OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 4 mai 2004
¿ | 0905 |
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)) |
Mme Maria Barrados (présidente intérimaire, Commission de la fonction publique du Canada) |
¿ | 0910 |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
Mme Maria Barrados |
M. Gaston Arseneault (avocat-conseil, Commission de la fonction publique du Canada) |
¿ | 0915 |
Mme Maria Barrados |
Mme Lynne Yelich |
Mme Maria Barrados |
Mme Lynne Yelich |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
¿ | 0920 |
M. Greg Gauld (vice-président, Direction générale de la politique et de la responsabilisation en matière de mérite, Commission de la fonction publique du Canada) |
Mme Maria Barrados |
M. Greg Gauld |
Mme Monique Guay |
M. Greg Gauld |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
M. Gaston Arseneault |
¿ | 0925 |
Mme Monique Guay |
M. Gaston Arseneault |
Mme Monique Guay |
M. Gaston Arseneault |
Mme Monique Guay |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
Mme Maria Barrados |
Mme Anita Neville |
Mme Maria Barrados |
Mme Anita Neville |
¿ | 0930 |
Mme Maria Barrados |
Mme Anita Neville |
Mme Maria Barrados |
Le président |
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC) |
Mme Maria Barrados |
M. Leon Benoit |
¿ | 0935 |
Mme Maria Barrados |
M. Leon Benoit |
Mme Maria Barrados |
M. Leon Benoit |
M. Gaston Arseneault |
M. Leon Benoit |
Mme Maria Barrados |
M. Leon Benoit |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC) |
Mme Maria Barrados |
¿ | 0940 |
M. Paul Forseth |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ) |
M. Gaston Arseneault |
M. Roger Gaudet |
¿ | 0945 |
Mme Maria Barrados |
M. Roger Gaudet |
Mme Maria Barrados |
M. Roger Gaudet |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
Mme Maria Barrados |
¿ | 0950 |
M. Alex Shepherd |
Mme Maria Barrados |
M. Alex Shepherd |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Monique Guay |
Mme Maria Barrados |
Mme Monique Guay |
M. Gaston Arseneault |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Paul Forseth |
¿ | 0955 |
Mme Maria Barrados |
M. Paul Forseth |
Mme Maria Barrados |
M. Paul Forseth |
Mme Maria Barrados |
M. Paul Forseth |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
À | 1000 |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Mme Maria Barrados |
Le président |
M. Leon Benoit |
Mme Maria Barrados |
Le président |
À | 1005 |
Mme Maria Barrados |
Le président |
Le président |
Mme Joanna Gaultieri (Federal Accountability Initiative for Reform (FAIR)) |
À | 1015 |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
À | 1030 |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Leon Benoit |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
Mme Monique Guay |
À | 1035 |
Mme Joanna Gaultieri |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Alex Shepherd |
À | 1040 |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Alex Shepherd |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Alex Shepherd |
Mme Joanna Gaultieri |
À | 1045 |
Le président |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
À | 1050 |
Mme Joanna Gaultieri |
M. Paul Forseth |
Le président |
Mme Anita Neville |
Mme Joanna Gaultieri |
Mme Anita Neville |
À | 1055 |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
M. Roger Gaudet |
Le président |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
Á | 1100 |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
Mme Joanna Gaultieri |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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|
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 4 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Bonjour.
Conformément à notre mandat du mardi 20 avril 2004, le comité étudie le projet de loi C-25, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles dans le secteur public et de protection des dénonciateurs.
Nous recevons ce matin les représentants de la Commission de la fonction publique du Canada et plus particulièrement sa présidente intérimaire, Mme Maria Barrados. Bienvenue à vous. Veuillez avoir l'obligeance de nous présenter vos collègues. Vous avez, je crois, une déclaration initiale à nous faire et je sais que mes collègues auront ensuite des questions à vous poser. Vous avez la parole.
[Français]
Mme Maria Barrados (présidente intérimaire, Commission de la fonction publique du Canada): Monsieur le président, je vous remercie de me donner l'occasion de me présenter devant le comité pour parler du projet de loi C-25, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles dans le secteur public et de protection des dénonciateurs.
Deux hauts dirigeants de la Commission de la fonction publique m'accompagnent aujourd'hui, et j'aimerais vous les présenter. Il s'agit de M. Gaston Arseneault, avocat général, et de M. Greg Gauld, vice-président de la Direction générale de la politique et de la responsabilisation en matière de mérite.
La Commission de la fonction publique est un organisme indépendant qui rend compte au Parlement. Dans le cadre de ses responsabilités de surveillance de la dotation au gouvernement fédéral, la CFP fait des vérifications et mène des enquêtes en ce qui concerne les nominations individuelles. Elle entend les appels des fonctionnaires qui sont insatisfaits d'une décision en matière de dotation.
[Traduction]
En vertu de la LEFP, la CFP détient d'importants pouvoirs à ces fins, dont le pouvoir de prescrire des mesures correctives et de révoquer des pouvoirs délégués s'il y a lieu. Parmi les quelque 20 000 nominations qui ont été effectuées l'année dernière, nous avons traité environ 1 700 appels. Neuf pour cent d'entre eux ont entraîné la prise de mesures correctives. Ces données concernant les appels sont relativement constantes d'une année à l'autre. Les pouvoirs et responsabilités de la CFP en matière d'appels et d'enquêtes changeront avec la nouvelle loi qui la concerne. Cependant, la commission continuera d'effectuer des vérifications et de mener des enquêtes dans le cadre de son rôle de surveillance de la dotation au sein du gouvernement fédéral, ce qui m'amène à vous expliquer ma présence auprès de vous aujourd'hui : vous faire part de nos observations relatives au nouveau projet de loi C-25.
[Français]
Je voudrais dire d'emblée que nous appuyons l'intention du projet de loi. Je suis d'avis qu'il est temps d'instaurer une procédure légale de divulgation des actes fautifs et de protéger les personnes qui dévoilent de tels actes.
En tant qu'organisme de surveillance, nous soutenons toute initiative qui tend à renforcer la responsabilisation et la transparence dans le secteur public.
[Traduction]
J'aimerais formuler diverses observations au sujet des possibilités de chevauchement avec le champ de compétence de la Commission de la fonction publique en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique. Je serai brève. Cependant, je vous ai fourni une description plus détaillée dans ma récente lettre au comité.
Les problèmes de dotation en personnel au sein du gouvernement fédéral vont au coeur des attentes des fonctionnaires : avoir de justes chances d'avancement. Certains actes répréhensibles pourraient être divulgués au commissaire à l'intégrité du secteur public, alors qu'ils relèvent de nos processus d'appels et d'enquêtes. Cela est d'autant plus préoccupant du fait que les dénonciateurs auprès du commissaire à l'intégrité seraient protégés contre les représailles et l'atteinte à la confidentialité, une protection que la CFP ne peut présentement offrir aux termes de la LEFP. Selon le libellé actuel du projet de loi, le commissaire à l'intégrité peut décider de traiter directement ou non un problème qui relèverait de la compétence d'autres organismes. Cela signifie que le commissaire pourrait en principe étudier des allégations d'actes fautifs en matière de dotation s'il le juge approprié.
Le comité aurait peut-être intérêt à envisager un mécanisme de renvoi obligatoire afin de s'assurer que tous les problèmes de dotation en personnel qui relèvent du champ de compétence de la CFP seront aiguillés vers la CFP, en supposant qu'une protection semblable soit offerte aux fonctionnaires qui divulguent des mesures de dotation répréhensibles à la CFP. Cela garantirait une protection plus uniforme contre les mesures de représailles et l'atteinte à la confidentialité. On pourrait même songer à habiliter la commission afin qu'elle puisse enquêter sur toutes les divulgations d'actes fautifs en matière de dotation. Je dis cela parce que la nouvelle loi limitera la capacité qu'a la CFP d'enquêter sur les nominations internes.
De façon générale, la commission a compétence en vertu de la LEFP sur les organismes qui forment la fonction publique de base. Or, le projet de loi C-25 s'applique au plus grand secteur public, dont font partie les sociétés d'État. Cela pourrait créer une certaine incompatibilité dans le traitement des dénonciations au sein du grand secteur public. Pour éviter cela, le comité jugera peut-être opportun de doter la commission de pouvoirs législatifs supplémentaires pour traiter les dénonciations relatives à la dotation en personnel qui émanent de l'extérieur de la fonction publique de base, mais proviennent du grand secteur public fédéral. Cela permettrait d'uniformiser davantage la prise de décisions, d'offrir un processus de recours plus clair aux employés, ainsi que de préserver le champ de compétence en dotation et d'en concentrer la responsabilisation au sein d'un seul organisme de surveillance qui relève de vous.
¿ (0910)
[Français]
Enfin, j'aimerais faire un commentaire au sujet du processus de dotation qui est proposé en vue de la sélection de personnel qui relèvera du commissaire à l'intégrité. En vertu du projet de loi, le ou la ministre responsable de l'Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada fournira à l'interne au ou à la commissaire les agents et agentes et les fonctionnaires dont il ou elle aura besoin pour assumer ses fonctions. Cela pourrait laisser sous-entendre que ce ou cette ministre détiendrait des pouvoirs de dotation. Toutefois, selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la CFP est la seule à détenir le pouvoir de procéder à des nominations dans le noyau de la fonction publique, pour assurer que les nominations sont impartiales et fondées sur le mérite.
[Traduction]
Le comité pourrait peut-être envisager de modifier le projet de loi afin que le ministre ne soit pas perçu comme intervenant dans la dotation et que les personnes recrutées pour remplir les fonctions du Commissaire à l'intégrité soient choisies selon le principe du mérite.
En terminant, je tiens à vous réitérer l'appui de la CFP envers l'objet du projet de loi.
Monsieur le président, nous serons heureux de répondre aux questions des membres du comité.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer par Mme Yelich.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Merci beaucoup.
Pour commencer, y a-t-il dans le projet de loi des dispositions que vous aimeriez voir modifiées? Je vais vous donner un exemple. L'autre jour, nous avons entendu un témoin qui nous a fait part de son inquiétude à propos de l'article 12 et je me demande si vous en avez parlé dans votre exposé. Il s'agit des cas où un fonctionnaire divulguerait quelque chose au commissaire uniquement après être passé par le premier palier, son supérieur hiérarchique, avant de le faire. Le témoin nous a dit qu'à son avis, le projet de loi ne lui donnait pas suffisamment le loisir de décider de l'option qu'il préférerait adopter lorsqu'il veut déposer une plainte. Y avez-vous réfléchi? Cela poserait-il problème?
Mme Maria Barrados: Nous avons évoqué plusieurs éléments, mais je vais demander à M. Arseneault qui connaît mieux que moi le détail de la chose de vous parler des articles précis du projet de loi. Par contre, ce qui nous préoccupe, c'est le mécanisme de renvoi, la partie du projet de loi qui parle du renvoi et du caractère discrétionnaire de celui-ci. Nous avons signalé notre préoccupation au sujet de l'étendue possible de la chose. En cas de problème de dotation, nous préconisons un renvoi obligatoire afin que la LEFP permette l'ouverture d'une enquête en cas de renvoi. L'autre élément est l'utilisation dans ce projet de loi du terme « ministre » associé au droit de pourvoir en dotation.
M. Arseneault pourra peut-être vous renvoyer aux dispositions pertinentes du projet de loi.
M. Gaston Arseneault (avocat-conseil, Commission de la fonction publique du Canada): L'article concernant le pouvoir de dotation du ministre est l'article 19.
¿ (0915)
Mme Maria Barrados: Si cela peut aider le comité, nous pourrions toujours, pour faire suite à ce que nous vous avons déjà envoyé, vous donner les références exactes au projet de loi. Ce ne serait probablement pas très efficace de notre part si nous ne le faisions pas.
Mme Lynne Yelich: Très bien, parfait. Je m'interrogeais simplement à ce sujet parce que c'était assurément quelque chose qui préoccupait le témoin que nous avons entendu l'autre jour.
Le fait que le ministre n'est pas indépendant et ne rend pas compte au Parlement semble également poser problème. Cela vous préoccupe-t-il et y avez-vous réfléchi?
Mme Maria Barrados: S'il y a une Commission de la fonction publique, c'est pour une raison qui existe depuis fort longtemps. Dans l'état actuel des choses, la commission est un organisme qui ne relève pas d'un ministre. Elle a été créée de cette façon il y a près d'un siècle parce que le Parlement avait décidé alors que la dotation à la fonction publique ne devait pas relever d'un ministre, d'où l'indépendance de la commission. Cette disposition du projet de loi qui concerne le rôle du ministre pourrait être interprétée comme donnant à ce dernier une responsabilité en matière de dotation, et selon nous c'est là quelque chose qui exige d'être précisé.
