:
Je vous remercie, madame la présidente.
[Traduction]
Merci de m'avoir invitée aujourd'hui.
[Français]
Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler de mon rôle et de rencontrer certains d'entre vous pour la première fois.
Je suis commissaire à l'information depuis mars 2018. Avec maintenant deux années d'expérience, je pense être bien placée pour vous donner un aperçu objectif de mon mandat et vous parler de ce qui s'en vient.
Je présume que vos analystes vous ont déjà donné un aperçu des mandats des agents du Parlement qui se rapportent à votre comité. Alors, je vous parlerai brièvement du mien et de mes priorités. J'aborderai ensuite certains des changements qui ont été au coeur des activités du Commissariat à l'information ainsi que des défis importants auxquels notre organisation fait face.
[Traduction]
J’aimerais d’abord insister sur un point important, qui est souvent source de confusion : l’administration globale de la Loi sur l’accès à l’information et des instruments de politique et outils servant à son administration relève du Secrétariat du Conseil du Trésor. Cela veut dire que c’est le Secrétariat du Conseil du Trésor qui surveille le traitement des demandes d’accès à l’information au sein des institutions fédérales.
Mon rôle est d’enquêter sur les plaintes concernant ces demandes d’accès, normalement parce que les institutions tardent à répondre ou parce que les demandeurs estiment ne pas avoir reçu toute l’information à laquelle ils avaient droit.
Mon commissariat reçoit des milliers de ces plaintes chaque année, mais j’ai aussi le pouvoir de déposer une plainte moi-même. De plus, je peux entamer des actions en justice ou y intervenir si nécessaire. Mon commissariat l’a d’ailleurs fait à plusieurs reprises.
En tant qu’agente du Parlement, je présente chaque année un rapport sur mes activités, et je peux présenter des rapports spéciaux au Parlement sur des questions importantes qui relèvent de mes pouvoirs et de mes fonctions.
[Français]
Le Commissariat compte environ 120 employés, dont 70 % travaillent à la section Enquêtes et gouvernance. Je suis secondée par trois sous-commissaires, qui sont respectivement responsables des sections suivantes: Enquêtes et gouvernance; Service Corporatif, Planification stratégique et services de transformation; et Services juridiques et Affaires publiques.
Mon but est de maximiser la conformité à la Loi, au moyen de nombreux outils et pouvoirs à ma disposition.
[Traduction]
Le rôle de mon commissariat est d’une importance cruciale parce que la loi canadienne sur la liberté de l’information donne aux Canadiens le droit d’accéder à l’information au sujet de leur gouvernement — au sujet des activités qu’il entreprend, des décisions qu’il prend et de l’argent qu’il dépense. La Cour suprême du Canada a déclaré que le droit d’accès était « quasi constitutionnel ».
Les Canadiens soumettent de plus en plus de demandes, parce qu’ils veulent savoir comment les décisions sont prises au gouvernement et comment le gouvernement utilise les fonds publics. Cette connaissance renforce la confiance en nos institutions et en nos dirigeants. Et je vous affirme que cette soif de savoir est là pour rester.
J’aimerais maintenant vous parler brièvement de mes quatre priorités, sur lesquelles je me suis concentrée au cours des deux premières années de mon mandat. Elles sont à la base de mon nouveau plan stratégique, qui sera lancé sous peu et qui orientera le reste de mon mandat de sept ans.
Ma première priorité est d’optimiser l’ouverture et la transparence au sein de ma propre organisation. L’une des choses que nous avons faites à cette fin est de publier des documents d’orientation sur nos enquêtes afin que les plaignants puissent comprendre comment et pourquoi nous arrivons à certaines conclusions. Nous avons maintenant une base de données consultable des décisions. La base de données et les documents d’orientation sont accessibles sur notre site Web.
[Français]
Une autre de mes priorités est de favoriser la collaboration avec les intervenants. Avec les plaignants en particulier, j'ai déployé des efforts pour favoriser des communications rapides, ce qui a permis de mieux comprendre leurs besoins et ce qu'ils recherchent, et pour assurer un meilleur suivi de leurs dossiers. Nous avons fait des progrès, mais il reste beaucoup de travail à faire.
