsieur le président, permettez-moi de cerner un certain nombre de principes directeurs qui pourraient être utiles à cet examen, tout en réglant certaines des questions que je viens d'aborder. Je pourrais ajouter que plusieurs de ces principes ont déjà été soulignés par vos témoins précédents.

    Tout d'abord, le principe du mérite. L'objectif primordial du processus de nomination est d'assurer que les meilleurs candidats sont nommés en fonction de leur mérite. Comme l'a fait remarquer le premier ministre, un processus qui décourage les meilleures personnes à se présenter ne vaut pas la peine.

    Également, les juges de la Cour suprême du Canada devraient, dans le mesure du possible, refléter la diversité de la société canadienne. Une magistrature diversifiée assure que des points de vue variés et pluriels influent sur la résolution des différends.

    En deuxième lieu, le système devrait préserver l'intégrité de la Cour suprême et de l'appareil judiciaire. La magistrature est une institution vitale pour le maintien de la primauté du droit et la santé de la démocratie du Canada. Il ne faut pas la politiser et il ne faut pas endommager la réputation de ses membres.

    En troisième lieu, le système devrait protéger et promouvoir l'indépendance des juges. L'indépendance de la magistrature est une pierre angulaire de notre système juridique et il ne faut rien faire pour saper ou diminuer ce principe.

    En quatrième lieu, le système devrait être plus transparent. Comme je l'ai mentionné, le processus consultatif actuel, qui est exhaustif, n'est tout simplement pas connu. Aux fins de transparence, j'ai partagé avec vous le protocole qui décrit le processus de consultation. J'espère que la publication de ce protocole renforcera la confiance du public à l'égard du processus de nomination et mettra en relief l'excellente qualité des nominations à la Cour suprême grâce à ce processus.

    Cette transparence doit bien entendu se situer sur un continuum. Nous considérons maintenant insérer un processus d'examen parlementaire au protocole qui existe déjà, comme je le disais, ce serait une valeur ajoutée. Certains pourraient suggérer que l'on ne peut atteindre une transparence complète que par l'entremise d'un système d'audiences publiques semblable à celui qui existe aux États-Unis. Par contre, il est important de chercher l'équilibre entre l'objectif de la transparence et les autres principes importants dont je viens de vous parler, y compris l'intégrité de l'institution et le maintien de l'indépendance et de la capacité de chaque juge.

Á  +-(1120)  

    Cinquièmement, le système devrait reconnaître la valeur de la contribution des provinces. D'ailleurs, le processus de consultation actuel le fait déjà puisque l'on consulte les juges en chef, les procureurs généraux, les présidents du barreau des provinces intéressées, ainsi que d'autres organisations provinciales qui voudraient formuler des recommandations.

    Enfin, le système devrait reconnaître la valeur de l'apport des parlementaires, et c'est ce que vise le processus actuel.

    Monsieur le président, chers collègues, en terminant, je le répète, le processus actuel a permis la nomination de juges véritablement exceptionnels à la Cour suprême. Si certains se plaignent du mode de nomination actuel—ce qui n'est pas totalement injustifié—, ils ne le font pas parce que ceux qui ont ainsi été choisis n'étaient pas les meilleurs candidats. Les juges de notre Cour suprême sont réputés pour leur grande compétence. Comme je l'ai dit plus tôt, ils continuent d'être admirés et respectés autant au Canada qu'à l'étranger, comme d'autres témoins vous l'ont déjà indiqué.

    En terminant, je tiens à vous exprimer toute ma gratitude pour le travail que vous accomplissez dans ce dossier. Comme vous l'avez souligné le premier jour de vos audiences, monsieur le président, c'est un enjeu très important. Quelle que soit la solution que nous retenons, ce doit être la meilleure.

    Monsieur le président, je serai heureux de répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Cotler.

    Aux fins du compte rendu, j'indique que le ministre est accompagné de Marc Giroux et de Judith Bellis, qui nous ont tous les deux donné des informations précieuses sur le processus actuel à notre dernière séance à huis-clos.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Judith Bellis est avocate générale et directrice du service des affaires judiciaires, et Marc Giroux est mon conseiller à la magistrature.

+-

    Le président: Merci.

    Chers collègues, ce témoignage d'une heure vise à mieux nous faire connaître le processus actuel. Le ministre, dans ses remarques, a tenté de nous donner quelques principes qui pourraient nous guider dans nos travaux, mais je crois qu'il préférerait que nous nous en tenions, dans nos questions, au processus actuel.

    Passons donc à la période de questions. Le temps de parole sera de trois minutes. Après deux minutes, j'indiquerai au député qu'il ne lui reste plus qu'une minute.

    Comme d'habitude, nous commençons par l'opposition officielle. Je cède la parole à M. Toews pour trois minutes.

+-

    M. Vic Toews (Provencher, PCC): Merci.

    Puisque j'ai si peu de temps, j'aimerais faire quelques remarques sur ce processus non pas secret, mais mal connu sur lequel nous en savons maintenant un peu plus.

    En ce qui a trait aux vastes consultations qui sont menées, je note quelques éléments inquiétants. Vous avez dit que vous consultez le ou la juge en chef du Canada et peut-être d'autres juges. Aucun critère officiel n'existe à cet égard.

    Vous avez aussi dit que vous discutez des candidatures avec le procureur général de la région d'où devra provenir le prochain juge, comme le veut la convention... ou du Québec. Moi, je me demande pourquoi vous ne consultez pas aussi les autres procureurs généraux?

    Tout juge de la Cour suprême du Canada devra traiter de la répartition des pouvoirs, ce qui touche toutes les provinces et pas seulement une seule région. Il ne suffit pas de consulter seulement le procureur général du Québec, par exemple. Il serait dans l'intérêt de tous de consulter aussi les autres procureurs généraux.

    Vous avez aussi dit que vous consultiez des membres chevronnés du barreau de la province. Cela ne me dit pas grand-chose. Chaque barreau compte des milliers de membres chevronnés.

    Ne serait-il pas préférable, pour qu'on puisse mesurer de façon objective l'opinion du barreau à un moment bien précis, de consulter le président du barreau de la région en question? Cela nous permettrait d'éviter des influences politiques indues. Nous savons tous que les membres du barreau ont des vues politiques.

