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C'est certain, monsieur le président, que j'ai déjà fait connaître les principaux arguments en vertu desquels le Bloc québécois a déposé cette motion.
Maintenant, si jamais le gouvernement était réticent malgré l'amendement de Mme Jennings, qui me semble tout à fait raisonnable, serait-il envisageable de penser au moins à avoir une lettre signée par le ministre disant que les études ont bien été faites et que le projet de loi est constitutionnel?
J'aimerais mieux voir les études — et je n'imagine pas que le gouvernement ait pu manquer de professionnalisme au point de ne pas avoir fait faire des études —, mais j'aimerais qu'avant de commencer, nous ayons une information écrite quant à la constitutionnalité de ce projet de loi.
Je vous dis en toute honnêteté que si d'aventure le gouvernement ne prenait pas au sérieux notre requête, nous n'aurions d'autre choix que de déposer des motions d'ajournement des travaux tant et aussi longtemps que nous n'aurions pas d'information nous permettant de nous assurer de la constitutionnalité du projet de loi.
J'ai encore un baby face, mais je suis ici depuis 1993, et c'est la première fois que j'entends autant de témoins nous dire qu'un projet de loi est inconstitutionnel. Je n'ai jamais assisté à un comité où, sur une douzaine de témoins, neuf nous ont informé qu'il y avait une inconstitutionnalité potentielle très forte.
Je veux avoir quelque chose, que ce soit des études ou une lettre du ministre. Je fais confiance au ministre. Avant d'aller au Conseil des ministres, il est censé avoir signé un mémoire — c'est ainsi qu'on appelle ce geste — dans lequel il s'assure qu'il a pris les dispositions pour s'assurer de la compatibilité de la mesure.
Si on ne peut avoir accès aux études, il faut avoir une lettre qui sera déposée par le ministre. Ainsi, nous allons pouvoir dormir avec la quiétude de la justesse et du travail accompli. Mais si nous n'avons pas cela, nous n'aurons d'autre choix, mardi matin en commençant nos travaux, que de déposer des motions d'ajournement.
Alors, j'invite le ministre, le secrétaire parlementaire et M. Petit à prendre notre requête très au sérieux. Nous sommes des parlementaires professionnels et nous aimons notre travail et le comité, mais nous n'allons pas voter sans avoir un minimum de garanties.
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Merci, monsieur le président.
J'ai lu la motion dans sa version modifiée par l'amendement de . Mme Jennings et sont arrivés au Parlement avant moi et je ne leur apprends certainement rien quand je leur dis que les conseils que prodigue le ministère au ministre sont simplement des avis juridiques qui sont protégés par le secret professionnel. Faire ce que vous demandez dans cette motion serait sans précédent.
Pour répondre à l'inquiétude de M. Ménard relativement à la constitutionnalité du projet de loi, je dirai que le a témoigné devant notre comité. Je crois qu'on lui a demandé son avis sur la constitutionnalité de cette mesure législative et, auparavant, sur celle des projets de loi qui avaient été déposés à la dernière session et qui constituent maintenant le . Chaque fois qu'il dépose un projet de loi, le ministre doit attester de la constitutionnalité, à son avis, de la mesure législative, en fonction des avis qu'il a reçus. Et ces avis sont protégés par le secret professionnel. Le ministre n'est pas en mesure de nous communiquer les avis juridiques qu'il reçoit.
Nous avons entendu les témoignages de personnes qui nous ont donné leur avis — pas par écrit, je le reconnais — leur avis de juristes sur la question de savoir si ce projet de loi est constitutionnel ou non. Il n'en reste pas moins...
Nous pouvons appeler à témoigner des experts d'un domaine ou d'un autre qui voudront nous donner leur avis à ce sujet, mais les avis qui sont donnés au ministre — le sait pertinemment puisqu'elle a déjà été au gouvernement — tombent sous le coup du secret professionnel. C'est aux clients de renoncer à ce droit, ce qui ne se fera pas en l'occurrence.
Par conséquent, pour en finir avec cette question, je renvoie mes collègues au témoignage du dans lequel il a déclaré qu'il est de son devoir, à titre de ministre de la Justice, de certifier que les projets de loi qu'il dépose sont, à son avis, conformes à la Charte des droits.
Monsieur le président, ce n'est pas ce que je souhaite car notre témoin a déjà été obligé de patienter, mais nous pourrions, au besoin, demander aux fonctionnaires du ministère ici présents de nous parler de ce concept du secret professionnel, un concept de longue date, des motifs qui expliqueraient le refus du ministre de renoncer à ce droit en l'occurrence et du fait que ce n'est pas une pratique de la Chambre des communes ni de notre comité que de demander au ministre de le faire.
Je crois sur parole quand il nous dit ce qui l'a motivé à présenter cette motion, mais le nous a déjà dit que, à son avis, le projet de loi est conforme à la Constitution. Il en est venu à cette conclusion en se fondant sur les avis qu'on lui a donnés, avis qui sont protégés par le secret professionnel. Le ministre ne pourrait que vous le réitérer.
J'estime donc qu'il n'y a rien à ajouter, surtout que nous avons des témoins qui attendent de prendre la parole. Nous avons aussi des représentants du ministère de la Justice qui pourront répondre à nos questions sur le projet de loi mais dont le rôle n'est pas de donner des avis juridiques au comité.
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Monsieur le président, j'apprécie beaucoup les commentaires du . En effet, le privilège client-avocat pourrait être retiré par le client. Dans ce cas-ci, le ministre a décidé de ne pas le faire. Mais selon sa déclaration, M. Moore prétend que le ministre a déjà déclaré et affirmé, à la suite d'une question qui lui a été posée par un membre de ce comité, qu'il aurait reçu des opinions juridiques selon lesquelles le projet de loi C-2, plus particulièrement les dispositions du projet de loi C-2 qui se rapportent directement au système de délinquants dangereux, est conforme à notre Charte et à notre Constitution.
M. Ménard a posé une question à M. Moore, et ce dernier a évité de répondre. M. Ménard a demandé si le ministre était prêt à signer simplement une lettre adressée au président de ce comité affirmant par écrit que, effectivement, selon les avis juridiques qu'il a reçus — il ne serait pas tenu de divulguer ou de déposer les avis —, il certifie que le projet de loi C-2, et plus particulièrement les modifications qui se rapportent aux délinquants dangereux, est conforme à notre Charte et à notre Constitution.
Une réponse satisferait M. Ménard ainsi que mes collègues libéraux. Je n'ai pas eu l'occasion de vérifier la transcription de son témoignage devant ce comité, mais si le ministre a déjà fait une déclaration en ce sens, cela ne devrait lui causer aucune difficulté de le rendre par écrit. À ce moment-là, il n'est pas tenu de divulguer les opinions juridiques qu'il a reçues sous le sceau du privilège client-avocat. Toutefois, qu'il affirme par écrit qu'il certifie que le projet de loi C-2 est conforme à la Charte et à la Constitution, selon les avis juridiques qu'il a reçus.
Alors, j'aimerais que M. Moore réponde à cette question spécifiquement.
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Monsieur le président, je crois que nous assistons ici ce matin à une certaine forme d'hypocrisie. Je me rappelle très bien que lorsque les conservateurs étaient dans l'opposition, ils invoquaient le fait que nous étions des élus, des parlementaires, pour avoir droit à toute l'information avant de voter.
