C-17 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-17
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 6 février 2003
¿ | 0905 |
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)) |
M. George Radwanski (commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
Le président |
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne) |
M. George Radwanski |
M. Gary Lunn |
M. George Radwanski |
M. Gary Lunn |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.) |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
Le président |
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ) |
¿ | 0925 |
M. George Radwanski |
M. Mario Laframboise |
M. George Radwanski |
M. Mario Laframboise |
M. George Radwanski |
M. Mario Laframboise |
Le président |
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.) |
¿ | 0930 |
M. George Radwanski |
Mme Marlene Jennings |
M. George Radwanski |
Mme Marlene Jennings |
M. George Radwanski |
Mme Marlene Jennings |
M. George Radwanski |
Mme Marlene Jennings |
M. George Radwanski |
Mme Marlene Jennings |
M. George Radwanski |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
¿ | 0935 |
M. George Radwanski |
Mme Bev Desjarlais |
M. George Radwanski |
Mme Bev Desjarlais |
M. George Radwanski |
Le président |
M. Steve Mahoney |
¿ | 0940 |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
Le président |
M. George Radwanski |
M. Steve Mahoney |
M. George Radwanski |
¿ | 0945 |
Le président |
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne) |
M. George Radwanski |
Mme Diane Ablonczy |
¿ | 0950 |
M. George Radwanski |
Le président |
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.) |
M. George Radwanski |
M. Marcel Proulx |
M. George Radwanski |
M. Marcel Proulx |
Le président |
M. Marcel Proulx |
M. George Radwanski |
Le président |
¿ | 0955 |
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.) |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
M. George Radwanski |
M. John Bryden |
Le président |
M. George Radwanski |
Le président |
Le président |
M. John Reid (commissaire d'information du Canada, Bureau du commissaire à l'information du Canada) |
À | 1010 |
À | 1015 |
Le président |
M. Hassan Yussuff (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada) |
À | 1020 |
À | 1025 |
Le président |
À | 1030 |
Mme Diane Ablonczy |
M. John Reid |
Mme Diane Ablonczy |
M. John Reid |
Mme Diane Ablonczy |
M. John Reid |
Le président |
M. John Bryden |
À | 1035 |
M. John Reid |
M. J. Alan Leadbeater (sous-commissaire à l'information du Canada, Bureau du commissaire à l'information du Canada) |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
M. John Bryden |
M. John Reid |
Le président |
M. Mario Laframboise |
M. John Reid |
M. Mario Laframboise |
À | 1040 |
M. John Reid |
M. Mario Laframboise |
M. Hassan Yussuff |
M. Mario Laframboise |
Le président |
M. Steve Mahoney |
À | 1045 |
M. John Reid |
M. J. Alan Leadbeater |
Le président |
M. Hassan Yussuff |
À | 1050 |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
Mme Bev Desjarlais |
M. John Reid |
Mme Bev Desjarlais |
M. John Reid |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-17 |
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TÉMOIGNAGES
Le jeudi 6 février 2003
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Bob Kilger (Stormont—Dundas—Charlottenburgh, Lib.)): Chers collègues, je déclare ouverte cette séance du comité législatif sur le projet de loi C-17.
Bonjour tout le monde. Je souhaite la bienvenue à notre invité de ce matin, M. Radwanski, le Commissaire à la protection de la vie privée du Canada.
M. Radwanski, peut-être pouvez-vous d'abord prendre une dizaine de minutes pour faire votre présentation, puis nous accorderons à chacun cinq minutes pour les questions.
Vous avez la parole, monsieur.
M. George Radwanski (commissaire à la protection de la vie privée du Canada, Bureau du Commissaire à la protection de la vie privée du Canada): Je vous remercie beaucoup.
J'apprécie immensément cette occasion qui m'est donnée de vous rencontrer ce matin. Je n'ai réellement, à l'égard de ce projet de loi, qu'une préoccupation relativement à la protection de la vie privée, dont j'aimerais vous faire part. C'est un projet de loi d'envergure, qui a de nombreuses facettes, mais je n'ai à vous signaler qu'une préoccupation en ce qui concerne la protection de la vie privée.
