C-17 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-17
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 27 février 2003
¿ | 0915 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)) |
Mme Carole Brosseau (secrétaire de comités, Service de recherche et de législation, Barreau du Québec) |
¿ | 0920 |
¿ | 0925 |
¿ | 0930 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Ziyaad Mia (directeur, «Muslim Lawyers Association», «Coalition of Muslim Organizations») |
¿ | 0935 |
¿ | 0940 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
¿ | 0945 |
Me Carole Brosseau |
Mme Marlene Jennings |
Me Carole Brosseau |
Mme Marlene Jennings |
Me Carole Brosseau |
Mme Marlene Jennings |
M. Ziyaad Mia |
¿ | 0950 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
Mme Carole Brosseau |
¿ | 0955 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Ziyaad Mia |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
À | 1000 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Carole Brosseau |
À | 1005 |
M. Steve Mahoney |
Mme Carole Brosseau |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
M. Khalid Baksh (membre, «Muslim Lawyers Association», «Coalition of Muslim Organizations») |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Ziyaad Mia |
À | 1010 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
M. Khalid Baksh |
Mme Bev Desjarlais |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Marlene Jennings |
À | 1015 |
M. Ziyaad Mia |
À | 1020 |
M. Khalid Baksh |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Mario Laframboise |
À | 1025 |
Mme Carole Brosseau |
M. Mario Laframboise |
Mme Carole Brosseau |
M. Mario Laframboise |
M. Ziyaad Mia |
À | 1030 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Steve Mahoney |
M. Khalid Baksh |
M. Steve Mahoney |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Khalid Baksh |
À | 1035 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Ziyaad Mia |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
À | 1040 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Bev Desjarlais |
M. Ziyaad Mia |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Marlene Jennings |
À | 1045 |
M. Ziyaad Mia |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Carole Brosseau |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
À | 1050 |
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.) |
M. Ziyaad Mia |
M. Marcel Proulx |
M. Ziyaad Mia |
M. Marcel Proulx |
Mme Carole Brosseau |
M. Marcel Proulx |
Mme Carole Brosseau |
À | 1055 |
M. Marcel Proulx |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
M. Ziyaad Mia |
M. Khalid Baksh |
Á | 1100 |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
Mme Carole Brosseau |
Le président suppléant (M. John O'Reilly) |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-17 |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 27 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0915)
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je vous remercie beaucoup pour votre patience en ce qui concerne notre léger retard. Des salles ont été réservées en double, ce qui pose des problèmes, car parfois nous manquons de salles pour les comités.
Nos témoins aujourd'hui sont Mme Carole Brosseau, par qui nous commencerons je crois, M. Mia et M. Baksh. Habituellement, chaque témoin fait un exposé d'environ 10 minutes, après quoi nous passons à une ronde de questions de cinq minutes. Les membres qui veulent poser des questions doivent inscrire leur nom sur la liste.
J'invite donc Mme Brosseau à commencer.
[Français]
Mme Carole Brosseau (secrétaire de comités, Service de recherche et de législation, Barreau du Québec): J'aimerais d'abord remercier le comité d'avoir accepté d'entendre le Barreau du Québec. Ce matin, je représente le bâtonnier.
Le Barreau du Québec est un ordre professionnel réglementé dans la province de Québec. Il comprend environ 18 000 membres, dont la moitié sont des femmes; il y a donc un équilibre. Comme vous le savez, la protection du public est pour le Barreau du Québec une obligation légale. Toutes nos interventions sont faites dans cette perspective et, nécessairement, dans celle de la règle de droit.
Suite aux événements du 11 septembre 2001, le projet de loi C-17 a été élaboré dans le but d'assurer la sécurité du public. Il s'agit, à cet égard, de la troisième pièce législative, la première étant le projet de loi C-36, soit la Loi antiterroriste. À ce moment-là, le Barreau du Québec avait contesté certains aspects précis du projet de loi. Ces derniers, je l'espère, seront revus dans trois ans, comme le prévoit la loi.
Bien qu'il modifie plusieurs lois, le projet de loi C-17 est essentiellement axé sur différents points dont nous traiterons aujourd'hui non pas dans le détail, mais plutôt dans leur globalité. Nous aborderons la protection de la vie privée, qui est un point fondamental, en l'occurence le transfert d'information, puis les mesures d'urgence, les arrêtés d'urgence prévus dans plusieurs lois et les produits de la criminalité.
Vous comprendrez qu'en tant qu'ordre professionnel, nous considérons que le secret professionnel auquel est tenu l'avocat est menacé par les nouvelles dispositions, ainsi que par la mise en oeuvre de la convention. À cet égard, nous avons un ou deux commentaires à faire.
Quant à la protection de la vie privée, je vais commencer par vous lire une citation tirée du récent rapport annuel du commissaire à la protection de la vie privée--qui a été, je crois, témoin devant ce comité--dans laquelle on dit que:
Le droit fondamental de la personne à la protection de la vie privée au Canada est, plus que jamais, gravement menacé. À moins que les parlementaires et l'opinion publique ne se mobilisent rapidement pour dissuader le gouvernement du Canada de poursuivre dans la même voie, nous risquons de perdre définitivement non seulement des droits à la vie privée que nous considérons comme acquis, mais aussi des aspects importants de la liberté que nous connaissons aujourd'hui. |
Le grand défi d'une mesure législative comme le projet de loi C-17 est d'assurer un équilibre entre la sécurité publique, soit celle d'un groupe donné, et le maintien de nos valeurs démocratiques, incluant le droit à la vie privée.
De façon générale, le projet de loi a comme objet la sécurité publique, la sécurité des personnes, la sécurité aérienne et la sécurité de l'environnement. Malheureusement--et c'est un reproche qu'on pouvait faire aux deux projets de loi précédents--, il persiste toujours une certaine confusion en ce qui a trait à la sécurité qui est visée. La sécurité aérienne est moins touchée par ce manque de clarté parce que des dispositions particulières ont été énoncées. Il reste qu'en termes de concepts, une légère imprécision demeure, et cette dernière mériterait d'être clarifiée au fur et à mesure que seront précisées les nouvelles dispositions.
D'autre part, on dévolue--comme le fait le projet de loi C-36--beaucoup de pouvoir au ministre. Ainsi, ce dernier peut faire les arrêtés et ainsi de suite. On lui accorde un grand pouvoir et celui-ci peut être délégué. C'est le corpus qui a été emprunté à beaucoup de nouvelles législations depuis quelques années. Enfin, les pouvoirs réglementaires sont très larges. Pour faciliter l'application de la loi, on choisit la voie réglementaire.
¿ (0920)
Or, à l'occasion, ces règlements ne sont même pas publiés. Il ne faut pas oublier que la Loi sur les textes réglementaires ne prévoit pas de pré-publication et cela, à mon avis, enlève une certaine force au projet de loi, ce dernier étant de nature beaucoup plus exécutive que législative.
Pour ce qui est des renseignements confidentiels, on doit se souvenir de la déclaration du commissaire à la protection de la vie privée. Je ne serai probablement pas la première à vous dire que l'article 4.82 proposé à la Loi sur l'aéronautique pose des difficultés. Le commissaire l'a qualifié de précédent dangereux, et le Barreau du Québec partage son avis. L'auto-identification rendue obligatoire par cette disposition fait l'objet de discussions.
On y prévoit aussi l'exécution d'un mandat, et dans ce contexte, il sera possible de faire un recoupement des informations recueillies. Cette mesure est à notre avis déraisonnable du fait qu'elle augmente les pouvoirs des agents de la paix, non pas pour assurer la sécurité publique, mais bien pour exécuter des pouvoirs qu'ils ont déjà de toute façon en vertu du Code criminel. Cette mesure pourrait--je ne dis pas que ce sera nécessairement le cas--entraîner des abus et surtout, mener à des «parties de pêche».
En outre, quand on parle de renseignements personnels et confidentiels, on devrait toujours appliquer le principe voulant que ces renseignements soient détruits ultérieurement. Comme il s'agit d'informations visant des personnes spécifiques, il faudrait aussi que ces dernières soient avisées du fait que ces informations ont été recueillies et qu'elles circulent.
Comme vous le savez, nous privilégions l'abolition complète de l'article 4.82, pour ce qui est du mandat. Il faut aussi faire un recoupement avec la loi, car il n'y a pas que la Loi sur l'aéronautique qui soit visée. La Loi sur la citoyenneté et l'immigration, entre autres, inclut cette notion de mandat permettant un recoupement d'informations. À cet égard également, il faudrait abolir cette disposition.
Quant aux directives d'urgence, il ne faut pas oublier le principe qui veut que pour que la défense d'une personne soit pleine et entière, il faut toujours que cette personne puisse faire des commentaires ou disposer des informations la concernant. Dans le cas où une personne est poursuivie, il faudrait donc qu'elle ait la possibilité d'émettre des commentaires; je fais ici référence à l'article 4.79 proposé de la loi. C'est un principe de justice fondamental prévu par la Charte.
Quant aux arrêtés d'urgence, on doit reconnaître que depuis que le premier projet a été déposé, il y a eu une certaine évolution dans la législation. Huit lois sont visées par les arrêtés d'urgence, et bien qu'on comprenne les principes qui sont en cause, il faudrait qu'on procède à une harmonisation afin que les arrêtés que le gouverneur en conseil n'a pas approuvés cessent de prendre effet à partir de 14 jours. Il faudrait vraiment que ces principes soient harmonisés partout dans la loi.
Les produits de la criminalité sont un point qui nous touche particulièrement. En effet, le Barreau du Québec, dès le départ, a contesté les dispositions qui obligeaient les avocats à divulguer de l'information. Dans un tel contexte, l'avocat ou l'avocate se trouve dans une situation très inconfortable: il est déchiré entre l'obligation déontologique de protéger le secret professionnel et l'obligation légale qui le force à divulguer de l'information à l'organisme chargé de recueillir cette dernière, à savoir CANAFE. Il s'agit ici d'une abréviation.
¿ (0925)
Cela pose un problème sérieux parce que l'article 101 du projet de loi a une portée élargie. À notre avis, la circulation des informations va risquer, encore là, d'affaiblir le secret professionnel de l'avocat. Vous savez peut-être qu'actuellement, ces dispositions sont contestées judiciairement, et à cet égard, cela risque encore d'affaiblir le secret professionnel de l'avocat.
Le secret professionnel de l'avocat a été mentionné maintes fois par la Cour suprême du Canada, particulièrement dans l'affaire Lavallee, Rackel & Heintz c. Canada. Je vais vous citer un passage de la décision que la Cour suprême a rendue en septembre 2002, qui donne vraiment la qualification de ce qu'est le secret professionnel de l'avocat. On nous dit:
Lorsque l'intérêt en jeu est le secret professionnel de l'avocat -- principe de justice fondamentale et droit civil de la plus haute importance en droit canadien -- l'habituel exercice d'établir un juste équilibre entre le droit à la vie privée et les exigences de l'application de la loi n'est pas particulièrement utile. En effet, le privilège est une caractéristique positive de l'application de la loi, et non pas un obstacle à celle-ci. Étant donné que le secret professionnel de l'avocat doit demeurer aussi absolu que possible pour conserver sa pertinence, la Cour est tenue d'adopter des normes rigoureuses pour assurer sa protection. |
Dans ce cadre-là, on juge inconstitutionnel l'article 488.1 du Code criminel qui invoquait, par le détenteur du secret professionnel, des modalités pour pouvoir le préserver. Il ne faut pas oublier que le secret professionnel de l'avocat n'est pas quelque chose qui lui appartient. Il en est le détenteur, mais il appartient aux citoyens et citoyennes qui requièrent les services de l'avocat.
Conséquemment, on propose que l'article 101 du projet de loi soit supprimé. On suggère également qu'il y ait une disposition qui donne plus d'imputabilité aux fonctionnaires de CANAFE quant aux obligations qui leur sont conférées.