    Quel que soit le parti politique au pouvoir, s'il est entendu que vous consulterez le président de l'Association du Barreau du Manitoba, par exemple, ou de l'Association du Barreau de la Saskatchewan ou du Barreau du Québec, il faut qu'il y ait...

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Monsieur Toews.

+-

    M. Vic Toews: Monsieur le président, je préfère utiliser mes trois minutes. Il m'apparaît important de faire ces observations.

    Ainsi, le processus peut sembler objectif, mais il est en fait très subjectif, même si vous nous dites qu'il n'est pas secret, mais mal connu. Même si vous nous avez donné bien des informations, le processus reste encore très mal connu.

    Merci.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Toews. Je vais répondre à vos questions dans l'ordre où vous les avez soulevées.

    Le juge en chef de la Cour suprême est bien sûr consulté, car c'est lui qui connaît le mieux les besoins de la cour dans son ensemble. D'autres juges de la Cour suprême sont consultés et j'ajouterais que ces consultations prennent du temps.

    Bien sûr, on voudrait consulter tous les membres de la Cour suprême, mais si une vacance est imminente, on consulte à tout le moins le juge en chef et les juges de la province d'où devra provenir le nouveau juge.

    Deuxièmement, pour ce qui est de savoir s'il est nécessaire ou non de consulter tous les procureurs généraux, on consulte les procureurs généraux des provinces ou de la région dont le poste est vacant, car ce sont eux qui ont la meilleure connaissance et compréhension des candidats éventuels de cette région. D'après mon expérience, les procureurs généraux préfèrent ne pas commenter les candidatures des autres régions; ils jugent suffisant d'être consultés sur celles de leur région.

    Vous m'avez aussi demandé pourquoi je n'ai pas mentionné le président de l'Association du barreau canadien. Dans la première ébauche de mes remarques, j'avais indiqué que je consultais le président de l'Association du barreau canadien et le président du barreau de la province. J'ai changé cette phrase tout simplement parce que j'ai pensé à la possibilité—et il ne faut y voir rien d'autre que la volonté pour moi d'être le plus juste possible—qu'un des candidats puisse être le président d'une association du barreau. J'ai donc préféré employer les termes «membres chevronnés» afin qu'on ne puisse pas dire que je n'avais pas consulté le président.

    Normalement, on consultera le président, mais il se peut qu'on veuille consulter d'autres membres du barreau pour les raisons que je viens de donner.

    J'ajouterai que je ne prétends pas que ce processus est exhaustif ni exemplaire. Le processus est toutefois très complet à deux égards: le recensement des candidats possibles et l'évaluation de ces candidats en fonction d'un ensemble de critères donnés afin que cette évaluation soit la plus objective possible.

    Voilà l'objet des consultations mais, bien sûr, j'accueillerai toute suggestion que votre comité voudrait faire en vue d'améliorer ces consultations.

+-

    Le président: Merci.

    Il y a trois députés ministériels qui voudraient intervenir: M. Lanctôt, Mme Catterall et Mme Torsney. Mais c'est d'abord au tour de M. Marceau.

    Je cède donc la parole à M. Marceau pour trois minutes. Je vous ferai signe après deux minutes, puis je céderai la parole à un député ministériel.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau (Charlesbourg—Jacques-Cartier, BQ): Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie, monsieur le ministre, d'être ici. Vous avez dit, lors de vos remarques d'introduction, que tout cela avait commencé le 12 décembre 2003, lors d'un discours du premier ministre. Je vous rappelle que le processus a débuté par une motion qui a été présentée ici le 1er octobre 2003 et que, pour utiliser une expression que vous connaissez bien,

[Traduction]

    C'est une initiative parlementaire et non pas gouvernementale.

[Français]

    Il est important de dire que le processus a été mis en branle par des députés.

    Ma première question est la suivante. Un des témoins que nous avons consultés, Peter Russell de l'Université de Toronto, a dit, et je le cite:

Je dois dire que le Canada est la seule démocratie constitutionnelle au monde où le chef du gouvernement a tout pouvoir pour choisir qui siégera au plus haut tribunal du pays...

    S'il est vrai qu'on vante beaucoup le système canadien et qu'il est si bon, comme certains le prétendent, pourquoi le Canada est-il la seule démocratie occidentale à se retrouver dans cette situation? J'enchaîne avec mes autres questions puisque nous disposons de peu de temps.

    Voici ma deuxième question. Un des témoins a soutenu que, étant donné que le premier ministre avait le pouvoir absolu de nommer les juges à la Cour suprême, cela le plaçait en conflit d'intérêts. En effet, il est à la fois juge et partie puisque dans plusieurs cas, surtout dans les cas de partage des pouvoirs, il y a des conflits entre le niveau provincial et le niveau fédéral. Si le premier ministre a la discrétion absolue d'agir comme il le veut, il peut nommer des juges qui lui sont fort favorables.

    Vous avez mentionné qu'il fallait essayer d'éviter de politiser tout cela. D'après ce que vous nous avez dit, et d'après les gens qui sont à vos côtés, il existe un profil jurisprudentiel des candidats qui pourraient être nommés à la Cour suprême. N'est-ce pas une façon de prendre un peu en compte les opinions des juges, si on sait comment ils ont tranché dans tel ou tel cas, si leur décision a été renversée en appel, etc.?

    Voici ma dernière question. Le protocole que vous nous avez présenté aujourd'hui semble un peu approximatif en ce sens qu'on y mentionne que, généralement, telle ou telle personne est consultée, mais vous-même avez dit que vous ne pouviez pas affirmer qu'à chaque fois cela a été le cas. Ne trouvez-vous pas particulier que, pour un organe aussi puissant de l'État canadien que la Cour suprême, le protocole ne soit pas suivi à la lettre? On parle de juges à la Cour suprême dont les décisions ont un grand impact sur des politiques qui affectent la vie des citoyens et même des gouvernements, puisqu'ils interprètent des détails extrêmement importants. Il me paraît bien particulier que le protocole ne soit pas suivi à la lettre. Merci.

Á  +-(1130)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vous remercie de vos questions, monsieur Marceau.

