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Conformément à l'ordre de renvoi du vendredi 26 octobre 2007, le comité reprend l'étude du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence.
Tout d'abord, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les députés, qui sont de retour après une semaine passée dans leur circonscription. Nous avons fait le plein d'énergie et sommes maintenant prêts à poursuivre notre étude du projet de loi C-2.
Bienvenue également à tous les témoins qui sont ici ce matin. Nous vous sommes vraiment reconnaissants de votre contribution. Je sais que vous avez été avertis avec un court préavis, alors nous vous remercions d'avoir pu vous libérer pour nous faire part de vos points de vue sur le projet de loi. Nous apprendrons sûrement bien des choses ce matin.
Je sais que nous ne nous sommes absentés qu'une semaine, mais permettez-moi de faire quelques petits rappels au sujet de notre emploi du temps. Chaque groupe a dix minutes pour présenter son exposé, peu importe que cela se fasse individuellement ou à plusieurs. Il vous incombe de répartir votre temps de parole. Si vous le partagez avec un collègue, c'est votre choix. Je vous demanderais simplement de bien vouloir être attentifs, puisque j'essaierai de vous avertir lorsqu'il ne vous restera qu'environ une minute pour que vous vous prépariez à conclure.
Pour ce qui est des questions, le Parti libéral entamera le premier tour; chaque parti aura sept minutes de temps de parole. Pour les tours suivants, les questions et réponses devront se limiter à cinq minutes.
Encore une fois, je vous demanderais de me surveiller du coin de l'oeil. Ainsi, nous pourrons traiter le plus de questions possible tout en respectant l'horaire.
Sur ce, je demanderais au Conseil canadien des avocats de la défense, représenté par MM. Rady et Roitenberg, de bien vouloir commencer.
Bonjour à tous. Je suis accompagné d'Evan Roitenberg et nous représentons le Conseil canadien des avocats de la défense. Je tiens à vous remercier tous de nous avoir invités à témoigner ce matin. Je vais faire quelques observations préliminaires, puis laisser M. Roitenberg continuer.
Pour ceux qui ne connaissent pas notre organisation, sachez qu'elle regroupe 17 avocats de la défense de partout au Canada, y compris les territoires. Les associations du droit pénal de toutes les provinces sont représentées au sein du Conseil. Nous nous penchons sur les questions d'intérêt national qui touchent l'ensemble des avocats de la défense. Nous sommes actifs depuis 1992 et, au fil des ans, nous avons comparu devant ce comité et d'autres.
Le projet de loi C-2 regroupe cinq mesures législatives présentées au cours de la session précédente au sujet desquelles nous avons déjà témoigné: Mark Brayford, de la Saskatchewan, sur le projet de loi ; Bill Trudell sur le projet de loi ; M. Trudell et moi-même sur le projet de loi ; et M. Roitenberg devait se pencher sur le projet de loi avant que le Parlement ne soit dissous.
Nous considérons que le système actuel régissant les délinquants dangereux, prévu dans le Code criminel, fonctionne bien et n'a pas besoin d'être modifié. Nous jugeons le projet de loi C-2 préoccupant. Si la société veut faire emprisonner quelqu'un pour le restant de ses jours, elle doit absolument prouver que c'est la seule solution qui s'impose. En d'autres termes, on parle ici des dispositions du projet de loi C-2 concernant le renversement du fardeau de la preuve pour les délinquants dangereux.
Nous sommes d'avis que ce nouvel article donne un faux sentiment de sécurité et n'apporte rien au système actuel, lequel est déjà très rigide parce que la déclaration de délinquant dangereux entraîne les peines les plus sévères prévues par nos lois. Nous nous inquiétons également du fait que le fardeau soit ainsi placé sur la défense et l'accusé. On ne semble pas avoir envisagé les conséquences de cette décision sur les régimes d'aide juridique au pays. De toute évidence, si un condamné doit essayer de démontrer qu'il ne devrait pas être déclaré dangereux, il aura besoin de ressources considérables qu'il puisera dans les régimes d'aide juridique. L'ennui, c'est qu'on manque de fonds pour cela.
Ce qui nous préoccupe également, c'est que les Autochtones représenteraient — du moins c'était le cas il y a quelques années — 21 p. 100 de tous les délinquants déclarés dangereux, ce qui donne une fausse image de la population autochtone en général. Cette situation pourrait être une des conséquences des coûts élevés associés à la défense d'un dossier de délinquant dangereux. Nous avons constaté qu'il fallait environ 600 heures-personnes à la Couronne pour monter un dossier de ce genre. Si ce fardeau est transféré à l'accusé, de plus en plus de délinquants seront considérés dangereux, simplement parce qu'ils n'ont pas les ressources nécessaires pour s'acquitter du fardeau de la preuve inversée.
Monsieur Roitenberg.
Je constate quelques lacunes flagrantes dans le projet de loi qui inquiètent notre organisation. Comme l'a mentionné M. Rady, il y a la question des ressources, mais également celle de la constitutionnalité du renversement du fardeau de la preuve.
L'un des problèmes du renversement du fardeau de la preuve, c'est que le fardeau n'est pas tout simplement placé sur l'accusé parce qu'il a accumulé trois infractions de prédicat. On relève les exigences auxquelles devra faire face l'accusé. Actuellement, en vertu du Code criminel du Canada, toutes les circonstances aggravantes pouvant influer sur la détermination de la peine doivent être démontrées hors de tout doute raisonnable par la Couronne. Avec ce projet de loi, le fardeau est transféré à l'inculpé. Toutefois, on ne lui dit pas seulement : « Comme vous avez été reconnu coupable de trois infractions de prédicat, on tient pour acquis que la Couronne s'est acquittée de son fardeau. » Ce n'est pas tout. On ne dit pas à l'accusé: « C'est maintenant à votre tour, si vous le désirez, d'essayer de soulever un doute raisonnable quant à votre dangerosité. » Ce qu'on dit maintenant à cette personne condamnée, c'est qu'elle doit non seulement formuler un doute raisonnable, mais également prouver, selon la prépondérance des probabilités, qu'elle n'est pas dangereuse. Dans bien des cas, ce sera tout simplement impossible. Théoriquement, prouver une proposition négative est extrêmement difficile, mais dans une situation semblable, lorsque d'un côté, on sape les ressources et que de l'autre, comme M. Rady y a fait allusion, on rend la défense et les régimes d'aide juridique responsables de trouver les moyens nécessaires, on rend la chose presque impossible.
Nous sommes également contrariés de voir qu'on ratisse beaucoup trop large. Si on prend par exemple les infractions primaires, certaines de celles qui viennent à l'esprit — voies de fait causant des lésions corporelles, agression armée et vol qualifié — ont une définition très large. Elles englobent évidemment des infractions très graves commises par des gens très dangereux, mais également des infractions qui ne sont pas vraiment majeures au regard de leur fondement factuel. Dans la pratique, les peines, au Canada, ne vont pas en diminuant. Donc, si un individu doit purger une peine de deux ans pour voies de fait ayant causé des lésions corporelles ou pour vol qualifié, la prochaine fois qu'il comparaîtra devant la cour pour une infraction semblable, il ne se verra pas infliger une peine moins sévère, mais plutôt une peine comparable ou plus lourde. Même si les faits ayant entraîné la deuxième peine ne sont pas plus inquiétants, l'individu encourra une peine équivalente ou plus sévère. Il sera donc pris dans un engrenage et se dirigera vers le nombre fatidique des trois infractions de prédicat. Cette situation nous préoccupe.
