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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 002 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 25 février 2020

[Énregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Il est passé 8 h 45. Je constate que nous avons le quorum depuis l'arrivée des députés ministériels.
    Bienvenue à notre première réunion publique. Notre premier témoin est Ivan Zinger, enquêteur correctionnel du Canada. Ce n'est pas sa première comparution devant notre comité.
    Monsieur, j'ai le privilège de vous souhaiter encore une fois la bienvenue. Nous avons hâte d'entendre votre exposé.
    J'aimerais également remercier les membres du Comité.

[Français]

    Bonjour.
    Je vous remercie de me donner l'occasion de discuter de mon plus récent rapport annuel.
    Je souhaite consacrer mon mot d'ouverture aux aspects de la culture organisationnelle du Service correctionnel du Canada qui, à mon avis, l'empêchent de faire place au changement et de mettre en oeuvre les réformes que le gouvernement a confiées à la nouvelle commissaire en septembre 2018.
    Par pure coïncidence, le jour où mon rapport a été déposé, le Bureau du vérificateur général du Canada publiait un rapport intitulé « Le respect en milieu de travail ». Ce processus de vérification avait pour but de déterminer si l'Agence des services frontaliers du Canada, ou ASFC, ainsi que le Service correctionnel du Canada, ou SCC, assuraient la promotion et le maintien de milieux de travail exempts de harcèlement, de discrimination et de violence. Dans le cas du Service correctionnel du Canada, le vérificateur général a conclu que le Service connaissait l'existence des problèmes qui sévissent au sein de son milieu de travail, mais qu'il n'avait pas défini de stratégie exhaustive pour les régler.
    Il est révélateur que les conclusions de deux organismes de surveillance indépendants se rejoignent sur ce sujet, soit la présence d'une culture organisationnelle problématique au sein du Service correctionnel du Canada. Dans la lettre de mandat de la commissaire du Service correctionnel du Canada, qui date de 2018, le ministre demandait à celle-ci de se fixer comme priorité prépondérante ce qui suit:
[...] de veiller à ce que le SCC soit un milieu de travail sans intimidation, harcèlement ou violence sexuelle.

[Traduction]

    Les trois études de cas de mon rapport suggèrent que des habitudes, attitudes et comportements enracinés font obstacle aux réformes souhaitées. Régler les aspects négatifs d’une culture du personnel ou de relations de travail problématiques n’entre pas dans le cadre de mon mandat, mais lorsque l’inconduite ou la non-conformité à la règle de droit créent des problèmes ou ont des effets négatifs sur les détenus, j’ai le devoir de les signaler et d’y donner suite.
    Dans la première étude de cas, intitulée Dysfonctionnement à l’Établissement d’Edmonton , j’ai constaté que le personnel et la direction de cet établissement toléraient depuis longtemps des comportements d’agression connus et perpétrés par un groupe de détenus à l’endroit d’une sous-population de détenus bénéficiant d’une protection. Les éléments de preuve démontrent que des agressions verbales et physiques récurrentes contre des détenus bénéficiant d’une protection — notamment des projectiles sous forme de nourriture, de fluides corporels et de déchets et d'autres gestes dégradants et humiliants — étaient des incidents planifiés et organisés qui avaient en fait augmenté et qui s'étaient intensifiés au cours d’une période de trois mois.
    Mes observations suggèrent que la nature cruelle et impitoyable de ces incidents doit être prise dans le contexte d’une culture organisationnelle qui — selon les conclusions d’un consultant en ressources humaines indépendant tirées il y a trois ans — est empreinte de peur, de soupçons, de méfiance, d’intimidation, de harcèlement, de langage vulgaire et d’autres abus de pouvoir, et ce, parmi les membres du personnel. Ce que l’on ne peut décrire que comme une « culture d’impunité » a eu une incidence sur la façon dont le personnel traitait les détenus et leur répondait. Une culture abusive en milieu de travail a perpétué l’inconduite du personnel et a contribué aux actes de violence déshumanisants observés parmi les détenus.
    Le personnel et la direction étaient conscients de la nature répétée des agressions physiques et de la violence verbale, mais ils n’ont pas pour autant pris de mesures disciplinaires ou correctives contre les agresseurs ni de mesures pour protéger les victimes contre ces agressions et gestes de violence. Alors que ces incidents avaient été initialement signalés et portés à l’attention de la haute direction de l’Établissement d’Edmonton par mon bureau, il a fallu plus de trois mois et la communication d’une preuve vidéo irréfutable à la commissaire pour que des mesures correctives élémentaires soient mises en place.
    Deux autres études de cas aident à illustrer les caractéristiques tenaces de la culture organisationnelle qui sévit au sein du Service correctionnel. Dans le premier cas, un examen des incidents de recours à la force sur une période de quatre ans a révélé un modèle récurrent de responsabilisation déficiente, des problèmes de conformité à la loi et aux politiques, ainsi qu’une gestion défaillante des incidents de recours à la force au sein de l’Établissement de l’Atlantique, au Nouveau-Brunswick.
(0850)
    J’ai relevé peu d’éléments démontrant que la mise en œuvre du nouveau Modèle d’engagement et d’intervention, mis en place dans la foulée du décès évitable de Matthew Hines, avait fait une différence marquée dans la manière, la fréquence, la gravité ou le niveau d’utilisation de la force à l’Établissement de l’Atlantique. Ainsi, le recours à l’aérosol capsique pour gérer la tension et les conflits derrière les barreaux n’a pas diminué à cet établissement, ni, en fait, dans le reste du Service.
    Enfin, mon bureau produit des rapports sur le problème de la nourriture au sein des établissements fédéraux depuis maintenant cinq ans. Nous avons formulé plusieurs recommandations, mais aucune n’a été suivie, et les choses ne se sont pas améliorées.
    Une vérification interne effectuée récemment par le Service confirme plusieurs lacunes qui avaient déjà été relevées par mon bureau, notamment l'allocation quotidienne inadéquate de moins de 6 $ par détenu par jour à la nourriture, la qualité des repas et la taille des portions ne sont pas uniformes ou sont inférieures aux normes, les exigences du Guide alimentaire canadien ne sont pas respectées, la détérioration et le gaspillage de quantités démesurées de nourriture et des exigences alimentaires particulières qui ne sont pas respectées de façon constante.
    L’une des préoccupations les plus révélatrices soulevées par cette vérification est que le Service correctionnel a mis en place son projet de modernisation des services d’alimentation sans disposer d’un cadre de politique actualisé. À ce jour, le Service correctionnel n’a fourni aucun élément de preuve permettant de constater que ce projet permettait de réaliser des économies ou des gains d’efficacité.
    Mais surtout, la vérification n’a pas réussi à cibler en profondeur le lien entre la nourriture et l’ordre, la sûreté et la sécurité de l’établissement. La vérification ne s’est pas penchée sur les leçons tirées de l’émeute mortelle de décembre 2016 au Pénitencier de la Saskatchewan, qui établissaient un lien entre, d’une part les pénuries de nourriture, la taille inadéquate des portions et la piètre qualité des repas à cet établissement, et d’autre part les niveaux croissants de tension et de protestation chez les détenus, des facteurs qui ont joué un rôle dans le déclenchement de l’émeute.
    Ni la présence accrue d’aliments en tant que marchandise dans l’économie des détenus, ni le fait que les aliments achetés à la cantine des détenus viennent maintenant compléter ou même remplacer les repas quotidiens n’a été examiné. Ces problèmes sont au cœur des préoccupations au sein de la plupart des établissements, mais la vérification n’a pas pu les faire reconnaître ou les soumettre à la direction pour qu’ils soient corrigés.