Enfin, je voudrais vous référer à l'article 7 proposé de la convention. Dans cette disposition, d'une part, on criminalise la simple possession sans obligation par la Couronne de prouver son intention. À notre avis, il s'agit vraiment d'un manquement qu'il serait important de corriger.
D'autre part, je ne conteste pas l'obligation ou plutôt l'urgence manifestée par le gouvernement, particulièrement depuis la dernière conférence portant sur cette convention en 2001, ni l'importance d'incorporer cet article dans notre législation. Il ne faut pas oublier que cette convention, bien qu'elle ait été élaborée en 1972, a été mise en vigueur en 1975 et a été ratifiée par presque la totalité des pays, 31 pays ne l'ayant pas ratifiée au moment où on se parle.
Cependant, par rapport au contrôle d'application, nous y voyons encore une certaine difficulté pour la survie du secret professionnel de l'avocat, notamment à l'alinéa 11(1)c) proposé, où un inspecteur pourrait de toute manière faire une inspection possible dans un bureau de cabinet. On pense notamment aux brevets. Là encore se pose le problème de savoir si l'inspecteur en question peut être accompagné de toute personne. De quelle personne va-t-il s'agir? Il n'y a pas de mandat obligatoire dans ces dispositions.
L'autre problème qu'on y voit, c'est qu'il faudrait que les critères établissant les balises du secret professionnel de l'avocat, élaborés dans la décision de la Cour suprême que je vous ai citée plus tôt, soient respectés, même au niveau de l'application de cette convention et de cette nouvelle législation qui sert à appliquer la convention.
¿ (0930)
Cela résume l'essentiel des arguments. J'espère que j'ai respecté le temps qui m'était imparti--il fallait absolument que je minute mon intervention--et que je n'ai pas parlé trop vite pour les interprètes.
Vous recevrez notre mémoire par courriel. Nous nous excusons du délai, mais nous avons eu deux semaines relativement débordées dû au fait que j'ai eu un accident récemment, ce qui a fait que je n'ai pu venir la première fois. Cela a retardé un petit peu les choses. Cependant, nous allons faire parvenir notre mémoire par courriel, possiblement dès que nous aurons eu l'approbation du bâtonnier, dès demain. Il contient beaucoup plus de détails quant à certaines applications. Ce matin, je résumais l'essentiel de notre intervention.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup, madame Brosseau.
Nous allons maintenant passer à M. Mia.
M. Ziyaad Mia (directeur, «Muslim Lawyers Association», «Coalition of Muslim Organizations»): Au nom de Dieu le magnifique, le miséricordieux, je tiens d'abord à dire que nous sommes ravis d'être ici aujourd'hui pour prendre la parole au sujet du projet de loi C-17, la Loi sur la sécurité publique.
Je suis directeur de la Muslim Lawyers Association. Notre association représente les avocats musulmans au Canada ainsi que les stagiaires et les étudiants en droit. Mon collègue, M. Khalid Baksh, est membre de l'association et un des anciens présidents. Vous remarquerez que nous sommes ici au nom de la Coalition of Muslim Organizations. La coalition représente des organisations caritatives sans but lucratif musulmanes-canadiennes. Nous sommes très préoccupés par le projet de loi C-17, la Loi sur la sécurité publique, comme nous étions préoccupés par d'autres mesures législatives antiterroristes qu'a d'ailleurs mentionnées Mme Brosseau. Nous partageons un grand nombre des inquiétudes qu'elle a exprimées, mais je ne reviendrai pas beaucoup sur celles-là. Je veux seulement vous donner une idée de la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui.
L'islam est une croyance qui prône la compassion et la paix. Elle préconise également le bon voisinage. Le prophète Mohammed aurait d'ailleurs dit que chaque musulman est en fait responsable de tous ses voisins qui se trouvent jusqu'à 40 maisons plus loin que la sienne, peu importe leur croyance, leur couleur, etc. Je présume que cela signifie que nous sommes responsables d'autrui, que nous avons la responsabilité de participer à notre collectivité et d'assumer cette responsabilité. C'est l'esprit dans lequel nous sommes ici aujourd'hui pour prendre part au processus législatif et vous faire part de nos préoccupations en vue d'essayer de bâtir une collectivité saine. Étant donné cela, les musulmans canadiens veulent appuyer des mesures qui contribueront véritablement à accroître notre sécurité. Ce n'est pas ce que le projet de loi fera, selon nous. Nous allons parler un peu de cela, et lors de la période des questions, nous pourrons, nous l'espérons, explorer davantage certaines des questions.
Notre principale préoccupation à propos du projet de loi est qu'il comporte une lacune fondamentale, car il menace les droits de tous les Canadiens. Plus précisément, nous pensons qu'il finira par viser les musulmans canadiens, même s'il est rédigé de façon neutre. Personne n'est assez stupide pour prétendre que cette mesure vise les musulmans, et je ne veux pas laisser entendre que c'est l'intention du projet de loi, mais il reste que les pouvoirs conférés sont assez larges, et ils peuvent être utilisés à l'endroit de groupes en particulier. Malheureusement, nous savons tous qu'aujourd'hui les musulmans sont les vedettes du terrorisme et du mauvais comportement et que ce sont eux qui sont visés. Que les gens disent que le profilage racial existe ou non, les faits parlent d'eux-mêmes. Je n'ai pas besoin de vous le dire. Nous avons comparu devant des comités du Sénat et de la Chambre au sujet de la Loi antiterroriste, et nous avons exprimé des préoccupations similaires, à savoir que nous serions victimes de stigmatisation et de profilage racial. Nos collectivités peuvent confirmer que cela s'est produit. Notre communauté est paralysée. Les organismes de bienfaisance sont paralysés. Les gens craignent les autorités qui sont là pour les protéger. Personne n'a mis la loi en application, mais la menace de cette loi et de son utilisation existe, et les pouvoirs dont dispose l'Immigration ont été utilisés contre des personnes vulnérables, des réfugiés et des immigrants.
Nous ne sommes pas ici pour servir uniquement nos intérêts. Il est certain que notre présence sert nos intérêts, car nous estimons que nous courons un risque, mais les musulmans sont comme le canari dans une mine de charbon. Une fois que ces vastes pouvoirs auront été conférés, quel autre groupe sera ensuite ciblé? À une autre époque, c'était les Japonais canadiens qui étaient visés. Nous avons souvent dit que ça ne se reproduirait plus, mais voilà que ça recommence. Quel groupe sera impopulaire demain, une fois que ce ne sera plus nous? C'est de cela dont nous voulons parler.
Vous avez en main, je crois, notre mémoire, qui décrit en détail nos préoccupations. Nous ne passons pas en revue tout le projet de loi, car il est long et nous ne disposions pas de beaucoup de temps ni de ressources, mais nous avons traité certaines des principales questions qui sont préoccupantes selon nous. Nous vous exhortons à examiner ces questions en profondeur et à en discuter avec nous maintenant ou ultérieurement. Aujourd'hui, je veux vous donner une idée du contenu de notre mémoire et de nos préoccupations. Par la suite, nous serons ravis de répondre à vos questions.
Je vais aborder deux questions dans quelques minutes. Avant, je vais vous donner un bref aperçu de notre mémoire, en mentionnant seulement les points saillants, afin que vous ayez une idée du contenu et de nos principales préoccupations. Ensuite, je parlerai des répercussions sociales et politiques du projet de loi C-17, la Loi sur la sécurité publique. Les droits en péril constituent le thème général, car des instruments et des piliers fondamentaux de notre démocratie sont en péril. Je ne veux pas être alarmiste, mais l'Association du Barreau canadien considère le projet de loi comme étant un pas vers un État policier. Nous n'affirmons pas que le Canada est en train de devenir un État policier, mais nous voyons dans le projet de loi de vastes pouvoirs assez inquiétants, qui, je crois, mettent en péril un gouvernement ouvert et responsable.
¿ (0935)
Les deux questions que nous abordons se trouvent dans la section intitulée «Les droits en péril», c'est-à-dire les divers droits auxquels porte atteinte la Loi sur la sécurité publique, et dans celle intitulée «La concentration du pouvoir exécutif». Je crois que Mme Brosseau a très bien souligné les risques. Il ne faut pas penser que ces deux questions sont distinctes. Il existe un lien entre elles, elles sont imbriquées, mais nous les avons séparées pour faciliter leur examen, mais vous pouvez voir comment elles sont liées.
En ce qui concerne les droits en péril, vous avez entendu à maintes reprises que la protection de la vie privée est en péril, alors que je ne vous rebattrai pas les oreilles de ce sujet. L'homme responsable de la protection de la vie privée vous a dit que l'article 7 de la Charte, qui garantit notre droit à la protection de notre vie privée, est en péril. Il en va de même pour les droits à l'égalité. Je vous ai dit plus tôt que nous croyons réellement que le profilage racial et religieux se produira. Il se produit à l'heure actuelle, ce qui met en jeu l'article 15 de la Charte. Cet article est le plus crucial. Allons-nous abandonner les principes qui y sont énoncés simplement en raison de craintes imaginaires, ou allons-nous rassembler les gens? Enfin, il y a aussi la liberté de circulation qui est en jeu. Très peu de gens en ont parlé, mais c'est l'un de mes droits préférés. Personne n'y pense beaucoup, mais le droit d'entrer au Canada et d'en sortir et de s'y déplacer sans que le gouvernement n'intervienne dans les déplacements sans motif valable, constitue un droit fondamental d'une démocratie. Étant donné que lorsque j'étais enfant j'ai vécu dans un pays qui n'était pas très démocratique, je connais la valeur de ce droit.
La deuxième question que nous abordons dans notre mémoire est la concentration du pouvoir exécutif. Des pouvoirs extraordinaires seront mis entre les mains de quelques personnes. Ces pouvoirs pourront être délégués à des bureaucrates, qui exerceront leur pouvoir discrétionnaire. Tous ces pouvoirs sont exercés sans être assujettis à un examen du public et du Parlement. Je vous ramène au point principal que nous faisons valoir : cela met en péril un gouvernement démocratique, ouvert et responsable. C'est passablement inquiétant.
Dans l'ensemble, le projet de loi C-17 nous rapproche d'une société motivée par la crainte et caractérisée par la réaction. Cela met en jeu un gouvernement démocratique et ouvert, car lorsqu'il y a crainte et réaction, nous n'avons pas droit à un bon gouvernement ni à de bonnes lois. Ce qu'il faut, c'est une supervision efficace de la part du Parlement et un examen public mené par une société civile saine qui assure l'honnêteté du gouvernement, en quelque sorte. Nous avons vu ce que la crainte et la réaction peuvent faire. Un exemple est la guerre que mènent les États-Unis à l'Irak. La culture de la peur et les niveaux d'alerte peuvent clairement faire en sorte que les droits soient menacés. Nous avons vu certains Américains souffrir passablement.
Ce n'est pas le genre de pays que nous voulons. Nous voulons un pays ouvert, libre et sûr, mais la sécurité ne doit pas être obtenue aux dépens des droits des citoyens. Lorsque les droits doivent être violés, il existe une justification dans la Charte, cela procède de certaines dispositions législatives et d'une logique. Ce sont là les mécanismes de supervision et d'examen, que nous devons maintenir en place.
Je suis venu au Canada lorsque j'étais enfant. Ma famille a quitté l'Afrique du Sud, qui n'était pas un pays où il faisait bon vivre en 1974. C'était une société très fermée. Le pouvoir que possédait le gouvernement était extraordinaire et énorme, et il ne pouvait faire l'objet d'un examen. Nous avons quitté ce pays pour venir nous établir ici, car le Canada était un excellent pays où nous pouvions voter, ce qui était impossible dans mon pays, où nous pouvions nous déplacer et où le gouvernement n'intervenait pas dans nos affaires personnelles à moins d'une raison légitime. J'ai le droit de parler, de me plaindre, de voter et d'utiliser le Parlement pour assurer une supervision. Je crois que le projet de loi C-17 nous fait abandonner des valeurs et des droits fondamentaux pour gagner un faux sentiment de sécurité, car lorsqu'une culture de la peur s'installe, les gens sont prêts à tout. En fait, je crois que le projet de loi C-17 nous rend tous vulnérables non seulement aux terroristes, mais aussi aux pouvoirs exercés sans vérification.