La présomption de délinquant dangereux, prévue au paragraphe 753(1.1) proposé, nous inquiète également. Ce paragraphe stipule que la cour doit déclarer un délinquant dangereux et lui imposer la peine maximale — d'une durée indéterminée —, à moins que l'accusé puisse démontrer pourquoi et comment une peine moins lourde pourrait suffire. Le paragraphe ne prescrit aucune règle et n'indique pas non plus qui devrait s'acquitter du fardeau de la preuve. Le délinquant a été déclaré dangereux, comme le montre le remplacement dans le projet de loi C-2 de « peut » — qui est facultatif — par « doit », mais rien n'indique à qui il incombe de fixer une peine appropriée une fois la déclaration faite, ni sur quelles bases. Non seulement a-t-on placé le fardeau sur l'accusé dès le début, mais en plus, la deuxième étape du processus manque de clarté et de précision.
Nous trouvons encore plus préoccupante la question entourant le droit de garder le silence, qui, je sais, a déjà été abordée dans ce comité. Certains vous ont cité l'exemple de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario R. c. Grayer, qui montre que, si une personne faisant l'objet d'une demande de déclaration de délinquant dangereux peut s'accrocher à son droit de garder le silence, elle le fait à ses risques et périls.
Tout cela est bien beau quand on dit à la Couronne de prouver qu'un délinquant est dangereux, mais lorsqu'on place le fardeau sur l'accusé, on l'oblige à renoncer à son droit de garder le silence s'il veut, de quelque façon que ce soit, aider le juge à déterminer la peine appropriée. C'est un autre problème.
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Merci beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant votre comité.
Comme vous me l'avez demandé, je me concentrerai sur la disposition du projet de loi qui porte sur les délinquants dangereux. Mes remarques s'inscriront toutefois dans le contexte plus général de mes objections face au projet de loi dans son ensemble.
Je suis criminologue, et au cours des 35 dernières années, j'ai effectué des recherches sur différents aspects du système juridique, plus particulièrement, dans le contexte qui nous intéresse, sur la détermination de la peine, les politiques d'emprisonnement et l'attitude du public face au système de justice pénale. Mes recherches actuelles portent sur le processus de détention avant procès, ici même, en Ontario.
Cependant, j'aimerais commencer par vous expliquer comment je m'y suis pris pour analyser les divers aspects du projet de loi C-2. Mon point de départ n'est pas différent du vôtre, j'imagine. J'aimerais voir adopter les politiques qui nous permettraient de lutter efficacement contre la criminalité, surtout les crimes violents. Pour l'instant, le taux de crimes violents est relativement stable, ce qui me fait dire qu'il s'agit du moment idéal pour mettre en oeuvre des stratégies rationnelles et efficaces pour punir les criminels.
Le deuxième principe général qui a guidé ma réflexion sur certains des aspects de ce projet de loi est le fait que les peines devraient être proportionnelles à la gravité de l'infraction et au degré de responsabilité du délinquant. La plupart des études que j'ai consultées au sujet de l'attitude du public face à la détermination de la peine montrent que mon point de vue est largement répandu. Je ne crois pas que beaucoup d'entre vous s'inscrivent en faux contre les peines proportionnelles.
C'est sur ces deux principes — lutter efficacement contre la violence dans notre société et infliger des peines proportionnelles à la gravité des crimes — que j'ai basé mon analyse du projet de loi C-2. Dans une large mesure, ce projet de loi ne s'attaque pas efficacement à la criminalité et ne fait pas en sorte que les peine soient proportionnelles aux dommages causés.
Le titre du projet de loi, Loi sur la lutte contre les crimes violents, constitue une prise de position et une promesse. Le ministre justifie cette mesure législative par le désir de sévir contre les criminels et de rendre nos collectivités plus sûres. De la même manière, le préambule du projet de loi prévoit d'« édicter des lois exhaustives pour lutter contre les crimes violents et protéger les Canadiens ». Bien qu'on y laisse entendre que les « lois devraient faire en sorte que les délinquants violents soient détenus en prison », il convient de noter qu'il n'est pas fait mention de peines justes et proportionnelles aux dommages causés.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples des dispositions de ce projet de loi qui font très peu pour prévenir les crimes violents. Les peines minimales obligatoires pour les infractions mettant en jeu des armes à feu ont été discutées en long et en large. Je n'y reviendrai pas. Toutefois, la peine minimale obligatoire la plus absurde prévue par ce projet de loi est probablement celle relative à une troisième infraction de conduite avec capacités affaiblies, qui passe de 90 jours à 120 jours. Non seulement cette disposition ajoute une incohérence, quoique mineure, au système de détermination de la peine du Code criminel, mais en plus, elle ne réduit en rien la probabilité de la conduite en état d'ébriété. L'idée que des gens seront dissuadés par une peine de 120 jours mais pas par une peine de 90 jours est très discutable. Plus important encore, tant et aussi longtemps que vous — le Parlement du Canada — proposerez des solutions inefficaces, la motivation pour mettre en oeuvre des mesures efficaces sera insuffisante.
En outre, le projet de loi renverse le fardeau de la preuve dans les demandes de liberté sous caution pour certaines infractions mettant en jeu une arme à feu, ce qui implique que, dans ces cas, la Couronne est soit inefficace, soit dépourvue de motivation. Cette proposition ne tient pas compte du fait que les taux de crimes violents sont stables ou en décroissance, et que le nombre de détenus en attente de procès dans les institutions provinciales est égal — et dans certaines provinces, comme l'Ontario, considérablement supérieur — au nombre de détenus purgeant une peine. Je n'ai trouvé aucune preuve manifeste qui me porterait à croire que ces aspects de nos lois doivent être changés.
Si ces dispositions sont tout simplement inefficaces, où est le problème? Laissez-moi vous rappeler mon point de départ. En ce moment, le taux de crimes violents est relativement stable. En préconisant des dispositions comme celles prévues par le projet de loi, le gouvernement du Canada empêche l'adoption de mesures qui réduiraient efficacement le nombre de crimes violents au pays.
Les projets de loi comme celui qui est à l'étude laissent entendre que la solution aux crimes graves commis au Canada réside dans de légers réaménagements du droit criminel. En fait, le message transmis, c'est qu'ils règlent le problème des crimes violents. En réalité, je ne relève presque rien, dans le projet de loi à l'étude, qui a un impact sur les crimes commis avec violence. Donc, non seulement vous laissez-vous distraire de changements qui auraient des impacts favorables à long terme sur notre société, mais vous adoptez également des mesures qui absorberont des ressources mieux utilisées si elles étaient consacrées à des mesures qui s'appliquaient au problème de la criminalité.
Ensuite, tel que je l'ai déjà mentionné, vous êtes en train, au mieux, d'ignorer le principe de la proportionnalité des sentences. Les changements proposés aux dispositions du Code criminel relatives aux délinquants dangereux peuvent donc être vues, dans ce contexte, comme étant des dispositions qui, par définition, nous éloignent de la détermination de la peine des délinquants en fonction des actes qu'ils ont commis, ce qui laisse croire aux Canadiens que le système de justice pénale est capable d'accomplir quelque chose dont il n'est pas particulièrement capable, soit de repérer ceux qui, à l'avenir, pourraient commettre des actes graves.