Qu'est-ce que nous réclamons? D'abord, le ministre n'est pas un client. Il est élu et responsable d'un ministère. Avant de voter un projet de loi, nous avons la responsabilité de nous assurer d'avoir toute l'information. Neuf témoins nous ont dit que le projet de loi n'était pas constitutionnel. Je considère faire mon travail de député quand je demande d'avoir l'information. Si le ministre est venu nous voir et qu'il l'a dit, qu'il le mette par écrit.
Pourquoi n'avons-nous pas confiance en la parole des députés? Mme Jennings a présenté un amendement disant que nous allons garder ces études pour nous. N'est-ce pas payé avec des fonds publics? Qu'est-ce que cela donne de voter une loi comme la loi C-2 sur la responsabilisation, sur l'accès à l'information, sur la transparence, si on n'est même pas capable de donner aux parlementaires toute l'information dont ils ont besoin? Est-ce déraisonnable, quand on est élu, de voter un projet de loi au sujet duquel neuf témoins ont dit qu'il n'était pas constitutionnel? Est-ce déraisonnable de demander si des vérifications ont été faites? Si le ministre l'a dit, ce n'est pas suffisant. Nous avons besoin de plus d'information.
Une voix: [Note de la rédaction: inaudible]
M. Réal Ménard: Je n'ai pas terminé. Calmez-vous! C'est moi qui ai la parole.
Monsieur le président, si nous n'avons pas d'information mardi matin, je dis au gouvernement que nous allons présenter des motions d'ajournement. C'est ce que nous allons faire. Nous avons le droit d'avoir de l'information. Si vous ne voulez pas nous en donner, nous allons présenter une motion pour prolonger nos travaux afin que le gouvernement invite des constitutionnalistes à venir nous rencontrer. Si nous n'avons pas l'information dont nous avons besoin, nous ne voterons pas le projet de loi.
Quand les conservateurs étaient dans l'opposition, il n'y avait jamais assez d'information disponible. Aujourd'hui, on veut nous faire voter alors qu'on sait que le projet de loi est potentiellement inconstitutionnel. Je vous ferai remarquer qu'hier, nous étions prêts à prolonger le débat pour voter et que ce sont les conservateurs qui se sont levés.
Alors, il y a une limite à travestir la démocratie, à être pharisiens et philistins. Cela ne donne rien de voter des projets de loi comme le si on n'est pas capable de donner de l'information aux parlementaires. Je regrette, on n'est pas dans un secret corporatif entre une pratique privée, un ministre et un cabinet. Je m'attends à ce que des fonctionnaires qui ont de l'information en droit constitutionnel, qui ont donné des avis au ministre, qui ne sont pas dans le secteur privé, qui sont payés à même les fonds public, nous donnent cette information.
Monsieur le président, je termine en affirmant que si mardi nous n'avons pas quelque chose par écrit nous garantissant de la constitutionnalité du projet de loi, nous allons déposer motion d'ajournement après motion d'ajournement.
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Monsieur Ménard, pour ce qui est de la procédure, je vous rappelle que nous sommes saisis de votre motion. Si elle est adoptée, la demande sera transmise au ministère.
Cela dit, tous ceux qui voulaient intervenir ont pu le faire et je mets maintenant la motion aux voix.
Nous voterons d'abord sur l'amendement de Mme Jennings voulant que la motion soit modifiée par l'adjonction, après les mots « soit invité à », de ce qui suit : « fournir, confidentiellement, sur une base de huis clos, lequel protège les avis au ministre », après le mot « disponibles », de ce qui suit : « qu'il a en sa possession » et après les mots « C-2 », de ce qui suit : « pour le vendredi 16 novembre 2007 à 15 heures ».
Le vote par appel nominal a été demandé.
(L'amendement est rejeté. [Voir le Procès-verbal])
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M. Keddy a le droit de vote. Il n'a pas pu voter sur l'amendement au premier tour parce qu'il n'avait pas remis à la greffière les documents sur le remplacement des membres du comité. Il l'avait toutefois fait avant que nous ne mettions aux voix la motion originale de M. Ménard. Il avait donc le droit de vote.
Monsieur Landreville, je vous souhaite la bienvenue devant ce comité qui, comme vous avez pu le voir, est plein d'énergie mais bien concentré. Certains diraient que nos membres sont opiniâtres dans la défense de leurs opinions, mais moi, je ne suis pas de cet avis.
Je vous signale brièvement que vous avez 10 minutes pour faire vos remarques liminaires. Il y aura ensuite une période de questions; pendant la première série de questions, chaque intervenant aura sept minutes. Chaque parti pourra vous interroger pendant sept minutes. Par la suite, chaque intervention sera de cinq minutes. Nous dépasserons peut-être un peu 10 heures, mais nous aimerions avoir de 35 à 40 minutes pour les questions.
Je vous remercie d'être venu avec un si court préavis. Notre comité a été constitué très rapidement et nous avons dû dresser notre liste de témoins en peu de temps. Nous vous savons donc gré d'être ici ce matin.
Vous avez la parole.
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Merci, monsieur le président. Je remercie les membres du comité de me permettre d'exprimer mon point de vue au sujet du projet de loi .
Je suis professeur émérite de l'École de criminologie de l'Université de Montréal et chercheur associé au Centre international de criminologie comparée, le CICC. J'ai enseigné la pénologie et les politiques pénales depuis 1970 et je fais des recherches dans ce domaine depuis plus de 40 ans.
Ma présentation va se limiter aux sections du projet de loi portant sur le projet de loi . J'aborderai successivement deux points : premièrement, les articles 40 à 51 concernant les délinquants dangereux et, deuxièmement, les articles 52 et 53 sur l'engagement de ne pas troubler l'ordre public.
Je commence par la question des délinquants dangereux. Cette section du projet de loi vise à créer une mesure pour neutraliser les multirécidivistes. Cette préoccupation n'est pas nouvelle. Déjà en 1908, en Angleterre, on adoptait le Prevention of Crime Act sur les délinquants habituels.
En 1947, le Canada adopta lui aussi une loi sur les délinquants d'habitude, qu'on appelait en français les repris de justice, inspirée fortement de la loi anglaise qui avait déjà été abrogée. Le délinquant reconnu repris de justice pouvait être détenu pour une période indéterminée. L'article du Code criminel stipulait que :
[…] un accusé est un repris de justice,
a) si, depuis qu’il a atteint l’âge de 18 ans, il a antérieurement, dans au moins trois occasions distinctes et indépendantes, été déclaré coupable d’un acte criminel pour lequel il était passible d’un emprisonnement de cinq ans ou plus et qu’il mène continûment une vie criminelle, […]
Les articles 40 à 51 du projet de loi s'apparentent aussi à une série de lois plus récentes, adoptées aux États-Unis au début des années 1990, appelées les « lois des three strikes ». La plus fameuse et la plus utilisée d'entres elles est la loi californienne adoptée en 1994. Cette loi est en réalité une loi de deux et trois strikes. Succinctement, elle prévoit que lors d'une deuxième condamnation pour crime, la peine sera le double de celle qui aurait été imposée pour cette infraction, et que pour une troisième condamnation pour crime, la peine sera de 25 ans à vie. Au 31 mars 2007, 41 503 délinquants étaient emprisonnés en Californie en vertu de cette loi. Plus de 90 p. 100 de toutes les personnes condamnées en vertu des « lois des three strikes » aux États-Unis, l'ont été en Californie.