    D'abord, vous avez raison de dire que l'examen parlementaire a commencé à ce comité. En fait, j'ai simplement parlé de l'annonce du gouvernement comme d'une décision gouvernementale d'entreprendre un examen parlementaire. On peut donc dire que cela a commencé ici, mais aussi que le premier ministre a reconnu l'importance de faire un tel examen. Donc, on peut dire qu'il s'agit d'un dialogue entre le Parlement et le gouvernement plutôt qu'entre le Parlement et les cours et que cela se déroule dans le cadre d'un processus démocratique.

    J'ai lu les remarques du professeur Peter Russell, qui a témoigné ici, et je dois dire que je ne suis pas d'accord avec lui. À mon avis, il s'agit d'une approche plus caractéristique d'un professeur de sciences politiques que d'un professeur de droit. Je ne veux pas exprimer de préférence à l'égard d'un universitaire plutôt qu'envers un autre--je vois que Stéphane Dion est ici--, mais il reste que le premier ministre ne jouit pas d'une discrétion absolue.

    Le premier ministre doit agir selon la Constitution, et c'est cette dernière qui donne au pouvoir exécutif la responsabilité des nominations. Ce n'est pas un pouvoir qu'on peut, en vertu de la Constitution, déléguer à un autre pouvoir. Ce qui importe, c'est de voir à ce que cette responsabilité accordée par la Constitution au pouvoir exécutif soit exercée de manière à garantir le respect du principe du mérite lors des nominations.

    Ce n'est pas le premier ministre personnellement ou le premier ministre lui-même, mais le pouvoir exécutif qui, en fonction de la recommandation du premier ministre, qui est elle-même le résultat d'un processus de consultation des ministres de la Justice, fait les nominations. On parle donc d'un processus de consultation exhaustif. On peut parler du rôle du premier ministre dans ces nominations seulement dans le cadre de ce pouvoir constitutionnel et de ce processus consultatif.

    Concernant les conflits d'intérêt, je ne sais trop où on voit un conflit d'intérêts. À ce compte-là, on pourrait dire de chaque participant au processus politique qu'il est en conflit d'intérêts. Quelqu'un doit faire les nominations et être impliqué dans ce processus. Comme je l'ai dit, la Constitution donne ce pouvoir à l'exécutif et le premier ministre, en tant que membre de l'exécutif, a un rôle à jouer et des responsabilités à assumer dans le cadre de ce processus. Ce qui importe le plus, c'est le principe du mérite.

    Je vais laisser Judith Bellis vous entretenir des profils jurisprudentiels.

Á  +-(1135)  

[Traduction]

+-

    Mme Judith Bellis (avocate générale, Service des affaires judiciaires, des cours et des tribunaux administratifs, ministère de la Justice): Monsieur Marceau, je crois que la greffière a distribué un document qui décrit la méthode que mes collègues et moi employons pour établir les profils statistiques, surtout en ce qui a trait à l'historique, si je peux l'appeler ainsi, des décisions rendues par les juges.

    À la deuxième page, vous pouvez voir que nous faisons le suivi des décisions pour voir s'il y a eu des appels. Il est particulièrement utile pour le ministre de savoir ce qu'ont décidé les cours d'appel, surtout la Cour suprême du Canada. Il ne s'agit pas seulement de déterminer si la décision qui a été rédigée par le juge a été confirmée car, comme vous le savez, dans certains cas, il arrive que la Cour suprême du Canada souscrive à la décision qui a été rédigée par le juge dissident d'une cour inférieure. Il ne s'agit donc pas de déterminer simplement le taux de succès, si j'ose dire.

    Les ministres jugent aussi utile de savoir quelle influence les décisions rédigées par un juge ont pu avoir sur la jurisprudence des cours inférieures, dans quelle mesure ces décisions ont été suivies, sont devenues des précédents et ont eu une portée juridique. Cela peut aussi être utile pour les ministres.

    Je tiens à faire remarquer, comme je l'ai fait à ma dernière comparution, que, comme vous pouvez vous en douter, ces profils statistiques ne fournissent que des informations limitées. Mais je crois que cela aide les ministres à brosser un tableau plus complet, aussi limitées ces informations soient-elles.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: J'ajouterai que, à titre d'ancien professeur de droit—j'espère que vous ne m'en voudrez pas de faire une allusion personnelle—je serai peut-être l'un des rares qui aura hâte de lire les profils jurisprudentiels.

[Français]

    En conclusion, je tiens à vous féliciter, puisque c'est votre motion d'octobre dernier qui a mis en branle cet examen parlementaire. Merci.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Lanctôt, vous avez trois minutes. Je céderai ensuite la parole à M. Comartin, puis à Mme Catterall.

[Français]

+-

    M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.): Merci, monsieur le président. Puisque vous nous demandez de nous limiter au processus actuel, j'aimerais vous poser deux questions.

    Comme on le sait, les tribunaux jouent un rôle de plus en plus politisé. J'aimerais savoir certaines choses sur la façon dont les nominations sont faites ou dont les consultations sont menées. Y a-t-il un nombre limité de personnes qui travaillent avec vous au bureau du premier ministre, au cabinet du premier ministre et au ministère de la Justice? J'aimerais savoir qui exactement travaille à mener les consultations avec vous.

    D'autre part, après vos consultations ou vos recommandations, le personnel du cabinet entreprend-il un autre processus ou existe-t-il un autre processus parallèle? En d'autres mots, après vos recommandations, le cabinet entreprend-il un autre processus ou s'il se fie exactement à vous et à vos consultations pour la nomination du juge en chef?

    J'ai une autre question d'un tout autre ordre. Quand il manque un spécialiste en droit privé, on sait qu'on a un vrai problème. On parle beaucoup de la charte et du droit public. Par contre, la cour a de la difficulté, par manque de temps, à bien considérer l'aspect du droit privé. Imaginons qu'il manque un expert en droit privé, qu'on demande quelque chose à un juge, qu'on fasse une recommandation très importante et qu'il y ait un poste ouvert dans la région de Québec. On sait qu'au Québec le Code civil est en vigueur et qu'il ne s'agit pas de common law. Comment allez-vous faire s'il faut un expert, mais que les connaissances de cet expert se limitent à du droit comparé, parce qu'il n'a pas de formation comme telle en common law? Que ferez-vous pour faire un bon choix? Merci.