Mme Lynne Yelich: Vous avez donc le sentiment qu'elle devrait relever du Parlement.
L'autre jour, on nous a également signalé qu'il aurait fallu peut-être réfléchir au problème des exemptions. Ainsi, la SRC a réclamé l'exemption. Y avez-vous réfléchi? Devrait-il y avoir des exemptions? Le projet de loi le permettrait-il? Mais pensez-vous que nous devrions le permettre?
Mme Maria Barrados: Je ne suis pas vraiment bien placée pour parler de cela.
Le président: Je vous remercie.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, madame la présidente.
Merci d'être présente parmi nous ce matin. Plusieurs des témoins qui sont venus nous rencontrer depuis le dépôt du projet de loi, de même que plusieurs députés, ont exprimé le souhait que le commissaire soit beaucoup plus indépendant et qu'il fasse rapport directement à la Chambre des communes. J'aimerais savoir quelle est la position de la Commission de la fonction publique à ce sujet.
Ensuite, je constate que vous avez des inquiétudes à l'égard de la nomination, par le ministre ou le personnel, des agents supérieurs. Croyez-vous que vous seriez plus apte que le ministère à faire ces choix ? Est-ce que l'Alliance de la fonction publique a déjà des personnes ressources qualifiées pour faire ce genre de travail?
Mme Maria Barrados: Je vous demanderais de m'éclairer sur certains points. Qu'entendez-vous par « agents supérieurs »? À quel niveau se situent-ils?
Mme Monique Guay: On mentionne dans le projet de loi que des agents supérieurs seront nommés pour recevoir les plaintes. Ainsi, une personne qui voudra porter plainte dans son ministère ira déposer sa plainte auprès de l'agent supérieur. Il sera aussi possible de le faire auprès du commissaire, mais pour que tout ne soit pas directement envoyé au commissaire, on prévoit nommer des agents supérieurs qui feront rapport au commissaire.
Il reste que la personne désirant déposer une plainte pourra toujours le faire directement auprès du commissaire si elle croit que l'agent supérieur ne répondra pas à ses attentes ou si ce dernier est impliqué dans la situation visée.
Mme Maria Barrados: Je n'ai pas beaucoup de commentaires à faire sur le processus proposé dans la loi.
Mme Monique Guay: Mais pour vous, le processus est une chose importante.
Mme Maria Barrados: J'ai des commentaires à faire sur la dotation--et mes collègues pourront vous donner plus d'information sur ce sujet--de même que sur la question de l'indépendance.
En fin de compte, ce sera au comité de prendre une décision à l'égard du rôle du commissaire. Néanmoins, je peux dire qu'à la Commission de la fonction publique, il est très important que nous ayons un rôle indépendant et que nous le conservions, un peu comme la vérificatrice générale, qui, en fait, a un rôle plus indépendant que le nôtre. Nous n'avons pas de ministre, mais nous faisons appel au ministre pour ce qui est de la transmission de nos rapports. En vertu de la nouvelle loi, nous aurons une relation directe avec le Parlement. Pour nous, c'est très important.
Greg peut vous parler un peu du processus de dotation. Ce n'est pas exactement la fonction dont il est question dans la loi, mais c'est une question de dotation.
¿ (0920)
M. Greg Gauld (vice-président, Direction générale de la politique et de la responsabilisation en matière de mérite, Commission de la fonction publique du Canada): En ce qui concerne la question de l'agent supérieur qui est mentionné dans le projet de loi, je crois qu'on n'est pas mieux placés que le commissaire à l'intégrité pour choisir une personne. En fait, c'est le sous-chef ou l'administrateur général qui doit la choisir. À cet égard, on est plutôt dans le domaine de la dotation, de la gestion des ressources humaines.
Mme Maria Barrados: Mais pour nous, il est important que ce soit en vertu de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et que ce soit un processus basé sur le mérite.
M. Greg Gauld: Là, il s'agit du personnel du commissaire. C'est l'autre question. Les agents supérieurs sont nommés par les sous-chefs dans chacun des ministères. En fait, l'inquiétude qu'a soulevée la présidente se rapporte au libellé du texte dans le projet de loi, qui laisse entendre que c'est peut-être le ministre lui-même qui engagera le personnel pour le commissaire sans que les gens soient qualifiés pour ces postes ou qu'ils soient sélectionnés de façon impartiale.
Mme Monique Guay: C'est cela: il faut que ce soit fait de façon juste et équitable, et il faut que ce soient des gens qui sont qualifiés et non pas des nominations politiques.
M. Greg Gauld: Justement.
Mme Monique Guay: Tout à fait.
Êtes-vous d'accord que le commissaire devrait faire rapport directement à la Chambre, un peu comme la vérificatrice générale le fait maintenant en cas d'urgence? En effet, le commissaire pourrait devoir faire enquête sur quelque chose de très grave et remettre un rapport. Dans ce cas, au lieu de faire un rapport annuel, il pourrait déposer un rapport d'urgence à n'importe quelle occasion qu'il jugerait urgente, sans avoir à passer par un ministre.
Mme Maria Barrados: À la fin, c'est au Parlement de décider de la façon de faire rapport. Mais je peux dire que je suis très contente que nous ayons cette révision dans la nouvelle loi sur la fonction publique.
Mme Monique Guay: D'accord. Je comprends que ce serait quelque chose de souhaitable aussi sur ce plan.
Vous avez dit tout à l'heure que seulement 9 p. 100 des plaintes avaient été traitées. Y a-t-il eu un problème? Est-ce parce que les plaintes n'étaient pas justifiées ou parce qu'il y a un manque de personnel? Pouvez-vous nous donner un peu d'information là-dessus?
Mme Maria Barrados: Ce sont les 9 p. 100 qui ont eu pour résultat un changement de décision.
Mme Monique Guay: Seulement 9 p. 100. Est-ce parce que les plaintes étaient non justifiées?
Mme Maria Barrados: Ces plaintes étaient justifiées. Les autres plaintes ne l'étaient pas. Mais la Commission de la fonction publique a utilisé un processus de médiation, et quand on suit ce type de processus, on n'a pas de décision finale.
Mme Monique Guay: D'accord, je comprends. Ça prend plus de temps aussi.
Dans le projet de loi actuel, il n'y a aucune sanction monétaire. Il n'y a pas vraiment de sanctions dans le projet de loi. Croyez-vous qu'il devrait y en avoir?
Mme Maria Barrados: Ce sera aussi une décision du comité, mais dans le cas de la dotation, on a beaucoup de pouvoirs à la Commission de la fonction publique. Dans ce sens, il sera important que les choses reliées à la dotation soient du ressort de la Commission de la fonction publique.
Gaston, peux-tu parler un peu des types de pouvoirs que nous avons?
Mme Monique Guay: Oui, ce serait intéressant.
M. Gaston Arseneault: L'article 7.1 de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique précise:
La Commission de la fonction publique peut effectuer les enquêtes et vérifications qu'elle juge indiquées sur toute question relevant de sa compétence. |
À ces fins, elle a des pouvoirs. Selon l'article 7.2:
Pour les besoins de tout rapport ou enquête qu'elle effectue sous le régime de la présente loi, sauf dans le cas des vérifications, la Commission dispose des pouvoirs d'un commissaire nommé au titre de la partie II de la Loi sur les enquêtes. |
Elle a donc le pouvoir de contraindre les témoignages.
En vertu de l'article 7.5 de cette même loi:
La Commission peut, selon les résultats des enquêtes, rapports ou vérifications effectués sous le régime de la présente loi, prendre ou ordonner à un administrateur général de prendre les mesures de redressement qu'elle juge indiquées. |
Donc, en fait, la Commission de la fonction publique a des pouvoirs de contrainte et le pouvoir d'ordonner des mesures de redressement.
¿ (0925)
Mme Monique Guay: Elle peut donc imposer des sanctions.
M. Gaston Arseneault: En effet.
Mme Monique Guay: Peut-elle imposer des sanctions d'ordre financier?
M. Gaston Arseneault: Non. Les mesures que la commission prend sont normalement reliées à la nature des fonctions qu'elle accomplit, par exemple révoquer des nominations ou, dans certains cas, retirer des délégations de pouvoir à des gestionnaires. Ordonner des sanctions financières ne fait pas normalement partie du rôle de la Commission de la fonction publique.
Mme Monique Guay: Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Neville.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président, et merci d'être venue ce matin, madame Guay. Vous avez évoqué certaines questions dont j'allais moi aussi parler.
J'ai bien regardé la définition de l'expression « acte répréhensible », et je me demande si pour vous elle est suffisamment claire et si les employés utiliseront ce recours pour introduire des plaintes que vous ne prenez pas en charge. Peut-être pourriez-vous nous en dire un peu plus long au sujet du processus de renvoi que vous avez survolé dans votre exposé.
Mme Maria Barrados: Merci, monsieur le président.
Je dois vous dire que lorsque j'ai réfléchi à la question, j'avais fait au préalable un peu de lecture pour me renseigner. Je sais que cette définition a fait l'objet de beaucoup de commentaires et je ne suis pas certaine de pouvoir ajouter quoi que ce soit à ce débat. Toutefois, si nous étudions la jurisprudence de la Commission de la fonction publique, certains des dossiers ont trait à des fraudes pendant les processus de dotation, lesquels se déroulent sur une assez grande échelle—il n'y en a pas beaucoup, mais il y en a néanmoins. Des fraudes comme celles-là ne sont jamais justifiées peu importe l'acception qu'on donne au terme.
Si nous regardons maintenant du côté du commissaire à la vie privée et de l'audit effectué par la vérificatrice générale, le rapport en question portait sur deux éléments importants. Le premier était la dotation et les questions connexes, la gestion des ressources humaines, et le second portait sur l'aspect financier de la chose. C'était là les deux éléments dont il était question, deux éléments quelque peu associés l'un à l'autre.
Nous avons le sentiment qu'il est inévitable que certaines préoccupations concernant la dotation soient prises dans la définition. Cela s'explique par le fait que, pour les gens, le poste qu'ils occupent et leurs perspectives de promotion sont quelque chose de très très important. Et même si, dans tout ce que nous faisons, nous n'avons pas de sanction financière, le fait de supprimer l'emploi de quelqu'un a toujours beaucoup d'impact—et tout un impact financier. Nous avons donc pensé que cela fonctionnerait mieux si, pour tout ce qui concerne la dotation, le renvoi était obligatoire pour le commissaire à l'intégrité.
Cela dit, nous pourrions nous employer à déterminer comment nous y prendre. Il pourrait nous renvoyer le dossier. Nous pourrions quant à nous lui transmettre l'information et faire rapport au Parlement. Il y a plusieurs façons de procéder possibles sur le plan technique, mais c'est nous qui avons le savoir-faire, c'est nous qui avons les gens qui connaissent bien la loi, et c'est nous qui avons les pouvoirs.
Voilà donc la nature de notre recommandation. À l'heure actuelle, le renvoi est facultatif, c'est un pouvoir discrétionnaire, mais nous préconisons que ce renvoi devienne obligatoire.
Mme Anita Neville: Incluez-vous tout ce qui concerne la dotation?
Mme Maria Barrados: Ce qui touche notre loi habilitante.
Mme Anita Neville: Dans un monde idéal, quelles seraient selon vous vos relations avec le nouveau commissaire et son bureau?
¿ (0930)
Mme Maria Barrados: La commission compte plusieurs éléments que nous n'avons pas, par exemple, la protection du caractère confidentiel des dénonciations. Notre processus d'appel est totalement public. Idéalement, c'est ce que nous disons, si quelqu'un soumet une plainte au commissaire à l'intégrité, s'il s'agit d'une plainte concernant la dotation, ce dernier la transmettrait à la Commission de la fonction publique, mais ce faisant, les droits et les garanties accordés au plaignant seraient préservés, de sorte que lorsque nous ferions à notre tour enquête, ces droits et ces garanties seraient respectés tout comme ils le seraient par le commissaire à l'intégrité. Sinon, pourquoi faire une plainte lorsqu'on craint que le caractère confidentiel de la chose ne soit pas respecté? S'il s'agit d'une plainte au sujet de la dotation, et si le commissaire juge que cette plainte est complexe par rapport à son mandat, les droits et garanties en question demeureraient protégés. Si le commissaire décide que cette plainte n'est pas de son ressort et ne l'intéresse pas, elle sera directement transmise à la Commission de la fonction publique, ce qui est d'ailleurs le cas actuellement.
