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Bonjour, monsieur le président, honorables députés. Je vous remercie de nous donner l'occasion de nous adresser à vous aujourd'hui.
Comme beaucoup d'entre vous le savent, l'ACCP comparaît devant votre comité et celui du Sénat pour discuter d'une grande diversité de projets de loi. En fait, des membres de notre association ont témoigné devant ce comité pour discuter de plusieurs des projets de loi qui font maintenant partie du .
Avant d'aborder le projet de loi C-2, nous aimerions réitérer une observation d'ordre général que nous avons déjà formulée ici à une autre occasion en ce qui concerne la complexité du droit pénal et la confiance du public à l'égard du système de justice. L'ACCP croit que les solutions rapides et les simples replâtrages ne suffisent plus à corriger de nombreux éléments du Code criminel.
Deux convictions, à ce sujet. Premièrement, nous croyons que le droit pénal, y compris les dispositions sur la détermination de la peine, doit être complètement remanié pour que le système de justice pénale regagne la confiance du public qui s'effrite. Deuxièmement, nous croyons qu'il faudrait faire beaucoup plus d'efforts pour donner à la police les outils dont elle a besoin pour trouver et arrêter les délinquants violents. J'y reviendrai dans quelques instants.
Comme vous le savez, le titre abrégé du est « Loi sur la lutte contre les crimes violents ». L'ACCP s'unit au Parlement pour dire qu'il faut mettre fin aux crimes violents qui sévissent dans nos collectivités.
Avant de comparaître ici aujourd'hui, j'ai eu la chance de parler à mes collègues du service de police de Vancouver, qui luttent contre une vague de violence liée aux armes à feu dans leur ville. Comme nous tous dans les milieux policiers, ils reconnaissent que ce n'est pas un simple projet de loi qui va régler le problème social complexe qui sous-tend l'activité des gangs et la culture de violence qu'elle transmet à nos jeunes. Il faut une stratégie de vaste envergure, articulée au niveau national mais avec des ressources locales. Beaucoup de choses sont en oeuvre, mais il faut en faire encore davantage.
L'ACCP appuie le comme étant une étape dans une stratégie d'ensemble de réduction de la criminalité. Nous croyons que les Canadiens s'inquiètent beaucoup des questions visées par ce projet de loi. La violence liée aux armes à feu, les drogues et l'exploitation de nos enfants comptent parmi les plus grandes craintes du public en matière de sécurité, et ce, avec bonne raison.
Nous sommes heureux également que le Parlement aide les tribunaux à garder incarcérées les personnes qui constituent un danger pour notre société. Les délinquants qui récidivent pendant qu'ils sont en liberté provisoire ou qui échappent à la justice en quittant leur province, contribuent grandement à miner la confiance et la foi du public dans la capacité du système de justice pénale de les protéger.
Mon collègue et moi sommes heureux de répondre à vos questions précises sur le , mais auparavant, permettez-nous de vous expliquer pourquoi nous disons qu'il n'est qu'une étape dans une stratégie d'ensemble.
L'ACCP a plusieurs priorités législatives et demande notamment depuis plusieurs années des outils modernes pour lutter contre les crimes modernes. Le cible en partie trois grands dangers pour la société: les armes à feu et les gangs, l'exploitation des enfants et les drogues. Votre police lutte tous les jours pour mettre fin à la violence, pour démanteler les gangs, pour arrêter les prédateurs sexuels qui s'en prennent aux enfants et pour mettre hors jeu les vendeurs de drogues. Ces enquêtes sont souvent d'autant plus difficiles que les délinquants réussissent à exploiter les nouvelles technologies, comme les moyens de communications numériques et lnternet, pour favoriser leurs intérêts.
Depuis de nombreuses années, l'ACCP demande au gouvernement et le prie de moderniser nos capacités d'enquête dans ces domaines, dans le cadre de l'initiative du pouvoir d'accès légal. Comme vous le savez, l'ancien gouvernement avait déposé un projet de loi sur la modernisation des techniques d'enquête, qui n'avait pas encore été adopté lors de la dissolution du Parlement. Nous nous réjouissons que ce projet de loi ait été représenté comme projet de loi d'initiative parlementaire et nous y voyons la preuve que tous les parlementaires s'inquiètent, tout comme nous, de l'érosion des capacités d'interception de votre police.