¿ (0940)
Il est arrivé dans l'histoire que la liberté soit perdue rapidement, mais dans bien des cas la liberté meure à petit feu, et c'est ce qui se passe en ce moment, je crois, avec cette approche en plusieurs étapes que sont le projet de loi C-36, le projet de loi C-42, le projet de loi C-35 et le projet de loi C-17. Cela fait un nombre de mesures assez inquiétant. Le projet de loi C-17 a le potentiel de détruire la vie et la réputation des Canadiens, de stigmatiser les personnes et les collectivités vulnérables et, au bout du compte, comme je l'ai mentionné à maintes reprises, de mettre notre démocratie en péril. Nous pouvons par contre empêcher cela en modifiant le projet de loi. Nous préconisons des mesures de sécurité appropriées, qui peuvent exister en veillant à ce que le projet de loi C-17 préserve un gouvernement ouvert, transparent et responsable. Votre comité constitue une forme démocratique très importante de reddition des comptes, et nous sommes très fiers d'être ici. En tant que Canadien d'origine sud-africaine, je suis toujours ravi de venir prendre la parole devant vous, car cela aurait été impossible dans mon pays s'il avait continué sur la voie sur laquelle il s'était engagé. Aujourd'hui, nous vous demandons de veiller à ce que les droits fondamentaux de tous les Canadiens ne soient pas abandonnés au profit d'un faux sentiment de sécurité.
Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie beaucoup pour votre temps. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Nous allons maintenant passer à une ronde de questions de cinq minutes. Nous allons commencer par Mme Jennings. Elle est la première sur la liste. Je crois que vous êtes membre du Barreau du Québec, alors vous devriez être en mesure de poser quelques questions.
[Français]
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci, madame Desjarlais, merci, monsieur le président. Je ne m'attendais pas à être la première à parler car normalement, on commence par les membres de l'opposition. Mais j'accepte le défi.
Maître Brosseau, merci beaucoup pour la présentation. Pour l'instant, je n'ai vraiment pas beaucoup de questions parce que, évidemment, j'attends d'avoir le mémoire en main et de le lire et de le réviser à tête reposée. Il se peut que par la suite, j'aie des questions.
Toutefois, Me Mia a soulevé quelques points que j'aimerais que vous commentiez. Par exemple, il a mentionné que certains des termes ou des notions qui décrivent ce qui va déclencher l'exercice des nouveaux pouvoirs qu'on retrouve dans le projet de loi C-17 ne sont pas clarifiés, comme la sécurité aérienne. Il n'y a pas de définition claire des critères pour en arriver à la décision que la sécurité aérienne est en jeu, qu'il y a une menace imminente, une menace à la sécurité du Canada.
Est-ce que le Barreau du Québec s'inquiète également de ce manque? J'aimerais, si possible, que vous nous donniez des exemples d'autres législations où on a décrit les critères pour déterminer qu'il existe une situation qui peut déclencher l'exercice d'un nouveau pouvoir.
¿ (0945)
Me Carole Brosseau: Je partage complètement la position de Me Mia à cet égard. D'autre part, j'espère que je vous ai bien représentée, madame Jennings.
Mme Marlene Jennings: Oui, vous avez fait un excellent travail.
Me Carole Brosseau: Étant membre du Barreau du Québec, naturellement, je [Note de la rédaction: inaudible].
Mme Marlene Jennings: Je suis très fière de ma représentation, de ma représentante et du Barreau dont je suis membre.
Me Carole Brosseau: Vous touchez un point qui est fondamental. Quand je vous disais, au départ, qu'il y avait une confusion dans ce qu'on entendait par sécurité, c'est que c'est tellement mal défini. C'est ainsi que j'ai compris le témoignage de Me Mia. Il pourra me corriger si nécessaire. Les éléments sont mal définis, mal cernés, il y a confusion entre la sécurité des personnes, entre des objectifs purement de contrôle. Ces définitions sont fondamentales et malheureusement, il y a un manque.
Mais je pense que l'exercice pourrait être fort intéressant. Le mémoire ne contient pas d'exemple, mais je pense qu'au niveau du droit administratif, je pourrais essayer, pour le bénéfice de tous les membres présents, d'obtenir de l'information, car en matière de droit administratif, on ne peut pas tout faire de toute manière. Il y a toujours des redditions de comptes.
Le premier exemple, et le seul, qui me vienne en mémoire est celui du crime organisé, donc quelque chose de très bien ciblé. Dans tout ce débat-là, nous avons eu beaucoup de difficultés à arriver à un projet de loi final sur cette question, le projet de loi C-24, justement à cause de la reddition de comptes qu'on demandait aux personnes qui étaient autorisées à commettre des actes illégaux.
Dans le même ordre d'idée, pour qu'un système puisse légitimement avoir des assises de crédibilité, je pense que la reddition de comptes est nécessaire. Pour l'avoir, il faut que les critères du départ soient précisés, sinon, c'est difficile.
Mme Marlene Jennings: S'il me reste du temps, j'ai une autre question pour les deux, Me Mia et Me Brosseau.
[Traduction]
Monsieur Mia, vous avez parlé de la nécessité d'exercer une surveillance afin de faire en sorte que, même si le projet de loi reste tel qu'il est, c'est-à-dire qu'aucun amendement n'y est apporté, l'information qui est conservée le soit en vertu de la loi et seulement pour le temps nécessaire. D'après plusieurs témoins qui ont comparu devant nous, une surveillance est exercée, en ce sens que le commissaire à la protection de la vie privée conserve l'entière autorité d'effectuer autant de vérifications qu'il souhaite au sujet des dispositions concernant les renseignements personnels. Vous avez soulevé un problème, à savoir le pouvoir d'apporter des corrections si des erreurs ont été commises et ont causé du tort à une personne, mais l'autre problème dont vous avez parlé n'est pas d'ordre législatif, il concerne plutôt les ressources. En vertu de la Loi sur la protection des renseignements personnels, le commissaire à la protection de la vie privée pourrait demander qu'une personne s'assoit tous les jours, 24 heures sur 24, aux côtés de la personne qui manipule les renseignements à l'ordinateur, mais il ne possède pas les ressources financières ni humaines pour ce faire.
J'aimerais que vous commentiez cette question. Si vous ne pouvez pas le faire aujourd'hui, vous pouvez toujours envoyer vos commentaires au comité par l'entremise du président.
M. Ziyaad Mia: C'est exactement notre avis. Je crois que le mécanisme de supervision garantit la reddition de comptes. Nous aimerions qu'il y ait des définitions. Qu'est-ce que le contrôle? Une personne, probablement à l'aéroport, peut être chargée de contrôler tous les vols en provenance du Qatar. C'est une question qui concerne le profilage.
Une des façons de détruire l'efficacité est d'attribuer une charge de travail à quelqu'un sans lui fournir les fonds et les ressources nécessaires à son exécution. Nous proposons un mécanisme efficace, et par efficace nous voulons dire qui a du mordant. Il faut aussi fournir les fonds, les ressources et l'accès nécessaires. Je ne suis pas un expert de la Loi sur la protection des renseignements personnels, mais quand il est question du domaine de la sécurité nationale, je me demande même si M. Radwanski ne sera pas mis a l'écart. Nous voulons quelqu'un qui possède toute l'autorité voulue, les ressources et le pouvoir de sévir et de corriger les problèmes. Parfois, il est impossible de régler certains problèmes.
Je veux mentionner aucun nom, mais il y avait à Ottawa un homme qui ressemblait à Tiger Woods et qui dirigeait une entreprise de transfert d'argent. Son nom figurait sur la liste—nous avons la liste en main. Ensuite, bien sûr, son nom a été supprimé de la liste, mais cela a pris sept mois. Entre temps, sa photo avait été diffusée à la télévision. Si je rencontre cet homme dans la rue, je vais m'interroger à son sujet. Disons que mon nom, Ziyaad Mia, s'ajoute sur la liste sur laquelle figure le nom d'Oussama ben Laden. Même si mon nom est rayé, je ne veux quand même pas qu'il soit associé à celui d'Oussama ben Laden, car ma banque saura que mon nom a figuré sur la liste, et la prochaine fois que je voudrai acheter une voiture ou une maison, j'aurai d'énormes difficultés. Je ne sais pas si on peut régler un tel problème, mais je continue de croire que des sanctions contribuaient à le régler.
¿ (0950)
[Français]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): C'est au député du Québec. Monsieur Laframboise, vous avez cinq minutes.
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
D'abord, j'aurais un petit commentaire. Ma première question serait pour Me Brosseau. Vous savez qu'ont comparu devant notre comité, entre autres, les représentants du ministère des Transports qui ont procédé à la rédaction de ce projet de loi. Ils comparaissaient en même temps que des représentants de la GRC et du SCRS, et sur certains points bien précis, quand on posait des questions aux représentants du ministère des Transports, c'était la GRC et le SCRS qui répondaient à leur place.
Et là, je vous suis, maître Brosseau, quand vous dites que ça a l'air d'être un genre de partie de pêche, que les autorités, en tout cas les forces policières, veulent se donner des nouveaux pouvoirs pour exécuter des mandats. Vous savez, quand le commissaire à la protection de la vie privée et le commissaire à l'information comparaissent devant notre comité, ils nous disent qu'il y a des abus très graves. Je ne vous ferai pas de citation parce qu'on me corrige chaque fois que je cite des documents, mais il y a tout un monde entre ceux qui protègent nos droits à la vie privée, et finalement nos libertés, et ceux qui sont chargés de faire appliquer la loi.
Là, on sent qu'il y a un équilibre qui est en train de changer, et c'est ça qui est dramatique. C'est que les représentants des forces policières viennent nous dire que l'équilibre est toujours là, alors que les gens qui doivent défendre nos intérêts, notre vie privée et nos droits et libertés nous disent que non, que l'équilibre est en train d'être brisé. C'est sur ça que va porter ma première question, maître Brosseau.
Vous avez souligné que l'article 4.82 proposé créait des précédents dangereux, et il y a eu des interventions très virulentes de la part du commissaire à la protection de la vie privée au sujet de l'utilisation de tout le paragraphe concernant les mandats. L'Association du Barreau canadien dit, et je vous le cite:
Tandis que le terme « mandat » a été défini de manière plus précise, il s'applique toujours à des infractions qui ne sont pas extrêmement graves et qui ne sont pas liées au terrorisme. |
C'est à cela que j'aimerais que vous apportiez quelques précisions, parce que quand on lit « mandat » dans l'article 4.82, c'est pour des peines d'emprisonnement de cinq ans et plus, des mandats délivrés selon la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés et la Loi sur l'extradition. Mais est-ce que ces mandats-là peuvent être associés au terrorisme directement, ou n'est-ce pas une trop grande mesure pour ce qu'on a dans ce projet de loi?
Mme Carole Brosseau: Si je peux me permettre, vous répondez finalement à votre propre question. Justement, c'est l'étendue des mandats. Je n'ai pas fait la nomenclature, mais j'avais déjà fait l'exercice. Si vous saviez le nombre d'infractions qui entraînent une peine de cinq ans et plus, vous seriez époustouflé. Et ces infractions sont censées être de nature plus ou moins grave. Donc, c'est vraiment ça, la partie de pêche, c'est vraiment l'étendue.
Si vous me permettez d'ajouter quelque chose qui tient plus compte de l'historique des banques d'informations et de renseignements qu'on a, particulièrement dans le domaine du droit pénal et criminel, les premières banques d'informations qu'on a eues, soit les banques d'empreintes digitales ou même celles de données génétiques, s'attachaient principalement à des personnes qui étaient jugées criminelles.