Á  +-(1140)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci de votre question. Je dois d'abord dire qu'il y a seulement une personne qui m'aide dans le processus de consultation, et c'est le conseiller à la magistrature Marc Giroux. C'est la seule personne qui m'aide à cet égard. C'est seulement le ministre qui est impliqué dans le processus de consultation; c'est moi qui fais les consultations. Si, à la suite du processus de consultation, une personne est pressentie, il y aura consultation avec le premier ministre, parce que c'est le premier ministre qui a la responsabilité finale.

    Vous demandez s'il y a un autre processus. Il y a un processus de consultation, comme le protocole le décrit, et qui relève de ma responsabilité. S'il y a d'autres consultations par le premier ministre, je ne peux pas en parler parce que je n'ai pas connaissance de cette chose.

    Concernant l'expertise d'un candidat, on essaie de trouver un candidat qui réponde à l'ensemble des critères que j'ai cités. Il se peut, par exemple, que la cour demande un criminaliste. S'il est possible, dans le cadre de ce processus, à l'égard de cette région ou province, de trouver une personne qui, à la fois, soit criminaliste et ait l'expertise requise, cela peut être un autre critère sur lequel on peut se baser.

    En ce qui concerne la province de Québec, on cherche des civilistes. Si une personne a reçu une formation à la fois en droit civil et en droit commun, il est possible que cela constitue un autre critère pour aider à évaluer sa candidature.

    Il est difficile de répondre à cette question de manière hypothétique, parce que cela dépend d'un ensemble de critères, qui vont de la capacité professionnelle aux critères personnels, et il faut aussi tenir compte de la question de la diversité de la représentation à la Cour suprême et d'autres choses semblables.

Á  +-(1145)  

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Comartin, vous avez la parole pour trois minutes. Ce sera ensuite à Mme Catterall.

+-

    M. Joe Comartin (Windsor—St. Clair, NPD): Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur le ministre, d'être venu.

    Monsieur le ministre, je crois que vous avez déjà reconnu que c'est M. Marceau qui a lancé ce processus avec sa motion, dont notre comité a été saisi, mais le premier ministre a aussi dit clairement qu'il avait lancé lui-même son propre examen. Je crois qu'il serait utile pour notre comité de savoir quel genre d'examen du processus de nomination est en cours au sein de votre ministère et quand nous pourrions connaître la position du gouvernement. C'est ma première question.

    Ma deuxième question est la suivante: parmi toutes les personnes que vous consultez et que vos prédécesseurs ont consultées, y en a-t-il une qui ait une sorte de droit de veto? Prenons l'exemple du juge en chef. Disons que le juge en chef est résolument pour ou contre un candidat. Cela suffirait-il à vous faire accepter ou rejeter cette candidature?

    Troisièmement, en ce qui a trait aux autres groupes qui sont consultés, vous n'avez pas donné de précision. Puisque nous voulons assurer l'égalité des sexes au sein de la cour, consulte-t-on des groupes nationaux représentant des femmes et, dans l'affirmative, dans quelle mesure a-t-on tenu compte de leurs avis avant de nommer des femmes à la Cour suprême?

    Enfin, quand on évalue un juge actuellement en poste, les décisions qu'il ou elle a rendues, tient-on compte de son activisme judiciaire? Cela joue-t-il en faveur d'un candidat ou non?

    Merci.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci, monsieur Comartin, de vos questions.

    Elles me donnent l'occasion de rappeler que la première mention d'un examen parlementaire a été faite par le premier ministre, alors simple député de LaSalle—Émard, en octobre 2002 lors d'un discours qu'il a prononcé devant l'école de droit de Osgoode Hall et dans lequel il a soulevé la question d'un examen par les parlementaires des nominations à la Cour suprême du Canada.

    Par la suite, la motion qui a précédé celle dont vous êtes actuellement saisis est morte au feuilleton. Puis, le premier ministre, presque immédiatement après avoir accédé à ses fonctions, a fait allusion à cet examen parlementaire. Cela a été confirmé dans le plan d'action du gouvernement pour la réforme démocratique du 4 février 2004.

    Voilà pourquoi j'ai dit que cet examen est une initiative à la fois des parlementaires et de l'exécutif.

    En ce qui a trait à l'étude en cours au ministère, nous avons établi le cadre dans lequel elle se fera. Il y a d'abord le cadre constitutionnel. Dans mon ministère, je dois être conscient du fait que c'est le cadre constitutionnel qui confère à l'exécutif le pouvoir de nommer les juges. C'est ce qu'on pourrait appeler une évidence constitutionnelle, mais cela doit être notre point de départ, car c'est une responsabilité qui ne peut être déléguée.

    La question est ensuite de savoir comment appliquer ce cadre constitutionnel? Comment faire en sorte que cette responsabilité que doit assumer l'organe exécutif du gouvernement l'est de façon à nous donner les meilleurs juges et les meilleurs cours? Vient ensuite le processus qui avait cours dans le passé, et que je vous ai décrit, et qui a produit d'excellentes nominations et une excellente cour.

    Je vous ai décrit toute la gamme des consultations que j'entreprendrais conformément à ce protocole, qui est précis mais assez souple pour s'adapter aux circonstances, ainsi que les critères en fonction desquels les candidats seront évalués, critères qui, encore une fois, sont exhaustifs. A l'issu de ce processus, un candidat est retenu et, en consultation avec le premier ministre, une décision est prise et il est recommandé au Cabinet de s'acquitter de son pouvoir constitutionnel de nommer ce juge par décret.

    Vous avez demandé si le juge en chef avait un droit de véto. Comme je l'ai déjà dit, c'est un processus consultatif. Je ne peux m'imaginer qu'une personne ou une autre voudrait imposer son véto à l'égard de quelque candidat que ce soit. C'est un processus de consultation dont les résultats ne sont qu'un facteur dans l'ensemble des facteurs dont je tiens compte lors de l'évaluation des candidatures. Cela a bien marché dans le passé. À preuve, et je le répète, nous avons pu ainsi faire d'excellentes nominations.

