OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 11 mai 2004
¿ | 0905 |
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)) |
M. Pierre Nollet (vice-président, avocat-conseil et secrétaire général, CBC/Radio-Canada) |
¿ | 0910 |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC) |
¿ | 0915 |
M. Pierre Nollet |
M. Paul Forseth |
¿ | 0920 |
M. Pierre Nollet |
M. Paul Forseth |
Le président |
M. Paul Forseth |
Le président |
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ) |
M. Pierre Nollet |
¿ | 0925 |
Mme Monique Guay |
M. Michel Tremblay (vice-président, Stratégie et développement commercial, CBC/Radio-Canada) |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.) |
¿ | 0930 |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
¿ | 0935 |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
M. Robert Lanctôt |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC) |
M. Pierre Nollet |
¿ | 0940 |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
¿ | 0945 |
M. Leon Benoit |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
M. Pierre Nollet |
M. Alex Shepherd |
M. Pierre Nollet |
M. Alex Shepherd |
Le président |
M. Pierre Nollet |
Le président |
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC) |
¿ | 0950 |
M. Pierre Nollet |
Mme Lynne Yelich |
M. Pierre Nollet |
Mme Lynne Yelich |
M. Pierre Nollet |
Mme Lynne Yelich |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Ken Epp (Elk Island, PCC) |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Pierre Nollet |
M. Ken Epp |
M. Pierre Nollet |
¿ | 0955 |
M. Ken Epp |
M. Pierre Nollet |
Le président |
Mme Monique Guay |
M. Pierre Nollet |
Mme Monique Guay |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
À | 1000 |
Le président |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD) |
M. Pierre Nollet |
Le président |
À | 1005 |
M. Pierre Nollet |
Le président |
M. Pierre Nollet |
Le président |
À | 1015 |
Le président |
M. Pat Martin |
À | 1020 |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Paul Forseth |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Pat Martin |
Le président |
M. Paul Forseth |
À | 1025 |
Le président |
M. Ken Epp |
Le président |
M. Ken Epp |
Le président |
M. Paul Thomas (professeur, Université du Manitoba, À titre individuel) |
À | 1030 |
À | 1035 |
À | 1040 |
Le président |
M. Paul Forseth |
À | 1045 |
M. Paul Thomas |
Le président |
Mme Monique Guay |
M. Paul Thomas |
Mme Monique Guay |
M. Paul Thomas |
Le président |
À | 1050 |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. Paul Thomas |
Le président |
M. Alex Shepherd |
M. Paul Thomas |
À | 1055 |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
M. Paul Thomas |
Le président |
M. Pat Martin |
M. Paul Thomas |
Le président |
Á | 1100 |
M. Paul Thomas |
Le président |
M. Paul Thomas |
Le président |
Mme Lynne Yelich |
M. Paul Thomas |
M. Paul Forseth |
M. Paul Thomas |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 11 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Bonjour.
Nous nous réunissons aujourd'hui conformément à l'ordre de renvoi du mardi 20 avril 2004, sur le projet de loi C-25, Loi prévoyant un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles dans le secteur public et de protection des dénonciateurs.
Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui M. Pierre Nollet, vice-président, avocat-conseil et secrétaire général de CBC/Radio-Canada, ainsi que M. Michel Tremblay, vice-président, Stratégie et développement commercial.
Bonjour messieurs. Je suis heureux que vous ayez pu venir nous rencontrer aujourd'hui pour parler de cette importante question. Je crois que vous avez des déclarations liminaires, et je suis sûr que les membres du comité auront ensuite des questions à vous poser.
Allez-y.
M. Pierre Nollet (vice-président, avocat-conseil et secrétaire général, CBC/Radio-Canada): Monsieur le président, la Société Radio-Canada a examiné le projet de loi C-25 et souhaite présenter au comité son point de vue sur les répercussions que ce projet de loi pourrait avoir pour la société.
Il est important d'affirmer que CBC/Radio-Canada appuie entièrement les principes du projet de loi C-25, qu'elle interprète comme suit : la reconnaissance du caractère essentiel des institutions publiques pour les démocraties parlementaires canadiennes; l'importance de la confiance du public dans l'intégrité des institutions qui le servent; la confiance accrue dans les institutions publiques suscitée par la mise sur pied de procédures efficaces pour protéger les personnes qui signalent à des tiers l'existence de véritables actes répréhensibles dans le secteur public; et la reconnaissance d'un équilibre à assurer entre le devoir de loyauté envers un employeur et le droit de l'employé à la liberté d'expression.
Tout en appuyant les principes inhérents à ce projet de loi, le fait de définir les employés de CBC/Radio-Canada comme des fonctionnaires soulève de graves questions quant à leur indépendance par rapport au gouvernement et à la perception de cette indépendance.
Même si elle est un instrument de politique d'intérêt public, CBC/Radio-Canada n'applique pas de programme gouvernemental et, compte tenu de l'importance de la liberté de la presse dans une démocratie, la distance que la société maintient par rapport au gouvernement est inscrite dans la loi. Il est explicitement stipulé que les dirigeants et les employés de la société ne sont pas des fonctionnaires, ce qui garantit l'indépendance de la société. Il est mentionné au paragraphe 44(3) de la Loi sur la radiodiffusionque :
Les membres du personnel ne sont ni des fonctionnaires ni des préposés de Sa Majesté. |
Les membres du conseil d'administration de CBC/Radio-Canada sont nommés par le gouvernement « à titre inamovible » et non « au gré » du gouvernement, afin de garantir leur absolue indépendance par rapport au gouvernement en place.
La Loi sur la radiodiffusion met particulièrement l'accent sur l'indépendance de CBC/Radio-Canada dans quatre paragraphes différents.
[Français]
La loi stipule que toutes ses dispositions régissant Radio-Canada doivent être interprétées et appliquées:
[de façon] à promouvoir et à valoriser la liberté d'expression, ainsi que l'indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation, dont jouit la Société dans la réalisation de sa mission et l'exercice de ses pouvoirs. |
Même si le conseil d'administration de la Société est nommé par le gouverneur en conseil, la loi réitère précisément que:
La Société jouit, dans la réalisation de samission et l'exercice de ses pouvoirs, de la liberté d'expression et de l'indépendance enmatière de journalisme, de création et de programmation. |
Il est stipulé que les dispositions financières qui régissent Radio-Canada:
n 'ont paspour effet de porter atteinte à la liberté d'expression ou à l'indépendance en matière dejournalisme, de création ou de programmation dont jouit la Société dans la réalisation desa mission et l'exercice de ses pouvoirs. |
De plus, la Société n'est pas tenue de remettre au Conseil du Trésor, au ministre du Patrimoine canadien ou au ministre des Finances, des renseignements « dont la remise est susceptible de porter atteinte à cette indépendance ».
Enfin, CBC/Radio-Canada n'est pas tenue d'insérer dans son plan d'entreprise ou dans le résumé de celui-ci remis au ministre du Patrimoine canadien « des renseignements dont l'insertion aurait le même effet ».
Instrument d'une presse libre, CBC/Radio-Canada joue un rôle vital pour la démocratie canadienne. La Société jouit de la liberté d'expression et de la liberté de la presse garantie par la Charte canadienne des droits et libertés. Comme les tribunaux l'ont reconnu maintes fois, les médias permettent de relayer l'information importante au public.
À de nombreuses reprises, la Cour suprême du Canada a formulé des observations sur l'importance de la liberté de presse. Les arrêts et les commentaires suivants résument son point de vue à ce sujet.
D'abord, dans l'affaire Canadian Newspapers contre le procureur général du Canada, une décision de 1988 de la Cour suprême dit ceci:
Certes, la liberté de la presse représente un attribut important et essentiel d'une société libre et démocratique et il est évident que les mesures interdisant aux médias de publier des renseignements estimés d'intérêt public limitent cette liberté. |
Dans la cause de la Société Radio-Canada contre le procureur général du Nouveau-Brunswick, la Cour suprême a dit:
Les médias ont un rôle primordial à jouer dans une société démocratique. Ce sont les médias qui, en réunissant et en diffusant les informations, permettent aux membres de notre société de se former une opinion éclairée sur les questions susceptibles d'avoir un effet important sur leur vie ou sur leur bien-être. |
¿ (0910)
[Traduction]
Dans l'affaire Dagenais c. Société Radio-Canada, la Cour suprême a déclaré :
Au même titre que le droit d'un accusé à un procès équitable, [...] la liberté d'expression, qui comprend la liberté de la presse, est aujourd'hui reconnue comme une valeur de première importance dans la société canadienne puisqu'elle est inscrite comme droit constitutionnellement protégé à l'alinéa 2b) de la Charte. Cet alinéa garantit à tous les Canadiens la « liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression, y compris la liberté de la presse et des autres moyens de communication ». Notre Cour a à maintes reprises, reconnu l'importance des libertés garanties par l'alinéa 2b). |
[Français]
À notre avis, c'est, entre autres choses, pour des motivations semblables que le Parlement, dans sa sagesse, a décidé de protéger l'indépendance de la Société Radio-Canada dans la Loi sur la radiodiffusion.
[Traduction]
Nous estimons donc que le fait de définir les employés de CBC/Radio-Canada comme des fonctionnaires contredit directement la notion d'indépendance que le Parlement a tant pris soin de protéger lorsqu'il a rédigé la Loi sur la radiodiffusion.
Le tout vous est soumis respectueusement.
Le président: Merci beaucoup.
Nous allons commencer les questions avec M. Forseth.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC): Merci beaucoup d'être venus.
Je dois m'inscrire en faux contre l'argumentation que vous présentez. Je vois dans votre série de points à la page 2 que vous parlez de la « reconnaissance d'un équilibre à assurer entre le devoir de loyauté envers un employeur et le droit de l'employé à la liberté d'expression ». Je ne vois pas le rapport entre liberté d'expression et acte répréhensible.
Vous parlez aussi de « garantir l'absolue indépendance [des membres du conseil d'administration] par rapport au gouvernement en place ». Eh bien, l'indépendance, ce n'est pas la liberté de commettre des actes répréhensibles.
Plus loin dans vos remarques, vous dites que la Loi sur la radiodiffusion précise que « la Société jouit, dans la réalisation de sa mission et l'exercice de ses pouvoirs, de la liberté d'expression et de l'indépendance en matière de journalisme, de création et de programmation ». Quel est le rapport avec des actes répréhensibles? Il n'y en a strictement aucun.
Vous dites ensuite que « la Société jouit de la liberté d'expression et de la liberté de la presse [...] ». Il ne s'agit pas de la liberté totale de commettre des actes répréhensibles à l'égard d'employés ou en violation du Code criminel tels que la fraude, la corruption, la falsification et les menaces à l'encontre d'individus. Nous avons le recours aux tribunaux. L'histoire de CBC/Radio-Canada montre que sur le plan administratif, pas sur le plan de l'opinion journalistique, c'est une société qui a beaucoup de nettoyage à faire dans sa maison.
Je constate en lisant la lettre de CBC/Radio-Canada que la Société est en train de s'éveiller tout d'un coup et qu'elle a décidé de faire quelque chose maintenant. Elle va mettre en place de nouveaux contrôles et un nouveau régime de dénonciation des actes répréhensibles et elle dit : « C'est bon, nous pouvons régler cela nous-mêmes ».
Alors, plutôt que de perdre notre temps à discuter de cet argument totalement spécieux de la liberté de la presse, qui n'a rien à voir avec les actes répréhensibles, j'aimerais que vous nous disiez en quoi consiste votre plan pour mettre à la disposition de tous vos employés un dispositif de dénonciation des actes répréhensibles, un dispositif qui aura la confiance du public, pour montrer peut-être au gouvernement qu'on peut faire mieux les choses qu'au moyen de ce projet de loi. Ce que nous voulons voir, ce sont des garanties pour les employés qu'ils pourront s'appuyer sur un régime de dénonciation des actes répréhensibles, et non toute votre argumentation spécieuse sur la prétendue relation entre le droit constitutionnel à l'indépendance journalistique et la dénonciation d'actes répréhensibles.
Parlez-nous donc de vos plans pour aider vos employés à surmonter le malaise bureaucratique qui plane clairement sur CBC/Radio-Canada.
¿ (0915)
[Français]
M. Pierre Nollet: Tel que je l'ai mentionné au départ et tel que la lettre le mentionnait également, je pense qu'il est très important de comprendre que Radio-Canada ne s'objecte pas aux principes qui sont énoncés dans la mesure législative. En fait, c'est ce qui nous fait dire qu'il faut aller dans la même direction que ce que propose le projet de loi, pour permettre d'avoir l'équilibre nécessaire dans notre système pour protéger les employés, d'une part, et protéger l'organisation, d'autre part, et servir l'intérêt du public en général.
La différence fondamentale, en fait, est le moyen choisi pour y arriver, et c'est là où l'indépendance de la Société Radio-Canada entre en ligne de compte.
