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Je m'appelle Bob Kingston et je suis président de l'élément agriculture de l'AFPC qui représente la plupart des employés travaillant dans le portefeuille de l'agriculture.
Contrairement à ce qu'a déclaré le ministre, j'ai bien été inspecteur pendant 25 ans, dont 15 comme superviseur. Je suis aussi vérificateur principal certifié.
Je crois que vous avez tous en main un imprimé de mon exposé. Celui-ci comporte des onglets renvoyant à des articles de journaux qui, malheureusement, n'ont pas été traduits, et que nous ne déposons donc pas en tant que documents officiels. Le recueil des documents référencés accompagne l'exposé. Une grande partie des informations contenues dans ces documents est extraite de témoignages qu'a entendus le comité.
Nous entendons vous parler plus particulièrement de l'inspection des viandes transformées dans le cadre du système de salubrité des aliments, parce que c'est cet élément qui a été au coeur de la crise de l'été dernier. Je pense que tout cela a fait l'objet d'une analyse approfondie, avant et après la crise, au point que nous pouvons sans doute tirer certaines conclusions quant aux niveaux de ressources de l'ACIA, ce qui est notre principal objectif ici.
La troisième page de l'exposé présente l'historique et l'évolution de l'inspection des viandes transformées. Comme je le disais, il existe déjà beaucoup de documents à ce propos et il ne sera pas nécessaire de nous éterniser sur le sujet.
Je tiens, cependant, à préciser qu'à la quatrième page, nous mettons la prévention en opposition aux rappels et aux enquêtes. Beaucoup de témoins ont déclaré que la seule façon saine d'aborder la surveillance de la salubrité des aliments au Canada consiste à effectuer des tests bactériens et microbiologiques qui constituent la seule base scientifique possible d'application des règlements. Eh bien, nous nous inscrivons en faux contre cela pour deux raisons. Premièrement, cette façon de faire revient à refermer la porte des écuries quand les chevaux sont déjà en liberté. De plus, on n'insistera jamais assez sur la valeur que représentent les inspections in situ.
Le fait de déployer des inspecteurs sur place, dans les établissements, permet d'atteindre plusieurs objectifs. Avant tout, la présence d'un inspecteur a un effet positif sur le comportement des employés des établissements. En général, les exigences sont respectées avec beaucoup plus de rigueur. C'est un peu comme conduire en étant suivi par un policier. On est alors beaucoup plus porté à respecter les limites de vitesse. De plus, quand nos inspecteurs sont présents sur les lieux de production, les employés sont davantage portés à leur parler. Ainsi, s'ils sont mécontents de certaines choses, ils le disent à l'inspecteur, encore faut-il que celui-ci soit sur place. Aucune chance que cela se produise si l'inspecteur est enfermé dans un bureau à remplir des papiers. Au fil des ans, on a constaté que les renseignements obtenus auprès d'employés des établissements étaient très précieux.
Par ailleurs, les inspecteurs chevronnés peuvent détecter les signes avant-coureurs d'une contamination à la listeria — pas uniquement à la listeria d'ailleurs, mais d'autres types de contaminations microbiennes. Les inspecteurs sur place peuvent en effet constater la présence de condensation et de moisissures excessives. À l'expérience, ils savent quand l'humidité est trop élevée. Ils peuvent voir quand des courroies de transporteurs à bande sont effilochées ou fissurées, conditions qui en rendent la désinfection difficile. Ainsi, quand ils lisent un rapport leur indiquant que la désinfection est parfaite, s'ils savent qu'il existe un problème de matériel sur la chaîne de production, ils sont en mesure d'aller jeter un coup d'oeil, de confirmer la situation et de mettre en doute le rapport. Ils sont également en mesure de constater les pratiques des employés, qu'il s'agisse de désinfection ou autre. Nous estimons que cela aussi est très important.
À la page suivante, nous expliquons que l'ACIA manque de ressources. Je tiens à vous souligner deux choses à cet égard. Nous avons analysé le temps nécessaire à l'exécution correcte des tâches du système de vérification de la conformité. Nous avons établi que, pour remplir toutes les étapes prévues, il faut environ 800 heures dans le cas d'un établissement d'aliments prêts-à-consommer, encore une fois si l'on fait les choses correctement. Nul besoin d'être mathématicien pour s'apercevoir qu'un inspecteur ne peut pas s'occuper de plus de deux établissements de ce genre. On ne peut pas lui confier la surveillance d'une autre demi-douzaine d'emplacements. Pour que les choses soient bien faites, il ne faut pas demander à l'inspecteur de s'occuper d'autres établissements.
Je sais que le cabinet du ministre et l'ACIA ont voulu montrer que ces problèmes de ressources ne sont pas vraiment très graves et que tout va bien aller. Toutefois, lors d'un exposé au ministre, en janvier, la présidente de l'ACIA lui a expliqué que l'agence éprouvait de grosses difficultés pour faire faire le travail. L'agence avait de la difficulté à se conformer aux exigences du programme, outre qu'elle était aux prises avec d'autres problèmes de ressources. Cela a donc été bien expliqué. Ceux que ça intéresse trouveront un complément d'information à ce sujet à l'onglet 3.
