:
Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est pour moi un plaisir de comparaître devant le Comité. C'est la première fois que je comparais devant un comité à titre de ministre des Affaires étrangères. Je suis ravi d'être accompagné de Steve Verheul et de Michael Grant, mes collègues du ministère.
Le Canada et les États-Unis ont une relation unique, incomparable. Nous bénéficions de la plus grande relation d'affaires au monde en plus de partager la plus longue frontière non défendue au monde. Nous sommes de forts alliés dans le monde et travaillons ensemble à protéger l'environnement naturel de nos deux pays, tout en nous laissant guider par l'objectif de réduire nos émissions dans le monde. Nulle part ailleurs n'y a-t-il deux pays qui dépendent davantage l'un de l'autre pour leur prospérité mutuelle. Des biens et services d'une valeur d'environ 2,7 milliards de dollars traversent la frontière chaque jour. Environ les trois quarts des exportations du Canada se dirigent vers les États-Unis.
En février, quelques semaines à peine après son inauguration, le président Biden a choisi de renouveler la tradition. Sa première rencontre avec un dirigeant mondial serait avec le . Ils ont alors parlé de l'importance d'une vision commune, pour les deux pays, en vue d'une croissance propre et durable qui nous ouvre des portes et qui renforce la classe moyenne des deux côtés de la frontière. Après cette rencontre, les dirigeants ont annoncé leur feuille de route pour un partenariat renouvelé entre les États-Unis et le Canada afin de revitaliser et de renforcer notre alliance historique. Cette feuille de route se veut un plan directeur destiné à approfondir notre coopération dans beaucoup de domaines essentiels, y compris dans la lutte contre la pandémie de COVID-19 et nos efforts pour bâtir des économies plus propres, plus justes et plus inclusives pour tous.
Après cette rencontre, j'ai parlé avec le secrétaire Blinken de la poursuite du travail entrepris par nos deux dirigeants. Nous avons convenu de travailler ensemble avec nos partenaires aux vues similaires afin de défendre nos valeurs fondamentales dans le monde, des valeurs comme la démocratie et le respect des droits de la personne, dans toutes sortes de dossiers y compris dans nos désaccords avec la Chine, où l'on observe une montée de l'autoritarisme en plus de la détention arbitraire de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Les États-Unis nous assurent leur soutien indéfectible et sans équivoque dans les appels à leur libération. Le secrétaire Blinken et moi avons également discuté de l'importance de travailler ensemble pour rebâtir en mieux, de façon inclusive, après la COVID-19 et de coopérer sur les questions migratoires.
[Français]
Nous nous sommes également entendus pour refuser le protectionnisme inutile. Nous reconnaissons tous que la reprise économique, tant aux États-Unis qu'au Canada, sera plus rapide, plus forte et plus durable si nous agissons ensemble. Pour cette raison, le président Biden et le ont lancé une nouvelle stratégie pour solidifier la résilience et la fiabilité de notre chaîne d'approvisionnement, qui est si critique pour la prospérité de nos deux pays, et qui a été et demeure essentielle dans notre réponse à la pandémie.
Les travailleurs et les entreprises ne font pas qu'échanger des biens; ils les produisent ensemble pour qu'ils soient utilisés ici et ailleurs dans le monde. Concrètement, la plupart des importations américaines provenant du Canada contiennent déjà des produits américains. Les deux pays comprennent pertinemment qu'il est capital d'éviter les conséquences imprévues de politiques protectionnistes mal pensées.
Le Canada est un partenaire prévisible et stable pour les États-Unis et est également son plus proche allié. Nous travaillons ensemble pour faire en sorte que notre prospérité mutuelle ainsi que notre sécurité nationale soient appuyées par une chaîne d'approvisionnement solide et résistante.
Nous savons pertinemment que les politiques Buy America ont des effets négatifs sur nos échanges transfrontaliers ainsi que sur nos intérêts américains. C'est pour cette raison que le et la vice-présidente Harris se sont entendus en février pour éviter les conséquences imprévues de ce type de politiques. De plus, le mois dernier, la et la vice-présidente Harris ont discuté de l'importance du libre-échange, particulièrement dans le contexte des propositions entourant les politiques Buy America.
Nos deux pays reconnaissent également le rôle capital que les ressources naturelles jouent dans nos relations commerciales. Le Canada est le premier fournisseur d'énergie pour les États-Unis, et cela comprend le pétrole, le gaz naturel, l'hydroélectricité, ainsi que l'uranium. Il est essentiel que nous travaillions ensemble pour assurer un apport de ressources durable et prévisible à l'Amérique du Nord et à l'ensemble du monde.
[Traduction]
L'énergie est l'épine dorsale de nos exportations. C'est un pilier de l'économie, des emplois et de la compétitivité de part et d'autre de la frontière. Les ressources naturelles sont source d'énergie, de sécurité et de résilience en Amérique du Nord, et nous avons toujours pour priorité d'appuyer l'utilisation continue de la canalisation 5, aujourd'hui comme à l'avenir, grâce au projet de tunnel d'Enbridge.
Nous travaillons sans relâche, grâce au réseau diplomatique du Canada aux États-Unis, à cultiver et à renforcer cette relation dans le secteur de l'énergie. Notre désir commun d'accroître la sécurité énergétique sur le continent se conjugue à une volonté commune de créer des emplois dans une économie propre et durable tournée vers l'avenir, qui protège notre environnement naturel et combat la menace existentielle du changement climatique tout en créant des débouchés dans le secteur énergétique de l'avenir.
Nous avons convenu avec l'administration américaine d'adopter une approche coordonnée pour accélérer les projets en matière d'infrastructures énergétiques propres, durables et résilientes, notamment en encourageant la transmission transfrontalière d'électricité propre. Nous avons également convenu d'harmoniser nos politiques pour favoriser le passage à des véhicules à émission zéro et créer les chaînes d'approvisionnement nécessaires pour faire du Canada et des États-Unis des chefs de file mondiaux dans tous les aspects du développement et de la fabrication de batteries, pour que tous les citoyens puissent participer à la transition vers les énergies propres et l'entreposage d'énergie renouvelable.