Le projet de loi choisit comme moyen, pour arriver aux fins édictés dans les principes, d'assimiler les employés de Radio-Canada à des fonctionnaires. Or, si j'ai pris la peine d'énoncer tous ces éléments relativement à l'indépendance de la SRC, c'est exactement parce que le gouvernement et le Parlement, dans leur sagesse, ont été très prudents lorsqu'ils ont édicté la Loi sur la radiodiffusion, afin de ne pas faire des employés de la SRC des fonctionnaires. Faire des employés de la SRC des fonctionnaires revient à limiter l'indépendance de la SRC, l'indépendance de ses employés.
Finalement, les employés de la SRC deviendraient à la solde du gouvernement. Les journalistes seraient des employés du gouvernement, et comme tels, leur crédibilité et la crédibilité de la SRC en seraient affectées. C'est pour cette raison que nous souhaitons en fait souscrire fortement aux principes de la mesure législative, mettre en place un système qui soit satisfaisant, c'est-à-dire qui fournisse l'indépendance nécessaire, la possibilité pour nos employés de rapporter effectivement les « serious wrongdoings » qu'ils pourraient identifier, sans pour autant assimiler ces employés-là a des fonctionnaires de l'État, ce qui aurait ultimement pour objet de porter atteinte à leur crédibilité en tant que journalistes et en tant qu'organisation journalistique, j'entends.
[Traduction]
M. Paul Forseth: Je vais devoir répéter ce que j'ai dit, c'est-à-dire que vous parlez d'indépendance à l'égard du gouvernement, alors que ce n'est pas la question. La question, c'est de protéger les employés de CBC/Radio-Canada, de la base au sommet, qui souhaiteraient dénoncer des actes répréhensibles.
Au fil des ans dans n'importe quelle administration, et particulièrement à CBC/Radio-Canada, qui a eu des procès pour congédiement injustifié et toutes sortes de choses de ce genre... Je suis sûr que si les employés avaient bénéficié d'un régime quelconque de protection, ils s'en seraient servi.
C'est de cela qu'il s'agit. Nous ne parlons pas d'un problème quasi constitutionnel entre la liberté de la presse et une société libre et démocratique. Je trouve totalement incroyable qu'on puisse tracer une ligne entre ces deux aspects.
Ma question était de savoir en quoi consistait votre plan, parce que dans votre lettre adressée à notre comité, vous dites que vous voudriez que votre société soit exemptée de la loi et qu'elle puisse mettre en place son propre régime. Pourriez-vous donc nous dire en quoi consistera ce nouveau régime?
¿ (0920)
M. Pierre Nollet: Jusqu'à présent, la société, comme le gouvernement, s'est appuyée sur les dispositions du Code du travail du Canada. Il n'y a donc rien d'exceptionnel à cela jusqu'ici.
Ce que nous avons l'intention de faire, c'est de reprendre le principe énoncé dans le projet de loi et de le soumettre à notre conseil d'administration pour qu'il adopte une politique sur la question.
M. Paul Forseth: Merci.
Le président: Merci beaucoup.
Si vous me permettez, j'aimerais vous expliquer où je veux en venir. J'étais curieux. En temps normal, la question du renvoi injustifié relève de la politique des ressources humaines et il existe dans presque toutes les organisations des mécanismes de règlement des griefs en matière de ressources humaines. Le rapport avec un renvoi injustifié, et je pense que M. Forseth le reconnaîtra, existerait dans la mesure où il y aurait des conséquences, c'est-à-dire dans le cas où il y aurait des représailles contre le dénonciateur. Donc le projet de loi ne porte pas nécessairement sur l'ensemble de la notion de renvoi injustifié, mais simplement sur le renvoi injustifié en tant que représailles. Est-ce que cela vous semble correct?
M. Paul Forseth: C'est vrai, mais cela va plus loin. Quand on parle de harcèlement dans un service, il peut parfois s'agir d'un renvoi qu'on organise parce qu'on estime que quelqu'un ne joue pas le jeu et ne cautionne pas certains actes répréhensibles. Il y a toutes sortes de scénarios, mais vous avez raison de dire qu'en général il s'agit de représailles.
J'ai posé au témoin la question de... Ce sont eux qui en ont parlé. Ce sont eux qui ont dit qu'il allaient mettre en place un régime. Nous aimerions donc avoir une description complète de leurs plans s'ils veulent que nous envisagions de modifier le projet de loi pour les en exempter.
Le président: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Merci, monsieur le président.
Merci, messieurs, d'être ici ce matin. Vous disiez, dans votre présentation de tout à l'heure, qu'il ne fallait pas que les employés de Radio-Canada deviennent des fonctionnaires. Le projet de loi n'a pas pour but d'en faire des fonctionnaires, mais il a pour but de donner un recours à vos employés. Que je sache, vous êtes encore une société d'État. Les employés de Postes Canada, qui est aussi une société d'État, sont couverts par la loi. Le but est de leur donner un recours pour qu'ils puissent, dans la mesure où il y aurait un problème et qu'ils devraient faire une dénonciation, être protégés par la loi. Or, vous nous dites que vous n'en voulez pas, pour garantir l'indépendance de la presse, alors que l'un n'a aucun lien avec l'autre.
J'aimerais que vous m'expliquiez comment vous voyez ce lien parce que moi, je n'arrive pas à le voir. J'aimerais souligner ici que dans sa lettre, M. Rabinovitch dit lui-même:
Il est important d'affirmer d'emblée que je soutiens pleinement les principes du projet de loi, et je crois que nos employés les appuieraient aussi. |
Alors, je pense qu'il y aurait peut-être moyen de trouver un terrain d'entente, mais quant à vous soustraire entièrement du projet de loi, je pense que c'est quelque chose que, pour ma part, je ne considérerai pas.
M. Pierre Nollet: Je pense que vous avez très bien posé le problème. Nous souscrivons, effectivement, aux objectifs que vise le projet de loi. Je pense que la seule distinction importante qu'il faut faire ici, c'est de voir quel est le moyen choisi par le projet de loi dans le but de nous offrir cette protection dont vous parlez. La seule discussion que la SRC a vraiment à ce moment-ci en est une qui est très technique, mais qui est en relation avec le moyen choisi dans le but de nous mettre sous la coupe du projet de loi.
Le moyen qui a été retenu par le projet de loi, c'est de dire que les employés de Radio-Canada deviennent des fonctionnaires pour les fins de ce projet de loi. C'est ce que le projet de loi dit. Alors, c'est face à cela que l'on a une objection, parce que le moyen choisi nous paraît défaire un principe encore plus important, ce que j'ai essayé de vous énoncer. C'est là que se trouve la relation avec la notion d'indépendance, c'est-à-dire que dans le but de procurer à la SRC l'indépendance nécessaire pour faire son travail de presse, la Loi sur la radiodiffusion lui a reconnu l'indépendance et a reconnu le fait que ses employés n'étaient pas des fonctionnaires. Or, par le biais d'une autre mesure législative, qui serait celle qu'on présente ici, on assimile des employés de la SRC à des fonctionnaires.
Je vais utiliser un mélange de termes français et anglais. La définition de public servant , telle qu'elle est trouvée, et celle de public sector ou public service réfèrent à une annexe dans votre projet de loi, et l'annexe en tant que telle nous inclut comme étant part of public service.
Alors, c'est seulement le moyen choisi pour arriver aux fins qui nous préoccupe. Je pense qu'on ne remet pas en question les fins recherchées par le projet de loi. Il me semble, compte tenu que nous sommes tous les deux d'accord sur les principes, qu'il doit y avoir une façon de trouver un moyen qui serait plus approprié, et à cet effet, nous sommes prêts à travailler avec les fonctionnaires du gouvernement dans le but d'en arriver à un mécanisme qui n'enfreindrait pas les autres principes mis de l'avant dans la Loi sur la radiodiffusion.
¿ (0925)
Mme Monique Guay: Vous voulez carrément déroger à ce projet de loi-là. Vous voulez vraiment que la loi, une fois adoptée, ne s'applique pas à la Société Radio-Canada. C'est ce que vous nous dites.
Que je sache, monsieur Nollet, présentement, la Société Radio-Canada n'a aucune règle interne pour protéger les dénonciateurs. Nous faisons une loi pour permettre que les gens aient des recours. Qu'ils soient à la SRC ou qu'ils soient dans d'autres ministères, ces gens-là se rapportent à un agent supérieur ou directement au commissaire. Or, voilà qu'on exclurait la Société Radio-Canada pour une question d'indépendance. Pour moi, ce n'est pas acceptable.
Il faut trouver un moyen pour essayer de satisfaire les deux parties, mais on ne peut pas vous exclure. Si on vous exclut, il faudra penser à d'autres sociétés qu'il faudra exclure comme, par exemple, Postes Canada, qui est une société d'État. Alors, je préférerais avoir une vision inclusive et essayer de trouver une solution pour que vous ayez votre place là-dedans.
M. Michel Tremblay (vice-président, Stratégie et développement commercial, CBC/Radio-Canada): Je suis d'accord avec vous pour avoir une vision inclusive. Notre objectif n'est pas d'éliminer la possibilité pour nos employés d'avoir des recours; là n'est pas l'argument. Ce que l'on fait ressortir, c'est que, effectivement, il y a un conflit fondamental entre le projet de loi et une loi qui a déjà été adoptée par le Parlement et qui nous donne un statut particulier dans le système. C'est tout ce que l'on fait ressortir.
Dans ce contexte, on doit trouver des accommodements. Effectivement, quand un projet de loi déborde sur une loi existante, il y a des éléments fondamentaux. Cela n'a rien à voir avec notre volonté d'aller dans ce sens. On reconnaît la nécessité de mettre en place des mécanismes et de donner à nos employés la possibilité de communiquer des informations sur des situations extrêmes de mauvaise gestion. Je suis entièrement d'accord là-dessus, sauf qu'il faut qu'on règle ce problème-là, qui est un problème fondamental au niveau législatif.
Mme Monique Guay: Merci, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Merci.
Monsieur Lanctôt.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.): Merci, monsieur le président.
Tout comme M. Forseth et Mme Guay l'ont dit, il y a une distinction dont vous nous faites part au comité qui est une technicalité très complexe dont il faut tenir compte. Je pense que tous les membres du comité la voient très bien. L'indépendance est très importante, mais n'a absolument rien à voir là-dedans. Vous me donnerez des exemples concrets, parce que je ne vois vraiment pas où vous voulez en venir en disant qu'un acte répréhensible peut avoir quelque chose à voir avec l'indépendance, qu'il s'agisse d'employés d'une société d'État ou de fonctionnaires. Le projet de loi est très clair, et vous nous dites qu'il faut régler le problème d'un point de vue législatif dans le projet de loi. C'est clair, c'est à l'article 2.
À l'article 2, on fait une distinction pour les fonctionnaires régis par la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, ainsi que pour les organismes qui sont inscrits aux annexes de la Loi sur la gestion des finances publiques. De plus, on parle de sociétés d'État. Donc, aux alinéas 2a), b) et c), on fait des distinctions. On ne dit pas que les gens qui font partie de la Société d'État Radio-Canada sont des fonctionnaires, on dit, par contre, qu'ils font partie du secteur public. Entre vous et moi, vous faites partie du secteur public. Donc, la loi prévoit que tout le monde va être protégé, autant vos employés que les fonctionnaires. Par ailleurs, on sait très bien que l'indépendance des journalistes doit être maintenue à Radio-Canada.
Si vous êtes capable de me donner des exemples concrets pour démontrer que vous pourriez être exclu de cela, je vous dirai bravo! parce qu'on fait déjà la distinction, dans le projet de loi. On ne vous dit pas que vous êtes des fonctionnaires, on dit que vous faites partie du secteur public. Si vous êtes capable de me démontrer que vous ne faites pas partie du secteur public, on verra ce que vous voulez dire.
¿ (0930)
M. Pierre Nollet: La démonstration que je vais vous faire est très simple; elle a déjà été faite devant vous. Regardez, à l'article 2 auquel vous faites référence, la définition du mot « fonctionnaire »: « Personne employée dans le secteur public ». Or, automatiquement, par votre définition de « secteur public », avec l'ajout de la Société Radio-Canada comme société d'État, vous venez de nous inclure dans le secteur public et de nous définir comme fonctionnaires, de définir tous ses employés comme fonctionnaires.
Alors, comment réconcilier cette disposition avec la Loi sur la radiodiffusion, qui dit que nous ne sommes pas des fonctionnaires de l'État?
M. Robert Lanctôt: Ce n'est pas très compliqué. Si le but de votre intervention est tout simplement de dire que le définition d'un fonctionnaire, « Personne employée dans le secteur public », ne convient pas, on a seulement à amender cette partie-là. Mais vous êtes en accord sur le principe du projet de loi et sur le fait qu'il n'a rien à voir avec l'indépendance. Si c'est seulement un amendement que vous voulez faire à la définition du mot « fonctionnaire »...
Il faut garder, monsieur le président, la distinction pour le secteur public; on fait cette distinction. Mais je comprends très bien que vous me dites qu'en vertu de la définition donnée du mot « fonctionnaire », on peut établir une relation avec le secteur public en entier. Ce n'est pas compliqué, on a juste à ajouter un mot ou à en enlever un à la définition du mot « fonctionnaire ». Il s'agit de préciser la définition et on va régler le problème.
