que seul le Parlement peut lever des taxes et
autoriser l’usage de fonds publics, mais qu’il ne peut être affecté de crédits
qu’au moyen d’une recommandation de la Couronne (recommandation royale), représentée au Canada par le gouverneur général;
qu’il doit être tenu compte des doléances de la Chambre des communes avant qu’elle examine et approuve les demandes budgétaires de la Couronne;
que la Chambre des communes a le contrôle exclusif des questions de finances publiques (impôts et dépenses) et que cette
initiative appartient à la chambre basse[15];
que toute mesure législative sanctionnant une
dépense ou créant un impôt doit faire l’objet de l’examen le plus complet
possible, tant à la Chambre qu’en comité[16].
La règle voulant qu’une loi sanctionne
toute dépense ou taxe publique remonte loin dans l’histoire constitutionnelle[18]. En Angleterre, au Moyen Âge, le roi devait payer la plupart des
dépenses publiques (la cour, le clergé et l’armée) avec sa cassette
personnelle. Si cela était impossible, il était obligé de demander des fonds en
s’adressant au conseil commun du royaume, ou au Parlement, pour discuter des
subsides (taxes et tarifs) à fournir pour les besoins de la Couronne. Dès les premières assemblées, il était généralement admis que lorsque le roi avait
besoin de « subsides » ou « crédits », il devait non
seulement demander le consentement à l’imposition d’une taxe, mais également
quant à la manière d’en dépenser le produit. En 1295, le décret de convocation
à un conseil, qui devait devenir le « Parlement modèle », proclamait
que « ce qui tous concerne devrait être par tous approuvé ».
Les premiers Parlements britanniques
n’étaient pas des corps législatifs au sens moderne, mais plutôt des corps
pétitionnaires. Ils présentaient des pétitions au roi et approuvaient les
impôts (c’est‑à‑dire l’argent accordé à la Couronne) à condition que certains problèmes (ou doléances) énoncés dans les pétitions soient
réglés ou que le roi fasse des concessions. Dès 1400, les Communes exigeaient
que le roi réponde à leurs pétitions avant de lui accorder quelque argent que
ce soit. Si le roi refusait, elles adoptaient la pratique d’en retarder
l’attribution jusqu’au dernier jour de la session.
Avec le temps, les « conseils »
devaient se diviser en deux « chambres » en fonction de leurs
intérêts propres : la Chambre des lords et la Chambre des communes. En principe, chaque chambre prélevait ses propres impôts; aussi, il
n’était pas considéré comme convenable que les lords décident de ce que les
Communes devaient contribuer. D’autre part, comme la majeure partie de la
charge fiscale incombait aux Communes, celles‑ci en vinrent à accorder
des crédits au monarque « sur l’avis et le consentement » des lords.
La primauté des Communes en matière de taxation a été établie dès le début du
XVe siècle, lorsque Henri IV reconnut que toute décision
d’accorder des crédits au souverain devait être approuvée et par les lords et
par les Communes et communiquée à la Couronne par le Président de la Chambre des communes[19].
Au départ, les Communes étaient satisfaites
d’avoir l’initiative de l’attribution des subsides et crédits. Au fil du temps,
les lords en vinrent toutefois à ajouter des dispositions aux projets de loi de
finances des Communes, par le biais d’amendements. Aux yeux de la Chambre, il s’agissait d’une atteinte à sa prérogative de présenter toute mesure imposant une
taxe ou une charge publique, ce qui donna lieu en 1678 à la résolution
suivante :
Il appartient à la Chambre des communes seule d’attribuer des subsides et crédits, et toute aide à Sa Majesté au
Parlement, et tout projet de loi prévoyant de tels subsides et crédits devrait
prendre naissance aux Communes, car elles ont indiscutablement le droit d’y
déterminer et désigner les objets, destinations, motifs, conditions,
limitations et emplois de ces crédits, sans que la Chambre des lords puisse y apporter des modifications[20].