[Traduction]
Je rencontre aussi régulièrement la communauté fédérale de l’accès, soit les fonctionnaires qui traitent les demandes dans les institutions fédérales assujetties à la Loi. Je les consulte et je les invite à signaler les problèmes et faire part de leurs nouvelles idées. Je rencontre aussi régulièrement les responsables des institutions et leurs cadres supérieurs. Je leur indique ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas dans leur façon de gérer les demandes d’accès.
Ma troisième priorité est la mise en œuvre des changements apportés récemment à la Loi sur l’accès à l’information. La Loi est entrée en vigueur en 1983. Les modifications adoptées par le Parlement en juin comprenaient des changements importants. Ces modifications m’ont donné des outils additionnels. Par exemple, j’ai maintenant le pouvoir de rendre des ordonnances. Cela veut dire que je peux ordonner aux institutions de prendre des mesures précises, comme divulguer plus de documents, quand je conclus qu’une plainte est fondée. Je peux publier ces ordonnances et mes recommandations dans les rapports finaux sur mon site Web. Le premier rapport final a justement été publié la semaine dernière.
Les institutions peuvent maintenant me demander la permission pour ne pas donner suite à une demande qui est vexatoire, entachée de mauvaise foi ou qui constitue autrement un abus du droit d’accès. Comme la barre pour autoriser ce type de demande est haute, je l’ai fait seulement une seule fois jusqu’à maintenant.
Et ma dernière priorité, et non la moindre, est la réduction de l’inventaire de plaintes actives au Commissariat à l’information. L’inventaire représente un défi de taille. Même si nous fermons plus de dossiers et réduisons l’inventaire de vieilles plaintes, il y a eu une augmentation considérable des nouvelles plaintes. À la même date l’an passé, nous avions reçu environ 2 000 plaintes. Jusqu'à maintenant, cette année, nous en avons reçu 5 900. Point important: même si nous avons réussi à fermer plus de deux fois plus de dossiers cette année, notre inventaire continue d’augmenter rapidement.
Cela m’amène à vous parler d’un autre défi de taille auquel fait face mon commissariat: notre financement. Certes, nous sommes reconnaissants du financement de 1,7 million de dollars que nous avons reçu lorsque les modifications à la Loi sont entrées en vigueur, en juin. Mais, chaque année au cours des quatre dernières années, l’ancienne commissaire et moi avons dû demander du financement supplémentaire pour composer avec la charge de travail croissante de nos enquêteurs.
Bien que le financement temporaire soit utile, cela pose des difficultés au niveau de la dotation, car nous ne pouvons pas offrir d’emplois permanents. Nous investissons des ressources dans la formation de nouvelles recrues et le recours à des consultants, seulement pour les perdre quand ils se font offrir un poste plus permanent ailleurs. Il est donc difficile de planifier à long terme et impossible de poursuivre sur notre lancée.
Les équipes d’accès dans les institutions fédérales ont aussi des difficultés au niveau des ressources. Le roulement de personnel dans ce domaine est très élevé. C’est un travail difficile. Elles aussi ont besoin de ressources supplémentaires pour traiter le nombre croissant de demandes et pouvoir répondre à la demande provenant du Commissariat à l’information.
J’insiste donc sur le fait que des ressources supplémentaires sont nécessaires à l’échelle du système, si l’on veut que le régime d’accès à l'information puisse bien servir les Canadiens. Par ailleurs, si le gouvernement a véritablement à cœur la transparence, comme il l’a souligné dans les lettres de mandat des ministres, il doit appuyer le système d’accès à l’information et en faire une priorité, car celui-ci joue un rôle crucial dans la transparence du gouvernement.
[Français]
Je tiens toutefois à vous assurer que les employés de mon commissariat sont dévoués et font un travail remarquable malgré les ressources limitées et une charge de travail qui ne cesse d'augmenter. Ils croient en leur travail et je me sens très bien appuyée.