M. Pierre Nollet: Je pense qu'on s'entend que c'est la façon d'y arriver, et non pas le principe. C'est ce qu'on dit depuis le début. On n'est pas contre le principe et on est d'accord pour mettre en place le mécanisme nécessaire. La façon dont on s'y est pris pour y arriver, malheureusement, est inadéquate. Depuis le début, je veux être clair là-dessus.
M. Robert Lanctôt: Moi aussi, je veux être clair, parce que je ne veux pas compliquer les choses, je veux les simplifier. Si on est capable de seulement modifier, à l'article 2, la définition du mot « fonctionnaire », est-ce que vous adhérerez à ce projet de loi?
M. Pierre Nollet: Depuis le début--et je pense qu'on a été clairs à cet égard--, on a dit qu'on était favorables aux principes du projet de loi.
M. Robert Lanctôt: Donc, si je ne suis pas assez clair, est-ce qu'en modifiant, à l'article 2, la définition du mot « fonctionnaire » seulement--et vous pourriez peut-être nous en soumettre une...
M. Pierre Nollet: Là, vous avez l'avantage et l'inconvénient d'avoir devant vous le technicien du droit. Les modifications ne sont pas aussi simples qu'il y paraît. C'est pour cette raison qu'on a entrepris des discussions avec les fonctionnaires là-dessus, car il y a des ramifications partout dans le projet de loi. On veut que tous les avantages puissent profiter ultimement aux employés de la SRC, d'une certaine façon, mais les ramifications, lorsque vous définissez quelqu'un comme étant fonctionnaire, encerclent l'ensemble des employés du gouvernement.
Ce que je vous conseille de faire... En fait, les officiels du ministère de la Justice ont certainement les notions appropriées pour trouver un remède à cette chose-là. Je ne pense pas pouvoir me commettre aujourd'hui quant à la meilleure façon de faire. Si je l'avais, je vous la soumettrais volontiers. Je ne pense pas que j'aie la meilleure façon d'arriver à la rédaction, mais c'est certain qu'on peut arriver, si on est d'accord sur les principes, au meilleur moyen, dans le but de satisfaire les objectifs de la mesure législative.
M. Robert Lanctôt: Moi, je vous dis que si vous êtes un technicien de droit, j'en suis un aussi, et j'aimerais avoir des réponses claires de votre part, parce que sinon, vous n'aurez plus la possibilité de venir et de nous dire comment on pourrait l'améliorer. Je vous dis qu'il y a des façons simples de le faire; vous me dites que c'est plus complexe.
Si c'est plus complexe, je reviens à ma demande initiale: donnez-moi des exemples précis quant la façon que vous pourriez l'améliorer, parce que s'il y a autant de ramifications--moi, je n'en vois pas autant--, il faut les connaître, il faut qu'on sache lesquelles. C'est pourquoi on est ici. Si vous me dites que vous êtes d'accord sur le principe, moi aussi, je suis d'accord sur le principe et je suis d'accord sur beaucoup de technicalités du projet de loi. Je ne suis peut-être pas d'accord sur toutes; on est là pour les améliorer. Mais si vous ne nous dites pas à quel endroit on peut les améliorer, eh bien, je pense qu'il n'y a pas grand-monde alentour de la table du comité qui pourront vous aider, parce que les techniciens juridiques ont déjà rédigé le projet de loi. Donc, il n'en tient qu'à nous, et surtout à vous, de dire s'il y a des endroits où on peut changer la technique et améliorer les choses.
Je comprends le problème de la définition du mot « fonctionnaire », parce qu'on parle de toutes les personnes employées dans le secteur public. On fait cette différence, donc c'est très simple à régler pour moi, et ça, c'est le gros de votre contestation par rapport au projet de loi. Mais s'il y a d'autres technicalités, je veux savoir lesquelles.
M. Pierre Nollet: Le terme « fonctionnaire » est utilisé partout dans le projet de loi.
M. Robert Lanctôt: Oui, mais si on le change, il va changer.
¿ (0935)
M. Pierre Nollet: Mais si vous excluez quelqu'un de la définition du mot « fonctionnaire », il faudra revoir le projet de loi dans son entier pour examiner comment, alors, est visée la personne que vous excluez. C'est pour cela que je vous dis qu'une simple vérification de l'article 2 n'est pas...
M. Robert Lanctôt: Non. Vous me comprenez mal. Je ne veux pas que ce soit exclu. Moi, mon but ne sera pas de vous exclure de cela. La distinction que vous craignez subir en changeant un principe établi dans votre loi va être faite. Quand vous dites qu'il ne faut pas qu'ils soient considérés comme des fonctionnaires compte tenu de l'indépendance de la SRC, je suis votre ligne de pensée, mais je ne veux pas vous exclure de ce projet de loi. Ne pensez pas que je vais vous inciter à vous exclure de cela. Je vais surtout vous protéger, en ce sens que vous ne voulez pas que la loi devienne interprétative et qu'elle change un principe de droit et d'indépendance, par rapport à Radio-Canada, que vous avez déjà établi. On est capable de le mettre là-dedans, mais vous allez être inclus dans la loi quand même.
M. Pierre Nollet: Prenez l'article 12, prenez l'article 11. Ces deux articles commencent par: « Le fonctionnaire qui croit qu'il... », et par: « Le fonctionnaire ne peut porter sa dénonciation... ». Dans les deux cas, on fait référence à la définition du mot « fonctionnaire ». Dès que vous changerez cette définition, nécessairement, le reste va être affecté. Je pense que c'est un truc pour les techniciens.
M. Robert Lanctôt: Oui mais, monsieur Nollet, ce n'est pas très compliqué. Disons, aux articles 11 et 12, que ce sera: « Le fonctionnaire et tout le secteur public », auquel vous serez soumis. Il suffit d'ajouter au mot « fonctionnaire » les mots « et le secteur public ». Vous seriez ainsi inclus et cela ne changerait pas tellement le projet de loi ni votre autre principe, que je veux protéger parce que, selon moi, vous avez raison, à l'article 2, de faire le rapprochement entre les mots « secteur public » et « fonctionnaire ». Je ne changerai pas le mot « fonctionnaire » comme tel, je vais seulement changer, cependant, le fait que vous n'êtes pas un fonctionnaire. Toutefois, le fonctionnaire et le secteur public seront ainsi protégés par cette loi. Ce sera mon but.
M. Pierre Nollet: D'accord.
[Traduction]
Le président: Merci.
C'est stupéfiant. Je pense que nous irons beaucoup plus loin si nous partons du principe que la loi dit « aux fins de la présente loi, un fonctionnaire est », ou si nous supprimons totalement le terme « fonctionnaire » pour le remplacer partout où il apparaît dans la loi par « personne employée dans le secteur public au sens de la définition », ou « personne employée dans le secteur public ».
D'un seul coup, toute cette discussion pour savoir si quelqu'un est ou non un fonctionnaire devient sans objet. Je pense donc que nous devrions considérer cette argumentation sans objet et passer à autre chose.
Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC): Merci, monsieur le président. Bonjour messieurs.
J'allais en venir exactement à cela. Il n'est pas rare dans une loi de préciser que certains groupes sont inclus aux fins de la loi. Cela ne menace ou ne modifie en rien la définition des employés de cette organisation pour tout le reste s'ils sont spécifiquement mentionnés dans le contexte d'une loi particulière. Je pense donc qu'il faut passer à autre chose.
Ce n'est pas de l'indépendance de CBC/Radio-Canada qu'il s'agit ici ce matin, monsieur Nollet. Nous parlons de la dénonciation d'actes répréhensibles dans la fonction publique et dans les sociétés d'État. Il y a une façon logique de répondre à votre souci de l'indépendance de la CBC/Radio-Canada, c'est d'en faire une société privée. Si CBC/Radio-Canada était une société privée, cette menace n'existerait plus. Vous n'auriez plus cette épée de Damoclès au-dessus de la tête en permanence et vous seriez quand même régi par la Loi sur la radiodiffusion et d'autres lois.
J'aimerais savoir si vous avez lu le projet de loi C-25. Vous en avez certainement parlé à vos avocats, mais quelles sont les parties précises de ce projet de loi qui vous dérangent vraiment?
M. Pierre Nollet: Encore une fois, au risque de me répéter, ce qui me dérange, c'est la façon dont on nous incorpore dans les dispositions du projet de loi plutôt que l'objectif même de ce projet. Comme le président l'a dit, mon premier argument est maintenant sans objet.
Si nous partons du principe que la CBC/Radio-Canada est englobée, comme vous le suggérez ici, dans toute cette définition des fonctionnaires et de la fonction publique—et c'est l'exemple que vous me demandiez—et si nous recevons un jour une enveloppe brune d'un ministère quelconque, que devra faire le journaliste si la loi est rédigée dans les termes du projet de loi actuel? Nous allons être englobés dans la définition et il faudra suivre une procédure pour dénoncer des actes répréhensibles. Il y aura un moyen de le faire. Cela veut dire qu'avec le texte actuel, nos journalistes ne pourront plus se servir des informations qu'ils auront sur le gouvernement et les utiliser publiquement. Ils devront respecter les procédures. Cela me semble assez grave.
¿ (0940)
M. Leon Benoit: D'accord, mais ce n'est pourtant pas le cas car CBC/Radio-Canada serait clairement incluse aux fins de la présent loi. Est-ce que l'autre loi qui régit la société ne la protège pas contre cela?
M. Pierre Nollet: Nous disons qu'il y a conflit entre les deux lois. C'est tout ce que nous essayons de régler, nous ne nous en prenons pas à l'objectif de votre loi.
M. Leon Benoit: Vous dites que la façon de régler le problème, c'est d'avoir vos propres règles parallèles.
M. Pierre Nollet: Comme cela semble proposé pour d'autres organisations, nous pensons que c'est un objectif qui pourrait être facilement réalisé. Cela donnerait au Parlement et au public l'assurance que nous participons comme ils le souhaitent à la réalisation des objectifs de cette loi. On aurait un équilibre entre la protection des employés, le public et l'organisation grâce à un mécanisme qui serait semblable à celui qui est envisagé dans le projet de loi, mais qui serait régi en vertu de règles distinctes, pour éviter le problème que je viens de vous décrire.
M. Leon Benoit: Donc, si vous voulez mettre en place des règles parallèles, j'imagine que vous avez réfléchi au genre de règles que vous voudriez avoir. Vous avez dû examiner en détail le projet de loi C-25.
D'après vous, les dispositions du projet de loi C-25 seraient-elles un bon modèle pour la réglementation parallèle que vous appliqueriez à CBC/Radio-Canada?
M. Pierre Nollet: Je serais heureux de répondre à cette question si mon conseil d'administration avait pu se prononcer sur la situation, mais ce serait prématuré de ma part pour l'instant. On va soumettre une politique à ce sujet au conseil, mais pour l'instant, je ne peux pas me prononcer... Si vous étiez membre du conseil d'administration de ma société et que vous m'entendiez dire à votre comité en quoi ces règles consisteront, vous seriez probablement très mécontent.
M. Leon Benoit: Monsieur Nollet, vous êtes venu nous demander d'exempter la CBC/Radio-Canada des dispositions de ce projet de loi. Or, vous ne nous donnez pas de raison de vous exempter, à part une qui a été clairement écartée. Je suis très déçu que vous ne soyez pas capable au moins de nous dire si les dispositions prévues dans le projet de loi C-25 pourraient servir de modèle aux règles que vous mettriez en place à CBC/Radio-Canada pour régler ce grave problème de la dénonciation.
M. Pierre Nollet: Si c'est ce que vous avez compris, c'est que je me suis mal exprimé. Je vous ai déjà dit que nous allions nous inspirer largement de ce projet de loi. Nous prendrons soin de ne pas le copier là où nous penserons qu'il y a des problèmes, mais nous sommes d'accord avec la structure et avec l'objectif d'ensemble de ce projet de loi et nous avons l'intention de le suivre.
M. Leon Benoit: Vous reconnaissez que dans le cas de n'importe quelle organisation, y compris la CBC/Radio-Canada, qui est financée par le contribuable, il est raisonnable de s'attendre à ce qu'il y ait des protections concernant la façon de dépenser l'argent des contribuables. Ces protections consistent notamment à avoir une réglementation sur la dénonciation d'actes répréhensibles pour permettre à des gens qui voient des actes répréhensibles—car ce sont évidemment eux qui sont les mieux placés pour les constater—de dénoncer ces actes sans mettre en péril leur carrière.
M. Pierre Nollet: C'est parfaitement clair. Je crois qu'aucune autre organisation au gouvernement n'est plus sensible à l'importance de la protection des dénonciateurs. Notre organisation est de celles qui revendiquent le plus la protection des sources, et c'est pour cela que nous croyons aux principes énoncés dans le projet de loi. Nous estimons qu'ils sont nécessaires. En même temps, nous voulons protéger l'autre principe qui est essentiel. Encore une fois, en modifiant les moyens d'y parvenir, nous réglerions le problème.