[Français]

    En dernier lieu, permettez-moi de conclure en reconnaissant les déclarations encourageantes faites par la commissaire et le ministre de la Sécurité publique en réponse à mon rapport. Tous deux ont réitéré leur engagement à s'assurer que les employés du Service correctionnel du Canada disposent d'un milieu de travail respectueux et sain. Ces déclarations sont importantes, mais elles doivent être aussi prises dans le contexte de l'obligation législative imposée au Service, soit celle de prendre — je cite maintenant l'article 70 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition de 1992 — « toutes mesures utiles pour que le milieu de vie et de travail des détenus et les conditions de travail des agents soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine. »
    Je crois que les parlementaires et les Canadiens ont le droit de savoir de quelle façon le Service compte se conformer à la règle de droit et régler les différents aspects d'une culture en milieu de travail qui mène à la violence, à des abus de pouvoir ou à de mauvais traitements en milieu carcéral.
    Je vous remercie, et c'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
(0855)
    Merci, monsieur Zinger.
    Je cède la parole à M. Paul-Hus pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Bonjour, monsieur Zinger et madame Kingsley.
    Je voudrais parler de la partie qui concerne la surveillance dans la collectivité. Dans votre rapport, vous soulignez que, « selon les chiffres de 2016-2017, le nombre total de délinquants sous surveillance dans la collectivité, 8 886, est le plus élevé depuis plus d'une décennie ».
    Le Service correctionnel du Canada vous a-t-il fourni des réponses et des explications concernant le manque de financement pour les programmes de surveillance dans la collectivité?
    Le Service correctionnel du Canada bénéficie d'un financement plus qu'adéquat. Si l'on se base sur le ratio entre le nombre de détenus et le nombre d'employés, son financement est probablement le plus élevé du monde. C'est un ratio d'environ un pour un. Cela veut dire que, pour chaque détenu, il y a au moins un employé du Service correctionnel du Canada. Sur le plan financier, les dépenses sont en moyenne de plus de 120 000 $ par année par détenu.
    Je crois que ce ne sont pas les ressources qui posent des problèmes. C'est plutôt une question de priorités et de redistribution de fonds. Le Service correctionnel du Canada ne dépense que 6 % de son budget total dans ses activités de surveillance dans la collectivité, ce qui est insuffisant. C'est simplement une question de redistribution des fonds pour s'assurer que les priorités sont respectées.
    Je m'excuse de vous couper la parole, mais notre temps est limité.
    Dans la recommandation no 11 du rapport, vous dites que des ressources importantes devraient être réaffectées au programme de Surveillance dans la collectivité. Vous venez de me dire que le ratio agents-délinquants est le plus élevé du monde, à savoir un pour un. Ce n'est pas le ratio actuel, et cela pose des problèmes. Dans la collectivité, on manque de ressources pour assurer un bon suivi des délinquants comparativement à ce qu'il y avait auparavant. Est-ce le cas actuellement?
    Le ratio dans la collectivité est six délinquants pour un employé. Il est indéniable que, dans la collectivité, le ratio ne sera jamais de un pour un; ce serait absolument fou. À mon avis, c'est une question de priorité et d'équilibre. On dépense des sommes folles pour l'incarcération, au détriment de la réhabilitation dans la collectivité. Il faut avoir un certain équilibre, et 6 % du budget total, j'estime que c'est insuffisant.
    Dans les dernières années, les cas de libération conditionnelle ou de semi-liberté ont augmenté de façon draconienne, mais les ressources sur le terrain ne sont pas suffisantes pour assurer le suivi de ces gens.
    Vous parlez d'un ratio de six pour un. Quel devrait être ce ratio pour assurer la surveillance complète des délinquants en liberté?
    Je ne pourrais pas dire quel est le bon ratio. Il faut donner la priorité à une surveillance adéquate. C'est une question que vous devriez poser à la commissaire du Service correctionnel du Canada.
    Dans votre rapport, vous parlez du rapport du vérificateur général. Récemment, au Québec, il y a eu un problème de surveillance en ce qui concerne M. Eustachio Gallese, celui qui a tué Marylène Levesque, comme tout le monde le sait.
    Une étude sera menée dans les prochaines semaines là-dessus, mais il y a un problème lié à la sécurité. Je sais que le Service correctionnel du Canada veut libérer plus de délinquants et les insérer dans la collectivité, mais, s'il n'y a pas les ressources nécessaires, ne créons-nous pas un problème de sécurité publique?
    Comme je l'ai dit, je ne suis pas convaincu qu'il y ait un problème de ressources. C'est plutôt un problème de priorité.
(0900)
    Que voulez-vous dire par priorité?
    Le Canada est au premier rang mondial pour ce qui est des ressources qu'il alloue au Service correctionnel au niveau fédéral. Il faut s'assurer d'affecter les ressources là où les besoins sont les plus importants. À mon avis, on dépense énormément pour de vieilles infrastructures qui ne permettent pas la réhabilitation. Une fois que les individus sont remis en liberté, ils ne bénéficient pas du soutien qu'ils devraient recevoir.
    C'est donc un enjeu. Selon vous, faudrait-il diminuer le nombre de libérations conditionnelles et nous assurer d'avoir les ressources nécessaires sur le terrain avant de remettre en liberté plus de délinquants?
    Je ne peux pas vous le dire. D'après moi, la Loi est appliquée. C'est un tribunal indépendant administratif qui prend les décisions quant à la remise en liberté, et il le fait de façon exemplaire dans la grande majorité des cas. Le cas que vous avez évoqué est extrême et il remet en question beaucoup de choses.
    La Loi a été appliquée et elle l'est toujours. À mon avis, la sécurité du public est toujours bien prise en considération.
    Merci.

[Traduction]

    Merci.
    Madame Damoff, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    M. Zinger et Mme Kingsley, je vous remercie beaucoup de votre rapport et de votre bon travail. Je ne peux vous exprimer à quel point j'étais contente de voir, dans votre rapport, les deux rapports que j'ai initiés sur les peuples et les femmes autochtones dans le système de justice pénale et le système correctionnel. Notre comité et le Comité permanent de la condition féminine ont fait du bon travail dans ce domaine. J'ai bon espoir qu'on mettra certaines de ces recommandations en œuvre.
    Depuis ma visite à l'Établissement d'Edmonton pour femmes, je suis préoccupée par la formation qu'on donne aux femmes pour les préparer à leur libération. Dans votre rapport, vous mentionnez que le secteur des textiles représente 83,5 % du travail de CORCAN auprès des femmes en milieu de travail.
    Hier soir, je lisais la réponse du gouvernement à notre rapport sur la condition féminine, et j'ai lu ceci:
En 2017-2018, l'offre actuelle de formation professionnelle a été révisée et CORCAN (...) a trouvé des possibilités de formation supplémentaire en compétences d'emploi et d'employabilité dans les établissements pour femmes, qui pourrait être ajoutée en 2018-2019.
    Ensuite:
Il considère entre autres les lacunes sur le marché du travail, les besoins de l'industrie, et les compétences et intérêts des délinquants. En 2017-2018, on a noté une augmentation de la formation en cours d'emploi et de la formation professionnelle dans deux établissements pour femmes, plus précisément dans les secteurs de la construction et de l'entretien: planchers, peinture, sécurité dans le maniement des tronçonneuses, etc.
    Monsieur Zinger, où est le malentendu dans ce cas-ci?
    Lorsque j'ai parlé à la directrice de l'Établissement d'Edmonton pour femmes, elle m'a indiqué qu'il n'y avait rien de mal à enseigner aux femmes à coudre. Même si j'ai remis ses propos en question, il semble que ce genre de discours soit toujours omniprésent dans nos institutions.
    Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de vos compliments à l'égard de mon bureau. Je suis très fier du travail que nous accomplissons. Nous avons une petite équipe d'enquêteurs, de conseillers en matière de politique et de recherche et de membres du personnel ministériel, tous dévoués à leur tâche. C'est toujours agréable de recevoir des commentaires positifs.
    J'ai visité l'Établissement d'Edmonton pour femmes, et je trouve que lorsqu'on entre dans la zone de travail et qu'on voit toutes ces machines à coudre... À ma dernière visite, les femmes assemblaient des taies d'oreiller déjà taillées. Vous pouvez imaginer le niveau de compétences requis pour coudre une taie d'oreiller. Elles s'ennuyaient profondément. Ces femmes souhaitent ardemment acquérir de nouvelles compétences et connaissances qui les aideraient à changer leur vie. Je ne crois pas que l'assemblage de taies d'oreiller réponde réellement à ce besoin.
    Je sais que les directeurs et les directrices d'établissement ne ménagent pas les efforts pour mettre en œuvre différentes initiatives. Certaines inititiatives ont atteint leur but, mais un très petit nombre d'entre elles exigent un travail de haut niveau. Je crois que le Service doit modifier considérablement son approche. Le niveau de compétences requis pour assembler des taies d'oreiller serait un choix logique si l'objectif était de réintégrer des détenus en Chine, mais cela ne reflète pas la réalité du marché du travail au Canada. Il faut offrir des défis beaucoup plus... Le secteur canadien de la fabrication se porte bien, mais il exige un niveau de compétences beaucoup plus élevé.
(0905)
    Dans le rapport, vous parlez souvent de la préparation des aliments, c'est-à-dire selon la méthode de cuisson-refroidissement introduite dans le cadre du Plan d’action pour la réduction du déficit mis en œuvre par le gouvernement conservateur. Lorsque j'ai visité le bureau de libération conditionnelle de Winnipeg, il y a quelques années, des services comme la liaison avec la police avaient fait l'objet de compressions budgétaires.
    Le PARD, le Plan d’action pour la réduction du déficit, a eu de nombreuses répercussions négatives sur le Service correctionnel. Je sais que notre gouvernement a tenté de combler les lacunes. Autrefois, les délinquants acquéraient certainement des compétences liées à la préparation des aliments en prison, où ils apprenaient à devenir des chefs, pour l'amour du ciel. Maintenant, non seulement ces compétences ne sont plus enseignées, mais la qualité de la nourriture a aussi considérablement diminué, comme vous l'avez mentionné dans votre rapport. Devrions-nous réorganiser tout cela?
    Je sais qu'il me reste seulement une minute, mais quelles ont été les répercussions du PARD sur les prisons?
    Je crois qu'il s'agissait d'une mauvaise initiative qui a été mal conçue. Pendant la mise en œuvre du PARD, on a demandé aux ministères — il s'agissait de mesures d'austérité qui, je le présume, étaient légitimes — de réaliser des économies. Dans ce cas-là, le statu quo aurait été une bien meilleure solution.
    Selon mes observations, je doute qu'on ait réalisé des économies. L'initiative a entraîné de grandes perturbations et des répercussions négatives, notamment en réduisant les occasions d'emploi que peut offrir une cuisine qui fonctionne à plein régime. C'est une situation déplorable, à mon avis.
    Merci, madame Damoff.