Sauf votre respect, il est grandement temps d'agir. Nous vous demandons d'intervenir de manière décisive et rapidement.
Je suis sûr que je n'ai pas besoin de vous rappeler que c'est votre police qui doit se débrouiller pour s'y retrouver dans une société de plus en plus complexe en utilisant seulement les outils que vous leur accordez afin d'assurer la sécurité de nos rues. Pour notre part, nous allons continuer à vous offrir l'appui des chefs de police canadiens dans votre étude de ce projet de loi et, nous l'espérons, des nombreux autres projets de loi à venir.
Merci.
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Monsieur le président, membres du comité, honorables invités, je vous remercie de me donner la possibilité de commenter ce projet de loi.
La Société John Howard du Canada s'inspire constamment de son énoncé de mission, qui se fonde sur la recherche de réponses efficaces, justes et humaines aux causes et aux conséquences du crime. Nos 70 bureaux dans tout le Canada mettent en oeuvre des programmes fondés sur des données probantes à l'intention des délinquants qui sont mis en liberté et de leur famille. Il s'agit notamment de les préparer à leur mise en liberté et de leur offrir tout un éventail de programmes qui permettent de mieux veiller à leur réinsertion fructueuse dans la collectivité. Nous accordons beaucoup de poids à l'avis des experts.
La Société John Howard privilégie l'intelligence face au crime et non pas la dureté : voilà pourquoi nous favorisons des politiques qui amènent réellement une réduction de la criminalité et de la récidive.
Je souhaite aborder quatre points dans mon court mémoire : premièrement, le préambule contient les termes suivants: « [...] ces lois devraient faire en sorte que les délinquants violents soient détenus en prison [...] ». Cette disposition annonce une réorientation fondamentale des pratiques et des principes canadiens en matière d'incarcération, et le fait qu'elle soit présentée à la toute fin de cet article d'introduction, ce qui lui donne une apparence inoffensive, témoigne d'un excès particulièrement flagrant de la part du législateur.
Rien dans la LSCMLC ne justifie que des délinquants soient détenus en prison ou même punis. Au Canada, les gens sont incarcérés parce qu'ils sont punis, pas pour y être punis. C'est là une tradition de longue date de notre pays — une tradition qui s'appuie sur la notion, corroborée par des preuves, que la prison ne fait qu'endurcir les délinquants et les rend moins adaptés à la vie en société.
De fait, comme les experts du SCC le confirmeront, les programmes axés sur la communauté et fondés sur des données probantes sont plus rentables et parviennent mieux à réduire la récidive. La neutralisation illimitée contrevient aux principes de la LSCMLC — ainsi qu'aux valeurs de la société canadienne — car cette loi prône la modération et la retenue dans l'application de la sanction la plus sévère autorisée par l'État. Ce préambule sonne donc le glas du principe de la retenue dans le recours à l'incarcération.
En fait, le thème sous-jacent du projet de loi C-2, c'est que — malgré les preuves — le Canada va importer des États-Unis le pire des remèdes qui n'ont rien donné pour abaisser les taux de criminalité et rendre les collectivités plus sûres. Un changement de philosophie aussi radical devrait, pour bien faire, être l'objet de débats soutenus par des experts et non pas être camouflé dans un texte législatif qui, dans son ensemble, aura vraisemblablement des répercussions profondes sur les principes et les pratiques en matière d'incarcération dans tout le Canada.
Les conséquences de ce préambule sont nombreuses et importantes. Or je n'ai ni le temps ni l'expertise nécessaires pour vous les expliquer en détail. Je souhaite simplement vous faire part officiellement de notre grande inquiétude et de notre conviction que les Canadiens devraient savoir que le projet de loi C-2 bouleverse les fondements de nos principes correctionnels sans être débattus au sein de la population ni même par des experts.
Deuxièmement, j'aimerais parler du processus entourant l'examen du projet de loi.