C'est, en fait, parmi les nombreuses préoccupations que vous avez entendues et que vous entendrez en tant que comité, probablement la plus simple à régler, parce qu'elle n'a absolument aucune incidence sur la sécurité des transports ou la sécurité nationale dans la lutte contre le terrorisme, qui sont, bien évidemment, l'objet de ce projet de loi. Pourtant, c'est aussi une préoccupation qui revêt une importance cruciale, en raison des précédents que créerait la disposition en question et des portes qu'elle ouvrirait, ce qui suscite de profondes inquiétudes, selon la perspective de la protection de la vie privée.
Je tiens à souligner, en traitant de ce sujet, comme je l'ai souligné dans mon rapport annuel, qui a été publié la semaine dernière, que depuis le 11 septembre, pas une seule fois je ne me suis objecté à la moindre mesure réelle de lutte contre le terrorisme. Il est entendu que je considère impensable que, en tant que commissaire à la protection de la vie privée, je puisse ne serait-ce qu'un moment faire obstacle à toute mesure qui est véritablement et légitimement nécessaire pour protéger les Canadiens contre le terrorisme. Je ne l'ai jamais fait et ne le ferai pas.
Cependant, la disposition en question, comme je l'ai dit, n'a rien à voir avec la lutte contre le terrorisme ou la sécurité des transports. C'est plutôt quelque chose qui s'est glissé dans ce projet de loi sans avoir vraiment de rapport avec son objet. Je parle des aspects du paragraphe 4.82 du projet de loi et, plus spécifiquement, du paragraphe 4.82(11), qui habilite les agents de la GRC à examiner les données sur les passagers, même les passagers des vols internes, d'avertir les autorités locales ou de prendre des mesures appropriées pour procéder à une arrestation si par hasard ils repèrent quelqu'un qui est recherché ou qui fait l'objet d'un mandat pour n'importe laquelle d'une vaste gamme d'infractions au Code criminel qui n'ont absolument aucun lien ni avec le terrorisme, ni avec la sécurité des transports.
En faisant ressortir ce problème que je vois là, permettez-moi de le souligner, je ne cherche absolument pas à protéger des criminels, et le moyen que je propose pour le corriger ne protégerait nullement les criminels. La difficulté, c'est plutôt que cette disposition ouvre la porte pour la première fois à une méthode tout à fait non appropriée et, dans ce cas-ci non nécessaire, d'imposer l'auto-identification obligatoire à l'État, à la police, à des fins d'application générale de la loi.
Je suis sûr que vous le savez, au Canada, nous ne sommes pas tenus de nous identifier à la police tandis que nous vaquons à nos activités normales de citoyens respectueux de la loi. À moins d'être arrêtés ou d'être en train de faire une activité réglementée, comme la conduite d'une automobile, nous ne sommes même pas tenus de porter sur nous des pièces d'identité, et encore moins de nous identifier à la police.
Lorsque nous prenons l'avion, de nos jours, c'est l'exception. Même sur un vol interne, c'est sûr, on est obligés de fournir notre nom et de présenter une pièce d'identité avec photo. Lorsque ces renseignements sont mis à la disposition de la police, comme elle le sera à la GRC, en vertu de l'article 4.82 qui est proposé, l'effet est exactement le même que si nous devions avertir la police chaque fois que nous faisons un voyage, afin qu'elle puisse vérifier si nous sommes recherchés pour avoir commis une ou plusieurs infractions au Code criminel.
Maintenant, tant que cela se limite à la lutte contre le terrorisme, dans ce cas-ci, tant qu'il s'agit de vérifier si un terroriste connu ou suspect est à bord d'un vol, je n'y vois pas d'objection du point de vue de la protection de la vie privée. Je me demande si ce sera particulièrement utile parce que, comme l'ont démontré les événements du 11 septembre, les personnes qui commettent des actes terroristes ne sont pas nécessairement connues avant cela comme des terroristes, et celles qui sont susceptibles d'être connues comme des terroristes ne voyagent probablement pas sous leur propre identité. Toutefois, même si cette disposition n'a que très peu d'utilité contre le terrorisme, je n'y vois pas d'objection.