[Français]

    Madame Michaud, vous avez la parole pour six minutes.
    Bonjour à tous.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Il a été question tout à l'heure de financement, et vous disiez que ce n'était pas nécessairement là où résidait le problème. Pourtant, lorsque des systèmes ne fonctionnent pas bien, c'est souvent en raison d'un manque de fonds.
    Vous dites qu'il y a des fonds, qu'il devrait y avoir un employé par détenu et une somme annuelle de 120 000 $ par détenu. Or, selon ce que vous avez observé, le problème concerne les priorités.
    Pourrions-nous revenir sur ces priorités? Quelles sont-elles?
    Je crois que le Service est mûr pour une réforme en profondeur. Selon moi, trois groupes d'individus incarcérés devraient bénéficier de transferts et d'hébergement différents. Dans le cas des Autochtones, je crois qu'il est important de considérer une autre façon de faire.
    Tout d'abord, les articles 81 et 84 de la Loi permettent au ministre de la Sécurité publique de conclure avec les communautés ou les groupes autochtones un accord sur le transfert, la garde et la supervision des détenus autochtones. Je crois que le Service correctionnel devrait réaménager son budget de façon importante afin de financer ce transfert de responsabilité.
    L'an dernier, j'ai produit un rapport conjointement avec la Commission canadienne des droits de la personne. Ce rapport est intitulé « Vieillir et mourir en prison: enquête sur les expériences des personnes âgées sous garde fédérale ». On constate que trop de personnes vieillissantes ne posant aucun risque sont maintenues dans des pénitenciers. Souvent, ces personnes sont en fin de vie, elles reçoivent des soins palliatifs et elles sont à mobilité réduite. Dans certains cas, elles sont même clouées à leur lit. Je ne vois aucun avantage à cela. Les garder incarcérées représente des coûts incroyables. D'après moi, il y a d'autres solutions de rechange.
    Le dernier groupe est plus restreint. Il est composé d'individus qui souffrent de problèmes de santé mentale aigus ou qui sont suicidaires ou encore qui s'automutilent de façon chronique et grave. Ce groupe d'individus ne devrait pas être dans un pénitencier. On devrait transférer ces personnes dans la collectivité, dans des hôpitaux sécurisés pouvant réponde à leurs besoins médicaux.
(0910)
    D'accord.
    Pour ces trois groupes d'individus, devrions-nous axer les efforts sur la réhabilitation ou devrions-nous prévoir des fonds une fois qu'ils sont sortis du pénitencier?
    Pour ce qui est de ces trois groupes, il est question de réaffecter des fonds que le Service correctionnel possède en ce moment.
    Il y a aussi le volet communautaire. Au Canada, les pénitenciers sont très vieux. Trois pénitenciers ont plus de 100 ans, soit l'Établissement de Stony Mountain, le Pénitencier de la Saskatchewan — les détenus dans ces deux pénitenciers sont, dans une grande majorité, des Autochtones — et le Pénitencier de Dorchester. Ces trois pénitenciers de plus de 100 ans ont de vieilles infrastructures.
    En ce qui concerne la moyenne, la grande majorité des pénitenciers ont entre 40 et 50 ans. Encore une fois, ils ont été construits à une époque où la philosophie correctionnelle ne reconnaissait pas la primauté de la réhabilitation.
    Par exemple, on parlait beaucoup de l'Établissement d'Edmonton, qui a 42 ans. C'est du béton partout. Il y a très peu de salles, de lumière et de corridors. C'est une infrastructure extraordinaire.
    Je suggère à tous les membres de ce comité et des autres comités d'aller visiter des pénitenciers. Vous avez un droit statutaire ancré dans la Loi. Si vous devez légiférer en matière pénale, allez visiter les pénitenciers pour savoir exactement quelles sont les conséquences des lois que vous mettez en l'avant.
    Merci.
    Madame Michaud, il vous reste une minute.
    Revenons brièvement sur la situation des Autochtones. Vous dites que nous avons besoin d'une réforme en profondeur, mais je vois que des mesures ont quand même été mises en place récemment, en 2019, dont un protocole d'entente justement.
     Avez-vous constaté des résultats quant à ces initiatives, notamment pour les jeunes Autochtones?
    Je n'ai pas très bien compris la question.
    Au printemps de 2019, il y a eu un protocole d'entente sur la remise en liberté des prisonniers autochtones. Par exemple, on leur donnait des pièces d'identité avant leur remise en liberté afin qu'ils aient accès à des services de santé, entre autres. Avez-vous constaté des résultats?
    Le Service correctionnel a donné suite aux observations contenues dans un chapitre du rapport du vérificateur général précédent et a mis en avant certaines initiatives pour accélérer un peu la gestion des cas de délinquants autochtones qui arrivent dans un pénitencier. En ce moment, le Service correctionnel accélère son processus en ce qui concerne la classification et la programmation.
    En effet, cela a un effet positif, mais il faut regarder ces résultats de façon un peu critique. On dit souvent que ceux qui ont priorité, dans ce système, sont les délinquants à moindre risque.

[Traduction]

    Monsieur Zinger, pourriez-vous terminer votre réponse?

[Français]

    Je vais m'arrêter ici.
    Merci.

[Traduction]

