OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 29 avril 2004
¿ | 0905 |
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)) |
M. Edward Keyserlingk (agent de l'intégrité de la fonction publique, Bureau de l'agent d'intégrité de la fonction publique) |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC) |
M. Edward Keyserlingk |
M. Leon Benoit |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0915 |
M. Leon Benoit |
M. Edward Keyserlingk |
M. Leon Benoit |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0920 |
Le président |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0925 |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0930 |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
M. Edward Keyserlingk |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
¿ | 0935 |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
¿ | 0940 |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
M. Edward Keyserlingk |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ) |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0945 |
M. Roger Gaudet |
M. Edward Keyserlingk |
M. Roger Gaudet |
¿ | 0950 |
M. Edward Keyserlingk |
M. Roger Gaudet |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC) |
M. Edward Keyserlingk |
¿ | 0955 |
M. Paul Forseth |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
L'hon. Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.) |
M. Edward Keyserlingk |
À | 1000 |
L'hon. Brenda Chamberlain |
M. Edward Keyserlingk |
L'hon. Brenda Chamberlain |
M. Edward Keyserlingk |
L'hon. Brenda Chamberlain |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
Le président |
M. Edward Keyserlingk |
À | 1005 |
Le président |
Le président |
À | 1010 |
M. Kenneth Kernaghan (président, professeur de science politique et de gestion, Université Brock, Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs) |
À | 1015 |
Le président |
M. Paul Forseth |
À | 1020 |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Paul Forseth |
M. Kenneth Kernaghan |
À | 1025 |
M. L. Denis Desautels (directeur général du Centre d'études en gouvernance et cadre en résidence à la Faculté d'administration, Université d'Ottawa, À titre individuel) |
Le président |
Mme Monique Guay |
M. Kenneth Kernaghan |
À | 1030 |
Mme Monique Guay |
M. L. Denis Desautels |
Mme Monique Guay |
À | 1035 |
M. Kenneth Kernaghan |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Kenneth Kernaghan |
À | 1040 |
M. Pat Martin |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Pat Martin |
M. Kenneth Kernaghan |
Mme Hélène Beauchemin (présidente de HKBP Inc., Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs) |
M. Pat Martin |
Mme Hélène Beauchemin |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Alex Shepherd |
À | 1045 |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Alex Shepherd |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Alex Shepherd |
À | 1050 |
M. Kenneth Kernaghan |
Le président |
M. Alex Shepherd |
M. Kenneth Kernaghan |
Le président |
M. Leon Benoit |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Leon Benoit |
M. Kenneth Kernaghan |
À | 1055 |
M. Leon Benoit |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Leon Benoit |
M. Kenneth Kernaghan |
M. Leon Benoit |
Le président |
M. Kenneth Kernaghan |
Á | 1100 |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. L. Denis Desautels |
Le président |
M. Kenneth Kernaghan |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 29 avril 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs.
Conformément à l'ordre de renvoi du mardi 20 avril 2004, nous étudions le projet de loi C-25, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles dans le secteur public et de protection des dénonciateurs.
Ce matin, nous recevons deux groupes de témoins. Le premier témoin est M. Edward Keyserlingk, agent de l'Intégrité de la fonction publique.
Bonjour, monsieur Keyserlingk. Vous êtes le bienvenu et nous vous invitons à nous présenter vos collègues.
Nous avons hâte de vous entendre. Les membres du comité auront certainement de nombreuses questions à vous poser. La parole est à vous.
M. Edward Keyserlingk (agent de l'intégrité de la fonction publique, Bureau de l'agent d'intégrité de la fonction publique): Merci beaucoup, monsieur le président.
Je vous remercie de m'avoir invité à faire connaître mes opinions au sujet du projet de loi C-25 et à répondre à vos questions au sujet des propositions qui accompagnent mon mémoire.
Je voudrais vous présenter mes deux collègues, Jean-Daniel Bélanger, avocat-conseil principal au Bureau de l'intégrité de la fonction publique et Pierre Martel, directeur.
Si j'ai bien compris, vous n'avez pas encore reçu tous nos documents, mais ils sont en route. Je crois qu'ils vous ont été envoyés hier.
Le président: Je peux vous assurer que nous sommes humains et que nous n'aurions sans doute pas eu le temps de les lire de toute façon.
M. Edward Keyserlingk: C'est ce que je supposais et je vais en tenir compte.
Les reliures que vous avez, ou que vous recevrez, contiennent plusieurs documents. Il y a notre mémoire écrit de même qu'un document qui fait une analyse article par article du projet de loi et des propositions que nous formulons à côté de l'article correspondant. Il y a aussi un document qui énonce en détail les modifications que nous proposons d'apporter au projet de loi et qui couvre à la fois le processus de divulgation des actes répréhensibles et les plaintes concernant les représailles.
Si vous me permettez de commencer par un bref exposé, monsieur le président, je crois que le projet de loi C-25 contient certaines dispositions très positives. C'est une loi plutôt qu'une simple politique. Il interdit les représailles contre les dénonciateurs et, sauf quelques exceptions, sa portée s'étend à la totalité du secteur public. Il mentionne également le rôle du Parlement.
Néanmoins, le projet de loi C-25 me paraît gravement et étonnamment déficient. Il a été annoncé comme un important élément de la campagne que le gouvernement mène actuellement contre les actes répréhensibles. Comme beaucoup de gens, je croyais donc que l'agent ou le bureau que cette loi allait mettre en place serait suffisamment indépendant pour favoriser la divulgation d'actes fautifs graves contre l'intérêt public, mais à mon avis, il n'est pas suffisamment indépendant.
Comme d'autres, je m'attendais à ce que cette loi soit suffisamment énergique pour que les actes fautifs graves, s'il y en a, soient mis à jour, pour que leurs auteurs soient punis et pour que les dénonciateurs soient protégés. Néanmoins, j'estime qu'elle n'est pas suffisamment efficace.
Je ne pense pas qu'elle donnera des résultats ou du moins des résultats suffisants. Le commissaire peut recevoir assez de cas pour qu'on puisse croire à son succès, surtout si on est convaincu qu'il y a peu d'actes répréhensibles, voire aucun, à la fonction publique, mais cette mesure ne peut pas être véritablement efficace. Les cas rapportés continueront d'être surtout des griefs reliés à l'emploi et non pas des actes fautifs graves contre l'intérêt public, c'est-à-dire les actes que cette loi et le commissaire sont censés viser.
À mon avis, l'un des défauts fondamentaux de ce projet de loi est qu'il énumère, à juste titre, un certain nombre d'actes répréhensibles graves tels que la contravention d'une loi ou d'un règlement ou une grave faute de gestion. Toutefois, les instruments, les procédures et les protections prévues conviennent davantage aux griefs reliés à l'emploi qu'aux enquêtes sur des actes fautifs graves contre l'intérêt public.
Les conseils des relations de travail auxquels le projet de loi C-5 propose de confier les plaintes concernant les représailles ne sont pas vraiment compétents en la matière étant donné que l'exercice de représailles, que le projet de loi considère à juste titre comme un acte répréhensible très grave, n'est pas une question reliée au travail.
Autrement dit, le projet de loi C-25 présente une sérieuse crise d'identité en ce sens qu'il prétend viser les actes répréhensibles graves contre l'intérêt public. En réalité, les mesures qu'il contient conviennent mieux au règlement de conflits reliés à l'emploi, de griefs, etc. À mon avis, ce sera insuffisant, parce que ce projet de loi n'apporte pas ce dont ceux à qui il était destiné, les fonctionnaires, nous ont dit avoir besoin pour prendre le risque de divulguer des actes répréhensibles graves.
C'est ce que nous ont dit les fonctionnaires et c'est ce qu'ils nous disent encore, à bien des égards. Ils nous l'ont dit verbalement. Ils nous l'ont dit dans des sondages. Ils nous l'ont dit en votant comme ils l'ont fait, n'importe comment, et en ne divulguant pas les actes répréhensibles dont ils avaient connaissance, par exemple dans le cas du Commissaire à la protection de la vie privée.
En fin de compte, monsieur le président, peu importe l'idée que nous nous faisons, vous et moi, le Bureau des valeurs et de l'éthique, les ministres, le Cabinet ou le Parlement du système idéal pour la divulgation des actes répréhensibles. Il faut que les gens pour lesquels ce système a été conçu lui fasse suffisamment confiance pour l'utiliser et soient convaincus qu'il peut être efficace et qu'il peut les protéger.
Ne pas tenir compte de leur opinion ce serait faire comme un fabricant d'automobiles qui demanderait à ses clients et aux acheteurs potentiels quelle voiture ils souhaitent acheter, mais qui fabriquerait ses autos sans tenir compte de leurs préférences.
¿ (0910)
Ce projet de loi est un peu comme une automobile en ce sens qu'il a été conçu pour inciter les fonctionnaires à divulguer en toute bonne foi les actes répréhensibles graves. Il ne leur donne pas ce dont ils ont dit avoir besoin pour pouvoir le faire. C'est ce qui constitue, selon moi, le principal défaut de cette mesure.
Si vous le permettez, je n'en dirai pas plus, car je crois que vous avez des questions à poser et que cela nous permettra de poursuivre sur le sujet.
Merci.
Le président: Très bien.
Nous allons commencer par M. Benoit.
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC): Merci, monsieur le président, et merci à vous d'être venu ce matin.
L'Ottawa Citizen rapporte que selon M. Coderre, le président du Conseil privé de la Reine, ce projet de loi s' inspire des 34 recommandations du Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs et incite les bureaucrates à dénoncer les actes répréhensibles tout en assurant une protection contre les employés mécontents qui ont des comptes à régler. Je voudrais savoir ce que vous pensez de cette déclaration.
M. Edward Keyserlingk: Je ne crois pas que cette mesure incorpore les principales recommandations du Groupe de travail. Je laisserai les membres du Groupe de travail que vous entendrez après moi vous en dire plus à ce sujet, mais j'ai l'impression que ses principales recommandations selon lesquelles le commissaire devrait être un agent du Parlement, il devrait disposer d'instruments d'enquête adéquats et pouvoir faire rapport au Parlement, n'ont pas été intégrées dans le projet de loi. Ses recommandations étaient essentiellement les mêmes que celles qui figuraient dans mon rapport annuel de 2003. Je ne dis pas que le projet de loi ne s'inspire aucunement des recommandations, mais le rapport du Groupe de travail précisait très clairement que le commissaire devait être un agent du Parlement, qu'il devait disposer des instruments d'enquête nécessaires, qu'il devait pouvoir obtenir les renseignements voulus, recevoir les allégations d'actes répréhensibles émanant de n'importe quelle source, ce qui n'est pas non plus dans le projet de loi, ainsi que plusieurs autres choses.
M. Leon Benoit: D'une certaine façon, cette mesure semble présenter la plupart des mêmes défauts que le projet de commissaire à l'éthique qui devait faire rapport au Parlement. Étant donné ce qui s'est passé à cet égard, il semble y avoir beaucoup de faiblesses similaires.
Vous dites que l'important est que les gens auxquels ce processus s'applique aient confiance en lui. Un autre critère est l'efficacité que cette mesure aurait eue par le passé. Si vous prenez le cas de certains dénonciateurs impliqués dans des scandales récents, pourriez-vous nous dire si, à votre avis, cette mesure aurait été efficace pour eux, pour M. Cutler ou les autres? Vous devez y avoir réfléchi car je suppose qu'une façon d'évaluer l'efficacité de cette mesure est de voir si elle aurait fonctionné. Pouvez-vous nous dire si ce projet de loi aurait faciliter les choses pour certaines des personnes qui ont fait des divulgations récemment?
M. Edward Keyserlingk: La principale raison pour laquelle cette loi n'aurait pas fonctionné est qu'elle ne mesure pas bien à quel point il est important pour toute personne qui songe à divulguer des actes répréhensibles graves contre l'intérêt public d'être certaine que le processus sera efficace et qu'il la protégera.
Le projet de loi ne mesure pas à quel point il est difficile de faire non pas une divulgation dans son intérêt personnel, mais ce que nous pourrions appeler un divulgation dans l'intérêt public, en prenant tous les risques sans obtenir aucun avantage. Ceux dont on espère qu'ils auront le courage de le faire doivent être certains que leurs révélations auront un résultat et qu'ils seront protégés contre les représailles. Il faut pour cela un système prévoyant des pouvoirs d'enquête appropriés.
Les gens examineront le système pour voir si des sanctions sont prévues en cas de représailles et si ces sanctions sont suffisamment rigoureuses pour être dissuasives. Ils examineront la façon dont le processus se déroulera et la façon dont on enquêtera sur les faits qu'ils rapporteront. Le processus permettra-t-il de tirer des conclusions qui resteront sous le contrôle du commissaire au lieu de s'étendre ailleurs?