Cependant, lorsque la portée de cette disposition est élargie pour permettre de repérer des gens qui sont recherchés pour des infractions qui n'ont rien à voir avec le terrorisme ou avec la sécurité aérienne, c'est ouvrir une porte très dangereuse. Si nous pouvons, de fait, être obligés à nous identifier à la police pour qu'elle puisse vérifier si nous sommes recherchés ou si nous faisons l'objet d'un mandat pour un nombre quelconque d'infractions lorsque nous sommes à bord d'un avion, pourquoi arrêter au transport aérien? Une fois que cette porte est ouverte, que ce principe est accepté, pourquoi ne pas faire de même lorsqu'on prend un train ou un autobus, ou qu'on loue une voiture?
¿ (0910)
Si cette forme d'auto-identification est acceptable, alors, le principe à tout le moins permettrait à la police de nous arrêter dans la rue pour vérifier si nous sommes recherchés pour un motif ou un autre, ou d'arrêter des voitures pour vérifier les pièces d'identité de leurs occupants, rien que pour voir s'ils sont recherchés pour avoir commis des infractions ou Code criminel.
Maintenant, je sais qu'on vous a dit, comme on me l'a dit lorsque j'ai soulevé cette préoccupation que, eh bien, c'est, bien entendu pour la lutte contre le terrorisme et la sécurité des transports, mais si incidemment on apprend qu'un criminel terriblement dangereux, quelqu'un de recherché, est sur un vol, les Canadiens s'attendraient à ce qu'on fasse ce qu'il faut pour procéder à son arrestation.
Oui, c'est certain, mais c'est un faux-fuyant. J'aimerais partager avec vous un avis juridique, que mes collaborateurs distribueront avant que nous ayons terminé, dont l'auteur est Morris Manning, l'un des plus grands avocats du Canada en matière criminelle et constitutionnelle, qui confirme ce que n'importe quel avocat ici sait certainement, et c'est que les agents de police, la GRC, en tant qu'agents de la paix, ont un droit et un devoir, à la fois, accordé et reconnu par la loi, de faire ce qui est nécessaire pour procéder à une arrestation s'ils apprennent que quelqu'un est recherché et fait l'objet d'un mandat d'arrestation national pour un délit grave.
Ils n'ont donc pas besoin de cette disposition pour pouvoir agir, dans la mesure où la découverte est fortuite. Si l'objet de ceci est, en fait, d'aller à la pêche régulièrement dans une base de données, à la recherche de personnes recherchées ou qui font l'objet d'un mandat, alors, la situation est très différente et, de fait, soulève le problème additionnel que, si la police compare les données sur les passagers avec les bases de données générales de la police, du CIPC, qui contiennent toutes sortes de données, dont des renseignements sur les personnes qui font l'objet de mandats, alors, il n'y a rien de fortuit à cela.
S'ils cherchent à faire correspondre des données relatives à la sécurité des transports et à la lutte contre le terrorisme, Ils devraient chercher dans une base de données tout à fait différente, appelée SRPC, le Système de renseignements protégés sur la criminalité. S'ils cherchent à établir des correspondances dans ce système, ils ne trouveront que des gens qui sont recherchés pour des délits relatifs à la sécurité.
S'ils cherchent dans l'autre base, celle du CIPC, ils ne peuvent prétendre trouver des renseignements de façon fortuite. Chercher dans la base du CIPC et fortuitement trouver des gens qui sont recherchés pour toute un éventail d'infractions au Code criminel, c'est la même chose que de lancer sa ligne de pêche dans une mare remplie de truites et fortuitement attraper une truite. Il n'y a rien de fortuit à cela.
La dernière chose que j'aimerais dire, c'est qu'à part l'empiètement sur le droit fondamental à l'anonymat pour des fins d'application générale de la loi, ceci crée aussi un risque réel d'injustice à l'égard des particuliers. Le degré d'auto-identification, pour prendre un avion, au moins sur un vol interne, est encore relativement faible. Il faut fournir un nom et une pièce d'identité avec photo.
Maintenant, quand on s'appelle George Radwanski, on est relativement chanceux si ceci est accepté, parce que nous ne sommes pas si nombreux à porter ce nom au pays. Mais prenez un nom plus commun: prenons au hasard un nom comme Paul Martin. Nous avons cherché ce nom dans le site Canada 411, et il y avait 269 inscriptions rien que pour ce nom, Paul Martin. Il y a bien d'autres noms qui sont encore plus communs que celui-la.