Or, ce qui distingue le projet de loi C-17 de tout ça, et peut-être Me Mia pourrait-il corroborer, soutenir un peu ou même commenter ce point-là, c'est qu'il s'attarde à toute la population. Il ne contient pas un objectif très précis de droit criminel. Par exemple, on n'a pas attaché d'importance à une certaine catégorie de gens comme les délinquants dangereux, les banques de données génétiques, etc. Donc, de façon très générale, on ne s'attaque pas juste à la question du terrorisme.
En ce qui concerne la Loi sur l'immigration, il y a des dispositions particulières. On a fait une sorte de tribunal particulier à la Cour fédérale du Canada pour justement se pencher sur l'inventaire de ce qu'est un acte terroriste. On a prévu des moyens pour aller chercher des dispositions particulières, tout ce qui était crime organisé, blanchiment d'argent, pour faciliter--on parle de faciliter, je vous le rappelle--le projet de loi C-36. Or, tous ces points-là sont du terrorisme.
Mais maintenant, ce n'est plus juste du terrorisme, d'où la confusion, l'excès et, je dirais, la peur légitime des organismes de surveillance des renseignements personnels. D'ailleurs, comme vous l'avez vu dans mes citations de certains passages, la Cour suprême est très sensible à toute cette question parce qu'il s'agit de droits comme le droit à la libre circulation, le droit à la liberté et le droit à la vie privée, qui sont des droits fondamentaux. Et les renseignements personnels sont intimement liés au droit à la vie privée.
Donc, à ce moment-là, c'est une question d'équilibre. Si on veut vraiment parler de sécurité, il faut qu'on délimite davantage ces dispositions-là pour viser l'objectif, et là, je dirais qu'on pourra passer le test constitutionnel. Mais si c'est beaucoup trop large, je ne suis pas certaine, un peu comme le disait Me Mia, que ça va respecter toutes les dispositions de la Charte canadienne des droits et libertés, particulièrement l'article 7.
¿ (0955)
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Mia, vous avez la parole.
M. Ziyaad Mia: En ce qui concerne la question du mandat, lorsque j'ai vu qu'il s'agissait d'une peine de cinq ans et plus, j'ai consulté le Code criminel. On dit qu'il s'agit d'infractions graves, et je ne veux pas diminuer la gravité de ces infractions, car je suis certain qu'elles blessent certaines personnes, mais voulons-nous procéder à un examen en profondeur dans les cas de vol de bétail et de vol de plus de 5 000 $? Il ne faut pas se laisser prendre par cette diversion. M. Easter a comparu devant vous ainsi que le commissaire Zaccardelli, qui vous a dit que ces pouvoirs étaient nécessaires, car il faut attraper ces mauvaises personnes. Selon la Constitution et le droit criminel, il faut avoir des doutes raisonnables avant de commencer une enquête. C'est ce que nous disons : il ne faut pas commencer à fouiller si nous n'entretenons pas un doute.
Permettez-moi d'utiliser un exemple extrême pour vous montrer à quel point la peur peut motiver l'utilisation de ce genre de pouvoirs, notamment dans les cas de pédophilie. Je ne défends pas les pédophiles. Si vous voulez faire des barrages routiers ou examiner les renseignements fiscaux de ces personnes, vérifier leur dossier de client au club vidéo ou à la librairie, afin de les attraper parce qu'elles correspondent à un certain profil, mais que vous n'avez aucun doute raisonnable, ne le faites pas, c'est tout, même dans le cas des pédophiles. C'est exactement là-dessus que porte la question du mandat.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Je vais maintenant céder la parole à M. Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci, monsieur le président et merci à vous pour votre exposé.
Je vais poser des questions auxquelles les deux témoins pourraient répondre, mais j'aimerais d'abord que nous nous penchions sur la question des types de crimes. Je ne sais pas si vous faites référence à l'article 108 de la page 94 du projet de loi. C'est là où l'on peut trouver la liste des crimes. Il y a eu méprise à cet égard, mais je crois que nous avons tiré les choses au clair. Ces crimes ne sont pas énumérés dans l'optique d'un mandat. Ces crimes sont des crimes pour lesquels on pourrait avoir recours à de l'écoute électronique, mais le juge doit d'abord obtenir un mandat pour ce faire. La raison pour laquelle cette liste est précisée dans le projet de loi n'est pas tout à fait claire, mais ce ne sera pas nécessairement les crimes pour lesquels il pourra y avoir correspondance, par exemple. Le règlement va comprendre une liste de ceux pour lesquels un mandat pourra être exécuté, et nous allons la voir. Je crois que nous devrions revoir cette liste de crimes. Il s'agira des crimes pour lesquels l'inculpé sera passible d'un emprisonnement de plus de cinq ans. Je pense que nous savons tous qu'au Canada, ce sont des crimes très graves. Lorsqu'une personne est emprisonnée pour plus de cinq ans, c'est qu'elle a commis un meurtre, un enlèvement ou autre.
Est-ce la liste?
À (1000)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Demandez-la et vous devriez la recevoir.
M. Steve Mahoney: Les détournements d'avion, entre autres, en feront partie. Les parlementaires auront l'occasion de réviser, si l'on veut, cette liste de crimes.
Cela m'amène à vous poser une question sur les recommandations formulées par M. Mia. Nous avons entendu le témoignage de l'Association du Barreau canadien, et je suppose que le Barreau du Québec partage le même point de vue, soit que la loi ne devrait pas autoriser des gens à utiliser des informations pour trouver des personnes faisant l'objet de mandats non exécutés. La plupart des Canadiens seraient choqués d'apprendre que nous ne ferions rien si nous découvrions, dans le cadre des enquêtes de sécurité pour prévenir le terrorisme et assurer la sécurité aérienne, qu'une personne recherchée pour meurtre se trouve à bord d'un aéronef et qu'elle fait l'objet d'un mandat d'arrêt non exécuté. Je me demande bien comment je ferais pour expliquer à mes électeurs que nous avons dû la laisser partir pour des raisons de protection des renseignements personnels, parce que ce n'est pas l'information que nous cherchions. J'ai demandé aux représentants de l'Association du Barreau canadien s'ils nous recommandaient de ne pas tenir compte de ces personnes lorsqu'il y avait correspondance et ils m'ont répondu que oui. J'étais sidéré. Bref, je me demande si vous pouvez me dire ce que je devrais répondre à mes électeurs dont la famille a été victime de cette personne si nous l'avons laissée filer sous prétexte que nous n'avions pas le droit d'exécuter le mandat dont elle fait l'objet.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Brosseau.
[Français]
Mme Carole Brosseau: Cette question est très intéressante, mais il faut prendre en considération le fait que nous sommes dans un régime où existe la présomption d'innocence. Si, du moment où il y a émission d'un mandat la culpabilité de la personne n'est pas encore établie, dans ce contexte-là, oui, il y a une présomption d'innocence. Je ne vous dis pas que tout le système est toujours parfait, mais sachez qu'il est reconnu et enseigné à travers le monde comme l'un des systèmes les plus fiables, parce que la présomption d'innocence et le système de débat contradictoire permettent justement, quand une personne est déclarée coupable, qu'il y ait le moins d'erreurs possible, parce qu'il y a des éléments de preuve et une procédure à suivre. Alors oui, on est dans un système de présomption d'innocence.
L'objectif, comprenez-moi bien--et je pense que c'est, de façon générale, l'objectif visé par le projet de loi, et on ne conteste pas la légitimité du principe--, c'est bel et bien de protéger les gens, d'assurer la sécurité du public contre des actes qui peuvent être de tout acabit, y compris le développement de certaines armes toxiques, par exemple des armes qui pourraient être faites pour détruire les données d'ADN, etc. Ça peut aller très, très loin, mais c'est un objectif précis. Ce qu'on dit, c'est qu'il faut encadrer et circonscrire ces objectifs, et le mandat pour toute infraction de cinq ans et plus est exorbitant, à notre avis, parce que c'est toujours une question d'équilibre. Si on présume que tout le monde est coupable du moment...
À (1005)
[Traduction]
M. Steve Mahoney: Comment feriez-vous pour les circonscrire s'ils sont exorbitants? Si une période de cinq ans est exorbitante, comment pourrions-nous être plus précis?
[Français]
Mme Carole Brosseau: Je pense que c'est la question du mandat qui pose problème. En tout cas, je ne peux pas parler au nom du barreau canadien. C'est vraiment la question du mandat pour une infraction. Vous parlez de cinq ans, mais ce serait pire si c'était deux ans et plus, parce que c'est à peu près l'ensemble des infractions. Mais cinq ans, c'est l'espèce de mandat pour toute personne en général. N'oubliez pas que ce n'est pas un régime d'exception. On n'attaque pas des personnes qui ont été condamnées et pour lesquelles on fait un registre d'informations spécifique à ces personnes. C'est un régime général pour toute personne, quelle qu'elle soit. C'est l'espèce de renseignement qui est contenu, de toute information, de tout recoupement, de tout type d'information. Vous savez, il n'y a pas des centaines de personnes ayant un mandat contre elles qui prennent l'avion. Cela peut arriver, mais c'est exceptionnel. Cela pourrait être exceptionnel.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Par souci d'équité, je dois maintenant céder la parole à Mme Desjarlais. Chacun a cinq minutes.
M. Steve Mahoney: J'aimerais bien que M. Mia me réponde, toutefois. Il n'en a pas eu l'occasion.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Peut-être pourrait-il vous répondre lorsque Mme Desjarlais aura posé ses questions.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Je vous en prie, terminez de répondre à M. Mahoney.
M. Khalid Baksh (membre, «Muslim Lawyers Association», «Coalition of Muslim Organizations»): Vous posez une excellente question. Que vais-je dire à mes électeurs? Vous allez leur dire que nous appliquons la Charte, que nous respectons les règles de droit, que nous appliquons des lois qui ont fait leurs preuves et dont la validité a été prouvée dans notre nation et dans les nations du monde pratiquant la common law. Chacun est innocent jusqu'à preuve de culpabilité, et l'État ne peut utiliser ses pouvoirs pour aller à la pêche aux criminels. C'est une question de proportionnalité. Vous dites essentiellement que nous allons créer des barrages routiers dans le ciel et que chaque fois que quelqu'un les traversera, nous allons vérifier ce qui se passe. Un instant. Si vous voulez procéder ainsi, pourquoi n'installez-vous pas un barrage routier sur la rue Bank ou dans Granville, à Vancouver, pour arrêter les gens, tout simplement? Je suis à peu près certain qu'il y a un meurtrier faisant l'objet d'un mandat quelque part sur la rue Bank, dans Granville, à Régina ou à Prince Albert, mais ce n'est pas la façon dont on fait les choses dans ce pays. Pourquoi? Parce que nous respectons les règles de droit et que nous respectons la Charte. C'est ce que vous devriez dire à vos électeurs. Nous ne fermons pas les yeux sur des mandats, nous suivons simplement la procédure indiquée.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Mia. Nous avons maintenant un tour complet de cinq minutes. Mme Desjarlais cède son temps.
M. Ziyaad Mia: D'accord.
J'abonde dans le même sens que M. Baksh, c'est une excellente question, mais sans vouloir faire preuve de manque de respect, je crois que c'est un faux-fuyant. On ne peut tout simplement pas commencer à faire de telles choses. Nous pourrions attraper beaucoup de malfaiteurs en pratiquant l'intrusion ainsi, mais c'est là où l'équilibre doit entrer en jeu. Comme je l'ai déclaré dans mon exposé liminaire, le Canada est le pays que j'ai choisi et je l'ai choisi parce qu'il y a la Charte des droits et libertés adoptée grâce à M. Trudeau. La Charte s'inspire vraiment du droit international sur les droits de la personne. L'élément fondamental de la Charte, c'est qu'en droit pénal, il faut des motifs et des doutes raisonnables pour détenir, arrêter, rechercher quelqu'un ou pour saisir quelque chose en vertu de la loi. Ma collègue, Mme Brosseau, serait probablement mieux placée que moi pour vous parler de la jurisprudence de la Cour suprême, mais c'est ce que la Cour répète depuis quinze ou vingt ans. Les policiers ne devraient pas rechercher des gens s'ils n'en ont pas l'autorisation.