Comme le prévoit la nouvelle feuille de route, nous lancerons un dialogue ministériel de haut niveau sur le climat, dont l'objectif sera d'élever nos ambitions en matière de climat, en conformité avec l'Accord de Paris et les objectifs de carboneutralité, et de tenir les pollueurs responsables de leurs actes.
Au-delà de leur coopération en matière de reprise économique et de sécurité énergétique, le Canada et les États-Unis collaboreront de près en matière de défense, sur leurs territoires et à l'étranger, notamment au sein des grandes organisations multilatérales.
[Français]
À court et à moyen terme, nous allons élargir notre coopération en matière de défense sur le continent et dans l'Arctique, notamment en modernisant le Commandement de la défense aérospatiale de l'Amérique du Nord, le NORAD, et en lançant un dialogue élargi entre les États-Unis et le Canada sur l'Arctique.
Nous vivons présentement un moment phare et fort excitant dans notre relation avec les États-Unis. Au cours des prochaines années, le Canada aura une panoplie d'occasions de travailler avec l'administration Biden et nous sommes très bien placés pour les saisir.
Je vous remercie de votre écoute. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
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Merci, monsieur le président, et merci, monsieur le ministre. Nous vous sommes très reconnaissants d'être ici pour répondre à nos questions.
Monsieur le ministre, en mai 2014, lors d'une conférence sur le secteur manufacturier canadien, qui paraît tout aussi pertinente aujourd'hui qu'à l'époque, Robert Hattin, ancien président du conseil d'administration des Manufacturiers et Exportateurs du Canada, a laissé entendre que pour réussir à affronter la concurrence dans l'économie des États-Unis, les manufacturiers canadiens devraient simplement acheter une entreprise américaine:
Ce n'est plus une option que de continuer de faire des affaires comme nous les avons toujours faites. Nous devons trouver d'autres façons de continuer de participer à la plus grande économie au monde. Il faut acheter aux États-Unis. Il faut investir aux États-Unis.
Bien sûr, ce que M. Hattin ne dit pas, c'est que cela pourrait causer la perte catastrophique de beaucoup d'emplois bien rémunérés dans le secteur manufacturier, au Canada.
Monsieur le ministre, afin d'endiguer cette hémorragie des contrats et des emplois du Canada pendant la fermeture de la frontière entre le Canada et les États-Unis, qui perdure depuis un an, que le gouvernement canadien fait-il pour s'assurer que les manufacturiers puissent prospérer au Canada et que les emplois soient protégés au Canada contre le resserrement récent des dispositions « Buy America » par le président Biden?
:
Merci, monsieur le ministre, je comprends tout à fait. Je suis très heureux que vous nous parliez d'approche intégrée.
Justement, monsieur le ministre, je m'inquiète de l'effet des dispositions « Buy America » sur les chaînes d'approvisionnement Canada-États-Unis, qui sont très intégrées, comme vous l'avez mentionné.
Ici même, chez moi, à Essex, se trouve l'usine d'assemblage de Windsor, l'usine d'assemblage de Chrysler. Nous n'arrivons pas à recevoir les puces dont nous avons besoin dans nos véhicules, de sorte que l'usine est fermée depuis un mois. Je crois vraiment que cette intégration n'est peut-être pas aussi profonde qu'elle pourrait l'être.
Monsieur le ministre, les pièces qui entrent dans la fabrication d'un véhicule traversent jusqu'à sept fois la frontière internationale la plus occupée au monde. Le véhicule ou le camion assemblé la retraverse ensuite pour parvenir aux États-Unis ou parfois, au Mexique.
Monsieur le ministre, le Canada est-il en négociation avec ses homologues des États-Unis pour protéger cette chaîne d'approvisionnement intégrée dans le secteur manufacturier, au Canada, particulièrement dans le secteur de l'automobile?
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Français]
Merci beaucoup d'être avec nous aujourd'hui, monsieur le ministre.
Ce n'est pas facile de prendre la parole après cinq députés, car plusieurs de mes questions ont déjà été posées.
[Traduction]
Je vais devoir changer ma stratégie un peu.
Nous sommes tous les deux de la région de Montréal, qui n'est pas loin de la frontière. Vu que ma circonscription est à 45 minutes du poste frontalier de St-Bernard-de-Lacolle, j'entends souvent des revendications contraires des deux côtés de la frontière: il ne faut pas rouvrir la frontière, il faut la rouvrir, il faudrait tout au moins laisser passer certaines personnes, notamment celles qui ont une propriété dans l'autre pays.
Vous avez indiqué que c'est un dossier en pleine évolution qui est revu tous les mois, mais est-ce possible, vu le taux de vaccination qui grimpe à la fois aux États-Unis et au Canada, que la frontière soit ouverte d'ici la fin de l'été?
:
Vous avez également décrit le processus en place. Cela ressemble à celui que nous avions dans le cadre des négociations visant l'AEUMC, ou l'ACEUM, auxquelles j'ai participé. J'étais l'un des collaborateurs d'Andrew Leslie à l'époque. Nous avons mené un travail non partisan pour faire connaître les avantages des échanges canado-américains et de notre belle relation.
Or, je constate des problèmes actuellement. Premièrement, vous n'avez confié ce dossier à personne dans votre caucus. Deuxièmement, nous ne pouvons pas nous déplacer, et une partie du processus prévoyait justement des rencontres en personne. Les États-Unis ont un nouveau Sénat. En fait, le Sénat a indiqué, dans la lettre envoyée par 21 sénateurs au président, qu'il n'autoriserait aucune dérogation. Ces sénateurs ne veulent aucune exception, point barre.
Comment allons-nous faire le travail, le travail effectué par M. Masse, et moi-même? Comment procéder lorsque nous ne pouvons pas nous déplacer aux États-Unis et ne pouvons effectuer aucune visite?