Si on a un nom relativement commun et que par hasard, il existe un mandat d'arrestation visant quelqu'un de ce nom, étant donné le niveau relativement faible d'identification, on court de grands risques d'être détenu et d'être débarqué de l'avion en menottes, jusqu'à ce qu'on puisse prouver qu'on n'est pas cette personne, ce qui, bien entendu, amènerait des arguments en faveur d'une identification plus détaillée. Si nous avions une carte d'identité, je suis sûr que M. Coderre dirait qu'alors, il n'y aurait pas de problème. Ceci nous entraîne tout simplement vers toute une autre gamme d'enjeux alors que ce n'est absolument pas nécessaire.
Je terminerai en vous incitant seulement vivement à faire un simple ajustement en supprimant le paragraphe 4.82(11) qui est proposé et l'alinéa 4.82(1)a), qui donne la définition d'un mandat, parce qu'ils ne sont pas pertinents pour l'objet de cette loi. Si le gouvernement trouve, à un moment donné, que nous devrions obliger les citoyens à s'identifier à la police à des fins d'application générale de la loi, ce débat, je n'en doute pas, pourrait avoir lieu à ce titre, dans le cadre de la législation de la justice pénale, plutôt que d'être glissé dans un projet de loi qui, en fait, concerne des mesures anti-terroristes.
Je vous remercie beaucoup de votre attention.
¿ (0915)
Le président: Merci beaucoup, monsieur Radwanski.
Monsieur Lunn, vous avez la parole.
M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai deux questions à vous poser. La première se rapporte spécifiquement au premier élément de votre argument, au sujet du paragraphe 4.82(11) qui est proposé, qui habilite les agents de la GRC, lorsqu'ils examinent ces données, en fait, sans motif probable raisonnable, à tomber fortuitement sur le nom de quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat et de transmettre l'information aux autorités locales.
Tout d'abord, pensez-vous que c'est contraire à la Charte? Je pense qu'il y aura des questions en ce sens.
Et ensuite, si nous changeons de perspective, j'aimerais connaître votre opinion sur le dossier du passager, que conservent les compagnies aériennes. Je ne sais pas exactement où c'est, mais dans l'ancien projet de loi S-23, est la Loi sur les douanes, je crois qu'il y avait une disposition similaire qui leur permettait de recueillir ces données du registre des passagers et de les conserver pendant six ans. Dans ce projet de loi-ci, il ne s'agit que de sept ou huit jours, mais je crois que votre bureau a aussi diffusé des avis juridiques qui laissent entendre que cette disposition enfreint aussi les articles 7 et 8 de la Charte.
Allons-nous trop loin? Est-ce que nous empiétons sur les droits des particuliers? Est-ce absolument nécessaire dans la lutte contre le terrorisme? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. George Radwanski: Je répondrai d'abord à la deuxième question. La réponse, de façon générale, c'est que oui, nous allons trop loin sur plusieurs fronts et c'est ce que j'affirme dans mon rapport annuel, que j'ai présenté mercredi dernier. Je tiens à souligner, cependant, et il y a eu beaucoup de confusion là-dessus, que bien que la Loi sur les douanes et l'ADRC et ces dispositions du projet de loi C-17 traitent des renseignements sur les passagers des lignes aériennes, ce sont deux enjeux tout à fait distincts du point de vue des droits.
Le problème, avec l'ADRC, qui n'est pas celui qu'examine ce comité, c'est qu'ils étaient à l'origine censés obtenir cette information uniquement pour faciliter l'identification des voyageurs aux douanes à des fins d'inspection secondaire, et ils n'étaient pas censés conserver ces données du tout. Pourtant, maintenant, ils ont décidé de garder, et ils sont en voie de le faire, toute l'information, toutes les données détaillées, sur tous les déplacements de tout le monde pendant six ans dans une base de données qui sera accessible sous tout une gamme de prétextes qui n'ont pas de rapport avec la mission des douanes ou avec tout autre mandat de l'ADRC. C'est un problème.
Donc, le problème, ce n'est pas la conservation. Le problème c'est l'utilisation légitime de cette information au moment où elle est recueillie.