    J'aimerais rappeler aux membres du Comité — ainsi qu'aux témoins — qu'il serait utile qu'ils jettent un coup d'oeil au président de temps à autre, car je ne veux pas interrompre les membres du Comité, mais je peux le faire, comme M. Harris le sait.
    Allez-y, monsieur Harris.
(0915)
    Merci beaucoup. Je vous remercie également de votre avertissement implicite.
    Je vous connais bien, monsieur Harris.
    Merci, monsieur Zinger, d'être ici aujourd'hui. Comme je suis de retour depuis peu, je dois avouer que je ne suis pas à jour sur la situation du Service correctionnel du Canada, mais j'ai examiné votre rapport et j'admire le dévouement, l'objectivité et la compassion dont vous faites preuve dans votre travail.
    Après avoir lu votre rapport, et en tenant compte du fait que la loi oblige le Service correctionnel du Canada à prendre toutes les mesures raisonnables pour veiller à ce que l’environnement de l’établissement, les conditions de vie des détenus et les conditions de travail du personnel soient sains, sécuritaires et exempts de pratiques portant atteinte à la dignité humaine, je suis stupéfait de l'état actuel de la situation. Je pense que les Canadiens sont également stupéfaits d'apprendre à quel point nous sommes loin d'atteindre les normes indiquées dans votre rapport. Cela m'inquiète et ce serait encore plus préoccupant si les Canadiens ne souhaitaient pas apporter des changements à cette situation.
    Permettez-moi de vous poser quelques questions. Vous avez parlé de la population de détenus souffrant de troubles de santé mentale. C'est un enjeu de taille d'un bout à l'autre du pays. En effet, nous savons que les raisons pour lesquelles de nombreux détenus se retrouvent en prison sont souvent liées à leur trouble de santé mentale, et dans une large mesure dans certains cas. Pouvez-vous nous indiquer le pourcentage de la population carcérale touchée par cette situation dans la mesure où, comme vous l'avez laissé entendre, ces détenus devraient recevoir un traitement différent en raison de leur état de santé mentale? Pouvez-vous nous donner cette proportion en pourcentage?
    Je peux vous dire qu'il est toujours difficile de parler de prévalence, car selon ce qu'on cherche à déterminer, on peut obtenir différents chiffres. Par exemple, si on parle des détenus qui souffrent d'un trouble de santé mentale, y compris la toxicomanie, au moment de leur emprisonnement, on obtient une proportion de 75 à 80 %. Si on utilise une définition beaucoup plus restreinte, par exemple les individus qui souffrent de ce qu'on appelait autrefois des troubles de l'axe I, c'est-à-dire des individus qui ont essentiellement perdu tout lien avec la réalité et qui peuvent souffrir de schizophrénie, de dépression majeure ou de troubles connexes, on obtient une proportion de 7 à 8 %.
    Je pense que les meilleures données sur la prévalence que j'utilise sont celles obtenues en posant la question suivante: Au moment de l'admission, combien de détenus ont besoin de services psychologiques ou psychiatriques? La réponse est environ 29 % d'entre eux, ce qui est extrêmement élevé comparativement à la population générale du Canada.
    Selon vous, dans quelle mesure ces gens obtiennent-ils l'aide dont ils ont besoin?
    Le gouvernement actuel a certainement augmenté le financement lié à l'accès aux soins de santé mentale. Je crois que le Service correctionnel du Canada est encore en train de se mettre à jour, car les chiffres sont très élevés et ils continuent d'augmenter. Je dois avouer que je m'inquiète surtout pour le petit nombre de détenus qui sont gravement malades ou suicidaires ou qui ont de graves comportements autodestructeurs. À mon avis, ces détenus devraient être transférés dans un établissement psychiatrique externe protégé. Selon nos meilleures estimations, une douzaine de femmes répondent à ces critères, ainsi que deux douzaines d'hommes. Ces gens ne devraient pas se trouver dans un établissement correctionnel, car ils sont d'abord et avant tout des patients.
    Merci.
    Vous avez signalé la surreprésentation des détenus autochtones dans la population carcérale, une situation dont nous sommes conscients. Je pense qu'ils représentent environ 30 % de la population carcérale du pays. Selon mon expérience dans une faculté de droit de l'Alberta, cette proportion serait très basse comparativement à certaines régions du pays.
    Avez-vous des statistiques par province? Pouvez-vous nous dire si cette surreprésentation est encore plus élevée dans certaines régions du pays?
(0920)
    Oui, vous avez parfaitement raison. Dans les régions où se trouvent des concentrations plus élevées d'Autochtones, ces derniers représentent beaucoup plus que 30 % de la population carcérale. Je peux certainement envoyer au Comité quelques tableaux de la ventilation de ces données par région.
    Monsieur Zinger, avez-vous examiné les appels à l’action de la Commission de vérité et réconciliation? Entre le 30e et le 40e appel, il y a une série de recommandations que le gouvernement a implicitement adoptées en 2015. L'une d'entre elles vise à réduire la surreprésentation des peuples autochtones au cours de la prochaine décennie.
    C'était en 2015. Y a-t-il des données indiquant que certains de ces recommandations ou de ces appels à l'action ont été mis en œuvre, et cela a-t-il produit des résultats?
    C'est une question très importante. Malheureusement, M. Harris ne vous a pas laissé suffisamment de temps pour y répondre.
    Encore une fois, j'aimerais encourager les membres du Comité à jeter un coup d'oeil au président de temps à autre, afin que nous puissions respecter le temps imparti.
    Monsieur Morrison, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais également remercier M. Zinger d'être ici aujourd'hui.
    Vous avez déjà brièvement mentionné une partie de la question que je voulais poser. Dans votre rapport, vous indiquez que le Service correctionnel du Canada alloue seulement 6 % de son budget au programme Surveillance dans la collectivité. Puisque 40 % des délinquants sont libérés avec surveillance dans la collectivité, comment expliquez-vous cela?
    La mise en liberté sous surveillance dans la collectivité est liée à différents niveaux de risque. En effet, certains individus exigent une surveillance étroite et d'autres non, car ils ont purgé leur peine et ce sont des citoyens respectueux de la loi qui contribuent à la société.
    Cela dépend de la façon dont on gère le risque en société. Je crois que la commissaire pourrait expliquer de façon plus satisfaisante que moi la raison pour laquelle seulement 6 % du budget est investi dans ce programme.
    À votre avis, est-ce suffisant?
    Non, je ne pense pas que c'est suffisant. Je crois que notre société investit trop dans l'incarcération et qu'elle en retire très peu de résultats positifs. Je crois que nous pourrions faire beaucoup mieux avec les fonds qui sont actuellement dépensés. Je pense que dans ce cas-ci, il s'agit d'une question d'optimisation des ressources.
    D'accord. J'ai également remarqué que dans les résultats de votre évaluation du risque, vous avez appuyé la nécessité... ou appuyez-vous la nécessité de mener un examen indépendant des programmes de réadaptation, étant donné l'énorme impact sur la réinsertion et la sécurité de la population générale?
    Pourriez-vous préciser votre question?
    J'aimerais savoir si, à votre avis, ce programme devrait être soumis à un examen indépendant et distinct.
    Mon bureau a formulé des critiques à l'égard de la transition qui a été effectuée lorsque les programmes des services correctionnels ont été regroupés dans le Modèle de programme correctionnel intégré. Cela s'est produit il y a environ six ans, à des fins d'efficacité.
    Certains articles universitaires critiquent la mise en œuvre du programme. En effet, il y avait autrefois des programmes distincts pour la toxicomanie, la gestion de la colère et la violence familiale. Dans le cadre du nouveau modèle, le MPCI, on a essentiellement regroupé tous ces programmes. Par conséquent, il y a maintenant un seul programme pour répondre à tous les besoins.
    Je crois que cette approche ne produit peut-être pas les meilleurs résultats, et la documentation universitaire semble arriver à la même conclusion.
    D'accord.
    Au cours de réunions précédentes, des agents correctionnels ont souligné que des programmes d'échange de seringues en place dans d'autres pays fonctionnent comme des sites d'injection sûrs. Plus précisément, les aiguilles restent entre les mains du personnel médical et ne se retrouvent pas dans les cellules.
    Est-ce le cas au Canada?
    Dans le rapport annuel précédent, nous avons indiqué que nous craignions que le programme d'échange de seringues ne fonctionne pas comme prévu, car on s'est surtout concentré sur la sécurité plutôt que sur la santé et la réduction des méfaits. C'est ce qui explique le taux de participation peu élevé.
    Nous craignons que le modèle actuel mis en œuvre par le Service ne corresponde pas aux pratiques exemplaires utilisées dans d'autres pays. Il me paraît évident qu'un bon programme réduit la propagation de maladies infectieuses tout en réduisant le risque auquel est exposé le personnel. En l'absence d'un programme adéquat d'échange de seringues en milieu carcéral, on augmente le risque qu'un membre du personnel se pique sur une seringue pendant une fouille, qu'il s'agisse d'une fouille à nu ou d'une fouille de la cellule.
    Lorsqu'on met en œuvre un programme d'échange de seringues en milieu carcéral, on élimine ces risques.
(0925)
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Morrison.
    Madame Khera.
    Merci, monsieur Zinger, tout d'abord de votre présence ici, mais surtout de tout le travail que vous avez effectué, en particulier en ce qui concerne ce rapport.
    Le rapport soulève certainement de nombreuses questions urgentes, notamment des lacunes en matière de services et de soins pour les populations les plus vulnérables de nos établissements fédéraux. Je sais que le Service correctionnel du Canada a déterminé une voie à suivre. Je sais aussi que L’hon. Bill Blair travaille étroitement avec le SCC pour veiller à ce que des progrès réels soient réalisés. Toutefois, j'aimerais parler un peu de la réinsertion sociale sécuritaire et en temps opportun.