    Cela ne signifie pas qu'on ne peut pas améliorer le mode de sélection. Cela signifie tout simplement que, quelles que soient les modifications qui seront recommandées, elles devront tenir compte du cadre constitutionnel dans lequel les nominations se font, du protocole actuel de nomination et des critères que je vous ai décrits, particulièrement le principe du mérite, la préservation de l'intégrité de la Cour suprême comme institution et le principe de l'indépendance de la magistrature.

    Vous avez ensuite parlé de l'égalité des sexes au sein de la Cour suprême et des groupes nationaux de femmes qui sont consultés. Je ne saurais vous dire, monsieur Comartin, comment cela s'est fait dans le passé. Je n'ai jamais eu à faire des consultations en vue de nommer un juge à la Cour suprême. Je ne peux donc présumer de ce qui s'est passé auparavant. Je peux seulement vous dire que tout groupe de femmes ou toute autre organisation, ainsi que le prévoit le protocole, peut faire des représentations au sujet d'un candidat en particulier ou de certains critères qui devraient être employés.

    Concernant l'activisme judiciaire, je ne crois pas que ce soit une expression que vous trouverez dans la liste de critères. Ce n'est pas non plus quelque chose qui m'apparaît prévisible. Ayant enseigné le droit et comparu plusieurs fois devant la Cour suprême du Canada, je peux vous dire que j'ai rarement pu prévoir comment trancherait la Cour ou un juge en particulier.

    Le juge qui... Prenons l'exemple de madame la juge Louise Arbour qui quittera son poste à la fin de juin. Elle a été nommée à la Cour d'appel de l'Ontario par un gouvernement progressiste conservateur et nommée à la Cour suprême par un gouvernement libéral.

Á  +-(1150)  

    Avec ce processus de nomination, on veut protéger l'indépendance de la magistrature, protéger l'intégrité de l'institution de la Cour suprême, trouver les meilleurs candidats qui soient tout en conservant beaucoup d'humilité, car n'oublions pas que ce sera l'un de nos legs les plus importants. Chaque fois que nous nommons un juge à la Cour suprême du Canada, nous devons nous rappeler de l'importance de ce legs juridique; nous sommes les gardiens d'un processus fondé sur les principes que j'ai décrits un peu plus tôt et que nous devons protéger.

    Dans le passé, cela a bien marché. J'espère qu'il en sera de même à l'avenir, particulièrement avec l'ajout de l'examen parlementaire et plus de transparence, ce qui est tout à fait justifié et ce à quoi j'ai voulu contribuer en rendant public le protocole, entre autres choses.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Catterall, vous avez trois minutes.

+-

    Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): C'est un bon point de départ pour...

+-

    M. Vic Toews: J'aimerais savoir combien de temps a duré cette intervention.

+-

    Le président: M. Comartin a pris une minute et quarante-cinq secondes et le ministre, six minutes.

+-

    M. Vic Toews: C'est une tendance assez constante, monsieur le président.

+-

    Le président: M. Toews estime que je devrais interrompre les témoins. Si c'est votre suggestion, vous pourrez me la faire plus tard; pour l'instant, je permettrai aux témoins de répondre.

+-

    M. Vic Toews: J'invoque le Règlement, monsieur le président. Je voulais vous faire remarquer... vous nous avez précisé que nous n'aurions que trois minutes pour nos interventions. Je voulais faire des remarques pendant mon temps de parole et j'ai utilisé mes trois minutes pour ce faire. Je sais que vous avez donné un peu plus de temps au ministre, mais lui laisser deux minutes, puis huit minutes... Pourquoi n'avons-nous pas fait comme d'habitude, monsieur le président, afin qu'il y ait un véritable échange entre nous et les témoins?

+-

    Le président: Monsieur Toews, si je donnais sept minutes aux députés pour leurs questions et sept minutes au ministre pour ses réponses, cela ferait 14 minutes... Je donne donc trois minutes aux députés; je préfère leur donner deux minutes pour leurs remarques et leurs questions et permettre ensuite au témoin de répondre.

    M. Toews demande essentiellement aux témoins d'être les plus brefs possibles. Toute autre discussion sur le sujet devra se tenir pendant une autre réunion, quand nous pourrons être entre nous.

    Monsieur Cotler, poursuivez.

Á  +-(1155)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: M. Comartin, comme les autres députés, m'a posé six questions. J'ai tenté de répondre à chacune d'entre elles le plus succinctement possible. Je lui sais gré d'avoir été si bref dans ses questions, mais je tenais à répondre à chacune d'entre elles.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Catterall, vous avez trois minutes.

+-

    Mme Marlene Catterall: Je crois que nous sommes tous un peu plus conscients qu'il y a quelques semaines de l'importance, surtout à long terme, de la tâche qui nous a été confiée. De nombreux témoins, presque tous les témoins en fait, nous ont conseillé de faire notre travail avec soin. Il est donc malheureux qu'il y ait sous peu deux vacances à la cour que nous voudrons, je présume, combler le plus rapidement possible, mais aussi le mieux possible.

    Nous sommes aussi conscients des risques de certaines options. Nous risquons d'exclure des candidats qui ne souhaiteraient pas se soumettre à un examen parlementaire; nous risquons de compromettre, comme vous l'avez souligné, l'intégrité et l'indépendance de la cour et, à mon avis, nous risquons de biaiser le processus en choisissant des personnes qui passeront le test de l'examen parlementaire sans nécessairement être le meilleur choix pour le poste.

    Ce que je recherche donc, c'est une façon d'ajouter de la valeur au processus existant. J'aimerais que le ministre nous dise quelles questions nous pourrions poser à un candidat qui ajouterait une certaine valeur au processus qu'il nous a décrit aujourd'hui.

    Deuxièmement, le ministre pourrait-il nous dire quand nous pourrions nous attendre à des recommandations?

    Troisièmement, j'aimerais savoir ce que le ministre pense de mes propres sentiments sur ce que nous devrions faire, à savoir, compte tenu de l'urgence, adopter un processus intérimaire pour ensuite consacrer tout le temps et les efforts voulus à une réforme éventuelle du processus.

    Enfin, après avoir fait les nominations, le ministre serait-il prêt à venir expliquer son choix à notre comité? Nous saurons alors, je crois, si un examen parlementaire plus approfondi est nécessaire.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci de votre question.

