La Chambre tient de
temps à autre des débats exploratoires où les députés ont l’occasion d’analyser
et de débattre en détail des questions nationales ou internationales[198]. Le Règlement prévoit une procédure particulière pour permettre la
tenue de ces débats en comité plénier, une formule réputée plus conviviale et
propice à la circulation des idées. Une majorité des débats exploratoires tenus
aujourd’hui le sont d’ailleurs dans ce cadre particulier[199].
Après avoir consulté les leaders des autres
partis à la Chambre, un ministre peut à n’importe quel moment durant une séance
donnée, proposer une motion qui énonce, d’une part, le thème d’un débat
exploratoire à être tenu en comité plénier et, d’autre part, la date à laquelle
il aura lieu. Une telle motion ne peut être présentée moins de 48 heures avant
le début du débat. Sur présentation, elle est mise aux voix immédiatement, sans
débat ni amendement[200].
Le débat commence à l’heure ordinaire de
l’ajournement quotidien le jour prescrit par la motion. Il se poursuit pour une durée d’au plus quatre heures ou jusqu’au moment où plus
personne ne demande la parole, selon la première éventualité. La motion qui est
devant le comité, et qui n’est pas mise aux voix, prend la forme
suivante : « Que le comité prenne note de [sujet] ». À la
conclusion du débat, le comité lève la séance et la Chambre ajourne immédiatement jusqu’au jour de séance suivant. Conséquemment, le Débat
d’ajournement n’a pas lieu. La motion portant tenue du débat exploratoire,
quant à elle, est rayée du Feuilleton.
Les principes généraux relatifs aux
délibérations en comité plénier s’appliquent à ces débats, comme par exemple,
les députés n’ont pas à intervenir de leur place attitrée[201]. Il y a cependant quelques exceptions : aucune motion ne peut
être proposée sauf celle portant conclusion du débat, à savoir « Que la
séance soit maintenant levée ». Aussi, aucun député ne peut prendre la
parole pendant plus de dix minutes, bien que chacune des interventions puisse
être suivie d’une période de questions et d’observations d’au plus dix minutes.
Finalement, le Président de la Chambre peut présider la séance du comité, s’il
le souhaite[202].
Dans la pratique, beaucoup de ces débats
sont inscrits au Feuilleton sans nécessairement suivre le processus
officiel prévu par le Règlement. En effet, très souvent, ceux-ci sont tenus à
la suite de l’adoption, du consentement unanime, d’ordres spéciaux précisant en
outre certaines conditions supplémentaires reliées aux délibérations, par
exemple, la modification du nombre d’heures prévues pour le débat ou son
étalement sur plusieurs jours[203], l’interdiction des appels de quorum[204] ou l’autorisation donnée aux députés de partager leur temps de
parole[205].
Un des points principaux qui distinguent ce
type de comité plénier de ceux qui étudient des projets de loi ou des motions
est le fait que ses membres n’ont pas la possibilité de prendre des décisions
sur l’élément considéré lors du débat. Le but des débats exploratoires en
comité plénier est d’abord et avant tout de permettre une discussion sur le
thème choisi. C’est d’ailleurs pourquoi la seule motion recevable est celle
visant à lever la séance.
L’examen détaillé des budgets des dépenses
est une fonction essentiellement assurée par les comités permanents de la Chambre. Par exemple, le budget principal des dépenses du prochain exercice financier est
réputé renvoyé aux comités au plus tard le 1er mars de
l’exercice en cours et leurs rapports à ce sujet doivent être présentés à la
Chambre, ou sont réputés l’avoir été, au plus tard le 31 mai[206].
Le Règlement autorise toutefois le chef de
l’Opposition à choisir chaque année, après avoir consulté les chefs des autres
partis de l’opposition, le budget principal des dépenses d’au plus deux
ministères ou organismes pour un examen d’au plus quatre heures en comité
plénier[207]. Au plus tard le 1er mai, le chef de l’Opposition
peut donc donner un préavis de 48 heures d’une motion portant renvoi de
ces crédits à un comité plénier. La motion est réputée adoptée à la fin de la
période de préavis et l’étude des crédits en question est réputée retirée des
comités permanents auxquels elle avait été confiée à l’origine[208].
Chaque examen pour chacun des ministères ou
organismes visés a lieu le jour désigné par le gouvernement[209], mais au plus tard le 31 mai[210]. L’examen débute après le Débat d’ajournement ou, s’il s’agit d’un
vendredi, à la fin de la période prévue pour l’étude des Affaires émanant des
députés. Lorsque cet examen prend place après le Débat d’ajournement, la motion
usuelle d’ajournement de la Chambre est alors réputée retirée.