À mon avis, les fonctionnaires seront découragés de voir que, dans ce projet de loi, les plaintes pour représailles seront confiées aux conseils des relations de travail étant donné que le commissaire ne pourra pas dire: «Voilà comment nous allons régler votre plainte pour représailles si vous nous en soumettez une par la suite». Ces conseils ne relèvent pas du commissaire et n'ont pas été non plus créés pour examiner les cas de représailles, qui sont beaucoup plus complexes et subtils que les problèmes typiques reliés à l'emploi qui leur sont habituellement soumis.
¿ (0915)
M. Leon Benoit: Dans quelle mesure les conseils des relations de travail pourront-ils résoudre ces questions?
M. Edward Keyserlingk: Le projet de loi leur donne le pouvoir de résoudre les conflits, de tenir des audiences publiques, et ainsi de suite. Le problème est qu'il ne s'agit pas vraiment de conflits. Ce projet de loi est censé s'attaquer—et c'est une bonne chose—aux actes répréhensibles graves contre l'intérêt public et non pas aux conflits reliés à l'emploi.
C'est un des principaux défauts qui ont écarté ce projet de loi du droit chemin en proposant de renvoyer les plaintes aux conseils. Le commissaire devrait s'en charger en même temps que de la plainte initiale. Les deux vont de pair. Nous avons constaté que, lorsqu'un fonctionnaire vient dénoncer un acte fautif, nous devons lui expliquer comment nous interviendrons si, par la suite, il était victime de représailles. Si nous ne pouvons pas le faire, les gens ne donneront pas suite.
Par conséquent, je crois que cela dissuaderait les gens dont nous parlons, ceux qui seraient prêts à faire ces dénonciations. D'autre part, certains d'entre eux ne peuvent pas se présenter devant la Commission parce qu'ils ne sont pas fonctionnaires.
Nous proposons, entre autres choses, que le projet de loi s'applique à quiconque se présente avec une allégation crédible concernant des actes répréhensibles commis au sein du secteur public. D'autre part, bien sûr, les gens examineront le système pour voir si le problème a des chances d'être réglé de façon pleine et entière au sein de la même commission.
Voilà pourquoi nous proposons que le commissaire puisse faire un rapport spécial directement au Parlement si la question n'est pas résolue de la façon habituelle suite à un rapport au sous-ministre ou à l'administrateur général. En cas de représailles, le commissaire devrait pouvoir résoudre les plaintes dans le cadre de son propre mandat si elles ne sont pas réglées entre les parties.
Nous nous attendons à ce que, dans la plupart des cas, la question sera réglée à l'amiable entre le sous-ministre et les parties en cause, mais il serait utopique de croire qu'il en sera toujours ainsi. Lorsque les gens examineront ce système, il faut qu'ils puissent dire: «Si le problème n'est pas réglé, quelle est l'autorité qui le réglera de façon objective, équitable et indépendante?»
M. Leon Benoit: Est-ce que le projet de loi tel qu'il est maintenant changerait vraiment les choses? Si vous prenez les personnes qui ont fait ce genre de dénonciations ces derniers temps, cela aurait-il vraiment changé grand-chose pour elles?
M. Edward Keyserlingk: Le projet de loi promet qu'il le fera, mais je n'en crois rien. Il se contente de reprendre les dispositions de la politique actuelle. Toutefois, il n'offre pas ce qu'une loi apporte normalement, c'est-à-dire des pouvoirs d'enquête, la possibilité de résoudre la question de façon définitive et des mécanismes d'application placés sous son contrôle. Ces éléments ne sont pas là et la loi n'est donc pas vraiment différente de ce que nous avons déjà.
¿ (0920)
Le président: Merci, monsieur Benoit.
Madame Guay, s'il vous plaît.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, monsieur le président. Merci, messieurs, d'être présents ce matin.
Nous avons aussi des inquiétudes quant aux dispositions sur le commissaire de ce projet de loi. Selon les dispositions du projet de loi, le commissaire sera nommé par la Chambre des communes, donc par tous les partis politiques, ce sur quoi nous sommes d'accord, mais il ne sera pas redevable à la Chambre. Il va devoir déposer son rapport par l'entremise d'un ministre quelconque--on ne sait pas encore lequel--, et cela nous inquiète. D'après nous, il faut qu'il dépose son rapport directement à la Chambre des communes pour que les députés de tous les partis puissent en prendre connaissance.
Je ne sais pas si le ministre va accepter cet amendement, mais il semble qu'il y ait quand même une certaine unanimité de la part de nos témoins à ce sujet. On ne veut pas un commissaire à l'éthique qui joue ce rôle, qui soit redevable au premier ministre. Pour nous, ce n'est pas clair et limpide. Nous voulons vraiment quelqu'un qui soit redevable à la Chambre. J'aimerais vous entendre à ce sujet.
M. Edward Keyserlingk: Puis-je répondre en anglais?
Mme Monique Guay: Oui, allez-y.
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Nous recommandons que le commissaire puisse faire rapport directement au Parlement, comme les autres agents du Parlement qui font rapport au Président de la Chambre. Si nous le proposons—car c'est ce qui vous inquiète surtout—c'est pour assurer une indépendance à la fois réelle et apparente. Ces deux facteurs influencent l'idée que les gens se font du système et détermineront s'ils l'utiliseront ou non.
Il est très important que le commissaire puisse faire rapport directement au Parlement quand le système ne fonctionne pas, car on peut espérer que, la plupart du temps, le problème pourra être réglé entre le commissaire et l'administrateur général ou le conseil d'administration de la société d'État. Mais quand ce n'est pas le cas—ce ne sera sans doute pas très fréquent, mais il faut cette possibilité—le commissaire devrait pouvoir s'adresser directement au Parlement, car nous avons proposé que ses rapports aboutissent au Parlement.
Si les gens voient que cela se fait par l'entremise d'un ministre, même si c'est seulement pour le dépôt, ils auront l'impression que le ministre a son mot à dire dans ce rapport. Il aura effectivement son mot à dire en ce sens qu'il pourra retarder le rapport jusqu'à un certain point. Cela peut compliquer l'interaction entre le ministre et le commissaire. Le ministre peut vouloir négocier. Qui sait? Cela va certainement retarder les choses. Mais cela peut également influencer le processus en ce sens que le commissaire aura l'air de ne pas être suffisamment indépendant.
[Français]
Mme Monique Guay: Pour notre part, nous avons le sentiment que ce sera un point important ici, à notre comité. Nous pensons, tout comme vous, qu'il doit y avoir une transparence totale et entière. Pour ce faire, il faut lui permettre de déposer lui-même son rapport au moment opportun. S'il décide de faire un rapport préliminaire pour une raison ou une autre ou peut-être de faire un rapport dans un cas d'extrême urgence, ce qui pourrait arriver, il faut qu'il puisse le faire lui-même sans avoir les mains liées par un ministère ou un autre.
Il y a aussi toute la question des agents supérieurs qui seront nommés. Comment percevez-vous cela? On nous a dit que ces agents supérieurs sont des gens qui sont déjà dans les différents ministères et qui auront une formation spécifique. Quelle sera leur autonomie? Cela nous inquiète aussi. Comment le percevez-vous?
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Pour ce qui est de ces agents supérieurs, la question n'est pas vraiment abordée dans ce projet de loi ce qui, et c'est bien normal, inquiète un peu les agents supérieurs en question. C'est une des raisons pour lesquelles, dans bien des cas, les gens préfèrent s'adresser à un commissaire plutôt qu'à quelqu'un de leur ministère. Cela ne veut pas dire qu'il n'y ait pas dans les ministères des gens très compétents pour résoudre ces problèmes… et que leur poste protège parfois contre les conflits d'intérêts.
Très souvent, les gens hésitent à recourir à ce genre de mécanisme interne, parce qu'ils craignent, peut-être à tort, qu'il y ait un conflit d'intérêts ou que la personne compétente ne soit pas suffisamment qualifiée pour résoudre le problème. Nous estimons donc que ces agents devraient certainement recevoir une formation. Ils devraient être protégés au maximum contre les conflits d'intérêts ce qui veut dire que, bien souvent, ils ne pourront pas recevoir la plainte parce qu'ils seront en conflit. Il se peut qu'ils fassent justement l'objet de la plainte.
Deuxièmement, j'estime que les gens devraient être libres de s'adresser soit à l'interne, à ces agents supérieurs, soit au commissaire sans qu'on ne leur indique la solution préférable. Il faudrait leur laisser entièrement le choix, car dès que vous imposez des conditions pour soumettre une plainte à l'interne ou au commissaire, on semble dissuader les gens de s'adresser au commissaire. C'est un obstacle dont ces personnes n'ont pas besoin car, surtout si elles s'apprêtent à dénoncer un acte répréhensible grave contre l'intérêt public, il faudrait plutôt les aider et les encourager par tous les moyens. Et nous devrions supprimer tous les obstacles possibles. Je ne pense donc pas qu'une solution soit préférable à l'autre. Il faudrait laisser l'intéressé et les circonstances en décider.
¿ (0925)
Le président: Excusez-moi, si vous le permettez, c'est une question extrêmement importante. Nous l'avons posée au ministre et à ses fonctionnaires. Interprétez-vous ce que dit la loi ou simplement ce qu'elle semble dire?
M. Edward Keyserlingk: Ce qu'elle semble dire. La loi autorise déjà le fonctionnaire à s'adresser soit à l'agent supérieur soit au commissaire.
Le président: Le projet de loi laisse le choix et c'est à l'employé, au fonctionnaire qu'il revient de faire ce choix s'il pense que sa plainte peut être réglée à l'interne.
M. Edward Keyserlingk: Mais le projet de loi impose également des conditions. Nous estimons qu'elles ne devraient pas y figurer, parce qu'elles semblent indiquer une préférence. Le projet de loi accorde certainement la préférence à l'agent supérieur et je ne vois aucune raison pour que ce soit le cas. Je crois que les fonctionnaires verront là un obstacle parce qu'il n'est pas certain qu'ils puissent satisfaire à ces conditions, si bien qu'ils pourraient hésiter ou renoncer. Je ne critique aucunement l'existence du système interne. Il semble très souvent fonctionner parfaitement. Je dis simplement qu'il faudrait laisser entièrement le choix au fonctionnaire.
[Français]
Mme Monique Guay: C'est la perception qu'auront les gens en regardant le projet de loi. Ils se diront qu'ils doivent aller à leur agent supérieur avant d'aller au commissaire, même s'ils préféreraient aller au commissaire, parce qu'il y a des conditions à remplir.
M. Edward Keyserlingk: Exactement.
Mme Monique Guay: C'est cela qui est dangereux.
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Exactement. Le projet de loi porte qu'ils ne peuvent s'adresser au commissaire «que dans les cas suivants»; cela donne donc l'impression que c'est seulement si vous remplissez certaines conditions et qui sait comment elles peuvent être interprétées. C'est une question de perception et cela pourrait dissuader les gens de faire une dénonciation.
Le président: Où ces conditions se trouvent-elles dans le projet de loi?
M. Edward Keyserlingk: À l'article 12 du projet de loi.
Le président: Mais s'il y est dit «ou».
M. Edward Keyserlingk: C'est «ou», mais s'il y a «ne peut […] que dans les cas suivants».
Le président: Nous avons fait… c'est tellement important.
M. Edward Keyserlingk: Si vous prenez le paragraphe 12(1), vous pouvez lire «Le fonctionnaire ne peut porter sa dénonciation devant le commissaire que dans les cas suivants». Et vous avez ensuite les conditions.
Le président: Oui, mais à l'alinéa 12(1)b), il est dit… que si le fonctionnaire ne croit pas que le représentant de son ministère peut s'occuper de cette affaire il peut choisir de s'adresser au commissaire. Ce n'est pas une condition à remplir; c'est une décision qu'il doit prendre. Ce n'est pas la même chose.
M. Edward Keyserlingk: C'est exact, mais il ne peut le faire qu'à certaines conditions: c'est seulement s'il a fait cette divulgation et estime qu'il n'y a pas été donné suite comme il se doit ou s'il a des motifs raisonnables de croire que la dénonciation ne pourrait pas être examinée comme il se doit par son supérieur hiérarchique, etc. Mais alors, le commissaire…
¿ (0930)
Le président: C'est une des possibilités, mais pas la seule; c'est important.