Voilà qui conclut mes remarques préliminaires.
J'aimerais terminer en vous rappelant que ma porte est toujours ouverte pour vous et votre personnel. Je serai heureuse de comparaître devant vous chaque fois que je serai convoquée. Je suis aussi disponible pour vous rencontrer individuellement ou en groupe.
L'accès à l'information est une composante fondamentale de l'ouverture, de la transparence et de la responsabilisation du gouvernement. Cela renforce la confiance entre les institutions et les citoyens.
Je vous remercie.
Je vais maintenant répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, madame la présidente.
Madame Maynard, c'est un plaisir de vous rencontrer. Je ne vous ai pas serré la main avant la réunion parce que nous ne le faisons pas par les temps qui courent. Nous nous contentons de nous taper dans la main ou de nous donner un coup de coude.
J'aimerais discuter avec vous de quelques points mentionnés dans votre déclaration préliminaire. L'un d'eux concerne la possibilité que vous avez de rendre des ordonnances. Pour reprendre vos paroles, cela vous permet d'ordonner aux institutions de prendre des mesures précises, comme de divulguer plus de documents, si vous concluez qu'une plainte est fondée.
Une personne qui a témoigné devant notre comité par le passé, M. Vincent Gogolek, ancien directeur général de l'organisme B.C. Freedom of Information and Privacy Association, a dit que, si une personne au gouvernement veut faire disparaître un document, tout ce qu'elle a à faire est de dire que c'est un document confidentiel du Cabinet.
Je suppose que vous voyez où je veux en venir.
Il a ajouté:
Rien ne justifie de conserver ce trou noir dans la loi [...] Un grand nombre de gouvernements provinciaux permettent depuis des années à leur commissaire à l'information d'examiner ces documents sans qu'il y ait eu de problème. Rien n'explique pourquoi le gouvernement fédéral ne pourrait pas en faire autant.
Nous avons vu, selon les dires d'autres commissaires, d'autres agents du Parlement, que cela les gêne dans leur travail lorsqu'ils enquêtent sur une plainte fondée. Globalement, je me demande si vous pourriez me décrire un contexte dans lequel le fait que des documents soient des documents confidentiels du Cabinet a une incidence sur votre capacité à faire votre travail. Constitue-t-il un obstacle pour vous?
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L'administration de la demande d'accès à l'information est du ressort du Conseil du Trésor, mais la Loi prévoit qu'une demande d'accès doit obtenir une réponse en dedans de 30 jours.
Si la personne ne reçoit pas de réponse dans les 30 jours, elle peut présenter une plainte à mon bureau. Les institutions peuvent demander une prolongation. C'est souvent le cas lorsque le nombre de pages requises dépasse les 500 ou 1000. Souvent, en 30 jours, elles ne vont pas avoir le temps de les réviser, ou bien, parfois, elles sont obligées d'aller consulter d'autres institutions parce que ces dernières ont des documents qui traitent de plusieurs personnes. Elles peuvent demander une prolongation. Si la personne qui fait la demande n'est pas satisfaite du document reçu, de la demande de prolongation ou du temps pris pour y répondre, elle peut déposer une plainte à notre bureau.
Selon les institutions, cela ne se passe pas de la même manière. Il y a des institutions qui sont très bien outillées, mais, dans le cas de certaines autres, il faut encore échanger des documents sur papier. Quelqu'un reçoit une demande et est obligé d'aller voir une autre personne, dans son bureau, parce qu'il sait que c'est elle qui travaille à ce dossier. Il va lui demander ses courriels et ses documents à ce sujet. Les gens lui remettent les documents sur papier et la personne qui travaille à l'accès à l'information doit scanner les documents ou, souvent, les rédiger à la main. Cela ajoute du temps à l'exécution de la demande. Nous essayons d'encourager les institutions à investir dans des logiciels utilisant une technologie plus rapide, à faire un échange de courriels ou une meilleure gestion des courriels.