Vers la fin du XVIIe siècle, les
principes de la procédure financière moderne —notamment l’examen annuel
des finances par la Chambre des communes et la notion d’un contrôle effectif et
permanent de la Chambre sur toutes les dépenses publiques —étaient bien
établis. Leur évolution, qui s’est étirée sur plusieurs siècles, était
tributaire de l’avènement et de l’abolition graduelle de la Liste civile, de la création d’un Fonds consolidé (maintenant appelé le Trésor) et du
développement d’un système budgétaire par lequel le gouvernement reçoit du
Parlement des crédits annuels de fonctionnement.
La Liste civile[21] était à l’origine la liste du personnel non militaire au service de
la Couronne dont la rémunération était payée par le Parlement[22]. Il s’agissait du personnel au service du souverain, comme les
domestiques, du personnel du service diplomatique et de divers officiers
publics et de fonctionnaires. Jusque‑là, ces dépenses étaient imputées
aux revenus héréditaires du souverain et à certains impôts qui lui étaient
votés à vie par le Parlement.
Au départ, le Parlement ne se préoccupait
pas de la façon dont ces fonds étaient dépensés. Il était généralement admis
que, si la Couronne ne pouvait pas augmenter ses revenus sans le consentement
du Parlement, elle était tout à fait libre de faire ce qu’elle voulait des
fonds légitimes dont elle disposait. Cependant, comme les sommes votées par le
Parlement étaient fréquemment insuffisantes, la Chambre était de plus en plus souvent appelée à accorder des fonds additionnels pour payer
les dettes contractées par le souverain. De là vient l’usage d’attribuer à la Couronne des crédits à des fins précises.
Avec l’arrivée de la reine Victoria sur le
trône en 1837, la Liste civile fut réduite aux seules dépenses nécessaires aux
besoins personnels de la souveraine et de sa famille. Toute autre dépense
civile était assumée par le trésor national et imputée sur le Fonds consolidé.
Aux XVIIe et XVIIIe
siècles, la collecte et la dépense des deniers publics étaient étroitement
liées. Les demandes de fonds de la Couronne, selon certains montants et à des
fins précises, étaient examinées et approuvées par un comité plénier. Ensuite,
un autre comité plénier examinait les « voies et moyens » recommandés
pour trouver l’argent nécessaire pour couvrir les sommes approuvées. Les
travaux du premier comité, qui allait devenir le comité des subsides, menaient
directement aux travaux du second, le comité des voies et moyens. C’est
seulement une fois prise la décision du comité des voies et moyens qu’était
présenté un projet de loi autorisant la Couronne à réunir des fonds, selon les montants et de la manière approuvés par ledit comité, et à les dépenser dans
les limites et aux fins approuvées par le comité des subsides.
Ce mariage de la taxation et des dépenses
dura jusqu’en 1786, année où la création d’un fonds consolidé[23] devait éliminer la nécessité de faire correspondre telle dépense à
telle recette[24]. Une fois que le comité des subsides avait consenti à la dépense de
certaines sommes, le comité des voies et moyens se tournait vers le Fonds
consolidé pour couvrir les dépenses approuvées. L’idée d’un projet de loi
portant « affectation de crédits » fut introduite pour affecter à
partir du Fonds les sommes nécessaires aux fins prévues. Un tel projet de loi
ne fait qu’affecter des fonds, il n’oblige en rien la Couronne à dépenser, en entier ou en partie, les fonds ainsi réservés. En outre, les crédits
sont toujours prévus pour une période donnée; le pouvoir de dépenser se termine
avec la fin de l’exercice financier auquel le projet de loi s’applique[25].
Ainsi, deux processus financiers
gouvernementaux se mirent en place : les travaux des subsides,
processus par lequel les dépenses à des fins précises étaient approuvées, ce
qui signifiait l’adoption de projets de loi portant affectation de crédits; et
les travaux des voies et moyens, processus qui aboutissait aux projets de loi
d’imposition permettant de réunir les fonds nécessaires pour renflouer le Fonds
consolidé.