Quoique les éléments du projet de loi C-2 aient été examinés par le Parlement à la session précédente, ce projet de loi omnibus contient quelques nouvelles caractéristiques notables. Le renvoi accéléré du projet de loi C-2 à l'étape de la sanction royale suivant le processus utilisé par votre comité contrevient aux principes fondamentaux de la pratique démocratique inhérents au régime de gouvernement britannique, car il passe outre aux étapes des délibérations et de la réflexion. Nous avons au moins envers les Canadiens — si nous nous préparons à les incarcérer en plus grand nombre — le devoir de procéder à un débat vigoureux sur les conséquences de ce projet de loi et de nous engager à réduire le plus possible les pires préjudices qui seront inévitablement causés par le taux d'incarcération plus élevé.
Même si nous nous sommes déjà exprimés sur certains aspects des projets de loi précédents, le projet de loi C-2 est suffisamment complexe et s'assortit d'énormes conséquences sur ce qui suit, notamment —
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Je vous remercie tous de cette occasion de revenir vous parler.
Mes propos porteront uniquement sur ce qui était le projet de loi C-27, puisque d'après l'invitation que j'ai reçue, c'est ce qui vous intéresse particulièrement. Si vous avez des questions sur d'autres parties du projet de loi , je m'efforcerai d'y répondre.
La partie la plus préoccupante du projet de loi C-27, qui fait maintenant partie du projet de loi — En fait, il y a deux parties très préoccupantes. D'abord, ce projet de loi n'est pas nécessaire. En effet, il ne traite pas d'une dangerosité qui ne fait pas déjà l'objet du droit actuel. Le deuxième aspect très préoccupant comporte deux volets. Il y a d'abord l'élimination de la discrétion judiciaire, qui est inquiétante et qui est un thème récurrent dans divers projets de loi en matière de droit pénal. Deuxièmement, les dispositions sur l'inversion du fardeau de la preuve du projet de loi C-27 sont préoccupantes. Elles ne résisteront pas à une contestation judiciaire, si on se fie à la jurisprudence établie par la Cour suprême du Canada au cours des 20 dernières années.
Ce projet de loi ressemble à la loi américaine des trois fautes. Il y a certes des différences marquées, mais cette copie même vague du modèle américain n'est ni nécessaire ni réaliste.
Dans le droit actuel, le poursuivant peut demander l'évaluation d'un condamné, pour qu'il soit déclaré délinquant dangereux, et le juge peut ordonner cette évaluation. L'élément déclencheur est une condamnation pour une infraction ayant causé des sévices graves à la personne. Dans le droit actuel, cette catégorie comprend les actes criminels comportant des éléments de nature sexuelle ou de la violence, toute conduite qui met la vie de quiconque en danger y compris la violence psychologique. Une vaste gamme d'infractions est donc déjà comprise. Toujours en vertu du droit actuel, quand le rapport est produit, le juge doit croire hors de tout doute raisonnable qu'il s'agissait bien d'une infraction causant des sévices graves à la personne, des menaces envers autrui d'après certaines preuves — un comportement répétitif ou agressif —, ou que l'incident était d'une nature très brutale.
Du point de vue constitutionnel, la privation de liberté nécessitera une preuve hors de tout doute raisonnable lorsque sa durée sera indéterminée. En fait, ce fardeau de preuve est l'un des éléments qui a assuré la constitutionnalité des dispositions actuelles jusqu'ici. Actuellement, la demande peut être faite au moment de la détermination de la peine, ou dans les six mois qui suivent, ou même plus tard si de nouveaux faits sont connus. Dans le droit actuel, on ne laisse donc pas filer des contrevenants dangereux, on ne les laisse pas échapper aux griffes de nos lois, si vous voulez.
Actuellement, si les faits au dossier ne justifient pas une désignation de délinquant dangereux, le contrevenant peut se retrouver dans la sous-catégorie du délinquant à contrôler, pour lequel il y a un risque substantiel mais aussi une possibilité raisonnable de le contrôler. On peut ainsi récupérer certains contrevenants, quand il y a vraiment une possibilité de le faire.
Un des principes clés de la détermination de la peine au Canada, c'est d'imposer la peine la moins privative de liberté, quand c'est possible, pour respecter les objectifs de la détermination de la peine. Voilà pourquoi, dans l'affaire Johnson de 2003, on a statué que, lorsqu'un juge préside une audience de désignation de délinquant dangereux, il doit considérer si la personne peut être désignée délinquant à contrôler, si cette désignation est suffisante. Le droit actuel nous donne tous les moyens dont nous avons besoin.