M. Gary Lunn: Si je peux vous interrompre brièvement, est-ce que ce ne pourrait pas être la conservation? Est-ce qu'en vertu de cette loi-ci, ils ne pourraient pas transmettre l'information? Parce qu'en fait, ils peuvent la transmettre à n'importe quelle autorité. Est-ce qu'ils ne pourraient pas la transmettre à l'ADRC, qui alors la conserverait pendant six ans?
M. George Radwanski: C'est possible. Ils ne sont pas censés la conserver du tout, selon ce qui est prévu, en théorie. Par contre, je dois admettre que j'ai vu des situations assez déroutantes, notamment celle de l'ADRC, où ce qui est dit au moment de l'examen d'une loi devant le Parlement et ce qui se fait ensuite est différent. Mais ceci établit que, à l'exception de quelques cas isolés qui doivent être documentés et faire l'objet d'un examen annuel, etc., l'information ne doit pas être conservée et il n'y a pas de dispositions, du moins qui soient évidente, pour tout simplement la transmettre à un autre organisme comme l'ADRC, qui pourrait la conserver.
Pour répondre à la dernière partie de votre question, au sujet de la Charte, je ne sais pas si la Charte serait concernée par ceci. La question est de savoir s'il est raisonnable de glisser cette disposition dans cette loi. Maintenant, de toute évidence, si ce qui doit être fait, de mon point de vue, n'est pas fait, si cette loi est adoptée telle quelle, je devrai faire des recherches sur d'autres possibilités, mais pour l'instant je ne veux qu'inciter vivement le comité à procéder à ce qui n'est qu'un ajustement très simple en supprimant ces dispositions, qui auront rien à voir avec l'objet du projet de loi.
M. Gary Lunn: Je vous remercie.
¿ (0920)
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Radwanski, je pense vous avoir bien entendu dire que nous ne sommes pas obligés de porter une pièce d'identité sur nous dans ce pays, mais il est certain que lorsque nous conduisons un véhicule nous devons avoir notre permis de conduire, parce que si nous sommes arrêtés et nous ne l'avons pas, je crois que c'est passible d'une amende. C'est déjà arrivé à bon nombre d'entre nous—je ne dit pas que ce me soit arrivé.
Il me semble aussi qu'une fois qu'on est arrêté et qu'on remet notre permis de conduire, l'agent de police retourne à sa voiture et vérifie la base de données pour déterminer si on a des amendes impayées, ou peut-être même plus que cela, des mandats non exécutés. Cela existe maintenant. Alors je m'étonne un peu de vos arguments.
L'autre aspect, c'est que d'après mon expérience—certains trouveront cela difficile à croire—quand j'étais adolescent dans un endroit appelé Yorkville, à Toronto, où il y avait des démonstrations régulièrement sur n'importe quel propos auquel nous pouvions penser, la police nous demandait invariablement des pièces d'identité et si nous avions de l'argent sur nous, et si nous n'en avions pas, nous étions accusés de délit de vagabondage.
C'était aussi une réalité. J'ai toujours porté sur moi une pièce d'identité et un peu d'argent, mais j'ai eu des amis qui n'en avaient pas et qui ont été arrêtés aussi. Donc, c'est déjà une réalité dans notre monde.
M. George Radwanski: Avec tout le respect que je vous dois, pas exactement.
Tout d'abord, ce que j'ai dit, c'est qu'à moins de vaquer à une activité réglementée, comme la conduite d'une automobile, nous ne sommes pas obligés de porter une pièce d'identité sur nous. Il est évident, si on vaque à une activité réglementée, alors, il faut le document qui prouve qu'on est autorisé à le faire, que ce soit la conduite d'un véhicule, la chasse, ou quoi que ce soit d'autre.
M. Steve Mahoney: Et alors, ils vérifient s'il y a des mandats non exécutés.
M. George Radwanski: Voilà pour ma réponse au premier argument que vous avez soulevé.
Au sujet de votre deuxième argument, n'oubliez pas que la police doit avoir un motif raisonnable de vous arrêter pour commencer. Elle ne peut pas tout simplement vous arrêter pour vérifier si vous faites l'objet d'un mandat quelconque. Et c'est la distinction que j'établis, que prendre l'avion au Canada n'est pas encore, Dieu merci, une activité réglementée si on est un passager. On ne peut pas être arrêté, disons, en raison de quelque soupçon, rien que parce qu'on est un passager. Votre analogie ne tient donc pas.