    Dans votre rapport, vous citez une étude du Sénat intitulée Étude concernant les droits de la personne des prisonniers dans le système correctionnel fédéral: le premier des droits fondamentaux est celui d'être traité comme un être humain, qui indique ce qui suit:
Une conséquence importante de ces politiques discriminatoires est que les personnes purgeant une peine de ressort fédéral, et plus particulièrement les femmes, les Autochtones et les personnes noires et les autres personnes racialisées, ont de la difficulté à avoir accès à des programmes de réadaptation adaptés à leur culture.
    L'étude indique aussi ceci:
Si elles n’ont pas accès à ces programmes, elles ne peuvent pas se préparer adéquatement à réintégrer la collectivité et présentent donc un risque plus élevé [...] Il est particulièrement urgent de s’attaquer à ce problème pour les personnes autochtones et noires qui purgent une peine de ressort fédéral, étant donné qu’elles sont surreprésentées dans le système correctionnel.
    Votre étude indique que la population autochtone a augmenté de 19 à 28 % en 2018-2019 et que celle des détenus noirs a augmenté de 7 à 10 % en 2015-2016, bien que cette tendance se renverse lentement. Cependant, 37 % de toutes les plaintes liées à la discrimination sont formulées par des personnes de race noire.
    Pourriez-vous nous en dire davantage sur la surreprésentation des populations vulnérables, surtout en ce qui concerne les Autochtones, les Canadiens noirs et les communautés racialisées, dans le système correctionnel?
    Le 21 janvier, j'ai publié un communiqué de presse qui mettait précisément l'accent sur la surreprésentation démesurée des peuples autochtones. En effet, il y a quatre ans, ils représentaient 25 % de la population carcérale sous responsabilité fédérale. Aujourd'hui, ils représentent 30 % de cette population. Cette situation dure depuis les trois dernières décennies. La proportion continue d'augmenter au fil des années, quel que soit le gouvernement au pouvoir. Je dirais que nous avons maintenant dépassé l'étape de la crise. Ce n'est plus le temps d'apporter des rajustements, mais de mettre en œuvre des initiatives décisives qui permettront de corriger cette situation.
    La surreprésentation des détenus canadiens d'origine africaine n'est peut-être pas aussi prononcée, mais elle est certainement préoccupante. Ils représentent actuellement 8 % de la population carcérale, alors qu'ils représentent 3 % de la population générale.
    Dans l'enquête systémique que nous avons menée sur les jeunes délinquants âgés de 18 à 21 ans, nous avons examiné ce groupe de près. Il y a effectivement de nombreux jeunes hommes noirs ou autochtones, et ils sont souvent affiliés à un gang. Le Service correctionnel du Canada n'offre pas suffisamment de programmes axés sur la désaffiliation ou sur la prévention de l'affiliation.
(0930)
    Merci.
    Existe-t-il aussi un écart urbain entre les Canadiens noirs et surtout nos jeunes délinquants?
    Oui, je le crois. Il y a certainement des endroits où ces communautés ont plus de démêlés avec les organismes d’application de la loi dans certains milieux urbains, par exemple à Toronto et à Halifax.
    Merci.
    Il vous reste 45 secondes.
    Monsieur Sikand, voulez-vous...?
    Les questions que je vous poserai m'ont été transmises par une électrice qui travaille dans un établissement pour femmes.
    Tout d'abord, existe-t-il, oui ou non, des statistiques sur l'efficacité des fouilles à nu aléatoires?
    Oui.
    Emploie-t-on des détenus dans la préparation de repas de type cuisson-refroidissement pour réduire les coûts, comme on le fait dans la province, oui ou non?
    Oui, je crois que cela fait partie de...
    Merci. Je ferai suivre vos réponses.
    Vous avez posé vos deux questions de manière très efficace.
    Monsieur Dalton.
    Monsieur Zinger, je vous remercie de votre rapport.
    J'ai seulement quelques questions.
    Vous indiquez que la semi-liberté coûte environ le quart de l'incarcération et que de plus en plus de détenus sont remis en semi-liberté, mais vous mentionnez également une surveillance inadéquate. En tenant compte de tout cela, nous avons l'investissement le plus élevé par détenu dans nos pénitenciers. Pouvez-vous apporter des éclaircissements à cet égard?
    Pourquoi n'apporte-t-on pas des changements? Pourquoi n'augmente-t-on pas les ressources pour la surveillance? Manifestement, cette pratique est de plus en plus utilisée et elle est beaucoup moins coûteuse. Pourriez-vous formuler des commentaires sur cet enjeu?
    Je dois tout simplement admettre que je suis d'accord avec vous, mais visiblement, la personne la mieux qualifiée pour répondre à cette question serait la commissaire du Service correctionnel, car elle pourrait vous parler de la répartition des ressources.
    D'accord. Merci.
    La Presse a publié un article selon lequel des détenus québécois, ainsi que des détenus d'autres provinces, pouvaient se déclarer Métis pour profiter d'avantages substantiels sans devoir nécessairement produire une preuve de leur appartenance à la communauté métisse. Je suis moi-même Métis, et cela me préoccupe. Pouvez-vous nous dire si des abus de ce type sont commis par des gens qui ne sont pas Métis?
    J'ai lu cet article et je pense qu'il est mal avisé. J'ai même écrit à l'auteure et je lui ai envoyé des statistiques. Je crois que c'est une diversion et que ce n'est pas fondé sur des faits.
    En réalité, un Autochtone qui se retrouve dans le système correctionnel fédéral est plus susceptible de purger une plus grande partie de sa peine, d'être assujetti à l'utilisation de la force, de s'automutiler et de voir sa libération conditionnelle suspendue ou révoquée. Il n'y a donc aucun avantage concret à se déclarer Autochtone. Les statistiques que j'ai fournies à l'auteure de l'article montrent qu'il n'y a pas eu d'augmentation fulgurante. Il y a peut-être certains cas d'abus, mais les données ne laissent voir aucune pratique systémique.
    Très bien. J'aime bien l'entendre.
    Vous avez fait allusion au nombre de ceux qu'on libère plus tard par rapport à la population autochtone. La proportion de ceux à qui on octroie la semi-liberté est de 18 %. En quoi ce pourcentage de détenus autochtones en semi-liberté se compare-t-il avec celui des non-Autochtones?
(0935)
    Je ferai communiquer par mon bureau une réponse précise à votre comité. La plus grande partie des détenus libérés d'office le sont après avoir purgé les deux tiers de leur peine. C'est plus de 70 % chez les Autochtones; un peu plus de 60 % chez les non-Autochtones.
    Une dernière question, et il n'en est pas question dans le rapport. Je me demande si vous pouvez nous en glisser un mot.
    J'ai parlé à beaucoup d'agents correctionnels. Ils s'en font vraiment au sujet de l'impossibilité de recourir à l'isolement cellulaire comme par le passé et du peu de moyens à leur disposition pour faire respecter la discipline. Qu'en pensez-vous?
    De nouvelles lois suppriment l'isolement cellulaire comme le définissent les règles Nelson Mandela ou l'Ensemble de règles minima pour le traitement des détenus, pour s'assurer qu'ils passent au moins quatre heures à l'extérieur de leur cellule. C'est pour favoriser les contacts humains. Mais je continue de me demander si ce pas dans la bonne direction est soutenable et si les protections offertes par l'application régulière de la loi suffisent pour compenser la perte de liberté et les dures conditions d'isolement qui subsistent, parce que, quatre heures...
    Merci, monsieur Dalton.
    Monsieur Lighbtound, vous disposez de cinq minutes.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Je partagerai mon temps de parole avec M. Sikand. Il a des questions importantes à poser.
    Monsieur Zinger et madame Kingsley, merci beaucoup de votre présence et de votre rapport. Ce dernier nous a été très utile et il jette une lumière intéressante sur les services correctionnels.
    Je voudrais vous entendre sur une recommandation spécifique concernant les détenus en phase terminale et leur potentielle libération. J'aimerais avoir vos commentaires à propos des avantages que vous avez observés au cours de vos études, et, plus largement aussi, en ce qui a trait aux avantages de la libération conditionnelle, de la réhabilitation et de la réintégration des détenus.
    Nous avons produit un rapport sur la question des détenus qui vieillissent et meurent en prison. Ce segment de la population carcérale a augmenté durant les dernières années. Il s'agit maintenant de plus de 25 % de la population carcérale. Ce sont des personnes âgées de 50 ans et plus qui ont beaucoup de problèmes de santé, tant sur le plan physique que mental.
    Nous nous sommes penchés sur ces questions et nous avons interrogé plus de 250 individus incarcérés et d'autres détenus remis en liberté. Nous avons été assez frappés par le fait qu'un segment de la population carcérale est très vieillissant, et ces détenus éprouvent toutes sortes de problèmes de santé. On parle de personnes atteintes d'Alzheimer ou de démence, de personnes en phase terminale ou nécessitant des soins palliatifs. Nous avons de la difficulté à comprendre pourquoi le Service correctionnel ne conçoit pas une stratégie nationale qui faciliterait le transfert de ces individus dans la collectivité.
    Le Service correctionnel nous a toujours dit que l'un des problèmes est le manque de lits disponibles dans les établissements de soins de longue durée ou les résidences pour personnes âgées. La réponse que nous donnons au Service correctionnel est de ne pas essayer de composer avec le nombre de lits disponibles dans la collectivité, mais simplement d'en acheter et de créer des places. Le coût pour garder une personne vieillissante est faramineux. Le coût peut être de 2 à 4 fois plus élevé que ce qui constitue la norme, celle-ci étant de 120 000 $ par détenu. Vous pouvez multiplier ce chiffre par 2 ou par 4 afin de connaître le coût pour garder une personne en établissement. Cela n'a aucun bon sens et, selon moi, il s'agit d'une question de dignité humaine. Le risque est négligeable quant à ces personnes et, je le répète, cela n'a aucun bon sens.
(0940)
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?