Mme Anita Neville: Voilà qui semble très raisonnable et parfaitement logique, mais mon interrogation revient toujours à la question que je posais au début au sujet de la définition. S'il y a actuellement à la fonction publique des procédures auxquelles on n'a pas recours parce qu'on veut protéger la vie privée de la personne, y aura-t-il désormais recours au commissaire à l'intégrité? J'entrevois la possibilité de toutes sortes de négociations et de tractations sur les procédures et les règlements.
Mme Maria Barrados: Au bout du compte, il appartiendra au commissaire à l'intégrité de juger si le dossier est bien de son ressort. De la même façon que je collabore avec les autres hauts fonctionnaires du Parlement, je serais prête à l'accepter.
Le président: Monsieur Benoit, la parole est maintenant à vous.
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC): Merci, monsieur le président.
Vous voudrez bien m'excuser si je n'étais pas là pour écouter votre exposé, mais j'en ai pris connaissance par écrit. Par ailleurs, nous avons également reçu la lettre que vous nous avez envoyée il y a quelques jours. Dans cette lettre, vous nous faites part de quatre éléments pour lesquels vous souhaiteriez certains changements. Sur la foi de votre exposé et de votre lettre, je ne parviens pas à voir tout à fait clairement pourquoi ces changements sont aussi importants.
Pourriez-vous revenir sur ces quatre éléments et nous expliquer un peu plus longuement pourquoi à votre avis il est aussi important de leur apporter des changements, et quels seraient les amendements que vous préconiseriez? Cela serait assurément très utile pour le comité.
Mme Maria Barrados: En ce qui concerne ma lettre, le premier élément est le renvoi obligatoire. Nous venons d'ailleurs d'en discuter. Il s'agit des plaintes qui, selon le commissaire à l'intégrité, concernent des questions de dotation. Dans ces cas-là, il faudrait qu'il y ait renvoi obligatoire devant la Commission de la fonction publique alors que pour l'instant, le projet de loi en fait quelque chose de facultatif, ce qui introduit à un élément discrétionnaire.
M. Keyserlingk nous a régulièrement transmis les dossiers, mais un nouveau régime va maintenant être créé et nous estimons que cela est important parce que, aux termes de la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, nous avons davantage de pouvoirs qui nous permettent d'imposer des mesures de redressement. Nous avons l'expérience, nous avons les procédures nécessaires et nous avons le personnel pour le faire. Autrement, je ne suis pas tout à fait certaine que cela soit le cas.
J'imagine qu'au bout du compte, tout le monde s'en trouverait mieux si le processus décisionnel était le même dans tous les cas, ce qui uniformiserait les décisions. Nous préconisons donc un amendement pour changer la nature du renvoi.
M. Leon Benoit: En définitive donc, vous craindriez sinon, s'il n'y a pas renvoi obligatoire, que des gens perdent inutilement leur emploi, n'est-ce pas? Je m'interroge sur la véritable raison pour laquelle cela est aussi important pour vous. Pour vous, c'est quelque chose d'évident sans doute, mais qui ne l'est peut-être pas autant pour moi.
¿ (0935)
Mme Maria Barrados: Selon mon interprétation, quiconque introduit une plainte auprès de l'agent de l'intégrité ne risque pas de perdre son emploi, mais c'est le contraire si la plainte est adressée à la Commission de la fonction publique. Nous avons des pouvoirs qui nous permettent d'ordonner un recours. Nous avons également les procédures et l'expérience voulues, contrairement à l'autre commission.
M. Leon Benoit: Cela est-il donc important pour vous parce qu'il y a peut-être des gens qui auraient fait des plaintes frivoles ou inopportunes et qui, pourtant, sont toujours à la fonction publique?
Mme Maria Barrados: Ce que nous voulons, c'est que le système soit équitable pour tous. M. Arseneault pourrait répondre à cette question.
M. Leon Benoit: J'imagine que si vous me donnez un exemple de situation possible qui pourrait donner lieu à votre avis à une injustice, cela m'éclairerait parce que ce n'est pas aussi évident pour moi.
M. Gaston Arseneault: Ce n'est pas tant une question de traitement équitable qu'une question de traitement uniforme, dans la mesure où, selon la Loi sur l'emploi dans la fonction publique, la commission a plusieurs responsabilités. Elle doit procéder aux nominations en fonction du mérite, elle doit prendre des mesures en conformité des dispositions de la loi, alors que le commissaire à l'intégrité devra faire enquête dans le cas d'actes répréhensibles et faire des recommandations à un sous-ministre. Il se peut que certaines de ces recommandations soient contraires à ce que la commission pourrait ordonner à un sous-ministre dans certaines circonstances. Il se peut que la recommandation vise à contrer un acte répréhensible, ce qui est un élément, certes, mais la Loi sur l'emploi dans la fonction publique a également une très grande importance lorsqu'il s'agit d'ordonner des recours. Il s'agit donc de prendre tous ces facteurs en compte lorsqu'il faut ordonner un recours.
Il s'agit de faire en sorte qu'il n'y ait pas de recommandations qui seraient contraires à la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et, en le confiant à la commission, il y a une garantie d'uniformité dans tout le système de dotation. C'est davantage cela—l'uniformité—et le fait aussi que la commission a les pouvoirs nécessaires pour ordonner des recours en matière de dotation.
M. Leon Benoit: Je crains que cela ne soit toujours confus pour moi. Une explication un peu plus poussée me serait vraiment utile, ou alors donnez-moi un exemple.
Mme Maria Barrados: Vous me permettez?
L'audit qui a été effectué au Bureau du commissaire à la vie privée a mis en lumière un certain nombre de problèmes, car il n'y en avait pas qu'un seul. Et c'est d'ailleurs souvent ce qui arrive. Le rapport de la vérificatrice générale portait pour moitié sur l'aspect financier de la chose, des malversations sur le plan financier, et pour moitié sur des problèmes de gestion des ressources humaines. En outre, la Commission de la fonction publique avait elle aussi fait enquête et effectué un audit dans le cas de certaines opérations de dotation. Tout cela s'est déroulé en même temps.
Ce que nous disons maintenant, c'est que pour ce genre de charge, s'il y a effectivement eu acte répréhensible, s'il y a eu malversation, le système fonctionnerait beaucoup mieux si un des volets de la plainte qui, selon le commissaire à l'intégrité, devrait faire l'objet d'une enquête, était plutôt transmis à ceux qui ont les compétences voulues pour faire enquête. À ce moment-là, tout se déroulerait en même temps. Par ailleurs, tout se retrouverait devant la Commission de la fonction publique qui a, contrairement au commissaire à l'intégrité, les pouvoirs nécessaires pour ordonner des recours.
M. Leon Benoit: D'accord. Mon collègue va maintenant poser une petite question sur le même sujet.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC): En effet, vous avez évoqué le cas du commissaire à la vie privée. J'étais là à l'époque, et c'est un peu à cause de moi que la commission est intervenue, mais à la suite de cela, puisque vous aviez le pouvoir d'ordonner des recours—et je ne veux pas citer de noms—j'aimerais savoir combien de gens ont été licenciés, combien ont été rétrogradés ou ont vu leur poste reclassifié, ou encore ont dû rembourser une indemnité de départ outrancière?
J'aimerais avoir un genre d'instantané de la situation. Vous nous dites que vous avez les pouvoirs nécessaires pour ordonner des recours. Mais alors combien de gens au juste ont été touchés et quels ont été les recours que vous avez pu imposer dans ce cas-là? Cela nous donnerait un excellent exemple de ce dont vous nous parlez aujourd'hui.
Mme Maria Barrados: Monsieur le président, comme vous le savez, il y a eu dix enquêtes bien précises. Il y a eu des accusations très précises. Les vérificateurs ont constaté que les valeurs du régime de dotation n'avaient pas été respectées et se sont penchés sur dix cas bien précis pour voir si les lois avaient été respectées et déterminer les décisions à prendre dans ces cas.
Nous sommes en train de terminer ce travail et je vous ai dit dans une lettre que je vous ai adressée en février, monsieur le président, que dans un de ces cas nous révoquions une nomination. Nous suivons une procédure. Il y a des gens qui ne sont plus là, donc ce n'est plus un problème, et nous sommes en train de conclure tout cela et de vous préparer un rapport complet sur la question. Nous sommes en train de le terminer.
Mais sur ces dix cas, il y a celui dont nous vous avons déjà parlé où la personne a été révoquée. Plusieurs des autres ne sont plus là.
¿ (0940)
M. Paul Forseth: Quand vous dites que ces gens-là ne sont plus là, c'est parce qu'ils ont démissionné?
Mme Maria Barrados: Il y a eu divers scénarios. Ces gens ne sont plus au commissariat à la protection de la vie privée. Certains ont pris leur retraite, d'autres sont partis ailleurs.
Le président: Bon. J'aimerais essayer de tirer les choses au clair sur un problème important de communication. En vertu de la loi proposée, un employé faisant état d'actes répréhensibles ne s'adresserait en aucune circonstance à la CFP. C'est bien cela?
Mme Maria Barrados: En fait, si, ce serait possible. Nous avons des vérifications, des appels et des enquêtes.
Le président: Bon.
Je pose la question parce que le projet de loi prévoit la création d'un agent supérieur qui est chargé de s'occuper des actes répréhensibles qui sont définis ici. Si cet agent supérieur détermine qu'il s'agit d'une question ou d'un grief lié à l'emploi, l'affaire est transmise à la CFP. S'il s'agit véritablement d'un acte répréhensible en vertu de la loi, la CFP pourra s'en occuper, et si l'employé n'est pas satisfait, il pourra s'adresser au commissaire s'il estime qu'il n'y a pas d'autre solution.
Je pense qu'une fois la question transmise au commissaire, comme vous le disiez tout à l'heure, le commissaire pourra simplement dire : « Envoyez la question à la CFP, parce que cela ne relève pas de nous ».
Est-ce que c'est comme cela que les choses fonctionneraient à votre avis?
Mme Maria Barrados: Ce que nous disons, c'est qu'il vaudrait mieux, s'il s'agit d'une plainte liée à la dotation qui aboutit entre les mains du commissaire ou d'un ensemble de questions de dotation qui sont soumises au commissaire, que l'affaire soit transmise à la CFP. Il ne s'agit pas de savoir si l'affaire « pourrait » être transmise à la CFP.
Le président: Une question de dotation.
La définition d'acte répréhensible est-elle claire?
Mme Maria Barrados: Monsieur le président, comme je vous l'ai déjà dit, j'ai examiné toutes sortes de définitions et je ne suis pas certaine qu'une seule d'entre elles soit la réponse absolue.
Le président: Oui, c'est ce que je crains.
Mme Maria Barrados: Souvent, c'est une question de subjectivité.
Le président: Monsieur Gaudet, allez-y.
[Français]
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président. J'aimerais demander à M. Arseneault, qui est juriste, ce qu'il pense du projet de loi C-25 dans son ensemble. Pour un employé de la fonction publique qui voudrait dénoncer quelqu'un, croyez-vous que ce serait un bon outil?
M. Gaston Arseneault: Vous me demandez vraiment d'exprimer une opinion. J'ai lu les témoignages des témoins et celui du ministre. J'ai trouvé intéressant que le ministre mette dans la balance les buts qu'il voulait atteindre avec cette loi et la volonté de protéger certains intérêts. Selon lui, il y a un équilibre à maintenir. Selon ce qu'il disait, et je trouvais pour ma part que c'était raisonnable, il avait voulu, avec ce projet de loi, trouver un juste équilibre consistant à permettre les dénonciations tout en évitant l'abus de procédures. Dans cette perspective, j'ai trouvé que le projet de loi créait une forme d'équilibre.
M. Roger Gaudet: Oui, mais selon l'article 19, le ministre peut mettre... Mon reproche est que le commissaire doit faire rapport à un ministre, alors que la vérificatrice générale, elle, rend des comptes directement au Parlement. C'est ce qui me fait peur.
On a reçu cette semaine des lettres d'un dénommé Ken Rubin. Je suis sceptique et j'ai peur que cela devienne un genre de KGB. Ce n'est peut-être pas l'endroit pour en parler, mais on entend dire, concernant le Programme de commandites, qu'après que la vérificatrice générale a pris en main certains dossiers, elle a trouvé des lacunes dans des vérifications internes qui avaient été jugées satisfaisantes.
Quelque chose me dérange dans le fait que tout le monde a un genre de droit de veto. Si le ministre, l'agent supérieur ou le commissaire, parce qu'il rend des comptes au ministre, dit qu'on laisse cela mort, cela me pose un problème. Je suis d'avis que le commissaire devrait rendre des comptes au Parlement, tout comme la Commission de la fonction publique et Mme Sheila Fraser. Pour quelle raison le commissaire ne rendrait-il pas aussi des comptes au Parlement? Sinon, quelqu'un pourrait l'arrêter.