Pour ce qui est de votre exemple, monsieur, tout d'abord, les lois contre le vagabondage ont été changées depuis cette époque-là et, deuxièmement, la police n'avait pas le droit, même à l'époque, d'exiger des pièces d'identité.
M. Steve Mahoney: Eh bien, j'aurais bien aimé le savoir à l'époque. Ça aurait été une excellente défense.
Des voix: Oh, oh!
M. George Radwanski: C'est l'avantage d'avoir un commissaire à la protection de la vie privée.
M. Steve Mahoney: J'ai deux choses à dire au sujet de votre commentaire sur l'expédition de pêche. Tout d'abord, l'alinéa 4.82(11) qui est proposé stipule que si «la personne désignée»—l'agent de police—«a des motifs de croire que [les renseignements] sont utiles pour l'exécution d'un mandat»; d'après vous, y a-t-il une manière dont l'expression «a des motifs de croire» peut être resserrée pour accroître la protection de la vie privée? Autrement dit, si on disait «d'importants» motifs de croire, ou quelque chose du genre.
Si vous revenez aux alinéas 4.82(5)a)) et b)) qui sont proposés, l'autre aspect de ceci est que ce doit être «pour le vol précisé par l'auteur de la demande». En passant, le paragraphe 4.82(4) qui est proposé concerne la GRC, et le paragraphe 4.82(5) est pour le SCRS. Donc, ils doivent préciser le numéro de vol, plutôt que de jeter une ligne à pêche dans une mare à truites. Ou encore, dans l'alinéa 4.82(5)b)) qui est proposé, ils doivent spécifier le nom d'une personne, plutôt que de jeter une ligne dans une mare à truites.
Cela ne résout-il pas certaines de vos objections?
M. George Radwanski: Je le voudrais bien.
Tout d'abord, mon objection, avec le paragraphe 4.82(11) ne vise pas les mots «motifs de croire» mais avec celui de «mandat» parce que les mandats n'ont tout simplement aucune pertinence relativement à l'objectif et à l'esprit de cette loi. S'il y avait un mandat lié à la sécurité nationale ou à la sécurité aérienne, je n'y verrais aucun problème, mais là où j'en vois c'est dans le fait de simplement spécifier un mandat dans un règlement qui, selon la définition antérieure, couvre une liste interminable d'infractions qui n'ont absolument aucun rapport avec ceci. Et, bien entendu, s'ils consultent les données et qu'ils voient, et que l'ADRC voit que vous faites l'objet d'un mandat, ils ont des «motifs de croire». Donc, ce n'est pas là le problème.
En ce qui concerne les vols spécifiques, je n'y vois pas seulement l'intention d'obtenir cette information relativement à quelques vols seulement. Je veux dire par là que les vols spécifiques peuvent être tous les vols d'une journée, ou de tous les jours. À ce que je comprends, l'objet de ceci est tout simplement de pouvoir faire ce type de comparaison—certainement avec le temps—en ce qui concerne tous les vols, comme le fait l'ADRC avec les données qu'elle obtient.
Le président: Monsieur Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise (Argenteuil—Papineau—Mirabel, BQ): Merci, monsieur le président.
Je voudrais qu'on se comprenne bien, monsieur Radwanski. J'ai suivi passionnément vos interventions depuis le début de l'étude du projet de loi C-17 et lors de l'étude des autres projets de loi. Vous êtes la soupape de sécurité pour la protection des droits de la population. Ce n'est pas pour rien qu'on vous appelle le commissaire à la protection de la vie privée. C'est là que réside la différence entre une société libre et un État policier.
Il n'est pas vrai que ce projet de loi est urgent. Il y a deux ans que les événements du 11 septembre se sont produits, et il est donc évident que l'on assiste à un empiètement du Parti libéral et des fonctionnaires, qui voudraient que l'État devienne plus policier qu'avant. Je ne voudrais pas que vous baissiez les bras, parce que le paragraphe 4.82(11) est inacceptable.