M. Edward Keyserlingk: Exactement. C'est une des possibilités.
Mais ensuite, le commissaire doit également porter un jugement et il peut donc dire que ces conditions n'ont pas été remplies. Là encore, c'est le genre d'obstacle dont nous n'avons pas besoin.
[Français]
Mme Monique Guay: Il pourrait aussi refuser de traiter la demande. Il pourrait renvoyer la personne à l'agent supérieur sous prétexte qu'elle ne remplit pas la norme. Et si c'est le cas, la personne va simplement se retirer en se disant qu'elle ne veut pas aller voir son agent supérieur pour telle ou telle raison.
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: C'est exact; exactement.
Une fois de plus, il nous est déjà arrivé de suggérer à une personne qui était venue nous voir, sans passer par son supérieur, de songer à cette possibilité en raison de la nature particulière de sa plainte. Sachant que l'agent supérieur était une personne très compétente pour traiter ce genre de cas, nous avons également suggéré à des gens d'adresser leur plainte ailleurs compte tenu des circonstances.
Cela ne veut pas dire—et ce serait sans doute vrai pour le commissaire—que nous ne sommes pas en mesure de suggérer une autre solution dans l'intérêt du plaignant. Je crois simplement que la loi ne devrait pas établir de préférences ou donner l'impression que vous pouvez choisir cette voie seulement si…
[Français]
Mme Monique Guay: Il faut faciliter les choses pour ces gens-là. Quand on veut faire une plainte pour une raison ou une autre, on n'est jamais sûr à 100 p. 100 du résultat. Alors, les gens y vont, mais ils y vont un peu à reculons. Ils ont peur. Si on leur complique la vie en plus, c'est certain que cela ne fonctionnera jamais. Personne ne va vouloir passer à travers cela.
J'aurais une dernière question, et je reviendrai plus tard. Tout à l'heure, vous avez dit qu'il n'y avait pas vraiment de dispositions pour les représailles. Comment verriez-vous cela? Pensez-vous à des amendes? Pensez-vous à des représailles où la personne pourrait aller jusqu'à perdre son emploi ou même s'exposer à des représailles judiciaires? Comment percevez-vous tout cela?
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: La question des sanctions est très importante quand les dénonciateurs sont victimes de représailles. Le projet de loi prévoit actuellement des sanctions disciplinaires qui existent déjà ailleurs, et qui vont jusqu'au congédiement de l'auteur des représailles. J'estime toutefois que c'est tout à fait insuffisant, que la sanction n'est pas suffisamment rigoureuse.
Je le dis en partie pour une question d'équité. En effet, le même gouvernement a proposé et adopté, dans d'autres contextes, des projets de loi visant le secteur privé qui prévoient des amendes allant jusqu'à 10 000$ pour les auteurs de représailles contre des dénonciateurs, dans deux domaines. Il s'agit d'une part des atteintes à la vie privée et, d'autre part, des transactions d'initiés et agissements de ce genre. En fait, une modification au Code criminel prévoit pour cela une amende allant jusqu'à 10 000$.
J'ai donc l'impression que cette situation est totalement inéquitable, car cela revient à dire que des actes qui, dans le secteur privé, méritent une lourde amende ne seront pas jugés aussi sérieusement dans le secteur public. Ce n'est pas un bon message à envoyer et cela crée une iniquité entre les deux secteurs.
Je ne prétends pas savoir quel devrait être le montant exact de l'amende; c'est une question qui mérite d'être étudiée. Mais je crois qu'il faudrait des sanctions plus sévères étant donné que cela peut représenter un obstacle pour les dénonciateurs. Ces derniers se demanderont si la loi punit sévèrement les représailles. Si ce n'est pas le cas, ils s'abstiendront.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Merci, monsieur Keyserlingk.
Je voudrais d'abord vous remercier de comprendre aussi bien combien il doit être difficile pour des employés de dénoncer des actes répréhensibles.
J'ai déjà été représentant syndical et j'ai été confronté à des questions de ce genre. Je crois, moi aussi, que ce projet de loi ne donne pas l'impression qu'on peut faire une divulgation en toute sécurité. C'est peut-être le principal problème, à part les détails techniques sur lesquels nous nous penchons aujourd'hui.
Certaines de vos observations éclairent notre examen de cette mesure et je voudrais donc commencer par vous poser la question suivante. Le gouvernement a reçu pas moins de trois études récentes recommandant que l'agent ou le commissaire chargé de recevoir les dénonciations fasse directement rapport au Parlement. Comment se fait-il, selon vous, qu'on n'en ait pas tenu compte? En fait, une de ces études a été réalisée par notre comité parlementaire. à votre avis, quel raisonnement ou quelle logique a poussé le gouvernement a ne pas tenir compte de ce principe fondamental auquel trois études récentes ont souscrit de façon presque unanime, de même que de nombreuses études antérieures et d'autres pays? Pourriez-vous nous dire quelle en est la raison?
¿ (0935)
M. Edward Keyserlingk: Je ne prétends pas connaître la réponse. Toutefois, plusieurs explications ont circulé au sein du gouvernement. L'une d'elle est que les divulgations internes peuvent être plus efficaces et que nous n'avons donc pas besoin d'un agent du Parlement bénéficiant de l'indépendance dont nous parlons. Je réponds à cela que rien ne le prouve. Nous avons même la preuve du contraire au sein de la fonction publique fédérale.
Pour ce qui est des modèles dont s'inspire ce projet de loi, sous sa forme actuelle, cette mesure n'est qu'une pâle imitation de celles d'autres juridictions, surtout de type Westminster. En fait, dans ces juridictions, on part du principe que les gens ne font pas le genre de divulgations dont nous parlons. Ils peuvent avoir des griefs à formuler, mais ils ne dénoncent pas les actes répréhensibles graves contre l'intérêt public.
Une autre explication que j'ai entendue est qu'il n'est pas toujours souhaitable de mettre en lumière les problèmes qui se posent à l'intérieur du gouvernement. C'est ce que M. Heintzman a dit, je crois, l'autre jour. Je ne suis pas du tout d'accord avec ce principe, car selon moi, l'objectif même de ce projet de loi ou de la future loi devrait être précisément de faire la lumière sur ces problèmes.
M. Pat Martin: C'est ce que le public espère, je crois.
M. Edward Keyserlingk: C'est, je crois, ce que le public attend; c'est aussi ce que le Parlement attend et cela me semble normal étant donné que la fonction publique est au service du public. Par conséquent, elle travaille par l'entremise du Parlement et représente le Parlement. Un des principaux objectifs de cette loi devrait être de faire la lumière sur les problèmes qui se posent au sein du gouvernement.
M. Pat Martin: C'est un des objectifs de toute cette initiative.
Je ne veux pas vous interrompre, mais j'ai si peu de temps et sans doute seulement droit à un tour.
En fait, le ministre a dit qu'il valait mieux s'adresser directement à l'administrateur général, que c'était dans l'intérêt du dénonciateur, que ce dernier n'avait pas à se donner la peine de passer par le Parlement et qu'il pouvait s'adresser directement à l'administrateur général. Mais c'est justement ce dernier qui est en cause. Par conséquent, si on suggère de s'adresser à l'administrateur général ou à un ministre, que se passe-t-il si le ministre est directement impliqué, par exemple dans la mauvaise gestion de fonds ou une situation de ce genre?
M. Edward Keyserlingk: Vous avez sans doute raison. J'ajouterais que, très souvent, en pratique, le commissaire peut régler la question de façon satisfaisante en faisant un rapport à l'administrateur général, au sous-ministre ou au ministre de la Justice. Je suis d'accord pour dire que, bien souvent, ce sera une solution efficace.
J'estime toutefois qu'il faudrait un recours de plus si ce n'est pas le cas. La nature humaine étant ce qu'elle est, nous ne devons pas supposer que la plainte sera réglée efficacement. Cette critique ne vise pas la fonction publique comme telle, mais toute grande institution. Il faut un recours en dehors du système afin qu'au cas où on ne donne pas suite à la plainte de façon satisfaisante, elle puisse être réglée par une autorité indépendante et, dans ce cas, en étant renvoyée au Parlement.
M. Pat Martin: Je suis d'accord et la question que Mme Guay a soulevée me paraît très pertinente. Tel qu'il est formulé, le projet de loi confère au dénonciateur la responsabilité de décider d'aller voir directement son supérieur hiérarchique ou le commissaire. C'est ce que je voulais ajouter.
¿ (0940)
M. Edward Keyserlingk: Oui.
M. Pat Martin: Vous dites aussi qu'il n'y a pas d'amendes ou de sanctions pour les employeurs coupables de représailles, etc. Et les pouvoirs d'enquête sont inadéquats. Vous n'avez pas le pouvoir de citer à comparaître ou d'examiner les dossiers du Cabinet.
M. Edward Keyserlingk: En effet.
M. Pat Martin: Si nous additionnons tout cela, pensez-vous que le gouvernement…? Vous ne répondrez pas à cette question et je pourrais peut-être la reformuler. Il semble que le gouvernement ait présenté ce projet de loi en sachant qu'il ne peut pas être adopté. En tant que députés de l'opposition, nous pensons qu'il s'agit seulement d'une façade. Cette mesure présente de si graves défauts, des défauts tellement fondamentaux que le gouvernement devait savoir que l'opposition ne pourrait pas être d'accord.
M. Edward Keyserlingk: Je ne suis évidemment pas en mesure de répondre à cela. Je ne peux pas dire quelles en sont les raisons et je préfère m'en abstenir, mais on semble avoir préparé ce projet de loi en grande hâte. Pourquoi, je l'ignore, mais cela semble être le cas.
M. Pat Martin: Il a fallu 11 ans ou à peu près.
M. Edward Keyserlingk: En ce qui concerne les pouvoirs d'enquête, je pense que vous avez raison. Ce processus doit reposer sur des pouvoirs d'enquête suffisants. En l'absence de tels pouvoirs, il semble qu'on n'ait pas vraiment envie d'aller au fond des choses. Il faut disposer des instruments d'enquête nécessaires. Il faut également, je crois, supprimer les obstacles empêchant d'obtenir des preuves. C'est un autre problème que pose cette mesure. En fait, le projet de loi empêche d'avoir accès aux dossiers du Cabinet, aux renseignements confidentiels échangés entre l'avocat et son client, etc., qui pourraient constituer parfois des preuves probantes, des preuves importantes en l'absence desquelles vous ne pouvez pas tirer de conclusion quant à la responsabilité du fonctionnaire en question.
Cette mesure ne permet pas non plus au commissaire de suivre la preuve là où elle le conduit, ce qui peut être en dehors de la fonction publique. Je ne dis pas que le commissaire devrait nécessairement pouvoir enquêter en dehors du secteur public, mais il faudrait qu'il puisse collaborer étroitement avec les autres autorités et organismes sans renoncer à son enquête. Autrement, nous aurons des enquêtes incomplètes, ce qui sera au détriment de tout le monde, y compris de la personne incriminée étant donné qu'on ne pourra pas se prononcer sur sa culpabilité ou son innocence. Personne ne pourra en décider.
M. Pat Martin: C'est exact.
M. Edward Keyserlingk: C'est trop restrictif sur tous ces plans, si bien qu'on semble ne pas vouloir vraiment laisser l'enquête suivre son cours naturel. Le projet de loi ne reconnaît donc pas qu'il n'est pas possible de rendre une décision fiable et complète sans avoir accès aux preuves nécessaires pour tirer cette conclusion.
Cela ne veut pas dire que le commissaire n'est pas tenu de traiter et de protéger avec le plus grand soin les renseignements confidentiels. La façon dont il fait son rapport pourrait tenir compte de cette réalité. Le commissaire pourrait faire rapport au Parlement de renseignements confidentiels en protégeant la confidentialité de ces renseignements. Il aurait donc des responsabilités à assumer à l'égard de certains types de renseignements, mais si on l'empêche d'y avoir accès, cela revient à l'empêcher de mener son enquête jusqu'au bout. Je ne veux pas dire que cela se produira souvent, mais cela arrivera certainement et il faut donc le prévoir.
M. Pat Martin: Merci beaucoup.
Le président: Nous allons passer à M. Gaudet.
[Français]
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président.
J'ai trois questions à vous poser. D'abord, vous dites que vous êtes un agent d'intégrité de la fonction publique. Qu'est-ce que cela signifie? Cela m'intrigue.
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Notre bureau a été constitué en vertu d'une politique du Conseil du Trésor que nous appelons une politique de divulgation, pour recevoir les allégations d'actes fautifs dans le secteur public, autrement dit, les actes répréhensibles semblables à ceux que vise ce projet de loi. Nous enquêtons sur les allégations qui nous semblent crédibles et nous faisons des rapports et des recommandations aux sous-ministres. Il est entendu que si ce dernier n'agit pas d'une façon qui nous semble satisfaisante ou suffisamment rapide, nous pouvons demander au greffier du Conseil privé d'exercer certaines pressions. C'est tout ce que nous pouvons faire pour le moment.