Je suis également très inquiet lorsque j'entends de la part de nos homologues aux États-Unis qu'ils ne comprennent même pas le problème. Lorsque nous avons été saisis du dossier de la canalisation 5, par exemple, ils n'étaient même pas au courant. Quelle est votre stratégie pour vous assurer que le travail se fait?
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Merci, monsieur le président. Merci, monsieur le ministre.
Monsieur le ministre, vous l'avez également appris de certains de nos amis d'en face. L'une des réussites des négociations en vue de l'Accord Canada—États-Unis—Mexique a été que ç'a été le fruit d'un effort bipartite, multipartite, d'un effort de tous les Canadiens. Je faisais partie du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis qui a visité de nombreux membres du Congrès, de nombreux gouverneurs et de nombreux sénateurs pour bien leur faire comprendre l'intensité des échanges commerciaux entre les États qu'ils représentaient et le fait que le Canada était habituellement le premier, sinon le deuxième partenaire en importance de la plupart de ces États.
Du même point de vue, en ce qui concerne les achats — et, comme j'ai déjà posé la même question, je ne m'attends pas à un montant précis —, n'importerait-il pas beaucoup que nous soulignions, pour les États, les districts du Congrès, les sénateurs et d'autres, le volume des achats faits par des entreprises canadiennes aux États-Unis? Et, réciproquement, combien d'entreprises américaines s'approvisionnent au Canada? Si les États-Unis appliquent les dispositions « Buy America » aux marchandises canadiennes et si le Canada leur rend la pareille, quelle sera la valeur des échanges mis en péril?
Est-ce qu'on a insisté là-dessus? Est-ce que les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada ont pu rassembler les données en ce sens? Peut-être pouvez-vous dire ce que vous avez fait pour acheminer ce message à nos interlocuteurs.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de votre invitation. C'est un honneur de comparaître devant votre comité. Je témoigne à titre personnel, et le point de vue que j'exprimerai sera le mien.
Les États-Unis amorcent maintenant une étape pendant laquelle la politique « Buy American » est susceptible de jouer un rôle plus important à l'échelon fédéral, et, pour trois raisons, je ne perçois pas de relâchement immédiat de cette politique pour ceux qui s'y opposent.
La première raison réside dans la politique. Le slogan « Buy American » a toujours emporté l'adhésion populaire, et, pendant les dernières élections, nos deux partis ont appuyé des dispositions musclées pour l'achat de produits fabriqués aux États-Unis. Ils ont surtout courtisé des électeurs en grande partie de race blanche, cols bleus des secteurs manufacturiers traditionnels, qui y voient une stratégie importante de création d'emplois pour eux. Le président Biden semble déterminé à convaincre le plus grand nombre possible d'entre eux. À cette fin, il poursuivra notamment une politique plus musclée que celle de Trump.
La deuxième raison réside dans la pandémie de COVID-19, qui a révélé des lacunes dans nos chaînes d'approvisionnement, causes notamment de pénuries d'équipement essentiel de protection personnelle. Beaucoup de ces pénuries ont été brèves et ont fini par être enrayées grâce à des corrections du marché, mais des citoyens américains en ont retenu l'impression d'avoir été privés de certaines choses au moment où ils en avaient besoin, et les gouvernements tiennent à s'assurer que ça ne se reproduira plus. D'après ce que j'ai compris, le Canada éprouve en ce moment même des problèmes semblables.
En entamant ce processus, l'administration, et c'est tout à son honneur, n'a pas proposé l'autarcie et elle a reconnu que la meilleure façon de faire, désormais, était la collaboration avec ses alliés et partenaires. Dans quelle mesure s'agit-il d'une reconnaissance de pure forme? C'est à voir.
La pandémie a eu pour résultat de recentrer la gestion des chaînes d'approvisionnement sur la résilience et la redondance. Les gestionnaires n'ont pas seulement besoin d'un plan principal, mais, également, de deux solutions de repli, et, dans tous les cas, ils privilégieront les achats sur place ou dans un pays proche. On s'éloignera également un peu de la fabrication à flux tendus et on favorisera davantage la reconstitution de stocks.
La troisième raison touche la sécurité nationale et découle de la dégradation de nos relations avec la Chine. Ces 10 dernières années, la perception des Américains à l'égard de la Chine a sensiblement changé. En 2011, 51 % des sondés percevaient favorablement la Chine, tandis que 36 % en avaient une opinion négative. En 2020, les pourcentages étaient plus qu'inversés: 22 % avaient une opinion favorable, 73 % une opinion négative. L'évolution a été semblable au Congrès, où les élus des deux partis ont déclaré que la Chine présentait une menace pour la sécurité et où c'était à qui adopterait la ligne la plus dure contre ce pays.
Le débat s'est déplacé dans deux directions: gagner de la vitesse, améliorer les capacités d'innovation dans les technologies essentielles, pour mieux concurrencer la Chine et la ralentir en limitant son accès aux technologies américaines. Les deux stratégies ont comporté des tentatives pour détourner les chaînes d'approvisionnement de la Chine, parfois en interdisant l'emploi d'équipement chinois aux États-Unis, comme les produits d'Huawei, et, parfois, en encourageant les entreprises à sortir de Chine et à revenir aux États-Unis.
En même temps, les entreprises américaines ont raccourci leur chaîne d'approvisionnement pour des motifs étrangers à la politique du gouvernement des États-Unis, en réaction à l'incertitude politique dans certains pays, à l'augmentation des salaires ou au désir de comprimer les délais de transport et de se rapprocher de la clientèle. Le brusque fléchissement économique provoqué, au printemps de 2020, par la COVID a accéléré cette tendance.