Jetons un coup d'oeil au projet de loi C-17, Loi sur la sécurité publique. Les fonctionnaires du ministère des Transports peuvent obtenir des données pour assurer la sécurité du transport, comme le SCRS peut obtenir des renseignements sur les menaces à la sécurité du Canada. En quoi une personne mettant en circulation un faux document non lié au terrorisme représente-t-elle une menace pour la sécurité du Canada? En quoi menace-t-elle la sécurité du transport? Le même argument vaut pour les voleurs de bétail. Ce n'est qu'une liste de toutes les infractions dont les peines peuvent excéder cinq ans. Si quelqu'un vole ma voiture, il est passible d'une peine de plus de cinq ans.
À (1010)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Allez-y.
Mme Bev Desjarlais: J'aimerais poser ma question pour obtenir une réponse. Le risque d'attraper beaucoup d'innocents est-il supérieur aux chances de mettre la main au collet de ceux qui ont commis des infractions figurant sur la liste noire?
M. Khalid Baksh: En deux mots, absolument, tout à fait. Nous le voyons avec ce qui arriver aux États-Unis en ce moment même. Ils sont en train de dresser des listes. Nous savons qu'ils prennent des empreintes digitales et recueillent l'information sur les gens qui passent la frontière. J'ai entendu qu'ils avaient pris 14 000 séries d'empreintes digitales en novembre 2002. Là-dessus, je crois que 157 accusations ont été portées, donc, peut-être 0.1 p. 100. Où est l'équilibre là-dedans? Où est la proportionnalité? Pas là. Si vous voulez la sécurité, donnez l'information nécessaire à vos forces de sécurité, donnez-leur des fonds suffisants. Ne partez pas en expédition de pêche, et n'allez pas ruiner la vie des gens.
Ce qui est arrivé, avec le projet de loi C-36, est quelque chose dont je peux parler directement, de la perspective de ma communauté. Je pratique le droit à Toronto, et une bonne part du travail que je fais, depuis le 11 septembre, vient de ma communauté, et découle d'abus de la part des représentants du SCRS, du ministère de l'Immigration, de la GRC. Le problème de mes clients est qu'ils portent un nom semblable à celui d'un autre, ou ils viennent d'un pays qui, en principe, aux yeux de certains, appuie le terrorisme. Des millions de gens viennent de ces pays. Il y en a beaucoup qui s'appellent Mohamed là-bas, beaucoup qui s'appellent Fatima. C'est là qu'il y aura des problèmes, et c'est pourquoi il faut empêcher ce projet de loi d'aller trop loin.
Mme Bev Desjarlais: Je vous remercie.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Jennings, nous entamons le deuxième tour.
Mme Marlene Jennings: Merci.
Vous avez soulevé un élément important, soit qu'en des circonstances normales au Canada et dans la plupart des pays où la common law est appliquée, pour que les autorités policières puissent arrêter ou intercepter, puis interroger un sujet, elles doivent avoir des motifs raisonnables de penser qu'une infraction quelconque, que ce soit une infraction pénale ou criminelle, a été commise et que la personne peut être l'auteur de cette infraction. Lorsqu'il y a une définition claire pour dire que s'il y a des motifs raisonnables de soupçonner une menace réelle pour la sécurité des transports, et que ce terme particulier a aussi été défini, est-ce que vous verriez, alors, un problème à ce que le SCRS ou la GRC ait le pouvoir d'obtenir par voie électronique une liste des passagers d'un vol particulier ou de plusieurs vols d'une ligne aérienne particulière qui viennent au pays, parce qu'elles ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'il peut y avoir une menace pour la sécurité des transports ou pour la sécurité du Canada? Tant que des définitions claires ou des critères clairs sont inscrits dans la loi, est-ce que vous verriez une objection à ce que la GRC ou le SCRS ait accès aux vols pour voir s'ils peuvent faire des rapprochement? D'après ce que nous ont expliqué le SCRS et la GRC, ils n'auraient pas accès à tous les manifestes de passager de tous les vols. Ce n'est que s'il y a correspondance, même erronée, avec le nom d'une personne qui figure déjà dans leur base de données comme étant une menace ou qui est soupçonnée de terrorisme, qu'ils auraient accès à ce nom. À ce moment-là, ils pourraient, sur demande, obtenir la liste nominative intégrale des passagers du vol particulier où ils ont trouvé une correspondance. Y voyez-vous un problème?
La deuxième question que j'ai à poser concerne la surveillance en tant que telle. À ce que je comprends des pouvoirs et autorité du CSARS, ils sont assez efficaces en ce qui concerne l'utilisation par le SCRS de leurs pouvoirs particuliers. Je m'intéresse à la question de la surveillance de la GRC, et l'une des raisons à cela est que la Commission des plaintes au public contre la GRC a, apparemment, obtenu un mandamus contre la GRC pour obtenir l'accès aux dossiers et rapports confidentiels sur des informateurs confidentiels, et que la GRC affirme ne pas être habilitée à y accéder, en se fondant, apparemment, sur un jugement fédéral qui date de quelque temps. À ma connaissance, ils n'ont toujours pas précisé quelle jurisprudence spécifique leur permet de refuser l'accès aux plaintes du public contre la GRC. D'après ce que vous savez des activités de surveillance de la GRC, croyez-vous que la surveillance dont font actuellement l'objet la GRC et le SCRS, que ce soit par le commissaire à la protection à la vie privée, le CSARS, le commissaire des plaintes du public contre la GRC ou l'inspecteur général, suffit à assurer une application appropriée de cette loi et des pouvoirs qu'elle leur concéderait?
À (1015)
M. Ziyaad Mia: Comme je l'ai dit au début, nous ne sommes pas contre la sécurité publique. Je ne voudrais pas que quiconque ait l'impression que les musulmans s'évertuent à miner les mécanismes de sûreté. Nous avons tout aussi peur que tout le monde des attaques terroristes et nous voulons être plus en sécurité, mais nous voudrions aussi que ce soit fait conformément à la Charte. C'est vraiment le fondement de mon intervention. L'une des première choses que j'ai apprises à l'école de droit est que lorsqu'on rédige un projet de loi, elle doit être clairement définie et efficace, sans toutes sortes de failles et de flous, parce que cela mène à des problèmes. Alors, je comprends ce que vous dites. Resserrons le tout.
Nous aimerions aussi, en passant, même si ce n'est que symbolique, qu'il y ait un article pour dire que cette loi et la discrétion qu'elle accorde seront conformes aux droits fondamentaux prévus dans la Charte, particulièrement les articles 7 et 15. Il faut préciser les définitions, resserrer les pouvoirs de discrétion, attribuer un pouvoir efficace de surveillance et travailler en conformité avec la Charte, parce qu'il existe déjà des justifications pour obtenir de l'information sur lesquelles on peut se fonder pour commencer.
Pour revenir aux mandats, qu'est-ce qu'ils mettent dans le panier? Je ne suis pas si sûr, malheureusement, qu'ils ne vont pas s'arrêter sur des noms même s'il n'y a aucune correspondance avec leur liste. L'une des notes de bas de page, dans notre mémoire, vous le remarquerez, indique que le ministère des Transports, ironiquement, a 5 000 documents secrets qui sont accessibles à tous les employés, et probablement à n'importe quel pirate. C'est le genre de chose qui est accessible à tout le monde. Si l'information est dans le système, qui peut y accéder? C'est une préoccupation à part.
Avec quoi faites-vous les rapprochements? Est-ce que vous mettez là-dedans toutes les infractions au Code criminel? Vous êtes sûrs, alors, qu'il y aura des correspondances. Alors je n'en veux pas. Si vous avez des noms de terroristes, si Oussama ben Laden est sur votre liste—ou n'importe lequel de ses noms d'emprunt, parce qu'il n'est pas assez bête pour voyager sous son propre nom—vous établissez les rapprochements avec cela, et si vous les trouvez, vous assurez la sécurité des transports. Lorsque le vol atterrit, si vous n'avez pas besoin de cette information-là, vous la détruisez. Gardez ce dont vous avez besoin. Mais ensuite, pourquoi le SCRS doit-il garder cette information? Cela me trouble vraiment, personnellement. Pourquoi ont-ils eux-mêmes le pouvoir de décider, lorsqu'ils n'ont pu faire aucun rapprochement, de vouloir garder les renseignements à d'autres fins? L'ABC en a parlé aussi. C'est là qu'intervient la surveillance.
Mais je pense que vous avez tout à fait raison, au sujet de la clarté des définitions. Rédigez une loi qui a du bon sens, pour l'amour de Dieu, c'est tout ce que nous vous demandons, et prévoyez des mesures efficaces de surveillance.
À (1020)
M. Khalid Baksh: Peut-être pourrai-je parler de la question du CSARS et de ce type de surveillance. Certainement, il y a un facteur d'efficacité dans ce qu'a fait le CSARS, mais toute organisation comme celle-là ne peut être efficace que si des plaintes lui sont présentées. C'est là qu'est le problème. Il nous faut leur transmettre ces plaintes, ou un organisme quelconque doit trouver le moyen de les lui transmettre. Avec le climat de peur que créent des lois comme le projet de loi C-36, la trilogie des projets de loi C-42, C-55 et C-17, les gens ont peur de venir déposer des plaintes. Pourquoi voudriez-vous vous plaindre au CSARS? À leurs yeux, et je ne dis pas qu'ils ont raison, ils ne font qu'aller au même organisme qui les harcèle. Il s'agit là de deux choses différentes. L'une est l'effet paralysant et l'autre, ce sont les ressources. Si vous voulez une surveillance efficace, il nous faut avoir des ressources efficaces. Les ressources doivent exister et les remèdes doivent être disponibles, parce que s'il n'y a pas de remèdes, pourquoi se donner la peine de se plaindre?
Je vais parler spécifiquement de notre communauté, maintenant. Il y a des gens, au Canada, qui viennent de pays où règnent des régimes répressifs où, lorsque la police d'État, la police secrète, ou quel que soit le nom que vous voulez lui donner, vient frapper à votre porte, vous ouvrez et leur parlez, vous ne fermez pas la porte en disant je vais parler à mon avocat. Si vous commencez à avoir des forces de sécurité au Canada qui viennent frapper à votre porte, cette crainte s'installe et grandit, et au lieu d'exercer des droits démocratiques, dont l'ouverture, dont le droit d'examen, ces craintes et tout ce qui va avec sont intériorisées.
Éliminez cet effet paralysant, réglez les questions de ressource et prévoyez des remèdes appropriés, et peut-être, alors, aurons-nous une surveillance efficace. Telles que sont les choses actuellement, ce n'est pas comme ça que vous l'aurez, parce que ces plaintes ne seront pas déposées.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Mr. Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Je vais revenir sur le mot «mandat», maître Brosseau et maître Mia, juste pour bien faire comprendre la dichotomie de ce projet de loi-là. Pour ce qui est de la partie 23 qui comprend la convention sur les armes biologiques ou à toxines, le Canada a signé l'entente, vous l'avez dit plus tôt. Plusieurs pays ne l'ont pas encore ratifiée, mais le Canada a l'intention, finalement, d'y prendre part et de la ratifier en passant ce projet de loi.