Vous aviez également des recommandations quant au paragraphe 4.82(14). Vous disiez qu'il faudrait que les documents, si jamais il y en avait, vous soient transmis. L'Association du Barreau canadien, qui a comparu devant nous, vous appuie là-dessus. Je vous lis ce qu'elle a dit:
Pour ce qui est de la conservation des renseignements des passagers, nous approuvons la recommandation émise par le Commissaire à la protection de la vie privée selon laquelle on devrait lui envoyer des copies des dossiers préparés en vertu du paragraphe 4.82(14). |
Je ne vous ai pas entendu parler de cette exigence que vous aviez. Est-ce parce que vous êtes en train de baisser les bras? Maintenez le cap, parce que ce que veulent les libéraux et les fonctionnaires, c'est un État policier. Vous, vous êtes là pour défendre les intérêts des citoyens et des citoyennes, des Québécois et des Québécoises, des Canadiens et des Canadiennes. Donc, je veux que vous me confirmiez votre intention de maintenir le cap quant à vos recommandations du départ.
¿ (0925)
M. George Radwanski: Non, je n'ai pas changé mes recommandations. Pour le moment, c'est plutôt pour moi une question de priorités. J'aimerais bien qu'on fasse tout ce que je recommande, mais s'il y a quelque chose qui est extrêmement grave, c'est ce que j'ai soulevé ce matin. J'ai eu seulement 10 minutes pour faire ma présentation et j'espère bien que les autres recommandations seront acceptées aussi bien.
M. Mario Laframboise: Donc, vous maintenez toutes les recommandations que vous avez faites.
M. George Radwanski: Oui, évidemment.
M. Mario Laframboise: Vous me rassurez ce matin. Je poursuivrai en disant qu'en ce qui concerne les arrêtés d'urgence qui sont suggérés pour plusieurs ministères dans le projet de loi, votre intervention n'a peut-être pas porté. Dans le projet de loi, quand un ministère, entre autres le ministère de la Santé, veut adopter des arrêtés d'urgence, on le soustrait aux articles 3, 5 et 11 de la Loi sur les textes réglementaires, et ça, c'est le filtre de la Charte canadienne des droits et libertés. Par exemple, le ministère de la Santé pourrait imposer un vaccin à une population entière et décider que les enfants dans les écoles et les malades dans les hôpitaux doivent être vaccinés et ce, sans que personne n'ait la chance de dire quoi que ce soit, parce qu'un tel arrêté n'aurait pas à passer par le filtre de la Charte canadienne des droits et libertés. Est-ce que vous avez analysé ça, ou si vous vous en êtes tenu aux renseignements personnels?
M. George Radwanski: Je dois me limiter aux questions qui touchent directement à la protection de la vie privée. Il y a d'autres choses dans ce projet de loi, évidemment, qui touchent d'une façon ou d'une autre aux droits et aux libertés de la personne, mais ce n'est pas dans mon mandat.
M. Mario Laframboise: Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président: Madame Jennings.
Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Merci.
Je vous remercie beaucoup de votre présentation. J'ai trois questions à poser.
Au sujet du paragraphe 4.82(11) qui est proposé, vous pensez qu'il devrait être supprimé parce que les agents de police et les membres de la GRC ont, en vertu de la loi, tous les pouvoirs dont ils ont besoin actuellement pour appréhender un suspect ou exécuter un mandat.
S'il y avait ordonnance judiciaire préexistante attribuant un droit d'accès à l'information recueillie en vertu de l'article 4.81 qui est proposé, est-ce que vous verriez une objection à ce que l'agent de police ait accès à cette information?
¿ (0930)
M. George Radwanski: Si vous faites une distinction entre une ordonnance judiciaire concernant une situation spécifique par opposition au traitement de tous les Canadiens comme des suspects, c'est quelque chose de tout à fait différent. Mais là encore, cette disposition au sujet des mandats n'est pas nécessaire.
Mme Marlene Jennings: Non, je peux le comprendre. Je demande seulement, s'il y avait une ordonnance judiciaire pré-existante—qui pourrait viser l'exécution d'un mandat—mais si l'agent est allé devant un juge, a pu convaincre le juge qu'il y a des motifs raisonnables de croire que cette personne visée par un mandat voyage peut-être...
M. George Radwanski: C'est tout à fait différent. C'est, en fait, ce qui se fait maintenant, d'après ce que je comprends—c'est tout autre chose.