Ces lois sur les délinquants d'habitude, repris de justice ou délinquants multirécidivistes ont été un échec pour cinq raisons : premièrement, elles ne permettent pas de distinguer ceux qui sont une réelle menace pour la société, parce qui'elle frappe un nombre considérable de délinquants non dangereux; deuxièmement, elles ne sont pas appliquées de façon uniforme, posant de sérieux problèmes d'équité; troisièmement, elles s'appliquent de façon discriminatoire contre des groupes minoritaires; quatrièmement, elles n'ont pas d'effet significatif sur la criminalité; et cinquièmement, elles peuvent augmenter de façon considérable la population carcérale, en particulier celle des détenus âgés.
Reprenons le premier point. Elles ne peuvent pas permettre de distinguer ceux qui sont une réelle menace pour la société puisqu'elles frappent un nombre considérable de délinquants non dangereux.
Au Canada, le Comité Ouimet de 1969 a étudié le dossier des 80 repris de justice condamnés à la détention préventive qui étaient incarcérés dans les pénitenciers en février 1968.
Le comité a tout d'abord constaté que :
L'âge moyen des 80 détenus au moment de leur condamnation à la détention préventive était de 40 ans.
Il conclut à ce sujet :
Ces chiffres tendent à appuyer la conclusion que l’une des faiblesses de l’application de cette législation est qu’on semble l’invoquer le plus souvent contre le délinquant à un âge où la violence n’entre plus dans son comportement habituel.
Il dit également:
Près de 40 p. 100 de ceux qui sont condamnés à la détention préventive sembleraient ne pas avoir représenté une menace à la sécurité d’autrui; 2. Un tiers peut-être des personnes incarcérées comme repris de justice semblerait avoir constitué une menace grave pour la sécurité d’autrui [...]
Le Comité conclut que, bien que les dispositions législatives concernant les repris de justice aient été appliquées pour protéger le public contre certains délinquants dangereux, elles l’ont également été contre un nombre considérable de multirécidivistes qui constituent peut-être un sérieux embarras social mais non une menace sérieuse à la sécurité des gens.
Des constatations semblables ont été faites à propos de la détention préventive en Angleterre et de la « loi des three strikes » californienne.
Passons au deuxième point. Elles ne sont pas appliquées de façon uniforme, posant de sérieux problèmes d'équité. Encore une fois, au Canada, le Comité Ouimet a constaté, dans son étude sur les 80 repris de justice, que :
45 [...] l’ont été en Colombie-Britannique et 39, soit presque la moitié du total ont été condamnés dans une même ville (Vancouver). Le Comité estime qu’une législation dont l’application est susceptible de varier à ce point ne doit pas faire partie d’un système rationnel de correction.
Le comité avait aussi constaté la même disparité dans l'application de la loi sur les délinquants sexuels dangereux qui existait à l'époque. La loi actuelle sur les délinquants dangereux peut elle aussi mériter la même critique. En avril 2006, 42 p. 100 des criminels déclarés délinquants dangereux l'avaient été en Ontario, comparativement à 9 p. 100 au Québec et 22 p. 100 en Colombie-Britannique. La « loi des three strikes » de Californie n'est pas appliquée, elle non plus, de façon uniforme.
Passons au troisième point. Elle s'applique de façon discriminatoire contre les groupes minoritaires. Au Canada, nous n'avons pas de données au sujet de l'application aux Autochtones de la loi sur les repris de justice, mais nous savons que les Autochtones sont surreprésentés à toutes les étapes du processus correctionnel, y compris en ce qui concerne l'application de la loi sur les délinquants dangereux. Cet état de fait soulève d'énormes questions et préoccupe tous ceux qui accordent de l'importance aux valeurs de justice et d'équité. Nous savons en effet que les Autochtones représentent environ — et je ne vous apprends rien — 3 p. 100 de la population canadienne, qu'ils forment 18 p. 100 des personnes admises dans les pénitenciers, qu'ils sont encore plus surreprésentés dans certaines provinces. En 2003-2004, ils représentaient 54 p. 100 des personnes admises dans les pénitenciers du Manitoba et 63 p. 100 de celles admises en Saskatchewan. Les Autochtones représentaient aussi, en 2005-2006, 23 p. 100 des délinquants condamnés à une peine d'emprisonnement à perpétuité ou d'une durée indéterminée. Cette surreprésentation des Autochtones dans les pénitenciers, associée au fait qu'ils entrent au pénitencier plus jeunes que les non-Autochtones, ferait en sorte qu'ils seraient encore plus souvent touchés par des mesures concernant les délinquants du projet de loi . On comprend facilement que plus les membres d'un groupe entrent jeunes au pénitencier, plus ils ont de chance d'être condamnés une troisième fois.
En ce qui a trait au quatrième point, ces lois n'ont pas d'effet significatif sur la criminalité. Puisqu'elles sont ordinairement rarement appliquées, les lois sur les délinquants d'habitude ne peuvent pas avoir d'effet sur la criminalité. Mais même dans le cas où on les utilise sur une large échelle, comme en Californie, elles ont peu ou pas d'effet mesurable. Même si, dans les années 1990, la diminution des taux de criminalité a été plus prononcée en Californie que dans la moyenne nationale américaine, les chercheurs qui ont réalisé un bilan des recherches en arrivent à la conclusion que cette diminution ne peut pas être attribuée de façon significative aux « lois des three strikes ».
Nous arrivons au cinquième point. Ces lois peuvent augmenter de façon considérable la population carcérale, en particulier celle des détenus âgés. Les lois sur les multirécidivistes, si elles sont appliquées sur une large échelle, provoquent inévitablement une augmentation de la population carcérale et un vieillissement de celle-ci. D'une part, un prolongement de la durée des peines se traduit par une augmentation de la population carcérale...
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Mais pour votre part, vous n'êtes pas autoritaire, monsieur le président.
Monsieur Landreville, j'en étais à rendre hommage à votre érudition. Ce qui me plaît vraiment, c'est le lien que vous avez très clairement affirmé. Vous avez comparé la société américaine, qui a eu recours à l'incarcération et obtenu des taux de criminalité qui n'ont pas baissé de façon corrélative, et le Canada. Vous n'avez pas donné de statistiques par 100 000 habitants pour le Canada, mais on nous dit que ça varie entre 115 et 123.
Je voudrais que vous vous expliquiez très clairement. Si je comprends bien, vous nous invitez à rejeter le projet de loi . D'après ce que je comprends, vous dites qu'il n'est pas efficace par rapport aux objectifs qu'il poursuit. J'aimerais que vous nous disiez plus clairement pourquoi ce n'est pas efficace et quelles mesures législatives vous souhaiteriez voir adopter pour que l'on puisse atteindre les objectifs visés, c'est-à-dire faire en sorte que les communautés soient plus sécuritaires, tout en gardant bien à l'esprit que le taux de criminalité en matière de crimes violents n'est pas à la hausse.
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Pour ce qui est d'établir des comparaisons entre les États-Unis et le Canada, la situation est vraiment idéale. Nous vivons dans le même environnement, tout le monde le sait. Nous évoluons dans le même environnement socio-politique et économique. Nous avons évidemment des taux de criminalité différents. Aux États-Unis, les taux de criminalité sont, en règle générale, plus élevés. De notre côté, nos pratiques d'incarcération sont tout à fait différentes depuis 1970.
Je vais vous faire part d'autres statistiques. En 1970, la population carcérale américaine était pratiquement deux fois supérieure à la nôtre. Actuellement, elle est plus de sept fois supérieure à la nôtre. Notre population carcérale se chiffre à 105 sur 100 000 habitants alors qu'il s'agit de 750 aux États-Unis. Les Américains appliquent une politique d'incarcération très sévère qui ne peut pas être tenue responsable de la diminution de la criminalité. D'autres facteurs sociologiques, dont la démographie et la croissance économique, sont en cause. Ce sont des facteurs importants.