Il est beaucoup question, depuis l'été dernier, de l'embauche d'inspecteurs. On vous a parlé de 175 à 200, puis de 258 nouveaux inspecteurs. Le chiffre semble dépendre de l'interlocuteur et du jour. L'effectif supplémentaire d'inspecteurs à l'ACIA représente simplement l'augmentation d'EG, soit le groupe professionnel de soutien technologique et scientifique. Ce groupe se décline sur un ensemble de professions allant des techniciens qui effectuent des tests microbiens en laboratoire à ceux qui font des essais de germination sur semences. Ce personnel peut aussi faire des études sur le nématode à kyste de la pomme de terre, par exemple — ce qui est le cas pour un grand nombre d'entre eux. Juste avant ça, le Conseil du Trésor avait donné son approbation pour embaucher 200 inspecteurs dans le cadre du Programme des espèces exotiques envahissantes. D'ailleurs, la vérificatrice générale a abondamment écrit à ce sujet dans son dernier rapport.
Ainsi, il est assez faux de prétendre que 175, 200 ou 258 inspecteurs ont été recrutés pour faire du travail de terrain dans le domaine de l'hygiène des viandes. On n'aurait jamais dû affirmer une telle chose. Il manque encore d'inspecteurs à l'ACIA pour l'inspection des aliments. À l'occasion d'une entente sur les services essentiels, conclue avec l'agence, nous avons examiné les effectifs dans chaque catégorie pour déterminer le nombre d'inspecteurs et avons constaté qu'il n'y en a que 1 200 dans le domaine des aliments. Cela veut dire qu'il y en avait environ 200 en formation en plus de 100 superviseurs; quand on retire ces deux catégories, on se retrouve avec 1 200 inspecteurs opérationnels. Il y en a moins de 200 qui s'occupent de la viande transformée.
Comme elle a trop peu de ressources pour s'acquitter d'une tâche aussi monumentale, l'ACIA se retrouve souvent dans l'impossibilité de faire appliquer la législation et d'imposer les mesures correctives à la demande des inspecteurs. Les vérifications exigées — du moins celles prévues — sont rarement effectuées et n'ont jamais été menées à terme.
À cause de ce manque de ressources, il n'y a pas assez de temps pour former les nouveaux inspecteurs. Il est très difficile de libérer les inspecteurs, qui se consacrent habituellement au Programme d'hygiène des viandes, pour assurer la formation. Dès lors, beaucoup d'inspecteurs n'ont jamais reçu la formation appropriée au système de vérification de la conformité, ni la formation spécifique au travail de vérification, deux fonctions qu'ils doivent assumer en vertu de ce nouveau système. Nous estimons que c'est là un grave problème.
Les deux personnes de qui je voulais me faire accompagner n'ont pas pu être présentes aujourd'hui. Elles sont personnellement au courant de la situation qui a donné lieu à l'incident survenu à l'établissement Maple Leaf du chemin Bartor.
Ce que je peux vous dire, en revanche — bien qu'il s'agisse là d'un renseignement de seconde main — c'est que les vérifications annuelles antérieures à ce problème n'avaient pas été menées à terme. Les vérifications trimestrielles réalisées avant la mise en oeuvre du SVC ont été interrompues en 2007. Ici, nous disons que les heures supplémentaires ont été interdites. Le terme est mal choisi, mais c'est que le personnel d'inspection a eu l'impression que les heures supplémentaires étaient effectivement interdites. Ce que les inspecteurs nous ont régulièrement signalé...
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Merci, monsieur le président.
Je ne sais pas quel salaire gagnent les inspecteurs, mais je suis sûr que vous le savez. D’après ce qu’ont dit mes collègues d’en face, le gouvernement aurait investi un important montant dans le système. J’ai donc choisi des chiffres approximatifs de salaire que j’ai multipliés par 200 afin de déterminer ce qu’il en coûterait pour doubler les 200, c’est-à-dire ajouter 200 inspecteurs de plus dans les établissements de produits prêts à manger. D’après mes calculs, cela nécessiterait environ 18 p. 100 de l’argent affecté à cette nouvelle augmentation, s’il est possible de la quantifier. À cet égard, j’accepte la parole de mes collègues.
Il me semble que, pour 18 p. 100 de cet argent, nous pourrions doubler le nombre des inspecteurs dans les établissements de produits prêts à manger. J’insiste sur ces établissements à cause de ce qu’ont dit d’autres témoins de la salubrité des aliments. D’une certaine façon, il y a une différence entre la contamination à la listeria dans les établissements de produits PAM et les autres établissements. En général, les autres aliments sont cuits. Et d’après les témoins qui ont comparu, une cuisson adéquate tue la listeria. Dans le cas des produits PAM, il est évident que les aliments ne sont pas ordinairement cuits parce qu’il s’agit le plus souvent de viandes froides. Il n’y a donc pas de cuisson, sauf peut-être dans le cas des étudiants pauvres qui font cuire de gros tronçons de mortadelle, comme nous le faisions à l’université.
S’il est possible de redresser la situation pour 18 p. 100 de l’argent que le gouvernement a prévu, cela me semble très peu coûteux, car il serait alors possible de dire aux Canadiens qu'ils peuvent de nouveau avoir confiance dans le système d’inspection des aliments prêts à manger. Il me semble qu’il est du devoir du gouvernement et de l’ACIA, à titre d’organisme du gouvernement, d’agir ainsi. Les inspecteurs veulent pouvoir rentrer chez eux. Ils ont des voisins, ils ont une famille et des amis qui, sachant ce qu’ils font pour vivre, doivent sûrement leur demander si tel ou tel produit est assez sûr à consommer.
Que pensez-vous de ce chiffre de plus ou moins 18 p. 100?