Tous ces facteurs ont convergé pour inciter les entreprises à restructurer leurs chaînes d'approvisionnement de manière à favoriser la production sur le territoire national. De plus, il semble que le gouvernement tentera de modifier ses règles d'approvisionnement pour favoriser la production nationale. L'entreprise sera complexe, en partie parce que 96 % de ce qu'achète le gouvernement fédéral est déjà produit aux États-Unis. Ce pourcentage est un peu trompeur, parce que nous considérons certaines pièces et certains éléments intégrés dans un produit comme ayant été fabriqués sur place, même s'ils ont été importés. La modification de cette méthode obligera des fabricants à corriger leurs chaînes d'approvisionnement de manière à augmenter le contenu américain.
Dans l'exercice financier 2019, les dépenses fédérales dans les marchés publics pour l'achat de marchandises ont atteint 231,4 milliards de dollars, ce qui est relativement peu par rapport à la taille de l'économie américaine. L'impact économique est susceptible d'être plus important en ce qui concerne les corrections apportées à leurs chaînes d'approvisionnement par les entreprises américaines, soit de leur propre chef, soit sous la pression du gouvernement.
Le hic résidera dans notre définition de la sécurité nationale. Certains hauts fonctionnaires de l'administration Trump la définissaient de façon très large, et l'examen superficiel du décret du président Biden sur les chaînes d'approvisionnement révèle une propension semblable. Le président a ordonné la conduite d'études urgentes de quatre secteurs essentiels: la fabrication et le groupage des semi-conducteurs, les piles et batteries, les minéraux critiques et les produits pharmaceutiques, mais il a également commandé des études d'une durée d'un an dans des secteurs importants de l'économie: l'infrastructure industrielle de défense, la santé publique, les technologies de l'information et des communications, l'énergie, les transports et l'agriculture. Ensemble, ces secteurs constituent près de 60 % du produit intérieur brut des États-Unis. Si toutes les études aboutissent à recommander des mesures pour orienter les chaînes d'approvisionnement vers l'économie nationale, la politique de l'administration aura des répercussions considérables.
Enfin, comme je suis Américain, il serait déplacé de ma part de proposer ce que votre gouvernement pourrait faire relativement à la politique américaine, mais, néanmoins, je formulerai des propositions.
D'abord, la prémisse de l'ALENA était d'intégrer davantage les trois économies nord-américaines, et, d'après moi, c'est réussi. L'intégration économique de notre continent, particulièrement du Canada et des États-Unis, est inévitable, et, de temps à autre, il serait utile à votre gouvernement de continuer de rappeler cet impératif au nôtre. Plutôt que d'« acheter américain » nous devrions « acheter nord-américain ».
Ensuite, comme nos intérêts en matière de sécurité coïncident beaucoup et que nos deux pays profitent d'une étroite coopération en matière de défense, le Canada pourrait également collaborer avec les États-Unis à l'élaboration d'une définition de la notion de sécurité nationale qui éviterait qu'on rassemble dans le fourre-tout des acquisitions sur le territoire national une foule de choses qui ne devraient pas y être.
Enfin, le gouvernement canadien pourrait rappeler aux États-Unis leurs obligations conformément à l'accord sur les marchés publics de l'Organisation mondiale du commerce et celle d'indemniser les autres pays dont ils auront limité les avantages que ces pays étaient censés en tirer.
Monsieur le président, je vous remercie de votre invitation. Je répondrai avec plaisir à vos questions.
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Je vous remercie beaucoup, monsieur le président et chers membres du Comité, de me donner l'occasion de m'adresser à vous au sujet du plan de l'administration Biden visant à resserrer la Buy American Act et les dispositions « Buy America ».
Premièrement, je vais vous parler un peu de moi. Je dirige actuellement le projet de recherche sur le commerce et les investissements au Centre canadien de politiques alternatives, le CCPA, qui effectue des recherches d'intérêt public sur la politique canadienne en matière de commerce et d'investissements depuis la fin des années 1990.
Mon exposé d'aujourd'hui comporte trois volets. Le premier vise à vous donner un peu de contexte sur la Buy American Act en tant que telle, le deuxième porte sur la façon dont nous ne devrions pas réagir, et le troisième volet concerne la façon dont j'estime que nous devrions réagir.
D'abord et avant tout, les dispositions « Buy America » sont là pour de bon. Comme les membres du Comité le savent et l'ont entendu de la part d'autres témoins, les dispositions « Buy America », la Buy American Act et d'autres politiques favorisant les achats aux États-Unis existent depuis un certain temps déjà et bénéficient d'un large appui de la part des deux partis politiques américains. La Buy American Act oblige les organismes fédéraux à favoriser les produits finis ou les matériaux de construction américains dans le cadre de leurs achats, sauf dans les cas où il ne serait pas pratique ou trop coûteux de le faire. Par exemple, si un achat local se révèle 25 % plus cher que la soumission étrangère admissible la moins élevée, ou bien s'il n'existe pas de fournisseur intérieur, l'organisme fédéral n'est pas tenu de respecter cette loi.
À l'échelle des États, les dispositions « Buy America » sont en fait une série de lois et de règlements sur le contenu national prévoyant que le financement fédéral accordé aux États et aux administrations locales, principalement pour des projets de transport en commun et des projets routiers, mais aussi des projets d'infrastructures hydrauliques, est assujetti à des quotas relatifs au contenu national. Ces quotas portent généralement sur l'utilisation de fer et d'acier américains et de certains autres produits manufacturés, ou ils peuvent s'appliquer à la valeur des composantes des autobus et des wagons pour les projets de transport en commun.
Comme le Comité l'a entendu dire, bien que de nombreuses exigences de la Buy American Act visant le gouvernement fédéral des États-Unis ne s'appliquent généralement pas — en vertu de règlements et non de lois — au Canada et à d'autres États signataires de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC, les transferts aux ordres de gouvernement inférieurs sont complètement exclus de l'Accord sur les marchés publics, même les transferts aux 37 États américains qui ont adopté des engagements dans le cadre de cet accord.