Pour ce qui est des lois spéciales, j'ai dit plus tôt qu'aux États-Unis, environ 25 ou 30 États appliquaient depuis 1993 ou 1994 des « lois des three strikes ». La majorité des États les utilisent peu. En effet, 90 p. 100 des gens condamnés l'ont été en Californie. Cet État a vraiment utilisé ce type de loi très largement. Plus de 40 000 personnes, soit plus que la population carcérale canadienne, y sont incarcérées. Les études n'ont pas vraiment démontré que ces lois avaient un effet considérable.
Il y avait une deuxième partie à votre question.
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J'ai effectivement mentionné, dans le cas des lois spéciales sur les délinquants dangereux — on peut se référer à l'expérience antérieure au Canada où il y avait à la fois des lois sur les repris de justice et des lois sur les délinquants sexuels dangereux —, que ces lois exceptionnelles fonctionnent mal parce qu'on a de la difficulté à trouver les gens qui vont éventuellement causer des torts graves à autrui.
D'une part, on ne sait pas exactement qui on devrait cibler. D'autre part, lorsqu'il y a des lois très sévères, comme la loi qui prévoit une peine indéterminée, on voit qu'il peut y avoir de la réticence à l'intérieur même du système de justice pénale à utiliser ces lois. Cela explique, dans une certaine mesure, la disparité énorme de l'application des lois entre certaines provinces. Tout dépend ordinairement du procureur général ou de certains procureurs. Il en va de même en Californie, où on dit qu'un seul procureur est responsable d'un très grand nombre de condamnations.
Je crois que la loi actuelle sur les délinquants dangereux n'est pas une loi idéale. Cette loi n'est pas appliquée à une large échelle et je pense que c'est bien comme cela. Mais je crois qu'elle est assez souple, d'une part, et assez sévère, d'autre part, pour cibler des délinquants multirécidivistes, et les cibler dans des cas extrêmes où on aurait des raisons de croire qu'ils pourraient commettre des crimes graves contre la personne dans l'avenir.
En règle générale, ces lois frappent des gens de plus de 40 ans, du moins statistiquement. En effet, la majorité des gens entrent au pénitencier après l'âge de 30 ans. Lors de leur troisième condamnation, surtout s'ils sont condamnés pour violence, si vous tenez compte de la durée de deux peines de pénitencier, ils vont généralement être incarcérés à plus de 40 ans, à un âge où la très grande majorité d'entre eux ne commettront plus des délits de violence.
Je crois donc que, pour les cas exceptionnels dont les procureurs et les spécialistes ont des raisons probables de croire qu'ils vont commettre des infractions graves, la loi actuelle est assez souple et assez sévère pour les cibler.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, professeur Landreville.
J'ai un peu de mal à accepter que vous compariez la loi proposée à la loi californienne dite la « loi three-strikes ». Vous avez dit, à titre d'exemple, qu'en vertu de cette loi, la Californie compte près de 40 000 détenus, mais des témoins ont dit à notre comité et à celui de la justice que le projet de loi vise un groupe très restreint de personnes. Il s'agit peut-être d'une, deux, trois, quatre ou cinq personnes. On parle peut-être d'une cinquante de personnes à travers le Canada, il s'agit donc d'un groupe très restreint de personnes qui ont commis des crimes odieux, des crimes graves contre la personne.
Dans le contexte de la loi californienne, savez-vous quel pourcentage de crimes sont des crimes contre la propriété, par opposition aux crimes contre la personne?
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Merci, monsieur le président.
Premièrement, seriez-vous en mesure de nous faire part du nombre annuel de personnes trouvées coupables pour la première fois d'un acte criminel figurant dans la liste qui se trouve dans la partie 27 du projet de loi ?
Deuxièmement, connaissez-vous le nombre annuel de personnes trouvées coupables pour une deuxième fois?
Troisièmement, connaissez-vous le nombre annuel de personnes trouvées coupables pour une troisième fois?
Si vous avez accès à ces chiffres, pourriez-vous nous dire quel pourcentage de ces gens appartiennent à des minorités visibles ou sont des Autochtones, des femmes ou des personnes souffrant d'un handicap intellectuel ou physique? Bref, je parle ici des quatre groupes figurant dans notre Charte.
Avez-vous ces chiffres? Dans le cas contraire, savez-vous où le comité pourrait les obtenir? Jusqu'à maintenant, le gouvernement semble dans l'incapacité de nous les fournir.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Landreville, je crois qu'il est clair que l'objectif de la loi sur les contrevenants dangereux est de cibler les pires criminels de notre société qui ont été reconnus coupables et de les retirer de la société afin qu'ils ne constituent plus une menace pour nos familles et nos enfants. Nous avons dit que les juges et les procureurs de la Couronne disposeront toujours de pouvoirs discrétionnaires lorsqu'ils appliqueront cette nouvelle loi.
Tout le monde ici reconnaît qu'il y a actuellement une surreprésentation des Autochtones dans notre système pénal. Tout le monde reconnaît que les Autochtones affrontent des problèmes sociaux énormes depuis leur naissance jusqu'à leur adolescence, âge où ils peuvent s'attirer des ennuis. Tout le monde reconnaît qu'il faut faire quelque chose. Nous voulons changer cela.
Ce que j'essaie de dire, c'est que compte tenu du pouvoir discrétionnaire des juges et des procureurs de la couronne, compte tenu de la façon dont le projet de loi est rédigé et de son objectif, il y a bien moins de chance pour qu'il crée une discrimination fondée sur la culture, la race ou le milieu que le député d'en face le laisse entendre.
J'ajouterais, monsieur Landreville, et j'aimerais avoir votre opinion à ce sujet, que les Canadiens qui craignent pour leurs vies, leurs familles et leurs collectivités ont peur de ces menaces. Quels que soient son milieu et sa culture, que cette personne soit blanche, rouge, noire, rose ou autre, si elle répond au critère qui pousse un procureur de la couronne à demander une désignation de délinquant dangereux, tout ce que veulent les Canadiens, c'est qu'elle soit retirée de la société. Est-ce que vous ne croyez pas que le système de justice et le Code criminel doivent permettre cela pour protéger nos sociétés?
Pouvez-vous me répondre, s'il vous plaît.
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Merci, monsieur le président. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins.
La discussion qui se déroule actuellement sur les délinquants dangereux est fort intéressante. Vous nous dites tout compte fait que cette nouvelle mesure législative pénaliserait un trop grand nombre d'intervenants et que nous allons en fait pénaliser les personnes qui sont coupables de délits mineurs.
Les Canadiens qui écoutent ou regardent nos délibérations ou qui liront les procès-verbaux plus tard doivent bien comprendre qui nous ciblons ici quand nous parlons de délinquants dangereux. À mon avis, ceux qui ont été reconnus coupables non pas d'une, de deux mais bien de trois actes criminels violents, et qui ont entre autres utilisé des explosifs, ont eu recours à une arme à feu pour intimider les gens lors de la perpétration d'une infraction, ont exploité une personne handicapée à des fins sexuelles, sont un père, une mère ou un tuteur qui sert d'entremetteur, se livrent ou possèdent de la pornographie juvénile, qui permettent l'exploitation d'un enfant, ont recours au leurre, sont accusés d'un acte criminel violent, d'agression sexuelle, de vivre des produits de la prostitution ou d'avoir infligé illégalement des lésions corporelles... Il ne s'agit certainement pas là de délits mineurs. Il s'agit d'infractions violentes, graves et dangereuses.