¿ (0945)
Mme Maria Barrados: C'est très important pour le comité d'avoir une opinion sur ces questions. Pour moi, comme présidente intérimaire de la Commission de la fonction publique, il est très important d'avoir ces relations avec le Parlement et, avec la nouvelle loi, d'avoir l'autre article qui me donne le pouvoir de faire rapport directement au Parlement. J'ai l'intention d'utiliser ce pouvoir.
M. Roger Gaudet: Vous ne m'avez pas encore donné votre opinion. On dirait que vous êtes sceptique face à la loi, monsieur Arseneault.
Mme Maria Barrados: Comme fonctionnaires de la Commission de la fonction publique, il nous est très difficile de donner une opinion sur la loi dans son ensemble. Nous avons comme objectifs ici aujourd'hui de parler de l'impact du projet de loi sur la Commission de la fonction publique et de faire part de notre expérience dans nos relations avec le Parlement. Nous donnons notre plein appui à l'intention de la loi.
M. Roger Gaudet: C'est bien. Merci.
[Traduction]
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je suis un peu sidéré de ce que vous nous dites. J'en reviens à l'affaire Radwanski, et je sais que c'était avant votre époque, mais nous avons eu un employé qui a déposé clairement une plainte à la Commission de la fonction publique et il ne s'est rien passé. Donc, il y a aussi ce genre d'histoire.
Je vous ai écoutée parler de votre modèle et de votre vision de la façon dont la Commission de la fonction publique devrait s'intégrer dans tout cela. Je me demande si c'est vraiment une bonne procédure de demander au commissaire à l'intégrité de faire rapport ou de transmettre un dossier à la Commission de la fonction publique qui enquêtera alors. On a l'impression que cela peut durer une éternité. Vous me dites que vous êtes en train de faire des recommandations sur les mesures à prendre à propos du dossier Radwanski, mais j'ai l'impression que c'est une affaire dont nous nous sommes occupés il y a une éternité.
Si l'on se place dans une perspective d'efficacité, si l'on veut s'occuper rapidement d'une plainte, est-il vraiment logique de suivre la procédure dont vous parlez?
Mme Maria Barrados: Vous posez beaucoup de questions ici. Pour ce qui est de l'affaire Radwanski, je ne faisais pas partie de la Commission de la fonction publique, mais j'étais au Bureau du vérificateur général et je me suis occupée d'assez près de cette vérification. Vous avez raison de dire que des employés ont transmis des plaintes à la Commission de la fonction publique et au Conseil du Trésor et qu'il ne s'est rien passé.
En revanche, dès qu'un agent du Parlement s'en est mêlé et que le comité s'en est mêlé, les choses se sont mises à bouger. Cela montre que le mécanisme de renvoi fonctionne bien. Quand le comité et la vérificatrice générale vous ont dit qu'il fallait s'occuper de ces problèmes, on s'est mis à s'en occuper de très près.
Pour ce qui est de la durée de la procédure, même si on a l'impression que cela remonte à bien longtemps, toute cette affaire, ou plus exactement les enquêtes n'ont vraiment débuté qu'au début de l'hiver—parce qu'il fallait que les gens soient là et il fallait faire les choses dans les règles. J'estime qu'il est très important de faire les choses dans les règles—même si l'on peut gagner du temps—parce que c'est de l'emploi des gens qu'on parle. Et s'ils perdent leur emploi, les répercussions sont énormes.
Nous avons une procédure quasi judiciaire que nous devons suivre pour protéger les droits de toutes les personnes concernées, surtout lorsqu'il s'agit non pas de recommander une procédure quelconque, mais bien de déterminer si quelqu'un va garder ou non son emploi.
Votre autre question portait sur l'efficacité. Je pense franchement que c'est plus efficace. Je crois que plusieurs affaires sont complexes et comportent de nombreux aspects. C'est certainement vrai dans le cas du commissaire à la protection de la vie privée et de plusieurs autres des enquêtes dont nous nous occupons. Ce n'est pas une question unique. Parfois, c'est juste une question, mais dans ces affaires, ce n'est pas une simple question, mais tout un ensemble complexe.
Si l'agent à l'intégrité fait son évaluation et estime qu'il y a une importante question de dotation, il doit transmettre l'affaire à la Commission de la fonction publique et nous enquêterons. Nous pouvons négocier le délai d'exécution, mais nous respecterons les règles.
¿ (0950)
M. Alex Shepherd: Pour en revenir à la notion de discipline, j'imagine qu'il faut quand même que les mesures interviennent dans un délai pas trop éloigné du moment de l'acte répréhensible. Autrement dit, j'imagine que vous voulez créer à la fonction publique et ailleurs la notion qu'il est incorrect de tolérer des actes répréhensibles, etc.
Or, si l'enquête prend un an et si l'on met fin discrètement aux fonctions de quelqu'un, je ne suis pas sûr qu'on atteigne vraiment le but recherché.
Mme Maria Barrados: Je pense que c'est un bon point. Cela dépend de deux choses : à quel moment les problèmes ont été soulevés et quel processus a été suivi.
Dans le cas du commissaire à la protection de la vie privée, ces questions n'ont jamais été soulevées pour fins d'enquête—et je suis d'accord avec vous que l'on n'a pas donné suite à certains avertissements. Je peux vous dire que cela ne se produira pas sous ma direction. Si une chose comme celle-ci se produit, les vérificateurs seront immédiatement mis au courant.
M. Alex Shepherd: Vous dites que vous avez les ressources pour faire enquête tandis que le commissaire à l'intégrité n'en a peut-être pas.
Mme Maria Barrados: Les ressources, les compétences et le cadre législatif.
Le président: Merci.
Mme Guay a une petite question.
[Français]
Mme Monique Guay: J'ai une dernière petite question. Vous sembliez, tout à l'heure, dire qu'il y avait possibilité de chevauchement ou de dédoublement entre le projet de loi C-25 et ce que vous faites déjà. Est-il possible qu'il y ait des dédoublements, et comment pouvons-nous corriger cela dans notre projet de loi? Est-ce qu'il y a des choses que nous pourrions modifier pour vous aider et pour éviter une situation comme celle-là?
Mme Maria Barrados: Oui, c'est possible. Il n'y a pas d'obligation pour le commissaire de faire appel à la Commission de la fonction publique. Il y a une discrétion.
Mme Monique Guay: Comment pourrait-on corriger cela? Monsieur Arseneault, vous êtes le législateur.
M. Gaston Arseneault:
Selon l'article 25 du projet de loi:
Le commissaire peut ne pas donner suite à une dénonciation s’il estime [...]: |
b) que la dénonciation pourrait avantageusement être instruite, dans un premier temps ou à toutes les étapes, selon la procédure prévue par une autre loi fédérale; |
Cela signifie que c'est le commissaire qui a la discrétion de déterminer si oui ou non le dénonciateur devrait aller à l'autre endroit. Nous estimons que ceci devrait être changé dans des circonstances comme celle-là; on devrait dire qu'il doit le faire. S'il y a une autre instance fédérale qui est mieux placée pour examiner cette question, étant donné que c'est une question de dotation, il devrait, dans ces circonstances, la soumettre à la commission.
Mme Monique Guay: D'accord. Merci pour l'information.
[Traduction]
Le président: M. Forseth a une question.
M. Paul Forseth: Merci.
Vous avez dit qu'il était souhaitable de remanier le projet de loi pour les questions qui relèvent de votre ressort et de vos compétences.
Qu'en est-il du pouvoir à l'heure actuelle de prendre des mesures correctives à l'égard de quelqu'un qui se trouve dans les régions? Prenons le cas d'un concours à un niveau inférieur—où vous n'intervenez pas en particulier, puisque c'est un secteur délégué—et tout le monde sait que le concours était arrangé et que c'est le favori qui a eu la promotion. Les gens qui sont au même niveau ne sont pas très contents. Ils n'avaient peut-être pas posé leur candidature, de sorte qu'ils ne peuvent se plaindre directement, mais ils viennent vous voir et demandent à votre bureau de faire enquête, car tout le monde au niveau inférieur sait que le concours était arrangé?
Ils ne peuvent se plaindre à leurs superviseurs, car la direction locale a des favoris. À qui peuvent-ils s'adresser? Avez-vous vraiment le pouvoir d'intervenir et de corriger cette situation?
¿ (0955)
Mme Maria Barrados: Monsieur Forseth, oui, nous pouvons intervenir.
Aux termes du nouveau projet de loi, ou du projet de loi révisé, on nous imposera davantage de limites en ce qui concerne les processus internes. Il y aura des processus à suivre au sein du ministère, mais à l'heure actuelle nous intervenons. Nous examinons ces cas.
M. Paul Forseth: Vous dites donc que le projet de loi que nous avons adopté limitera votre capacité d'intervenir.
Mme Maria Barrados: Oui. La loi révisée sur l'emploi dans la fonction publique limite nos pouvoirs en ce qui a trait aux questions internes. C'est pourquoi, pour ces enquêtes nous demandons... Pour tout dossier qui nous est renvoyé par le bureau de l'agent à l'intégrité, nous pouvons faire enquête. Dorénavant, avec le nouveau projet de loi, ce sera laissé à la discrétion du sous-ministre.
M. Paul Forseth: Voilà qui est intéressant. Alors, si vous obtenez la bonne désignation dans le projet de loi C-25, on pourrait dire que de façon indirecte, cela pourrait éliminer certaines restrictions contenues dans le projet de loi C-25 précédent.
Mme Maria Barrados: Non, ce n'est pas là mon intention. J'ai l'intention de ne traiter que les plaintes provenant du commissaire à l'intégrité, de sorte que cela ne représente qu'un tout petit nombre de plaintes. Voilà le genre de questions que nous pourrions soulever lorsque nous réexaminerons le projet de loi dans cinq ans. Nous n'avons pas l'intention ici d'apporter des changements ou des amendements importants au projet de loi. Il s'agit en réalité uniquement de régler ce problème.
M. Paul Forseth: Il s'agit tout simplement de faire en sorte qu'il y ait un processus prévu pour les employés à un niveau inférieur lorsqu'il y a un concours, un processus professionnel, plutôt que d'avoir tout simplement les gestionnaires qui choisissent leurs favoris.
Mme Maria Barrados: Ils peuvent le faire à l'heure actuelle.
Le président: Nous devons vraiment obtenir un avis de la CFP à ce sujet.
Les employés ont un devoir de loyauté à l'égard de leur employeur, mais le projet de loi à l'étude dit que cela est discrétionnaire; qu'ils peuvent signaler un acte répréhensible.
À votre avis, la dénonciation des actes répréhensibles devrait-elle être à la discrétion de l'employé, ou le projet de loi devrait-il stipuler que les employés doivent dénoncer des actes répréhensibles?
Mme Maria Barrados: Je n'ai pas vraiment de point de vue sur la question.
Le président: Je veux dire par rapport au devoir d'allégeance—les fonctionnaires sont assermentés.
Mme Maria Barrados: Ce qui me préoccupe, c'est la Loi sur l'emploi dans la fonction publique et les droits des employés aux termes de cette loi.
Le président: Très bien.
Les représailles semblent préoccuper énormément bon nombre de gens qui ont comparu devant notre comité. Si cela est effectivement le cas, particulièrement alors que cette loi devrait être considérée comme visant les cas les plus graves... Nous parlons ici de cas graves de mauvaise gestion, de manquements graves, de questions liées à l'environnement, à la santé et à la sécurité. Ce sont là des questions très graves; ce ne sont pas des griefs d'employés. Cela se rapproche énormément des activités criminelles, cela pourrait être considéré comme des actes à l'encontre du Code criminel.
Ne serait-il donc pas logique à ce moment-là de protéger le caractère confidentiel et l'intégrité de tout le processus, et de faire en sorte que toute allégation relative à des actes répréhensibles devrait être portée à l'attention d'une seule personne, notamment, le commissaire à l'intégrité?
Mme Maria Barrados: Nous ne disons pas que les fonctionnaires ne devraient pas s'adresser individuellement à une personne. Ce n'est pas ce que nous disons. Ce que nous disons, c'est que lorsque le fonctionnaire s'adresse à une personne au sujet d'un problème de dotation, c'est à la Commission de la fonction publique qu'il devrait s'adresser.
Pour ce qui est des représailles, souvent, elles se manifestent en refusant d'accorder une promotion ou une possibilité de dotation à un employé. Donc, la Commission de la fonction publique pourrait absolument intervenir car elle a pouvoir d'enquête.