Entre autres, autant on tient au mot « mandat » à l'article 4.82, autant dans cette partie 23, on ne veut pas qu'il y ait de mandat. On veut permettre aux inspecteurs d'être capables d'aller vérifier, sauf pour les résidences, et il y a même une exception s'il y a urgence concernant les résidences. On veut permettre aux inspecteurs nommés par le ministre--vous l'avez dit plus tôt--de pouvoir visiter, y compris des bureaux d'avocats. C'est ce qui vous a fait dire et qui a fait dire aussi au Barreau du Haut-Canada, quand il a comparu cette semaine, que le lien client-avocat venait d'être ébranlé. J'en suis convaincu parce que finalement, c'est tout le droit à une défense pleine et entière qui est mis de côté.
Comme je vous l'ai dit, c'est là la grande différence. Même les représentants de l'ordre qui sont venus ne trouvent pas qu'on s'en va trop loin. J'ai posé la question mardi et je la pose de nouveau aujourd'hui au Barreau du Québec. Y a-t-il des normes pouvant justifier de faire des perquisitions sans mandat au Québec présentement? Il ne faudrait pas oublier qu'on vit dans un pays libre, démocratique et que si on veut un mandat, on peut l'obtenir. On n'est quand même pas dépourvus au point de vue des équipements et des façons d'obtenir des mandats. Est-ce qu'il y a une urgence telle, une situation telle qu'on doive permettre des perquisitions sans mandat? Là-dessus, vous avez en partie raison, et c'est ce qu'on peut comprendre des propos de ceux qui sont venus témoigner. Pour toute fin, si on a un doute, on peut perquisitionner. Peut-on justifier cette permission de faire des perquisitions sans mandat dans notre société libre et démocratique?
À (1025)
Mme Carole Brosseau: Pour répondre en même temps à Mme Jennings sur cette question, il n'y a en effet que les critères d'urgence qui pourraient faire que les principes sont à l'effet qu'on demande un mandat pour faire une perquisition, quelle qu'elle soit, particulièrement pour un cabinet d'avocats. Mais le principe, c'est d'avoir le mandat, sauf s'il y a des motifs raisonnables de croire... C'est le test qui est souvent appliqué et accepté par la Cour suprême, autant pour le mandat que pour les pouvoirs généraux de dire oui, mais quand il y a véritablement une urgence, un caractère urgent. Oui, il pourrait toujours y avoir une perquisition à ce moment-là. Je pourrais fouiller davantage cette question, car on ne l'a pas abordée sous cet angle, mais parfois, il y a ça.
En matière de sécurité, j'ai des exemples au niveau provincial. Mes collègues ne sont peut-être pas au courant de cela, parce que c'est très spécifique. Récemment, en matière de sécurité, par exemple pour les explosifs et les incendies, on a appliqué ce critère d'inspection, mais avec mandat, et non pas sans mandat, justement à cause du caractère urgent, parce qu'un mandat, finalement, si vous avez de bons motifs de croire... L'importance d'obtenir le mandat préalablement, c'est qu'il y a un tiers qui vérifie si vraiment ce n'est pas démesuré. Souvent quand c'est appuyé d'un affidavit et que c'est très détaillé, à moins que ce soit très déraisonnable... Il arrive que des mandats ne soient pas accordés parce qu'il n'y a justement pas assez de preuves à cet effet et que ça ressemble trop à une partie de pêche. Mais il y a un juge de paix qui, à toutes fins utiles, est le tiers concerné.
M. Mario Laframboise: Par contre, pour le bénéfice des Québécoises et des Québécois qui nous regardent, ce projet de loi fait en sorte qu'on peut perquisitionner sans mandat. C'est ça, ce projet de loi-ci.
Mme Carole Brosseau: Perquisitionner sans mandat, compte tenu de la façon dont le texte de la convention est rédigé, dans un endroit dit public: un cabinet, un bureau, n'importe quel endroit d'affaires, si vous voulez, et à des heures raisonnables. Les autres, par exemple dans une résidence privée, c'est avec un mandat et, comme vous le dites, il y a des particularités.
M. Mario Laframboise: Maître Mia.
[Traduction]
M. Ziyaad Mia: Je ne peux pas donner de détails, comme l'a fait Mme Brosseau, de la convention sur les armes biologiques et toxiques, mais à ce que je comprends du droit criminel, il faut un mandat. C'est encore partie intégrante de notre système juridique, il faut une justification, à moins qu'il y ait des circonstances spécifiques ou urgentes. Si je sais que vous êtes en train de charger votre arme, je suis agent de police et vous allez tuer quelqu'un immédiatement, je n'ai pas besoin de mandat pour vous arrêter, je n'ai pas besoin de mandat pour perquisitionner votre domicile, parce que c'est une situation urgente, mais lorsque cette situation n'existe pas... Ceci illustre réellement l'inquiétude que suscite chez nous la Loi contre le terrorisme, qui, malheureusement, n'a pas changé, et la détention préventive. L'arrestation préventive était permise sans circonstances spécifiques, et je pense que cela n'a aucun sens et que c'est parfaitement ridicule. S'il y a circonstances spécifiques, c'est notre contexte actuel, et il fonctionne. Lorsqu'on s'adresse à un tribunal, il faut se justifier, et c'est exactement dans le mille de ce dont nous parlons en ce qui concerne la surveillance.
Quant aux perquisitions sans mandat, je crois, s'ils prennent un manifeste de passagers et cherchent à faire des rapprochements, c'est, comme l'a dit M. Radwanski, une recherche sans consentement; vous vous identifiez aux autorités et vous n'êtes pas obligés de le faire au Canada à moins qu'elles aient une raison de vous arrêter, ou quelque chose du genre. Alors, c'est une identification involontaire, et le fait qu'ils examinent des renseignements personnels et privés constituent une perquisition et une saisie en vertu de la Charte. Je crois que vous connaissez tous l'opinion du juge La Forest, celle de Marc Lalonde et de Roger Tassé selon lesquels la base de données APIPNR enfreint réellement cette règle et je pense que des arguments similaires peuvent être soutenus ici.
À (1030)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): J'aimerais vous demander d'écourter vos questions et les réponses, parce qu'il va nous manquer de temps, et j'ai sur ma liste les noms de M. Mahoney, Mme Desjarlais, Mme Jennings et M. Proulx. Alors je vais réduire les interventions à cinq minutes, réponse comprise.
Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Je voudrais seulement faire un commentaire sur ce qui est clairement, à mon avis, un faux-fuyant. Rien n'exige un mandat pour faire une inspection. Il faut un mandat s'il y a perquisition et saisie, et il y a une grande différence. Même en vertu de la loi en vigueur actuellement, si vous pensez aux inspecteurs qui vont dans les restaurants ou des choses du genre, ils n'ont pas besoin de mandat. Alors, ce projet de loi ne donne pas des possibilités illimitées à des gens d'effectuer des recherches sans mandat, qui dépassent les pouvoirs déjà prévus par la loi.
J'aimerais revenir sur la recommandation de M. Mia. Vous voudriez que le personnel du ministère des Transports détruise, dans les 24 heures qui suivent l'atterrissage d'un avion, toute l'information relative à la sécurité des transports qui n'a donné lieu à aucune correspondance. Tout d'abord, le ministère n'obtiendrait ces renseignements que s'il y a une correspondance. Les règlements sont différents pour le ministère des Transports, le SCRS et la GRC. De plus, l'alinéa 4.81(1)a) dit que «le ministre ou le fonctionnaire du ministère des Transports, s'il estime qu'un danger immédiat menace ce vol». Le ministère des Transports doit avoir de forts soupçons qu'il existe une menace pour le vol pour obtenir ces renseignements. C'est différent pour le SCRS et c'est aussi différent pour la GRC. Le ministère des Transports, dont vous avez parlé très clairement ici, n'obtient pas cette information à moins qu'il y ait correspondance, et il lui faut avoir de solides soupçons. J'aimerais savoir si cela satisfait vos préoccupations, du côté du ministère des Transports.
Au sujet des mandats, très franchement et avec tout le respect que je vous dois, je pense que le vrai faux-fuyant est cette affirmation au sujet de barrages routiers qui seraient dressés sur les rues Bank ou Yonge, ou n'importe où ailleurs. Nous l'avons tous entendu à ce comité, que c'est le genre de mentalité, en quelque sorte, d'état policier dont M. Radwanski semble vouloir parler. Il n'y a rien ici en ce sens, rien du tout. Il est question de sécurité des transports, et non pas d'arrêter les gens sur la route. Et, il n'y a rien dans notre Charte, en passant, qui empêche la police d'arrêter quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat non exécuté. En fait, elle est tenue de l'arrêter si elle peut déterminer qu'il y a un mandat non exécuté.
Peut-être pourriez-vous répondre à tout cela.
M. Khalid Baksh: Peut-être puis-je dire deux mots au sujet du mandat. Lorsque je suis entré dans l'immeuble, ce matin, j'ai dû passer le poste de vérification. Mon neveu, ici, a fait pareil. C'est ce que nous faisons ici, nous passons par le poste de sécurité. Pourquoi n'ont-ils pas pris mon nom? Pourquoi n'ont-ils pas vérifié sur une base de données si je fais l'objet d'un mandat non exécuté? La sécurité est importante. Je suis entré dans l'immeuble, et j'ai subi une vérification de sécurité. Si c'est ce qu'on veut, il faudrait le faire ici aussi.
M. Steve Mahoney: Mais ce n'est pas involontaire. Nous parlons ici d'une situation où la recherche révèle qu'il y a un mandat non exécuté.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Mahoney, veuillez permettre au témoin de répondre. Je vous remercie.
M. Khalid Baksh: Vous prenez les renseignements. Vous abrogez le droit à la vie privée. Je n'ai pas donné mon consentement pour que l'information qui me concerne soit divulguée. Si vous obtenez ces renseignements aux fins de sécurité des transports, je veux bien, mais si vous l'obtenez pour la sécurité des transports, revenons à cette liste : «tenue d'une maison de débauche»—quel rapport y a-t-il avec la sécurité aérienne des transports qu'il y ait un mandat non exécuté pour ce motif? J'aimerais le savoir. Si ce doit être ainsi, dites-le moi franchement. Cette loi, encore une fois, dresse des barrages routiers dans le ciel. Si ce que vous voulez faire, c'est venir vérifier les civils, si vous voulez fouiller les Canadiens qui font l'objet de mandats, ne vous en cachez pas en disant «nous dressons un barrage routier dans le ciel». Dressez le barrage routier sur la rue Bank, allez-y, faites-le, mais une telle mesure ne passerait pas l'épreuve de la Charte. Si elle échoue à l'épreuve de la Charte sur la rue Bank, comment serait-elle acceptable dans le ciel?
À (1035)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Monsieur Mia.
M. Ziyaad Mia: Vous avez tout à fait raison au sujet de cet article. Nous n'avons pas cherché à en dénaturer le sens. Nous avons mentionné, en parlant de discrétion, que le ministre des Transports peut demander cette information lorsqu'existe une menace immédiate. Qui détermine le caractère immédiat? C'est une seule personne. On revient encore aux fondements du droit administratif. C'est lui qui prend ces décisions. Beaucoup de choses, là-dedans, font que c'est une affaire individuelle, l'affaire d'un homme et ses délégués. C'est là qu'entre en jeu la surveillance.
Disons qu'il détermine la nécessité d'agir immédiatement, et que c'est légitime. Disons que nous sommes tous d'accord qu'une menace immédiate pèse réellement sur le vol. Je ne suis pas expert en informatique ou quoi que ce soit du genre, mais ils obtiennent toute l'information. J'ai lu les compte-rendus d'intervention de M. Zaccardelli et d'autres de ces gens qui disent qu'ils n'ont pas accès à tout cela. Les choses ne se font jamais comme ils le disent. Cette information est sur le disque dur, ou quoi que ce soit d'autre, et ils font des rapprochements quelconques. Cela ne veut pas dire que l'information n'est pas là—on peut me dire qu'il y a beaucoup de documents que j'ai supprimés et qui ne sont pas éliminés de mon système. L'information est dans le système, mais il n'y a pas de « correspondance ». Le projet de loi dit que l'information peut être conservée pendant sept jours, mais avant que ces sept jours soient écoulés, je peux la transmettre à quelqu'un d'autre et ce quelqu'un d'autre... c'est un petit jeu du téléphone. Une fois que c'est entre les mains du SCRS et de la GRC, l'information n'est pas détruite. Alors, ils peuvent bien détruire ce qu'ils ont reçu il y a sept jours, mais...