J'ai remarqué que vous avez dit qu'il y a moins d'infractions ou d'actes criminels graves. Est-ce que cela veut dire que notre société, que les Canadiens, que les députés à la Chambre des communes qui essaient de faire adopter une loi pour l'ensemble des Canadiens ne devrions rien faire et que nous devrions nous contenter de quelque chose de médiocre ou que nous devrions simplement dire que si nous pouvons faire quelque chose pour empêcher les actes criminels violents...? Écoutez, nous ne parlons pas ici de personnes qui sont coupables de délits mineurs et je dois vous dire je ne suis pas d'accord avec vous. Nous parlons ici de délinquants dangereux.
Comparer cette proposition au système des “three strikes“ de la Californie est peu judicieux parce qu'en fait nos propositions n'ont rien à voir à ce qu'on fait en Californie. Dans cet État, vous pouvez être envoyé derrière les barreaux simplement pour avoir traversé de façon illégale la chaussée. À mon avis, c'est pousser les choses beaucoup trop loin et c'est en fait ridicule. Mais ce n'est pas ce dont nous parlons ici. Nous cherchons simplement à protéger les Canadiens des délinquants dangereux et violents.
Je ne dis pas que la mesure législative est parfaite, mais elle est certainement mieux indiquée qu'un projet de loi ou une loi médiocre.
Si j'ai suffisamment de temps —
Je crois que nous devrons mettre fin à cet échange maintenant.
Je tiens à vous remercier, monsieur Landreville, de cette analyse statistique approfondie. Je sais qu'on vous a posé des questions sur vos statistiques et que vous voulez répondre plus tard. Je vous invite donc à faire parvenir ces documents à notre greffière qui sera ravie de les distribuer aux membres du comité.
J'aimerais maintenant demander aux représentants du ministère à venir prendre place à la table des témoins. Nous sommes déjà un petit peu en retard et je demanderai s'il est possible de poursuivre notre réunion après 11 heures pour que tout le monde ait l'occasion de poser des questions aux représentants du ministère. En fait, si nous commençons dès maintenant par un tour de questions de cinq minutes plutôt qu'un tour de sept minutes, nous pourrons rattraper probablement le temps perdu.
Comme je l'ai déjà signalé, nous pourrions procéder plus rapidement si tout le monde posait des questions concises. De cette façon, un plus grand nombre de députés auront l'occasion de poser des questions. Si les fonctionnaires veulent formuler des commentaires liminaires, je les invite à être brefs. J'aimerais qu'on garde autant de temps que possible pour poser des questions et laisser nos témoins y répondre, au cours des 45 prochaines minutes. Je demanderai probablement au comité la permission de prolonger nos travaux pendant 10 minutes ou peut-être même 15 minutes, simplement parce que nous avons perdu du temps au début de la réunion lorsque nous avons discuté de la motion. De cette façon, nous disposerons d'une heure pour discuter de ce projet de loi avec les représentants du ministère.
Monsieur Cohen.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais revenir à votre réponse. D'aucuns ont dit que les propositions touchant les contrevenants dangereux dans lesquelles on transfère au prévenu le fardeau de la preuve — en fait ce n'est pas vraiment un prévenu mais c'est la personne condamnée à l'étape de la détermination de la peine — pourraient empiéter sur le droit de cette personne au silence, c'est-à-dire la protection contre l'auto-incrimination. Je crois que M. Hoover a dit qu'il existait une jurisprudence à cet égard. C'était dans l'affaire — j'allais dire Grewal, mais ce n'est pas le bon nom — Grayer ou quelque chose qui ressemble au fromage, non pas au nom du député.
De toute façon, les témoins nous ont dit lors de la dernière réunion que la jurisprudence ne fait pas autorité et en fait ne peut garantir que lorsque l'on déplace le fardeau de la preuve, le contrevenant peut toujours avoir droit au silence. En d'autres termes, le condamné peut décider de ne pas mot dire, mais il devra dans ces circonstances accepter les répercussions de cette décision, c'est qu'il ne pourra utiliser de preuves qui auraient pu l' aider.
C'était clairement ce que nous ont dit les représentants de la Criminal Lawyers' Association qui disait qu'on présentait sous un angle faux...
Monsieur Hoover, vous étiez dans la salle lorsqu'on a tenu ces propos.
Pouvez-vous me dire, monsieur Cohen, quel impact ces modifications pourraient avoir sur le droit au silence ou la protection contre l'auto-incrimination garantie par la charte?
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C'est évidemment là une question qui ouvre sur énormément de choses.
Certes, la Constitution protège le droit qu'a l'accusé de garder le silence. En règle générale, ce droit intervient au moment où la personne est interrogée par la police. Le rapport qui existe entre le droit pour l'accusé de garder le silence et le droit qu'il a de ne rien dire qui puisse l'incriminer a été abondamment commenté dans la jurisprudence, mais en tout état de cause, ce deuxième droit recouvre une notion un peu plus large.
Pour en revenir à votre question au sujet de l'importance de l'affaire Grayer en ce qui concerne le droit de garder le silence, dans cette affaire, le jugement disait en substance qu'une personne qui se retrouve dans une situation qui pourrait être la sienne, dans le cadre d'une demande visant à la faire reconnaître comme un délinquant dangereux, a parfaitement le droit de rester muet et de ne coopérer en rien. Aucune disposition de ce projet de loi n'obligerait la personne en question à témoigner, et aucune disposition non plus ne représenterait un fardeau inversé qui ferait que la personne en question soit obligée de répondre.
Lorsqu'une personne se trouve dans une situation comme celle-là — en situation de risque pourrions-nous dire — il est certain qu'elle a tout naturellement envie, qu'elle est tout naturellement poussée à vouloir être capable de répondre, et c'est bien entendu la raison pour laquelle cela finit par donner lieu à une contestation. Et même si une personne a parfaitement le droit de garder le silence, il n'empêche qu'elle reste parfaitement capable de décider, en toute connaissance de cause et pour des raisons tactiques, d'accepter ou non de répondre. Elle n'est pas obligée de le faire. Cela n'est pas une fin en soi.
Comme le montrent la loi et la pratique, la personne en question a le droit de contre-interroger, le droit de citer des témoins, le droit également de se servir des éléments de preuve qui ont été présentés par le ministère public. À cet égard donc, peut-être pourrait-on ne pas appeler cela le droit au silence, mais c'est quand même un droit au silence si la personne en question refuse de parler ou de coopérer. Et pour moi, ce n'est pas là quelque chose qui ferait intervenir cette prétendue notion d'auto-incrimination.
Je dois vous signaler que les dispositions qui protègent contre l'auto-incrimination se trouvent soit à l'article 11, soit à l'article 13 de la Charte, articles qui sont annoncés et précédés par une indication comme quoi ces droits sont garantis à quiconque est accusé d'une infraction. Dès lors qu'une personne est accusée d'une infraction, elle bénéficie ipso facto de ces protections.
L'affaire Lyons, qui demeure la référence et la balise à prendre en compte dans tous les cas associés à la Loi sur les délinquants dangereux, a donné lieu à un jugement de M. le juge La Forest, un juriste modéré et neutre, un expert en la matière...
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Merci, monsieur le président.
Sauf votre respect, monsieur Cohen, je suis ici depuis 1994 et je peux vous dire qu'il nous est déjà arrivé d'étudier des règlements et des lois dont le ministère disait qu'ils étaient constitutionnels, mais qui ont été invalidés par la suite. Mon collègue a peut-être dit qu'il s'agissait des libéraux, mais les dispositions antiterroristes ont été étudiées en comité, n'est-ce pas? M. Comartin était membre du comité. Certaines dispositions ont été invalidées. Quand Mme Marleau était ministre de la Santé, les règlements sur le tabac ont été invalidés. Alors, je trouve votre affirmation pour le moins présomptueuse. Ce n'est pas parce que le ministère nous renvoie un projet de loi que celui-ci ne sera pas invalidé par la suite.