La deuxième partie de mon exposé porte sur les aspects très préoccupants du projet de loi que sont l'élimination de la discrétion judiciaire et l'inversion du fardeau de la preuve. Actuellement, si un juge croit, d'après la preuve, qu'il faut désigner un contrevenant délinquant dangereux ou délinquant à contrôler, le code exige qu'il inflige une certaine peine : indéterminée dans le cas des délinquants dangereux, ou autre chose, pour le délinquant à contrôler. Une fois que le juge vous a déclaré délinquant dangereux, il n'y a plus de discrétion quant à la détermination de la peine. Il reste tout de même une discrétion judiciaire puisque le juge garde le pouvoir d'ordonner une évaluation faisant l'objet d'un rapport, et que le poursuivant doit prouver les allégations s'y rapportant. Dans le système proposé, le juge devra ordonner la production du rapport, et le poursuivant n'aura rien à prouver en raison de la présomption applicable.
Même si le poursuivant doit prouver certaines choses, soit les condamnations et les éléments de dangerosité prévus par le Code criminel, rappelons qu'il n'est pas tenu de prouver que c'est un cas désespéré, pour qu'un contrevenant soit déclaré délinquant dangereux. Dans certains cas, on a pu prouver qu'un traitement était possible, mais le contrevenant a tout de même été déclaré délinquant dangereux. Je pense à l'affaire Pedden, en Colombie-Britannique, en 2005.
Le poursuivant peut maintenant prouver qu'un comportement est celui d'un délinquant dangereux, sans avoir à faire état des condamnations préalables du contrevenant. Quelqu'un peut être déclaré contrevenant dangereux, actuellement, à partir d'un seul incident pour lequel il a été condamné.
Le poursuivant doit prouver qu'il existe une probabilité de comportement dangereux chez l'accusé, en raison de l'impossibilité pour lui de contrôler ses pulsions. Un comportement brutal peut n'arriver qu'une fois, comme on l'a vu dans l'affaire Langevin, devant la Cour d'appel de l'Ontario. On a donné au terme « conduite » des définitions allant jusqu'à l'écriture de textes relatifs au sadisme sexuel. Même des écrits peuvent être considérés comme une conduite, dans certaines circonstances, aux yeux de la loi, actuellement.
Signalons que l'élimination de la discrétion judiciaire et l'inversion du fardeau de la preuve supprimeraient deux protections importantes pour les justiciables. Un tel régime ne résisterait pas à une contestation judiciaire. L'arrêt Lyons, de 1987, a permis le maintien du régime actuel, parce qu'il y avait une discrétion accordée au procureur et parce que le fardeau de la preuve était réparti de manière à protéger les droits du justiciable.
En ce qui concerne la discrétion judiciaire, il importe que je vous rappelle que vous n'avez pas entendu de juges. Étant donné leur devoir de réserve, ils ne peuvent venir vous parler.
[Français]
— obligation de réserve —
[Traduction]
L'application des principes de détermination de la peine exige que l'on tienne compte de nombreux éléments. Les peines minimales obligatoires telles que celles prévues dans le projet de loi éliminent le pouvoir discrétionnaire des juges, qui ont les mains liées, ce qui les empêchera d'atteindre des résultats équitables.
Mon collègue a parlé de l'expérience américaine relativement aux peines minimales obligatoires. En réalité, elles ont touché principalement les personnes de milieux défavorisés, les minorités, sans parler des personnes qui ont des difficultés d'apprentissage ou qui sont moins instruites. Nous observons déjà une représentation disproportionnée des membres des premières nations dans les prisons canadiennes. Cette loi aura-t-elle pour effet d'exacerber la situation?
Je vais sauter la partie sur la situation américaine, mais si vous avez des questions, j'ai des observations à ce sujet.
En éliminant le pouvoir discrétionnaire des juges, à cause de la menace de désignation de délinquant dangereux et du fardeau presqu'impossible pour l'accusé, on accorde énormément de pouvoir à certains procureurs de la Couronne. Ce système serait-il utilisé pour forcer les accusés à plaider coupables : « Si vous plaidez coupable, je ne ferai pas de demande de désignation de délinquant dangereux »? Voulons-nous vraiment ce genre de coercition dans notre système de justice pénale?