Contrairement à beaucoup d’autres débats en
comité plénier, celui entourant les crédits budgétaires en est un de portée
générale qui touche tous les crédits renvoyés au comité[211]. Le comité plénier étudie les montants initialement prévus au
budget principal des dépenses[212].
Aussi, élément singulier par rapport aux
règles du débat qui prévalent dans d’autres types de comité plénier, aucun
député ne peut prendre la parole pour plus de 15 minutes à la fois. Cette période de temps comprend au plus dix minutes pour prononcer un discours. Ces
15 minutes peuvent en fait servir à prononcer un discours et/ou poser des
questions au ministre présent sur place pour défendre les crédits budgétaires,
ou au secrétaire parlementaire agissant au nom du ministre. Quand la parole est
accordée à un député, celui-ci doit indiquer à la présidence comment les
15 minutes seront réparties[213]. Les députés doivent également obtenir le consentement unanime
s’ils souhaitent partager leur temps de parole avec un autre député[214].
Il est par ailleurs fréquent que la Chambre
adopte des ordres spéciaux prévoyant des règles supplémentaires pour ces
débats, notamment pour que les réponses du ministre ou du secrétaire
parlementaire à une question d’un député n’excèdent pas en temps la période
prise pour ladite question, ou encore pour interdire les appels de quorum, les
motions dilatoires ou les demandes de consentement unanime[215]. Au début des délibérations, le président fait habituellement une
déclaration sur les règles du débat[216].
L’objectif de ces débats est d’abord et
avant tout la tenue de discussions sur le budget où les députés ont l’occasion
d’interroger le ministre ou le secrétaire parlementaire sur les crédits à
l’étude. Le Règlement n’établit d’ailleurs pas de mécanismes par lesquels les
membres du comité plénier pourraient adopter, réduire ou rejeter ces crédits,
contrairement à ce qui peut être fait dans les comités permanents[217]. De plus, les crédits ne sont pas étudiés individuellement, mais
plutôt en bloc, par ministère ou organisme. En fait, le Règlement prévoit une
procédure automatique, sans mise aux voix, par laquelle les crédits font
l’objet d’un rapport à la Chambre au terme du débat; le comité lève alors sa
séance, il est réputé avoir été fait rapport des crédits étudiés et la Chambre
ajourne jusqu’au jour de séance suivant[218]. Les décisions finales au sujet du budget principal des dépenses
sont prises lors du dernier jour désigné de la période des subsides se
terminant le 23 juin.
[198] Pour plus d’information sur les débats exploratoires, voir le
chapitre 15, « Les débats spéciaux ».
[199] Voir, par exemple, Journaux, 24 février 2003, p. 451,
26 février 2003, p. 479 (sur l’industrie des pêches); 28 octobre
2004, p. 165, 2 novembre 2004, p. 180, 187 (sur l’aide aux
victimes de l’hépatite C); 27 avril 2006, p. 100, 1er mai
2006, p. 115 (sur la situation au Darfour). Pour un exemple de débat
exploratoire tenu par la Chambre et non pas en comité plénier, voir Journaux,
12 décembre 2006, p. 899 (sur un rapport d’un comité permanent).
[200] Art. 53.1 du Règlement. Voir, par exemple, Journaux, 1er novembre
2002, p. 153. Il est rare qu’un vote par appel nominal soit exigé pour de
telles motions. Cela est néanmoins arrivé. Voir, par exemple, Journaux,
12 février 2004, p. 72-73. Par ailleurs, la Chambre a parfois passé outre à l’exigence des 48 heures de délai en adoptant des ordres
spéciaux du consentement unanime. Voir, par exemple, Journaux,
28 janvier 2002, p. 964, 970-971.
[201] Art. 17 du Règlement. Les débats ont alors lieu dans un cadre
plus informel. La Chambre a d’ailleurs voulu expérimenter en tenant, en 2001,
deux débats d’urgence en comité plénier (Journaux,
27 septembre 2001, p. 644‑645, 663;
4 octobre 2001, p. 691, 694). Elle donnait ainsi suite à la
suggestion contenue dans le premier rapport du Comité spécial sur la
modernisation et l’amélioration de la procédure à la Chambre des communes à
l’effet de tenir les débats d’urgence dans ce cadre (par. 30, présenté à
la Chambre le 1er juin 2001 (Journaux, p. 465)
et adopté le 4 octobre 2001 (Journaux, p. 691‑693)
suivant un ordre spécial (Journaux, 3 octobre 2001,
p. 685)). Comme on ne peut présenter une motion d’ajournement de la
Chambre dans le cadre d’un comité plénier, le comité a, à ces deux occasions,
examiné une motion visant à « prendre note » de la question. Pour
plus d’information sur les débats d’urgence, voir le chapitre 15, « Les
débats spéciaux ».