¿ (0945)
M. Leon Benoit: Vous dites qu'il y a un conflit entre ce projet de loi et la loi régissant les activités de CBC/Radio-Canada. En quoi consiste exactement ce conflit?
M. Pierre Nollet: Le conflit principal, c'est que les employés de CBC/Radio-Canada deviennent des fonctionnaires. Or, pour protéger l'indépendance de la société, la Loi sur la radiodiffusion dit exactement le contraire : les employés de CBC Radio-Canada ne sont pas des fonctionnaires. C'est le seul conflit que je souligne actuellement, mais c'est un conflit important.
Le président: Merci.
Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Vous nous avez donné l'exemple d'une enveloppe brune qui arrive d'un autre ministère, le ministère du Patrimoine ou de la Défense. D'après ce que vous dites, un journaliste serait considéré comme fonctionnaire en vertu de ce projet de loi et devrait donc suivre toute une procédure pour dénoncer un acte répréhensible. Je ne pense pas que ce soit l'intention initiale de la loi. Je crois que la loi envisageait clairement une procédure ministère par ministère. Serait-il donc possible d'adopter une modification pour avoir un mécanisme de dénonciation des actes répréhensibles exclusif à la Société Radio-Canada?
M. Pierre Nollet: Il faut réfléchir à toute la question. Je crois que ce que les autorités gouvernementales envisageaient, c'était de permettre à n'importe quel fonctionnaire de dénoncer un acte répréhensible dans n'importe quel ministère, parce que les gens se déplacent et qu'on ne voulait donc pas empêcher des personnes de parler de ce qui s'était passé dans des ministères auxquels ils appartenaient précédemment. Je comprends bien pourquoi on a rédigé le projet de loi de cette façon. Le problème, c'est que compte tenu du caractère particulier de nos activités, on ne peut pas nous l'appliquer tel quel. Je pense que pour le reste du gouvernement, si vous deviez prévoir des limites pour chaque ministère, vous fermeriez la porte à des dénonciations très importantes.
M. Alex Shepherd: Mais la modification que vous voudriez obtenir, ce n'est pas l'exclusion en tant que telle, mais plutôt une définition des employés de CBC/Radio-Canada de manière à ce que les actes répréhensibles en vertu de cette loi ne s'appliquent qu'avec la réserve : au sein de la CBC/Radio-Canada?
M. Pierre Nollet: Je n'ai pas examiné la question tout à fait sous cet angle, mais je serais heureux de le faire. Il faudrait que cela puisse coller avec toutes les dispositions du projet de loi et il faudrait donc y réfléchir. Je ne suis pas sûr qu'on réussisse, mais peut-être.
M. Alex Shepherd: Je comprends votre argument. Vous revendiquez à juste titre l'indépendance des journalistes pour pouvoir critiquer le gouvernement et je n'ai pas d'objection à cela.
Le président: Quelque chose vient de me frapper. On a parlé de l'objectif du projet de loi et vous dites que CBC/Radio-Canada est d'accord sur cet objectif. Est-ce que votre société va attendre l'aboutissement de ce projet de loi ou est-ce qu'elle va procéder rapidement à la mise en place de son propre régime tout simplement parce que c'est nécessaire?
M. Pierre Nollet: Encore une fois, je ne voudrais pas mettre mon conseil d'administration en situation délicate, mais ce que je lui recommanderais, ce serait d'adopter une politique le plus rapidement possible sans attendre la conclusion du projet de loi, en élaborant nous-mêmes notre propre solution. Ce que nous proposons aujourd'hui, ce n'est pas quelque chose que nous n'avons jamais fait. La plupart des politiques du Conseil du Trésor ne s'appliquent pas à CBC/Radio-Canada, pour une raison ou pour une autre, mais malgré cela nous nous sommes dotés de politiques qui sont la plupart du temps un reflet fidèle de celles que recommande le Conseil du Trésor. Ce n'est donc pas la première fois que nous agissons au mieux des intérêts de la société, et je crois que cette proposition particulière va dans le sens des meilleurs intérêts de notre société.
Le président: Je crois que le public sera d'accord.
Madame Yelich.
Mme Lynne Yelich (Blackstrap, PCC): Avez-vous une définition de la notion d'actes répréhensibles et avez-vous des exemples d'actes répréhensibles commis dans le passé à CBC/Radio-Canada? Pensez-vous qu'on pourrait incorporer une définition d'acte répréhensible dans ce projet de loi?
¿ (0950)
M. Pierre Nollet: C'est très difficile à dire, car la loi n'existe pas encore.
Mme Lynne Yelich: Imaginons qu'elle existe. Donnez-nous un exemple.
M. Pierre Nollet: Je ne pense pas pouvoir vous donner d'exemple de ce genre de chose.
Mme Lynne Yelich: Parce qu'il va falloir définir la notion d'acte répréhensible.
M. Pierre Nollet: Cela m'inquiète aussi, cette définition, car on parle ici de cas graves de mauvaise gestion, ce qui est tout à fait subjectif. Il est donc très difficile de donner un exemple. Ce qui aux yeux de l'un constitue un cas grave de mauvaise gestion ne le sera pas nécessairement pour quelqu'un d'autre qui est mieux informé. Il faut donc soigneusement réfléchir à toute cette définition d'acte répréhensible, mais je ne pense pas pouvoir vous donner le genre d'exemple que vous me demandez. Je suis désolé.
Mme Lynne Yelich: Pensez-vous que les dénonciateurs devraient pouvoir s'adresser aux médias? Pensez-vous que les dénonciateurs devraient pouvoir se servir de vous pour faire leurs dénonciations? Dans le projet de loi, on prévoit qu'ils doivent s'adresser au supérieur hiérarchique, puis à un commissaire indépendant. Pensez-vous qu'ils devraient pouvoir se servir de vous pour faire ces dénonciations?
M. Pierre Nollet: Il y a une sorte de dichotomie dans notre situation. En tant qu'organisation journalistique, nous estimons que la liberté des médias, la liberté de parole doit avoir la préséance. En tant qu'organisation responsable, nous estimons qu'il est nécessaire d'avoir une procédure correcte, et c'est ce suggère le projet de loi. Nous croyons à un équilibre. Il faut qu'il y ait un équilibre pour que le système puisse fonctionner correctement et que les dénonciateurs puissent dénoncer la situation quand ils ne voient pas les résultats. Je suis convaincu que votre comité et le Parlement peuvent trouver ce bon équilibre et je pense qu'il reposera sur le principe de la bonne foi de la part des intervenants. Tant que les gens agissent en bonne foi, ils devraient pouvoir faire ce que vous dites.
Le président: Monsieur Epp.
M. Ken Epp (Elk Island, PCC): Mes questions ne nécessiteront que de brèves réponses.
Le contribuable verse environ 2,7 millions de dollars par jour à CBC/Radio-Canada, 365 jours par an. C'est un montant considérable. Pouvez-vous me dire par quel mécanisme votre société rend des comptes sur la façon dont elle dépense cet argent?
M. Pierre Nollet: Il me faudrait beaucoup de temps pour répondre correctement à cette question, mais je vais résumer.
Premièrement, toutes nos émissions sont sur les ondes chaque jour—à la télévision, à la radio, sur Internet, peu importe, donc vous voyez à quoi nous utilisons notre argent. Vous pouvez le voir, vous pouvez l'entendre, ce n'est pas un problème.
Le président: En fait, monsieur Nollet, je pense que M. Epp voulait savoir comment vous protégez vos ressources, et non pas comment vous les dépensez.
M. Pierre Nollet: Il y a beaucoup de protection.
M. Ken Epp: Tout à fait. C'est là où le bât blesse. D'autres réseaux de télévision ne reçoivent pas 2,7 millions de dollars par jour des contribuables et nous offrent à peu près le même type de programmation et d'annonces publicitaires que Radio-Canada. Le problème ne se situe donc pas à cet égard.
Si vous ou votre président faisiez chaque jour des déjeuners somptueux coûtant entre 300 et 400 $ chacun, le contribuable serait en droit de s'estimer volé. Où ces dépenses seraient-elles comptabilisées? Qui en entendrait jamais parler? À qui devez-vous fournir les renseignements de ce genre?
M. Pierre Nollet: Je crois pouvoir dire—et je crois que le rapport de la vérificatrice générale le confirme—que nous avons un mécanisme rigoureux en place pour empêcher ce genre de situation.
Notre politique en matière de frais d'accueil et de déplacement est publique. Nous avons aussi demandé à des vérificateurs internes qui appartiennent en fait à un cabinet indépendant d'examiner nos mesures de contrôle. En outre, le Bureau du vérificateur général fait rapport chaque année sur nos états financiers. La situation financière de la société fait aussi l'objet d'un examen spécial tous les cinq ans. Nous publions aussi un rapport annuel, un plan d'activités ainsi qu'un résumé de ce plan. Nous rendons des comptes au gouvernement par l'intermédiaire du ministre du Patrimoine canadien.
La société est assujettie à un grand nombre de contrôles qui assurent la reddition de comptes et la transparence dans le contexte évidemment de la loi. La Loi sur la radiodiffusion nous impose certaines obligations que nous respectons ou dépassons.
¿ (0955)
M. Ken Epp: Je faisais allusion de façon assez évidente à un ancien fonctionnaire qui a fait exactement ce genre de chose et a mal utilisé l'argent des contribuables. Ce sont notamment des demandes de renseignements aux termes de la Loi sur l'accès à l'information qui nous ont permis de découvrir le pot aux roses.
Je peux bien présenter une demande d'accès à l'information portant sur CBC/Radio-Canada, mais je ne serai pas plus avancé. Je n'obtiendrai aucun des renseignements que je souhaite. En ce qui me concerne, j'estime que la société ne rend aucun compte au sujet de son fonctionnement quotidien. Si l'argent du contribuable était mal utilisé, personne ne le saurait.
M. Pierre Nollet: Je ne suis pas d'accord avec vous là-dessus. Notre conseil d'administration approuve les dépenses du président et du directeur général chaque année. Le conseil est nommé par le Parlement, par le gouvernement. La loi énonce clairement qu'il incombe aux administrateurs de veiller à ce que la société soit bien gérée. Douze personnes—11 si l'on exclut le président pour tenir compte de l'exemple que vous donnez—exercent un droit de regard sur la gestion de la société. Je peux vous assurer que les administrateurs de la société ont accès à beaucoup de renseignements et posent beaucoup de questions si...
Le président: Je vous remercie.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci, monsieur le président.
On vous a écoutés tout l'avant-midi. Vous nous dites que vous ne voulez pas être identifiés comme des fonctionnaires tels qu'on les définit à l'article 2. On pourrait tout simplement créer une nouvelle catégorie, si c'est nécessaire, pour vous y inclure.
Quant à l'article 13, vous demandez ce que vous devez faire si un employé, un journaliste, reçoit une enveloppe brune. On n'oblige pas la dénonciation, on dit qu'on peut faire une dénonciation. Donc, c'est aussi selon le bon jugement de la personne. Alors, un journaliste va vouloir continuer à faire son travail de journaliste.
Vous n'êtes pas arrivés avec quelque proposition d'amendement que ce soit, vous ne nous avez rien soumis pour nous aider à vous inclure, les sociétés d'État, là-dedans. Est-ce qu'il y a possibilité de penser que vous pourriez nous apporter des amendements pour nous aider à faire un projet de loi qui pourrait inclure la Société Radio-Canada?
M. Pierre Nollet: J'imagine que c'est possible mais, malheureusement, je ne les ai pas avec moi ce matin. Toutefois, quant à savoir si on peut vous aider à formuler des amendements, je suis certainement disposé à le faire.
Mme Monique Guay: Parfait. Merci.
[Traduction]
Le président: M. Lanctôt a une brève question à poser. M. Martin également. Après ces deux interventions, je poserai moi-même une brève question.
[Français]
M. Robert Lanctôt: J'aimerais qu'on m'explique où peut se situer le problème. Vous dites que ce n'est pas par rapport aux employés qui dénonceraient des actes à l'intérieur de Radio-Canada, mais que c'est par rapport aux enveloppes brunes que vous recevez qu'il pourrait y avoir un problème.
Mme Guay vient de soulever un point, mais ce qui est très important et qu'il ne faut pas oublier, c'est qu'à l'inverse, si le journaliste fait bien son travail, il gardera son indépendance, contrairement à celui qui fait de fausses déclarations quant à de faux actes répréhensibles. C'est la même chose pour tous les actes dans la société. Si le journaliste ne vérifie pas ses sources ou qu'il ne vérifie pas les informations qui lui sont données et qu'il prend ce que quelqu'un lui dit, il ne sera pas davantage protégé. Ce n'est pas cette loi qui nuira à l'indépendance du journaliste. Le journaliste a un travail à faire. Donc, celui qui veut faire une telle déclaration a le choix de la faire, s'il est de bonne foi. S'il est de mauvaise foi et qu'il donne une telle enveloppe brune à un journalistes et que ce dernier ne fait pas son travail, ce sera son problème. Cela n'a rien à voir avec l'indépendance.