Depuis la mise en place du Fonds consolidé,
toutes les dépenses de l’État sont autorisées soit par une loi précise
(permanente), soit par un crédit annuel. Ce sont les crédits annuels que la Chambre est appelée à examiner chaque année.
Vers la fin du XVIIe siècle,
avec les interminables différends coloniaux de l’Angleterre avec la France et l’Espagne et les leçons tirées de deux guerres civiles, la nécessité de maintenir
une armée nationale permanente sous le contrôle du Parlement devint évidente.
Auparavant, le monarque se contentait de lever une armée chaque fois qu’il
fallait faire la guerre.
L’établissement de forces militaires
permanentes nécessitait des crédits pour couvrir le coût du personnel, des
guerres et des fortifications[26]. En 1689, le Parlement britannique adopta le Mutiny Act, une loi qui devait être
adoptée chaque année. La loi limitait le recours à la loi martiale et fixait la
taille des effectifs militaires. Elle autorisait également l’attribution de
crédits suffisants pour couvrir la solde des militaires, le coût du matériel
militaire et de la construction de navires pour cette année‑là. C’est
ainsi que le Parlement britannique régularisa l’exercice annuel des crédits
pour l’armée et la marine, ce qui devait donner naissance à l’usage
parlementaire d’autoriser des crédits annuels pour les activités du
gouvernement. Les principes de cette procédure obligent le gouvernement à ne
dépenser pour les affaires publiques que les sommes (prévisions) approuvées par
le Parlement, et lui interdisent d’employer les crédits prévus pour un certain
usage à d’autres fins (c’est‑à‑dire de faire des virements)[27]. Avec la croissance du gouvernement civil, plusieurs postes de
dépenses civiles finirent par être financés uniquement par des crédits
parlementaires annuels[28].
À la fin du
XVIIIe siècle, la plupart des colonies britanniques d’Amérique du
Nord s’étaient dotées d’institutions politiques représentatives[29]. Pendant des années, l’administration coloniale sera victime de
dissensions, en raison des intérêts souvent irréconciliables des gouverneurs
nommés et des représentants élus. L’essentiel du différend tenait à la question
de savoir qui gérerait les deniers publics[30]. Dès la Confédération, les assemblées populaires de l’Amérique du Nord britannique avaient cependant affirmé leur droit de décider des impôts à
lever et de leur usage, répondant ainsi au principe de la responsabilité
gouvernementale, qui suppose que pour gouverner, l’exécutif doit avoir la
confiance ou l’appui de la Chambre des communes. Les droits et le rôle du
Parlement en matière d’imposition et de dépenses trouvent leur origine dans les
règles et procédures des assemblées qui l’ont précédé[31]. En 1867, la Chambre des communes canadienne adopta les règles de
l’ancienne Assemblée législative de la Province du Canada, y compris celles régissant la fiscalité et les dépenses[32].
À l’origine, le coût de l’administration
coloniale du Haut‑Canada était entièrement payé par le Parlement
britannique. Cependant, en 1817, l’exécutif de l’Assemblée demanda un crédit pour
couvrir certains frais administratifs dépassant la somme autorisée par
Westminster. Jusque‑là, la Grande‑Bretagne avait épongé ces
dépassements, mais vu la richesse croissante et la relative prospérité de la
colonie, il fut demandé à la population locale de financer ces dépenses. Il
n’est donc pas surprenant que les représentants élus aient demandé à avoir leur
mot à dire dans la façon de dépenser cet argent. Ils exigèrent en outre que le
gouverneur et le Conseil exécutif ne fassent aucune dépense qui n’aurait pas
été approuvée par l’Assemblée, et que les crédits ne servent qu’aux fins pour
lesquelles ils étaient prévus.