Ces mesures de longue date constituent une pratique courante aux États-Unis, peu importe le parti au pouvoir, et les États-Unis ont légalement le droit de les maintenir. Nous avons très peu de chances, autrement dit, de convaincre les États-Unis de modifier leurs mesures. Les principales inconnues, comme des témoins l'ont mentionné au Comité, ce sont les dispositions précises « Buy America » qui s'appliqueront dans le cadre de ce nouveau plan de relance et la façon dont l'administration Biden prévoit de modifier ou de resserrer le processus de demande de dérogation pour répondre à la critique selon laquelle les contrats sont accordés à des entreprises étrangères. Je pense qu'il faut souligner qu'on semble viser principalement la Chine en ce qui a trait à cet aspect précis des contrats.
Comment ne devrions-nous pas réagir? Lorsque l'administration Obama a adopté sa propre loi sur la relance économique il y a une dizaine d'années, assortie de conditions — des conditions d'achat aux États-Unis —, nous avons essayé de négocier un accord bilatéral sur les marchés publics qui serait équilibré, mais les choses ne se sont pas très bien déroulées. L'entente finale annoncée en 2010 favorisait amplement les États-Unis. Le Canada a largement donné accès aux marchés publics des provinces et des municipalités aux entreprises américaines, sans condition, en échange de la mince possibilité de soumissionner pour une poignée de projets fédéraux. Il ne s'agit pas d'un accès garanti, bien entendu; il s'agit d'une possibilité de soumissionner pour des projets financés grâce aux fonds de relance qui n'avaient pas encore été dépensés. Il s'agissait donc de projets totalisant environ 4 ou 5 milliards de dollars, alors que les fonds de relance s'élevaient initialement à 275 milliards de dollars américains. Au bout du compte, le Canada n'a pas fait une bonne affaire.
Depuis, le Canada a pris des engagements permanents dans le cadre de l'Accord sur les marchés publics de l'OMC visant à limiter les assouplissements concernant les marchés publics des provinces ainsi que des engagements avec l'Union européenne en vue de couvrir en permanence les marchés publics des municipalités. Les entreprises américaines qui ont une présence au Canada bénéficient déjà des deux accords, alors, nous avons donc très peu à offrir aux Américains dans le cadre d'une nouvelle entente sur les marchés publics. Nous pourrions leur offrir un accord économique et commercial global bonifié, qui comprendrait les marchés publics des municipalités, mais c'est exactement ce que nous avons fait dans le cadre des négociations de l'ACEUM, et ils ne se sont pas montrés intéressés, et je soupçonne que l'administration Biden ne serait pas plus intéressée maintenant.
Au lieu d'établir une nouvelle entente ou de nous préoccuper des produits ou des composantes canadiens qui peuvent ou non être exclus des nouvelles dispositions « Buy America » de l'administration Biden, je pense que nous devrions reconnaître, comme d'autres témoins l'ont déjà mentionné au Comité, que ces produits et composantes — les tuyaux d'acier, le béton, les wagons, les autobus, les transports en commun, les énergies renouvelables, la large bande, les infrastructures, hydrauliques en particulier — sont nécessaires ici au Canada pour les mêmes raisons. Dans son rapport intitulé Alternative budgétaire pour le gouvernement fédéral, le CCPA recommande que le Canada consacre 36 milliards de dollars sur huit ans à des projets de construction d'infrastructures hydrauliques, car nous accusons un énorme retard à cet égard.
Si nous dépensons ces fonds, ce que nous devrions faire à mon avis, pourquoi ne pas s'inspirer du plan de l'administration Biden et trouver des façons de faire profiter de cet argent des entreprises manufacturières nationales, des petites et moyennes entreprises, des entreprises appartenant à des femmes, à des Autochtones, etc., compte tenu de toutes les retombées avantageuses pour le Canada et les États-Unis?
Pour résumer, je dirais que d'imposer des critères de durabilité dans le cadre des transferts fédéraux aux provinces et aux territoires, en vue d'accorder la priorité à des biens et services canadiens, durables et de grande qualité, pourrait même amener l'administration Biden à discuter, comme vient de le mentionner le témoin précédent, d'une stratégie verte nord-américaine en matière d'emplois et de marchés publics qui pourrait être profitable pour les deux pays.
Je serai ravi de répondre à vos questions. Je vous remercie beaucoup de m'avoir écouté.
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Je vous remercie, monsieur le président. J'éprouve moi aussi des problèmes de connexion ici, à Chilliwack, alors, je vous demande de faire preuve de patience.
Mes questions s'adressent à M. Reinsch.
Je crois bien que le gouvernement du Canada avait pratiquement le goût de festoyer lorsqu'il y a eu un changement d'administration aux États-Unis. Nous étions d'avis qu'on reviendrait certainement à des relations diplomatiques plus prévisibles. Je crois que de nombreux Canadiens pensaient qu'un grand nombre des mesures protectionnistes mises en place par l'administration Trump seraient immédiatement levées et que nous serions à nouveau de bons vieux amis qui concluent des ententes profitables pour les deux pays.
Vous y avez fait allusion. J'ai remarqué que, jusqu'à présent, nous avons fait très peu de progrès, voire aucun, sur le plan de notre relation avec la nouvelle administration lorsqu'il est question d'initiatives qui seraient profitables pour le Canada. Il y a eu l'annulation du projet Keystone XL, et un autre pipeline est menacé au Michigan, c'est-à-dire la canalisation 5. Nous n'avons fait aucun progrès en ce qui concerne l'accord sur le bois d'œuvre, qui n'a pas été signé, et maintenant, nous sommes aux prises avec ces dispositions « Buy America ».
Outre le fait que nous avons affaire à un président plus sympathique et plus prévisible, voyez-vous une différence entre l'administration Trump et l'administration Biden en ce qui a trait à la relation avec le Canada et aux mesures protectionnistes? Est-ce que nous devons nous attendre à une situation relativement semblable au cours des quatre prochaines années?