Le professionnalisme du journaliste fera en sorte que l'indépendance sera protégée, s'il vérifie ses sources et s'il aime mieux attendre. S'il veut mettre l'information au jour avant que la dénonciation ait suivi son cours à l'interne et qu'elle se soit rendue devant le commissaire, je pense que le projet de loi est bien fait, parce qu'il protège l'inverse aussi. Cela veut dire que celui qui est de mauvaise foi et qui veut faire une fausse délation seulement pour nuire à quelqu'un--son supérieur ou quelqu'un d'autre--, s'il prend le risque de le faire, autant le journaliste que lui auront commis une faute, un acte répréhensible. Une telle personne pourrait même être congédiée ou être soumise à toutes sortes de choses, à des poursuites, etc. C'est la même chose pour le journaliste; cela n'enlève rien à l'indépendance.
C'est face à cela que j'ai de la difficulté, même face au seul exemple que vous avez donné parce que je vous ai demandé de nous donner des exemples de menaces pour l'indépendance. Vous avez mentionné l'enveloppe brune. Dans le cas de l'enveloppe brune, le projet de loi fait en sorte que si c'est faux, le délateur, autant que le journaliste qui n'a pas fait son travail, sera dans une mauvaise situation. C'est ça, l'indépendance. Avant de donner l'information au public, il faut être sûr qu'elle est vraie.
À (1000)
[Traduction]
Le président: Monsieur Nollet, avez-vous un commentaire à faire?
[Français]
M. Pierre Nollet: Le seul commentaire que je peux faire, c'est qu'il y a beaucoup de choses qui sont mises ensemble qui ne devraient pas nécessairement être mises ensemble. L'indépendance dont j'ai parlé n'a rien à voir avec l'enveloppe brune. C'est mon seul commentaire.
[Traduction]
Le président: Monsieur Martin, vous avez la parole.
M. Pat Martin (Winnipeg-Centre, NPD): Je vous remercie de votre présence. Je regrette d'être arrivé en retard, mais j'ai lu votre mémoire en arrivant.
La lettre de quatre pages que votre président adressait au ministre du Conseil du Trésor n'a pas beaucoup plu au caucus du NPD. Comme vous le savez, notre caucus y a réagi de façon très négative parce que la plupart d'entre nous estiment que CBC/Radio-Canada est un organisme ayant un budget de plusieurs milliards de dollars qui n'est pas à l'abri plus qu'un autre ministère d'une mauvaise gestion des fonds publics ou d'irrégularités.
Je crois que le seul point dans cette lettre de quatre pages qui mérite qu'on s'y attarde est la définition de fonctionnaire. Ne pensez-vous pas que vous auriez dû proposer une modification au projet de loi au lieu de simplement demander d'être exempté de son application? Si c'est votre seule contribution à ce débat, ne pensez-vous pas qu'en proposant un amendement au projet de loi, vous auriez été plus utile?
C'est comme si quelqu'un s'était permis de péter à l'église, si je peux m'exprimer ainsi. C'est exactement la réaction que cette lettre a suscitée. Nous avons vraiment été offusqués de voir que CBC/Radio-Canada, une institution pour laquelle j'ai le plus grand respect, demanderait à être exclue de l'application de cette loi qui vise à protéger les dénonciateurs et non pas les sociétés.
M. Pierre Nollet: Je regrette encore une fois que c'est l'impression que nous vous ayons donnée. Nous ne voulions certainement pas dénigrer votre travail ni l'objectif que vous cherchez à atteindre. Comme je l'ai dit au début de la réunion—et je le répète—nous souscrivons aux principes énoncés dans le projet de loi. Voilà pourquoi nous essaierons d'atteindre l'objectif que vous visez avant même l'adoption de cette loi. Nous espérons pouvoir le faire sans être assujettis à celle-ci.
Nous avons peut-être mal compris la teneur du projet de loi. L'article 2 qui se trouve à la toute fin de celui-ci prévoit déjà un processus en vue d'exclure de l'application de la loi certaines composantes du gouvernement. Nous avons peut-être mal compris ce qu'il en était, mais nous avons cru qu'il s'agissait d'un principe acceptable. Le projet de loi prévoit déjà des exemptions et nous avons peut-être eu tort de croire que cette situation s'appliquait à nous.
Pour ce qui est de proposer des amendements—comme j'ai essayé de l'expliquer plus tôt à M. Lanctôt—, chaque amendement comporte de nombreuses conséquences dont il faut tenir compte soigneusement. Je ne pensais pas que nous disposions de beaucoup de temps, mais je suis prêt à travailler à l'atteinte de cet objectif si c'est ce que souhaite le comité. Je soumettrai volontiers au comité nos vues sur la question.
Le président: Monsieur Nollet, si un journaliste apprend qu'un crime a été commis, est-il tenu, en vertu du Code criminel, d'en aviser la police ou les autorités?
À (1005)
M. Pierre Nollet: Cette question suscite un débat. Je ne pense pas que le Code criminel impose une obligation aux journalistes, mais la question peut être débattue. La police a déjà voulu se servir de journalistes et de leur matériel pour justifier certaines accusations. Nous nous sommes toujours opposés à ce qu'elle le fasse parce que nous ne sommes pas des agents de la police. Les journalistes ne sont pas des agents de la police. Nous nous sommes toujours vivement opposés à ce que les journalistes puissent servir de témoins à la police. Nous nous sommes toujours opposés à ce qu'on les oblige à transmettre des renseignements à la police et à servir ensuite de témoins à la Couronne.
Bien que je puisse comprendre les raisons qui peuvent être invoquées pour justifier l'attribution de ce rôle aux journalistes—et je peux vous assurer que la Couronne invoque ces raisons—, les journalistes ont un rôle fondamental à jouer qui ne cadre pas avec ce genre d'approche.
Le président: Le Code criminel exige que les personnes qui savent qu'un crime a été commis en avisent les autorités. Je crois aussi savoir que des journalistes sont parfois emprisonnés parce qu'ils refusent d'identifier leurs sources. Je parle ici cependant des personnes qui savent qu'un acte a été commis et non pas des personnes qui ont appris d'une source qu'un crime avait été commis alors que cette source n'est pas l'auteur du crime.
La raison pour laquelle je pose cette question—abstraction faite du lien qu'elle a avec la définition de fonctionnaire, ce qui ne pose pas de problème insurmontable—est que le seul autre argument sur lequel vous avez insisté est celui qui est lié à la nature de l'industrie de la radiodiffusion et du travail des journalistes. Vous faites valoir que les journalistes doivent protéger leurs informateurs et leurs sources.
Ce projet de loi a trait à l'intérêt public. J'ai l'impression que l'argument que vous avanceriez pour justifier le fait que des journalistes n'informent pas les autorités de l'existence d'un crime ou d'un acte répréhensible tel que le définit la loi, c'est qu'ils exploitent leur connaissance de ce genre de faits de façon très lucrative, si je peux m'exprimer ainsi. Je pense que vous soutiendrez qu'il faut que les intérêts journalistiques de CBC/Radio-Canada priment sur l'intérêt public. Pensez-vous vraiment qu'il est plus important de protéger les objectifs journalistiques de CBC/Radio-Canada que de protéger l'intérêt public?
M. Pierre Nollet: J'espère que ce n'est pas l'impression que je vous ai donnée et je le regrette si c'est le cas. Je ne pense pas qu'il s'agisse du tout de choisir entre l'intérêt public et l'intérêt de CBC/Radio-Canada. La seule raison d'être de CBC/Radio-Canada est de servir l'intérêt public et de défendre la liberté d'expression et l'accès à l'information. La société existe pour transmettre de l'information publique aux citoyens canadiens.
CBC/Radio-Canada en soi n'a pas pour objectif de faire des profits comme vous le laissez entendre. C'est un organe que le Parlement a choisi pour promouvoir le processus démocratique en diffusant de l'information auprès des citoyens canadiens. Nous diffusons des reportages sur le processus judiciaire et sur le processus parlementaire. Je pense que le projet de loi sur les dénonciateurs est un autre outil—et au risque de me répéter, je confirme que nous l'appuyons—pour promouvoir l'intérêt public.
Je ne pense donc pas qu'un intérêt prime sur l'autre.
Le président: Je vous remercie beaucoup messieurs Nollet et Tremblay. Nous vous savons gré d'avoir bien voulu comparaître devant le comité et répondre à nos questions. Je crois que vous nous avez aidés à mieux comprendre les enjeux. Merci encore.
Nous suspendons nos travaux pendant quelques instants pour permettre à nos prochains témoins de s'installer.
À (1015)
Le président: Nous reprenons la séance. Avec l'indulgence du comité, j'aimerais que nous traitions d'une motion dont M. Martin nous a donné avis en temps voulu. Comme vous l'avez sous les yeux, je ne vous la lirai pas. Disons qu'elle est réputée avoir été lue.
M. Martin voulait que je lui permette de dire quelques mots sur la motion et c'est ce que je vais faire maintenant.
M. Pat Martin: Je vous remercie, monsieur le président. Je serai bref. Je vous remercie aussi d'avoir interrompu la séance pour que nous traitions de cette motion. Elle est urgente parce que c'est le dernier jour aujourd'hui pour y donner suite.
Permettez-moi de situer cette motion dans son contexte. J'étais au nombre des membres fondateurs de ce nouveau comité des opérations gouvernementales. Lorsque le comité a d'abord été constitué, l'une des tâches précises qui lui a été confiée était d'examiner les nominations par décret, et en particulier les nominations aux postes supérieurs. La question que je soulève aujourd'hui a déjà fait l'objet d'un rappel au Règlement à la Chambre des communes par le très honorable Joe Clark et porte sur le fait que le gouvernement n'a pas renvoyé devant ce comité certaines nominations par décret, et en particulier la nomination du conseiller à la sécurité nationale, si c'est bien son titre, du premier ministre. Il s'agit de M. Robert Wright.
Comme ceux qui suivent l'actualité le savent, c'est un peu le Rumsfeld du Canada. Il s'agit d'une nomination à un poste très élevé. Nous ne savons rien au sujet de ce poste. Le pays n'en sait pas davantage, pas plus que le Parlement. Sans vouloir remettre en question la compétence de M. Wright, qui est un haut fonctionnaire sans doute tout à fait en mesure de remplir ce poste, nous voulons, ou du moins je veux, par cette motion, que le comité se penche sur cette nomination et sur les fonctions et les responsabilités du titulaire de ce poste très élevé. J'aimerais aussi savoir de qui il relèvera.
La raison pour laquelle nous devons nous pencher sur cette question aujourd'hui est que, d'après les paragraphes 110(1) et (2) du Règlement, un comité doit examiner et approuver la nomination dans les 30 jours qui suivent l'annonce du candidat choisi. Je suppose que nous devons le faire après avoir interviewé le candidat.
Cette occasion ne nous sera cependant pas donnée. Le Parlement est sur le point d'être dissout et cette nomination à un poste très élevé a été faite sans que nous ne l'examinions. Je crois que le comité devrait donc se réunir de nouveau plus tard aujourd'hui ou, si cela est nécessaire, le délai prévu aux paragraphes 110(1) et (2) du Règlement devrait être prolongé par consentement unanime de manière à ce que le comité puisse entendre ce témoin.
Je demande donc au comité d'adopter la motion que je propose. Nous pourrions en débattre au besoin.
À (1020)
Le président: Je ne pense pas que le comité soit en désaccord avec la position que vous avez exprimée. On nous a cependant soumis une liste complète des nominations qui nous seraient renvoyées et sur lesquelles nous pourrions nous pencher. Comme vous le savez, il y en a des centaines. L'occasion nous a été donnée de décider des nominations sur lesquelles nous voulions nous pencher.
Je me souviens d'une discussion que nous avons eue, et je pense que c'est Mme Neville qui voulait savoir si nous allions nous pencher aussi sur la nomination des chefs de la direction qui sont aussi les présidents de conseils d'administration. C'est ce que nous avons fait. La nomination de M. Wright a donc été renvoyée devant le comité, mais elle ne correspondait pas aux critères que nous nous sommes fixés.
Cela étant dit, bien que ce soit malheureux, je doute fort que nous puissions aller plus loin puisque nous sommes aujourd'hui le 11 mai et que la motion dont vous avez donné avis dit que nous devrions nous pencher sur cette nomination avant aujourd'hui. Il y a donc un vice de forme, mais je ne voudrais pas rejeter simplement cette motion en raison d'un vice de forme.
M. Pat Martin: Le problème qui se pose n'est pas lié à la date qui figure dans ma motion, mais au fait que le Règlement prévoit un délai maximal de 30 jours.
Le président: Eh bien, dans un esprit de...
M. Paul Forseth: Avant que vous ne rendiez votre décision, peut-être me permettriez-vous de dire...
Le président: M. Martin a proposé une motion. Je voulais simplement lui demander s'il pensait vraiment que nous pourrions rassembler toute la documentation nécessaire et organiser une réunion aujourd'hui même à laquelle comparaîtrait M. Wright?