Ceux qui se feront piéger seront les démunis, les membres des minorités et les Autochtones. Combien de fois cette menace poussera-t-elle les accusés à plaider coupables pour éviter la désignation, et qu'est-ce que cela nous apporte? Nous ne saurons pas quel crime a réellement été commis. Avant de se pencher sur la demande de désignation de contrevenant dangereux, les avocats essaieront d'éviter les peines minimales obligatoires de deux ans pour les premières infractions, parce que, chaque fois que vous recevez une autre peine minimale obligatoire de deux ans, vous courez le risque qu'à la prochaine infraction, votre client soit désigné contrevenant dangereux. Cela va-t-il biaiser tout le système? Il faut se poser cette question.
En vertu du nouveau système, il existe 25 infractions désignées. Cette liste comprend les voies de fait, le fait de braquer une arme à feu, etc. Les peines minimales obligatoires signifient que beaucoup de ces infractions désignées deviendront passibles de deux ans d'emprisonnement, quelle que soit la gravité objective de ces actes. Un jeune toxicomane qui sort avec ses amis et commet deux vols séparés est-il vraiment un contrevenant dangereux parce que les deux vols se sont produits pendant les six mois de sa vie où il avait un problème de toxicomanie? Deux condamnations à deux ans de prison pour deux infractions désignées pousseront le procureur à faire une demande de désignation de contrevenant dangereux.
Sur les 12 infractions désignées primaires — si vous les regardez —, l'agression sexuelle désigne absolument tout, du simple toucher à l'agression grave. Décharger intentionnellement une arme à feu engendre une peine minimale obligatoire. On envisage de revenir à de vieux articles pour les infractions primaires désignées. Vous avez les anciens articles. Jusqu'où allons-nous remonter? Si votre première condamnation à deux ans de prison date d'il y a 20 ans et que vous avez été condamné à un an de prison minimum obligatoire pour une deuxième infraction, vous êtes un contrevenant dangereux. Cela reflète-t-il vraiment le caractère dangereux de cette personne? La Couronne demandera une désignation d'infraction dangereuse dans ce type de cas, et ici, il y a renversement du fardeau de la preuve.
La nouvelle loi prévoit le renversement du fardeau de la preuve pour les infractions primaires, mais certains diront que cette liste d'infractions peut sembler arbitraire. L'agression sexuelle est une catégorie très vaste. La prise d'otage semble très dangereuse, mais il s'agit uniquement d'une infraction désignée. Cela répond-t-il au critère constitutionnel du caractère arbitraire? Le caractère arbitraire sera extrêmement important dans les contestations constitutionnelles.
Le renversement du fardeau de la preuve ne s'applique qu'à la catégorie des infractions primaires. Il est injuste qu'à une même audience de contrevenants dangereux, certains profitent des règles habituelles parce que le renversement de la preuve ne s'applique pas, quelle que soit la violence de leur crime, parce qu'ils n'ont pas de casier judiciaire. Or, pour d'autres accusés, le fardeau de la preuve est renversé et, dans certaines circonstances, ceux-ci n'ont absolument aucune chance. Donc, en vertu du principe de la présomption d'innocence, dans le cas de ces 12 infractions, pour des raisons arbitraires, puisque ces infractions n'ont même pas été choisies en raison du fait qu'elles sont toutes punissables des mêmes peines maximales, ce petit groupe de personnes, ou ces contrevenants, si vous voulez, ne pourront profiter des règles habituelles. C'est sur cette inégalité que se fonderont les contestations constitutionnelles.
Monsieur le président je vais aller plus vite.
La justification et la jurisprudence qui font état du besoin du renversement du fardeau de la preuve sont exceptionnelles. J'ai plusieurs observations sur le renversement du fardeau de la preuve et sur les critères constitutionnels, mais je les réserve pour la période des questions.
Lors d'une audience de contrevenant dangereux, le renversement du fardeau de la preuve soulèvera d'autres questions. L'accusé essaiera de prouver qu'il ne représente pas un danger. Il fera venir des experts. Ceux-ci l'auront examiné. La Couronne ne peut pas forcer l'accusé. Comment va-t-elle contester cette preuve? Ce sont des problèmes pratiques auxquels personne n'a réellement songé.