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Je voudrais d’abord préciser une chose. J’ai deux périodes de service distinctes à Agriculture Canada et à l’Agence canadienne d’inspection des aliments. La première se situait entre 1981 et 1987. Je travaillais alors en abattoir. C’était très différent de ce que je fais maintenant. À cette époque, nous appliquions le vieux système dans lequel il fallait être présent et procéder à des inspections de nature organoleptique. Il y avait très peu de transformation et de produits finis prêts à manger.
J’ai été absent pendant sept ans avant de reprendre mes fonctions dans mon poste actuel en 1994. À mon arrivée et jusqu’en 1997, c’était encore Agriculture Canada, mais la transition à l’ACIA se préparait déjà. Sur le plan des procédures et des systèmes, il a fallu intégrer les éléments du vieux système qu’il était possible d’utiliser dans le nouveau système que l’Agence commençait à mettre en place. J’ai alors appris le système PAM. Le programme HACCP était en préparation, et j’ai commencé aussi à l’apprendre dans le cadre du Programme d’amélioration de la salubrité des aliments. À cette époque, j’ai fait cinq ou six ans à titre de contractuel dans les abattoirs, parce que c’était ma spécialité. Ensuite, j’ai voulu monter dans la hiérarchie de l’Agence. Je voulais m’améliorer et transformer le travail que je faisais en vraie carrière.
Je crois que la salubrité des aliments est d’une extrême importance pour tout le monde. Nous devons tous manger, et nous voulons être sûrs de la salubrité de ce que nous consommons. Je suis persuadé que la combinaison de mon expérience du vieux système et la formation que j’ai reçue sur le système actuel de l’ACIA et sur le SVC, bref, la combinaison des deux disciplines me permet de faire un meilleur travail.
Je suis satisfait de ce que je fais. J’ai l’impression que mon travail est efficace, mais, comme partout ailleurs et comme d’autres l’ont dit ce soir, il y a toujours des problèmes à régler.
Je n’ai pas d’observations à faire sur un domaine que je ne connais pas. Il serait préférable d’interroger ceux qui ont pris les décisions concernant ces politiques et ces programmes. Toutefois, je crois que, dans l’ensemble, nous avons un très bon système de contrôle de la salubrité des aliments. Comme je l’ai déjà dit, je suis très satisfait de ce que je fais pour vivre. Si je peux travailler quelques années de plus, même après l’âge de la retraite, j’en serais très heureux. Par conséquent, je n’ai pas du tout l’impression en ce moment que c’est très difficile.
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J'ai été, pendant 35 ans, inspecteur à l'Agence canadienne d'inspection des aliments. J'ai travaillé dans des abattoirs et des usines de transformation de la viande et j'ai effectué l'essentiel de ma carrière au sein de l'ACIA, en tant qu'inspecteur à la frontière. J'étais responsable de deux centres d'inspection de viande importée homologués par l'ACIA.
C'est moi qui ai rédigé le manuel de l'ACIA destiné aux inspecteurs des viandes et qui ai élaboré et donné aux inspecteurs de l'ACIA en Ontario, le cours de formation en inspection des viandes importées. Ce cours forme la base nationale de la formation assurée aux inspecteurs chargés des importations. J'ai contribué, en outre, à la révision du nouveau chapitre 10 du manuel de procédures applicables aux importations de viande.
En 2005, j'ai pris ma retraite de l'ACIA et j'ai entamé une nouvelle carrière dans l'industrie de la viande. Tant au cours de ma carrière à l'ACIA que maintenant, dans le secteur privé, j'ai eu l'occasion de constater de nombreuses insuffisances dans la manière dont l'ACIA procède à l'inspection des viandes importées.
Il me faut préciser d'emblée que la majorité des importateurs canadiens de viande souhaitent importer des produits sains qui répondent en tous points aux exigences de l'ACIA. Ils ne tentent pas d'éluder la réglementation et de mettre en péril la santé des Canadiens. Cela dit, l'ACIA a donné aux importateurs et exportateurs sans scrupules, la possibilité d'écouler ici des produits carnés de qualité inférieure qui créent effectivement des risques pour la santé des Canadiens. Ce faisant, l'ACIA risque de fragiliser la réputation des importateurs canadiens de viande, car les lacunes de son système d'inspection ne permettent pas de garantir la salubrité des produits et leur conformité aux normes canadiennes. Cela étant, les importateurs risquent en toute bonne foi de prendre livraison et de distribuer des produits carnés de qualité inférieure.
Je souhaite maintenant vous décrire les six principaux problèmes que j'ai pu constater tant au long de ma carrière d'inspecteur de l'ACIA que dans l'exercice de mes fonctions actuelles au sein de ce secteur.
Le problème numéro un est qu'il n'y a plus d'inspecteurs de l'ACIA aux points d'entrée. Il n'y a, en effet, désormais plus d'inspecteurs de l'ACIA aux points d'entrée et, donc, plus d'inspections. Seuls les animaux vivants font, de la part de l'ACIA, l'objet d'une inspection vétérinaire. Je vois en cela une menace réelle et croissante pour la sécurité publique, dans l'optique notamment du bioterrorisme. Contrairement aux États-Unis, qui ont renforcé les inspections et accru le nombre d'inspecteurs aux points d'entrée, le Canada, par le truchement de l'ACIA, a supprimé les inspecteurs à tous les points d'entrée.
L'ACIA a cédé les responsabilités en ce domaine à l'Agence des services frontaliers du Canada, qui, cependant, n'a ni les connaissances ni la formation nécessaires pour relever les indices d'insalubrité ou de dénaturation de produits carnés. Les agents de l'ASFC qui interviennent en première ligne ne sont pas en mesure de repérer les arrivages de viande non conformes aux dispositions de la Loi sur l'inspection des viandes.