M. Pat Martin: Non. J'ai dit que soit nous ferions cela, soit, par accord mutuel, nous déciderions de prolonger le délai prévu dans le Règlement pour pouvoir examiner cette nomination la semaine prochaine. Nous pensons être de retour la semaine prochaine.
Le président: Dans ce cas, voulez-vous simplement modifier votre motion pour qu'elle précise que nous nous pencherons sur cette question la semaine prochaine? Je pense qu'il serait préférable que la motion prévoie au moins quelque chose de raisonnable...
M. Pat Martin: Je suis tout à fait prêt à modifier la motion si les autres membres du comité sont prêts à l'adopter ainsi modifiée.
Le président: L'important, c'est que des membres du comité examinent la nomination de cette personne, étant donné la nature du poste. Nous devrions essayer de prévoir une réunion à cette fin dans deux semaines étant donné que la semaine prochaine est une semaine de relâche.
Une voix: On verra bien.
Le président: Nous organisons toujours nos travaux sans tenir compte de la possibilité qu'ils soient interrompus. Nous devons nous fier au calendrier normal. Nous pouvons donc prévoir la comparution de M. Wright dans deux semaines. Nous pouvons toujours nous pencher sur cette nomination même si le délai prévu à cette fin est expiré.
Cela vous convient-il?
Des voix: D'accord.
Le président: Monsieur Forseth. Soyez bref.
M. Paul Forseth: Oui, monsieur le président.
Je suppose que lorsque le délai de 30 jours est expiré, la nomination est réputée avoir été examinée et approuvée. Ce délai est donc expiré, mais cela ne nous empêche pas de le convoquer plus tard comme témoin. Nous ne sommes peut-être plus en mesure d'approuver ou de rejeter la nomination, mais nous pouvons certainement entendre ce témoin et lui poser les questions qui s'imposent sur un poste aussi important comme l'a indiqué M. Martin.
Comme il s'agit d'un nouveau poste, je pense qu'il serait bon que le public soit renseigné sur les attributions de son titulaire. Je pense que nous pouvons faire savoir ce que nous aimerions obtenir, et pas seulement un curriculum se rapportant au titulaire. Le témoin pourrait peut-être comparaître devant le comité accompagné d'un ou de deux collaborateurs pour que nous puissions discuter du rôle du titulaire lui-même et de son bureau.
À (1025)
Le président: Je crois qu'il y a accord. Nous ferons cela.
Monsieur Epp.
M. Ken Epp: Je voudrais simplement que nous agissions dans les formes.
M. Martin a donné avis du dépôt de sa motion. Monsieur le président, ne sommes-nous pas saisis d'une motion? L'avis était-il insuffisant? M. Martin n'a pas vraiment proposé sa motion.
Le président: L'avis donné était suffisant, mais la motion dit qu'avant aujourd'hui nous examinerons la nomination. Cela n'est pas logique.
À mon avis, le libellé de la motion est incorrect.
M. Ken Epp: Vous avez donc jugé la motion irrecevable.
Le président: Je crois qu'il y a cependant consensus ou du moins un large accord pour que le comité examine cette nomination malgré l'expiration du délai de 30 jours.
Nous devrons certainement tenir compte des délais prévus à l'avenir. Tous les avis de nomination nous sont distribués et si les députés veulent que nous nous penchions sur une nomination en particulier, ils devraient en aviser la présidence le plus tôt possible. Nous convoquerons donc ce témoin pour dans deux semaines.
Revenons maintenant au projet de loi C-25.
Monsieur Thomas, nous vous remercions de votre patience. Nous n'allons pas vous demander de vous presser. Nous allons vous accorder tout le temps nécessaire.
Nous accueillons maintenant M. Paul Thomas, professeur à l'Université du Manitoba, qui est un spécialiste des questions qui sont liées à la teneur du projet de loi C-25.
Bienvenue. On m'informe que vous avez une déclaration liminaire à faire. Le comité voudra certainement vous poser des questions. Je vous prie donc de bien vouloir commencer.
M. Paul Thomas (professeur, Université du Manitoba, À titre individuel): Je vous remercie beaucoup.
Je suis heureux d'être ici. Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de m'adresser au comité.
Je serai bref afin de consacrer le plus de temps possible à la discussion sur cette question importante et controversée. Je compte être bref. Je voudrais aborder deux points durant la période qui m'est allouée.
Premièrement, en m'appuyant sur mon long rapport dont les membres du comité ont obtenu copie, je commenterai brièvement l'expérience des pays qui ont adopté, avant le Canada, des lois sur la dénonciation. Cela nous donnera un cadre de comparaison pour l'étude du projet de loi C-25.
Deuxièmement, je signalerai les forces et les faiblesses du projet de loi.
Comme la dénonciation est une activité subjective controversée fondée sur des valeurs, aucun cadre législatif ni ensemble de pratiques administratives ne sera jamais à l'abri des critiques. Par ailleurs, chaque pays doit élaborer des lois et des pratiques qui correspondent à ses propres arrangements constitutionnels et institutionnels, à son histoire, à son expérience ainsi qu'aux valeurs politiques et administratives dominantes. Ce qui fonctionne ailleurs ne conviendra pas nécessairement au Canada.
Parlons d'abord de l'expérience d'autres pays. Le long rapport dont j'ai parlé analyse les arguments pour et contre l'adoption d'une loi visant à protéger les dénonciateurs, tout en tenant compte du débat en cours au Canada depuis une dizaine d'années et de l'expérience de quatre pays, soit l'Australie, la Nouvelle-Zélande, le Royaume-Uni et les États-Unis, qui ont déjà adopté une loi similaire. Je me contenterai d'insister sur dix points mis en lumière dans mon analyse.
Le premier point est que les régimes de dénonciation engendrent une déception quasi universelle parce que les avantages susceptibles de découler de l'adoption de ces lois sont généralement exagérés.
Deuxièmement, mesurer le succès d'une loi est une chose impossible parce que nous ne nous entendons pas sur la définition d'efficacité. Cette situation peut être attribuable au nombre de litiges qui découlent de cette loi, aux types de litige ou aux mesures correctives qui sont prises. J'ai noté dans le témoignage de M. Keyserlingk, qu'un critère de succès est l'accueil réservé à une loi par les consommateurs, soit les usagers de la loi et les fonctionnaires. Nous nous fondons sur d'autres critères pour évaluer le succès d'une loi.
Troisièmement, quatre conclusions fondées sur l'expérience d'autres pays expliquent la déception face à ces lois. Premièrement, elles ne semblent pas inciter un plus grand nombre de personnes à dénoncer. Deuxièmement, il n'existe aucune preuve fiable démontrant combien de dénonciateurs sont dans l'erreur ou de mauvaise foi. Troisièmement, les lois n'arrivent pas à protéger efficacement les dénonciateurs contre des formes subtiles de représailles et quatrièmement, il n'existe aucune preuve fiable démontrant dans quelle mesure la dénonciation conduit à la correction des présumés actes répréhensibles.
Quatrième point de mon analyse, certains facteurs psychologiques, sociaux et culturels jouent un rôle beaucoup plus important que les lois proprement dites pour déterminer le fonctionnement et le succès des régimes de dénonciation.
Cinquièmement, tout le monde s'entend sur la nécessité de mettre en place un organisme indépendant chargé de surveiller les activités de dénonciation, mais l'argument selon lequel il doit s'agir d'un nouveau haut fonctionnaire du Parlement n'est pas aussi concluant que le laissent entendre les partisans de cette mesure.
Sixièmement, dans d'autres pays dotés d'un système parlementaire et ministériel, l'organisme chargé de surveiller la dénonciation fait généralement partie du gouvernement, tout en bénéficiant de certaines protections contre l'ingérence ministérielle. Ce poste est similaire à celui du président de la Commission de la fonction publique au Canada.
Septièmement, dans tous les pays dotés d'un système parlementaire et ministériel, les organismes de surveillance ont des pouvoirs similaires à ceux d'un protecteur du citoyen, soit celui de rendre public et de convaincre. M. Keyserlingk demande qu'on confère au nouveau commissaire notamment le pouvoir d'ordonner l'arrêt des représailles et de rendre des décisions décisives et exécutoires concernant les allégations de représailles. À mon avis, conférer à un nouveau haut fonctionnaire du Parlement le pouvoir d'ordonner, qui exige un véritable exercice décisionnel, risque d'aller à l'encontre des principes de la responsabilité ministérielle.
Huitièmement, le fait de s'appuyer sur des dispositions législatives et des procédures contradictoires pour traiter les cas de dissidence risque de réduire la souplesse, la confiance, la collégialité et l'objectif commun qui existent au sein des ministères et des organismes non ministériels.
Neuvièmement, l'adoption de lois sur la dénonciation reflète et renforce la perception du public que les actes répréhensibles et la dissimulation sont des pratiques courantes au gouvernement.
À (1030)
Enfin, le dixième point de mon analyse est que ce qui contribuera toujours le plus à la prévention d'actes répréhensibles chez les hauts fonctionnaires, tant élus que nommés, demeurera toujours leur perception personnelle et subjective du bien. L'adoption d'une loi ne contribuera que faiblement à promouvoir une conduite éthique et responsable.
Certes, il y aurait encore beaucoup à dire sur le fonctionnement des lois sur la dénonciation en vigueur à l'étranger et sur leur pertinence pour le Canada, mais faute de temps, je passe maintenant à mon commentaire du projet de loi C-25.
Mon premier point est le suivant : il ne peut y avoir de règles immuables en matière de dénonciation. C'est pourquoi tout cadre législatif doit prévoir des structures et des procédures administratives capables d'établir un équilibre entre les valeurs et les intérêts et d'inspirer le soutien et la confiance au sein de certains organismes.
L'élaboration de lois relatives à la dénonciation n'est pas une science précise, en ce sens que les législateurs ne peuvent prédire avec certitude comment les dispositions seront mises en pratique, notamment comment elles seront interprétées par les tribunaux quasi judiciaires.
À mes yeux, le projet de loi présente des avantages potentiels dont les suivants :
Premièrement, il fait participer le Parlement au débat sur ce qui constitue un équilibre raisonnable entre le devoir de loyauté envers l'employeur et la liberté d'expression ainsi que la reconnaissance de la dissidence légitime au sein d'un organisme public.
Deuxièmement, il fournit une base législative qui encourage la dénonciation responsable d'actes répréhensibles, au lieu de s'en remettre à une politique administrative sous le contrôle exclusif du gouvernement.
Troisièmement, il place la dénonciation interne dans le contexte d'un code de conduite et d'un engagement à adopter une charte des valeurs du service public.
Quatrièmement, il respecte les principes constitutionnels de la responsabilité ministérielle et ne cherche pas à les modifier indirectement et par inadvertance dans des mesures législatives, par exemple, en conférant au commissaire à l'intégrité du secteur public un véritable pouvoir de décision fondé sur son interprétation d'une notion aussi insaisissable que « l'intérêt public ». Au contraire, le projet de loi autorise le commissaire à porter les actes répréhensibles à l'attention des ministres responsables lorsque les sous-ministres et les DG ne réagissent pas, conférant ainsi à l'imputabilité la place qui lui revient dans notre système de gouvernement.
Le projet de loi élargit la portée de la politique sur la dénonciation interne en englobant des organismes non ministériels, par exemple, les sociétés d'État. Il reconnaît qu'il est préférable, dans la mesure du possible, de régler les problèmes à l'interne afin de nuire le moins possible à la carrière des fonctionnaires et aux activités ou à la réputation des organisations pour lesquelles ils travaillent. Il oblige chaque sous-ministre ou directeur général de la fonction publique à mettre en place un mécanisme interne de dénonciation et il offre également la possibilité de faire une dénonciation, sous certaines conditions, auprès d'un commissaire à l'intégrité du secteur public.
Il prévoit la participation du Parlement à la nomination du commissaire et autorise ce dernier à présenter au Parlement, au besoin, des rapports spéciaux. Il offre aux fonctionnaires une protection contre les représailles susceptibles d'être exercées contre eux suite à leur décision de dénoncer des actes répréhensibles et il permet aux employés victimes de représailles de porter plainte devant l'un des deux tribunaux quasi judiciaires chargés des questions liées à l'emploi, voire carrément devant les tribunaux, si nécessaire.
Je crois qu'un de vos témoins a affirmé que la Loi sur la modernisation de la fonction publique interdisait toute procédure d'appel devant les tribunaux. J'ai demandé un avis juridique sur la question et je pense que c'est faux. Je continue à croire qu'au pire, il reste toujours la possibilité de procédure d'appel devant les tribunaux.
Ce projet de loi porte sur les actes répréhensibles courants déjà mentionnés dans les lois provinciales ou territoriales et autorise un fonctionnaire à faire une dénonciation à des personnes de « l'extérieur » lorsqu'il s'agit d'actes plus graves (des infractions à la loi qui ont été commises ou qui sont sur le point d'être commises) et lorsqu'il doit agir rapidement.