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Je pense que la réponse est « oui, pour l'instant », mais je ne perdrais pas espoir. Je crois qu'il est trop tôt pour dire à quel moment l'administration Biden s'exprimera sur un certain nombre de ces dossiers. La plupart font actuellement l'objet d'un examen.
Je ne suis pas en mesure de parler du projet Keystone. Nous n'avons pas travaillé sur ce dossier. Je m'intéresse aux échanges commerciaux.
Pour ce qui est des autres dossiers, je peux vous dire que l'ambassadeur Tai, l'équivalent de votre ministre du Commerce, est entré en fonction il y a seulement trois semaines. La question du bois d'œuvre, notamment, fait l'objet en ce moment d'un examen. Je ne peux pas vous dire si la situation sera la même qu'auparavant.
Comme je l'ai souligné, il y a certes une différence dans le ton et dans la rhétorique. Il y a également une différence en termes de philosophie, que nous aurons l'occasion de constater, je pense. Le président Biden est un multilatéraliste, dans tous les sens du terme. Il croit à la coopération et au travail d'équipe. Le président Trump était un unilatéraliste qui croyait à la souveraineté des États-Unis, et la coopération entre les institutions ne l'intéressait pas.
C'est ce qui fait que le président Biden envisage les relations d'un point de vue holistique. Il n'y a pas que les échanges commerciaux en ce qui a trait au Canada. Il y a aussi bien d'autres questions, dont certaines ont été abordées aujourd'hui. Je crois que cela a une incidence positive sur la relation et sur les dossiers dont nous parlons, qui concernent le long terme.
Je ne peux toutefois pas dire qu'au cours de ses presque trois premiers mois de mandat, l'administration Biden a pris une foule de décisions qui devraient vous satisfaire. Ce n'est pas le cas, et je pense qu'il est peu probable qu'elle le fasse en ce qui a trait aux marchés publics intérieurs en particulier. Lorsqu'elle a divulgué sa politique, certains ont demandé « Quelle est la différence entre votre politique et celle de Trump? » L'administration Biden a répondu « Eh bien, la politique de Trump n'a pas fonctionné et la nôtre fonctionnera », alors je ne suis pas certain que c'est bon signe.
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C'est une bonne question.
Il est encore un peu trop tôt pour le dire, car, comme ceux d'entre vous qui travaillez avec des lois fiscales le savent, le diable est dans les détails. Il n'y a pas encore de projet de loi; c'est seulement un concept pour l'instant, alors, c'est un peu difficile à dire.
Je crois qu'il y aurait en majeure partie une incidence sur les multinationales américaines qui ont déjà délocalisé leur production. Je crois qu'au bout du compte il pourrait y avoir des incitatifs qui les amèneraient à rapatrier leur production. Je n'envisage pas des répercussions importantes sur les multinationales étrangères.
L'une des critiques formulées à l'égard de cette proposition, que je n'ai pas moi-même analysée, est qu'elle pourrait avoir pour effet d'encourager les inversions, ce que le projet de loi fiscal du président Trump tentait d'empêcher, et cette mesure législative a réussi à stopper assez efficacement les inversions. Elle a eu des effets négatifs, mais elle a à tout le moins stoppé les inversions. On a le sentiment que la proposition de Biden ferait faire un pas en arrière à cet égard.
Je ne vois toutefois aucune répercussion importante sur les multinationales étrangères.
J'ai fait l'expérience des dispositions « Buy America » pour la première fois à Albany en 1981. Mon patron, le consul général Ken Taylor, et moi-même avions fait le trajet de la ville de New York jusqu'à Albany pour rencontrer le gouverneur de l'époque, Hugh Carey, en vue de le faire reculer relativement aux politiques d'achat new-yorkais visant l'acier et le ciment, une démarche que j'ai répétée au fil des ans dans différents États et au Capitole.
Il n'y a pas que les États-Unis qui font du protectionnisme en mettant en œuvre des politiques d'achat préférentiel pour des biens et services. De telles mesures sont adoptées par tous les pays, y compris le Canada, ainsi que par tous les ordres de gouvernement.
S'il est vrai que la politique sert toujours les intérêts locaux, c'est la même chose pour le commerce. Les électeurs préfèrent que l'argent de leurs impôts soit dépensé localement, même si l'achat local coûte généralement plus cher et offre moins de choix. Ce sont là des arguments invoqués par les économistes, qui n'ont pas beaucoup d'importance aux yeux du public. Il en va de même pour la ritournelle selon laquelle le Canada mérite d'être exempté des dispositions « Buy America » parce qu'il est l'ami et le voisin des États-Unis. Même si les sondages indiquent constamment que les Américains aiment le Canada plus que tout autre pays — en fait, ils nous aiment davantage que nous les aimons — les affaires sont les affaires aux États-Unis.
Nous avons appris à composer avec les dispositions « Buy America » de quatre façons.
Premièrement, nous avons négocié un accord sur les marchés publics dans le cadre de nos accords commerciaux, notamment l'Accord sur le partage de la production de défense. Devant l'insistance de l'administration Trump, aucun chapitre sur les marchés publics n'a été inclus dans l'Accord Canada—États-Unis—Mexique. Pourtant, la plupart des dispositions qui figuraient dans l'ALENA ont été incluses dans l'Accord sur les marchés publics de l'OMC. Il est davantage probable qu'il y ait des suppressions de la part des entités énumérées dans cet accord, étant donné le courant protectionniste qui circule des deux côtés du Congrès et l'approche de l'administration Biden axée sur ce qui est produit aux États-Unis.
Deuxièmement, nous avons offert des dispositions de réciprocité en ce qui concerne les États et les provinces, car c'est là que l'argent est dépensé. C'est ce que nous avons fait lorsque le président Obama a présenté sa loi sur la relance économique dans la foulée de la récession de 2008-2009. Le premier ministre Harper s'est adressé au Conseil de la fédération. Le premier ministre Jean Charest et son successeur au poste de président, le premier ministre Brad Wall, se sont adressés aux gouverneurs américains lors d'une rencontre entre sept premiers ministres et la National Governors Association en février 2010 pour faire valoir les dispositions de réciprocité.