De la même façon, lorsqu'il y a renversement du fardeau de la preuve pour une deuxième infraction, soit lorsque le tribunal détermine que l'accusé est un contrevenant dangereux, il doit préconiser une condamnation de durée indéterminée à moins d'estimer qu'une peine moins sévère permettrait tout de même de protéger la population. Le deuxième renversement de la preuve est également superflu et rien ne semble indiquer que les contrevenants récidivistes dangereux ne sont pas déjà couverts par le système.
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Merci, monsieur le président.
Je souhaite remercier les témoins d'être venus aujourd'hui, d'avoir accepté notre invitation malgré le peu de préavis.
J'ai quelques questions pour l'Association des chefs de police. Monsieur Pecknold, vous avez dit que le temps des solutions rapides était révolu et que les simples replâtrages ne suffisaient pas. Vous avez dit qu'il fallait revoir complètement notre système de justice pénale, et ce, le plus vite possible. Vous avez signalé que vous étiez prêt à répondre à des questions sur certains articles du projet de loi C-27, et j'ai deux questions à ce sujet.
Si vous avez pris connaissance du projet de loi C-27 d'origine et avez étudié l'article sur les contrevenants dangereux qui figure dans le C-22, vous avez remarqué que le gouvernement a proposé quatre amendements importants dont l'un porte sur le délinquant à contrôler et les violations de l'ordonnance de surveillance de longue durée. Il s'agit en réalité d'une proposition libérale, car, à notre avis, si quelqu'un est considéré comme un délinquant à contrôler en vertu du système actuel, cela veut dire, bien des fois, que cette personne a déjà subi une audience visant à déterminer si elle devait être considérée délinquant à contrôler, qu'elle a été désignée comme dangereuse, mais que le juge a tenté de déterminer si la désignation de délinquant à contrôler et l'ordonnance de surveillance de longue durée suffisaient à protéger la communauté, etc.
Au sujet du pouvoir discrétionnaire de la Couronne de présenter une demande de désignation, en vertu du projet de loi C-27, et compte tenu du projet de loi C-2, pensez-vous...? Est-ce que l'Association s'est demandé, advenant que l'on cherche vraiment à protéger les Canadiens et à avoir des collectivités plus sûres, s'il ne valait pas mieux s'assurer qu'il y a une réelle évaluation, un réel déclencheur automatique — il pourrait s'agir de la deuxième ou de la troisième condamnation, pour répondre aux préoccupations dont Me Schurman a parlé, au sujet des infractions arbitraires? De cette façon, il y aurait une évaluation menée par un expert du contrevenant, récidiviste dans la plupart des cas. Si cette évaluation indique que la personne ne devrait pas être désignée contrevenant dangereux, elle fournit tout de même suffisamment d'information aux services correctionnels, par exemple, pour que le contrevenant suive les programmes appropriés, la thérapie adéquate, selon ce qui est nécessaire pour améliorer ses chances de réadaptation ou nous permettre de contrôler le risque qu'il représente pour la collectivité et de diminuer la possibilité de récidive. Nous pourrions avoir un système comme celui-ci plutôt que celui proposé dans le C-2, en vertu duquel pour une troisième condamnation, la Couronne présentera une demande de désignation. Rien ne garantit que la Couronne... Et vous risquez alors la situation dont Me Schurman a parlé, où les accusés plaident coupables en échange d'une accusation moins grave.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Il m'apparaît important de répéter que la partie de ce projet de loi visant les délinquants dangereux a été conçue pour s'appliquer précisément aux pires criminels, aux criminels endurcis de notre société. Ne prétendons pas, comme le laissent entendre certaines observations qui ont été faites ici, que ces dispositions ratissent si large qu'elles toucheront aussi des délinquants qui ne méritent pas d'être désignés dangereux, car c'est tout à fait faux. Ceux qui seront désignés dangereux seront les pires criminels, ceux qui ne peuvent tout simplement assumer la responsabilité de leurs actes. J'estime important de le répéter afin que ceux qui regardent nos délibérations aujourd'hui comprennent bien pourquoi ces dispositions existent.