[Traduction]

    M. Sikand disposera de deux minutes et je suis certain que son efficacité habituelle l'amènera à poser un bon nombre de questions.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Lightbound.
    Merci, monsieur Zinger.
    Toutes mes excuses pour la fin abrupte du dernier tour de questions. Tout simplement pour conclure la première intervention, comme je disais, il s'agit d'un électeur qui vit dans la circonscription, mais qui travaille dans un établissement correctionnel pour femmes situé immédiatement à l'extérieur.
    De quelle méthode adaptée aux traumatismes subis, mais efficaces, se servira-t-on si on devait remplacer les techniques de fouille à nu des femmes par des scanners corporels ou d'autres techniques?
    Je pense que vous faites allusion à la partie du rapport qui... Dans un établissement où le tiers des femmes revenant du parloir doit être fouillé à nu, rien ne prouve l'atténuation du risque de contrebande ou d'introduction de drogues, peu importe lequel, pour l'établissement.
    L'application du processus n'est pas uniforme partout, et des établissements assurent la sécurité de ces femmes sans devoir recourir à ces fouilles. Il faut connaître les traumatismes qu'elles ont vécus. Plus de 80 % ont été victimes d'agressions sexuelles ou physiques. Bien sûr, les fouilles à nu devraient continuer, mais quand on a des motifs raisonnables de croire que les femmes ont introduit quelque chose. Mais il faut que ça soit prouvé. Les fouilles au hasard ne sont ni convenables ni éthiques.
    Merci, monsieur Sikand.

[Français]

    Madame Michaud, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais poursuivre sur ce sujet justement pour vous proposer d'annuler immédiatement les fouilles à nu, parce que cette pratique n'est pas appliquée de façon uniforme au pays.
    Qu'est-ce qui fait en sorte que cela se fait à certains endroits, et non à d'autres? Est-ce que cela se fait seulement après la visite ou avant pour s'assurer qu'il n'y a pas de contrebande? Pourquoi n'est-ce pas uniforme? Par quoi pourrait-on les remplacer en fait?
    En fait, il faut toujours parler de meilleures pratiques, ce qui constitue un des problèmes au sein du Service correctionnel, qui est une organisation hautement décentralisée. Selon des situations qui se présentent localement, certains directeurs ou certaines directrices de pénitencier prennent des initiatives. Je pense qu'il serait important d'uniformiser les meilleures pratiques au sein du Service correctionnel. À mon avis, c'est l'enjeu principal.
    Il pourrait s'agir de donner une formation, justement, sur les traumatismes qui sont liés à ce type de fouille.
    Vous parlez aussi des personnes transgenres qui sont incarcérées. Est-ce que les agents devraient être davantage sensibilisés à cette situation et recevoir une formation plus approfondie concernant cette problématique?
    Personnellement, je pense que la formation est toujours importante. À mon avis, ce genre de politiques qui s'appliquent telles quelles à toute la population carcérale n'est pas toujours la meilleure façon de prévenir l'entrée des drogues dans les pénitenciers. Je pense qu'il faut agir au cas par cas et qu'il faut assurer une sécurité dynamique, où les agents correctionnels jouent un rôle prépondérant dans la collecte de renseignements sur l'entrée des drogues. C'est ce genre de choses qu'il faut promouvoir, c'est-à-dire la sécurité dynamique au lieu de la sécurité statique.

[Traduction]

    Monsieur Harris, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci. Je laisse à M. Zinger la possibilité de répondre à ma question antérieure.
    Vu le sens de l'évolution du problème de la surreprésentation des Autochtones, vous semble-t-il que les recommandations des mesures à prendre de la Commission de vérité et réconciliation sont prises au sérieux et qu'elles ont bien été mises en oeuvre ou qu'elles ont influé sur la situation des Autochtones incarcérés?
(0945)
    Je peux seulement répondre au sujet des recommandations visant la justice pénale, et, plus précisément, le système correctionnel.
    Beaucoup de recommandations de la commission ainsi que de l'enquête sur les femmes autochtones disparues et assassinées reflétaient celles de mon bureau. La plus importante, qui, à mon sens, exige beaucoup de réflexion et d'effort, j'en ai parlé, consiste à réaffecter une partie du financement et des responsabilités pour conclure plus d'ententes sous le régime des articles 81 et 84, ce qui permettrait au ministre de la Sécurité publique du Canada de conclure des ententes avec les communautés et les groupes autochtones pour le soin, la garde ou la supervision de personnes autochtones.
    D'après moi, ce serait la meilleure suite à donner aux recommandations visant le système correctionnel, qui permettrait une réaffectation importante de ressources.
    Je vous remercie de cet éclairage.
    Parlons maintenant de la question du soutien et des ressources destinés aux personnes en liberté conditionnelle dans la collectivité. J'ai sous les yeux vos recommandations nos 11 et 12 et votre discussion sur les ressources affectées en ce sens.
    Manifestement, les personnes surveillées en tirent des avantages, mais, également, la réintégration dans la collectivité, perçue comme utile. Est-ce que ça a aussi des conséquences pour la sécurité publique et la gestion des risques?
    Très rapidement, s'il vous plaît.
    Encore une fois, la détention nous coûte des sommes exorbitantes, et son rendement est médiocre. Chez les Autochtones de la région des Prairies, les taux de récidive atteignent 70 %. Ça concerne certainement la sécurité publique.
    La tâche des services correctionnels est d'assurer le taux de récidive le plus faible possible. Actuellement, ce n'est pas en purgeant une peine dans le pénitencier de la Saskatchewan ou dans les établissements de Stony Mountain ou d'Edmonton qu'on pourra corriger certains de ces vieux problèmes reliés à la santé mentale, aux agressions sexuelles...
    Monsieur Zinger, il faut nous arrêter ici. Merci.
    Merci.
    Monsieur Shipley, vous disposez de cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Zinger, de votre rapport et de votre présence.
    Dans le rapport, vous faites observer que, en 2016-2017, 8 886 contrevenants ont été mis en liberté surveillée dans la collectivité. C'est le nombre le plus élevé de la dernière décennie. Pourquoi y en a-t-il eu autant?
    C'est la Commission des libérations conditionnelles du Canada qui décide. Si elle estime que les contrevenants ne posent pas un risque excessif et que la collectivité sait s'y prendre avec eux, ça répond en partie à votre question. Je vous conseillerais d'interroger le président de la commission ou le commissaire du Service correctionnel du Canada sur les causes de l'augmentation.
    Je pourrais parler de l'affaire Marylène Levesque, si vous voulez, si votre comité le désire.
    Mes collègues conservateurs sont extrêmement désireux de vous entendre.
    Oui, très.
    D'accord.
    J'offre d'abord mes sincères condoléances à la famille et aux amis de Mme Levesque.
    Cette affaire me préoccupe à double titre. Elle est d'abord très exceptionnelle. Il est très rare qu'on libère un meurtrier qui récidive ensuite. À ma connaissance, ce n'est arrivé qu'il y a plus de huit ans. Mais les cas exceptionnels mettent à rude épreuve l'ensemble du système. Ils risquent toujours de faire adopter, d'engendrer une politique et des lois mal inspirées. Nous devrions être sensibles à cette affaire. Il ne faut pas croire qu'on ne devrait pas l'examiner avec le plus grand soin, parce que c'est un échec flagrant du système.
     Ma deuxième crainte découle de la première. Après une telle affaire, quel genre d'enquête instituer? D'après moi, il en faut une très crédible, nécessairement indépendante, c'est sûr, et dotée de tous les moyens et pouvoirs qu'il faut pour aller au fond des choses. Or, je constate que l'enquête à venir a été organisée conjointement par le commissaire et le président de la commission des libérations conditionnelles. C'est essentiellement une enquête interne. Si on s'arrête au processus, je pense que ça pose un problème. Quand la commission alléguée d'un acte répréhensible risque de conduire à l'examen de l'exercice négligent du devoir, il ne faut pas demander à l'organisme à qui c'est imputable de s'occuper lui-même de l'enquête. Dans la police, ça ne se fait jamais. Ça ne se fait pas.
    J'ai formulé des recommandations semblables, quand des situations gravissimes sont arrivées dans le système correctionnel. L'année dernière, j'ai recommandé au ministre de la Sécurité publique une enquête indépendante, dotée des bons moyens, après la mort d'un détenu par suite d'une émeute ou de l'usage de la force par des agents correctionnels. Ce n'est possible, d'après moi, que sous le régime de la Loi sur les enquêtes, et non par une enquête interne.
(0950)
    Merci. Il me reste très peu de temps. Je vous remercie de votre réponse.
     Nous sommes d'accord, pas d'enquête interne. Qui, précisément, devrait en être chargé?
    On devrait le demander au gouvernement, sous le régime de la Loi sur les enquêtes, pour en assurer l'indépendance complète. Votre comité pourrait ensuite revoir un... où il n'y aurait aucune perception ni risque de complaisance envers soi.
    Ainsi, j'ai estimé que l'enquête du service sur le pénitencier de la Saskatchewan, à la suite d'une émeute survenue en décembre 2016, présentait cette complaisance. Je n'ai pas réussi à découvrir le fin fond de l'affaire. Encore une fois, il faut se demander si, après la commission d'un acte répréhensible grave, on peut confier l'enquête à l'organisme à qui l'acte risque d'être imputable. Et il faut répondre non.
    Il faut s'arrêter ici. Merci.
    Monsieur Iacono, vous disposez de cinq minutes.
    Monsieur Zinger, vous rappelez-vous quel était cet incident analogue qui s'est produit il y a huit ans?
    Je pense que c'est arrivé au Nouveau-Brunswick. Je devrai m'informer.
    Je vous en prie. Si vous pouviez nous communiquer ce renseignement, j'en serais heureux.