[207] Art. 81(4)a) du Règlement. Cette procédure ne devrait être
possible que pour des crédits qui n’ont pas encore fait l’objet d’un rapport
des comités permanents auxquels ils avaient été confiés. Il est déjà arrivé que
des crédits qui avaient fait l’objet d’un rapport soient tout de même renvoyés
à un comité plénier. Voir, par exemple, le 14e rapport du
Comité permanent des comptes publics, présenté à la Chambre le 30 avril 2008 (Journaux,
p. 746). Voir aussi Journaux, 2 mai 2008, p. 759;
28 mai 2008, p. 866.
[208] Il n’y a pas d’annonce officielle à la Chambre de l’adoption de
cette motion, mais cela est consigné dans les Journaux. Voir, par
exemple, Journaux, 3 mai 2007, p. 1348. Ces études sont
immédiatement inscrites au Feuilleton dans la section Étude en comité
plénier de l’Ordre du jour, sous la rubrique Travaux des subsides. Voir, par
exemple, Feuilleton et Feuilleton des avis, 4 mai 2007,
p. 29.
[209] Le gouvernement désigne ces journées de la même façon qu’il désigne
les journées d’opposition, c’est-à-dire par une annonce verbale à la Chambre. La déclaration hebdomadaire des travaux est d’ailleurs souvent utilisée à cette fin.
Voir, par exemple, Débats, 10 mai 2007, p. 9331-9332.
[210] Par ordre spécial de la Chambre, une étude en comité plénier a déjà
eu lieu au-delà du 31 mai. Le débat, initialement prévu le 28 mai 2002, a alors été reporté au 4 juin (Journaux, 27 mai 2002, p. 1430).
[212] Ceci s’applique même si le comité avait déjà commencé l’étude de
ces crédits et, le cas échéant, même si celui-ci les avait déjà approuvés,
réduits ou rejetés, ou encore, même s’il en avait déjà fait rapport à la Chambre. Voir, par exemple, Comité permanent du développement des ressources humaines, du
développement des compétences, du développement social et de la condition des
personnes handicapées, Procès-verbal, séance no 30,
19 avril 2005; Journaux, 2 mai 2005, p. 682.
[213] Art. 81(4)a) du Règlement. Voir, par exemple, Débats,
23 novembre 2004, p. 1786. La Chambre permet parfois aussi aux partis
d’allouer du temps à un ou plusieurs de leurs députés à l’intérieur des
15 minutes autorisées pour chacune des interventions. Voir, par exemple, Journaux,
16 novembre 2004, p. 221.
[214] Voir, par exemple, Débats, 7 mai 2002, p. 11341.
[215] Voir, par exemple, Journaux, 4 juin 2002, p. 1471;
1er novembre 2006, p. 609; 27 mai 2008,
p. 852.
[216] À cette occasion, des précisions sont habituellement données quant
à la rotation des partis reconnus à la Chambre pour l’ordre des interventions. Bien que les députés peuvent prendre la parole plus d’une fois en comité
plénier, le président tend généralement à accorder la parole à ceux qui n’ont
pas eu la chance de s’exprimer avant de reconnaître ceux qui ont déjà fait une
intervention. Voir, par exemple, Débats, 1er novembre
2006, p. 4572.
[217] Au cours d’une séance en comité plénier en mai 2003, un député
avait proposé une motion pour réduire de 100 millions un des crédits prévus
pour le ministère de la Justice. Le président avait émis des doutes quant à
savoir si cette motion respectait l’esprit de ces débats. Il avait néanmoins
permis à la motion d’être mise en délibération, mais avait refusé, malgré les
demandes de certains députés, qu’elle soit mise aux voix immédiatement, sans
que le comité ait eu l’opportunité de la débattre. Cette décision a été portée en appel et le Président l’a maintenue. À la fin de la
soirée, les crédits d’origine ont été réputés avoir fait l’objet d’un rapport,
comme le prévoit l’article 81(4)a) du Règlement (Journaux,
27 mai 2003, p. 815‑816, Débats, p. 6590‑6593).
[218] Voir, par exemple, Journaux, 4 juin 2002, p. 1472;
16 novembre 2004, p. 226.