Les crédits (ou autorisations de dépenser)
furent rarement refusés[33]. Même lorsque cela se produisit (en 1818, 1825 et 1836), ce fut sans
conséquence. De fait, la Couronne semblait se soucier assez peu des sommes
votées par la Chambre. Celle‑ci n’en continua pas moins à prendre la
procédure des crédits au sérieux, jugeant qu’un détournement des crédits
parlementaires était un « grand crime » et affirmant le droit
indiscutable de la chambre élue à déterminer le comment et le combien des
dépenses publiques.
Vers 1840, la procédure des crédits à
l’Assemblée était à peu près en place. Une fois présentées, les prévisions
étaient renvoyées à un comité restreint permanent des finances. Le rapport du
comité était transmis au comité des subsides (un comité plénier)[34], qui à son tour faisait rapport à la Chambre sur diverses résolutions, chacune étant une recommandation d’accorder de l’argent
pour un article donné. Une fois adoptées, les résolutions étaient transmises à
un comité spécial de deux députés, chargé de rédiger les projets de loi
correspondants. Plusieurs projets étaient ensuite
présentés.
Avant 1818, le Conseil exécutif ne demandait
aucun crédit à la Chambre d’assemblée du Bas‑Canada, de sorte qu’aucun
budget des dépenses n’était déposé. La Chambre tentait néanmoins d’exercer un certain contrôle par son examen annuel des comptes publics. Jusqu’en 1812,
les comptes publics étaient examinés par un comité plénier, après quoi un
comité spécial de cinq membres en était saisi. À partir de 1818, le budget des
dépenses était aussi renvoyé à ce comité. Les nombreuses critiques qu’il
adressait à l’administration pour avoir dépensé des sommes sans le consentement
de la Chambre d’assemblée incitèrent la Chambre à statuer que l’emploi de deniers publics sans l’autorisation d’une loi était « une atteinte aux
privilèges de la Chambre et sapait les fondements du gouvernement de la
province, tel qu’établi par la loi ». La Chambre devait aussi mettre en garde qu’elle tiendrait le receveur général responsable de
toutes les sommes perçues[35].
Dans ses tentatives de contrôler
l’administration, la Chambre d’assemblée utilisa d’autres moyens, comme le refus
de voter les crédits, le refus d’examiner les mesures législatives avant que
ses doléances soient satisfaites ou l’ajout d’articles aux projets de loi
portant affectation de crédits en l’absence d’une loi habilitante; ce dernier
moyen obligea l’exécutif à choisir entre voter les articles annexés ou perdre
les crédits.
En 1840, le Parlement britannique adoptait
l’Acte d’Union, qui réunissait le Haut et le Bas‑Canada[36]. Cette loi posait en principe qu’un gouvernement doit avoir la
confiance des représentants du peuple[37]. C’est également par l’Acte d’Union que la prérogative royale sur les mesures financières a été
introduite dans le droit parlementaire canadien. Avant 1840, tout élu d’une
assemblée législative du Canada pouvait soumettre à l’examen de l’assemblée un
projet de loi ayant des implications pécuniaires. Les gouverneurs voyaient
cette pratique d’un mauvais œil, jugeant que cela nuisait au bon fonctionnement
du gouvernement[38]. Pour sa part, lord Durham croyait sincèrement que « la
prérogative de la Couronne, qui est constamment exercée en Grande‑Bretagne
pour la vraie protection du peuple, n’aurait jamais dû être délaissée dans les
colonies; et que si [on l’y] introduisait […], on pourrait sagement l’appliquer
à protéger l’intérêt public, souvent sacrifié maintenant à la mêlée pour la
répartition des fonds locaux qui sert surtout à donner une influence indue à
certains individus ou partis[39] ».