Mais puisque vous nous dites avec assurance que le projet de loi est constitutionnel, j'aimerais que pour une fois, en tant que parlementaire, vous nous expliquiez avec précision quels sont les mécanismes de vérification. Soyez assez précis. Quand, au Conseil des ministres, le ministre signe un mémoire disant que c'est constitutionnel, quelle forme cela prend-il précisément?
J'aurai ensuite trois questions à vous poser concernant le fond des choses. Je suis juriste comme vous et je sais évidemment qu'on peut toujours contester une loi. Vous nous avez dit que vous aviez vérifié, ce qui est d'ordre général, mais quelles sont plus spécifiquement les démarches que vous avez faites et quelles sont les garanties raisonnables?
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Je ne suis pas sûr, monsieur Cohen, si ma question s'adresse à vous ou à M. Hoover, mais j'ai certaines réserves. Ce qui me préoccupe beaucoup, c'est la constitutionnalité du projet de loi en ce qui concerne le partage des pouvoirs. Voyez certains échanges que nous avons eus aux rencontres entre le gouvernement fédéral et les procureurs généraux des provinces au cours des quelques dernières décennies, et ceux-ci n'ont jamais voulu qu'on empiète sur leur territoire, à savoir l'administration de la justice, qui évidemment relève d'eux en vertu de la Constitution. Je crois qu'il y a empiètement de ce côté, et que l'on contrevient en plus à la Charte.
On m'a dit qu'on a ordonné au ministère de grouper ces cinq projets de loi en un seul seulement 48 heures avant le début de l'actuelle session. Je ne sais pas à quel moment la décision a été prise. Voulez-vous confirmer que vous n'avez eu qu'un avis de 48 heures pour grouper ces projets de loi? C'est ma première question.
Question no deux, quand a-t-on décidé de faire du défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance un élément déclencheur?
Troisième question — et j'imagine que c'est celle qui me trouble le plus — et c'est de savoir à quel genre de consultation on a procédé? Nous avons entendu le témoignage de M. Cooper. Il s'agit là de la personne qui intente des poursuites dans une région plus que n'importe qui au pays en ce moment. Il est venu à nous et nous a dit, écoutez, ce dont j'ai vraiment besoin, ce sont des modifications à la partie XXIV pour que je puisse avoir de meilleures preuves pour poursuivre ces demandes. Il a dit que ces modifications l'aideraient infiniment.
Il a également fait valoir dans son témoignage qu'il n'allait pas modifier sa pratique si ces modifications étaient adoptées. Donc pourquoi faisons-nous ça, et pourquoi n'avons-nous pas écouté des gens comme lui et apporté des modifications à la partie XXIV, ce qui lui aurait facilité la tâche de beaucoup?
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En réponse à votre première question, qui est de savoir si nous avons eu plus de 48 heures pour présenter le projet de loi, il est évident que c'est oui.
En réponse à la deuxième question concernant l'inclusion du défaut de se conformer à une ordonnance de surveillance, j'en ai entendu parler pour la première fois en novembre 2004, lorsque la question a été posée par le procureur général de l'Ontario. On nous a en fait soumis une demande officielle d'étude en janvier 2005. Le groupe de travail fédéral provincial territorial sur les délinquants dangereux étudie cette question depuis un certain temps déjà.
Vous vous en souvenez sans doute, dans son témoignage devant le comité le 5 juin, le ministre a confirmé qu'il attendait les délibérations du groupe de travail FPT et l'étude des ministres de la Justice FPT, et qu'il espérait inclure une telle disposition d'ici l'automne. Presque tout le travail a été terminé au cours de l'été, et une recommandation a été discutée en détail. En fait, c'est le fruit de ce travail que vous voyez dans le projet de loi à l'étude. Il y a donc eu des consultations approfondies, qui se poursuivent depuis un certain temps déjà, et c'est ce qui nous a permis de mettre au point non seulement un modèle viable mais un modèle utilisable par toutes les compétences.
Je crois que la question posée par M. Cooper, pour qui j'ai le plus grand respect, tient à sa perspective à lui. Il n'était pas ici à titre de porte-parole du procureur général de l'Ontario; il a bien dit qu'il ne faisait qu'exprimer sa propre opinion. Avant d'étudier cette question plus avant et de conclure quoi que ce soit — je crois qu'il a proposé un amendement particulier à l'article 760 — nous voudrons consulter nos partenaires FPT en bonne et due forme. Ce travail n'a pas été fait, et cette question n'a pas été soulevée par les représentants du procureur général de l'Ontario au cours des consultations précédentes.
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Merci, monsieur le président.
Merci encore à nos témoins.
L'un des grands sujets de fierté que nous avons toujours eu au Canada, c'est le loisir que nous avons d'exercer la discrétion judiciaire, qu'il s'agisse de la Couronne ou de la magistrature. Divers témoins ont dit au comité que, surtout en ce qui concerne la loi sur les délinquants dangereux, la Couronne ou la magistrature se verraient privées de leur pouvoir discrétionnaire, aussi bien avant la désignation comme telle qu'au cours du processus de détermination de la peine. J'aimerais connaître votre avis à ce sujet.
En outre, pourriez-vous nous expliquer de nouveau ce processus, pour que l'on puisse bien comprendre les dispositions qui concernent la discrétion judiciaire?
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Eh bien, il est évident que la première possibilité relative à la discrétion judiciaire se présente au moment où le procureur de la Couronne adresse une requête en vertu de l'article 752, et le procureur de la Couronne doit alors faire valoir auprès de la cour que l'infraction de prédicat est une infraction grave à l'égard d'une personne. Si le juge estime que la situation ne répond pas aux critères de l'article 752, il lui est loisible de dire que ce n'est pas le cas, et la requête ne peut pas aller plus loin.
Une fois franchi ce seuil initial, la prochaine possibilité relative à la discrétion judiciaire se présente lorsque le procureur de la Couronne doit demander un examen psychiatrique en vertu de l'article 752.1. Il est alors loisible au juge d'écarter cette requête s'il est d'avis que la procédure n'aboutira pas à une désignation de délinquant dangereux.
Une fois l'examen psychiatrique communiqué à la cour, le procureur de la Couronne doit alors demander le consentement du procureur général et transmettre ce consentement par écrit à la cour. Quand c'est fait, et le tout doit être accompagné d'un avis au défenseur, on passe alors à la phase de l'audience. C'est à ce moment que la cour exerce sa discrétion pour la dernière fois, tout d'abord pour décider si le délinquant répond aux critères du délinquant dangereux; ensuite, comme le veut la jurisprudence que l'on trouve dans la Reine c. Johnson, et même si le délinquant répond aux critères du délinquant dangereux, la cour peut bien sûr refuser de lui imposer une peine indéterminée si un châtiment moins grave permet de gérer le risque que court le grand public.
En vertu de cette nouvelle disposition, tous ces éléments de discrétion judiciaire restent intacts. Même dans les circonstances où la présomption intervient du fait d'une troisième infraction de prédicat suffisamment grave, le juge conserve la discrétion de refuser la désignation si le délinquant est en mesure de réfuter cette présomption.