Le président: Dans le cas des employés qui craignent des représailles, s'il n'y a pas une seule personne à qui ils peuvent s'adresser, j'imagine que leur seul recours est ultimement l'enveloppe brune.
Si des employés allèguent des actes répréhensibles... Ils ne connaissent peut-être pas tous les faits, mais s'ils allèguent que quelqu'un a commis un acte répréhensible, comment peut-on penser qu'ils puissent se sentir à l'aise d'en parler à un agent supérieur qui a été nommé par l'administrateur général de leur ministère?
À (1000)
Mme Maria Barrados: Il est clair que c'est là un point qui doit être pris en compte. Je peux vous dire qu'à la Commission de la fonction publique, nous prenons les enveloppes brunes très au sérieux. Nous les examinons, et s'il y a quoi que ce soit qui laisse entendre qu'il pourrait y avoir des problèmes, nous examinerons la situation.
Le président: Très bien.
Enfin, le projet de loi inclut certains aspects concernant les allégations frivoles ou vexatoires. Comme vous le savez, aux termes des règles d'éthique ou des codes de déontologie professionnelle, ce n'est pas au dénonciateur de déterminer si une allégation est frivole ou vexatoire; c'est à d'autres de le faire. Par conséquent, si on inclut de tels concepts et qu'il y a des représailles si une allégation est frivole ou vexatoire, cela pourrait en fait dissuader les gens à faire des allégations, car ils ne sauraient pas si elles sont frivoles ou vexatoires.
Devrions-nous donc envisager la possibilité d'abandonner tout le concept de l'allégation frivole ou vexatoire et dire tout simplement : « Si vous savez ou si vous avez raison de croire... »? Vous voulez que les gens portent ces questions à leur attention, et c'est à eux de déterminer si ces allégations sont ou non fondées. L'employé ne fera essentiellement rien de plus que de présenter de l'information qui peut être ou ne pas être une observation ou une allégation valable.
Mme Maria Barrados: Le défi pour le comité consiste à trouver un juste équilibre entre les droits de toutes les personnes concernées. Il y a les droits de la personne qui a une plainte, mais il y aussi les droits des personnes qui sont visées par la plainte, et il s'agit de trouver le juste équilibre.
Le président: Nous vous demanderons peut-être de revenir.
M. Benoit a une question.
M. Leon Benoit: Je ne vous ai pas entendu prendre position à cet égard, mais à votre avis, est-il important que le commissaire de la fonction publique n'ait des comptes à rendre qu'au Parlement?
Mme Maria Barrados: Je suis venue ici avec l'intention de ne pas me lancer dans un débat sur la politique car c'est à votre comité d'avoir un tel débat. Je le dis uniquement en mon nom personnel, à titre de dirigeante d'un organisme qui a des pouvoirs exécutifs—un organisme tout à fait hybride, et j'ai des pouvoirs exécutifs et des pouvoirs de réglementation—la nouvelle loi me donne directement accès au Parlement, ce qui est très important.
La loi actuelle me donne un lien avec un ministre uniquement dans le but de transmettre mon rapport. Ce ministre n'a jamais changé un de mes rapports. C'est un mécanisme de transmission. Je n'ai pas rencontré le ministre actuel. Encore une fois, cela renforce le lien avec le Parlement. Cela est très important pour que je puisse faire mon travail.
C'est donc à votre comité de déterminer comment vous voulez que le commissaire à l'intégrité fasse son travail.
Le président: Madame Barrados, monsieur Arseneault, monsieur Gauld, merci beaucoup de votre comparution aujourd'hui.
Certaines questions commencent à se préciser. Nous nous sommes engagés à aider à l'adoption d'un projet de loi, mais nous nous sommes également engagés à bien faire notre travail. Je suis certain que nous voudrons que vous reveniez nous rencontrer pour examiner peut-être plus en profondeur le fonctionnement réel du processus et ce que cela signifie pour les employés lorsqu'ils se retrouvent dans certaines situations.
Ont-ils les outils leur permettant de déterminer un problème lié à l'emploi? Doivent-ils savoir ce qui constitue un acte répréhensible et connaître toutes les définitions? Qu'est-ce qu'un cas grave de mauvaise gestion par rapport à un cas de mauvaise gestion? Doivent-ils savoir à qui s'adresser d'abord, ou devraient-ils avoir un choix? Est-ce que cela compromet les responsabilités qui relèvent déjà de la CFP, ou est-ce qu'il y a dédoublement de ces responsabilités?
Il y a beaucoup de matière dans tout cela, mais l'important, c'est que tout le monde veut avoir un projet de loi qui stipule que s'il y a un acte répréhensible, tel qu'on l'a défini, on détermine que c'est le cas, on le signale promptement, on règle le cas de façon opportune, et on trouve une solution de façon opportune. C'est dans l'intérêt public. Cela est bénéfique à tous.
Je ne sais pas si nous en sommes déjà là, mais je sais que nous aurons besoin de votre aide pour nous assurer d'y arriver. Nous devons avoir l'appui de la CFP pour ce projet de loi puisque, ultimement, il fera l'objet d'un rapport à la Chambre.
Merci. Nous sommes impatients de vous entendre à nouveau sur cette question.
À (1005)
Mme Maria Barrados: Merci, monsieur le président.
Le président: Nous allons interrompre les travaux, le temps de demander à nos témoins suivants de s'approcher.
À (1005)
À (1012)
Le président: Nous recevons maintenant Joanna Gaultieri, qui représente la Federal Accountability Initiative for Reform, FAIR.
Bienvenue. Je crois comprendre que vous avez une brève déclaration pour le comité. Je voudrais que vous soyez à l'aise. Nous voulons que vous compreniez ce que nous vous demandons. Vous avez accepté de venir nous rencontrer pour nous aider à mieux comprendre ce projet de loi, son intention, et ce que nous pouvons faire pour l'améliorer. Nous sommes impatients d'entendre vos observations. Je sais que les membres du comité voudront vous poser des questions, alors je vous demanderais de bien vouloir commencer.
Mme Joanna Gaultieri (Federal Accountability Initiative for Reform (FAIR)): Merci, monsieur le président.
Je voudrais remercier le comité de l'occasion qui m'est donnée d'avoir un dialogue utile sur le devoir du gouvernement d'assurer réellement une protection légale aux dénonciateurs. Les employés, par leurs actes individuels de conscience, servent l'intérêt public en divulguant des actes répréhensibles et illégaux au sein des institutions.
J'ai eu très peu de préavis, de sorte que j'ai préparé mon allocution et d'autres documents utiles que j'ai remis au comité afin qu'il les fasse traduire. Il y a entre autres un exemple de projet de loi sur la dénonciation, une initiative non partisane présentée à la Chambre des communes par M. Grewal et débattue l'an dernier, ainsi que la déclaration des droits des dénonciateurs rédigée par Tom Devine, directeur juridique du Government Accountability Project qu'on appelle le GAP, qui est à l'heure actuelle l'expert mondial sur la protection des dénonciateurs; et finalement, une liste de vérification en 23 points préparée par le GAP, qui donne les éléments essentiels pour la protection efficace des dénonciateurs.
J'exhorte les membres du comité à consulter cette documentation puisqu'elle donne une bonne idée des leçons apprises et de l'approche à adopter afin d'atteindre notre objectif commun qui consiste à améliorer l'obligation de rendre des comptes au public et à restaurer la confiance dans nos institutions gouvernementales.
Examinons la question du la pertinence du projet de loi C-25. La question ultime à laquelle nous sommes confrontés au cours de ces audiences, c'est l'engagement du Canada à l'égard des droits humains et constitutionnels. C'est parce que la liberté d'expression réelle, telle que garantie dans notre Charte, inclut nécessairement le droit pour les employés de dénoncer les actes illégaux et les actes répréhensibles qui nuisent à l'intérêt public ou qui le menacent. Plus précisément, le premier ministre Martin a promis d'introduire une protection pour les dénonciateurs.
Afin de comprendre jusqu'à quel point le travail de votre comité est important, nous devons examiner le contexte dans lequel cette promesse a été faite. Les Canadiens sont profondément désillusionnés par l'absence d'intendance et d'obligation de rendre compte au sein des institutions gouvernementales. Il y a eu promesse de renouveau, de bonne gouvernance et de transparence. On reconnaît de plus en plus que la protection des dénonciateurs constitue un bon instrument de changement social et une bonne politique publique.
À notre avis, étant donné la situation actuelle, il est déraisonnable que le gouvernement ait répondu par le projet de loi C-25. Il représente à peine plus qu'un cheval de Troie qui crée l'illusion d'être autre chose plutôt que ce qu'il est en réalité et qui ne respecte pas la promesse du gouvernement. Au lieu de protéger réellement les employés consciencieux contre les représailles, il n'offre qu'une protection de papier très dangereuse. Plutôt que d'habiliter les travailleurs, il impose un régime restrictif régissant l'expression de l'insatisfaction professionnelle et renforce une tolérance pour les manoeuvres de gestion arbitraires et discrétionnaires. Si le gouvernement veut réellement restaurer la confiance du public, vraiment faire son devoir comme fiduciaire des ressources publiques et rétablir la fonction publique comme une vocation noble et valable, il doit retirer le projet de loi C-25 et le remplacer par une protection valable.
Il est utile, à mon avis, d'examiner un peu le contexte de la dénonciation. La question de la dissidence consciencieuse fait l'objet d'un débat depuis plus d'une décennie. Les représailles sont bien documentées, notamment la marginalisation, les rétrogradations, la mise sur une liste noire, les menaces, l'humiliation, les poursuites spécieuses, les renvois et le retrait de travail satisfaisant. Les statistiques aux États-Unis révèlent que 85 p. 100 des dénonciateurs subissent une forme de représailles.
Les conséquences peuvent avoir un impact profond tout au long de la vie du dénonciateur et des conséquences tragiques pour le Canada. Imaginez les vies qui auraient pu être sauvées et les souffrances qui auraient pu être évitées si quelqu'un avait dénoncé le scandale de la contamination du sang au Canada. On aurait pu éviter le décès de victimes innocentes à Walkerton. Si des fonctionnaires avaient été libres de parler, on aurait pu mettre à jour le scandale fiscal du registre des armes à feu et les dépenses du programme de commandites.
L'argent qui aurait ainsi été économisé aurait pu être investi dans les soins de santé, la garde des enfants, les collectivités autochtones et des maisons pour les sans-abri. Les ressources parlementaires et politiques valables qui sont maintenant dépensées pour une enquête tortueuse et déroutante après les faits serviraient plutôt à lancer un débat sur des questions publiques importantes.
Pour bon nombre de Canadiens, l'insulte ultime a été l'image de l'ancien commissaire à la protection de la vie privée avec son attitude belligérante et intimidante à l'égard des membres du personnel qui ont remis en question ses dépenses.
À (1015)
On a ainsi trahi de façon troublante la confiance du public, mais en l'absence d'une protection légitime des dénonciateurs, il est difficile de connaître l'étendue réelle de l'ineptie et des actes répréhensibles dans la fonction publique et chez les politiciens. Un sondage effectué récemment par la firme Léger révèle qu'environ 70 p. 100 des Canadiens considèrent que leurs régimes politiques fédéral et provinciaux sont extrêmement ou passablement corrompus. Par conséquent, il est clairement temps de passer du débat à une réforme sérieuse.
Quels sont donc les éléments d'une loi efficace de protection des dénonciateurs? Il est toujours difficile de maintenir des lois équitables en matière de dénonciation. C'est un défi, puisque le pouvoir a soif de secrets et veut se mettre à l'abri de tout examen minutieux. La réponse intuitive est donc de supprimer la divulgation.
À notre avis, le projet de loi C-25 est tellement vicié qu'il est très peu utile. Plutôt que de proposer des amendements article par article, FAIR estime qu'il vaudrait mieux que le Parlement prenne le temps de parler de la liste de vérification en 23 points proposée par le GAP.
Nous soulignons par ailleurs la critique sévère de M. Keyserlingk à l'égard du projet de loi C-25, mettant l'accent sur le manque d'indépendance et la nécessité de divulguer à son patron. FAIR est d'accord avec son évaluation, mais voudrait faire même d'autres mises en garde au sujet de l'insuffisance des recours pour le dénonciateur et le fait qu'il n'a aucun droit devant nos cours de justice traditionnelles.
Étant donné le manque de temps, je ferai des observations sur certains des éléments les plus essentiels.