Lorsque j'étais inspecteur de l'ACIA en poste à la frontière, chaque mois je décelais plusieurs cargaisons de viande transportée dans des conteneurs sales, mal odorants en raison soit de cargaisons antérieures de produits chimiques ou de poisson, avec des planchers troués, ou des systèmes de réfrigération qui ne fonctionnaient pas. On tombait sur de la viande et des volailles avariées ou ne correspondant pas à ce qui était inscrit sur le certificat d'importation ou sur les documents douaniers.
Le deuxième problème provient du fait que les exportateurs sont avertis de trois à 30 jours à l'avance si la cargaison de viande exportée vers le Canada sera soumise à une inspection visuelle, une inspection complète ou dispensée d'inspection. Cela étant, les exportateurs peuvent choisir les viandes qui feront partie de la cargaison qui va effectivement être inspectée. Cela permet à des exportateurs malhonnêtes d'écouler sur le marché canadien des produits carnés de qualité inférieure, voire insalubres. Cela offre aussi de grandes possibilités à ceux qui envisageraient des attentats bioterroristes. Les importateurs ont pour leur part la possibilité de faire de fausses déclarations au sujet de leurs importations de volaille, ce qui nuit à une bonne gestion des approvisionnements par le système de quotas.
Étant donné que l'on indique à l'avance quels seront les chargements inspectés, les cargaisons de viande se prêtent à la contrebande. L'ASFC a découvert, par exemple, des stupéfiants cachés parmi des cargaisons d'aliments. Les exportations de viande en direction des États-Unis, par contre, sont soumises à des inspections aléatoires, l'exportateur ne sachant pas ce qu'il en sera avant que son chargement soit arrivé à un centre d'inspection homologué par le ministère américain de la sécurité intérieure et situé à proximité de la frontière. C'est tout à fait le contraire de ce que fait le Canada.
Le troisième problème provient du fait que de nombreuses cargaisons de viande devant pourtant faire l'objet d'une inspection complète ou d'une inspection visuelle ne sont en fait pas présentées à l'inspection. D'après des statistiques que j'ai pu obtenir en vertu des dispositions de la Loi sur l'accès à l'information, entre le 1er janvier 2000 et le mois de décembre 2007, 2 936 cargaisons dont l'ACIA avait ordonné l'inspection n'ont pas, en fait, été inspectées. Personne ne peut dire si ces cargaisons contenaient effectivement les aliments officiellement déclarés ou des substances illicites telles que des stupéfiants ou des produits présentant un danger de contamination ou un risque biologique. Personne ne peut dire non plus si, dans la mesure où il s'agissait effectivement d'aliments, ceux-ci répondaient aux normes canadiennes de sécurité alimentaire. Aucune sanction n'a été prise à l'encontre de ces importateurs attitrés.
Aux États-Unis, c'est l'exportateur et non pas l'importateur qui doit présenter son chargement à l'inspection. L'exportateur est tenu d'acquitter le prix d'une caution en douane correspondant à trois fois la valeur de la cargaison. Dans l'hypothèse où l'exportateur ne présente pas sa cargaison à l'inspection, il devra acquitter une amende égale à trois fois la valeur de la cargaison, plus les frais de rappel de la cargaison de viande.
Le problème numéro quatre provient du fait que ce ne sont pas les inspecteurs de l'ACIA chargés des importations de viande qui s'occupent des analyses bactériologiques ou des analyses des résidus des viandes importées. Cela accroît le risque de pathogènes pouvant entraîner la maladie ou la mort, et augmente la menace d'éventuels attentats bioterroristes. J'ai pu apprendre, grâce à l'AIPRP, qu'entre le 1er janvier 2006 et le 13 novembre 2008, seulement 370 échantillons de produits carnés fermentés prêts à consommer avaient été envoyés par des inspecteurs de l'ACIA pour une analyse microbiologique. Cela ne correspond pas du tout aux normes minimums de l'ACIA. De ces échantillons, huit ont testé positifs pour la listeria monocytogenes, quatre pour la salmonelle, un pour le staphylocoque et quatre pour un autre type de listeria.
Le problème numéro cinq est le fait qu'il s'est développée au sein de l'ACIA une culture interne non productive. En raison d'une insuffisance des effectifs, d'un manque de motivation, et d'une formation insuffisante, il arrive en effet que les inspecteurs ne suivent pas, dans le cadre de leurs inspections de viande importée, les procédures prévues. Les inspecteurs doivent tenter d'insérer leurs tâches d'inspection dans les autres fonctions qui incombent au service telles que l'inspection des abattoirs et d'autres usines de transformation alimentaire.
Récemment, l'ACIA a instauré un système de contrôles qui prennent beaucoup de temps et, ainsi que vous l'ont dit plus tôt d'autres témoins, pour arriver à accomplir ce travail, les inspecteurs ont dû couper les angles.
L'ironie est que la réglementation américaine exige que tout établissement relevant des compétences de l'ACIA fasse l'objet d'une inspection quotidienne sans quoi l'établissement en question ne pourra pas exporter sa viande vers les États-Unis. Cela augmente le temps que les inspecteurs de l'ACIA doivent affecter à leurs inspections et à leurs déplacements. Il semblerait que l'ACIA attache davantage d'importance aux exportations qu'aux importations.