Je vais commencer par vous parler du problème de la prédiction, une caractéristique centrale du projet de loi à l'étude. La loi est conçue pour empêcher des personnes qui semblent être dangereuses pour la société de commettre des crimes pour des périodes plus longues que ne le justifient leurs infractions. La plupart de celles qui ont été désignées délinquants dangereux, selon le principe de la proportionnalité, auraient reçu des sentences très longues. Autrement dit, ce qu'on propose, c'est d'imposer des peines non pas pour ce que les délinquants ont fait, mais pour ce qu'ils pourraient faire plus tard. Les changements que vous envisagez pourraient être perçus comme étant une tentative en vue de désigner comme délinquant dangereux les pires détenus de nos pénitenciers en raison de crimes qu'ils pourraient commettre plus tard.
Arrêtons-nous à notre capacité de prédire les actes de délinquance futurs. Dans le cadre d'une étude des détenus des pénitenciers, on a divisé ceux qui étaient sur le point d'être libérés en cinq groupes, selon leur risque mesuré. Le pire de ces groupes, quelque 22 p. 100 des détenus, a été suivi pour une période de trois ans après la libération, et la moitié environ d'entre eux ne sont pas retournés dans une prison fédérale durant cette période. En d'autres termes, le meilleur modèle de prédiction que puisse concevoir le Service correctionnel du Canada, comme les dispositions relatives aux délinquants dangereux, aurait abouti à la mauvaise décision à l'égard de la plupart de ces pires délinquants.
Vous vous dites peut-être, et alors? Ils ont mal agi et, en vertu de la série de modifications proposée, il faudrait qu'ils commettent des actes répréhensibles trois fois avant d'être désignés délinquants dangereux. Ces dispositions posent un problème: elles laissent entendre que ce groupe de délinquants est la source d'une grande partie de la criminalité. Or, c'est faux. Les actes criminels commis avec violence sont malheureusement beaucoup plus largement répartis que ne le croit la plupart d'entre nous.
Quand on examine ces délinquants, on constate que les pires délinquants de notre système, ceux qui sont libérés d'office des pénitenciers, sont responsables de très peu d'actes criminels. Toutefois, en vous consacrant au problème de la violence au sein de notre société comme vous l'avez fait dans le projet de loi à l'étude, vous persistez à laisser entendre que ce genre de changements, ces changements relativement mineurs, auront un grand impact. Nous savons que ce n'est pas le cas, même si, malheureusement, on laisse entendre le contraire.
Revenons donc au projet de loi à l'étude. Il prévoit bien sûr qu'à l'égard de la personne qui a commis une infraction primaire pour laquelle il conviendrait de lui infliger une sentence de deux ans, le statut de délinquant dangereux peut être présumé à moins de preuve du contraire, selon la prépondérance des probabilités. On se trouve donc à prédire le comportement futur du délinquant, une prédiction que nous savons être fausse au départ. Cela signifie naturellement que la personne qui a déjà été condamnée deux fois pour voies de fait causant des lésions corporelles ou vol qualifié, comme on l'a laissé entendre, ce qui lui a attiré une sentence d'incarcération en grande partie en raison de ses nombreux antécédents d'infractions contre des biens, risque d'être présumée être un délinquant dangereux. Une troisième bagarre ou un petit vol dans le cadre duquel une personne est blessée le place comme étant un délinquant censément dangereux. Étant donné les crimes pour lesquels elle a été condamnée, nous lui disons maintenant qu'elle doit établir que la présomption est fausse.
Ma préoccupation est double. Tout d'abord, étant donné que le délinquant vient tout juste d'être jugé coupable d'une infraction grave avec violence, comment au juste pourra-t-il prouver au tribunal que, selon la prépondérance des probabilités, il n'est pas dangereux? Autrement dit, on fait là une présomption qu'il est impossible de réfuter. Bien sûr, le délinquant fait face à une sentence indéfinie qui sera réexaminée pour une première fois sept ans plus tard, une sentence qui pourrait presque certes, dans le cas que je viens de décrire, ne pas être proportionnelle au crime commis. De plus, à nouveau, elle laisse entendre que cela va nous protéger contre les personnes dangereuses.
En termes d'avantages découlant de la neutralisation, il faut se rappeler que les dispositions relatives aux délinquants dangereux ne nous protègent que dans la mesure où la personne qui aurait normalement reçu la sentence ordinaire est maintenant incarcérée pour plus longtemps. Toutefois, notre délinquant hypothétique sera détenu dans un pénitencier pour pas mal plus d'années. Est-ce le mieux que nous puissions faire pour réduire la violence au sein de notre collectivité?
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Comme l'a dit ma présidente, Me Joncas, mon propos va se concentrer plus particulièrement sur les dispositions relatives aux délinquants dangereux et sur l'éventuel impact des mesures proposées.
La seule jeune femme encore vivante qui a été désignée délinquante dangereuse était censée nous accompagner aujourd'hui. Elle s'appelle Lise Neve. Elle a été désignée délinquante dangereuse à l'âge de 21 ans. Elle a ensuite passé six années et demie en prison, jusqu'à ce que sa désignation comme délinquante dangereuse soit infirmée. Les juges qui ont infirmé cette décision ont déterminé qu'elle avait essentiellement été désignée délinquante dangereuse en fonction de ses paroles, de ses écrits et de sa pensée, plutôt que de ses actes.
À mon avis, si les dispositions à l'étude sont adoptées, plus de jeunes femmes feront face à la même situation. Je connais cette jeune Autochtone depuis qu'elle a 12 ans. Elle n'est pas ici aujourd'hui parce que sa famille lui a demandé de ne pas venir et de ne pas exposer à nouveau sur la place publique ce qui lui est arrivé depuis sa sortie de prison, il y a plus de huit ans et demi. Elle travaille actuellement comme conseillère auprès de jeunes. Elle fait de l'excellent travail. Certains d'entre vous, je le sais, ont entendu parler d'elle dans d'autres contextes. Toutefois, même lorsque ce qui est dit à son sujet est favorable, sa famille est harcelée et a dû déménager plusieurs fois à cause de l'attention des médias, même si la jeune femme n'est plus désignée comme étant une délinquante dangereuse.
La première femme désignée délinquante dangereuse s'est suicidée dans la prison des femmes de Kingston. Depuis lors, d'autres ont été menacées d'une éventuelle désignation. Nous sommes intervenus dans ces cas, et nous continuerons de le faire. Une de ces jeunes femmes craintives, à laquelle on avait dit qu'elle serait probablement désignée délinquante dangereuse, est morte le 19 octobre dans la prison des femmes de l'établissement Grand Valley, dans la région de Kitchener-Waterloo. C'était une jeune femme qui, à l'âge de 19 ans, avait été transférée dans le système adulte, à nouveau en raison de beaucoup de ses propos, de ses menaces, de ses cris et, parfois, de ses actes — bien que notre examen de son dossier révèle que la plupart des actes qui pourraient être considérés comme étant violents se sont en réalité produits en milieu carcéral.
Nous sommes en train de documenter des exemples comme celui-là, des cas où les personnes détenues pour des infractions relativement mineures accumulent les accusations en raison des conditions de détention auxquelles elles sont soumises, du traitement qu'elles reçoivent dans ces milieux carcéraux.
Une autre jeune Autochtone condamnée, au départ, à trois ans d'emprisonnement fait maintenant face à plus de 25 ans de détention. Cette jeune femme a commencé à mal agir lorsqu'elle avait 15 ans, selon la famille. Elle a lancé à un employé des postes des pommettes, ce qui n'est évidemment jamais agréable à recevoir, mais ce n'est tout de même pas un acte pour lequel la famille s'attendait de recevoir le cadavre de leur fille dans un sac six ans plus tard.