Les arguments que les premiers ministres ont invoqués à cette époque sont encore valables. En ouvrant la porte aux fournisseurs externes, on a entravé la capacité des cartels locaux de déjouer le système. La concurrence donne lieu à une valeur accrue. La Constitution empêche la plupart des États d'enregistrer un déficit. Les gouverneurs doivent dépenser judicieusement les fonds, d'autant plus que les coûts des services publics ont augmenté énormément en raison de la pandémie. L'accord canado-américain sur les marchés publics conclu en 2010 n'incluait pas tous les États et ne couvrait pas tous les secteurs, mais il a offert des possibilités au Canada au chapitre des marchés publics.
Troisièmement, nous avons travaillé avec les syndicats, ce qui est essentiel. Lorsque nos syndicats participent aux négociations, comme cela a été le cas durant les négociations de l'ACEUM, nous réalisons des progrès. Le Syndicat des Métallos mène la charge en ce qui a trait aux dispositions « Buy America », mais il représente à la fois des travailleurs canadiens et américains. Au début des années 1990, le Canada a réussi à obtenir une dérogation aux dispositions « Buy America » en ce qui concerne l'acier, car le ministre du Commerce de l'époque, Michael Wilson, s'est rendu à Washington avec le directeur national canadien du Syndicat des Métallos de l'époque, Leo Gerard, qui est ensuite devenu le président de ce syndicat. Au terme des pourparlers avec le président de l'époque du syndicat, Lynn Williams, l'administration a accepté de ne pas appliquer les dispositions « Buy America ».
Quatrièmement, quand il est question de ce pays où nous achetons et vendons, nous devons constamment répéter que travailler ensemble est mutuellement profitable sur le plan de l'emploi et de la prospérité. Prenons l'exemple de notre industrie intégrée de l'automobile, qui est mutuellement profitable. Avant qu'une voiture soit assemblée, ses pièces ont franchi la frontière à au moins six reprises. Un véhicule assemblé au Canada contient 60 % de pièces fabriquées aux États-Unis, souvent par des fabricants canadiens qui ont des activités aux États-Unis, comme Magna, Martinrea ou Linamar.
Nous devons souligner le fait que nos normes réglementaires, particulièrement en ce qui a trait à la main-d'œuvre et à l'environnement, sont comparables à celles des États-Unis. Nous devons éliminer la tyrannie des petites différences, qui nous empêche d'accéder au marché américain.
Étant donné les préoccupations grandissantes des États-Unis relativement à la sécurité nationale, à l'approvisionnement fiable et à la résilience, nous devons faire valoir que nous sommes leur allié le plus proche et la source de leur indépendance énergétique, notamment pour ce qui est des minéraux cruciaux nécessaires à la fabrication des produits de la prochaine génération. Lorsque les Américains veulent préserver leurs chaînes d'approvisionnement et que cela nous cause un problème, nous pouvons résoudre ce problème, comme nous avons pu le voir lorsque l'administration Trump a abandonné les droits de douane sur l'acier et l'aluminium.
En terminant, je dois dire qu'il n'y a pas de solution miracle au problème des dispositions « Buy America ». Espérer obtenir une exemption parce que nous sommes Canadiens ne fonctionnera pas. Nous devons faire valoir la réciprocité et une valeur accrue, tout en soulignant la sécurité de nos chaînes d'approvisionnement mutuellement profitables. Les dispositions « Buy America » ne vont pas disparaître, alors, nous devons continuellement faire valoir ces arguments. Il s'agit d'un travail d'équipe auquel participent le premier ministre, les premiers ministres provinciaux et territoriaux, les membres du cabinet et les législateurs de concert avec les entreprises et les syndicats.
Je vous remercie, monsieur le président.
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Oui, c'était Matthew Dubé. Veuillez m'excuser. Ne lui dites pas que j'ai oublié son nom.
Je ne suis pas d'accord avec la vision absolument nihiliste de M. Trew sur la tentative de M. Harper à l'égard de la politique Buy America d'Obama. Ce n'était pas une solution adéquate, mais elle n'était pas aussi horrible que certains syndicats l'ont laissé entendre. Je pense que notre façon d'aborder le nouvel ALENA était bien meilleure, car il y avait beaucoup moins de partisanerie. Elle a mis à contribution les syndicats, les hauts dirigeants du Parti conservateur et du NPD, les entreprises et les premiers ministres provinciaux.
De toute évidence, je veux d'abord dire que nous devons procéder ainsi cette fois-ci et adopter une stratégie d'ensemble.
Je suis ravi que les choses se poursuivent sur cette voie. M. Robertson avait tout à fait raison. C'est enraciné. Je pense que tous les témoins l'ont dit. Je me penche sur la question: si rien ne change et que nous devons adopter une démarche multipartite à plusieurs niveaux, quels sont nos moyens d'action?
Lorsque j'ai parlé aux législateurs américains, j'ai été étonné par leur manque de renseignements et de connaissances sur leur dépendance à l'économie et aux chaînes d'approvisionnement canadiennes. J'étais sidéré qu'ils ne sachent pas à quel point nos secteurs manufacturiers sont intégrés. J'étais abasourdi qu'ils ignorent que les États-Unis dépendent non seulement de nos ressources naturelles, mais aussi d'autres secteurs. L'information doit faire partie de la solution.
En ce qui concerne l'effet de levier, j'aimerais que tous les témoins nous parlent des moyens d'action que nous pouvons mettre à contribution, au nom du gouvernement et du Parlement canadien. Nous partons du principe qu'une économie américaine florissante et une économie canadienne prospère ne sont pas incompatibles — les deux sont interdépendantes.
Je vais laisser les témoins répondre dans l'ordre où ils ont parlé, à commencer par M. Reinsch.