Dans un cas comme dans l'autre, si la désignation est faite, le principe évoqué dans l'affaire Johnson est très clair: le juge a toujours la discrétion de ne pas imposer de peine indéterminée s'il y a moyen de bien gérer le risque pour la société en imposant une peine moins longue.
Je suis d'accord pour dire que l'aspect pouvoir discrétionnaire que l'on retrouve dans ce projet de loi a été bien repensé, et que c'est une bonne chose.
Ce qui me préoccupe, c'est la conformité à la Charte, surtout en ce qui concerne l'article 7 de la Charte et les principes de la justice fondamentale, le droit de conserver le silence. Je demeure sceptique ici. J'admets que nous entrons dans une zone grise, et j'ai bien compris ce qu'ont dit M. Hoover ainsi que M. Cohen aujourd'hui. Ils se sont efforcés de répondre à cette question, mais je veux seulement faire état de mon objection sur le fond, et vous pourrez peut-être y répondre.
Parmi les principes de la justice fondamentale, on compte le droit au silence. Je pars du principe que le droit au silence demeure respecté pendant toutes les procédures criminelles, même jusqu'au moment où la personne reçoit sa sentence. C'est aussi le cas de la procédure applicable aux délinquants dangereux. Qu'on me reprenne si j'ai tort, mais je n'ai pas lieu de croire pour le moment qu'on refuserait à un accusé le droit de conserver le silence au cours d'une procédure criminelle, particulièrement au moment où cette personne se retrouve privée de liberté.
Dans le cours normal des choses, lorsqu'on a recours au droit de conserver le silence, on s'attend à ce que le procureur de la Couronne explique pourquoi l'individu en question pose un danger tel que l'État est en droit d'entraver davantage sa liberté. Dans ce cas particulier, si j'en crois le libellé du projet de loi, la Couronne n'a pas à donner une telle explication. Oui, il y a un rapport d'évaluation qui précède l'audience, mais la Couronne n'a pas à donner d'explication étant donné que la loi crée une présomption selon laquelle la personne est dangereuse. Donc le procureur de la Couronne n'a plus à donner d'explication. Il n'existe plus qu'une simple formule mathématique qui dit que la personne est présumée dangereuse.
J'avance pour ma part que cela revient en pratique à priver l'accusé du droit de conserver le silence, parce que non seulement l'individu doit faire face à une présomption fondée sur une formule mathématique qui lui impose à lui ou à elle le statut de délinquant dangereux, mais on le contraint à prouver que c'est faux. L'individu est obligé de dire : « Ce n'est pas vrai. Peu importe ce que vous pensez de moi, je ne suis pas cet homme. » Forcer quelqu'un à réfuter une présomption mathématique, c'est pour moi supprimer en pratique le droit de conserver le silence dans le cadre d'une procédure criminelle, et c'est ce qui me préoccupe.
Je vais m'arrêter là, et je vais voir si vous pouvez me rassurer et me dire que l'individu n'a pas, en pratique, perdu le droit de conserver le silence s'il est déclaré délinquant dangereux, si je peux dire, en vertu d'une formule mathématique où le procureur de la Couronne n'a plus l'obligation de donner un portrait complet des faits.
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Je vais essayer de conclure.
J'ajouterai seulement que l'affaire Singh porte sur le droit au silence et fait des observations sur les liens entre l'auto-incrimination et le droit au silence. Cela vaut la peine de l'examiner.
Il est aussi question de l'affaire White à la Cour suprême du Canada, dans laquelle il est abondamment fait allusion au cadre de la protection contre l'auto-incrimination.
J'estime que cette citation, extraite de l'arrêt Singh, et qui provient de l'affaire White, est pertinente. Je cite le juge Iacobucci :
Je tiens tout d’abord à préciser que toute règle commandée par le principe interdisant l’auto-incrimination, qui restreint la contraignabilité, est en tension dynamique avec un principe contraire de justice fondamentale, selon lequel le juge des faits devrait disposer des éléments de preuve pertinents dans sa recherche de la vérité. [. .] De toute évidence, la Charte sanctionne des dérogations à cette règle positive générale. L’alinéa 11c) et l’art. 13 en sont des exemples évidents. Il s’agit de savoir si nous avons besoin d’une autre exemption et, dans l’affirmative, pourquoi?
Je pense que cela doit être examiné, en particulier à la lumière de l'affaire Grayer, qui vous a été signalée et qui indique qu'une personne peut légalement résister à tout mécanisme qui cherche à obtenir sa coopération. Aucune procédure distincte n'est envisagée ici, et le droit au silence, dans les faits, peut être revendiqué avec succès, au péril toutefois de la personne en question.
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Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Hoover et monsieur Cohen.
Je vais revenir sur une des questions qui ont été posées sur ce qu'on appelle le droit de se taire. Vous avez bien cerné le point, à l'effet que le droit de se taire n'est pas nécessairement un élément garanti par la Charte, mais qui vient des différents jugements rendus par la Cour suprême depuis une bonne vingtaine d'années.
La question que je vais vous poser sera un peu plus pointue. Dans le Code criminel, puisque vous travaillez avec le Code criminel, il y a des présomptions. Actuellement, il y en a déjà. La présomption vient à l'encontre de ce qu'on appelle le droit à l'innocence et le droit de se taire, parce qu'on présume alors que vous êtes coupable, par exemple, et c'est alors à vous de prouver l'inverse.
En matière de recel, lorsqu'on parle de vol et recel, une présomption est utilisée depuis plus de 50 ans, depuis que le Code existe. A-t-elle déjà été attaquée par un procureur? Depuis que la Charte existe, y a-t-il eu une attaque qui a démontré que les présomptions en général — je ne parle pas que de cette présomption — attaqueraient des droits inaliénables de la Charte? C'est ma première question.
J'ai aussi une sous-question, qui est également un commentaire. On voit souvent, lorsqu'on se présente à la cour, le procureur de la Couronne déposer un avis de récidive pour obtenir une condamnation supplémentaire. On fait une présomption. On indique déjà qu'on demandera plus d'amendes, plus de prison. On présume déjà de quelque chose. Tout cela n'a jamais été attaqué, du moins, personnellement, je n'ai jamais vu que cela avait été renversé ou annulé par la Cour suprême du Canada.
J'aimerais donc savoir si la question de M. Lee, du Parti libéral, est pertinente. J'aimerais aussi savoir si des présomptions du Code criminel ont déjà été attaquées ou renversées par une décision de la Cour suprême du Canada.
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Je vais diviser votre question en deux. Vous avez commencé par dire que nous créons une présomption de culpabilité. La culpabilité, évidemment, ne fait pas partie de cette question. Nous avons déjà dépassé ce stade. Nous avons établi trois condamnations ici. Toute présomption qui présuppose la culpabilité serait, à mon avis, manifestement anticonstitutionnelle, et ce genre de présomptions ne sont pas des présomptions qui figurent dans le Code criminel ou ailleurs.
On parle de l'inversion de la charge de la preuve. Quant à la question de savoir comment on aborde la justifiabilité des dispositions relatives à l'inversion de la charge de la preuve, la question déterminante est de savoir si la présomption elle-même, l'inversion de la charge, est justifiable. Essentiellement, cela découle de l'arrêt Oakes de la Cour suprême du Canada, qui constitue la principale décision relative à l'article 1erde la Charte et qui affirme que les faits qu'une personne ne peut pas rationnellement prouver ou réfuter ne peuvent être justifiés. Il doit y avoir un lien rationnel entre le fait avéré — il s'agit ici de trois condamnations — et du fait présumé. Le fait présumé a à voir avec le lien entre ces condamnations, ces infractions désignées et la dangerosité.