    Comment votre comité pourrait-il élaborer un processus parlementaire à valeur ajoutée? Je ne voudrais pas présumer de la façon dont vous mènerez votre examen. Je peux toutefois vous faire part de certaines questions que vous voudrez peut-être examiner et des principes qui devraient guider à la fois votre examen et celui qui est en cours au ministère. Vous restez toutefois les mieux en mesure d'organiser vos travaux et je ne voudrais pas m'en mêler.

    Quand les recommandations seront-elles prêtes? Le processus de consultation est déjà amorcé. Comme je l'ai dit, je tiens à ce que ces consultations soient les plus complètes possibles, que le plus grand nombre de personnes soient consultées, et que l'évaluation des candidats en fonction des critères établis se fasse de la façon la plus uniforme et systématique que possible. À l'issue de ce processus, je ferai ma recommandation au premier ministre. J'espère que ce sera avant juin de cette année; c'est ce que j'espère.

    Est-ce que je serais prêt à vous expliquer mon choix? Oui, je serai heureux de vous expliquer le processus qui a été suivi, les critères qui ont servi aux évaluations et comment j'aurai fait mon choix.

  +-(1200)  

+-

    Le président: Chers collègues, Mme Torsney, M. Dion, Mme Barnes, M. Toews et M. Marceau sont tous sur la liste des intervenants. M. Toews et M. Marceau ont déjà eu la parole. Il est déjà presque midi, alors... Mme Barnes me signale qu'elle ne souhaite plus intervenir. Merci, madame Barnes.

    Je ne sais trop quoi faire. Normalement, j'amorcerais la deuxième série de questions avec M. Toews, mais comme il a déjà eu la parole, je préférerais donner la parole à un autre député de son parti. Ils m'ont d'ailleurs indiqué qu'ils seraient prêts à céder leur temps à M. Toews. Je m'en remets à vous. Je crois que je vais permettre à M. Toews de prendre la parole une nouvelle fois.

    Monsieur Toews, vos collègues vous cèdent trois minutes.

+-

    M. Vic Toews: Nous allons reparler de tout cela au comité de direction.

+-

    Le président: Avec plaisir. Vous avez trois minutes.

+-

    M. Vic Toews: Ce n'est qu'un commentaire. J'apprécie votre témoignage aujourd'hui qui m'en a appris davantage sur le processus de nomination que tout ce que j'en savais depuis 20 ans. Vous m'étonnez en affirmant que les procureurs généraux sont mêlés à la nomination de juges à la Cour suprême, quand les nominations, par convention ou obligation juridique, doivent venir d'une autre région.

    En tant qu'ancien procureur général, je me serais certainement beaucoup intéressé à la nomination de juges à la Cour suprême du Canada qui auraient à se prononcer sur les lois du Manitoba, alors qu'ils provenaient du Québec ou de la Colombie-Britannique. Comme procureur général, j'aurais trouvé cela primordial.

    De même, nous avons entendu un témoignage très intéressant de Peter Russell. Je sais que certains députés ont eu un débat avec lui, et l'une des préoccupations qu'il formulait—et je ne suis pas nécessairement d'accord avec lui... Il a dit de nominations à la Cour d'appel qu'il s'agissait de vil favoritisme; je pense que ce sont ses mots. C'est ce qu'il a dit et ce n'est certainement pas l'évaluation que je fais de l'ensemble des nominations. Mais ce qui m'inquiète, du point de vue des perceptions, c'est que si on tire les juges de la Cour suprême du Canada de ce bassin constitué par vil favoritisme, ne risque-t-on pas de discréditer l'administration de la justice?

    Je vous encourage donc, monsieur le ministre, à revoir le processus de nomination dans les cours d'où proviennent les juges de la Cour suprême du Canada, afin qu'on ait une bonne impression non seulement du bassin de juges dont sont tirés ceux de la Cour suprême, mais aussi ceux de la Cour d'appel.

    Je m'arrête ici. Je pense que la transparence ferait beaucoup pour éviter qu'on dise des juges, que j'estime être de très bons juges, qu'ils ont été nommés simplement par favoritisme. Voilà pour les commentaires. Je ne crois pas que vous ayez le temps de répondre, et j'en reste là.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Merci pour ces observations.

    Je dirai seulement que je ne crois pas que même ceux qui ont été nommés aux tribunaux inférieurs l'aient été par vil favoritisme. Je crois que cette description est injuste tant pour les juges que compte tenu du principe de l'indépendance de la magistrature.

+-

    Le président: Madame Torsney, vous avez trois minutes.

+-

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Merci.

    Je pense que vous avez constaté qu'on nous avait confié une tâche colossale, avec ce qu'on perçoit comme un court délai. Et cela, dans le contexte où personne ne connaissait le processus actuel. On fait des comparaisons avec ce qui s'est produit pour les juges de la Cour suprême des États-Unis, notamment Clarence Thomas. Je ne crois pas qu'un seul Canadien veuille d'un processus qui s'en rapproche.

    M. Marceau a déclaré que certains témoins nous ont dit que le Canada est le seul pays à faire ce genre de comparaison. Même s'il s'agit de comparer, on comparera des pommes et des oranges. Les cours suprêmes de chaque pays fonctionnent de manière très différente. Les juges de la Cour suprême sont nommés pour un mandat limité, peut-être. Voyez-vous le besoin d'analyser et de comparer les divers régimes, pour en produire un meilleur?

    Au sujet des deux nominations imminentes, vous dites que le comité doit se pencher sur la composition de la commission. Doit-elle fonctionner en public ou à huis clos? Doit-il y avoir une entrevue directe?

    En attendant de savoir ce que nous devrions faire, pouvez-vous imaginer le genre de questions qu'une commission pourrait poser à un candidat, de manière qu'il puisse répondre?

    Bien entendu, ils doivent penser à leurs futurs dossiers. Nous sommes tous au courant du renvoi à la Cour suprême au sujet du mariage entre conjoints de même sexe. On ne pourrait pas poser des questions là-dessus. Leur avis sur la supériorité des lois manitobaines sur celles de la Colombie-Britannique, sur le rôle entre les gouvernements fédéral et provinciaux ou sur des questions autochtones pourrait avoir un effet sur les décisions rendues dans d'autres affaires.