Il y a d'abord le plein droit à la libre expression. Les dénonciateurs seraient libres de dénoncer tout acte répréhensible où que ce soit, à n'importe quel moment, devant n'importe qui, à moins que la publication de l'information soit spécifiquement interdite par la loi. Il faudrait souligner que les études démontrent que presque invariablement, les dénonciateurs se donnent beaucoup de mal pour suivre le processus interne.
Le deuxième élément consiste à permettre toutes les divulgations d'acte répréhensible ou illégal. La divulgation doit s'étendre à tout acte illégal, aux cas graves de gaspillage, de mauvaise gestion, et d'abus de pouvoir, importants et qui présentent un danger spécifique pour la sécurité ou la santé publique, ainsi qu'aux politiques en milieu de travail, aux directives, règles et règlements. Il vaut la peine de souligner que le projet de loi C-25 n'inclut pas dans la définition d'acte répréhensible le non-respect des politiques et des manuels du Conseil du Trésor, étant donné que ce sont ces vastes compendiums de manuels du Conseil du Trésor qui régissent le fonctionnement quotidien du gouvernement.
Il y a un troisième forum pour l'adjudication des droits des dénonciateurs. Nous disons qu'ils doivent avoir accès à nos tribunaux traditionnels pour avoir un processus judiciaire efficace. L'allégation peut être substantielle et très gênante pour le gouvernement, et les tribunaux constituent la seule tribune qui soit suffisamment indépendante pour servir d'arbitre ultime dans le cas d'une allégation.
Le projet de loi C-25 stipule que les dénonciateurs doivent s'adresser à la CRTFP, la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Il s'agit là d'un processus purement administratif et la commission n'a aucune expérience de la dénonciation et n'a jamais eu le pouvoir de trancher dans les cas d'abus de pouvoir et de harcèlement. Les commissaires sont nommés par le gouverneur en conseil et sont souvent d'anciens hauts fonctionnaires. Ils n'ont pas la confiance des fonctionnaires.
Il y a enfin la question des mesures correctives. Des études révèlent que les employés restent silencieux pour deux principales raisons : premièrement, ils n'ont absolument pas confiance que quoi que ce soit changera à la suite de leur divulgation; et deuxièmement, ils craignent des représailles. Il est clairement dans l'intérêt public que des mesures correctives soient prises. Le projet de loi doit donc exiger la création d'une agence indépendante et solide ayant pleins pouvoirs d'enquête et le pouvoir d'ordonner à un ministre de prendre des mesures correctives. Pour être efficace, un ministre pourrait être accusé d'avoir enfreint la loi s'il ne prenait pas de mesures correctives. Le dénonciateur doit être engagé dans ce processus; ce n'est pas le moment de priver le dénonciateur de ses droits. Par ailleurs, il faudrait garder un service central de dépôt des rapports.
J'aimerais dire quelques mots au sujet de FAIR. Après avoir dénoncé des actes répréhensibles lorsque j'étais au ministère des Affaires étrangères, deux choses sont apparues clairement : premièrement, le public a une reconnaissance profonde à l'égard des fonctionnaires qui ont le courage de s'exprimer dans l'intérêt public, et deuxièmement, les tactiques testées et réelles de camouflage et de représailles détruisent bon nombre de fonctionnaires dévoués et consciencieux.
Dans l'espoir de faire une différence, FAIR a été créée comme première organisation sans but lucratif d'intérêt public du Canada afin de protéger les droits des dénonciateurs et l'intérêt public.
À (1020)
Notre plus grande réalisation, ce fut de faire reconnaître les dénonciateurs comme agents indispensables de l'intégrité de l'organisation et de l'imputabilité publique. Des centaines d'entre eux ont fait connaître leurs expériences douloureuses. Ce qui ressort clairement, c'est qu'une organisation telle que la nôtre, non partisane et indépendante du gouvernement, est essentielle.
Je terminerai par ceci : notre gouvernement doit maintenant traduire ces belles paroles en action et protéger de façon réelle les dénonciateurs qui, parce qu'ils ont été témoins de la naissance des scandales, sont indispensables pour combler le fossé du secret. Ils représentent les idéaux les plus élevés de la fonction publique et illustrent la norme la plus élevée de la loyauté à l'égard de l'intérêt à long terme de l'organisation. Le seul crime qu'ils aient commis, c'est d'avoir dit la vérité.
Le sain exercice du pouvoir respecte et tolère la dissension; conjugué à une autorité éclairée, il pourrait éventuellement enlever toute raison d'être à la dénonciation. Le Canada étant une société démocratique et éclairée, il doit réaffirmer son engagement traditionnel à l'égard des droits et libertés fondamentales et à la protection des résistants pour cause de déontologie.
Merci, monsieur le président, et j'entendrai avec plaisir vos commentaires là-dessus.
À (1025)
Le président: Merci.
Nous commençons par M. Benoit.
M. Leon Benoit: Je remercie Mme Gaultieri d'avoir comparu ce matin et de nous avoir parlé si éloquemment.
J'aimerais tirer une leçon de vos propos, et la meilleure façon de faire est sans doute de vous prendre comme exemple. Vous semblez croire que lorsque vous avez présenté de l'information qui devait être connue de la population, à votre avis, on ne vous a pas traitée équitablement et le système ne vous a pas offert de protection contre des mesures de représailles que pourraient prendre vos supérieurs. Pourriez-vous nous expliquer brièvement quelle était la situation, et à partir de cela, nous pourrions peut-être voir comment modifier le projet de loi.
Mme Joanna Gaultieri: Merci de votre question.
Il importe de reconnaître que pour beaucoup de fonctionnaires—ceux qui ont vécu la même expérience que moi et d'autres encore à qui j'ai parlé—il ne s'agit même pas de dénoncer quoi que ce soit; ils veulent tout simplement faire leur travail. Or, ce faisant, ils se heurtent à des patrons dont les objectifs ne sont pas toujours ce qu'ils devraient être. C'est en tout cas ce que j'ai constaté.
J'ai travaillé aux Affaires étrangères et pris part à la gestion du portefeuille des affaires diplomatiques de plusieurs milliards de dollars. Il ne s'agissait pas pour moi de faire valoir mes propres idées sur la façon de faire, puisqu'il fallait suivre règlements pris par le Conseil du Trésor. Le problème, c'est que ces règlements s'empoussiéraient sur des tablettes et n'étaient pas respectés. Moi, j'essayais simplement de faire mon travail et j'ai passé des années à vouloir le faire. J'ai fini par aller voir le ministre.
Sa réaction a été de faire de l'obstruction : il a même menacé de m'attaquer en libelle diffamatoire pour avoir osé dire que quelque chose clochait. C'est ce qui arrive à la plupart des dénonciateurs : ils se trouvent pris dans un engrenage débilitant du simple fait qu'ils veulent bien faire leur travail.
M. Leon Benoit: Dans votre cas, vous avez dit avoir passé des années à essayer de dénoncer l'acte répréhensible que constituait l'irrespect des règles du Conseil du Trésor.
Mme Joanna Gaultieri: En effet, et j'ai d'abord voulu le faire par un dialogue à l'interne, comme le suggère justement le projet de loi. Le problème, dans ce que propose le projet de loi, c'est qu'il faut que quelqu'un—c'est-à-dire quelqu'un qui presque inévitablement a déjà suivi ce cheminement—fasse part à ses supérieurs du problème. Mais d'exiger dans le projet de loi que le dénonciateur retourne à la case départ pour recommencer sa démarche, c'est un gaspillage supplémentaire des deniers publics. C'est très naïf de votre part, et je pense que c'est mal avisé à l'égard de quelqu'un qui a sans doute vécu une longue et douloureuse expérience au travail. Non. J'ai bien sûr écrit à mon directeur général et au sous-ministre adjoint, rencontré ce dernier, écrit ensuite au sous-ministre, puis finalement au ministre.
M. Leon Benoit: Est-ce qu'on vous a avertie en cours de route de ne pas aller plus loin, ou est-ce simplement que l'on a fait de l'obstruction sans vous répondre d'aucune façon?
Mme Joanna Gaultieri: Il n'y a eu aucune enquête. Tout ce que je demandais, c'était de dialoguer. J'estimais que si nous ne suivions pas comme il se devait les procédures, il fallait documenter notre façon de faire; j'estimais essentiel que le gouvernement ait un dossier là-dessus de sorte que s'il y avait vérification, on pourrait comprendre pourquoi nous n'avions pas suivi les règles. Effectivement, il y a eu de l'obstruction, mais j'ai également fait l'expérience de harcèlement dégradant. On ne me donnait plus de travail, on a retiré mon nom du bottin téléphonique, ainsi que la plaque à l'entrée de mon bureau, et j'ai découvert qu'on avait annoncé publiquement que je n'avais plus d'emploi. On m'a envoyée dans un poste non existant. Comme quelqu'un l'a si bien expliqué, je suis devenue non existante pour l'organisation. C'était une agression terrible pour moi.
M. Leon Benoit: Pour que le projet de loi soit musclé, il faudrait, à votre avis, supprimer la nécessité de signaler la situation à un supérieur.
Mme Joanna Gaultieri: Ce qu'il faut comprendre, c'est que les dénonciateurs sont souvent dans une position très vulnérable. C'est une question de pouvoir. L'employeur en a beaucoup, alors que le dénonciateur n'en a pas.
Je ne propose pas ici d'aller louer un panneau publicitaire pour y expliquer quel est le problème. Mais il faut reconnaître toutefois la nécessité de laisser aux dénonciateurs plus d'autonomie pour qu'ils décident eux-mêmes quelles mesures prendre. On doit les habiliter, et c'est parfaitement absurde de les obliger à retourner vers les mêmes gens avec qui ils ont cherché en vain à ouvrir le dialogue. Cela ne changera rien.
À (1030)
M. Leon Benoit: Comment faire pour trouver le juste équilibre entre, d'une part, la nécessité de protéger les dénonciateurs et, d'autre part, celle de protéger ceux qui feraient l'objet de plaintes frivoles et injustifiées?
Mme Joanna Gaultieri: La fameuse pente glissante. D'un point de vue juridique, nous ne pourrons jamais prôner la suppression de certains droits, comme la liberté d'expression protégée dans la Constitution, tout simplement parce que certaines personnes pourraient en abuser. Voilà ce que je vous répondrai.
Le fait est que les études ont démontré que les dénonciateurs sont pour la plupart les employés les plus brillants, les plus engagés et les plus loyaux dans une organisation et qu'ils ont d'abord tout fait pour résoudre le problème à l'interne. Il peut toujours y avoir des plaintes frivoles, mais j'ai l'impression qu'il y en aura de moins en moins, et ce, rapidement.
C'est une démarche ardue et très dégradante, et en dernière analyse, il s'agit de se demander si ce que nous valorisons, c'est bien l'engagement public et l'intérêt public.
M. Leon Benoit: Je crois vous avoir entendue dire dans vos propos d'ouverture qu'il ne valait sans doute pas la peine d'essayer d'amender le projet de loi de façon à le rendre plus musclé.
Mme Joanna Gaultieri: Évidemment, on pourrait toujours revenir au projet de loi, mais il faudrait le modifier de fond en comble! De plus, reportons-nous à l'esprit du projet de loi. Quand on parle de « Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles dans le secteur public », on transmet comme message que l'on cherche surtout à juguler ou gérer la divulgation, plutôt que de protéger des dénonciateurs, qui est pourtant la raison d'être de notre réunion d'aujourd'hui. Les deux vont de pair, manifestement, mais je pense que, même si c'est subtile, l'impression qui se dégage du titre c'est qu'il faut gérer la dissension. C'est d'ailleurs ce qui a entraîné la confusion lors de la comparution la semaine dernière de M. Heintzman.
Il vaudrait la peine de regarder quelles sont les mesures prises dans les lois de protection des dénonciateurs, puisqu'il en existe beaucoup. Le projet GAP a été retenu par la CVMO en vue de la rédaction d'une loi modèle sur les dénonciateurs, et cela devrait constituer votre point de départ.
M. Leon Benoit: Pourriez-vous nous expliquer ce que vous entendez par la confusion lors de la comparution de M. Heintzman.
Mme Joanna Gaultieri: La semaine dernière, M. Heintzman, du Bureau des valeurs et de l'éthique a donné des explications d'ordre technique auxquelles j'ai assisté. Une des choses qu'il a déclarées dès le départ, c'est qu'il ne s'agissait pas là d'un projet de loi protégeant les dénonciateurs, mais plutôt d'une disposition proposant un mécanisme interne de divulgation.
En toute justice à l'égard de M. Coderre, celui-ci en a parlé plus tard à la Chambre; toutefois, il est important de partir du bon pied avec ce projet de loi-ci, puisqu'il est attendu depuis longtemps. Mais à mon avis, la meilleure façon serait de retourner à la case départ.