Les gestionnaires encouragent les inspecteurs des viandes importées à couper les angles afin de s'adapter aux besoins de la clientèle, et, je le répète, les inspecteurs des viandes importées au Canada n'ont pas la formation nécessaire. En effet, pour pouvoir correctement faire ce travail, un inspecteur de l'ACIA doit être correctement formé. Il doit avoir des connaissances en matière de pathologie, savoir déceler les fautes d'habillage et avoir suivi avec succès les cours de l'ACIA de transformation de la viande et d'intégrité des boîtes de conserve et, en outre, être certifié par Santé Canada. Il doit, de plus, avoir suivi le cours de l'ACIA destiné aux commis-bouchers ainsi que le cours de formation nationale de l'ACIA en inspection des viandes importées, et connaître les exigences de l'ACIA en matière d'étiquetage des produits carnés. Il lui faut être capable de prélever correctement des échantillons et de les soumettre à un laboratoire avec toute la documentation voulue. Il doit par ailleurs connaître les règlements applicables au transport des importations de viande, avoir une bonne connaissance du fonctionnement des centres de service de l'ASFC et de l'ACIA ainsi que des procédures de dédouanement applicables aux importations de viande. Il doit être certifié en tant que préposé au classement des volailles afin de pouvoir inspecter les volailles importées, connaître le Programme d'activités multisectorielles (PAMS) ainsi que le système de suivi et de contrôle des importations et, en outre, maîtriser le chapitre 10 du Manuel des méthodes de l'hygiène des viandes.
Une telle formation suppose des heures et des heures de cours et des mois de formation pratique dans les abattoirs et les usines de transformation de la viande, ainsi qu'un stage auprès d'un inspecteur spécialisé dans les importations de viande. Aujourd'hui, on voit des gens qui, après seulement quelques semaines de formation, sont affectés à l'inspection des importations de viande.
Le problème numéro six est lié à un conflit d'intérêts. Dans de nombreuses usines de transformation de la viande, les inspections ont lieu sur place. Or, souvent, les chargements de viande arrivent au fur et à mesure et en fonction des besoins et les inspecteurs de l'ACIA sont obligés de procéder à la hâte et, par conséquent, de ne pas suivre les procédures prévues. Dans certains cas, lorsqu'une inspection révèle un défaut de qualité, au lieu de simplement refuser la marchandise, l'inspecteur se laisse persuader de la laisser remanier. Or, aux termes de l'article 9 de la Loi sur l'inspection des viandes, il est interdit de remanier un produit de viande afin de le mettre en conformité avec les normes canadiennes. Un tel produit doit être rejeté.
Les difficultés ne se limitent pas à cela, car il y a aussi, par exemple, le problème des éventuels contrôles étrangers. En effet, si nous n'assurons pas, nous-mêmes, correctement l'inspection de nos importations, nos exportations de produits de viande à base de viandes importées pourraient se heurter à graves difficultés.
Je dois également évoquer les problèmes au niveau du système de l'ACIA de retraçage des importations. Et puis, il y a la question des erreurs de code dans le système HSS, un système uniformisé qui permet de décrire électroniquement les cargaisons de viande importée et de les archiver dans la base de données de l'ASFC. En modifiant un seul chiffre dans un numéro à 10 chiffres, il est possible, en effet de faire d'une simple soupe, une soupe au boeuf et aux légumes, c'est-à-dire un aliment qui exige une certification et une inspection plus poussée.
Le système actuellement en vigueur encourage les fausses déclarations quant aux quantités de poulets et de dindes se trouvant dans un chargement à destination du Canada. Au Canada, l'élevage de volailles relève d'un régime de quota et les producteurs canadiens sont protégés contre les importations de volailles par les droits de douane élevés. Or, les importateurs peuvent, eux aussi, obtenir des quotas ainsi qu'un permis d'importation du MAECI, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, ce qui leur permet, tout en évitant certains droits de douane, d'importer diverses quantités et diverses catégories de volailles. Il y a là de quoi inquiéter les producteurs canadiens de volailles, car il est possible pour un importateur de faire de fausses déclarations au sujet des volailles importées. C'est ainsi qu'il peut déclarer des catégories qui, elles, ne sont pas soumises à quota.
Je vais m'en tenir à cela et, en conclusion, vous donner lecture d'un extrait du rapport remis par l'ACIA au Parlement: « Depuis la formation de l'Agence en 1997, les importations et les exportations de produits assujettis à la réglementation de l'ACIA ont augmenté de 45,6 p. 100. » Et, selon le même rapport, les échantillons de viandes importées ne sont pas prélevés conformément aux plans d'échantillonnage prévus au chapitre 10 du Manuel des méthodes de l'hygiène des viandes.
Je vous remercie.
Je vais, monsieur le président, essayer de respecter scrupuleusement ce délai. Il y a deux ou trois questions que je souhaiterais aborder, mais peut-être vais-je parler de choses qui ont déjà été évoquées devant vous. Je répondrai très volontiers aux questions qu'on souhaitera me poser.
Permettez-moi, d'abord, de me présenter. J'ai pris ma retraite en 2007, après 40 ans à l'Agence canadienne d'inspection des aliments, avant cela à Agriculture Canada, où au ministère de l'Agriculture. Au cours de cette période, j'ai inspecté plein de choses, sans craindre d'y mettre les doigts, qu'il s'agisse de baleines, ou de poulets. J'ai également exercé des fonctions de surveillance dans des abattoirs ou des usines de transformation des aliments.