Il fut établi un Fonds du revenu consolidé
auquel seraient imputées toutes les dépenses liées à la perception, la gestion
et le recouvrement des recettes, tous les intérêts sur la dette publique et la
rémunération du clergé et des officiels inscrits sur la Liste civile[40]. Une fois ces charges déduites, tout excédent pouvait servir aux
services publics, de la manière jugée convenable par le Parlement[41]. Tout vote, résolution ou projet de loi nécessitant la dépense de
fonds publics devait d’abord être recommandé par le gouverneur général[42].
Les différends sur le contrôle des crédits
ne disparurent pas pour autant, mais aucun ministère ne fut défait sur une loi
de crédits. De fait, même lorsqu’il y avait un changement de gouvernement, le
projet de loi portant affectation de crédits était souvent repris et appliqué
par la nouvelle administration[43]. Ainsi, en 1867, le vote de confiance avait pratiquement remplacé
le refus d’accorder des crédits comme le moyen préféré de l’Assemblée pour
contrôler l’administration du gouvernement.
La Loi
constitutionnelle de 1867 dispose que tout projet
de loi portant affectation d’une partie des revenus publics ou créant une taxe
ou un impôt doit émaner de la Chambre des communes[44]. Elle interdit à la Chambre d’adopter une mesure portant
affectation d’une partie des revenus publics, ou d’une taxe ou d’un impôt, sans
que celle-ci n’ait d’abord été recommandée par le gouverneur général durant la
session où ladite mesure a été proposée par le Parlement du Canada[45]. D’autres articles prévoient la création d’un fonds du revenu
consolidé et son utilisation pour les services publics[46].
Les premières éditions du Règlement de la Chambre des communes codifiaient les règles des usages et procédures parlementaires
consacrées par l’histoire parlementaire britannique et, par la suite, les
règles et procédures des différentes assemblées législatives des colonies.
Le principe capital régissant l’examen des mesures
financières par le Parlement voulait qu’on leur accorde le plus large examen
possible, en comité et à la Chambre. Le but était « d’éviter que le
Parlement, par un vote imprévu ou hâtif, n’engage des dépenses ou n’approuve
des mesures pouvant entraîner des dépenses lourdes et permanentes pour le pays[47] ». Pour les besoins du débat, le règlement de 1867 disposait
que les mesures financières devaient d’abord être examinées par un comité
plénier avant d’être discutées à la Chambre[48]. En 1874, la Chambre convint de nommer désormais au début de chaque
session un comité des subsides et un comité des voies et moyens[49]. Le comité des subsides approuvait le budget des dépenses annuel du
gouvernement, alors que le comité des voies et moyens examinait les propositions
de recettes du gouvernement et approuvait les prélèvements sur le Fonds du
revenu consolidé pour couvrir les mesures contenues dans le budget des
dépenses. Pour prémunir la Chambre contre des décisions financières hâtives,
une autre règle disposait qu’une motion « pour une aide publique, ou
charge sur le public » ne pouvait être prise en considération
immédiatement, mais devait être ajournée à une autre séance[50]. Il s’agissait « d’éviter que les députés soient poussés à
prendre une décision trop vite et de donner à chacun tout le loisir d’exposer
ses raisons pour appuyer ou rejeter la mesure[51] ».
La première édition du Règlement, sous la
rubrique « Aides et Subsides », comportait une référence à la Loi constitutionnelle de 1867 selon laquelle seule la Couronne avait l’initiative de proposer des recettes ou dépenses. La règle prévoyait en outre
qu’une mesure décrétant une « aide publique » (dépense) ou une
« charge sur le public » (impôt) devait d’abord être présentée à la Chambre; autrement dit, seule la Chambre pouvait accorder des crédits[52].
En gros, les procédures financières
instaurées par ces règles demeureront inchangées pendant 100 ans[53]. Toutefois, les partis d’opposition finiront par recourir aux
procédures financières pour retarder, voire empêcher l’adoption par le
gouvernement de mesures financières. C’est ainsi que vers la fin des années
1960, ces procédures — qui étaient demeurées à peu près inchangées
pendant un siècle — seront révisées en profondeur et rationalisées.