Le président: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci, monsieur le président.
Merci de témoigner devant nous ce matin. Je vois que vous êtes très engagée et très décidée. Quand ce projet de loi a été déposé, c'était dans le but de faciliter la tâche des dénonciateurs, de les soutenir dans leur cheminement et de les aider à dénoncer des pratiques qui ne sont pas justes et équitables, qui sont peut-être même illégales, sans qu'ils soient pénalisés ou perdent leur emploi.
Vous dites que le projet de loi est très mal écrit. En effet, il y a beaucoup de corrections à faire. J'ai deux ou trois petites questions à vous poser, entre autres sur le rôle du commissaire.
Mon parti souhaiterait, et je pense que plusieurs d'entre nous le souhaitent aussi, que le commissaire soit redevable directement à la Chambre, un peu comme l'est la vérificatrice générale. De cette façon, il aurait les mains libres et n'aurait pas besoin de passer par un ministre. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
Il est important que vous témoigniez de votre expérience personnelle. On ne voit pas toujours ce qui se passe dans les différents ministères, mais on peut en apprendre beaucoup de gens qui vivent des expériences difficiles comme celles que vous avez vécues. Ce serait intéressant aussi que, si vous voyez des amendements ou des choses à modifier dans le projet de loi, vous mettiez cela par écrit et que vous l'envoyiez au comité pour qu'on puisse, lors de l'étude article par article, proposer les modifications nécessaires et essayer d'améliorer le projet de loi au maximum. C'est très important qu'on ait une loi, mais c'est sûr qu'il y a des modifications à apporter.
Donc, que pensez-vous du rôle du commissaire et de celui des agents supérieurs dans les différents ministères?
À (1035)
[Traduction]
Mme Joanna Gaultieri: Au sujet de commissaire, vous avez tout à fait raison de dire que celui-ci devrait rendre des comptes directement au Parlement. J'irais encore plus loin. Le commissaire doit avoir un bureau indépendant ainsi qu'un budget indépendant. On n'en a pas beaucoup parlé, mais le budget est un aspect critique de son mandat. Rappelons-nous que le titulaire du poste de vérificateur général, qui jouit d'un grand respect de la part des parlementaires et de la population en général, a dû déjà à plusieurs reprises réclamer un budget plus imposant pour pouvoir faire son travail correctement.
Pour revenir à mon expérience personnelle, je répète que la plupart des gens ne savent pas que ce qu'ils s'apprêtent à faire, c'est dénoncer. Pour ces fonctionnaires dévoués à la tâche, il s'agit uniquement de faire leur travail. Par conséquent, ils ne se rendent compte souvent que beaucoup plus tard de ce qu'ils ont fait, après avoir subi des attaques dégradantes, avoir eu parfois de graves problèmes de santé, et avoir souvent perdu leur place au travail. J'ai déjà expliqué que les représailles sont souvent insidieuses et difficiles à cerner, et qu'elles sont par conséquent très difficiles à combattre. Aucun patron n'admettra avoir recours à des représailles. Ce que je suggère aux dénonciateurs, c'est de tenir assidûment un journal de leur expérience, car cela pourrait revêtir une importance inestimable.
Mais il faut également une campagne bien conçue et dynamique destinée à faire connaître les droits des dénonciateurs, pour qu'ils puissent se sensibiliser à ce qui pourrait leur arriver. C'est bien beau pour votre comité de proposer un projet de loi, si bon soit-il, mais si les fonctionnaires ne connaissent pas leurs droits et ne se sentent pas habilités à agir, ils se tortureront des heures dans leur bureau à ne savoir que faire.
Le Conseil du Trésor a publié lui-même des statistiques sur le taux de harcèlement dans la fonction publique, et le taux est très élevé. Une personne sur cinq se fait harceler. Puisqu'il n'y a pas de protection des dénonciateurs, et que ceux-ci se font souvent harceler, il est facile de faire le lien entre un taux malheureusement très élevé de harcèlement et le manque de protection des fonctionnaires.
Ce qui est très triste, c'est que de nombreux Canadiens entrent à la fonction publique avec de grandes attentes, et un grand désir de servir la population; or, ils constatent très vite que le milieu ne respecte ni ne tolère la dissension, que la créativité dans la pensée et les contributions valables ne sont pas valorisées, et qu'on finit petit à petit par accepter la situation, ce qui pose problème en soi. C'est une expérience dévastatrice, et voilà pourquoi je m'acharne pour que vous partiez du bon pied.
[Français]
Mme Monique Guay: D'accord, merci.
[Traduction]
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd: Vos commentaires ont porté presque exclusivement sur les dénonciateurs. Ce qui me préoccupe, notamment, préoccupe aussi d'autres témoins, à savoir l'idée que l'on puisse faire des dénonciations vexatoires. Je peux m'imaginer toutes sortes de choses, que quelqu'un veuille faire une dénonciation dans son propre intérêt. Supposons que quelqu'un a l'impression qu'il va perdre son emploi : il pourrait décider de faire une dénonciation, en espérant que son emploi sera protégé.
On a à peine mentionné des mesures disciplinaires à l'égard de ceux qui auraient fait des dénonciations vexatoires. Le projet de loi vise l'équilibre. Autrement dit, les peines imposées à ceux qui auraient été jugés coupables, si j'ose dire, d'actes répréhensibles dans la fonction publique pourraient également être imposées aux auteurs de dénonciations injustes et frivoles. Est-ce raisonnable d'espérer cela?
À (1040)
Mme Joanna Gaultieri: Non, ce ne serait pas raisonnable, à notre avis. Ce serait déraisonnable, car cela serait trop exiger de quelqu'un qui se débat déjà dans un milieu de travail où il lui est difficile de s'exprimer publiquement sur les intérêts de son patron.
Je le répète, il s'agit en dernière analyse de se demander ce que sont nos valeurs. Il est paradoxal de parler de libre expression, alors qu'elle est au fond secrète, ou exprimable uniquement à l'interne. C'est un peu contradictoire.
Ailleurs, lorsque l'on s'est penché sur la question des plaintes vexatoires, les études effectuées ont démontré que votre crainte ne se réalisait pas. Je suis convaincue que la plupart des gens veulent faire leur travail de façon honorable et veulent apporter à l'organisation une contribution. On constate également rapidement que de s'opposer au système et de contester le pouvoir est très difficile, et quiconque voudrait l'essayer pour de mauvaises raisons abandonnerait la partie très rapidement.
Vos craintes se comprennent, mais comme je l'ai expliqué, rien ne justifie juridiquement que l'on retire des droits à la population sous prétexte que certains en abuseront. D'autres lois l'ont reconnu, et n'importe quelle mesure progressiste risquerait de couler si on avançait à chaque fois l'argument de la pente glissante. Il faut donner une chance à la libre expression, et je crois que nous constaterons rapidement que les véritables dénonciateurs...
Après tout, les plaintes vexatoires ne constituent pas une véritable dénonciation, et les coupables ne seraient donc pas protégés par ce projet de loi-ci. D'ailleurs, je ne crois pas qu'ils trouveraient facilement d'oreilles pour les écouter.
M. Alex Shepherd: Mais quand on parle de droits, on parle invariablement des droits des dénonciateurs, alors que ceux qui auraient subi des préjudices pourraient ne pas en avoir.
Mme Joanna Gaultieri: Non. Ce dont je parle, ce sont de droits garantis par notre Constitution, à savoir la liberté de s'exprimer et de s'associer. Ce sont des droits fondamentaux, et on pourrait même dire inaliénables, puisqu'ils sont protégés par la Constitution. Voilà ceux dont je parle.
Ce qui ne veut pas dire que celui qui se trouve être la cible d'accusations peut-être malveillantes n'a pas de droits. La common law lui confère des droits, dont celui de déposer une action pour libelle diffamatoire. Si un employé est considéré comme faisant de l'insubordination, l'employeur peut lui imposer des mesures disciplinaires. Bien sûr que les droits existent, mais il s'agit ici d'un projet de loi qui vise à protéger l'intérêt public, et l'une des façons d'y parvenir, c'est en faisant connaître les actes répréhensibles.
M. Alex Shepherd: Mais croyez-vous que si le dénonciateur a tort, il devrait subir les conséquences de son erreur?
Mme Joanna Gaultieri: Celui qui fait une accusation malveillante ne devrait jamais s'en tirer impunément. À mon avis, il existe déjà des mesures pour traiter les cas de ce genre. Comme nous le savons, certains dénonciateurs ont été suspendus par leur employeur—je pense particulièrement à Santé Canada—-parce que l'employeur avait jugé que c'était de l'insubordination. Les mesures disciplinaires existent et on peut y avoir recours.
À (1045)
Le président: Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président.
Bienvenue à notre comité.
Dans vos commentaires du début, vous avez parlé de toutes sortes de documents que vous alliez fournir au comité. Vous avez parlé d'une liste de vérification notamment, que vous avez ensuite liée au GAP. Qu'est-ce que le GAP exactement?
Mme Joanna Gaultieri: C'est le « Government Accountability Project », une organisation fondée dans les années 70, dont l'administration centrale est à Washington, D.C., et qui a aussi un bureau à Seattle.
M. Paul Forseth: Avez-vous parcouru le projet de loi actuel à la lumière de votre liste de vérification, et pouvez-vous nous donner votre évaluation de la mesure législative? Est-ce parmi les documents que vous donnerez au comité?
Mme Joanna Gaultieri: Effectivement, nous l'avons fait, et le résultat a été négatif. Six éléments seulement ont été conformes et même là, il restait quelques problèmes.
M. Paul Forseth: Seulement six sur 25?
Mme Joanna Gaultieri: Oui.
M. Paul Forseth: Vous nous avez dit que vous aviez commencé par les processus internes poursuivis progressivement jusqu'au bout. Avez-vous jamais rencontré le ministre?
Mme Joanna Gaultieri: Non.
M. Paul Forseth: Vous lui avez uniquement écrit?
Mme Joanna Gaultieri: En effet, je lui ai écrit pour lui livrer une réflexion en fait sur deux éléments. Dans tous les cas ou presque, la dénonciation fait intervenir deux éléments : l'intérêt public d'abord et les représailles ensuite.
M. Paul Forseth: Vous a-t-il répondu?
Mme Joanna Gaultieri: Oui, les avocats du ministère de la Justice m'ont répondu. L'un des éléments était les menaces de poursuite en diffamation à mon endroit, mais le problème était qu'il n'y a jamais eu d'enquête.
M. Paul Forseth: Et qui était le ministre?
Mme Joanna Gaultieri: Il s'agissait de Lloyd Axworthy.
M. Paul Forseth: Avez-vous jamais tenté de communiquer avec le ministre actuel étant donné qu'il y a eu pas mal de permutation au moment du changement de la garde?
Mme Joanna Gaultieri: Non, je n'ai pas pris contact avec lui.
M. Paul Forseth: D'accord.
Mme Joanna Gaultieri: Je suis actuellement en congé non payé.
M. Paul Forseth: Vous nous avez également dit entre autres que le fait d'avoir un régime bureaucratique ne posait pas problème en soi, mais vous nous avez aussi parlé de la place des tribunaux et des mesures réparatoires qu'ils peuvent ordonner dans un cas comme le vôtre. Vous pourriez peut-être préciser un peu en nous disant s'il est utile, dans ce genre de régime, de pouvoir en appeler auprès d'un tribunal.
Mme Joanna Gaultieri: La question est excellente et c'est également un point très important. Pour commencer, je voudrais vous dire que j'espère bien que nous allons parvenir à créer à la fonction publique un niveau d'intégrité, d'éthique et d'intendance tel que cette loi ne sera jamais nécessaire, que les fonctionnaires puissent être respectés et que les dissensions puissent être tolérées, de manière à favoriser un dialogue. Mais en attendant, il faut que les dénonciateurs aient des droits de recours bien établis parce qu'une dénonciation peut avoir des conséquences très graves.
Si le dossier est traité rapidement, le dénonciateur risquera peut-être peu. Mais plus l'affaire est grave, plus elle est difficile pour l'organisation et pour le gouvernement, plus le risque de camouflage sera grand. Et à ce moment-là, les représailles à l'endroit du dénonciateur peuvent être sévères. Comme je l'ai déjà dit, les tribunaux devraient être le dernier ressort.
Si j'en parle, et si cela est tellement important, c'est que même si le projet de loi ne dit rien des recours judiciaires, on pourrait toujours penser, en lisant la loi, qu'un recours judiciaire est possible, mais ce n'est pas le cas. En novembre 2003, le gouvernement a adopté la Loi sur la modernisation de la fonction publique qui, à l'article 236, interdit de façon générale aux fonctionnaires de chercher un recours judiciaire. Ce projet de loi-ci ne devait donc rien faire à ce sujet étant donné l'existence de cette interdiction.