Vous avez demandé si ces dispositions ont été maintenues dans la jurisprudence. L'inversion de la charge de la preuve et les présomptions impératives sont traitées de la même manière et peuvent constituer une limitation raisonnable justifiable aux termes de l'article 1er de la Charte, et les tribunaux ont statué souvent sur ce point: l'affaire Whyte en 1988 au sujet du soin et du contrôle d'un véhicule automobile; l'affaire Holmes, également en 1988, qui portait sur la possession d'outils d'effraction; l'affaire Keegstra, sur la promotion délibérée de la haine; l'affaire Chaulk, portant sur les présomptions de santé mentale, l'affaire Downey, au sujet de l'association avec des prostitués et enfin l'affaire Pearson, sur le cautionnement raisonnable.
Telles sont les affaires, mais cela ne signifie pas pour autant qu'il n'y a aussi des affaires où les tribunaux ont conclu à une atteinte à la Constitution. Les affaires de ce genre ont tendance à susciter des poursuites, et personne ne nie qu'une disposition législative qui vient inverser le fardeau de la preuve n'en suscitera pas d'autre.
Un des facteurs qui vient compliquer les choses pour ceux qui décident de contester cette loi, c'est de vaincre l'idée que ce n'est pas une question qui porte sur la culpabilité et l'innocence et ne relève donc pas de l'article 11 de la Charte, qui traite de la présomption d'innocence; ils devront plutôt, si vous me passez l'expression, chercher refuge à l'article 7 de la Charte, ce qui pourra conduire à un autre genre d'examen.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
J'aimerais poser deux petites questions. J'aimerais revenir à ce que j'ai dit hier relativement à la similitude qu'il me semble y avoir — tout en sachant que je ne suis pas avocat — entre les audiences de libération conditionnelle, les demandes de libérations conditionnelles et l'inversion du fardeau de la preuve inhérent à ce processus et l'inversion du fardeau de la preuve dont nous débattons à l'heure actuelle.
Monsieur Cohen, vous venez tout juste de dire que dans le cadre du processus de désignation de délinquant dangereux on retrouve deux aspects dans le système d'inversion du fardeau de la preuve, à savoir la preuve des faits et la dangerosité. Je suis d'avis que ces deux principes s'appliquent également aux audiences de libérations conditionnelles: la preuve des faits, puisque la personne est emprisonnée et que les faits ont été prouvés puisqu'elle a été reconnue coupable; et deuxièmement, la dangerosité est un facteur dont on tient compte lors de l'examen de demande de libération conditionnelle. Y a-t-il des risques? Est-il risqué de remettre en liberté l'individu à ce moment-ci? Ainsi, bien que les circonstances soient différentes, le processus, pour sa part est quasiment le même.
À ma connaissance l'inversion du fardeau de la preuve dans le cadre d'une demande de libération conditionnelle, ça veut dire concrètement qu'une personne incarcérée doit démontrer devant une commission des libérations conditionnelles qu'elle mérite d'être remise en liberté. C'est ce qu'on entend par inversion du fardeau de la preuve.
Ce principe a-t-il déjà été contesté? A-t-on pu démontrer qu'il est constitutionnel et conforme à la Charte? Je suppose que c'est le cas, puisqu'il est toujours appliqué. Ai-je raison?
Deuxièmement, pour ce qui est des inquiétudes de , la personne qui comparaît devant la commission des libérations conditionnelles a le droit de garder le silence. Étant donné que ce processus, ce privilège existe toujours, et qu'il ne date pas d'hier, je suis convaincu qu'à un moment donné on s'est questionné sur son caractère constitutionnel et sa conformité à la Charte. Je suppose qu'il n'est pas anticonstitutionnel, puisqu'on s'en sert toujours.
Si l'un ou l'autre de ces principes, à savoir l'inversion du fardeau de la preuve et le droit de garder le silence dans le cadre d'une demande de libération conditionnelle, s'était avéré anticonstitutionnel ou non conforme à la Charte, je doute très fort qu'ils auraient survécu à l'épreuve du temps. J'estime que les similitudes entre l'inversion du fardeau de la preuve et le droit de garder le silence sont suffisamment marquées pour qu'on puisse être rassurés.
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Le principe de la détention arbitraire, c'est quelque chose qui se précisera au fil des contestations judiciaires.
Quand on parle de quelque chose qui est manifestement inconstitutionnelle, il s'agit d'un principe qui est de toute évidence manifestement inconstitutionnel.
Je mets au défit tous les experts que vous avez invités à comparaître de dire que le texte législatif est manifestement inconstitutionnel. Je suppose que les experts qui ont témoigné ont précisé qu'à leur avis dans le cadre d'une contestation judiciaire bien ficelée, ils seraient capables de mettre de l'avant des arguments crédibles afin de convaincre la cour — et je suis sûr qu'ils en sont convaincus — que le projet de loi est inconstitutionnel ou tout au moins que certains aspects du texte le sont.
Je comprends leur point de vue mais je ne pense pas qu'ils se prononceraient en disant que le texte est manifestement inconstitutionnel.
Désolé, je n'ai pas pris en note la deuxième partie de votre...
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Cohen, vous n'avez cessé de répéter que le ministre a certifié que le projet de loi C-2 n'est pas manifestement inconstitutionnel. Dans votre réponse aux questions posées par mon collègue, vous avez encore utilisé le terme « manifestement inconstitutionnel ».
Permettez-moi de vous donner une définition de manifestement: d'une manière manifeste, à l'évidence. Ce n'est pas un critère qui est très rigoureux. Je dirais même plus qu'on aurait plutôt tendance à le qualifier de laxiste parce qu'il faudrait vraiment que ça vous saute aux yeux. Même les gens n'ayant pas de formation en droit pourraient déterminer qu'il y a quelque chose qui cloche dans la loi.
Voici ma question. À titre d'avocat général principal de la section des droits de la personne au ministère de la Justice, avez-vous pris connaissance de projet de loi dont on aurait discuté et au sujet duquel les experts juridiques auraient dit qu'il n'était pas manifestement inconstitutionnel même si des preuves solides démontraient qu'il y avait des risques d'inconstitutionnalité ou que le texte était inconstitutionnel mais que le ministre aurait refusé de certifier parce qu'il refusait de se contenter du critère si peu rigoureux qu'est « manifestement inconstitutionnel »?
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Merci, monsieur Hoover.
Je voudrais vous remercier tous les deux. Je suis désolé que le temps ait filé aussi rapidement. Je suis convaincu qu'on aurait pu discuter de cette question pendant encore une heure. Je vous remercie tous les deux d'avoir accepté notre invitation et de nous avoir fait part de vos commentaires.
Les témoins se préparent à partir et je profite de cette occasion pour vous indiquer que nous venons tout juste de recevoir nos derniers témoins et que nous allons donc passer à l'étude article par article la semaine prochaine.
Pour ce qui est des amendements, selon la motion qui a été adoptée par le comité, les amendements au doivent être donnés au greffier 24 heures avant le début de l'étude article par article, bien qu'il est possible de proposer des modifications supplémentaires lors de l'étude. Pour que le bureau du greffier reçoive un exemplaire du document regroupant les amendements soumis par les députés avant 15 heures lundi — dans les deux langues officielles, évidemment — il faut que le greffier reçoive les amendements au plus tard à midi. Je voudrais que vous me confirmiez que tous les députés sont d'accord pour que les amendements soient envoyés au greffier avant midi lundi afin de faciliter notre étude article par article.
Très bien. Merci.
La séance est levée.