Lorsque j'ai pour la première fois rencontré cette jeune femme, voici de quoi elle avait l'air. Je l'ai aperçue à travers la fente pratiquée dans la porte d'une cellule d'isolement pour passer les repas. Lorsque j'ai tenté pour la première fois de la rencontrer, je n'ai pas pu. On m'a refusé l'accès, tout comme les autres avocats qui ont essayé de la rencontrer. Nous savons maintenant que la raison, en partie, pour laquelle on nous a refusé l'accès semble être qu'elle avait été victime d'une agression. C'était avant son arrivée à la prison où elle a fini par mourir.
J'encourage votre comité à vraiment examiner les violations pour lesquelles la Commission canadienne des droits de la personne et le Comité des droits de l'homme des Nations Unies ont blâmé le Canada, des violations dont nous avons tenté de parler avec l'actuel ministre de la Sécurité publique, qui ne nous a pas rencontrés, et dont nous avons essayé de parler à tous les niveaux supérieurs du gouvernement et, comme vous vous en doutez, au Service correctionnel du Canada. Nous avons demandé que les violations des droits de la personne et de la Charte que nous avons citées fassent l'objet d'une enquête. Si ce fût le cas, nous ignorons tout des résultats de ces enquêtes, même si nous les avons demandés. Avant de mourir, Mme Ashley Smith nous avait demandé de demander à les obtenir. Avant son décès, dans le dernier communiqué que nous avons reçu d'elle, elle n'avait même pas droit à un crayon pour signer la demande de communication de renseignements. Il a fallu que nous obtenions d'une agente de correction qu'elle vérifie qu'elle souhaitait que nous examinions ces renseignements.
Je vous exhorte vivement à examiner les conditions de détention dont a fait l'objet cette jeune femme, qui n'avait absolument rien dans sa cellule sauf un vêtement de sécurité. Pas de matelas, pas de couverture, rien d'autre dans sa cellule d'isolement. Vous savez que quatre agents, peut-être plus, seront accusés de mauvais traitements à son égard pendant qu'elle était détenue.
Nous avons exhorté le comité dans le passé — non pas celui que vous présidez, monsieur le président, et je ne souhaite pas laisser entendre que c'est à vous que nous nous étions adressés — à respecter son mandat, c'est-à-dire de faire en sorte que les droits de la personne sont protégés au Canada. Nous prions instamment votre comité, avant de passer à l'étude article par article du projet de loi, de se rendre dans les prisons et d'observer par lui-même les conditions de détention des personnes qui sont ainsi désignées. Je vous accompagnerai pour vous faire voir les conditions de détention dans les prisons de femmes. Selon moi, vous avez l'obligation, en tant que parlementaires et législateurs, de voir par vous-même les résultats de ce que vous envisagez de faire. Je vous encourage à nous accompagner pour constater sur place les conditions de détention. Je vous encourage à exercer votre droit de parlementaire pour y obtenir accès et de chercher également à obtenir l'accès aux prisons des hommes. Voilà un bout de temps déjà que je ne travaille plus dans les prisons des hommes, mais il faudrait selon moi que vous examiniez les problèmes exposés par l'Enquêteur correctionnel, la dernière fois concernant les décès survenus en cours de détention décrits dans son rapport annuel, qui expose plusieurs problèmes qui devraient vous préoccuper vivement.
Nous estimons que les régimes dans le cadre desquels les femmes purgent leur peine actuellement, en vertu de ce qu'on appelle un protocole de gestion, sont contraires à la loi. Je vous encourage à vous pencher sur cette question. Je vous encourage à voir par vous-même comment on se sent devant un groupe de yeux désincarnés chaque fois qu'on va à la prison, puis comment on se sent quand on voit des gens se faire refuser l'accès à leur avocat, se faire refuser le droit de nous rencontrer. Or, la loi nous confère le mandat d'y aller et d'offrir à ces personnes la possibilité de faire respecter leurs besoins.
Je vous encourage, en fait, j'exhorte votre comité de toute urgence à examiner les conditions de détention de ceux qui feront certes l'objet des dispositions relatives aux délinquants dangereux et probablement de certaines autres, si jamais le projet de loi à l'étude venait à être adopté.
Je vous remercie.
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Je tiens à remercier le comité, au nom de l'Association québécoise des avocats et avocates de la défense ainsi qu'en mon propre nom, de nous donner l'occasion de donner notre point de vue sur certains passages du projet de loi .
Notre association adhère à la suprématie de la Constitution, à la règle de droit, à la séparation des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire. Elle adhère au système judiciaire qui repose sur la présomption d'innocence et impose à l'État d'établir la culpabilité d'un accusé hors de tout doute raisonnable à l'issue d'un procès juste et équitable, devant un juge indépendant et impartial, bien au fait du droit et de la réalité de sa communauté.
Nous n'avons pas beaucoup de temps aujourd'hui pour couvrir tous les changements importants que le projet de loi apporterait et sur lesquels nous voudrions émettre des commentaires. Nous avons donc préparé un bref document qui souligne certaines réserves que nous avons. Ce document va être distribué en temps opportun.
Je fais référence aux amendements relatifs aux peines minimales d'emprisonnement obligatoire. De façon brève, nous pouvons vous suggérer d'amender le Code criminel de façon à indiquer des facteurs aggravants relatifs à la détermination de la peine, et non des sentences minimales obligatoires.
Pour ce qui est des amendements relatifs à l'âge du consentement à une activité sexuelle, il apparaît contradictoire que, d'une part, la Loi sur les jeunes contrevenants fasse en sorte que dès l'âge de 14 ans toute personne doive répondre de ses actes devant les tribunaux et que, d'autre part, cette même personne ne soit pas en mesure de consentir à une relation sexuelle non exploitante.
Aujourd'hui, je voudrais vous parler un peu plus des amendements relatifs à la conduite avec facultés affaiblies par l'alcool et les drogues. Le projet de loi apporterait d'importants changements dans ce domaine. L'article 254 actuel du Code criminel permet aux policiers qui ont des motifs raisonnables et probables de croire qu'une personne a commis une infraction d'ordonner à cette personne de fournir des échantillons d'haleine dans un appareil approuvé. Par la suite, la Couronne va bénéficier, en vertu de l'article 258, de certaines présomptions légales pour faciliter la tâche du poursuivant. Il est obligatoire pour une personne arrêtée en vertu de l'article 254 d'obtempérer et de fournir les échantillons d'haleine nécessaires si les échantillons sont intégrés dans un appareil approuvé.
C'est le Comité des analyses d'alcool qui suggère au Parlement les appareils approuvés. Ce même comité — et je vais vous fournir la documentation en temps et lieu — effectue des tests exhaustifs avant de recommander au Parlement qu'un appareil soit adopté. Suite à ces tests rigoureux et à la suggestion du comité, le Parlement va adopter un appareil. Ce même comité fait des recommandations aux services de police et aux provinces, qui ont la responsabilité de l'entretien des appareils ainsi que de tout le programme entourant les alcootests, soit l'entraînement et les cours donnés aux techniciens qualifiés, etc.
Au Canada, trois catégories de laboratoires ont la responsabilité de conseiller les provinces et les services de police en matière de sciences judiciaires. Il s'agit des laboratoires de la GRC, qui couvrent huit provinces, le laboratoire de l'Ontario et le laboratoire judiciaire du Québec. Il est important de savoir, concernant les programmes, qu'il n'y a pas d'uniformité d'un bout à l'autre du Canada. L'entretien de ces appareils demeure la responsabilité des services de police.