Quel que soit le cas, ne coupons pas les cheveux en quatre. On peut ne pas s'entendre sur l'identité de la personne, mais c'est ce qui se passe. Cette information est transmise, le SCRC met la main sur tout cela, y compris sur les résultats des rapprochements. C'est exactement ce dont parle M. Baksh. Pourquoi, au nom du ciel, voulez-vous conserver de l'information sur d'innocents Canadiens lorsqu'il n'y a pas de correspondance, ne serait-ce que par erreur? Débarrassez-vous de tout cela, point à la ligne. Comme l'a dit M. Trudeau, le gouvernement n'a pas sa place dans la chambre à coucher de la nation, et c'est exactement ce dont il s'agit ici. S'il n'y a pas de justification, pas de motif valable, pas de raison de faire intrusion dans la vie des gens, il ne faut pas le faire.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Je ne suis pas sûre de pouvoir poser une question, mais je voudrais certainement saisir cette occasion de faire un commentaire. Nous entendons les témoins, j'entends les commentaires de mes collègues, et dans les deux prochaines semaines, je vais éplucher chacun des témoignages et extraire l'information trompeuse. Je dis trompeuse parce que nous avons entendu des versions différentes des représentants de la GRC et du SCRS. Ce que nous entendons de l'un ne colle pas avec ce que dit l'autre. L'idée que se fait M. Mahoney de ce qui va arriver, ou même ce qu'a dit Mme Jennings dans certains cas, ne correspond pas à ce qu'ont dit ces témoins, parce qu'à des moments différents, nous avons entendu des versions différentes. Ils ont été parfaitement clairs. Ils vont prendre chacune des listes de chacun des vols si ça leur chante et ils vont les comparer aux données des systèmes de leur choix. C'est ce que disent les témoins. Je vais m'arranger pour savoir à quoi m'en tenir, parce que très franchement, je suis de plus en plus écoeurée à l'idée que nous pourrions être réduits, en tant que pays, à revenir à...
À (1040)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): C'est ici un comité législatif qui interroge des témoins sur des sujets spécifiques.
Mme Bev Desjarlais: J'ai dit que je n'aurais peut-être pas de question à poser. Peut-être y en aura-t-il une au bout du compte, mais vous devez me laisser mes cinq minutes pour voir si je finis par la poser.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): C'est un comité législatif qui interroge des témoins sur des provisions spécifiques.
Mme Bev Desjarlais: Je la glisserai au dernier moment, monsieur le président. Je veillerai à poser une question. Ce pourrait être sur la couleur de sa cravate ou s'il y a un autre terroriste qui a une cravate de cette couleur, mais je vais poser une question.
Nous avons entendu l'histoire de notre pays, les Japonais ont été internés, les Ukrainiens ont été internés. Nous connaissons l'histoire de pays du monde entier où règne l'État policier, où les gens se font fouiller aux frontières et où tout est vérifié. Si notre intention est de repérer des gens qui font l'objet de mandats, il n'y a qu'à dresser un barrage routier à la frontière entre le Québec et Ottawa et à arrêter tout le monde qui passe par là pour faire des vérifications. Pourquoi pas, si c'est ce qu'on cherche?
Il y a un moment où quelqu'un a mentionné que ma collège, Mme Jennings, est Métisse ou Autochtone. Elle a bien veillé à rectifier l'erreur par la suite. J'ai lu cela et j'ai pensé, et bien, voilà qui est intéressant. Je n'avais jamais songé qu'elle puisse l'être, mais oui, cela montre combien il est facile de montrer quelqu'un sous un jour différent, de façon trompeuse, et de cibler une personne innocente. Je crains de tout mon coeur que ce projet de loi fera plus de dommages et créera plus de victimes parmi les innocents Canadiens, qu'ils soient musulmans ou quoi que ce soit d'autre, peu importe. Je suis absolument malade à l'idée que nous puissions même prétendre à justifier ceci, ne serait-ce qu'en partie. Réglons l'aspect technique, réglons ce qu'il faut régler pour vraiment assurer la sécurité du public, et commençons à sérieusement réfléchir au moyen de nous débarrasser de toutes les bêtises que contient le projet de loi et d'y réfléchir vraiment, plutôt que de trouver le moyen de justifier qu'on veuille vérifier absolument tout sur les Canadiens.
La question que je vais vous poser, c'est que pensez-vous du projet de loi?
M. Ziyaad Mia: Vous avez raison. Lorsque nous avons lu le compte rendu des interventions de M. Easter, du commissaire Zaccardelli et de Ward Elcock, ce n'était vraiment pas clair. C'est un peu difficile d'essayer de tout mettre ensemble pour dire ce que sera le résultat. En réponse à une question du président, M. Easter, le solliciteur général du Canada a dit, au sujet de la manière dont fonctionnerait ce régime d'échange d'informations, «à l'heure actuelle, les transporteurs aériens recueillent des renseignements personnels au sujet des passagers. Aux termes du présent projet de loi, les transporteurs aériens seraient tenus, sur demande, de communiquer des renseignements sur les passagers»—il n'est pas question de d'information repérée ou de quoi que ce soit du genre—«un groupe restreint des gens désignés de la GRC ou du SCRS pour les besoins de la sûreté des transports et de la sécurité nationale». Voilà les objectifs. Il poursuit «ils pourraient communiquer des renseignements sur les passagers à des tiers». Nous le savons, mais il termine avec ceci «je vous assure que les agents désignés ne devraient pas avoir accès aux renseignements sur les passagers». «Devraient» ne signifie pas «n'ont pas». Cela signifie que quelqu'un décide si oui ou non ils devraient y avoir accès et sait-on qui c'est? Est-ce que c'est la personne elle-même? Est-ce que c'est le commissaire Zaccardelli? Est-ce c'est M. Easter? Est-ce que c'est M. Collenette? «Devraient» est différent «n'ont pas», «ne peuvent pas», «ne feront pas», et c'est vraiment ce dont je parle ici—il l'a dit lui-même.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Je vais laisser la parole à Mme Jennings, qui pourra jouir de ses cinq minutes au soleil.
Mme Marlene Jennings: La question des barrages routiers pour les conducteurs en état d'ébriété, si je ne me trompe, est allée jusqu'à la Cour suprême du Canada ou la Cour d'appel. Il y a eu des définitions et des critères clairs qui ont été établis, pour dire que même à la lumière de la Charte, c'est légal, etc. J'aimerais que vous expliquiez au président et à ce comité sur quels motifs le tribunal s'est appuyé pour dire que la police pourrait, dans l'intérêt, je suppose, de la sécurité publique, établir des barrages routiers et arrêter chaque voiture qui passe.
À (1045)
M. Ziyaad Mia: C'est une excellente question, parce que ce que nous disons, c'est laissons les mécanismes qui existent faire leur tour de magie. Je ne peux pas donner de détails—peut-être le pourriez-vous, madame Brosseau—parce que c'est du droit conditionnel et c'était il y a longtemps. Nous avons les programmes RIDE au Canada, des alcootests, à des fins limitées, alors, en fin de compte, il y a infraction.
Je vais prendre un petit moment pour vous expliquer l'épreuve de la Charte. Il y a infraction, détention, perquisition, interrogation d'une personne, alors, plusieurs droits protégés par la Charte sont violés. Il y a a violation des droits, personne ne le conteste. Ensuite, nous passons à ce que nous appelons l'analyse de l'article 1 en vertu de la Charte. M. Dickson, de la Cour suprême, l'un de nos grands juristes, a écrit à propos de l'affaire Regina c. Oakes, quelque chose que nous connaissons sous le titre d'épreuve Oakes. Les avocats peuvent faire traîner les choses et en faire quelque chose d'énorme, mais en fait, c'est une épreuve de proportionnalité selon les normes du droit international. C'est exactement ce dont il s'agit ici. On trouve l'équilibre. On dit où est l'intérêt de l'État ici? L'intérêt de l'État est de réduire l'incidence de la conduite en état d'ébriété en raison du coût social phénoménal pour nous, et c'est dans notre intérêt à tous de le faire, personnellement et financièrement. Donc, c'est un objectif légitime et valide. Ensuite, on passe à l'analyse suivante, qui vise à déterminer si les moyens utilisés sont rationnellement liés à cet objectif. Oui. On va attraper des conducteurs en état d'ébriété : leur haleine sent l'alcool et ils doivent passer l'alcootest s'ils sont soupçonnés.
Donc, d'abord, il y a soupçon : il faut sentir l'alcool. Ensuite, il faut faire une légère encoche aux droits : l'épreuve, dans ce cas-ci, est un court arrêt : j'ai été arrêté à de nombreuses reprises; je ne bois pas, alors ils m'ont toujours donné des coupons gratuits, et je ne vois pas d'inconvénient à être ainsi arrêté. C'est une encoche minimale à mes droits, à une fin spécifique. Ils ne peuvent pas commencer à vérifier si vous avez fait ceci ou cela, ou ce que vous avez dans votre voiture. Je m'aventurerais même à supposer que si, en m'arrêtant pour un alcootest, la police trouvait quelque chose alors qui n'a aucun rapport avec l'alcootest, comme des drogues, ces preuves ne pourraient être admissibles, parce qu'on est arrêté qu'à des fins d'alcootest, et non pas de recherche de narcotiques. La troisième chose, c'est la proportionnalité et—c'est plus ou moins précis—de trouver l'équilibre entre l'objectif, qui est la sécurité du public en ce sens, avec l'atteinte aux droits. La Cour suprême a dit, dans cette affaire, qu'il s'agit d'un tout petit accroc, pour un gain immense s'il y a réduction de l'incidence de la conduite en état d'ébriété. Alors, en ce cas, l'atteinte aux droits était justifiée.
Tous nos droits pourraient être enfreints à un moment ou un autre pour un objectif plus vaste. Nous voulons utiliser cela comme le cadre à appliquer à ce projet de loi. Ce n'est pas un simple alcootest du programme RIDE. Ils vérifient toute l'information sur les passagers, et c'est beaucoup d'information. Ce qui m'inquiète, c'est que cette information, dans ses nombreux algorithmes, soit reliée à la déclaration de revenus, avec d'autres bases de données sur la sécurité, avec la liste d'Interpol. Beaucoup de Canadiens qui viennent de l'étranger ont pu être des contestataires défendant les droits de la personne et pourraient figurer sur une liste quelconque à l'étranger, comme une liste que tient Saddam Hussein—on ne voudrait sûrement pas être sur sa liste—et, alors, il y a une correspondance.
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Madame Brosseau.
[Français]
Mme Carole Brosseau: Je me permets d'ajouter quelques mots à ce que vient de dire mon collègue. La conduite automobile n'a pas été interprétée par la Cour suprême comme un droit fondamental, mais comme un privilège. Cela fait toute la différence. Le droit à la liberté, dont le droit à la vie privée, c'est un droit fondamental. Cela fait toute une différence.
Si vous me le permettez, je pourrai vraisemblablement vous donner de l'information additionnelle à ce sujet. Je ne l'ai pas fait dans le mémoire. Vous me faites travailler, mais je vais ajouter des éléments à cet égard. Je sais que les gens y ont fait allusion tout à l'heure, et je vais parler pour d'autres personnes, mais je voulais vous dire que la Cour suprême a rendu une décision très importante dans l'affaire R. c. Feeney qui concernait le fait de pouvoir entrer dans un lieu sans mandat.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): La dernière question est à M. Proulx, puis je vous laisserai à chacun cinq minutes pour terminer, alors réfléchissez à votre conclusion.
À (1050)
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.