Nous recevons donc des allégations, mais il s'agit généralement de griefs reliés à l'emploi. Cela me porte à conclure qu'à moins d'avoir un système solide avec les outils appropriés, les gens feront ce genre d'allégations parce qu'ils y trouvent un avantage personnel ou parce que leurs doléances ne sont un secret pour personne. La question de la confidentialité ne se pose donc plus pour un grand nombre de ces dénonciateurs.
Toutefois, le genre de cas dont nous parlons et qui ne nous est pas soumis très souvent, ce sont les actes fautifs graves contre l'intérêt public. Voilà pourquoi nous avons proposé dans notre rapport annuel de 2003 de remplacer la politique par une loi, de faire reposer le rôle de ce bureau sur une loi, une loi créant un agent du Parlement disposant des moyens d'enquête habituels et d'un processus d'enquête normal qui lui permettra d'aller jusqu'au bout en formulant des recommandations qui pourront être appliquées.
C'est essentiellement ce que nous faisons.
Nous sommes un bureau constitué de huit personnes qui travaillent de façon assez indépendante. Comme je l'ai dit, je crois que nous avons obtenu, dès le départ, une excellente collaboration de la part du Conseil du Trésor qui nous a permis, dans les limites de la politique de divulgation, d'établir un bureau qui fonctionne indépendamment. Nous ne subissons aucune ingérence. Le problème est que nous ne pouvons pas aller très loin. Comme nous ne pouvons pas offrir de protection juridique, que nous ne pouvons pas imposer de sanctions et ne pouvons pas rendre de décisions, les gens ne s'adressent généralement pas à nous pour porter ce genre d'allégations.
Je ne dis pas que nous n'en recevions jamais. Nous en recevons parfois. Et les fonctionnaires qui viennent quand même à nous ont beaucoup de mérite. Mais je crois qu'il ne faudrait pas leur imposer ce genre d'obstacle. Si nous voulons qu'ils signalent ce genre de problèmes à l'attention de la fonction publique et du grand public par l'entremise du Parlement, il y a certaines choses à faire. Ce projet de loi est un début, mais c'est un début très timide.
¿ (0945)
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci.
Deuxièmement, croyez-vous que la nouvelle loi telle que présentée, sans modifications, va protéger les employés fédéraux?
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Non, ce n'est pas suffisamment énergique. En effet, le projet de loi ne prévoit pas de sanctions très rigoureuses en cas de représailles contre des dénonciateurs. Il interdit les représailles, ce qui est une excellente chose. Toutefois, une interdiction législative est normalement accompagnée de sanctions. Nous avons seulement des mesures disciplinaires, ce qui ne me semble pas suffisant. Comme je l'ai dit, il est injuste que le même gouvernement impose des faibles sanctions pour le secteur public et des sanctions très énergiques et très rigoureuses pour le secteur privé, dans le même type de loi.
[Français]
M. Roger Gaudet: Il ne faut pas non plus que les employés deviennent des agents du KGB. Il faut avoir une loi mitoyenne en ce sens qu'elle doit être bonne pour tout le monde, pour ceux qui vont dénoncer et pour ceux qui vont être dénoncés. Il faut qu'il y ait des dents à la loi, parce que si les employés ne sont pas protégés et si ceux qui sont dénoncés n'ont rien comme moyen de répression, on n'ira pas loin.
Troisièmement, trouvez-vous normal qu'un organisme puisse demander à être exonéré de cette loi? En effet, on a reçu une lettre de CBC/Radio-Canada selon laquelle ils seront exonérés de cette loi. Trouvez-vous cela normal?
¿ (0950)
[Traduction]
M. Edward Keyserlingk: Non, je ne trouve pas cela normal. Je comprends ce qui les inquiète, mais je trouve très positif que ce projet de loi s'applique aux sociétés d'État et j'espère qu'il deviendra loi. Je ne pense donc pas qu'il faudrait accorder ce genre d'exemption.
C'est plus compliqué, je pense, pour les journalistes ou les gens des médias, mais du moment qu'ils sont des employés du secteur public, ce sont des dispositions auxquelles ils devraient avoir accès.
L'accès à ce type de commissaire est plus un avantage qu'un inconvénient et cela permet à ces organismes d'obtenir un niveau de divulgation des actes fautifs plus élevé qu'il ne l'est actuellement. Mais cela pourrait sans doute inquiéter davantage l'administration que l'employé moyen. Je n'en suis pas certain. Je n'ai aucune raison de le dire, mais je me demande seulement si c'est bien le cas.
Je crois seulement que les responsabilités du commissaire s'étendent à toutes les sociétés d'État. Mais je ne vois pas cela comme un inconvénient. Cela permet plutôt d'avoir accès à un recours que ces organismes n'avaient pas jusqu'ici.
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci.
[Traduction]
Le président: Je vais donner la parole à M. Forseth, et sans doute qu'à la fin nous aurons deux minutes pour M. Martin. Je pense qu'il a une autre question à poser.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC): Monsieur Keyserlingk, je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Vous avez dit que c'est un avantage plutôt qu'un inconvénient pour les sociétés d'État. C'est sur ce sujet que je désire revenir.
Je voudrais parler de la lettre que la SRC a adressée à M. Himelfarb, Jim Judd et Morris Rosenberg pour demander à être exemptée de l'application de la loi. Dans sa lettre, la Société fait valoir qu'elle a son propre code de conduite et
[…] par conséquent, CBC/Radio-Canada partage le souci du gouvernement et du public d'une plus grande responsabilisation et d'une plus grande transparence, et serait disposée, en dehors des limites de la loi proposée, à mettre au point des mécanismes supplémentaires qui contribueraient aux objectifs visés par la politique du gouvernement à cet égard. La Société entend donc présenter maintenant diverses mesures à son Conseil d'administration, y compris des mesures pour assurer un système de protection des personnes qui dénoncent des actes répréhensibles particuliers au contexte de CBC/Radio-Canada. Nous croyons que cette politique renforcera les mécanismes déjà en place à l'intérieur et à l'extérieur de la Société pour en surveiller convenablement l'efficacité. |
On a l'impression que la SRC est enfin disposée à s'intéresser à ce genre de situation simplement parce que quelqu'un d'autre s'apprête à le faire pour elle. C'est une bonne chose.
Mais elle ajoute cette déclaration étonnante: «Étant donné le précédent dangereux établi par les définitions contenues dans le projet de loi C-25…» C'est aller bien loin que de parler de «précédent dangereux».
Pourriez-vous nous dire si la SRC devrait être incluse ou non dans ce régime.
M. Edward Keyserlingk: Comme je l'ai dit, je n'ai vu ou entendu aucun argument justifiant l'exclusion de la SRC. Il s'agit, après tout, d'employés du secteur public. D'autres sociétés d'État qui font également un travail assez spécialisé pourraient sans doute invoquer les mêmes arguments. Je pense toutefois qu'il faudrait leur présenter la chose non pas comme un inconvénient, mais comme un avantage, car je crois que c'en est un.
Je dirais que cela s'applique également aux autres organismes exclus de la portée de ce projet de loi soit la GRC, le SCRS, les Forces armées, etc. À mon avis, cette mesure devrait également s'appliquer à eux, pour des raisons similaires à celles que je vois dans le cas de la SRC. Autrement dit, les actes répréhensibles qui seront dénoncés au sein des services de sécurité et des Forces armées ne porteront généralement pas sur des renseignements top secret. Cela portera peut-être sur des cas graves de mauvaise gestion. Ces actes fautifs seront à peu près les mêmes que dans les autres organismes et ne se rapporteront pas nécessairement aux activités particulières de ces services.
Bien entendu, le commissaire aura la cote de sécurité la plus élevée. Néanmoins, les problèmes qui se posent à la SRC, ou encore dans les Forces armées ou au SCRS, ne seront généralement pas de nature à poser un problème de sécurité ou un problème de ce genre.
Donc, pour répondre à votre question, je ne vois aucune bonne raison de les exclure.
J'ai vu cette lettre dans le journal et j'en ai entendu parler aujourd'hui…
¿ (0955)
M. Paul Forseth: La lettre dit qu'aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, les agents et employés de la Société ne sont pas au service de Sa Majesté. Il y est question aussi de l'indépendance des journalistes, de la liberté d'expression, et de l'indépendance de la programmation qui peuvent se trouver menacées si quelqu'un dénonce des actes répréhensibles.
J'ai l'impression qu'un bon nombre d'actes fautifs n'ont rien à voir avec la fraude, la manipulation d'argent ou des choses de ce genre. Il s'agit souvent de harcèlement psychologique entre des personnes ou peut-être, à un niveau inférieur, lorsque l'employeur ou le superviseur essaie de se débarrasser de quelqu'un à cause de petits problèmes interpersonnels.
Si je lis la définition d'acte répréhensible, c'est ce qui cause «un risque grave pour la vie, la santé»—ce qui pourrait inclure la santé mentale—«ou la sécurité humaines ou pour l'environnement».
Ensuite, à l'alinéa 8e), il est question d'une «contravention grave» d'un code de conduite établi en vertu des articles 5 ou 6. Bien entendu, le Conseil du Trésor a un code de conduite. Si je comprends bien, il sera renforcé par ce projet de loi.
Je suppose que la fraude pure et simple et le non-respect d'une pratique d'embauche sont rares. Les cas les plus fréquents se situent dans le cadre de la gestion normale, et ce sont des choses qu'un chef de section ne voit pas vraiment, comme le harcèlement et ce qui se passe de façon sournoise et qui pose peut-être un risque pour la santé. Nous pourrions peut-être également le définir comme un risque pour la santé psychologique ou mentale.
Je signale que la Chambre des communes s'est penchée hier sur une initiative parlementaire du Bloc. Ce projet de loi proposait tout un régime de dénonciation du harcèlement psychologique. J'ai suggéré d'élargir un peu la définition des actes répréhensibles afin d'inclure plus clairement ce genre de choses étant donné que nous n'avons pas besoin de deux régimes séparés.
Je voudrais revenir sur les raisons pour lesquelles la SRC se montre aussi susceptible, dirais-je, au sujet de toute cette question et invoque ce genre d'arguments alors qu'elle reconnaît ne pas s'être vraiment intéressée au problème. Il a fallu ce projet de loi pour qu'elle commence à s'y intéresser.
Le président: Je crois que M. Keyserlingk a compris. Avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'inclusion des sociétés d'État?
Je crois que vous avez déjà répondu par l'affirmative.
M. Edward Keyserlingk: Oui. Dans la mesure où elles reçoivent un appui financier du public, il s'agit de sociétés d'État. Par conséquent, il me paraît normal que leurs employés puissent se plaindre des actes répréhensibles, mais également le public a le droit d'apprendre, grâce à cette procédure, d'être informé des actes répréhensibles qui seraient commis au sein de la SRC. Cela joue dans les deux sens.
Le président: Je vais donner la parole à Mme Chamberlain.
L'hon. Brenda Chamberlain (Guelph—Wellington, Lib.): Monsieur Keyserlingk, je suis d'accord avec vous. Il est très difficile pour un employé de dénoncer des actes fautifs. Cela exige beaucoup de courage. D'un autre côté, croyez-vous que quelqu'un pourrait faire une dénonciation qui ne serait pas exacte, réelle ou véridique? Pensez-vous que cela pourrait également se produire?
M. Edward Keyserlingk: Cela peut arriver, mais sur une période de plus de deux ans, nous n'avons jamais vu qui que ce soit faire une dénonciation par pure mauvaise foi. Certaines personnes avaient mal compris les actes qu'elles signalaient. Elles nous ont présenté des renseignements très crédibles sur des agissements qui nous semblaient être fautifs, auquel cas nous avons enquêté et constaté souvent qu'il n'en était rien. Il est bien entendu que des gens peuvent se tromper sur certains faits.
Toute bonne procédure d'enquête doit tenir compte de cette possibilité. Nous disons toujours aux gens qui viennent nous voir que nous ne conclurons pas nécessairement qu'un acte répréhensible a été commis même s'ils en sont convaincus. Une bonne procédure d'enquête doit permettre de tirer des conclusions négatives s'il n'y a rien de répréhensible. Nous enquêtons si la dénonciation semble suffisamment crédible. Tel est notre critère.