[Français]

    Monsieur Zinger, vous mentionnez dans votre rapport la nécessité de trouver des solutions de rechange à l'incarcération, sans mentionner d'exemples, quels qu'ils soient. Qu'entendez-vous par cela?
    Avez-vous des solutions en tête? Pensez-vous vous inspirer un peu d'autres pays, tels les pays scandinaves, qui utilisent les bracelets électroniques, par exemple?
    Il est indéniable qu'il y a peut-être des solutions de rechange qui pourraient découler de changements apportés au Code criminel. Les sentences conditionnelles pourraient certainement être l'une des avenues à considérer. Toutefois, cela se situe tout en amont du système correctionnel et ma responsabilité a trait au système fédéral correctionnel.
    J'ai cité trois groupes d'individus qui bénéficieraient d'une façon de faire différente. J'ai parlé des personnes âgées et vieillissantes en prison qui pourraient être remises en liberté sans causer de risque indu à la société. J'ai parlé des Autochtones et des centres de ressourcement qui pourraient être créés en partenariat avec les communautés autochtones. J'ai aussi parlé de ceux qui souffrent de santé mentale de façon aiguë, qui sont suicidaires ou qui s'automutilent gravement. Ce sont trois groupes pour qui les choses pourraient être faites différemment.
(0955)
    Dans votre rapport, vous indiquez que les prisonniers ne disposent pas de nourriture en quantité suffisante quotidiennement, mais vous mentionnez également le gaspillage excessif de nourriture en prison. Cela semble contradictoire. Pouvez-vous clarifier cela?
    Après cinq ans, ce qui s'est passé quant à la gestion de la nourriture est assez extraordinaire. Il y a de plus en plus de détenus qui utilisent leur propre argent pour aller à la cantine, car ils veulent éviter de manger la nourriture offerte par le pénitencier. Certains directeurs et certaines directrices d'établissements m'ont dit qu'on y cuisine rarement pour cent pour cent de la population carcérale, mais pour un quart ou un tiers de moins. Ce que nous constatons, c'est que les détenus utilisent leur argent — des sommes minimales — pour acheter de la nourriture en complément de leur alimentation ou pour remplacer les repas au complet.
    Je vais vous donner des exemples. Le dernier établissement où je me suis rendu est celui de Millhaven. Dans le passé, on vendait à la cantine des produits comme des barres de chocolat et des croustilles. Maintenant, la cantine est l'équivalent d'un petit IGA. On peut acheter du saumon en conserve, du thon, de la sauce à spaghetti, des sardines, du maquereau, toutes sortes de choses. Quant aux produits surgelés, on peut acheter des ailes de poulet, des poitrines de poulet, et ainsi de suite.
    Parfait.
    Je vais attribuer la dernière minute de mon temps de parole à mon collègue, M. Sikand.

[Traduction]

    Merci.
    À part le modèle d'engagement et d'intervention, d'autres stratégies seraient-elles efficaces? Est-ce qu'on gagnerait à créer des comités formés de membres du personnel?
    Je suis désolé. Je ne...
    À part le modèle d'engagement et d'intervention, quelles autres stratégies seraient efficaces et est-ce qu'on gagnerait à opérer un virage, à l'initiative du personnel?
    La mise en oeuvre du modèle en question est problématique. Nous avons fait la recommandation... En fait, c'est une recommandation que nous avons formulée, il y a un bon nombre d'années, à la suite de l'enquête sur la mort d'Ashley Smith, qui a enfin été appliquée, et le service l'a finalement acceptée dans le cas de Matthew Hines. En réponse à notre rapport, il a modifié le modèle. Le modèle est censé favoriser la baisse de tension, se traduire par une réévaluation plus suivie de la situation, assurer, également, en cas d'urgence médicale ou de personne souffrant de problèmes de santé mentale, une réponse adaptée, avec l'aide des services de santé. En théorie, c'est bon, mais nous n'en avons pas encore vu les résultats pratiques.
    Nous devons nous arrêter ici. M. Sikand pourra, de toute façon, je crois, se reprendre.

[Français]

    Monsieur Paul-Hus, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Nous parlions du Programme d'échange des seringues dans les prisons.
    Vous mentionnez dans votre rapport qu'il y a peu de demandes actuellement, moins de demandes que ce à quoi nous nous serions attendus de la part des prisonniers. On s'entend également pour dire que les seringues servent à injecter des drogues qui sont obtenues illégalement.
    Ne croyez-vous pas que c'est la raison pour laquelle les prisonniers n'en font pas la demande, et que c'est parce qu'ils ne veulent pas automatiquement être reconnus comme étant importateurs de drogue?
    Dans le cadre des meilleures pratiques appliquées dans d'autres pays à l'échelle internationale, ce genre de programme est dirigé par le centre de santé. Ce sont des infirmières et des médecins qui s'en occupent.
    Le Service correctionnel du Canada a mis en oeuvre une autre façon de faire les choses qui met l'accent sur les questions de sécurité.
    Il faut faire des évaluations de risque avant qu'un candidat ou une candidate puisse bénéficier du programme. Au fond, c'est la raison pour laquelle il y a très peu de détenus qui en profitent ou qui veulent en profiter parce que l'accent n'est pas mis sur la réduction des dommages ni sur les questions de santé.
(1000)
    D'accord.
    Il reste que ce que les détenus s'injectent est quand même une drogue entrée illégalement.
    Au fond, on n'aurait pas besoin de seringues si aucune drogue n'entrait dans les pénitenciers.
    Pour régler cela, il a déjà été question d'avoir des scanneurs corporels. Ils permettraient d'éviter, selon ce qu'on me dit, l'entrée de plus de 90 % des drogues qui sont apportées par des visiteurs. Ceux-ci seraient scannés automatiquement.
    Ne pensez-vous pas que nous devrions mettre l'accent sur cela et accélérer l'installation des scanneurs?
    J'aimerais aussi que vous me donniez votre avis sur le fait que les agents du Service correctionnel du Canada sont clairs. Selon eux, le Programme d'échange de seringues dans les prisons est très dangereux et ils dénoncent ce projet depuis le début. Ils exercent également des pressions pour avoir des scanneurs le plus vite possible.
    Que dites-vous à nos agents à ce sujet?
    Je dirais qu'il circule beaucoup de fausses informations à ce sujet. Les pays qui ont mis en place ce genre de programme ont vu, par exemple, une grande réduction d'incidents liés aux piqûres accidentelles.
    Je crois que les gens sont mal informés à ce sujet. C'est pourtant la réalité: les évaluations des autres pays montrent une réduction importante de ce genre d'incidents. Cela ne met pas du tout la sécurité des agents en péril.
    Nous allons leur en parler.
    Je cède la parole à mon collègue, M. Morrison.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Zinger, je me demande si vous pouvez m'appuyer pour un problème sur lequel j'ai un peu d'expérience. C'est peut-être l'objet d'un programme distinct, axé sur la désintoxication. On pourrait diriger les toxicomanes au crystal meth, par exemple, vers un autre système axé précisément sur la réadaptation, plutôt que de les mêler à la population générale de la prison.
    Je sais qu'il est facile de faire baisser la criminalité; il suffit de remplir les prisons. La prévention est assez difficile, et elle exige un programme à long terme. Pour y être allé faire enquête sur cette question, je sais que, au Royaume-Uni, il existe un tel programme. Qu'en pensez-vous? Quelle est votre opinion, s'il vous plaît?
    Le système correctionnel a consacré un nombre excessif de mesures d'interdiction à la prévention de l'introduction de drogues dans les pénitenciers. Il y a dépensé des centaines de millions de dollars, à toutes sortes d'initiatives qui n'ont pas encore donné les résultats attendus.
    Les faits montrent que, par exemple, les tests aléatoires d'urine donnant des résultats positifs n'ont pas sensiblement ni beaucoup changé depuis ces dépenses faramineuses. Habituellement, les taux positifs se situent autour de 6 ou 7 %, en dépit de tout l'argent consacré aux mesures d'interdiction.
    Je suis d'accord avec vous: il faut faire plus pour mettre sur pied des programmes et des traitements de premier ordre contre les toxicomanies en prison ainsi que pour des stratégies très améliorées de réduction des méfaits, y compris des échanges d'aiguilles dans les prisons sous supervision médicale.
    Nous devons nous arrêter.
    Monsieur Iacono, je crois que vous avez une question. Nous entendrons ensuite Mme Damoff.