Nous avons récemment découvert dans un dossier qu'il n'existait aucun programme d'entretien pour les appareils Intoxilyzer 5000C, utilisés par la police de Montréal. Ces appareils ont été achetés en 1996; ils sont réparés en cas de bris, mais leur rendement n'est pas vérifié s'ils ne sont pas brisés.
Cela va à l'encontre des recommandations du Comité des analyses d’alcool qui conseille le Parlement. Donc, la Police de Montréal ne suit pas les recommandations du Comité des analyses d’alcool ni celles du manufacturier de l'appareil, pour leur entretien.
En ce qui a trait aux aspects juridiques et techniques, M. Jean Charbonneau vous donnera des éclaircissements supplémentaires après mon intervention. Sur le plan juridique, à Montréal — la cause n'est pas terminée —, on a certaines réserves quant au respect de la justice naturelle lors de l'utilisation de ces appareils.
Si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, la situation sera encore pire, parce qu'on nous enlève la possibilité de présenter une preuve contraire, telle qu'elle existe aujourd'hui. La Cour suprême du Canada nous indique que, vu la possibilité de présenter une preuve contraire comme elle existe aujourd'hui, les présomptions au Code criminel sont raisonnables.
Notre position est que si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle, il ne sera plus possible de présenter de preuve contraire, et les présomptions seront presque irréfutables. Il est presque impossible, pour un individu faisant l'objet d'une accusation, de prouver que l'appareil ne fonctionnait pas convenablement la journée où il a fourni des échantillons. On se retrouvera donc dans une situation où des milliers de personnes fourniront des échantillons, parce qu'elles n'auront pas d'autre choix, et il y aura une présomption de culpabilité, mais la possibilité pour elles de présenter une preuve contraire sera presque nulle, si le projet de loi est adopté dans sa forme actuelle.
Il est possible que nous puissions présenter une preuve démontrant que l'appareil n'est pas fiable, qu'il y a peut-être eu des erreurs le jour où notre client a fourni des échantillons, mais l'arrêt Boucher de 2005 de la Cour suprême du Canada vient définir ce qu'est une preuve contraire. Or, cela n'inclut pas une preuve spéculative. Nous pouvons démontrer aujourd'hui que l'appareil n'était pas fiable, donc, qu'on ne devrait pas se fier aux résultats. Comme ce n'est pas une preuve contraire suffisante, on ne pourrait pas présenter cela, surtout après l'adoption du projet de loi .
De plus, la situation actuelle concernant...
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D'abord, merci de nous entendre aujourd'hui. Excusez notre retard. Malheureusement, on nous a dirigés vers un autre édifice; c'est ce qui explique notre retard.
Évidemment, je ne suis pas avocat, je suis un expert. Tous les jours, j'ai à témoigner dans des causes de facultés affaiblies. Je suis donc assez sensibilisé au projet de loi .
La problématique que je vois en ce qui concerne ce projet de loi est qu'il faut d'abord comprendre que lorsqu'on a commencé à utiliser des alcootests, à la fin des années 1960, c'était un compromis. Évidemment, l'alcootest ne représente pas l'alcoolémie directe. C'est une mesure qui détermine statistiquement une valeur viable de l'éthanol sanguin.
Il y a plusieurs problèmes reliés à l'utilisation d'un alcootest. Même présentement, avec le régime de lois que nous avons, il y a des gens qui, à des taux proches de la limite légale, par exemple, ne sont pas coupables et qui, parce qu'ils ne correspondent pas physiologiquement au calibrage de la machine, seraient carrément condamnés s'ils ne présentaient pas de preuve contraire.
Déjà, de façon générale, les avocats de la défense et les experts se battent pour que les corps policiers aient des mesures de contrôle préventives, parce qu'on établit l'alcoolémie à partir d'une mesure indirecte, ce qui crée déjà certains préjudices auprès de la population. Non seulement on se bat pour cela, mais vous remarquerez que dans le Code criminel, il n'y a aucune mesure obligatoire, alors que c'est un crime de conduire avec plus de 80 mg d’alcool dans le sang, pour forcer les corps policiers à faire un minimum d'entretien et à vérifier la fiabilité et la performance des appareils. Le Comité des analyses d’alcool et la Société canadienne des sciences judiciaires ont fait des recommandations, mais on s'est rendu compte que dans plusieurs cas — et on l'a vécu récemment avec le corps policier de Montréal —, ces gens en faisaient fi.
Si on adopte un projet de loi tel que le , alors qu'il n'y a aucune obligation et que rien n'est prévu pour obliger les corps policiers à avoir des normes de vérification parce qu'on donne justement du mordant à cette loi, imaginez-vous qu'il sera à peu près impossible de la combattre. À mon avis, d'un point de vue scientifique, il sera à toutes fins pratiques impossible, pour les gens qui se feront arrêter et qui échoueront un alcootest, de démontrer que la machine n'a pas fonctionné. À la limite, on peut démontrer que la fiabilité est entachée, mais c'est à peu près impossible. Il faudrait faire une prise de sang en même temps qu'on prend un échantillon d'haleine. Je pense qu'il est très important de le comprendre parce qu'ici, on ne parle pas de mesure directe. On ne fait pas une prise de sang directement, c'est une méthode d'évaluation.
Je terminerai là-dessus, parce qu'on me fait signe que le temps est limité. Lorsqu'on avait adopté les alcootests, on avait même prévu au Code criminel d'avoir un échantillon qu'on pouvait conserver, comme on le fait pour le sang, et ce, afin que l'accusé puisse, objectivement, avoir une preuve contraire. Or, cela n'a jamais été mis en application et ce n'est pas davantage prévu dans le projet de loi .
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Merci, monsieur le président.
J'ai quatre ou cinq questions. Je vais commencer par le Conseil canadien des avocats de la défense.
J'aimerais que vous nous parliez un peu de la liste des infractions. Vous nous avez dit qu'on ratissait trop large. J'aimerais qu'en prévision d'éventuels amendements dans le cadre de l'étude article par article, vous nous disiez concrètement, au moyen d'exemples précis, si nous devrions retirer certaines infractions. Comment devrait-on recomposer la liste?
Par ailleurs, vous nous avez dit qu'à l'article 53, la question du fardeau de la preuve n'était pas claire. La Couronne doit se prononcer sur la dangerosité du délinquant; par contre, lorsque vient le temps de déterminer la peine, on ne saisit pas clairement à qui incombe le fardeau de la preuve. J'aimerais que vous nous en reparliez, de façon à ce que, si nous présentons des amendements dans le cadre de l'étude article par article, nous comprenions clairement cette question.
J'ai été très intrigué par la jurisprudence que vous avez citée. J'aimerais que vous nous donniez la référence, de sorte que nous puissions en faire la lecture. On parle de la possible incompatibilité entre l'obligation pour la personne de se défendre afin de prouver son innocence dans le cas où il y a une déclaration de désignation, d'une part, et un arrêt rendu devant nos cours concernant le droit de garder le silence, d'autre part.
Ce sont les trois questions que je vous adresse. J'en aurai deux autres qui seront destinées au témoin expert, M. Charbonneau.