Même si le dénonciateur est de mauvaise foi ou semble être de mauvaise foi, ce qui ne s'est jamais produit parce que la plupart des gens ont tendance à s'autocensurer, mais si la plainte semble crédible, nous enquêtons. Un employé pourrait détester son patron, mais avoir quand même la preuve que ce dernier a agi de façon répréhensible. En ce qui nous concerne, nous nous soucions davantage de la crédibilité de l'allégation que de la mauvaise foi du dénonciateur.
À (1000)
L'hon. Brenda Chamberlain: Suite à ce que mes collègues et vous-même avez dit au sujet du système de rapport, le projet de loi prévoit que vous pouvez vous adresser à l'administrateur général ou au commissaire et je voudrais savoir si vous préférez que l'employé s'adresse toujours au commissaire? Vous ne voulez pas qu'il s'adresse à quelqu'un d'autre?
M. Edward Keyserlingk: Non. Je suis content que vous posiez la question. Ce n'est pas du tout ce que je pense. Je voudrais simplement que les gens soient libres de s'adresser à qui ils veulent.
L'hon. Brenda Chamberlain: Et vous pensez que cette possibilité est suffisamment claire dans le projet de loi?
M. Edward Keyserlingk: Si vous imposez des conditions, même si elles ne sont pas très exigeantes, si vous dites «que dans les cas suivants» et si vous permettez au commissaire de juger en dernier ressort si les conditions ont bien été remplies, vous donnez l'impression qu'il vaut mieux régler le problème à l'interne.
À mon avis, la loi ne devrait exprimer aucune préférence. Il faudrait simplement indiquer quelles sont les solutions possibles. Dans certains cas, telle solution sera la bonne, mais dans d'autres cas, ce sera telle autre et c'est à vous d'en juger. Il faudrait laisser le libre choix sans exprimer la moindre préférence. La loi exprime clairement cette préférence et les rédacteurs l'ont dit, mais je ne suis pas d'accord parce qu'à mon avis ce devrait être aux gens de choisir.
L'hon. Brenda Chamberlain: Cela suffit? Très bien.
Merci.
Le président: Nous allons devoir terminer.
J'ai une très brève question à vous poser. L'article 11 stipule qu'un fonctionnaire peut dénoncer un acte répréhensible. Apparemment, c'est à lui de décider de le dénoncer ou non. Pensez-vous qu'il faudrait plutôt dire qu'il doit le dénoncer s'il en est informé?
M. Edward Keyserlingk: C'est une question très intéressante. Pour le moment, je crois que non. Il faudrait laisser «peut», parce que…
Le président: Qu'en penserait l'intérêt public?
M. Edward Keyserlingk: Qu'en penserait…?
Le président: L'intérêt public, les Canadiens, qu'en faites-vous?
M. Edward Keyserlingk: C'est sans doute la même chose que pour les obligations de dénonciation dans le secteur privé. Il y a des règles qui vous obligent à dénoncer certains types d'activités. Même dans le secteur public, dans le secteur environnemental, certaines personnes sont tenues de dénoncer des actes fautifs, par exemple s'il s'agit d'inspecteurs, mais cela dépend de leurs responsabilités particulières. Cela s'applique aussi au secteur privé. Toutefois, le fonctionnaire moyen, tout comme le citoyen moyen, n'a généralement pas l'obligation de faire une dénonciation. Je crois qu'il faut réfléchir très sérieusement avant de l'imposer au secteur public.
Le président: Nous reviendrons certainement sur cette question, car si ce n'est pas obligatoire, si vous n'obligez pas les gens à faire preuve de loyauté envers leur employeur, c'est-à-dire le public, cela veut dire que l'affaire Radwanski n'aurait jamais été mise à jour, car personne n'aurait été obligé de dire quoi que ce soit. Et c'est peut-être là que se situe le problème.
M. Edward Keyserlingk: Je ne suis pas tout à fait d'accord, car nous avons la preuve que les gens dénoncent ces actes s'ils sont suffisamment incités et suffisamment protégés. Ils ne l'ont pas fait dans le cas dont vous parlez, c'est vrai, mais ils l'ont fait dans d'autres cas. Cela exige du courage et de la détermination, et il faut être convaincu que le système fera le maximum pour vous protéger. Mais il y a des gens qui dénoncent les actes répréhensibles.
C'est ce qui me porte à croire qu'il faut mettre en place le système le meilleur possible, le plus efficace possible assurant le maximum de protection en espérant que si des fautes graves sont commises quelqu'un les dénoncera—et je pense que c'est ce qui se passera. Mais il reste encore beaucoup à faire.
À (1005)
Le président: Monsieur Keyserlingk, monsieur Bélanger et monsieur Martel, merci beaucoup pour votre participation. Nous vous demanderons peut-être de revenir. Je crois qu'il nous reste encore beaucoup de questions à aborder. Merci beaucoup.
Nous allons suspendre la séance pour laisser les prochains témoins prendre place.
À (1006)
À (1009)
Le président: Nous reprenons la séance. Nous allons maintenant entendre le Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs. Nous accueillons son président, Kenneth Kernaghan.
Monsieur Kernaghan, si vous voulez bien présenter vos collègues, nous allons entendre votre déclaration liminaire, après quoi nous poserons le maximum de questions avant de devoir lever la séance pour aller voter.
À (1010)
M. Kenneth Kernaghan (président, professeur de science politique et de gestion, Université Brock, Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs): Merci beaucoup, monsieur le président. Je voudrais d'abord vous présenter Merdon Hosking, Denis Desautels et Hélène Beauchemin.
Monsieur le président, si vous le permettez, j'espère que mes collègues pourront répondre avec moi à vos questions.
Je voudrais commencer par vous remercier de nous avoir invités, mes collègues et moi, à témoigner aujourd'hui sur cette importante question. Je crois que vous avez reçu notre rapport officiel, c'est-à-dire le rapport de notre Groupe de travail qui contient neuf principes généraux et 29 recommandations précises visant à produire la loi que nous souhaiterions.
Mes collègues du Groupe de travail seront certainement d'accord avec moi si je dis que je suis déçu du projet de loi C-25. Il ne suffit pas à répondre à la nécessité, sur laquelle tout le monde s'entend, de promouvoir une bonne gestion au sein du gouvernement et de dénoncer et corriger les actes fautifs lorsqu'il s'en produit.
Pour favoriser une bonne gestion et éviter les actes répréhensibles, il faudrait largement réviser ce projet de loi. M. Keyserlingk a déjà indiqué, dans son mémoire écrit, plusieurs domaines dans lesquels le projet de loi s'écarte des recommandations du rapport du Groupe de travail et il a invoqué des arguments convaincants en faveur d'une révision de cette mesure. J'essaierai d'éviter de répéter ses arguments, mais je tiens à insister sur l'importance primordiale de certains d'entre eux.
Le projet de loi C-25 reflète un bon nombre des recommandations du Groupe de travail, y compris celle voulant que le régime de divulgation actuel, qui repose sur une politique, soit remplacé par un régime reposant sur une loi. Le projet de loi ne reflète toutefois pas suffisamment, ou rejette tout simplement, plusieurs des principales recommandations du Groupe de travail.
Il ne faut surtout pas oublier le mandat qui nous a été confié. Il ne s'agissait pas seulement d'établir si la divulgation des actes répréhensibles devait être régie par une politique ou par une loi. On nous a également demandé d'examiner dans quelle mesure la promotion des valeurs et de l'éthique de la fonction publique pourrait être un moyen positif de promouvoir un gouvernement éthique et la divulgation des actes fautifs.
Un grand nombre des mémoires que le comité recevra portera sans doute sur les moyens de dénoncer et de punir les actes répréhensibles et je crois donc essentiel, pour que nous ayons une loi efficace et crédible, d'insister aujourd'hui sur la principale, ou l'une des principales recommandations du Groupe de travail, à savoir que les mécanismes de divulgation devraient s'inscrire dans un cadre législatif plus large qu'une simple loi visant à protéger les dénonciateurs.
Toutes les dispositions recommandées dans notre rapport au sujet de la divulgation devraient être orientées vers une série de valeurs et de règles d'éthique positives au lieu d'être centrées exclusivement sur les actes répréhensibles. Nous avons conclu que ce cadre plus large ferait clairement comprendre aux Canadiens que le respect des principales valeurs de la fonction publique sera encouragé tandis que les actes répréhensibles seront divulgués et punis.
Je suis d'accord avec M. Keyserlingk pour dire que le projet de loi C-25 ne contient aucun cadre d'éthique et de valeurs et ne reflète pas de façon discernable les principes directeurs et les priorités qui devraient se retrouver dans une telle mesure, des valeurs comme l'honnêteté, la transparence et l'imputabilité. On oublie souvent que les fonctionnaires attachent beaucoup d'importance à la considération que les élus politiques ont pour eux. Il est donc important de ne pas donner faussement l'impression dans ce projet de loi que les actes répréhensibles sont généralisés dans la fonction publique. Le fait est que la majorité des fonctionnaires sont des professionnels honnêtes et travailleurs.
J'ai consacré une bonne partie de ma carrière à analyser l'éthique des fonctionnaires et je serais donc déçu si le projet de loi C-25 envoyait le mauvais message à ces derniers ainsi qu'à l'ensemble des Canadiens en mettant exclusivement l'accent sur les actes fautifs.
Le projet de loi C-25 répond de façon positive, mais trop faible, à notre recommandation d'établir un cadre de valeurs et d'éthique. Dans le préambule, le projet de loi porte simplement que :
le gouvernement du Canada s'engage à adopter une Charte des valeurs du service public énonçant les valeurs qui guident les activités professionnelles; |
Et l'article 5 prévoit que
Le Conseil du Trésor établit un code de conduite applicable au secteur public. |
Je vous exhorte à envisager sérieusement l'inclusion dans la loi d'une déclaration des valeurs de la fonction publique. Je vous exhorte également à maintenir la disposition actuelle du préambule qui prévoit l'adoption d'une charte des valeurs du service public et de relier officiellement cette charte avec l'énoncé des valeurs inclus dans le projet de loi.
Notre Groupe de travail a conclu qu'en intégrant un régime de divulgation dans le cadre de valeurs et d'éthique du secteur public, le gouvernement et le Parlement pourraient mettre en place ce que l'on a appelé un nouveau contrat moral entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, un contrat qui énoncerait les grands principes de la fonction publique et sur lequel reposeraient fermement les valeurs du secteur public et l'éthique du gouvernement.
Nous en sommes également venus à la conclusion que le grand avantage d'une approche législative basée sur les valeurs du secteur public au lieu de l'approche politique actuelle est que les ministres, les députés et les fonctionnaires s'engageraient ainsi à soutenir une fonction publique professionnelle, entièrement dévouée et à l'intérêt public. Ce triple engagement donnerait aux Canadiens, à leurs représentants élus et à la fonction publique une image positive du gouvernement. Ce contexte nous semble donc nettement meilleur pour faire face aux actes répréhensibles, notamment en faisant plus clairement comprendre quelle est la bonne façon d'agir.
L'article 5 du projet de loi qui, comme je l'ai mentionné, demande au Conseil du Trésor d'établir un code de conduite, pourrait être raffermi si ce code était directement relié à l'énoncé de valeurs contenu dans le projet de loi, ainsi qu'à la Charte, en exigeant que tous les organismes du secteur public aient un code pour l'application de ces valeurs dans les structures, les processus et les systèmes du gouvernement.
Le cadre de valeurs et d'éthique du service public devrait être accompagné d'un régime de divulgation grâce auquel les fonctionnaires n'hésiteront pas à divulguer de bonne foi les actes fautifs, tandis qu'ils seront fortement dissuadés de porter des allégations de mauvaise foi.
À (1015)
M. Keyserlingk a déjà mis en lumière plusieurs faiblesses du projet de loi C-25 auxquelles il faut remédier pour atteindre ces objectifs. Monsieur le président, pour conclure, je tiens à souligner l'importance de modifier le projet de loi dans deux grands domaines.
Tout d'abord, il est évident que les fonctionnaires et le grand public n'auront pas confiance dans un régime de divulgation qui ne confère pas de pouvoirs suffisants au Bureau du commissaire à l'intégrité du secteur public. Nous recommandons de confier au commissaire le pouvoir de faire rapport au Parlement chaque fois qu'il le juge nécessaire. Ce projet de loi ne lui permet de faire rapport au Parlement que par l'entremise d'un ministre. Nous avons recommandé qu'il soit doté de pouvoirs d'enquête semblables à ceux dont sont investis des organismes d'enquête similaires, comme le Commissaire à l'information ou le Commissaire à la protection de la vie privée. Le projet de loi n'accorde pas ces pouvoirs.