Monsieur Mia, je m'excuse, je n'étais pas ici lorsque vous avez répondu à la question de mon collègue, M. Mahoney, au sujet du mandat visant le présumé meurtrier. Certains adultes des partis de l'opposition jouaient des jeux d'enfants en ne nous permettant pas d'avoir le quorum à la Chambre. Alors, qu'avez-vous répondu? D'abord, êtes-vous d'accord? Autrement dit, comment pourrait-il expliquer cela à ses électeurs? J'ai une autre question en rapport avec celle-ci.
M. Ziyaad Mia: C'était M. Baksh, je pense. Vous avez une responsabilité à l'égard de vos électeurs, et de nous tous en général. Sa réponse, je crois, tapait dans le mille. Il a dit que vous devez vous adresser à vos électeurs et leur dire : nous avons une Charte des droits et libertés dans ce pays, et nous respectons la loi et la Constitution. Alors, à mon avis, en ce qui concerne les mandats, le projet de loi, ici, vise la sécurité des transports, son objet est la sécurité des transports, et de façon plus générale, la menace à la sécurité du Canada. En englobant toutes les infractions, comme la tenue d'une maison de débauche, le vol de bétail, les vols d'une valeur de plus de 5 000 $, et les méfaits passibles de poursuites, dans cette base de données, et que des rapprochements sont faits, en quoi est-ce que cela assure notre sécurité en avion? En quoi est-ce que cela rend le Canada plus sécuritaire? En quoi est-ce que cela constitue une menace pour le Canada? Je ne suis pas tellement chaud, non plus, à l'idée qu'on veuille voler ma voiture, mais si vous devez chercher quelque chose, il faut imposer certaines limites à la police. Elle a de solides pouvoirs pour assurer notre sécurité, alors, on veut pouvoir appliquer l'épreuve de la Charte à la lettre. Faites vos recherches en fonction de soupçons raisonnables, et c'est, dans le fond, ce que vise ce système de correspondance. Il dit, j'ai une base de données de noms, Ziyaad Mia est un pseudonyme d'un terroriste connu, et il y a un vol qui vient de Genève. Et vlan! voilà une correspondance, parce que vous avez agi en fonction d'un soupçon raisonnable.
M. Marcel Proulx: Je m'excuse de vous interrompre, mais mon temps est limité et j'ai une autre question à vous poser.
Une fois que les autorités décident qu'une menace particulière pèse sur un avion particulier, elles décident d'ouvrir la liste et de l'examiner en détail, et elles découvrent qu'il y a des mandats non exécutés visant un ou plusieurs passagers. Que dites-vous à un agent de police qui a le devoir d'agir relativement à ces mandats? Peut-être n'est-ce pas un problème lié à une menace, mais peut-être s'agit-il d'un meurtre ou de quelque chose d'autre. Que lui dites-vous? Comment compose-t-il avec ceci? Est-ce qu'il doit fermer les yeux?
M. Ziyaad Mia: Je ne suis pas expert en droit criminel, mais je suppose que ce qu'il fera—et je ne dis pas que c'est ce qu'il devrait faire, puisque c'est la question qu'on me pose—c'est qu'il arrêtera cette personne, et l'affaire ira jusque devant un tribunal. Le tribunal devra appliquer la loi. Je ne suis pas au courant de toute la jurisprudence en matière de droit criminel, mais pour ce qui est du droit de la preuve, c'est une preuve inadmissible, si elle a été trouvée en cherchant autre chose. Prenez l'exemple de la conduite en état d'ébriété. Disons que je conduise en état d'ébriété, et que j'ai dans ma voiture un chien qui n'est pas immatriculé, ce qui est une infraction. Vraiment, vous trouvez des preuves qui n'ont aucun lien avec votre raison d'être là, et je soupçonne que la Cour suprême dira que une preuve inadmissible. Mais le fait est que ces gens ne devraient pas être arrêtés et passés par le système pour aller jusque là, parce que ce ne sont pas les normes que nous avons établies.
[Français]
M. Marcel Proulx: Maître Brosseau.
Mme Carole Brosseau: Effectivement, c'est comme mon collègue l'a dit. Quand il y a un mandat, la personne est arrêtée et doit comparaître devant le tribunal automatiquement.
Par ailleurs, il faut comprendre que l'objectif du mandat est un facilitateur pour faire le travail, et l'exemple que vous avez donné est précis à cet égard: c'est un facilitateur. Dans le fond, la police a déjà les pouvoirs d'arrêter la personne. Ils ont déjà l'obligation de le faire, ils ont un mandat contre cette personne. Alors, l'obtention d'information additionnelle ou peut-être fausse, comme le disait madame tout à l'heure...
M. Marcel Proulx: Mais l'obtention de l'information va leur permettre de savoir que cet individu est sur ce vol.
Mme Carole Brosseau: Mais est-ce que cela a une relation avec la sécurité? Comme vous le disiez plus tôt, pas nécessairement. C'est tout type de mandat, de façon large. Cela n'a pas nécessairement de relation avec la sécurité comme telle en matière d'aéronautique; cela n'a aucun rapport. C'est vraiment un principe de démocratie.
Le dilemme auquel vous faites face, si je peux me permettre de m'égarer un peu--et monsieur le président me corrigera--, c'est que vous trouvez des solutions pour atteindre un objectif légitime, soit assurer la sécurité publique des Canadiennes et des Canadiens. D'autre part, vous avez aussi comme objectif de conserver les valeurs fondamentales de notre démocratie. Le juge La Forest disait:
Jusqu’à présent, les sociétés libres et démocratiques ne tolèrent pas généralement la création de bases de données renfermant des renseignements personnels sur un grand nombre de citoyens innocents à des fins générales d’application de la loi. |
C'est le dilemme devant lequel vous vous trouvez. On dit que cette disposition ne respecte pas l'équilibre de la Charte des droits et libertés et ne respecte pas les principes de valeurs fondamentales. C'est pour cela que mes collègues et moi-même sommes opposés à cette disposition.
À (1055)
M. Marcel Proulx: Merci maître. Thank you.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Je voudrais permettre aux témoins de présenter leur conclusion. Autrement, nous continuerons à poser des questions. Nous devons avoir quitté la pièce à 11 heures.
Monsieur Mia.
M. Ziyaad Mia: Il est rare que je cède ma place, mais M. Baksh a quelque chose à dire.
M. Khalid Baksh: Nous vivons une époque extraordinaire. Je me rappelle, en 1982, m'être tenu sous la pluie, sur la Colline parlementaire, avec des milliers d'autres Canadiens. J'ai vu M. Chrétien, M. Trudeau et la reine rapatrier la Constitution et signer ce qui était la Charte. Je me rappelle avoir suivi avec un immense intérêt les longues discussions qu'il y a eues sur la signification de la Charte. Quand on y pense, c'est ce qui définit le Canada, c'est ce pour quoi nous sommes ici. Bon nombre d'entre nous sommes des immigrants dans ce grand pays. Nous avons choisi cet endroit. Nous n'avons pas choisi de vivre aux États-Unis, en Grande-Bretagne ou en Australie ou ailleurs. C'est ici notre patrie.
Je me rappelle l'exaltation, lorsque j'allais à l'école de droit, au milieu des années 80, l'exaltation qu'on ressentait à étudier la Charte et à étudier la théorie, parce qu'à l'époque, l'étude de la Charte était largement théorique, nous n'avions pas encore beaucoup d'affaires sur lesquelles nous fonder. J'ai suivi mon cours de droit à Windsor, alors j'ai profité des écoles américaines, de l'autre côté de la frontière, et j'ai étudié le droit constitutionnel américain, non pas seulement en ce qui concerne la répartition des pouvoirs, mais aussi leur Déclaration des droits. J'ai compris, après cela, les différences entre le Canada et les États-Unis. Là encore, cela revient à notre Charte, ce merveilleux document qui a été éprouvé et confirmé, qui a été débattu et qui est respecté non pas seulement au Canada, mais dans le monde entier. Depuis ce temps-là, j'ai observé avec fierté la manière dont la Charte est appliquée, des tribunaux provinciaux à la Cour suprême du Canada. C'est cela, l'héritage dont il s'agit. Il s'agit de l'identité du Canada.
Vous remarquerez deux jeunes hommes derrière nous, mon neveu Zane et son ami, John. Ils sont en cinquième année, et ils étudient le Parlement. C'est une occasion fantastique pour eux de venir voir ce qu'on fait ici. De quoi parlons-nous ici? Nous parlons des droits, de la protection des droits et d'une surveillance raisonnable et efficace. Si John et Zane décident de devenir avocat, dans peut-être 12 ou 15 ans, quel sera l'héritage qu'ils étudieront à ce moment-là? Qu'est-ce qu'ils vont apprendre au sujet du projet de loi C-36, du projet de loi C-17? Qu'est-ce qui nous attend? Nous savons que d'autres choses se préparent. Que vont-ils au sujet de ce dont Ziyaad a parlé? Ce que nous faisons, c'est que nous érodons les valeurs mêmes qui font notre identité canadienne. C'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Je vous demande, encore une fois, d'écouter les préoccupations, non seulement de notre groupe, mais aussi du Barreau du Québec et de tous les autres groupes de défense des droits civils qui sont venus témoigner devant vous. Tout ceci est réel, et son incidence sur les Canadiens, sur vos électeurs, est profonde.
Á (1100)
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Madame Brosseau.
[Français]
Mme Carole Brosseau: Je ne sais pas s'il y a beaucoup de choses à ajouter après le témoignage et la conclusion de mon collègue. Cependant, laissez-moi vous dire que le Canada est souvent interpellé comme barreau à travers le monde. Il est perçu véritablement comme un modèle d'équilibre entre les droits collectifs et individuels et entre les forces policières. Il est vraiment un modèle de démocratie. Mondialement parlant, je pense que nous avons maintenant l'obligation, je dirais même plus le devoir d'établir des règles du jeu qui soient claires et équilibrées, en fonction des droits fondamentaux. En cela, on décharge un peu le fardeau sur les personnes qui sont élues démocratiquement.
J'aimerais vous raconter la petite histoire, dont on n'a pas véritablement parlé, d'une nouvelle infraction, à savoir la rage dans les avions, qui est un peu l'équivalent de la rage au volant. Cette histoire a commencé lorsqu'il y a eu déréglementation de l'aéronautique comme telle. Les compagnies aériennes, pour être plus rentables, ont diminué l'espace entre les bancs, ont restreint les services et la qualité des services. Peu à peu, la situation a dégénéré et finalement, il y a des situations où, effectivement, il y a de l'insécurité et conséquemment, des actes équivalant à de la rage, comme c'est défini dans le projet de loi, peuvent être posés.
Or maintenant, ces actes sont considérés comme une infraction criminelle et cela n'est pas justifié, lorsqu'on voit toutes les infractions qui sont déjà dans le Code criminel. À présent, on dit à un citoyen qu'il a commis une infraction criminelle, alors que c'est simplement les marchés qui provoquent cela. Il faut se questionner à nouveau sur les actes et les conséquences criminelles qui s'ensuivent pour ces gens, lorsque les raisons de ces changements sont d'ordre économique.
Je pense que je vous ai raconté cette petite histoire pour vous inviter à faire attention pour ne pas perdre l'équilibre entre une véritable responsabilité pénale et criminelle à l'égard d'un citoyen et la réalité. Donc, je pense que c'est là votre rôle, et comme le disait d'ailleurs le commissaire, on vous fait confiance à cet égard.
[Traduction]
Le président suppléant (M. John O'Reilly): Merci beaucoup.
Je tiens à remercier tous les témoins. Leur intervention a été très instructive et ils nous ont posé à tous de grands défis. Je voudrais aussi souligner la bonne tenue des enfants, la meilleure que j'ai vue depuis longtemps. L'opposition officielle pourrait en prendre exemple—pas le Bloc québécois, l'opposition officielle.
La séance est levée.