Tout d'abord, en ce qui concerne les infractions, si vous examinez les principales infractions désignées, je ne crois pas qu'il s'agisse forcément de retrancher celles qui sont énumérées ici. Il s'agit plutôt d'examiner les aspects pratiques des infractions énumérées et de l'effet qu'elles pourraient avoir dans les limites des trois infractions qui entraînent l'inversion du fardeau. Nous pouvons tous nous entendre pour dire, selon moi, qu'il existe des voies de fait commises avec une arme, des voies de fait causant des lésions corporelles, des vols qualifiés ou des kidnappings qui sont assortis d'un niveau extrêmement élevé de danger, mais si vous examinez, de manière concrète, les voies de fait causant des lésions corporelles comme étant une infraction ou une agression armée, vous pouvez avoir des infractions au sens de ces articles qui ne sont pas aussi graves que d'autres et des coupables qui ne sont pas aussi dangereux que d'autres. Si vous retranchez de votre examen les faits à l'origine de l'infraction et allez simplement de la condamnation et de la sentence reçue à une présomption de danger, vous passez complètement à côté de la question. C'est pourquoi j'estime que le projet de loi ratisse trop large. Le problème, ce n'est pas tant le fait qu'il y a eu infraction que le fait que vous ignorez les faits à l'origine de la condamnation.
Vous avez mentionné le droit jurisprudentiel auquel j'ai fait allusion. Vous vous souviendrez que M. Douglas Hoover, un avocat du ministère de la Justice, où il travaille à l'élaboration de la politique, a témoigné devant votre comité le 31 octobre. Je crois qu'il répondait aux questions de M. Lee concernant le droit au silence et l'effet qu'il pourrait avoir ou ne pas avoir sur le milieu de la détermination de la peine. M. Hoover a répondu à la question relative à l'affaire Grayer de la Cour d'appel de l'Ontario. L'arrêt Grayer rendu, je crois, en 2003 portait sur la question de savoir si les dispositions relatives aux délinquants dangereux et l'obligation pour une personne de rencontrer le psychiatre d'État ou les autorités étatiques pour préparer le rapport et le besoin pour lui de témoigner à l'audience atteint son droit au silence. La Cour d'appel a disposé — et je paraphrase, bien sûr — que cela pourrait être une atteinte au droit au silence comme tel. La personne peut renoncer à ce droit ou l'invoquer, mais elle le fait à ses propres risques. Si elle ne souhaite pas fournir de preuve à l'audience, compte tenu de la preuve que l'État a réunie, alors tout est possible. Cet arrêt a été rendu, bien sûr, alors que l'État n'avait pas à prouver la dangerosité.
Ce que j'essaie de dire à votre comité, c'est que lorsque vous inversez le fardeau de la preuve, vous obligez en fait la personne condamnée à renoncer à son droit au silence, parce que si elle ne le fait pas, le prononcé de la sentence devra se faire en l'absence de toute preuve autre que la présomption qui existerait aux termes du paragraphe 753(1)(1.1).
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C'est en partie parce que nous sommes intervenus dans ces cas-là. De celles qui ont été désignées, cependant, le problème c'est que le contexte est souvent déterminé par ceux sur lesquels nous nous appuyons aussi pour déterminer quelles ressources sont disponibles pour répondre aux besoins de telle personne. Donc, quand les besoins d'une personne sont déterminés par le même système carcéral dans lequel elles ont accumulé la plupart des accusations, je pense qu'on doit se poser des questions évidentes sur la validité du renversement du fardeau dans ce contexte.
En ce qui concerne la situation dans les prisons, cependant, et la question que vous avez soulevée, notre expérience c'est que ceux qui sont perçus comme ayant les plus grands problèmes finissent dans les conditions les plus austères et, je dirais, aussi les plus brutales. C'est en partie pourquoi j'ai incité le comité à aller observer de lui-même ces situations.
La réalité, c'est que même les mieux intentionnés des membres de l'effectif correctionnel, qu'ils aient une courte ou une longue expérience, savent qu'en fait, il ne leur est pas vraiment possible de surveiller les détenus autrement qu'au moyen de caméras dans les cellules, en isolement, dans des situations qui sont parmi les plus inhumaines, les plus déshumanisantes. On pourrait soutenir que si ce qui nous préoccupe, c'est la sécurité publique, on ne leur ferait certainement pas subir ce genre de situation. Notre organisation ne demande pas plus de ressources dans ce contexte. De fait, il faudrait qu'il y ait plus de ressources dans la communauté, parce que le fait que les femmes, particulièrement celles qui souffrent de troubles mentaux, constituent le segment de la population, dans les prisons, qui augmente le plus rapidement, est indicateur du problème qu'on a quand on essaie d'injecter de l'argent dans le régime carcéral.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins d'être ici.
J'aimerais revenir sur deux ou trois choses que j'ai entendues. Personne n'a jamais dit que d'une certaine manière, le projet de loi C-2 serait une panacée et réglerait tous les maux du système de justice pénale. De fait, notre gouvernement reconnaît qu'il y a beaucoup de travail à faire dans ce système, et que la solution pour prévenir le crime — je pense que c'est le professeur Doob qui en a parlé — comportera plusieurs volets. J'aimerais bien cependant qu'on reconnaisse un peu... Nous avons reconnu qu'il faudra des ressources et qu'il faut un soutien pour les jeunes à risque. Nous avons reconnu la nécessité de ressources pour la prévention, y compris pour les services policiers. Mais nous reconnaissons aussi qu'il faut changer certaines choses dans le Code criminel.
À entendre les témoins, j'ai un peu l'impression que le Code criminel doit être absolument parfait tel qu'il l'est. C'est la conclusion que j'en tire — qu'il n'y a aucun besoin de changement. Je pense que les Canadiens, et même nous, qui sommes dans cette salle, dirions que le Code criminel, de temps à autre, doit être revu, modifié de manière à mieux protéger les Canadiens, ce qui est notre priorité fondamentale.
J'ai deux questions à poser. La première c'est qu'on a parlé à maintes reprises de proportionnalité en rapport avec ce qui, dans le projet de loi C-27 et maintenant dans le projet de loi C-2, est devenu les dispositions sur les délinquants dangereux.
Je pense qu'il règne une certaine confusion quand on mélange ce qui est proposé dans ce projet de loi et le contenu d'autres lois et qui a été appelé la règle des trois infractions primaires, qui fait que quelqu'un pourrait, pour une infraction relativement mineure, se faire infliger une peine obligatoire. À mon avis, la proportionnalité est tout à fait respectée dans ce projet de loi. Tout d'abord, il traite des infractions les plus graves, les infractions désignées qui sont décrites. Deuxièmement, il cible spécifiquement le comportement de récidive — ceux qui ont commis ces crimes à répétition. Troisièmement, toutes les mesures de protection qu'on pourrait attendre d'un système de justice moderne sont en place — du côté des procureurs de la Couronne autant que des avocats de la défense, la disponibilité d'un avocat de la défense, et des mesures de protection relativement à la latitude dont jouit la juge.
De nombreux procureurs généraux, dans la province, ont demandé des changements qui figurent dans ce projet de loi. Je me demande si un avocat criminel du Barreau veut commenter la différence entre ce qui est proposé ici et le système qui est en vigueur aux États-Unis.
Je vais laisser ceci ouvert, parce que je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps, mais j'ai entendu beaucoup parler des délinquants. Tous les témoins ici ont parlé des délinquants, mais personne n'a parlé des victimes. Je pense fondamentalement que les victimes on leur mot à dire sur ce qui se passe dans notre système judiciaire. Nous avons des victimes qui ont dit que notre système ne fait pas assez pour les protéger. Un moyen de protéger les gens, c'est que quand quelqu'un a affiché un comportement de récidive, et encore et encore a commis le pire, les pires actes que décrit notre Code criminel... Ils ne les ont pas seulement commis une fois, mais deux fois, ou même plus. C'est un comportement de récidive. La société nous le dit, et les Canadiens nous le disent que c'est une sanction proportionnelle que de vouloir limiter leurs droits pour protéger la société.