Après la création de l'agence, j'ai été conseiller et agent de planification. J'ai oeuvré au sein du système de gestion des ressources et des services de planification du travail. Puis, ces dernières années, j'étais le conseiller en hygiène des viandes pour la région de l'Atlantique. Mon rôle consistait à conseiller les inspecteurs travaillant dans ce domaine. Il m'appartenait, en même temps, d'élaborer des programmes, enfin vous pouvez vous faire une idée de mon travail.
Je tiens, aujourd'hui, à vous entretenir d'un certain nombre de choses. Plus tôt, quelqu'un a évoqué la question des inspections permanentes. Depuis le début des années 1980, nous sommes passés des inspections permanentes aux inspections intermittentes et à un système moderne d'inspection des établissements de conditionnement dénommé MSIPE. Nous sommes passés de TIP 1, c'est-à-dire le programme d'inspection, à TIP 2 — et puis, il y a eu TIP 3, mais ce programme n'a pas été appliqué dans certains domaines — et puis maintenant, une conception multisectorielle, qu'on appelait au départ un programme de vérification, mais qu'on a redéfini en tant que programme d'activités multisectorielles. Puis, il y a eu le programme d'activités multisectorielles avec HACCP, et de là, nous sommes allés au système HACCP et aux vérifications. Puis, dans certaines usines qui exigeaient une inspection quotidienne, on est passé à un système de HACCP et de vérifications et/ou des vérifications décalées. Maintenant, comme vous le savez, nous savons le système HACCP, le SVC et les vérifications. Je devrais préciser que nous avons, en outre, ajouté à tout cela, un mécanisme de recouvrement des coûts.
Ces divers programmes et mécanismes ont en commun que ce qui est à l'origine de changements introduits, ce n'est pas tant le souci d'améliorer les programmes que de s'adapter à l'amenuisement des ressources disponibles tant en personnels qu'en moyens financiers. Dans certains domaines, des changements s'imposaient. Tout à l'heure, par exemple, vous parliez des procédures de vérification applicables dans le cadre du programme d'amélioration de la salubrité des aliments. Au lieu de procéder à des vérifications, dans les cas où la réglementation du ministère américain de l'agriculture exige une présence quotidienne dans les établissements en cause, des gens en poste effectueraient la vérification sur une période d'un mois.
J'estime que l'on n'a pas vraiment vérifié si les nouvelles procédures en place permettent effectivement d'obtenir les résultats voulus.
J'ai constaté dans le cadre des cours de formation assurés par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, et des divers exercices que j'ai eu à assurer, qu'il était toujours question de la méthode Taguchi. C'est une méthode d'optimisation des processus. Je ne vais pas insister sur ce point, mais un des principes de cette méthode est, justement, de vérifier l'efficacité des nouvelles procédures ou des nouveaux programmes avant de les mettre en oeuvre. D'abord, vous opérez une vérification, et puis si cela ne donne pas les résultats voulus, vous repensez la chose.
Je pourrais faire état des questions que ces changements successifs ont soulevées au sein de notre organisme et je peux vous dire que ces changements perpétuels ont une incidence sur les personnels qui étaient, pendant ce temps-là, tenus de mettre en oeuvre tous ces divers programmes.
Je voulais également vous parler de l'élaboration des systèmes HACCP. Vous savez sans doute que ces systèmes ont été élaborés dans le cadre du programme spatial. Le but était simple, car il s'agissait d'éviter que les voyageurs de l'espace tombent malades. Vous pouvez vous imaginer... Vingt-deux personnes viennent de mourir et c'est une véritable tragédie. Je ne peux pas m'empêcher de penser à ce que je ressentirais si c'était un de mes parents, un enfant, un ami, un camarade ou l'un d'entre vous. Le système HACCP était, donc, conçu comme un système préventif. Or, le système mis en place n'a pas eu l'effet voulu, et les décès que nous avons constatés constituent, pour le système HACCP, un échec.
Le système HACCP comporte deux volets.
Le programme préalable comprend tous les éléments nécessaires pour assurer l'hygiène, aspect qui a déjà été évoqué ici, et le bon fonctionnement de tous les autres aspects de l'activité de l'usine — la réfrigération, le nettoyage, même la construction de l'établissement.
Le second volet du système HACCP porte sur les points critiques. Le point critique dont il s'agit en l'occurrence était la portionneuse. Il fallait donc savoir qu'il s'agissait là d'un point critique à maîtriser et ce point de contrôle critique consistait à s'assurer que ce qui sortait de cette portionneuse n'était pas contaminé.
Mais ce n'était pas aussi simple que cela et, après avoir entendu dire, à multiples reprises aux actualités, que la contamination se trouvait enfouie dans les entrailles de cette machine, et que le problème était en fait lié aux prescriptions du fabricant. Je comprends un peu de quoi il s'agit, mais il ne faut pas perdre de vue le programme préalable et je pense pouvoir dire qu'une partie de la faute incombe au programme sanitaire. Sans doute y a-t-il eu une lacune dans le programme sanitaire applicable aux diverses pièces de cette machine. On n'a pas démontré que les normes sanitaires étaient respectées quotidiennement et en permanence. Peut-être était-ce dû au fait qu'on ne s'était pas assuré que cette machine convenait vraiment à la tâche. Les équipements installés dans une usine de conditionnement des aliments sont censés, justement, faire l'objet d'un examen qui doit porter non seulement sur leur efficacité, mais sur leur conception même. Peut-être la faute est-elle au programme d'entretien préventif. Plus tôt, certains témoins ont parlé des roulements à billes ou de certains autres éléments mécaniques. Il est vrai que l'usure d'un roulement à billes peut être une source de contamination. Cela crée des aspérités dans lesquelles peuvent s'introduire des particules alimentaires pouvant entraîner une contamination et, de là, contaminer le produit. Mais il ne faut pas écarter non plus une lacune de l'examen annuel du système HACCP qui aurait pu permettre de déceler le problème puisque, effectivement, le système HACCP doit, chaque année, faire l'objet d'un examen intégral pour s'assurer qu'il fonctionne comme prévu.