Enfin, il prévoit des mesures potentiellement sévères pour les allégations futiles ou vexatoires pour les représailles avérées.
Pour résumer, il ne fait aucun doute que le projet de loi est un bon point de départ vers la création d'un cadre stratégique équilibré, juste et efficace. Je ne suis pas d'accord avec les critiques qui affirment que ce projet de loi est pire que l'absence de loi. L'insistance à vouloir façonner une loi « parfaite » risque de bloquer toute réforme immédiate. Sur ce point, je me permets de vous informer que j'ai été membre du comité consultatif externe du Groupe de travail fédéral sur l'accès à l'information en 2001-2002, et que le lobby de la liberté d'information a tout fait pour discréditer tous ses travaux. Par conséquent, les ministres n'ont été nullement encouragés à modifier une loi d'accès à l'information vieille de 20 ans.
Insister sur la perfection est souvent synonyme d'immobilisme.
La plupart des pays ont jugé nécessaire de modifier leur loi respective à la lumière de leur expérience et le Canada ne fera pas exception à cet égard. Certaines critiques mettant en lumière les lacunes et les faiblesses du projet de loi sont pertinentes et, à mon avis, quelques-unes sont plus convaincantes que d'autres.
À (1035)
Pour commencer, puisqu'il sera un élément du gouvernement, le commissaire ne donnera pas l'apparence d'indépendance et n'inspirera pas les fonctionnaires à la confiance. L'actuel commissaire à l'intégrité du service public n'a signalé aucune ingérence dans ses activités, bien qu'il relève du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le projet de loi prévoit certaines conditions visant à garantir l'indépendance du nouveau commissaire, tant en apparence qu'en réalité. Certains pays, comme l'Australie, le Royaume-Uni et les États-Unis, ont recours à des organismes qui relèvent du pouvoir exécutif, mais la place de l'organisme de surveillance n'y a jamais pris autant d'importance qu'au Canada.
Les critiques laissent entendre que le commissaire devrait joindre les rangs des hauts fonctionnaires du Parlement, de plus en plus nombreux, parce que cela garantirait son indépendance. L'affaire Radwanski a clairement démontré que le modèle du « haut fonctionnaire du Parlement » n'est pas une garantie de comportement responsable.
Dans le passé, le Parlement a failli à son devoir de surveillance étroite des hauts fonctionnaires du Parlement. Assurer un juste équilibre entre l'indépendance et l'imputabilité de ces organes de surveillance est une tâche bien concrète qui requiert un examen approfondi de leur mandat ainsi que des mécanismes de nomination, d'établissement de budgets, de dotation et de reddition de comptes des hauts fonctionnaires du Parlement.
Dans un article qui a paru à l'automne dernier dans le journal Canadian Public Administration, je disserte longuement sur la nécessité d'un juste équilibre entre l'indépendance et l'imputabilité de ces hauts fonctionnaires du Parlement.
Certains critiques s'élèvent contre le processus de dénonciation en deux volets qui incite clairement les fonctionnaires à signaler les cas d'abord au sein de leur ministère ou organisme. Pour les raisons déjà mentionnées, je crois qu'il est préférable que les employés cherchent d'abord à régler les problèmes à l'interne.
Au Royaume-Uni, le Public Interest Disclosure Act précise que les employés doivent, dans la plupart des cas, porter plainte d'abord à l'intérieur de leur propre ministère et, ensuite, auprès des commissaires de la fonction publique. Le groupe de défense appelé Public Concern at Work a critiqué d'autres éléments du système britannique de dénonciation, mais l'obligation de chercher des solutions à l'interne n'a jamais été la cible de critiques. En Australie, les employés doivent également adresser leur plainte d'abord à leurs chefs permanents (l'équivalent de nos sous-ministres).
Certains critiques considèrent que les deux tribunaux qui seront chargés des plaintes pour représailles—la Commission des relations de travail dans la fonction publique et le Conseil canadien des relations industrielles—sont des organismes administratifs qui manquent de connaissances en matière de dénonciation. Il serait plus exact, je crois, de les décrire comme des tribunaux quasi judiciaires qui, avec le temps, acquerront des connaissances spécialisées en la matière.
Au Royaume-Uni, le groupe de défense a conclu, au terme de son examen, que les tribunaux spécialisés dans les relations de travail avaient appliqué la Public Interest Disclosure Act avec rigueur.
En résumé, les principales critiques à l'égard du projet de loi doivent être prises au sérieux, mais elles ne doivent pas faire obstacle à son adoption.
Je finirai par trois possibilités d'améliorations du projet de loi.
Aux fins d'administration et d'imputabilité, je crois savoir que le bureau du commissaire figurera aux « livres » de la nouvelle Agence de gestion des ressources humaines de la fonction publique du Canada, qui relève du président du Conseil privé de la Reine. Même si, techniquement, le commissaire fait partie de l'Agence, il aura ses propres locaux, employés et systèmes. Si cet arrangement soulève encore l'inquiétude que le gouvernement n'impose des restrictions à la nouvelle agence, il y aurait lieu de conférer au commissaire à l'intégrité du secteur public le droit de porter plainte auprès du Parlement en cas de sous-financement ou de toute autre restriction concernant son personnel et ses niveaux de classification, par exemple.
Deuxièmement, en adoptant le modèle du « protecteur du citoyen » doté d'un pouvoir d'enquêter, de convaincre et de rendre public, le projet de loi renforce, à juste titre, les pouvoirs d'enquête du commissaire à l'intégrité du secteur public—celui-ci doit être capable de pénétrer sur les lieux, d'appeler des témoins à comparaître et d'exiger le dépôt de documents. Cependant, les propres activités du commissaire devraient être elles aussi soumises à une procédure juste et équitable.
Enfin, le paragraphe 16(3) du projet de loi précise clairement qu'un employé victime de représailles doit porter plainte dans les 30 jours suivant la date où il a eu connaissance ou aurait dû avoir connaissance des conséquences négatives pour sa carrière découlant de la dénonciation. Un délai de 30 jours semble trop court. La plupart des États américains et il y en a aujourd'hui 40 qui ont de telles lois—prévoient un délai de 60 à 90 jours, ce qui n'est pas toujours suffisant. Il y aurait lieu de prévoir un délai d'un an à compter de la date de la dénonciation et d'inverser la charge de la preuve en obligeant l'employeur à prouver que les conséquences néfastes ne sont pas un résultat direct de la dénonciation. Cela serait plus juste pour les employés qui ont beaucoup à perdre et qui disposent de beaucoup moins de ressources que le gouvernement.
À (1040)
Un autre moyen de limiter l'ingérence ministérielle consisterait à conférer au commissaire le pouvoir de présenter, en tout temps, un rapport spécial au Parlement. Rarement utilisé, ce pouvoir pourrait s'avérer une précieuse source d'influence puisque les ministres et les hauts fonctionnaires veulent généralement éviter de faire l'objet de « mauvais rapports ».
Si le Parlement se prononce en faveur du modèle de haut fonctionnaire du Parlement, je rappellerais aux députés et aux sénateurs qu'il leur reste du pain sur la planche puisqu'il faudra créer un cadre plus cohérent d'orientation et d'imputabilité pour ces entités particulières et obliger le Parlement à mettre en place un mécanisme d'examen plus systématique et constructif de leurs activités.
Je vous remercie de votre attention. C'est avec plaisir que je répondrai à vos questions.
Le président: Merci.
Chers collègues, d'après ce qu'on me dit, le Comité des transports siège dans cette salle à 11 heures. Je vous prierais donc d'être aussi concis que possible.
Monsieur Forseth.
M. Paul Forseth: Merci.
Je vous sais gré de vos derniers commentaires, notamment sur ce qu'il faut en réalité entendre par haut fonctionnaire du Parlement. J'estime que c'est une sorte d'être hybride et que si nous voulons réellement des hauts fonctionnaires du Parlement indépendants, il faudrait que leur nomination, leur embauche, leur salaire et leurs activités soient soumis à l'approbation du Parlement. Ils ne devraient absolument pas être nommés par décret ministériel et devraient totalement relever du Bureau de la régie interne, donc exclusivement du Parlement, pour être véritablement des hauts fonctionnaires du Parlement.
Vous avez aussi dit que contrairement à certains témoignages, vous continuez à penser qu'il est toujours possible de faire appel devant les tribunaux malgré l'adoption du précédent projet de loi C-25. Vous pourriez peut-être nous donner maintenant quelques petites explications et nous fournir ultérieurement la documentation pertinente—vous dites avoir eu communication d'un avis juridique. Cela nous aiderait beaucoup.
Il y a une autre chose sur laquelle j'aimerais vous entendre... vous nous avez mis en garde contre un optimisme exagéré quant aux résultats du projet de loi C-25, tout en continuant à dire qu'il vaut la peine d'être adopté et qu'il nous faudra peut-être, en plus de cette loi, changer une bonne partie des protocoles de gestion et du style de gestion pour qu'il y ait véritablement changement de culture. Vous pourriez peut-être aussi nous éclairer un peu plus sur ce sujet.
À (1045)
M. Paul Thomas: Je pense, pour commencer, que si ces hauts fonctionnaires du Parlement doivent rendre des comptes, c'est au Parlement lui-même, non pas à l'exécutif politique ou aux agences centrales du gouvernement. Dans le mémoire que j'ai consacré aux hauts fonctionnaires du Parlement, j'entre plus dans les détails sur leur mandat, leur nomination, leur budget, leur personnel, toutes ces sortes de choses. La vérificatrice générale, elle aussi haut fonctionnaire du Parlement, a une sorte de pouvoir supplémentaire dans la mesure où elle peut se plaindre du manque de ressources de son bureau si elle estime ne pas pouvoir remplir ses obligations.
Je vous ferai parvenir, par l'entremise de votre greffière, un texte sur la question de savoir si l'article concerné de la Loi sur la modernisation de la fonction publique représente ou non un obstacle à l'application d'une loi sur la dénonciation. Je crois comprendre qu'il y a deux mécanismes de recours différents et l'un ne bloque pas l'autre.
En termes de culture, je fais quelques travaux actuellement sur la confiance dans les organismes—sur le contrôle et la confiance et les rapports entre les deux. Transformer une culture prend du temps. Cela prend des années—voire des décennies—et la fonction publique, à de nombreux égards, ne veut courir aucun risque en partie parce que les ministres insistent sur une absence totale d'erreurs, en partie parce que le Parlement, lui, veut mettre en lumière les erreurs et les initiatives malheureuses, ce qui crée un environnement de sécurité et de frilosité au sein de la fonction publique. Cela n'incite pas les fonctionnaires à parler surtout qu'ils ne peuvent avoir la garantie, à long terme, que cela n'aura pas d'incidence sur leur carrière.
Le président: Merci.
Madame Guay.
[Français]
Mme Monique Guay: Merci pour votre intervention. Je vais procéder rapidement, parce qu'on n'a pas beaucoup de temps. C'est désolant, car vous avez fait un travail extraordinaire qui nous sera fort utile pour proposer certains amendements.
La grande majorité des témoins qui sont venus ici, devant le comité, nous ont demandé d'amender la loi en ce qui concerne le commissaire. Ils veulent que le commissaire se rapporte directement au Parlement, un peu comme la vérificatrice générale. J'aimerais entendre votre opinion là-dessus.
Deuxièmement, que pensez-vous du fait qu'une société d'État comme Radio-Canada veuille justement ne pas être couverte par cette loi? On ne peut pas exclure une société d'État. Si on exclut Radio-Canada, il faudra penser éventuellement à exclure Postes Canada. Donc, j'aimerais aussi avoir votre opinion là-dessus.
[Traduction]
M. Paul Thomas: Merci.
Je ne suis pas certain que passer par un ministre soit une faiblesse fatale. La Commission de la fonction publique fait rapport de ses activités annuellement au Parlement et peut aussi déposer des rapports spéciaux à tout moment, et je n'ai pas connaissance d'exemples de rapports retenus par des ministres.
[Français]
Mme Monique Guay: Ils ont dix jours. Les ministres ont dix jours pour déposer ou non le rapport. Donc, il y a une marge de manoeuvre disponible même dans le projet de loi.
[Traduction]
M. Paul Thomas: Oui, et je suppose que cela dépend du caractère d'urgence que vous accordez au rapport. Il peut dénoncer des malversations imminentes ou quelque chose de tellement grave pouvant menacer la santé et la sécurité des Canadiens, un danger de catastrophe environnementale, par exemple, que vous vouliez que ce rapport soit immédiatement rendu public. Dans la majorité des cas, les ministres hésitent énormément à prêter le flanc à une telle critique, avoir gardé un rapport sous le coude. Maintenant, vous pouvez penser qu'il y aura carence du système dans les cas les plus graves, dans ceux où il est des plus urgents que le Parlement soit informé.
Quant aux sociétés d'État, je ne vois pas quels arguments permettraient de les exempter de cette loi.