Si on regarde tout par le petit bout de la lunette, on manque la vue d'ensemble. La vue d'ensemble, c'est que nous voulons protéger les Canadiens qui veulent protéger leurs droits.
J'aimerais bien entendre les commentaires de quelqu'un, peut-être de la Société Elizabeth Fry, au sujet du point où on s'arrête sur les nouvelles victimes qu'il y a chaque jour dans notre système.
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Si vous permettez que je commence, nous avons ce Code criminel depuis bien longtemps. De toute évidence, il a besoin de modifications de temps à autre quand on y trouve des éléments problématiques.
La question à laquelle ne répond pas ce projet de loi, c'est que nous avons ce même Code criminel, et des dispositions sur les délinquants dangereux, depuis très longtemps, et nous ne contestons pas ce fait. Pourquoi, alors, nous faut-il ces dispositions maintenant? Qu'est-ce que le Code ne fait pas? Pourquoi la société a changé à tel point que, paraît-il, plus de crimes sont commis avec des armes à feu? C'est la question à laquelle il faut trouver une réponse. Ce n'est pas la faute du Code criminel, ou de la laxité du Code criminel, parce que ces articles du Code criminel ont toujours existé.
La dissuasion, c'est un autre débat, pour un autre temps. Si la dissuasion était efficace, les États-Unis n'auraient pas un pareil taux de meurtres, alors que le Texas applique la peine de mort. Je pense qu'il nous faut prendre garde d'en juger.
Vous avez aussi parlé de la situation des délinquants dangereux sous l'angle de la disponibilité de la défense. Je pense que ce serait un problème, ici. Nous ne disons pas que des repris de justice, des gens dangereux, ne devraient pas être incarcérés, peut-être indéfiniment. Ce n'est pas ce que nous disons, parce que nous sommes citoyens de la communauté aussi. Ce que nous disons, c'est que c'est l'État qui devrait assumer le fardeau de la preuve. C'est l'État qui doit prouver la culpabilité au-delà de tout doute raisonnable, la plupart du temps. Nous avons bien certaines situations de renversement du fardeau, mais si nous cherchons à enfermer quelqu'un indéfiniment, en tant que société, c'est la société qui devrait assumer ce fardeau. Ce peut être fait, et cela s'est fait, et nous avons effectivement des délinquants dangereux. Ce ne devrait pas seulement être fondé sur quelque formule mathématique selon laquelle, après la troisième inculpation sur plus de deux ans, on doit être déclaré dangereux à moins de faire la preuve du contraire.
Nous ne contestons pas tant de choses...
Dans le cadre de l'effort continu que nous faisons pour viser juste avec les enjeux liés à la Charte, je poserai une question à celui des témoins qui voudra bien y répondre brièvement.
Si le droit de garder le silence en tant que principe de justice fondamentale reconnu par nos lois est, de fait, un droit, et si ce droit a existé dans le cadre du droit pénal qui faisait que l'État a toujours dû prouver, généralement au-delà de tout doute raisonnable, ce qu'il avait à prouver, et si ce droit existe dans toute la procédure de justice pénale dès le moment de l'enquête, de l'accusation, en passant par le procès jusqu'au prononcé de la peine, alors est-ce que cette nouvelle présomption, à toute fin pratique, n'élimine pas ce droit de garder le silence? Parce que si on garde le silence, on est fini — on est un délinquant dangereux, d'après un juge qui se fonde sur un rapport d'évaluation à moins qu'un avocat de la Couronne en décide autrement, dans un esprit d'équité.
Ce que j'aimerais entendre d'un ou plusieurs témoins — seulement oui ou non — c'est si ce changement dans la présomption, à toute fin pratique, prive un accusé de son droit de garder le silence. Est-ce que nous ne nous buttons pas à un mur de briques, en tant que législateurs, si nous essayons de légiférer l'élimination de ce qui, jusqu'ici, a été réputé être un droit et présenté comme tel?
Ce comité, et d'autres comités de la justice, ont entendu de nombreux témoins sur les deux aspects du débat. Nous avons entendu les témoignages selon lesquels quand une personne est reconnue coupable, bien souvent, ce n'est pas sa première infraction. Quelqu'un a parlé d'une moyenne. Je ne peux pas garantir d'avoir les bons chiffres, mais le délinquant pourrait commettre 10 à 15 infractions avant d'être inculpé. Cela variait, naturellement, selon l'infraction, et je pourrais certainement le comprendre.
Dans ce contexte, nous avons une inculpation. Nous avons finalement obtenu une inculpation, de peine et de misère, grâce à la diligence de l'avocat de la défense qui fait son travail comme il le doit. Nous avons une inculpation pour un crime violent. Il s'agit ici de la Loi sur les crimes violents. Qui sait combien il y a eu de victimes, mais évidemment, il y en a eu au moins une. Nous faisons ce qu'il faut, et la personne purge la peine prévue en prison, et c'est notre système; nous agissons en toute légalité. Maintenant, voilà que la même chose se reproduit, la situation se répète. Une fois encore, qui sait combien il y a eu de victimes dans tout ce temps, mais nous avons une autre déclaration de culpabilité pour le même délit, ou un délit similaire. Maintenant nous nous retrouvons dans une situation où cette personne a purgé sa peine et est passée par tout notre système, et on espère qu'elle a été réhabilitée et qu'elle a reçu l'attention nécessaire pour être réhabilitée, mais elle refait surface et il semble qu'elle ait commis une autre infraction.
Quand elle est déclarée coupable, ne trouveriez-vous pas raisonnable...? Notre travail est de trouver un équilibre raisonnable. Si vous regardez ceci sous l'aspect humain, plutôt que de la perspective de l'avocat de la défense de cette affaire particulière, parce que, comme vous l'avez dit, nous sommes tous citoyens ici, n'est-il pas raisonnable de nous attendre, après toutes ces infractions, la douleur, les peines, les traumatismes, les victimes, à ce que le délinquant ait suffisamment le sens des responsabilités pour agir de manière responsable à son propre égard? N'est-il pas raisonnable de déterminer comment et pourquoi cette personne devrait être désignée comme telle après tant d'infractions? Est-ce que ce ne sont pas des mesures d'équilibre raisonnables?
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J'aimerais souligner qu'en effet, 20 p. 100 des délinquants dangereux sont des Autochtones. Il y a une très importante surreprésentation de ces personnes au sein de la population carcérale. Elles comptent pour 3 p. 100 de la population et, dans le cas des femmes, surtout dans l'Ouest, elles peuvent représenter plus de 50 p. 100 de la population carcérale. Je pense que ce problème préoccupe beaucoup l'ACSEF. Je crois que le Code criminel répond présentement aux besoins de la population et je tiens à réitérer ma confiance envers le système judiciaire canadien tel qu'il est maintenant. À mon avis, les procureurs de la poursuite, les juges et les procureurs de la défense font de l'excellent travail. À preuve: des gens provenant de diverses juridictions de l'extérieur du Canada viennent étudier notre façon de fonctionner. Selon moi, la population est très bien desservie.