M. Paul Forseth: En effet. Nous avons d'ailleurs déposé récemment un projet de loi d'initiative parlementaire qui ne sera fort probablement pas adopté mais qui, lui aussi, traite de la question du harcèlement psychologique dont font l'objet les employés de l'État, et nous en avons débattu à la Chambre. Il s'agissait d'un projet de loi du Bloc québécois.
Je pense que ce projet de loi est fondé sur une excellente raison. Il préconise un régime entièrement indépendant. C'est peut-être quelque chose dont nous pourrions nous inspirer, mais, pour étoffer un peu la discussion générale, je vous demanderais de nous donner quelques exemples de harcèlement psychologique dont vous avez fait l'objet.
À (1050)
Mme Joanna Gaultieri: C'est souvent le harcèlement psychologique qui fait le plus mal. Je vous dirais que très souvent, les dénonciateurs ne sont pas renvoyés ni brutalement mis à pied. Et cela pour d'excellentes raisons. Tout d'abord, il s'agirait d'un acte extrêmement visible. Par ailleurs, lorsque l'employé est syndiqué, son syndicat est tenu de contester ce licenciement devant la CRTFP. À ce moment-là, tout le dossier devient public et fait l'objet d'un débat.
Alors ce qui se produit, c'est que le gestionnaire en cause se livre à une campagne insidieuse d'intimidation psychologique. Il tourne le fonctionnaire en ridicule pendant les réunions. Dans mon cas, mes patrons m'ont même menacée. Ils riaient de moi. Je suis avocate. Ils se sont moqués de moi lorsque j'ai voulu examiner les connotations juridiques de la chose. On m'a humiliée, on m'a tournée en ridicule en public. On me disait de me la fermer et de ne pas intervenir pendant les réunions. En fait, j'étais complètement réduite au silence. C'était donc cela le problème.
M. Paul Forseth: Je vous remercie.
Le président: Madame Neville, vous avez la parole.
Mme Anita Neville: Je vous remercie d'être venue témoigner aujourd'hui.
J'ignore tout de votre cas, et je ne saurais donc en parler. Mais en vous écoutant, je pense à la définition d'un acte répréhensible. Ce que vous nous dites concerne davantage les questions de gestion, les questions de personnel, voire les désaccords avec un supérieur. Vous avez parlé des intérêts du patron. S'agissait-il d'intérêts personnels ou d'intérêts professionnels? Et comment définissez-vous l'acte répréhensible lorsque vous en parlez?
Je voudrais également que vous nous parliez un peu de votre organisation, FAIR.
Mme Joanna Gaultieri: Je suis heureuse que vous évoquiez la question de la définition de l'acte répréhensible. C'est vraiment une question d'intérêt public. Selon nous, un acte répréhensible est un acte qui, dans un contexte judiciaire, serait jugé illégal ou contraire à l'intérêt public.
Une grave gabegie, le gaspillage des deniers publics, tout cela pourrait être considéré comme des actes répréhensibles. Il peut aussi s'agir de quelque chose d'illégal, une violation de la loi. J'ai signalé que cela devrait également s'appliquer aux directives et aux règles ministérielles. Il ne s'agit donc pas de quelque chose qui concerne l'intérêt personnel du patron. Si j'ai parlé de cela, c'est parce qu'il arrive souvent qu'un patron vous demande de ne pas tenir compte d'un cadre de référence réglementaire. Il s'agit donc surtout d'un vecteur qui permet de dire qu'il y a eu acte répréhensible. Comme je l'ai déjà expliqué, un acte répréhensible est une violation.
En deux mots, et j'en ai d'ailleurs déjà parlé, le groupe FAIR est le produit de mon expérience personnelle qui a fait que j'ai reçu des centaines de coups de téléphone de la part de simples citoyens et de fonctionnaires. Comme je suis avocate, j'avais vraiment une opinion bien arrêtée sur ce genre de chose et aussi sur la nécessité de protéger des gens qui, en fait, veulent simplement faire leur travail. À l'époque, cette protection n'existait pas.
Les grands syndicats de fonctionnaires n'ont pas fait grand-chose dans ce dossier. En fait, en vertu des conventions collectives ou de la Loi sur l'emploi de la fonction publique, ils ne sont même pas compétents dans les cas de harcèlement, ce dont les dénonciateurs font l'objet. J'ai donc jugé qu'il fallait créer un groupe d'intérêt public et c'est cela que nous avons fait.
Mme Anita Neville: Avez-vous d'autres membres et agissez-vous pour le compte d'autres fonctionnaires qui signalent des cas d'actes répréhensibles en milieu de travail?
À (1055)
Mme Joanna Gaultieri: Je pense que c'est effectivement l'un des rôles que FAIR devrait finir par jouer. À mon avis, un organisme comme celui-là pourrait jouer trois rôles essentiels. En premier lieu, un rôle de représentation, en deuxième lieu, un rôle de divulgation par une campagne d'information, dans les médias ou par l'entremise d'autres groupes d'intérêt public, d'ONG, et en troisième lieu, un rôle d'auxiliaire auprès du Parlement pour que celui-ci légifère afin de protéger l'intérêt public et les dénonciateurs. Cela serait l'objectif ultime.
Nous sommes une organisation de militants. Oui, il y a d'autres membres. Nous ne représentons pas qui que ce soit au sens juridique du terme, mais nous prodiguons de l'aide et des conseils.
Le président: Monsieur Gaudet, vous avez un petit peu de temps pour poser une question.
[Français]
M. Roger Gaudet: Merci beaucoup, monsieur le président. Ce ne sera pas long.
Disons que vous êtes la première personne à dire tout haut ce que tout le monde pense tout bas. Tout à l'heure, j'ai demandé leur opinion à d'autres personnes qui étaient là et elles n'ont pas osé me la donner parce qu'elles travaillaient justement à la fonction publique. Je voudrais simplement faire un commentaire après vous avoir remerciée. C'est pareil dans tous les partis politiques: celui qui dit quelque chose est mis de côté. On voit cela même dans le parti au pouvoir. Le premier ministre a changé de place ceux qui étaient contre lui ou ses idées. C'est pareil dans tous les partis. Donc, la dénonciation fait partie de la vie. Il faut vivre avec ça, et il faut avoir une loi qui pourra contrer tous ces effets-là.
Merci.
[Traduction]
Le président: Madame Gaultieri, vous avez beaucoup parlé des droits de faire rapport. Mais que pensez-vous de l'obligation de faire rapport?
Mme Joanna Gaultieri: Monsieur le président, vous avez parlé de cela, je l'ai entendu, et je pense que c'est un très bon point. À mon avis, la loi devrait dire « doit faire rapport ». Je pense que cela aiderait les dénonciateurs s'ils savaient ce qu'on attend d'eux. Je crois personnellement qu'il devrait y avoir une obligation.
Le président: Je dois reconnaître que je craignais un peu que les gens soient dans les affres au point de chercher toutes sortes d'excuses rationnelles, mais si la loi est claire, si elle dit que tout fonctionnaire a juré sa loyauté à l'endroit de son employeur, et si cela veut vraiment dire que l'intérêt public doit être protégé, à ce moment-là les choses sont très claires pour moi.
Mais dites-moi quelque chose. On a beaucoup parlé de l'idée de faire directement rapport au Parlement. Comprenez-vous bien la différence entre quelqu'un comme le vérificateur général, qui est un haut fonctionnaire du Parlement et qui fait directement rapport à lui, et quelqu'un comme, mettons, Mme Barrados, qui est la présidente de la Commission de la fonction publique? Cette dernière ne fait pas rapport directement au Parlement. Je pense plutôt qu'elle relève du ministre du Patrimoine. Savez-vous ce que ces différences entre ces deux liens de subordination représentent dans la réalité?
Mme Joanna Gaultieri: Lorsqu'il s'agit de faire rapport au Parlement, monsieur le président—et j'espère que vous m'aiderez à répondre à cela—il y a souvent une question de perception dans ce genre de chose, surtout dans les dossiers importants pour l'intérêt public. Il y a peut-être des différences techniques, mais la perception est également un élément très important.
Le citoyen ne connaît pas bien toutes les nuances de la procédure parlementaire et des liens de subordination, et ce qui est important pour lui, c'est que le Parlement est l'organe suprême dans un système parlementaire de type britannique. Le citoyen croit que l'indépendance exige un lien direct avec le Parlement, plutôt qu'un lien qui passe par un ministre, même si c'est simplement une formalité et si le ministre n'a pas le pouvoir de changer quoi que ce soit à un rapport. Je pense que dans ce cas-ci, il s'agirait de respecter cette idée que se fait le citoyen des choses.
Le président: Vous avez probablement raison, c'est essentiellement une question de perception. La seule différence que je puisse voir vaut dans le cas d'un haut fonctionnaire du Parlement, quelqu'un qui est directement subordonné au Parlement et qui peut y déposer un rapport par l'entremise du Président de la Chambre.
Á (1100)
Mme Joanna Gaultieri: C'est bien cela, monsieur le président.
Le président: Par contre, quelqu'un comme Mme Barrados prépare son rapport mais c'est le ministre du Patrimoine qui le dépose à la Chambre. La seule différence entre les deux, c'est que ce n'est pas la même personne qui présente le rapport à la Chambre. Cela n'a rien à voir avec l'identité de celui ou celle qui tire les ficelles ou qui dirige le ministère, l'agence ou la commission, peu importe.
Je ne sais donc trop si nous lui donnons une idée fausse de ce que signifie le fait de soumettre un rapport directement au Parlement, en donnant l'impression que d'une façon ou d'une autre, les députés vont prendre le relais dès qu'il a fait sa divulgation. Ce n'est pas comme cela que les choses se passent. Certes, la possibilité existe pour toutes les commissions et les agences par l'entremise du système des comités, etc.
Pour terminer, je voudrais vous demander ceci : pourquoi quelqu'un voudrait-il donner suite à ce genre de chose à titre personnel alors qu'il connaît parfaitement la culture dans laquelle il évolue. Il doit bien savoir si son intervention sera bien accueillie ou non dans son ministère. Pourquoi risquer d'être identifié au lieu de se contenter d'une dénonciation anonyme? Pourquoi ne pas simplement monter un dossier avec tous les éléments d'information à l'appui et le remettre à quelqu'un qui pourrait donner suite? Qu'est-ce qui pousse quelqu'un à vouloir porter le flambeau, à vouloir affronter le système?
Mme Joanna Gaultieri: Monsieur le président, voilà une excellente question. N'oubliez pas qu'on a souvent constaté que les dénonciateurs étaient des employés très dévoués. Ce sont des professionnels qui estiment devoir avoir les moyens d'assumer leurs fonctions. L'intérêt public et le respect de la loi sont pour eux extrêmement importants.
Certes, l'enveloppe anonyme peut avoir son efficacité—et l'un des meilleurs exemples est l'affaire du Watergate—lorsqu'un employé envoie une lettre anonyme dans laquelle il dit : « J'ai un enregistrement et je vais vous le faire parvenir », après quoi tout éclate. Mais très souvent, ce n'est pas aussi clair que cela et il faut que le dénonciateur aide la personne qui reçoit le dossier à comprendre les tenants et les aboutissants de l'affaire. Bien souvent, ce n'est pas quelque chose qui est parfaitement évident. Il peut également s'agir d'une affaire qui a commencé il y a très longtemps.
Je dirais qu'à mon avis, beaucoup de dénonciateurs ne tiennent pas rester anonymes parce qu'ils ont le sentiment d'avoir le droit de parler très légitimement de ce genre de choses. Ce ne sont pas des zones grises. Un acte de dénonciation concerne quelque chose qui est souvent défini très clairement. Dans mon cas personnel, les règlements du Conseil du Trésor étaient parfaitement définis, et j'ai jugé qu'ils devaient être respectés.
Je pense donc qu'il faudrait donner le choix, mais si un dénonciateur veut s'afficher publiquement, il faut que nous pensions à le protéger et à respecter son droit.
Le président: Merci énormément. Malheureusement, un autre comité a réservé cette salle et nous allons donc devoir lever la séance, mais je vous remercie sincèrement pour ce que vous nous avez appris.
Mme Joanna Gaultieri: Merci, monsieur le président.
Le président: Chers collègues, je me réjouis d'avance de notre prochaine réunion qui aura lieu jeudi dans la salle 371, l'autre salle.
La séance est levée.