Cette réforme devait respecter et garantir deux principes
contradictoires : le droit pour le gouvernement de faire adopter ses
mesures financières par le Parlement et le droit pour l’opposition d’attirer
l’attention sur les éléments qui méritent examen, d’en retarder l’adoption et
de les mettre en discussion.
[14] Voir le Préambule de l’Acte de l’Amérique du Nord britannique,
qui énonce que le Canada aura une constitution reposant sur les mêmes principes
que celle du Royaume‑Uni. C’est ainsi que les règles de procédure
parlementaire en usage en Grande‑Bretagne à l’époque serviront de guide
dans les délibérations des chambres du Parlement canadien. En 1982, l’Acte
deviendra la Loi constitutionnelle de 1867. Pour plus
d’information, voir le chapitre 1, « Les institutions
parlementaires ».
[15] Depuis 1625, le droit exclusif des Communes britanniques à verser
des sommes d’argent est pleinement reconnu et, depuis 1678, les Communes
revendiquent également le droit exclusif de décider de l’usage de ces sommes (Redlich,
vol. III, p. 115‑116). Ce principe fondamental a été bien
établi en 1860 lorsque les Communes se sont opposées au refus des lords
d’accepter un projet de loi de finances. La Chambre devait adopter par la suite une résolution affirmant son droit exclusif d’accorder des crédits (Redlich,
vol. III, p. 116‑119). Voir la section intitulée
« Revendication par la Chambre de sa prérogative en matière de
finances » du présent chapitre.
[16] La règle des Communes qui veut que toute mesure sanctionnant une
dépense ou créant un impôt découle de résolutions votées en comité plénier a
été adoptée par le Parlement britannique en 1667. Au cours des guerres civiles,
ces discussions se faisaient par des comités restreints pour éviter les
pressions et le contrôle exercés par le Président, qui agissait au nom du roi.
Les Communes devaient revenir aux comités pléniers, les comités restreints
étant jugés trop facilement influençables par les conseillers privés et
d’autres députés influents. La règle de 1667 se lisait
ainsi : « Lorsqu’une motion est présentée à la Chambre pour obtenir des crédits ou prélever un impôt sur la population, l’examen et le débat
sur la question ne devraient pas être entrepris immédiatement, mais devraient être ajournés à une date fixée par la Chambre; et un comité plénier devrait en être saisi et son avis communiqué à la Chambre avant qu’une résolution ou un vote soit pris par celle‑ci »
(Stewart, J.B., The Canadian House of Commons: Procedure and
Reform, Montréal et London : McGill-Queen’s University Press,
1977, p. 99).
Au moment de la Confédération, la règle avait été révisée : « Lorsqu’une motion est présentée
à la Chambre pour obtenir des crédits ou faire un prélèvement sur les recettes
publiques, qu’ils soient imputables au fonds consolidé ou payés à partir de
crédits fournis par le Parlement, ou prélever un impôt sur la population
[…] » (May, 6e éd., p. 549).
[18] Le gros de cet historique est tiré d’un article de
Driedger, E.A., « Money Bills and the Senate », Ottawa Law
Review, vol. 3, no 1, automne 1968, p. 25‑46.
Voir aussi May, 6e éd.
[19] Ordonnance de 1407 sur l’indemnité des lords et des Communes (citée
dans Driedger, p. 31).
[20]Hatsell, J.,
Precedents of Proceedings in the House of Commons, vol. III, South Hackensack (New Jersey) : Rothman Reprints
Inc., 1971 (réimpression de la 4e éd., 1818), p. 122‑123.
C’est de là que vient l’article 80(1) du Règlement de la Chambre des communes du Canada : « Il appartient à la Chambre des communes seule d’attribuer des subsides et crédits parlementaires au Souverain.