M. Moore a parlé d'une sauvegarde et du droit de chacun d'être respecté dans le cadre du processus de détermination. Or, rien n'est prévu dans ce projet de loi pour que les gens vulnérables soient représentés par un avocat. On essaie d'adopter une approche voulant qu'il y ait un renversement du fardeau de la preuve, mais on ne prévoit nulle part que ces gens seront représentés.
Le Code criminel prévoit déjà que, dans le cas d'une personne inapte à subir son procès, le juge a l'obligation de nommer un avocat. Par contre, rien de ce qui est proposé assure la sauvegarde des accusés dans le cadre de ce genre de procédure. Je réitère le fait qu'un facteur aggravant, selon l'article 718.2 du Code criminel, doit être prouvé par la poursuite, hors de tout doute raisonnable. Ce qui nous est proposé va à l'encontre de ces principes. On a discuté de cette question, et je pense sérieusement qu'il y aura des contestations constitutionnelles si cette demande est adoptée telle que proposée.
Selon moi, cette mesure n'est pas utile. En effet, ce n'est certainement pas la poursuite qui réclame ce genre de chose. En ce moment, les demandes sont entendues. Comme vous l'avez mentionné, les individus déclarés délinquants dangereux ou à contrôler sont passablement nombreux. Non seulement je ne vois pas l'utilité de cette demande de modification au Code criminel, mais je la considère dangereuse, particulièrement pour les populations vulnérables comme les Autochtones, les femmes ou les personnes ne répondant pas nécessairement au critère d'inaptitude mais n'étant pas nécessairement les mieux outillées pour se battre au sein du système de justice.
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Je ne pense pas pouvoir parler aussi rapidement, monsieur le président.
Je veux souhaiter la bienvenue aux témoins. La discussion d'aujourd'hui est très intéressante.
Je crois qu'une partie de la difficulté réside dans le fait que nous sommes aux prises avec un système imparfait, et peu importe les changements que nous y apporterons, il ne sera jamais parfait. La perfection est impossible; il s'agit d'un objectif inaccessible, du moins en ce qui concerne le Code criminel et les tribunaux.
Cependant, nous sommes aussi confrontés à un accroissement de la violence et des crimes violents. Je crois que cette mesure législative vise à essayer de contrer cette tendance.
J'ai deux questions à poser. La première concerne la constitutionnalité. De toute évidence, en tant que parlementaires, nous ne voulons pas apporter des modifications au Code criminel qui feront l'objet d'une contestation en vertu de la Constitution et qui seront annulées. C'est une perte de temps pour tout le monde, très honnêtement.
Ma deuxième question, qui s'adresse à M. Charbonneau, concerne l'équipement utilisé pour mesurer l'état d'ivresse au volant, car cela pose des problèmes. Il devrait exister un programme d'entretien régulier visant à vérifier que tous les appareils fonctionnent bien et sont identiques. Ma question est la suivante: Dans les cas où la conduite avec facultés affaiblies a entraîné des décès, on peut avoir recours à une analyse sanguine pour déterminer le taux d'alcool dans le sang, alors quelle est la différence entre une analyse sanguine et l'alcootest?
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J'aimerais d'abord rendre ma décision.
Je vais faire valoir trois points pour justifier ma décision au sujet de la motion. Premièrement, je voudrais vous lire le paragraphe 113(5) du Règlement, qui concerne les comités législatifs:
Tout comité législatif est autorisé à faire étude et enquête sur les projets de loi qui lui sont renvoyés par la Chambre, à en faire rapport avec ou sans amendement, à élaborer un projet de loi conformément à l'article 68 et à en faire rapport et, sauf lorsque la Chambre en ordonne autrement, à convoquer à comparaître devant lui des fonctionnaires ou représentants des ministères ou organismes gouvernementaux ou des sociétés d'État ainsi que les autres personnes qu'il juge compétentes pour témoigner sur des questions techniques, à exiger la production de documents et dossiers, à se réunir pendant que la Chambre siège et pendant les périodes d'ajournement de la Chambre et à faire imprimer au jour le jour les documents et témoignages dont il ordonne l'impression.
Il y a trois éléments dans ce paragraphe, et le premier concerne la forme. À ce sujet, j'insiste sur le fait qu'il est écrit « à en faire rapport avec ou sans amendement, à élaborer un projet de loi conformément à l'article 68 et à en faire rapport ».
Le deuxième élément concerne le fait que le comité législatif est autorisé à faire rapport uniquement des projets loi qui lui sont renvoyés. Aucune division du projet de loi en plusieurs parties ou en mesures distinctes, comme le veut la motion, n'est prévue.
Troisièmement, contrairement au paragraphe 113(5), l'alinéa 108(1)a), qui concerne les comités permanents, prévoit que ceux-ci peuvent déposer des rapports à l'occasion sur divers sujets, ce qui leur donne ainsi davantage de latitude. Je peux certes lire cette disposition si vous me le demandez, mais je ne crois pas que ce soit nécessaire. Elle ne fait que souligner que les comités permanents ont davantage de latitude à cet égard.
En deuxième lieu, j'attire votre attention sur la première partie de la motion que nous avons reçue de la Chambre. Elle se lit comme suit:
Que, nonobstant tout article du Règlement ou usage habituel de la Chambre, le projet de loi C-2, Loi modifiant le Code criminel et d'autres lois en conséquence, soit abordé comme suit:
Ensuite, sont décrites nos responsabilités. Je parle très précisément d'une partie de la motion, qui se lit comme suit:
les délibérations au sujet du projet de loi en comité législatif soient conclues comme suit: dans le cas où elles ne sont pas encore terminées à minuit le jeudi 22 novembre 2007, les délibérations du comité législatif soient alors interrompues, s'il y a lieu, aux fins de cet ordre et, par la suite, toute question nécessaire pour disposer du projet de loi en comité soit mise aux voix immédiatement et successivement, sans plus ample débat; et à la conclusion de l'étude en comité, le président reçoive instruction de faire rapport du projet de loi à la Chambre le vendredi 23 novembre 2007.
La date à laquelle le comité doit faire rapport à la Chambre est clairement précisée. En effet, si nous n'avons pas terminé à minuit le jeudi 22 novembre, la présidence doit faire rapport à la Chambre du projet de loi sans amendement le vendredi 23 novembre. Je tiens à souligner que cette motion a été adoptée à l'unanimité par les quatre partis à la Chambre.
Enfin, le troisième point que je veux faire valoir avant de rendre ma décision au sujet de la motion de M. Comartin concerne la première phrase, c'est-à-dire « Que le comité adopte le rapport qui suit ». Étant donné que le comité ne peut faire rapport que du projet de loi, il est clair qu'un tel rapport est irrecevable, car comme les membres du comité le savent, les motions qui doivent être déposées à la Chambre sont présentées sous la forme de rapports. Comme je viens de le mentionner, notre comité est autorisé seulement à faire rapport du projet de loi avec ou sans amendement. La motion de la Chambre ne prévoyait pas un autre ordre de renvoi autorisant le comité à faire quoi que ce soit d'autre. Le comité peut seulement faire rapport du projet de loi avec ou sans amendement. D'après mon interprétation, si le comité veut obtenir une instruction de la part de la Chambre, il devrait — et il est libre de le faire — soulever cette question directement en Chambre plutôt que de déposer un rapport et d'en proposer l'adoption.
Je suis d'avis que la motion de M. Comartin va à l'encontre des instructions que nous avons reçues de la Chambre des communes. Pour les trois raisons que j'ai citées, je juge la motion irrecevable.
Monsieur Comartin.