Deuxièmement, madame Schurman, je vous sais gré de nous avoir fait part de votre point de vue de juriste. Vous avez fait du très bon travail. Votre contribution est importante. Mais permettez-moi de vous faire remarquer, aux fins du compte rendu, que ce projet de loi n'a pas été rédigé sur une serviette de papier en deux ou trois heures; il a été rédigé avec l'aide des meilleurs juristes et constitutionnalistes auxquels le a pu faire appel. Ceux qui ont approuvé la version définitive de ce projet de loi l'ont fait sachant qu'il pourrait faire l'objet d'une contestation aux termes de la Charte ou de la Constitution, mais sachant aussi que cette mesure législative serait jugée constitutionnelle ou conforme à la Charte. J'estime que cela doit aussi figurer au compte rendu.
Il y a donc divergence d'opinion chez les juristes et il est probable que ce sera la Cour suprême qui tranchera. Je vous remercie donc de vos observations.
Avant de terminer, j'aimerais poser une question sur le renversement du fardeau de la preuve, qui semble effrayer M. Jones et qui semblait effrayer des témoins que nous avons entendus hier.
Je crois savoir que, à l'heure actuelle, la charge de la preuve est inversée pour les demandes de libération conditionnelle. Autrement dit, celui qui demande à être libéré sous condition doit prouver à la Commission nationale des libérations conditionnelles qu'il mérite d'être remis en liberté.
Cela semble avoir assez bien fonctionné jusqu'à présent. Celui qui ne peut prouver à la Commission des libérations conditionnelles qu'il devrait être libéré sous condition n'obtiendra tout simplement pas une libération conditionnelle.
J'essaie de comprendre pourquoi on hésite tant à imposer un fardeau semblable à celui qui a déjà été reconnu coupable d'un crime. Il ne s'agit pas de déterminer la culpabilité puisque l'accusé a été condamné. Il s'agit plutôt pour lui de démontrer au juge pourquoi il ne devrait pas être désigné dangereux, si c'est ce que la Couronne demande.
C'est simplement une nouvelle application d'une procédure qui existe déjà. Je ne vois donc pas pourquoi les avocats de la défense, en particulier, ont tant d'appréhension. Tout ce que ça changera pour eux, c'est qu'au lieu de devoir défendre leurs clients, ils devront faire la preuve de ce qu'ils avancent.
Qu'en pensez-vous?
Madame Schurman, vous avez parlé de coûts, terme qui m'a quelque peu étonné, qu'il s'agisse des coûts liés au système carcéral ou, ainsi que M. Craig Jones l'a affirmé, des coûts inhérents aux mesures à prendre par rapport à un grand criminel. J'aimerais cependant vous rappeler, ainsi qu'à tous ceux et celles qui suivent cette audience, qu'on néglige un autre coût très lourd, soit celui que doivent assumer les victimes. Tout le monde ici connaît ou connaîtra une victime. Nous pouvons tous nous imaginer ce que ce serait s'il s'agissait de notre soeur, de notre frère ou d'un autre parent ou encore d'un ami ou d'un voisin, et nous l'avons d'ailleurs observé. Nous avons aussi pu voir quelles sont les affreuses séquelles de cela — des vies, des familles et des collectivités détruites. Il faut donc équilibrer les choses ici.
Plus des deux tiers de notre population demandent des mesures de protection inexistantes à l'heure actuelle. Les gens ont besoin de voir le balancier revenir davantage dans l'autre sens. C'est bien ce qu'ils nous disent. Nous estimons donc qu'il faut trouver le moyen de le faire. Les amendements au Code criminel ne sont pas une panacée, je l'admets, mais leur absence fait partie du problème. Bien sûr, les causes sociales sont d'une importance primordiale. La réinsertion sociale aussi.
Maintenant, en ce qui concerne la partie du projet de loi portant sur les délinquants dangereux, j'aimerais poser quelques questions, soit à M. Pecknold, soit à M. Pichette.
Étant donné votre expérience dans le domaine judiciaire, dans la police, si vous faites face à un délinquant violent, avez-vous observé...? Estimez-vous que ces criminels risquent de récidiver, ou est-ce que le crime qu'ils ont commis restera unique? Avez-vous déjà observé des cas où on ne commet qu'un crime? Est-ce bien ce que vous avez observé, ou bien à l'occasion, avez-vous vu des criminels qui risquent de récidiver?