D'autre part, nous sommes convaincus que c'est le commissaire, et non pas la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou le Conseil canadien des relations industrielles, qui devrait s'occuper des plaintes concernant les représailles. Et nous croyons qu'il faudrait des mesures plus énergiques pour protéger l'identité des personnes impliquées.
La deuxième et dernière déficience du projet de loi que je voudrais signaler concerne le rôle extrêmement important que les « agents supérieurs » comme on les appelle, jouent dans le processus de divulgation. Le régime de divulgation ne sera pas efficace ou crédible si l'agent supérieur de chaque organisation ne peut pas bien jouer son rôle. Notre Groupe de travail a recommandé que cette fonction soit exercée par un cadre supérieur qui devra obtenir les ressources et le soutien nécessaires et que les dispositions de divulgation en vigueur dans chaque organisation répondent aux mêmes normes que celles de la Commission de l'intégrité du secteur public.
Nous avons aussi recommandé que les fonctions des agents supérieurs soient énoncées clairement et en détail dans la loi. Dans notre rapport, nous avons même suggéré de préciser dans la loi leurs fonctions, leurs rôles et leurs responsabilités.
Les sous-ministres et les chefs de la direction sont responsables de la qualité et de la gestion au sein de leur organisation. Nous croyons qu'ils devraient donc avoir la possibilité de remédier, avec l'aide des agents supérieurs, aux préoccupations des fonctionnaires concernant des actes répréhensibles avant que ces problèmes ne soient portés devant la Commission de l'intégrité du secteur public. Néanmoins, nous reconnaissons en même temps, et le projet de loi C-25 le reconnaît certainement, que les fonctionnaires doivent avoir le choix de s'adresser directement à la Commission.
Je vais m'arrêter là, monsieur le président. Je suis tout à fait prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci.
Monsieur Forseth, s'il vous plaît.
M. Paul Forseth: Il y a tellement de choses que je voudrais dire. Premièrement, vous avez parlé du fait qu'à certains égards, le projet de loi n'a pas vraiment de base éthique, même s'il se réfère à la politique du Conseil du Trésor. Si j'ai bien compris, vous préféreriez que tout ce à quoi il se rapporte se trouve dans le projet de loi comme tel, qu'il s'agisse d'une véritable loi plutôt que d'une simple politique publiée dans un site Web disant : « Les employés s'engagent à […] » et que cette politique devrait devenir une loi. Vous avez dit, je crois, qu'il fallait l'inscrire dans la loi et vous avez parlé d'un « nouveau contrat moral » et « des grands principes ».
À part ce que le Conseil du Trésor a déjà dit et qui constitue la politique que doivent suivre les fonctionnaires, quels sont les autres grands principes que nous devrions examiner? Les principes auxquels se réfèrent le projet de loi et la politique du Conseil du Trésor sont-ils insuffisants et devons-nous rechercher d'autres grands principes éthiques pour les renforcer? Ou suffit-il de prendre la politique du Conseil du Trésor et de l'insérer dans le projet de loi?
À (1020)
M. Kenneth Kernaghan: Je ne pense pas qu'il soit souhaitable d'insérer seulement dans la loi les dispositions actuelles étant donné qu'il s'agit de deux instruments assez différents. L'un est une politique et l'autre est, bien entendu, une loi.
Nous voudrions que le projet de loi fasse clairement mention des valeurs et des normes d'éthique se rapportant aux relations entre les fonctionnaires et les élus politiques ainsi, bien entendu, que des valeurs qui se rapportent particulièrement à la divulgation d'actes fautifs telles que la transparence, l'ouverture, l'honnêteté, etc. Ce serait là une excellente base pour les autres éléments du projet de loi.
Par exemple, la Loi sur la fonction publique australienne contient un énoncé de valeurs suivi d'un code de conduite et, lorsque la promotion des agissements positifs se révèle inefficace, un régime de divulgation permet aux fonctionnaires de dénoncer les actes répréhensibles.
Le moment me paraît bien choisi pour que le Parlement apporte à la vie publique canadienne une contribution durable en édictant une charte des valeurs du service public qui énoncera clairement les valeurs et les normes d'éthique sur lesquelles se fonde ce service et qui sont sa raison d'être. Cela doit inclure, bien entendu, une question qui a constamment retenu l'attention du public ces derniers mois, celle de la responsabilité ministérielle et des relations entre la classe politique et les fonctionnaires, c'est-à-dire à la fois les ministres et les parlementaires ainsi que les fonctionnaires.
Cela répond-il à votre question?
M. Paul Forseth: Oui, en partie. J'en resterai là pour le moment.
Vous avez également dit que le commissaire devrait pouvoir faire rapport au Parlement en tout temps. Pourriez-vous nous préciser ce que vous envisagez ou comment cela serait fait? Lorsque la vérificatrice générale fait rapport au Parlement, par exemple, nous savons qu'elle se présente devant le Comité des comptes publics et que, souvent, le ministère qu'elle critique se trouve à ses côtés, chacun donnant sa version des faits. M. Desautels a participé à ce processus et il le connaît bien.
Peut-être pourriez-vous nous expliquer comment vous envisagez un rapport vraiment indépendant au Parlement, peut-être comme pour le vérificateur général, et quel serait le comité compétent.
M. Kenneth Kernaghan: Oui, je pourrais peut-être commencer à vous répondre et demander ensuite à M. Desautels de vous parler de son expérience.
Dans notre rapport, nous faisons valoir que le commissaire à l'intégrité devrait être un agent du Parlement indépendant. Nous disons qu'il devrait faire rapport directement au Parlement ou par l'entremise d'un ministre mais, comme vous venez de le mentionner, nous ajoutons que le commissaire à l'intégrité devrait pouvoir faire directement rapport au Parlement en tout temps, comme le fait le vérificateur général.
Comme le ministre, M. Coderre, l'a souligné, je crois, l'autre jour, la plupart des questions que nous nous posons à l'égard de cette mesure concernent l'équilibre à respecter. C'est une question qui se pose lorsqu'on se demande quel est le meilleur type de loi à adopter au sujet de la divulgation. Comment établir un juste équilibre?
En réfléchissant à cela, plus récemment, chaque fois que s'offraient deux possibilités différentes, je me suis demandé pour laquelle j'opterais si je voulais que les fonctionnaires se sentent le plus à l'aise pour faire une divulgation dans l'intérêt public? Cette réflexion m'amène à vouloir que le bureau du commissaire à l'intégrité du secteur public soit plus indépendant, ait davantage de pouvoirs d'enquête, etc., que certaines personnes ne le souhaiteraient sans doute.
Sur ce, je cède la parole à M. Desautels.
À (1025)
M. L. Denis Desautels (directeur général du Centre d'études en gouvernance et cadre en résidence à la Faculté d'administration, Université d'Ottawa, À titre individuel): En plus de ce que M. Kernaghan vient de dire, je crois essentiel que le commissaire puisse faire rapport directement au Parlement en déposant un rapport régulier. S'il s'agit d'un rapport annuel, il pourrait porter non seulement sur les activités de la commission, mais également sur certains des problèmes constatés et tirer des conclusions générales des travaux du commissaire.
Il serait important que le commissaire établisse de solides relations avec un comité du Parlement. Ce n'est pas à nous de dire quel devrait être ce comité. Ce serait sans doute le vôtre, mais les comités changent d'une législature à l'autre, évidemment. Quand j'ai eu moi-même affaire au Comité des comptes publics à titre de vérificateur général, j'ai constaté qu'il était extrêmement important d'établir ce genre de relations avec un comité de la Chambre.
Par-dessus le marché, il est très important que le titulaire de cette charge puisse faire rapport à la Chambre en tout temps lorsqu'il estime qu'une question importante et urgente le justifie. Je suis convaincu de la nécessité de liens solides avec le Parlement en raison de mon expérience à titre de vérificateur général.
Le président: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci, monsieur le président. Mesdames et messieurs, bonjour.
Nous craignons qu'on passe ce projet de loi à toute vitesse et que, finalement, il n'ait pas vraiment de dents, qu'il ne soit pas vraiment efficace et qu'on doive vivre avec cela. Il est sûr que toute l'information que vous nous fournissez va nous permettre d'apporter des amendements qui sont, à mon avis, grandement nécessaires. Je pense, notamment, que tout le monde est d'avis que le commissaire doit se rapporter à la Chambre des communes. Jusqu'à présent, il semble que tous pensent ainsi. Il devrait aussi pouvoir émettre un rapport rapidement en cas d'urgence. Il faudrait que ce soit possible, mais cela n'apparaît pas dans le projet de loi. Il faudra donc apporter des amendements en ce sens.
Vous avez parlé un peu plus tôt des agents supérieurs. Vous avez dit que vous aviez des inquiétudes au sujet de la formation des agents supérieurs. Pourriez-vous élaborer un peu plus là-dessus?
Les témoins qui ont comparu avant vous nous ont dit qu'ils craignaient que les gens qui voudraient dénoncer quelque chose soient obligés de rencontrer l'agent supérieur avant de s'adresser au commissaire. Il faut laisser la porte grande ouverte pour que la personne choisisse elle-même si elle veut s'adresser à son agent supérieur ou voir directement le commissaire, si elle a des raisons de ne pas communiquer l'information à son agent supérieur.
Je vous écoute.
[Traduction]
M. Kenneth Kernaghan: Si vous le permettez, je vous répondrai en anglais.
Comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, étant donné que les sous-ministres sont responsables du bon fonctionnement et de la gestion de leur ministère, nous estimons qu'ils doivent pouvoir essayer de résoudre certains problèmes à l'interne, d'épuiser les mécanismes internes, comme on les appelle souvent, avant que l'allégation ne soit portée à l'extérieur de l'organisation.
Je suis d'accord avec M. Keyserlingk et tous ceux qui pensent que le libellé actuel de l'article concernant les agents supérieurs pose un problème à deux égards. Premièrement, l'expression « que dans les cas suivants » est regrettable. On pourrait se contenter, par exemple, d'indiquer les deux principales options que pourrait choisir un fonctionnaire désireux de dénoncer un acte répréhensible.
D'autre part, le projet de loi ne précise pas suffisamment le rôle de l'agent supérieur. Il n'indique pas clairement l'importance du rôle que ce dernier joue entre le moment où le fonctionnaire fait part de ses préoccupations et celui où l'agent de l'intégrité de la fonction publique y remédie, par exemple en décidant de recommander au sous-ministre de prendre certaines mesures.
Nous voulons faire en sorte que, non seulement les fonctionnaires se sentent libres de s'adresser à quelqu'un de l'extérieur, à l'agent de l'intégrité de la fonction publique s'ils hésitent à porter leurs allégations à l'interne, mais qu'ils n'adressent pas directement au commissaire les allégations relativement mineures d'actes fautifs qui sont de nature interpersonnelle et sont, par exemple, reliés à l'emploi.
Nous ne voulons pas qu'un fonctionnaire qui a un sujet de plainte se dise : « Est-ce une plainte légitime ou non? À qui puis-je en parler? » Vous lui dites : « Vous pouvez vous adresser à l'agent supérieur ou à l'agent de l'intégrité de la fonction publique ». Le fonctionnaire pourra alors se dire que la question est relativement mineure, qu'il va la soumettre à l'agent supérieur, qu'il s'agit d'une personne bien formée, très compétente et indépendante qui peut le conseiller et que, s'il n'obtient pas satisfaction, il lui restera toujours la possibilité de s'adresser à quelqu'un de l'extérieur.
Nous pensons toutefois que ce rôle extrêmement important que jouera l'agent supérieur devrait être décrit plus en détail dans la loi.
À (1030)
[Français]
Mme Monique Guay: Allez-y, monsieur Desautels.
M. L. Denis Desautels: On a l'impression qu'on force les gens à suivre un processus particulier. Cela, d'après moi, est facile à corriger. C'est un point relativement mineur qui est facile à corriger. Toutefois, je pense que le projet de loi doit quand même continuer à encourager l'utilisation de mécanismes internes. Je pense qu'il est important qu'il contienne cet aspect, car cela favorise l'équilibre du projet de loi, ce qu'on devrait chercher à atteindre. Il faut essayer de régler les problèmes le plus rapidement possible avant qu'ils ne deviennent plus graves. Selon mon expérience, beaucoup des problèmes relèvent d'un manque d'information, d'une mauvaise compréhension. Plus on règle ce genre de mésententes rapidement, plus on évite que ces problèmes deviennent beaucoup plus graves.