Ajoutons que si le régime de vérification, mis en place par l'ACIA, fonctionnait lui-même comme il devrait, il aurait permis de repérer le problème. Je vois que Maple Leaf et M. McCain ont lancé un programme en six points. J'imagine que cela a dû se faire en 2008. Donc ce programme en six points qui se donnait comme préventif — je ne comprends pas vraiment comment le problème a pu se poser en janvier 2009 étant donné qu'on était censé avoir mis en place des mesures de prévention.
Je vous remercie.
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Merci, monsieur le président.
Tout cela soulève de nombreuses questions, mais si vous le voulez bien, Nelson, je vais commencer par vous.
Je tiens, d'abord, à vous remercier tous les deux de votre présence ici.
Un des principaux points de votre exposé concernait, me semble-t-il l'existence d'un régime de vérification performant. On nous a dit, lorsque les représentants de McCain ont comparu devant le comité, j'imagine que c'était l'ACIA et, sans doute, le Dr Evans, ou l'un des autres témoins — que le démontage des portionneuses, qui sont d'immenses machines, posait de gros problèmes. Je crois comprendre, cependant, que l'industrie pharmaceutique est, elle, tenue de démontrer ses machines après chaque lot de fabrication, et pourtant ces machines-là sont énormes, elles aussi.
Y a-t-il des mesures préventives supplémentaires que l'on pourrait prendre? Les vérifications font-elles partie d'une solution? Sont-elles seulement un élément d'une solution parmi d'autres? Cela fait 40 ans que vous travaillez dans ce domaine. Vous avez pu relever les situations qui exigent une vérification. Je ne suis aucunement en désaccord avec vous quant aux changements qui ont été apportés. Je dois dire, hélas, que le but visé n'était pas toujours la sécurité des aliments. En général, ces changements résultent de coupures budgétaires et de l'obligation d'en faire davantage avec moins de moyens. Ce n'est pas comme cela que l'on parvient à mettre en place un système de sécurité alimentaire. Je ne dis pas cela par esprit partisan, car c'est comme cela que fonctionnent les administrations.
Quelles seraient, en ce domaine, vos recommandations, en matière de vérifications? Allons-nous devoir revenir au système précédemment en vigueur? Allons-nous devoir adopter une réglementation plus sévère? S'agit-il de multiplier les vérifications ou les prescriptions du fabricant?
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Certains des témoins ont évoqué le nouveau système de vérification de la conformité. Or, comme vous le savez, ce système comporte un volet vérification. Cela nous renvoie aux examens de programmes.
Permettez-moi d'évoquer les débuts du système HACCP, vers la fin des années 1990. Le besoin s'en faisait sentir. En effet, les usines qui exportaient leur production vers les États-Unis, devaient instaurer, au sein de l'établissement, un programme HACCP. C'est pour cela qu'une telle importance a été accordée... et il s'agissait en général de grandes entreprises, puisque ce sont elles qui exportent le plus. Les principales usines exportaient en général vers les États-Unis et, donc, on a accordé à cela beaucoup d'importance. L'agence a envoyé dans ces usines de fortes équipes chargées de les épauler. En 2005, ce système est devenu obligatoire pour toutes les autres usines... et cela m'a toujours préoccupé, car bon nombre de ces usines de moindre envergure n'exportaient pas nécessairement leur production. Lorsque ce système est devenu, pour elles aussi obligatoire, l'agence s'en est occupée moins directement, car, en fait, elle n'avait pas les ressources nécessaires pour leur accorder une aide aussi intensive que celle qu'elle avait accordée aux gros établissements. Cela étant, les petites usines ont en fait eu à rédiger leurs propres plans, ce qui n'était pas du tout la même chose.
À la base, il y a la vérification du programme tel que rédigé par l'entreprise. Une des lacunes du programme est qu'il prévoit que l'entreprise doit faire état des mesures qu'elle entend prendre, puis les prendre et démontrer qu'elle les a prises. La première étape consiste donc à préciser les mesures que l'on entend prendre. Si l'on relève des insuffisances à ce niveau-là, il faut indiquer les incidences que cela pourrait avoir sur certains aspects essentiels du processus de production. Si, par exemple, le programme ne prévoit pas un examen de la conception des équipements installés, et l'on ne va pas nécessairement s'apercevoir qu'il y a, effectivement, dans la machine, un endroit où une contamination pourrait s'installer, des jus alimentaires pouvant s'écouler vers d'autres éléments de la machine et les contaminer. C'est dire que ce genre d'examen doit faire partie d'un plan HACCP. C'est là qu'intervient la vérification ou, maintenant, la vérification et la fonction contrôle de la conformité.
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Non, je pense que c'est exact.
En ce qui concerne le premier point, jusqu'au début des années 1980, les usines de transformation de la viande étaient inspectées en permanence. Autrement dit, un inspecteur se trouvait sur les lieux pendant toutes les heures d'ouverture de l'usine tant au cours des horaires réguliers que pendant les heures supplémentaires. C'est comme cela que le système fonctionnait, jusqu'en — je ne peux pas vous préciser l'année exacte — donc jusqu'à ce que soit introduit le programme FOIL, qui fixait un nouveau rythme d'inspection, quelqu'un ayant décidé que, selon le genre d'établissement, au lieu d'y poster un inspecteur en permanence, l'inspection n'aurait lieu que deux ou trois fois par semaine. Voilà comme les choses se sont passées.