[Français]

     Monsieur Zinger, vous mentionnez dans votre rapport que les prisonniers ne disposent pas de carte médicale ni de document d'identité dans les prisons fédérales. Pouvez-vous clarifier cela?
    Qu'arrive-t-il lorsqu'un détenu doit aller à l'hôpital? Il doit sûrement avoir une carte médicale.
(1005)
    C'est l'un des problèmes que nous documentons depuis plusieurs années et qui ne semble toujours pas être réglé. Quand on parle d'accorder la priorité à la collectivité dans une partie du budget du Service correctionnel, c'est pour des choses aussi simples que cela.
    Quand les gens quittent le pénitencier, ils devraient avoir toutes les cartes d'identité nécessaires à l'obtention de soins médicaux et de services d'aide sociale, ou à l'obtention d'un permis de conduire pour travailler ou pour quoi que ce soit d'autre. C'est là que le bât blesse. Ce sont des choses tellement simples, qui sont parfois faites dans certains cas.
    Pendant leur incarcération, est-ce qu'ils ont déjà leurs cartes?
    Non, car ils peuvent parfois y être pendant des années. C'est à la sortie qu'il faut préparer les gens et s'assurer qu'ils ont, par exemple, leur certificat de naissance, afin qu'ils puissent faire une demande pour une carte.
    D'accord.
    Je vous suis quand vous parlez de leur sortie, mais, quand ils sont déjà incarcérés et qu'ils doivent faire une visite à l'hôpital, comment se présentent-ils s'ils n'ont pas de carte médicale?
    Ce sont les services fédéraux qui paient pour leurs soins médicaux quand ils sont incarcérés dans un établissement fédéral.
    Merci, monsieur Zinger.

[Traduction]

    Monsieur Zinger, j'ignore si vous savez que les services correctionnels et Services aux Autochtones ont signé une entente selon laquelle les Autochtones, au sortir de la prison, peuvent obtenir immédiatement leur carte de statut. C'est un début. Ce n'est certainement pas la solution, tout bien considéré, mais il semble que le gouvernement fédéral peut au moins régler cette question avec ses propres ministères. Comme les actes de naissance et la carte d'assurance maladie relèvent des provinces, ça rend l'affaire d'autant plus compliquée.
    Tous semblent s'accorder pour dire que nous avons besoin de conclure plus d'accords sous le régime des articles 81 et 84, de construire plus de pavillons de ressourcement, d'y accueillir plus d'Autochtones. Qu'est-ce qui entrave le gouvernement? C'était une recommandation de notre comité. Vous aviez aussi fait une recommandation en ce sens. Quelles difficultés empêchent le gouvernement d'agir?
    Merci.
    Je suis heureux d'entendre parler de progrès en ce qui concerne certaines des cartes d'identité. Mais je suis contrarié par le fait que, malgré l'excellence du service en certains endroits — des pratiques sont exemplaires —, on ne l'offre pas partout dans le pays. Le défi, pour le service, est d'offrir des pratiques exemplaires, pour résoudre le problème de la carte d'identité.
    Une partie de la résistance du service contre les accords sous le régime des articles 81 et 84, a toujours été motivée par le manque de volonté de certaines communautés autochtones de se charger d'une partie des responsabilités ou par leur incapacité. Je pense qu'il faut remettre ça en question et vraiment mobiliser ces communautés pour voir, par exemple, comment, en 10 ans, on pourrait changer le visage du système correctionnel et vraiment confier cette responsabilité aux communautés autochtones. Ça doit s'insérer dans une initiative de très grande envergure, qui permettrait de transférer des centaines de millions de dollars à ces communautés en 10 ans.
    Voilà de grosses dépenses pour lesquelles la bureaucratie, malheureusement, n'est pas toujours bien armée ni bien adaptée, c'est-à-dire payer, plutôt que de garder le magot.
    Ça exigerait beaucoup de hardiesse, beaucoup d'efforts, un véritable partenariat et un changement soutenu. Les administrations publiques sont souvent démunies pour ce genre de grandes initiatives.
    Merci, madame Damoff.
    Il reste quatre minutes et deux intervenants, Mme Michaud et M. Harris.
    Arbitrairement, je vous accorde à chacun deux minutes.

[Français]

    À la lumière de vos observations, vous avez formulé 16 recommandations. Elles sont toutes importantes, mais quelles sont les plus pressantes pour faire une refonte du système, comme vous l'avez mentionné? Où doit-on commencer?
    L'une des choses que j'ai mentionnées concernait la culture d'entreprise. Je pense que des changements fondamentaux doivent être faits afin que la culture soit plus ouverte. Cela permettrait aussi d'améliorer la reddition de comptes.
    J'aimerais bien voir une ouverture à nos recommandations ainsi qu'à celles de la Commission de vérité et réconciliation et de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, entre autres.
    Le Service correctionnel doit changer son approche et son optique afin d'être plus ouvert aux changements. Il doit mettre en avant des initiatives concrètes assorties d'échéanciers très précis afin que les priorités communiquées dans la lettre de mandat de septembre 2018 deviennent réalité.
(1010)
    Merci.
    Je vais laisser mon collègue poursuivre la discussion.

[Traduction]

    Monsieur Harris, vous avez la parole.
    Merci, monsieur le président.
    Revenons au traitement des toxicomanies dans les établissements fédéraux. La question est assez complexe. Des organismes de ma circonscription s'inquiètent beaucoup de la sourde oreille que semblent offrir souvent les services correctionnels aux personnes compétentes dans la collectivité.
    Que faudrait-il pour s'attaquer à ce problème? Faut-il des unités séparées dans les prisons, par exemple, pour peut-être isoler les toxicomanes du reste de la population carcérale, pendant un certain temps, pour les faire cheminer dans tout le processus de réadaptation, ou bien connaissez-vous d'autres recommandations?
    Encore une fois, c'est une question de priorité.
    Je pense que la question a déjà été soulevée. Comment concilier les mesures d'interdiction avec celles de réadaptation et de réduction des méfaits? D'après moi, à son arrivée, la plus grande partie de la population carcérale a besoin d'une sorte de traitement contre la toxicomanie. Alors que nous dépensons autant d'argent pour les services correctionnels, nous devrions, dès le début, pouvoir compter sur un traitement à la fine pointe de la technologie, constant pendant la durée de la peine. Nous devrions consacrer plus d'argent au traitement qu'au dernier gadget qui pourrait prévenir, sans résultats assurés, l'introduction de drogues dans les établissements.
    Merci, MM. Harris et Zinger.
    Au nom du Comité, je tiens à reconnaître que vous nous avez éclairés sur le système, et ce que nous y avons vu n'est pas toujours joli.
    Je fais observer que le vérificateur général a publié un rapport, qu'il existe deux rapports de comités de la Chambre des communes et un rapport du Sénat qui tous semblent dire la même chose. Ensuite, on semble unanime à reconnaître les recommandations et leur grande importance, mais peu de changements semblent survenir.
    Je me rends bien compte de votre persistance. J'espère plutôt que notre comité saura distinguer des moyens pour y donner suite.
    Encore une fois, je vous en remercie.
    Je vous en prie.
    Merci.
    Officiellement, la séance n'est pas encore levée.
    Au début de la séance, on a distribué le texte d'une motion. Je demande à quelqu'un d'en proposer l'adoption.
    Je la propose.
(1015)
    Quelqu'un veut-il en discuter? Personne.
    (La motion est adoptée. [Voir le Procès-verbal])
     Merci beaucoup. Sur ce, la séance est levée.
    Je demande aux membres du sous-comité de bien vouloir rester.
    La séance aura lieu à huis clos. Je demande aux autres de sortir rapidement.
    Merci.
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