J'aimerais revenir à la première remarque de Mme Guay, qui disait que le projet de loi avait été rédigé rapidement. Je ne veux pas nécessairement employer vos termes, mais je veux souligner qu'ajouter au projet de loi des dispositions relatives à ce dont M. Kernaghan parlait, un code de valeurs et d'autres choses semblables compliquerait le projet de loi. Cela demanderait un effort qui pourrait prendre un certain temps. Nous reconnaissons qu'il est plus compliqué d'agir ainsi, mais nous maintenons que cela en vaut encore la peine.
Mme Monique Guay: Nous sommes d'accord avec vous que cela en vaut la peine. Nous ne voulons pas non plus que le projet de loi passe à toute vitesse, parce que nous préparons plusieurs amendements. Nous vous écoutons et plusieurs témoins vont venir témoigner. Il y aura des représentants des syndicats et peut-être des gens qui ont dénoncé certaines choses et qui peuvent nous fournir certaines informations. Il est donc certain qu'il faut s'assurer qu'il soit bien bâti, parce que si le projet de loi est mal fait, il faudra vivre avec lui pendant un certain nombre d'années avant de pouvoir le modifier. Nous sommes donc d'accord sur cela.
On a parlé aussi, un peu plus tôt, des dispositions pour les représailles. J'aimerais avoir votre opinion là-dessus. Trouvez-vous que le projet de loi contient présentement de bonnes dispositions pour les représailles, ou aimeriez-vous voir des améliorations à ce chapitre?
À (1035)
[Traduction]
M. Kenneth Kernaghan: Oui, je pense que cela pourrait être amélioré.
Comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, je ne pense pas que les plaintes pour représailles devraient être portées devant la Commission des relations de travail dans la fonction publique ou le Conseil canadien des relations industrielles. Pour assurer l'indépendance réelle et apparente du commissaire ainsi qu'un fonctionnement efficace du processus, je crois essentiel que les fonctionnaires sachent que, lorsqu'ils dénoncent un acte fautif au commissaire, c'est également lui qui interviendra s'ils sont victimes de représailles.
Il me paraît tout à fait justifié de confier les plaintes pour représailles au commissaire à l'intégrité au lieu de les renvoyer à l'extérieur et de compliquer les choses en faisant participer d'autres organismes, des organismes qui n'ont pas l'habitude de se pencher sur les questions d'intérêt public et les actes fautifs dont le commissaire sera saisi.
D'autre part, je suis d'accord pour dire qu'il faudrait envisager des amendes pour ceux qui exercent des représailles contre des fonctionnaires.
Le président: Merci.
Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci, monsieur Kernaghan.
Ce qui me frappe, c'est le consensus des experts en la matière sur cette question, aussi bien vous, monsieur Desautels et monsieur Keyserlingk que le professeur Thomas, de l'Université du Manitoba, qui a fait récemment de bonnes recherches sur le sujet.
Pour ce qui est des trois ou quatre recommandations fondamentales, elles semblent faire l'unanimité d'un bout à l'autre du pays, mais apparemment, aucune d'entre elles n'a trouvé place dans le projet de loi et c'est la principale critique que vous avez formulée au départ.
Pour revenir un peu en arrière, je faisais partie du comité chargé de l'affaire Radwanski. Nous avons fait un sondage auprès du personnel du bureau du Commissaire à la protection de la vie privée et 65 p. 100 des 120 employés de ce bureau avaient eu connaissance d'actes répréhensibles graves. Quand certains de ces employés sont finalement venus devant le comité, j'ai trouvé triste qu'ils jugent nécessaires de se faire accompagner de leur propre avocat, payé de leur propre poche. Des fonctionnaires honnêtes et pleins de bonnes intentions n'ont pu venir devant le comité pour dire la vérité qu'accompagnés d'un avocat parce qu'ils ne se sentaient pas protégés.
Je le dis seulement parce qu'à la suite de ce gros scandale un vent d'espoir et d'optimisme a soufflé sur la fonction publique. Les gens se sont dit qu'enfin le Parlement allait être saisi de cette question, qu'il allait finalement veiller sur leurs intérêts et qu'il allait adopter un projet de loi pour protéger les dénonciateurs.
Nous estimons que, pour le moment, ce n'est pas un projet de loi pour protéger les dénonciateurs, mais plutôt pour traiter à l'interne la divulgation d'actes fautifs. Cela pourrait aller à l'encontre du but visé, car le message qui se propage déjà dans les rangs de la fonction publique est qu'il vaut mieux se méfier. Les gens ne parlent pas. Ils ne sont pas stupides. Le ton et la teneur de ce projet de loi font comprendre aux fonctionnaires qu'il est risqué de parler. Ils risquent d'être dans une situation encore plus fâcheuse qu'avant.
Je sais que c'est une longue introduction pour mes questions, mais êtes-vous d'accord pour dire que le projet de loi, sous sa forme actuelle, va à l'encontre du but visé en ce sens qu'un fonctionnaire court moins de risques s'il informe les médias anonymement que s'il passe par la chaîne de commandement comme le prévoit cette mesure?
M. Kenneth Kernaghan: C'est le genre de questions que je pose souvent à mes étudiants.
Il est peut-être moins dangereux pour les fonctionnaires d'informer les médias sous le couvert de l'anonymat, mais c'est certainement un comportement peu éthique et peu professionnel.
À (1040)
M. Pat Martin: Ont-ils le choix?
M. Kenneth Kernaghan: Nous devons leur offrir le choix.
M. Pat Martin: Ce projet de loi le fait-il?
M. Kenneth Kernaghan: Je ne sais pas si je dirais qu'il va à l'encontre du but visé. Étant donné ce que je vous ai dit, vous devez savoir que je suis très déçu de la teneur du projet de loi.
Il faut examiner les expériences comparables avec réalisme. Par exemple, dans d'autres pays, l'adoption d'une loi n'a pas été suivie d'un déferlement d'allégations d'actes répréhensibles. On peut se demander pourquoi, et je n'essaierai pas de trouver une réponse. Toutefois, cela laisse entendre que si vous mettez au point un régime de divulgation, vous devez, comme l'a dit M. Keyserlingk, veiller à ce qu'il réponde aux besoins de ceux qu'il doit servir, c'est-à-dire le grand public, les fonctionnaires et les parlementaires.
Le projet de loi ne va pas assez loin pour apporter aux fonctionnaires les garanties dont ils ont besoin. Un grand nombre d'entre vous avez déjà souligné combien il est difficile pour un fonctionnaire de faire ce genre de divulgations. Par conséquent, quand je pense aux points de vue divergents quant à la formule à adopter, il faut choisir la solution qui donnera le plus confiance aux fonctionnaires et qui changera la culture du secteur public afin qu'à long terme, les fonctionnaires n'hésitent pas à porter des allégations de bonne foi. C'est extrêmement important.
Je suppose que je parle au nom de mes collègues, mais je vais laisser Hélène dire elle-même ce qu'elle en pense.
Mme Hélène Beauchemin (présidente de HKBP Inc., Groupe de travail sur la divulgation des actes fautifs): Je pourrais peut-être vous faire part du point de vue d'une gestionnaire qui a sillonné le pays du nord au sud et d'est en ouest. Sauf erreur, 70 p. 100 de nos fonctionnaires travaillent à l'extérieur d'Ottawa.
M. Pat Martin: C'est assez décentralisé, mais pas à 70 p. 100.
Mme Hélène Beauchemin: Peu importe le pourcentage exact, il est élevé, et de nombreux fonctionnaires qui se trouvent en dehors d'Ottawa desservent directement les Canadiens.
M. Kernaghan a souligné l'importance de changer également la culture. Notre groupe s'est demandé comment permettre aux gens de dénoncer un acte fautif en toute sécurité. Il faut voir également comment promouvoir une fonction publique où l'on peut parler sans risque des problèmes et des questions qui se posent. Il faut pouvoir maintenir un juste équilibre entre les deux pour avoir le genre de fonction publique…
D'après mes contacts avec des fonctionnaires à l'extérieur d'Ottawa, les gens qui vivent à Thunder Bay, à Kamloops ou ailleurs, il leur est déjà extrêmement difficile d'aller se plaindre à quelqu'un à Ottawa, que ce soit dans leur propre ministère ou au commissaire, ou encore au Parlement. Bien souvent, ils ne savent même pas par où commencer.
Mes collègues ont dit qu'il fallait un processus de divulgation interne présentant les mêmes garanties et c'est certainement une question importante. S'il y a un système de divulgation interne, il doit offrir les mêmes mécanismes, la même protection contre les représailles et la même rigueur à l'endroit du gestionnaire ou du collègue accusé d'actes répréhensibles. Tel qu'il est formulé, ce projet de loi ne donne pas cette impression. Par conséquent, si vous ne donnez pas cette impression, même si vous êtes tout-puissant, si je puis prendre cet exemple, peu de gens penseront pouvoir se prévaloir de ce système.
M. Pat Martin: C'est déjà l'impression que les gens ont d'après ce que me disent les fonctionnaires. Ils ont des syndicats et des réseaux—ce n'est pas pour rien qu'ils sont syndiqués—et ils disposent d'un réseau de communication. Le message transmis est que cette loi ne va pas les protéger, qu'ils doivent s'en tenir au plan A, faire leur travail et garder le silence.
Je sais que mes minutes sont écoulées.
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Merci.
Pour commencer, vous êtes tous d'accord, je le sais, pour que nous donnions suite à cette initiative, mais vous avez parlé d'intégrer un code de conduite dans la loi. Je suis toujours étonné de voir que les législateurs pensent pouvoir légiférer sur toute chose. Peut-on légiférer un comportement éthique? Votre comportement est éthique ou il ne l'est pas, n'est-ce pas?
À (1045)
M. Kenneth Kernaghan: Vous soulevez une question très vaste et très générale.
Nous croyons possible de légiférer en matière de valeurs en ce sens que l'on peut énoncer les valeurs que doit défendre la fonction publique, qui sont la plupart des valeurs que vous connaissez soit l'intégrité, la transparence, l'imputabilité, etc.
Dans le code de la fonction publique, ces valeurs sont divisées en plusieurs catégories dont les valeurs démocratiques, les valeurs d'impartialité et la primauté du droit et c'est ce qu'il faudrait également préciser dans le projet de loi.
Bien entendu, pour inclure une base de valeurs et d'éthique dans le projet de loi C-25, il n'est pas nécessaire d'y insérer une charte complète régissant les relations entre les élus et les fonctionnaires. L'important est de le faire séparément—et je crois qu'une ébauche est déjà en préparation—et il faut que ce soit relié directement au préambule de ce projet de loi afin d'établir les valeurs de la fonction publique.
Je pourrais peut-être m'arrêter là et vous demander…
M. Alex Shepherd: Très bien.
Je voudrais poser la question à l'inverse. Je l'ai posée au ministre l'autre jour et je lui ai demandé pour quelle raison le commissaire ne ferait-il pas rapport au Parlement?
Même si ce n'est pas dit expressément, je suppose que c'est en partie parce qu'il s'agit du pouvoir exécutif. Il y a une responsabilité ministérielle. Nous croyons qu'un rapport au Parlement soumet le pouvoir exécutif à une surveillance de plus, ce qui pourrait l'empêcher d'exécuter les programmes, et ainsi de suite.
Que répondez-vous à cela?
M. Kenneth Kernaghan: Le public souhaite certainement que le commissaire à l'intégrité du secteur public rende directement compte au Parlement.
On a fait valoir qu'il y avait une certaine contradiction entre l'importance de l'imputabilité et de la transparence et les dispositions constitutionnelles. Par exemple, on pourrait faire valoir que le rôle du commissaire à l'intégrité du secteur public a une dimension exécutive en ce sens que le commissaire donne des conseils ou fait des recommandations au sous-ministre et qu'il est donc assez près du pouvoir exécutif. L'autre argument est, bien entendu, qu'il y a surtout des comptes à rendre au Parlement et que c'est une question législative.
Je crois qu'on peut assez bien l'expliquer en comparant le rôle de la Commission de la fonction publique et le rôle du vérificateur général. La Commission de la fonction publique a des fonctions exécutives et elle fait donc rapport au Parlement par l'entremise d'un ministre alors que le vérificateur général fait directement rapport au Parlement.
Ce sont deux arguments concurrents, mais je reviens à ce que j'ai dit au départ, à savoir que l'important pour moi est de se demander quel serait le système le plus crédible aux yeux des parlementaires, des fonctionnaires et du grand public? Je réponds à cela que c'est le rapport direct au Parlement.