On pourrait dire que, dans une certaine mesure, ce n'était pas une mauvaise chose. C'est d'ailleurs pour cela que j'ai précisé que tout dépend de la manière dont les inspections sont menées. Mais c'est un fait qu'auparavant un inspecteur se trouvait sur place en permanence et inspectait l'établissement avant même que ne démarrent les activités de la journée. Les employés d'Agriculture Canada étaient en effet tenus de procéder ainsi. Cela faisait partie du travail d'inspection. Les machines étaient inspectées chaque jour afin d'en vérifier la propreté avant même le début de la journée de travail.
Puis, tout d'un coup, quelques semaines plus tard, on nous annonce qu'il ne sera plus nécessaire d'y aller tous les jours, que cela relève en fait des responsabilités de l'usine et qu'on va donc lui laisser le soin d'y veiller. Or, les inspecteurs savaient bien que, chaque jour, on relevait un certain nombre de problèmes. Ces problèmes n'ont pas disparu. C'est pour cela que je disais tout à l'heure que lorsqu'on envisage d'instaurer un nouveau système, il faut s'assurer au préalable qu'il fonctionne comme prévu.
Cela vaut pour les divers programmes tels que le Programme d'amélioration de la salubrité des aliments, qui, lui, a été instauré pour d'autres raisons. L'intervention occasionnelle d'une équipe de vérification ne vaut pas la présence d'une personne sur place en permanence. J'insiste sur le fait qu'il faut bien que quelqu'un se soucie de voir si ces divers programmes donnent effectivement les résultats voulus et, pour cela, il faudrait les mettre préalablement à l'essai. Un des témoins précédents disait justement aujourd'hui qu'on ne fait pas suffisamment d'essais préalables. Les délais de mise en oeuvre du système de vérification de la conformité répondaient, je pense, à des impératifs budgétaires plus qu'un besoin d'en assurer le fonctionnement correct.
Je ne veux pas dire par là que ce programme ne pourrait pas donner les résultats voulus. En effet, s'il est confié aux gens que je connais, il donnera naturellement de bons résultats, car je connais la valeur de ces personnes. Une d'entre elles, en poste dans la région de l'Atlantique, a consacré de gros efforts à ce programme et je suis persuadé que ce programme a été élaboré selon les règles de l'art. Mais, donnera-t-il les résultats voulus. Y relèvera-t-on un certain nombre de lacunes? D'après moi, ce sont là des choses qu'il faut savoir avant même que le programme n'entre en vigueur.
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Je suis d'accord avec vous. Comme je le disais plus tôt, j'ai entendu parler de ce programme qui repose sur des données scientifiques. Plusieurs témoins nous ont dit que c'est effectivement comme cela qu'on devrait procéder. Vous êtes, ce soir, le deuxième témoin à évoquer ce système de vérification de la conformité et je vous remercie de nous l'avoir replacé dans son contexte historique et de nous avoir décrit l'évolution de la situation.
Nous avons donc actuellement un programme issu, certes, d'un projet pilote, mais qui n'a pas vraiment été mis à l'essai. C'est pourtant un programme de vérification, mais qui n'a lui-même fait l'objet d'aucune vérification. C'est un peu comme si quelqu'un vous disait qu'effectivement tel ou tel véhicule est censé avoir quatre roues, mais qu'on ne va tout de même pas se donner la peine d'en faire le tour pour voir si c'est effectivement le cas. Peut-être qu'il en a que deux, nous ne sommes pas sûrs. Nous sommes à peu près sûrs que le véhicule en question est en état de marche, mais personne n'a vérifié si c'est effectivement le cas. Cela me semble très curieux de la part d'un organisme scientifique qui, selon moi, devrait, au préalable, prendre la peine de s'assurer du fonctionnement correct de ce système de vérification.
Je tenais également à revenir sur ce que vous avez dit au sujet du système HACCP. Votre explication m'a beaucoup intéressé, surtout ce que vous avez dit au sujet de la maîtrise des points critiques. J'ai travaillé, à une certaine époque, dans le secteur de la fabrication, et je sais donc quelque chose de l'entretien préventif puisqu'il s'agit d'un travail dont certain d'entre nous étaient chargés. Ce travail s'effectuait hors-poste, c'est-à-dire en dehors des horaires de l'usine. Vous nous avez dit que les inspecteurs savaient quels étaient les points critiques.
On nous a parlé, plus tôt, de la portionneuse, celle de l'usine Maple Leaf ou d'ailleurs, car elles ont tendance à se ressembler. Certaines sont plus grandes et d'autres de taille plus réduite mais, de manière générale, ce sont de gros appareils. Dans la mesure où un inspecteur savait qu'il s'agissait d'un point critique — mais, comme vous le disiez tout à l'heure, les inspecteurs ne se trouvent plus sur place au jour le jour — et que le plan HACCP intègre les prescriptions du fabricant en ce qui concerne le nettoyage de l'appareil, mais ce n'est pas nécessairement celui dont l'inspecteur a eu connaissance ou dont il connaît les intervalles de nettoyage, étant donné que... Dans la mesure où ce détail ne se trouve pas dans le plan HACCP, et que l'inspecteur n'est pas sur place, peut-on vraiment parler de maîtrise d'un point critique?