Prenez l'exemple d'un Canadien qui veut savoir comment telle décision a été prise au sujet d'une politique du gouvernement, et que la réponse arrive en 10 millions de pages, mais que là-dedans il y a 5 millions de courriels et d'échanges entre les gestionnaires parce que les gens travaillent beaucoup par courriel. Cinq personnes qui reçoivent le même courriel vont remettre ce courriel à la suite de la demande d'accès. Il y a énormément de duplication de documents et il y a un grand besoin d'investir et de former les gens sur le plan de la gestion de l'information. Cela réduirait énormément les coûts et les délais pour nos pauvres employés qui doivent travailler sur ces 10 millions de pages.
Par la suite, au moment de l'enquête, nous faisons la même chose, parce qu'il faut regarder cela une page à la fois. Ensuite, nous parlons aux gens de l'institution. Cela crée énormément de travail.
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Oui. Notre loi existe depuis 36 ans maintenant. Le Canada a été le 12
e pays au monde à se doter d'une loi sur l'accès à l'information, donc un des premiers, un des piliers. Aujourd'hui, 120 pays ont des lois sur l'accès à l'information. Bien entendu, les toutes nouvelles lois donnent plus de pouvoirs ou moins d'exemptions.
La Loi comme telle peut assurément être modifiée et améliorée, mais il faut aussi regarder la façon dont c'est mis en pratique. Certains pays ont des lois très libérales, mais leurs institutions ou leur gouvernement ne les appliquent pas autant que nous. Ici, le gouvernement semble bien comprendre les exemptions et les exclusions.
Lorsque nous recommandons des modifications législatives, nous regardons ce que font les autres gouvernements. Au Canada, les provinces ont leur propre commissaire à l'information et leur propre loi. Souvent, elles ont des pratiques qui peuvent être mises en place. Nous regardons aussi ce que fait l'Australie, qui, après trois demandes d'accès, publie le document. Je pense qu'un autre pays le fait aussi.
Une limite qui existe au Canada et qui n'existe pas ailleurs a trait à nos langues officielles. Ce que me disent les institutions, c'est qu'elles aimeraient bien donner plus d'informations, mais le fait de devoir la fournir dans les deux langues requiert des ressources, ce qui engendre des coûts supplémentaires.
Nous sommes en train d'essayer de trouver des solutions à cela et de voir si on peut donner accès autrement, par exemple par la publication de documents ou la production de sommaires. Les Canadiens ont certainement le droit de recevoir l'information dans les deux langues. Or, quand ils font une demande d'accès, ils vont recevoir le document dans la langue où il a été produit. Cette différence entraîne certaines limites, étant donné que nous sommes un pays bilingue.
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C'est difficile à dire.
Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, par exemple, va divulguer l'information dans un certain délai. Le délai va peut-être être dépassé de 15 ou 20 jours, mais l'institution reçoit un nombre incroyable de demandes. Elle dispose quand même d'une grosse équipe et les demandes sont de petites demandes. Il ne s'agit pas de demandes d'accès de 1 000 pages. Cependant, dans d'autres institutions, la réponse à chaque demande contient au-dessus de 1 000 pages. Donc, c'est vraiment difficile à dire.
Comme je le disais tout à l'heure, quand nous observons un problème est systémique, nous commençons par nous adresser au sous-ministre. Lors de mes rencontres, je me rends compte que souvent les sous-ministres ne savent même pas qu'il y a un problème lié à l'accès à l'information. Il y a des sous-ministres qui demandent de l'information et des statistiques à chacune de leurs rencontres de direction et qui veulent vraiment être informés. D'autres sous-ministres attendent que le problème leur soit signalé.
Dans mon cas, je n'attends pas et je vais les voir. À chaque rencontre, je leur signale les problèmes concernant leur institution, ce que nous voyons dans nos dossiers d'enquête et les améliorations qu'ils peuvent apporter. Les retards sont souvent dus à un manque de ressources ou à une mauvaise gestion de l'information. Ces sujets reviennent très souvent.