M. Alex Shepherd: Vous avez parlé d'une des faiblesses du projet de loi. Mes antécédents professionnels se situent dans le secteur des finances et je m'inquiète de voir les actes répréhensibles définis comme l'usage abusif des fonds ou des biens publics. Je me demande si cette définition ne pourrait pas être élargie dans une certaine mesure. Je cherche à améliorer l'efficience au sein du gouvernement. Nous avons mentionné l'affaire Radwanski. Même si la plupart d'entre nous jugeaient ses agissements répréhensibles, il n'a pas fait d'usage abusif des fonds publics, si vous vous en tenez strictement à la définition des lignes directrices du Conseil du Trésor étant donné qu'il était exempté de certaines exigences. Pourrions-nous élargir ces définitions, afin de ne pas viser uniquement les actes répréhensibles, mais pour promouvoir des pratiques plus efficientes au sein du gouvernement et réduire le gaspillage? Ce sont des questions qui intéressent également les Canadiens.
À (1050)
M. Kenneth Kernaghan: Il faudrait que j'examine la question de plus près. Mais de prime abord, je n'aimerais pas que le bureau du commissaire à l'intégrité du secteur public s'intéresse à toutes sortes de choses en dehors des actes répréhensibles contre l'intérêt public. Il y a déjà au sein du gouvernement un grand nombre de mécanismes pour assurer une reddition de comptes, y compris, bien entendu, le Bureau du vérificateur général. Il y a aussi les mécanismes du Conseil du Trésor et plusieurs autres. Je crois donc que les questions d'efficience, le mécontentement à l'égard des décisions politiques, etc., doivent être examinés ailleurs et que, pour assurer l'efficacité et la crédibilité de ce bureau, il faut qu'il soit chargé des actes répréhensibles contre l'intérêt public.
Le président: Ce sera votre dernière question.
M. Alex Shepherd: Je voudrais revenir sur une de mes questions précédentes concernant le code de conduite. Qu'est-ce qui peut inciter les gens à dénoncer des actes répréhensibles? D'après ce que je peux voir, c'est une grosse source de problèmes. On nous a dit l'autre jour que c'est leur conscience professionnelle qui les pousserait à le faire, même si on n'est pas tout à fait d'accord au sein de la bureaucratie sur ce point. Autrement dit, le projet de loi devrait-il inclure des incitatifs pour encourager les gens à faire part de leurs inquiétudes?
M. Kenneth Kernaghan: Comme vous le savez, aux États-Unis, les fonctionnaires peuvent devenir relativement riches en dénonçant des actes répréhensibles si cela permet au gouvernement d'économiser des sommes importantes. Nous en avons parlé au sein du Groupe de travail et nous avons décidé que ce n'était pas un bon incitatif à donner aux fonctionnaires. Comme vous l'avez dit, nous nous attendons à ce que ces derniers fassent preuve de conscience professionnelle et d'un sens de l'éthique en dénonçant les actes répréhensibles dans l'intérêt public.
Le président: Merci.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit: Merci, monsieur le président.
Ce projet de loi est important en soi, mais c'est aussi la première occasion vraiment importante de tester l'efficacité de notre comité. Si nous n'arrivons pas à obtenir les amendements qu'exige cette mesure, notre comité sera aussi inutile que beaucoup d'autres.
C'est aussi l'occasion de tester le renvoi d'un projet de loi à un comité avant la deuxième lecture. Nous l'avons déjà fait avant, mais cette méthode ne s'est pas révélée particulièrement efficace. C'est du moins mon opinion. Nous verrons si elle peut l'être.
Troisièmement, nous allons voir dans quelle mesure le gouvernement veut vraiment rendre des comptes.
En ce qui concerne ce projet de loi, l'acceptation de ces amendements revêt une importance cruciale.
Quels amendements recommandez-vous d'apporter pour rendre ce projet de loi acceptable? Est-il possible de le modifier pour en faire une loi très efficace?
M. Kenneth Kernaghan: Oui, il est certainement possible de le modifier pour en faire une loi très efficace. J'aurais un certain nombre de recommandations à formuler pour cela. Je serai le plus bref possible.
M. Leon Benoit: Donnez-nous les trois principales, si vous le pouvez.
M. Kenneth Kernaghan: Les trois principales? Le commissaire à l'intégrité du secteur public devrait faire rapport directement au Parlement et il faudrait élargir et clarifier ses pouvoirs d'enquête. Nous n'en avons pas beaucoup parlé, mais la loi prévoit indirectement une sorte de pouvoirs d'enquête, en ce sens que les fonctionnaires ont l'obligation de dénoncer certains actes.
Je crois possible de faire les deux : autrement dit, on pourrait prévoir des pouvoirs d'enquête, même s'ils ne sont que symboliques et ne seront probablement pas utilisés, en donnant au commissaire le pouvoir de forcer des témoins à comparaître—autrement dit le pouvoir d'assignation, etc.
En troisième lieu, comme je l'ai mentionné dans ma déclaration liminaire, le projet de loi doit assurer un juste équilibre entre les actes positifs et les actes répréhensibles et nous devrions insister beaucoup plus sur les actes positifs en énonçant les valeurs primordiales et essentielles du secteur public. À mon avis, c'est ainsi qu'on changera l'opinion que de nombreux fonctionnaires qui considèrent la dénonciation ou la divulgation comme du commérage ou de la trahison. Nous voulons en faire, avec le temps, une responsabilité dont les fonctionnaires s'acquitteront sans hésiter. Je dirais donc que c'est ma troisième recommandation.
À (1055)
M. Leon Benoit: Mais quels changements devrions-nous apporter à ce projet de loi? Que devrait contenir cette loi pour être efficace?
M. Kenneth Kernaghan: Le projet de loi devrait commencer par énoncer les valeurs de la fonction publique. Il faudrait ensuite préciser et élargir les pouvoirs d'enquête dans les articles pertinents ainsi que dans les autres parties du projet de loi.
Je ne me suis pas attardé sur ce sujet dans ma déclaration liminaire, mais vous pourriez vous reporter au mémoire de M. Keyserlingk. Il examine chacun des articles du projet de loi et indique comment ils pourraient être améliorés afin de rendre le bureau du commissaire plus crédible et plus efficace.
M. Leon Benoit: Et vous êtes d'accord avec toutes ses recommandations?
M. Kenneth Kernaghan: Cela fait assez longtemps que je les ai lues, mais je suis d'accord avec la plupart de ses recommandations, en effet.
M. Leon Benoit: Merci.
Le président: Merci, monsieur Benoit.
Très rapidement, monsieur Kernaghan, compte tenu de tout le travail qui a été accompli… et je sais que votre groupe d'étude a bien écouté à peu près tous ceux qui avaient une opinion sur la question des dénonciateurs. Vous avez mentionné un mot qui a suscité, dans mon esprit, toute une série de questions au sujet de la culture de la fonction publique ou du secteur public.
J'ai l'impression qu'un fonctionnaire n'a absolument rien à gagner en dénonçant quelqu'un, mais qu'il a l'obligation de faire preuve de loyauté. Pourquoi risquerais-je que mon nom soit cité, m'exposant ainsi à des représailles? Tout le monde peut comprendre que la nature humaine joue un rôle.
M. Martin a dit qu'environ 60 p. 100 des employés du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée était au courant d'actes fautifs graves, mais que personne ne les avait dénoncés. Comment se fait-il qu'au sein de la culture du secteur public, un employé n'ait pas pu simplement prendre une feuille de papier et l'adresser « À qui de droit ». Il aurait pu dire : « Je suis un employé du Bureau du commissaire à la protection de la vie privée. Je suis au courant d'actes fautifs graves consistant en des dépenses excessives ou abusives. La terreur règne au bureau, etc. C'est terrible. Je ne peux pas divulguer mon identité, car je pourrais faire l'objet de représailles et je ne peux pas risquer cela à cause de ma famille; veuillez faire quelque chose. » Il aurait pu ensuite faire des photocopies et en envoyer une à l'Opposition officielle, une au vérificateur général, une autre au premier ministre, d'autres à tous les syndicats et à tout le monde.
Cela fait, n'y a t-il personne, au sein de la fonction publique et du gouvernement, qui aurait pu prendre la lettre de ce dénonciateur anonyme et dire : « Quelqu'un appelle à l'aide; faisons quelque chose? » Pourquoi cela ne marcherait-il pas?
M. Kenneth Kernaghan: Nous espérons que, si les recommandations du rapport de notre Groupe de travail sont incluses dans la loi, les fonctionnaires se sentiront beaucoup plus libres de faire ces révélations qu'ils ne l'ont jamais été. Nous pouvons difficilement dire comment les employés dont vous parlez auraient agi si ce genre de loi avait été en vigueur, mais nous sommes convaincus qu'ils auraient parlé beaucoup plus facilement.
Á (1100)
Le président: Monsieur Desautels.
M. L. Denis Desautels: Monsieur le président, j'ajouterais seulement que c'est beaucoup plus efficace si la personne chargée de recevoir ces plaintes peut rencontrer le dénonciateur en protégeant son identité comme nous le souhaitons tous. Une lettre tout à fait anonyme peut déclencher certaines réactions, mais ce n'est pas aussi bien que si l'on a l'occasion…
Le président: Non, ce n'est pas aussi bien, mais ce n'est pas aussi risqué non plus.
M. L. Denis Desautels: Tout est là. Si nous pouvons donner aux personnes qui constatent un vrai problème la possibilité d'en discuter avec quelqu'un qui protégera leur identité, nous pourrons prendre les mesures qui s'imposent beaucoup plus facilement que si c'est entièrement anonyme.
Le président: Nous allons certainement en discuter un peu plus longtemps.
Avez-vous une dernière observation à formuler?
M. Kenneth Kernaghan: J'ai une dernière chose à dire à ce sujet, monsieur le président. La raison pour laquelle nous voulons une loi bien pensée prévoyant les mesures et les conditions voulues, c'est pour que les gens ne croient pas nécessaire de s'adresser aux médias ou d'envoyer des lettres anonymes. Il faudrait éviter que des gens pensent pouvoir envoyer des lettres anonymes dont certaines pourraient contenir des allégations non fondées.
Une chose dont nous n'avons sans doute pas suffisamment parlé est la situation des personnes contre qui des allégations sont portées, et la nécessité de les protéger également. C'est extrêmement important, et je vous exhorte à faire en sorte que le projet de loi contienne des sanctions disciplinaires appropriées pour quiconque recourt à des allégations vexatoires, futiles et déraisonnables.
Le président: À mon avis, ce n'est pas aux employés de juger si des allégations sont futiles, mais à d'autres d'en décider. Richard Nixon s'est fait prendre à la suite d'une dénonciation et George Radwanski également. Des confidences ont été faites à quelqu'un et cela a permis de régler la question.
Même si nous examinons le processus, les fonctionnaires ont un devoir de loyauté et doivent agir au mieux des intérêts du public, ce qui constitue un principe premier. On doit leur assurer qu'ils doivent prendre les mesures voulues, sans avoir à subir de représailles ou à s'inquiéter, pour faire part de leurs préoccupations à quelqu'un, et que dénoncer un acte fautif grave est toujours la bonne chose à faire.
Peut-être ne devrions-nous pas attendre une loi pour nous pencher sur toute cette question. Le public devrait comprendre qu'il y a des gens honnêtes, non seulement dans la fonction publique, mais aussi au Parlement, qui tiennent beaucoup à faire en sorte qu'en cas de manquement grave aux règles, nous ayons les moyens, par l'entremise du Bureau du vérificateur général ou d'autres mécanismes, d'examiner soigneusement la question sans divulguer l'identité des dénonciateurs. Nous y sommes parvenus dans l'affaire Radwanski.
Le Comité des comptes publics a adopté une façon de faire différente et a mis publiquement à jour toutes sortes de choses étant entendu que tous ces témoins bénéficiaient de la protection du Parlement. Ce sont là deux scénarios très différents. La façon dont nous avons procédé pour l'affaire Radwanski était nettement préférable parce qu'elle a respecté les craintes des intéressés. Quand quelqu'un a fait des révélations et que nous avons montré qu'il était possible de le faire sans risque, d'autres ont suivi et nous ont fourni le reste des renseignements nécessaires pour remédier à la situation.
Que cette loi soit adoptée aujourd'hui ou dans deux mois, il est toujours possible de dénoncer des actes répréhensibles si l'on se dit qu'il y a des braves gens prêts à aider à résoudre ces problèmes.
Je suis certain que nous allons avoir une bonne discussion sur ce sujet.
Chers collègues, je vous remercie.
Une dernière chose. La Chambre nous a renvoyé une question restée sans réponse. C'est la question 72. On me dit qu'une réponse a été déposée à la Chambre hier. La réponse a donc été donnée et nous allons simplement l'inscrire au procès-verbal.
Monsieur Kernaghan, je vous remercie vous et vos collègues.
La séance est levée.