    Je crois comprendre qu'il incombe aux juges de tenir compte de la loi en cause, d'écouter les gens qui comparaissent devant lui et de rendre une décision en fonction des faits qui lui sont présentés, à ce moment-là. Il peut certes être intéressant d'examiner les décisions rendues précédemment, mais elles l'ont été en fonction des dossiers présentés à ce moment-là, et tenaient compte des mentalités et de l'évolution du pays, à ce moment-là. Nous ne pouvons pas prédire les décisions futures.

    S'il y avait une entrevue de ce genre, quelle devrait être à votre avis la procédure? Le simple fait de poser des questions à un candidat à un poste de juge à la Cour suprême ne politiserait-il pas le processus?

  +-(1205)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Bien. Au sujet de vos deux questions, pour celle se rapportant à la pertinence des autres instances, votre comité a déjà entendu, et entendra peut-être encore, des témoignages à leur sujet. Je pense comme vous que ce qui se passe ailleurs doit être vu dans son contexte, d'abord parce que le cadre constitutionnel peut être très différent dans ces autres pays.

    J'ai rencontré la semaine passée le président de la cour constitutionnelle de Russie. Nous avons analysé les modes de nomination des juges à nos cours suprêmes respectives. Ce qui était clair à mes yeux, c'est que le cadre constitutionnel dans lequel sont faites ces nominations en Russie est très différent du nôtre.

    Au Canada, nous avons raffiné notre cadre constitutionnel. Nous sommes passés d'une démocratie parlementaire à une démocratie constitutionnelle. Le cadre constitutionnel est très important. Chaque pays peut avoir, comme c'est notre cas, un protocole de nominations, un processus de consultation en vue des nominations.

    Quant aux questions à poser, c'est à vous d'en décider, mais j'espère qu'on pourra respecter les principes que j'ai énoncés. Autrement dit, il faut éviter des questions qui pourraient avoir pour effet, même si ce n'est pas délibéré, de politiser le processus ou de compromettre la réputation d'un candidat, ou du tribunal.

    Voilà pourquoi je pense qu'on voudra poser des questions se rapportant aux critères que j'ai fournis plus tôt et qui se rapportent aux qualités professionnelles qui peuvent être évaluées, comme la connaissance que le candidat a des lois, etc.—les critères que j'ai énoncés plus tôt.

+-

    Le président: Merci.

    Il y a encore deux autres intervenants. Je donnerai d'abord la parole à M. Marceau, et M. Dion pourra terminer.

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je voudrais savoir, monsieur le ministre, comment, de façon concrète, se passent les choses.

    Supposons qu'un poste se libère. Comment établit-on la liste des candidats potentiels? Est-ce vous qui la dressez? Est-ce votre ministère qui, ayant entendu parler de personnes intéressantes, les inclut à une liste? Il doit bien y avoir une liste maîtresse à partir de laquelle vous travaillez, lorsqu'il y a consultation. Appelez-vous le ministre de la Justice d'une province pour lui demander s'il a des noms à vous soumettre ou si vous avez déjà des candidats en tête?

    Par la suite, lorsque vous-même ou le ministre de la Justice allez au bureau du premier ministre, est-ce que vous ne recommandez qu'un nom de la liste ou si vous en recommandez trois, quatre ou cinq?

    Enfin, quel est le rôle du bureau du premier ministre? Est-ce qu'il refait des vérifications et certaines consultations ou si, advenant qu'un seul nom soit retenu, il ne fait--permettez-moi cette expression latine--que «rubber stamper»  les candidatures que vous ou le ministre de la Justice précédent avez soumises?

  +-(1210)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Il peut y avoir une liste préliminaire composée des noms des juges de la région, particulièrement de la Cour d'appel d'une région ou province. Des leaders du Barreau et des universitaires éminents peuvent aussi donner leur avis. On peut dresser une liste préliminaire, mais à la suite de consultations auprès de toutes les personnes que j'ai mentionnées. Il y a peut-être une autre liste qui découle de ces consultations. Il s'agit d'étudier une une liste préliminaire qu'on va peut-être me suggérer à l'égard des juges qui restent, qui sont maintenant à la Cour d'appel ou leaders du Barreau. Ensuite, à l'issue d'un processus de consultation exhaustif, on en arrive à déterminer la candidature préférée.

    Il est difficile de préciser comment on commence à travailler à partir d'une liste préliminaire et comment se déroulent les consultations. C'est un mélange des deux. Il s'agit essentiellement de deux approches: premièrement, l'identification des candidats et deuxièmement, l'évaluation de ces derniers. Cela se fait au cours du même processus de consultation.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Marceau, cela vous convient-il?

[Français]

+-

    M. Richard Marceau: Je n'ai pas compris le point suivant: y a-t-il un ou trois noms qui sont soumis au bureau du premier ministre? Merci.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Comme je l'ai dit, la liste sert à évaluer les candidats à la suite des consultations, mais il peut aussi advenir que le premier ministre, ou quelqu'un d'autre, me demande si j'ai envisagé la candidature d'un individu donné, qui pourrait être un excellent candidat à la Cour suprême du Canada.

    Cela fait partie du processus de consultation. La situation n'est pas que le premier ministre impose quelqu'un. Par contre, ce n'est pas nécessairement la personne préférée qui sera nommée: ce sera une des personnes suggérées dans le cadre d'un processus de consultation exhaustif. Ainsi, vous-même, monsieur Marceau, pouvez me suggérer une personne et je prendrai connaissance de votre recommandation de la même manière.

[Traduction]

+-

    Le président: Merci.

    C'est le tour de M. Dion, qui a trois minutes.

[Français]

+-

    L'hon. Stéphane Dion (Saint-Laurent—Cartierville, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je dirais, monsieur le ministre, que le processus que vous avez décrit n'est pas arbitraire comme on l'a suggéré. Je dirais plutôt qu'il est informel et confidentiel. On peut considérer que ce caractère informel et confidentiel constitue une vertu. C'est une bonne chose qu'il soit comme cela.

    Or, nous voulons certainement formaliser au moins une partie du processus. C'est ce que le comité essaie d'établir. Je vous demande donc quels sont les coûts de cette formalisation.