J'ai été pendant un mandat le président du conseil du Manitoba Telephone System quand c'était une société d'État. C'est pendant cette période que les lois sur l'accès à l'information ont été adoptées. Pour une partie de nos activités, nous étions dans un environnement de concurrence. Je ne pensais pas que pour cette raison nous devrions être exemptés totalement de la Loi sur l'accès à l'information. Je pensais plutôt qu'au cas par cas nous devrions pouvoir justifier de la non-communication de certains renseignements.
J'ai lu le mémoire de CBC/Radio-Canada et j'ai entendu ce qu'ils avaient ajouté aujourd'hui. Je ne suis pas convaincu par leurs arguments.
Le président: Merci.
Madame Neville.
À (1050)
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci.
Je serai très brève car il est possible que je décide d'en reparler avec vous dans notre bonne ville, monsieur Thomas.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé de l'énorme poids de valeurs associées à une loi sur la dénonciation. Vous avez dit ensuite que « [...] ce qui contribuera toujours le plus à la prévention d'actes répréhensibles chez nos fonctionnaires, tant élus que nommés, demeurera toujours leur perception personnelle et subjective du bien [...] » Vous avez ensuite parlé du code de conduite. Comment concilier tout cela? Comment peut-on garantir que cette culture d'équité et de responsabilité...? Tout ça c'est une question de valeurs et comment le gouvernement peut-il garantir—d'ailleurs le peut-il?
M. Paul Thomas: La loi jouera un certain rôle. Si le Parlement, après débat, adopte une loi qui envoie un message aux fonctionnaires leur disant qu'une dissension responsable dans un organisme est légitime et que cela représente une valeur certaine quand c'est fait dans les règles, la loi jouera.
Cela fait un certain temps que je fréquente les fonctionnaires et ils me donnent l'impression de se sentir un peu assiégés aujourd'hui par toute une kyrielle d'instances de supervision et de contrôle. Nous avons multiplié le nombre de hauts fonctionnaires du Parlement qui exercent une fonction de supervision pour le Parlement et de protection des citoyens. Cela crée, comme je l'ai dit tout à l'heure, une culture de frilosité. Je pense qu'ils ont besoin de dirigeants à la tête de la fonction publique qui se font les champions de l'intégrité, de l'honnêteté, de la transparence et qui encouragent leurs troupes sur cette voie mais cela ne se fera pas du jour au lendemain, comme je vous l'ai dit tout à l'heure.
Les événements du ministère des Ressources humaines et du Développement, Paul Cochrane, le Virginia Fontaine Memorial Treatment Centre et maintenant le scandale des commandites, et plus tôt la Somalie, ont ébranlé les fondations éthiques de la fonction publique. Souvent ils se sentent la cible de critiques pour des problèmes qui ne sont pas dus forcément à leurs actes mais aux pressions exercées par le système et par leurs ministres. Nous allons devoir arriver à un point où il ne suffira plus pour être responsable de montrer du doigt, de blâmer et de dénoncer mais où il faudra tirer des enseignements des erreurs pour les transformer en progrès.
Je ne veux pas flatter indûment votre comité, mais dans la somme des délibérations de votre comité que j'ai pu lire au cours de ces dernières années, j'ai constaté que les membres de votre comité parlaient de problèmes de gouvernement d'une manière plus constructive et non partisane et c'est ce dont nous allons avoir de plus en plus besoin. Souvent, les problèmes ne sont pas des problèmes d'idéologie politique; ce sont plus des problèmes de bonne gouvernance, au sens général.
Le Parlement contribue au climat et à la culture au sein de la fonction publique. Quand vous traînez des fonctionnaires devant vous et que vous les faites témoigner en public, vous leur faites passer des frissons dans le dos. Ils n'aiment pas venir devant vous parce qu'ils ne sont pas sûrs des règles d'engagement.
Le président: Monsieur Shepherd et ensuite monsieur Lanctôt.
M. Alex Shepherd: C'est juste une question générale qui fait suite à ce dont nous discutons : cette évolution de la culture dans la fonction publique, la théorie du laissons les gestionnaires gérer, de l'allégement du carcan des décisions et de cette quête d'une fonction publique novatrice ouverte sur le XXIe siècle. Pour faire court, cette loi risque-t-elle d'y faire obstacle? C'est tout le contraire à cause de toute cette notion de risque. Pourquoi prendre des risques quand on s'expose à de telles conséquences?
M. Paul Thomas: La tension entre ces deux notions est indubitable, et je crois qu'au début des années 90 la priorité a été donnée à la suppression des contrôles excessifs; le mot contrôle a pratiquement disparu du lexique de l'Ottawa officiel. Le Secrétariat du Conseil du Trésor où j'ai servi comme membre du comité consultatif de l'ancienne présidente, a pratiquement fait disparaître cette notion. Il n'était plus question que de donner du pouvoir aux fonctionnaires et de prendre des risques, comme vous dites, mais alors une série d'événements est survenue—des événements embarrassants, gênants—et le pendule est reparti dans le sens du contrôle.
Je le compare au principe de Boucles d'Or : nous voulons que notre porridge soit à la bonne température, ni trop chaud ni trop froid. Nous voulons un équilibre et trouver cet équilibre est délicat. Cet équilibre n'est pas le même dans un organisme du secteur privé et un organisme du secteur public. Dans une entreprise du secteur privé, vous pouvez donner une liberté et une autonomie relatives aux gestionnaires qui peuvent prendre les paris les plus fous, mais qui savent le prix qu'ils risquent de payer s'ils échouent... Dans un organisme public, il n'y a pas les mêmes risques pour les gestionnaires.
À (1055)
Le président: Je crois que je vais passer à M. Lanctôt pour une toute petite question puis à M. Martin pour une toute petite question aussi.
Malheureusement, nous devons libérer la salle.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Merci.
J'aimerais vous entendre sur une question qui me chatouille énormément, parce que vous semblez avoir pas mal la même ligne de pensée que moi.
Monsieur Thomas, quelquefois, l'apparence est plus importante que la réalité. Comment cela serait-il perçu si ce commissaire à l'intégrité était vraiment rattaché, comme le projet de loi le demande, au Secrétariat du Trésor, alors qu'on a eu durant plusieurs années des politiques qui n'ont « pas vraiment fonctionné »? Est-ce qu'un agent à l'intégrité relevant du Parlement ne serait là que pour les apparences, ou si cela permettrait vraiment une indépendance encore plus grande?
[Traduction]
M. Paul Thomas: Les apparences ont de l'importance. Je crois que M. Keyserlingk a raison de dire qu'il est plus difficile aux fonctionnaires de s'adresser à quelqu'un qui fait partie d'une entité qui a pour fonction principale le contrôle et qui représente l'employeur, le Secrétariat du Conseil du Trésor. Maintenant, la nouvelle agence n'est pas censée être intégrée au Secrétariat du Conseil du Trésor, mais je pense qu'avoir à l'origine placé le commissaire à l'intégrité de la fonction publique au sein du Conseil du Trésor était probablement une erreur.
Si j'avais le choix, je le placerais peut-être dans l'organigramme de la Commission de la fonction publique, mais les fonctionnaires pourraient se méprendre et penser qu'il ne s'occupe que de questions de dotation. Ce sont des questions d'intérêt public, pas simplement des questions de dotation en personnel.
Maintenant, savoir si un haut fonctionnaire du Parlement aurait plus d'indépendance, je dirais que oui. D'après le travail que j'ai fait pour le Bureau du vérificateur général et pour le bureau de John Reid, le commissaire à l'information, j'ai l'impression que leurs relations avec le Conseil du Trésor sont plus des relations de négociations que des relations de supérieurs à subordonnés. S'ils ont besoin de ressources supplémentaires, ils peuvent négocier avec le Conseil du Trésor alors qu'il arrive dans d'autres cas que le Secrétariat du Conseil du Trésor dise simplement à un sous-ministre ou à un sous-ministre adjoint de se débrouiller avec son budget et que la marge de négociation est très limitée.
Le président: Monsieur Martin.
M. Pat Martin: Merci.
Je serai bref car vous en avez déjà parlé et j'ai lu votre mémoire.
Vous semblez être favorable à ce projet de loi et je ne le suis pas. Je n'aime pas ce projet de loi; vous semblez tout aimer dans ce projet de loi.
Je ne citerai qu'un exemple. Vous semblez trouver tout à fait normal que l'employé qui estime avoir souffert de représailles doive s'en remettre à l'arbitrage du CCRI ou à la Commission des relations de travail dans la fonction publique. Fort de mon expérience syndicale, je sais ce que c'est que d'aller en arbitrage : premièrement, cela peut prendre un minimum d'un an et demi à deux ans pour être entendu, et deuxièmement, dans toute instance quasi judiciaire, il y a toujours des innocents qui sont jugés coupables et des coupables qui sont jugés innocents.
Si ce projet de loi est aussi précis en termes de discipline pour ceux qui se plaignent de mauvaise foi ou dont les plaintes sont à caractère frivole et vexatoire, pourquoi n'est-il pas aussi précis en termes de discipline pour ceux qui punissent les dénonciateurs? Pourquoi est-il si défavorable aux dénonciateurs et si favorable à la direction? Ce n'est pas un problème pour vous?
M. Paul Thomas: Deux petits points. Je sais que vous devez lever votre séance.
En termes de symbolisme, des employés ne devraient pas être non plus achetés symboliquement. Ils ne devraient pas être sous l'illusion que ce projet de loi les protégera contre tout risque pour leur carrière. Je suis d'accord avec vous quand vous parlez de protection maximale.
Cependant, donner au commissaire le temps de renommer quelqu'un ou de donner réparation pour un grief confère des pouvoirs de décision réels. Je ne pense pas que cela soit opportun dans notre système de gouvernement. Vous connaissez probablement mieux la procédure devant les tribunaux que moi, mais il me semble que les employés veulent avoir un dernier recours juridique qui leur permet de protéger leurs droits. Il faut probablement une instance quasi judiciaire mais avec possibilité de médiation du commissaire avant d'en arriver là.
Le président: Monsieur Thomas, le comité vous est reconnaissant de la clarté de votre exposé, dont le texte a été distribué. Vous y soulevez certaines questions fort intéressantes. Vous avez certainement souligné des points sur lesquels il nous reste encore à travailler, car il n'y a pas encore d'unanimité sur tous les aspects du projet de loi, et vous avez simplement mis en relief le fait que certains pays se sont déjà donné ce genre de mesures.
Le Comité des transports nous donne un autre bref répit, tout simplement parce qu'il attend d'avoir le quorum, alors nous n'allons pas nous en faire outre mesure.
Aussi, Lynne a une brève question à poser.
Monsieur Thomas, vous avez terminé votre exposé en plaidant pour la mise sur pied d'un mécanisme d'examen plus efficace de la reddition des comptes. Vous en parlez par rapport aux parlementaires.
Á (1100)
M. Paul Thomas: Oui.
Le président: À votre avis, les parlementaires ont-ils les ressources nécessaires pour faire ce que vous préconisez?
M. Paul Thomas: Brièvement, je doute que vous ayez les ressources voulues. La rigueur budgétaire imposée au comité a commencé à se faire sentir dans les années 90. Or le travail envisagé est très vaste, compte tenu de l'ampleur et de la complexité de la fonction publique et des autres organismes gouvernementaux qui ne sont pas des ministères.
Pour ma part, cela fait déjà quelque temps que je propose, sans succès d'ailleurs, la mise sur pied d'un comité mixte du Sénat et de la Chambre des communes. Lorsque j'ai étudié le Comité mixte des règlements et des textes réglementaires, j'ai observé que ce sont souvent les représentants du Sénat qui sont le rouage essentiel du comité et qu'ils assument une bonne part du travail le plus ardu.
Le président: Bien.
Pour finir, la parole est à Mme Yelich.
Mme Lynne Yelich: Les manuels du Conseil du Trésor qui contiennent les politiques et règlements ne résultent ni d'une loi ni d'un règlement. Le devraient-ils? Quoi qu'il en soit, ils ne le sont pas, ils n'incarnent que des politiques, non des lois.
M. Paul Thomas: Je ne sais au juste que penser de cela. La situation est la même dans d'autres pays, particulièrement en Australie. Toutefois, je devrais peut-être m'abstenir de généraliser car je ne sais pas ce qui se passe dans tous les autres pays.
En ce moment, je travaille sur la politique du gouvernement du Canada en matière de communications. Je ne voudrais pas être obligé de mettre tout cela sous forme de loi; c'est presque sans espoir.
M. Paul Forseth: Qu'en est-il du code d'éthique?
M. Paul Thomas: J'imagine sans peine qu'on adopte une loi sur la fonction publique—comme l'a fait l'Australie en 1999—qui comporterait un énoncé de valeurs et de principes. C'est plutôt général et vague cependant. Dans la vie quotidienne, si on fait face à un dilemme de nature éthique, on ne pourra pas facilement trouver réponse à ce qu'on cherche dans ce genre de texte.
Le président: Monsieur Thomas, je vous remercie de votre contribution positive à notre étude du projet de loi C-25.
Merci aussi de votre exposé. Nous allons certainement pousser plus loin l'étude de ces questions.
La séance est levée.