Les projets de loi portant ouverture de ces subsides et crédits doivent prendre
naissance à la Chambre des communes, qui a indiscutablement le droit d’y
déterminer et désigner les objets, destinations, motifs, conditions,
limitations et emplois de ces allocations législatives, sans que le Sénat
puisse y apporter des modifications ».
[21] Le terme « liste civile » était aussi en usage dans les
colonies canadiennes.
[23] Au Canada, ce fonds (appelé hier encore Fonds du revenu consolidé)
s’appelle le Trésor.
[24] En 1715, un « fonds collectif » — qui devait
être alimenté à partir de sources bien précises et servir à couvrir des charges
de nature permanente — était institué sous George Ier.
Toutefois, ce n’est qu’avec la création du Fonds consolidé en 1786 que toutes
les recettes de l’État aboutiraient à la même caisse, sur laquelle toutes les
dépenses de l’État seraient imputées (Redlich, vol. III, p. 163‑164).
[29] Voir le chapitre 1, « Les institutions
parlementaires ».
[30] Bourinot, sir J.G., Parliamentary Procedure and Practice in
the Dominion of Canada, 4e éd., sous la direction de
T.B. Flint, Toronto : Canada Law Book Company, 1916, p. 8.
[31] O’Brien, G., « Pre-Confederation Parliamentary
Procedure: The Evolution of Legislative Practice in the Lower Houses of
Central Canada, 1792-1866 », thèse de doctorat, Carleton University, 1988, p. 89‑93, 175‑180, 286‑292, 361‑363. Voir aussi Bourinot, 4e éd., p. 9‑11.
[36]Acte d’Union, 1840, L.R. 1985, Appendice II, no 4.
[37]Bourinot, 4e éd., p. 12. Bourinot rappelle qu’en 1849 le gouverneur de la Nouvelle‑Écosse, sir John Harvey, fut avisé par le ministère des colonies qu’il n’était
« ni possible ni souhaitable de gouverner l’une ou l’autre des provinces
britanniques d’Amérique du Nord en opposition aux opinions des
habitants ».
[38]Bourinot,
South Hackensack (New Jersey) : Rothman Reprints Inc., 1971
(réimpression de la 1re éd., 1884), p. 463.
[39] Lambton, J.G., Le Rapport Durham, traduction et introduction
de D. Bertrand et A. Desbiens, nouv. éd., rév. et corr.,
Montréal : l’Hexagone, 1990, p. 227‑228.
[44] L.R. 1985, Appendice II, n° 5, art. 53. L’origine de cet article dans les textes constitutionnels remonte à
l’Acte d’Union, 1840, L.R. 1985, Appendice II, n° 4,
art. LVII.
[45]Loi constitutionnelle de 1867, L.R. 1985,
Appendice II, n° 5, art. 54.
[46]Loi constitutionnelle de 1867, L.R. 1985,
Appendice II, n° 5, art. 102 à 106. À l’époque de la Confédération, la Province du Canada disposait d’une formule semblable.
[48]Constitutions, règles et règlements de la Chambre des Communes, 1868, règle 88.
[49]Journaux,
31 mars 1874, p. 10; Règles, ordres et règlements de la Chambre des communes, 1876, règle 87. Jusqu’en 1874, la Chambre devait d’abord adopter une motion portant « que les subsides soient accordés à
Sa Majesté ». Suivant immédiatement l’ordre d’ouvrir le débat sur le
discours du Trône, la motion permettait de désigner un comité des subsides et
d’inscrire l’examen des crédits à l’ordre du jour. Voir aussi Bourinot,
1re éd., p. 477.
[50]Constitutions, règles et règlements de la Chambre des Communes, 1868, règle 88.
[52]Constitutions, règles et règlements de la Chambre des Communes, 1868, règle 89.
[53] En 1968, la Chambre modifiait son règlement pour annualiser
l’examen des crédits. Voir la section intitulée « Les travaux des
subsides » du présent chapitre.