    Vous avez mentionné un problème potentiel un peu plus tôt. Si, par exemple, on travaille sur la base d'un comité d'experts, comme on le fait pour les cours inférieures, auquel on pourrait adjoindre des parlementaires--c'est un modèle possible--, comment nomme-t-on ces membres des comités, dès lors que certains d'entre eux, si on procède de façon statutaire, peuvent être des candidats potentiels? Vous avez souligné ce problème.

    Actuellement, cela se règle assez facilement au niveau de la Cour suprême, puisqu'il n'y a pas de comité et que tout est informel. Si on forme un comité et que les membres du comité sont choisis de façon statutaire, on peut se trouver dans une situation où un membre du comité est un candidat potentiel.

    Il doit sûrement y avoir une façon de régler ce problème puisqu'on le fait dans les cours inférieures où il y a un comité d'experts. Comment évite-t-on ce problème dans les cours inférieures? Si on veut faire la même chose à la Cour suprême, il faudra l'éviter aussi.

    Voici ma deuxième et dernière question. On pousse le caractère informel et confidentiel très loin, puisse que, si je comprends bien, actuellement, on ne fait pas d'entrevues des candidats potentiels. On ne le fait pas non plus dans les cours inférieures, si je comprends bien. Y a-t-il une raison à cela? Pourquoi travaille-t-on à partir de dossiers et de consultations mais pas d'entrevues?

  +-(1215)  

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Comme vous l'avez dit, ce processus est très important. Ce processus n'est pas arbitraire. C'est un processus constitutionnel, confidentiel, officiel et informel. C'est à vous de décider si vous voulez formaliser ce processus.

    Notre processus est en même temps officiel, confidentiel, public, constitutionnel, mais il y aura peut-être des problèmes si on essaie de formaliser ce processus. Il existe un protocole qui constitue une sorte de formalisation. Pour ma part, je suis ouvert à toutes les suggestions et recommandations que peut faire ce comité, que ce soit faire une évaluation de manière professionnelle des candidats, que ce soit mener des entrevues avec le candidat, ou que ce soit mener des entrevues directes en considérant les qualités professionnelles. Je ne veux pas préjuger du processus parlementaire. Je suis ici pour partager avec vous des perspectives et non pas faire des recommandations précises au comité.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Je vous ai posé une question. Je ne vous ai pas demandé de nous faire une recommandation.

    Pourquoi ne procède-t-on pas par entrevues en ce moment? Quelle est la logique? Sans doute voit-on une vertu au fait de ne pas faire passer des entrevues. On y voit sûrement des avantages.

    Ma deuxième question est la suivante. Comment fait-on dans les cours inférieures pour nommer les membres des comités? Il y a des comités à la Cour d'appel et à la Cour supérieure. Comment fait-on pour nommer les membres des comités de manière à ce qu'ils ne soient pas en conflit d'intérêts, puisqu'ils pourraient être eux-mêmes des candidats potentiels?

    À ces deux questions, je demande des réponses.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je vais demander à Marc Giroux de répondre, parce qu'il a une plus grande expérience des nominations judiciaires de haut niveau. Il pourra sûrement partager avec vous des éléments de son expérience.

+-

    M. Marc Giroux (conseiller à la magistrature, ministère de la Justice): Les membres des comités consultatifs dans les provinces ne peuvent pas être candidats au banc. Par conséquent, si on est membre d'un comité, la question des conflits d'intérêts ne se pose pas, parce qu'on n'a pas le droit d'être...

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Sont-ils choisis de façon statutaire? Est-ce le ministre qui décide qui va être membre?

+-

    M. Marc Giroux: Non. Cela se fait par directive du ministre. Tout d'abord, il y a sept membres des comités. Il y en a un qui représente le juge en chef de la province.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Cette personne est-elle choisie par le juge en chef?

+-

    M. Marc Giroux: Oui, elle est nommée par le juge en chef. Il y a aussi un représentant du procureur général de la province, un autre de la société du barreau local, un autre de l'Association du Barreau canadien. Certains membres, également, sont nommés par le ministre de la Justice, ce qui inclut des membres qui ne sont pas des avocats.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Imaginez un processus où tous ces gens seraient nommés de façon statutaire par les associations, etc. Ils ne seraient pas en conflit d'intérêts, parce que si on les choisit, c'est qu'on suppose qu'ils ne veulent pas être candidats.

+-

    M. Marc Giroux: Comme je vous l'ai dit déjà au sujet des comités provinciaux, il est établi qu'un membre de comité ne peut être candidat au banc.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Il faut que ça fonctionne de cette façon, sinon...

    Maintenant, j'aimerais savoir pourquoi on ne procède pas par entrevues.

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Dion...

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Je veux simplement une réponse à ma question.

+-

    Le président: Je sais, mais vous avez de si nombreuses bonnes questions et seulement trois minutes.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: Je n'avais que deux questions, et la dernière...

+-

    Le président: Je ne sais plus combien de bonnes questions vous avez posées.

+-

    L'hon. Stéphane Dion: C'est moi qui en avais le moins et je veux une réponse à ma question.

+-

    Le président: Terminons avec une dernière question de M. Dion.

[Français]

+-

    M. Marc Giroux: En vertu de la façon dont fonctionnent les comités maintenant, les entrevues ne sont pas exclues. Cependant, en pratique, il est difficile de le faire, compte tenu, d'une part, du nombre de gens qui se portent candidats à la magistrature et, d'autre part, du temps limité dont on dispose pour les évaluer.

    Si je ne me trompe pas, le commissaire à la magistrature avait comparu devant un comité et avait alors précisé le nombre de gens par année qui se portent candidats au banc. Je vais me limiter à cette réponse.

  -(1220)  

+-

    L'hon. Stéphane Dion: C'est ce qu'on fait déjà.

[Traduction]

+-

    Le président: M. Cadman demande si l'exposé liminaire du ministre est disponible. Bien sûr qu'il l'est. C'est déjà dans la transcription.

+-

    L'hon. Irwin Cotler: Je pense qu'il est déjà ici, si je ne m'abuse.

-

    Le président: Merci, ministre Cotler, madame Bellis et monsieur Giroux.

    Comme l'a dit le ministre, c'est un premier coup d'oeil parlementaire sur le processus de nomination à la Cour suprême. Merci d'en avoir fait partie.

    [La séance se poursuit à huis clos]