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Je vous remercie infiniment, monsieur Oliphant.
Permettez-moi d'abord de dire que puisque j'ai travaillé au Congrès pendant 20 ans, puis au sein de l'administration Clinton, et ensuite dans le secteur privé, j'ai vu la question sous divers angles. Je peux vous affirmer avec certitude que votre gouvernement — quel que soit le parti au pouvoir en ce moment — et votre ambassade ont fait un travail absolument formidable au fil des ans en fournissant au Congrès américain les renseignements dont vous parlez justement. Cela ne signifie pas pour autant qu'ils y prêtent attention ou qu'ils lisent les documents, mais votre gouvernement a veillé à rassembler les informations qui démontrent les liens dont vous parlez.
Je veux d'abord vous dire de poursuivre sur cette voie. Je pense qu'une des choses que l'on apprend en politique est l'importance de la répétition. Il faut encore et encore dire la même chose. C'est essentiel dans le cas des membres du Congrès.
De plus, il est très utile de procéder comme vous l'avez mentionné: il faut nouer des relations personnelles — ce qui est plus difficile en ce moment, mais la pandémie ne sera pas éternelle — et avoir des échanges directs avec vos homologues législateurs du Congrès. Établir des relations — personnelles et transfrontalières — constitue aussi un moyen efficace.
L'information existe. Elle est disponible. Ce sont des moments propices à l'apprentissage, mais il faut aussi que les gens soient prêts à écouter. Parfois, il suffit de marteler sans cesse l'information. J'aimerais avoir une meilleure proposition, mais ce n'est pas le cas.
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Je vous remercie de la question, monsieur Oliphant.
Je ne dirais probablement pas que nous avons une vision nihiliste de la première politique « Buy America ». Ce n'est pas tout à fait le mot juste.
En ce qui concerne l'influence que nous exerçons actuellement sur l'administration Biden, je crois que nous devrions travailler avec les Américains lorsque nous en avons l'occasion. Par exemple, M. Biden dit vouloir réformer les règles sur les marchés publics de l'OMC, afin que tous les gouvernements puissent plus aisément utiliser les fonds publics de cette manière pour soutenir les priorités nationales — qu'il s'agisse d'un renouvellement pour la relance après la pandémie, de la création d'emplois ou de ce genre de choses. Nous pourrions collaborer avec l'administration Biden afin de réformer le commerce international, comme nous l'avions fait avec l'administration Trump entourant le règlement des différends entre investisseurs et États, ou RDIE.
Dans une certaine mesure, nous avons commencé à proposer une nouvelle façon de voir le RDIE, c'est-à-dire que nous n'avons peut-être pas besoin d'être inclus dans ces accords, que les menaces à la politique environnementale canadienne et à d'autres mesures... Comme la ministre Freeland l'a mentionné, lorsque nous avons signé l'accord, nous étions heureux de nous débarrasser du RDIE puisque nous aurions désormais plus de marge de manœuvre entourant ces politiques.
Je voudrais encourager le Canada à travailler en collaboration avec l'administration Biden dans ces domaines intéressants, où nous pourrions peut-être mieux équilibrer des enjeux comme le développement durable et le commerce.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie les témoins d'être avec nous.
J'ai une question générale à l'intention de tous les témoins. Voici où je voulais en venir lors de mes échanges avec les témoins précédents... M. Oliphant en a parlé. Le travail de sa délégation a aidé ma circonscription de Windsor-Ouest. Je suis à la frontière, où s'effectuent 40 % de nos échanges commerciaux et où il y a toutes sortes d'enjeux culturels et sociaux. Ce que j'essayais de dire au dernier groupe de témoins, c'est qu'à l'heure actuelle, nous n'avons aucun groupe de travail général sur la frontière regroupant le secteur privé, les syndicats, la société civile et les autres intervenants qui se penche sur nos politiques frontalières. Parfois, les gens s'enlisent. Certaines politiques sont dépassées, alors que d'autres doivent être peaufinées. Avec la COVID, c'est encore plus complexe. À vrai dire, le Cabinet et le gouverneur en conseil ne laissent rien filtrer. Il n'y a ni procès-verbal ni disposition permettant au public d'avoir pleinement accès aux documents et de savoir ce qui se passe, ce qui est sur la table et ce qui ne l'est pas. Je doute que ce soit utile à l'heure actuelle.
Pour vous donner un bon exemple, M. Sarai et moi-même sommes allés aux États-Unis pour faire du lobbying. M. McKay et moi avons assisté à de nombreuses réunions au fil des ans. Aussi, M. Hoback et moi avons fait beaucoup de chemin à Washington, où nous avons ouvert des portes et eu des discussions auxquelles le gouvernement n'aurait même pas eu accès, soit parce qu'il n'y a personne sur place, soit parce qu'il n'y a pas suffisamment de diversité puisque l'ensemble du Canada n'est pas représenté. Les politiciens ne représentent que le parti politique au pouvoir à ce moment.
J'ai une question générale. Je vais peut-être commencer par écouter la réponse de M. Trew, après quoi les autres témoins pourront poursuivre. Ne vaudrait-il pas mieux avoir une sorte de groupe de travail ou un modèle de travail qui rendrait des comptes à la population et l'informerait adéquatement? J'ai tellement de citoyens inquiets qui ne peuvent pas voir leurs proches ou leurs familles. Les mois filent, mais ils n'ont aucune idée de ce qu'ils doivent faire. Ils ne demandent pas de prendre des risques. Par ailleurs, il y a des problèmes du côté de nos fabricants de moules, une industrie très pointue, qui se sentent laissés pour compte. Nous avons également toutes sortes de mesures en place qui pourraient nécessiter des ajustements et qui pourraient consolider efficacement les liens économiques.
Monsieur Trew, si vous jugez que c'est une mauvaise idée, vous n'avez qu'à le dire. Je n'y verrai pas d'inconvénient. Vous n'allez pas me blesser.