Je ne m'oppose pas au mode de fonctionnement actuel de la loi canadienne. Je m'oppose, du point de vue de la protection de la vie privée, à l'ajout de quelque chose qui, à première vue, est redondant mais qui, néanmoins, crée de très dangereux précédents et ouvre des portes qui ne devraient pas être ouvertes et n'ont pas besoin de l'être.
Mme Marlene Jennings: Je comprends. Je vous remercie.
Donc, si les dispositions, le paragraphe proposé, étaient modifiées pour stipuler «mandats directement liés à l'activité terroriste», etc., vous n'y verriez aucun problème?
M. George Radwanski: Non.
Mme Marlene Jennings: Et en ce qui concerne les mandats pour tout autre type d'infraction, s'il y a une ordonnance judiciaire préexistante permettant l'accès à l'information, de toute évidence, vous n'y verriez pas d'objection.
Deuxièmement, j'ai lu ceci plusieurs fois, et je n'ai pas encore réussi à trouver une disposition punitive en cas de non-observation de la règle de destruction des données au bout de sept jours. Est-ce que cela vous inquiète? Avez-vous trouvé quoi que ce soit, dans cette loi, qui dise si les données ne sont pas détruites après sept jours, voici l;es conséquences?
M. George Radwanski: Non. Il n'y a aucune disposition de ce genre.
Maintenant, en toute objectivité, dans la plupart de ces lois, il n'y a pas de ce genre de disposition. Ce serait clairement contraire à la loi. J'espère que ça n'arrivera jamais vraiment, mais il y a une disposition du Code criminel qui fait un délit criminel de toute infraction à une loi du Canada. Je n'ai pas la citation exacte à la mémoire. Cela s'appliquerait à bien des choses, y compris, même, à la Loi sur la protection de la vie privée. Il est certain que quiconque ne s'y conformerait pas, ou à toute autre disposition, enfreindrait une loi du Canada.
Mme Marlene Jennings: D'accord. Vous venez de répondre à ma question suivante, sur l'existence d'autres dispositions en ce sens dans d'autres lois. Vous avez dit qu'il y avait quelque chose dans le Code criminel.
Une dernière chose. La GRC a des organes de régie qui la supervisent et veillent à ce qu'elle s'acquitte de son mandat en ce qui concerne sa loi et son application, etc. Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que ces organes de surveillance auraient le pouvoir, lorsqu'ils font leurs vérifications ou leurs activités de surveillance, de déterminer si, oui ou non, la GRC, par exemple, s'est conformée à ces articles du projet de loi C-17 qui relèvent de leur autorité.
M. George Radwanski: Si vous parlez de la conservation, ce serait certainement vrai, et j'aurais moi-même, c'est certain, le droit de le vérifier aussi. Ils n'auraient pas de droit reconnu par la loi de conserver les données, donc ce serait une autre paire de manches. Mais si vous parlez de la disposition qui me concerne, au sujet des mandats, si c'est dans la loi, c'est dans la loi. Un organe de surveillance ne peut que s'assurer que l'organisme se conforme à la loi. Cela ne change rien au fait que nous mettons dans la loi quelque chose qui n'y a pas sa place.
Mme Marlene Jennings: Je ne parlais pas du mandat. Je parlais de l'observation ou de la non-observation.
M. George Radwanski: Oh, non, il y a des mécanismes de surveillance pour cela.
Le président: Merci beaucoup, madame Jennings.
Madame Desjarlais, vous avez la parole.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Merci.
Je tiens à vous remercier de l'information que vous nous avez fournie ce matin. J'ai eu l'occasion d'entendre vos observations au comité des transports, aussi.
Si je peux intégrer ceci dans la perspective de la protection de la vie privée, j'aimerais seulement savoir ce que vous pensez de la carte que doivent porter sur eux les immigrants reçus et du fait que, sur leur demande, ils doivent indiquer s'ils ont voyagé depuis cinq ans.
Est-ce que cette information—je vais établir le lien avec le projet de loi, Steve—, lorsqu'ils vont à une compagnie aérienne, est alors transmise à la police, ou à tout autre organisme à qui les données pourraient être transférées?
¿ (0935)
M. George Radwanski: Écoutez, vous me mettez sur la sellette. Je ne suis pas venu, aujourd'hui, préparé mentalement à répondre à ce genre de question. Je n'ai pas fait d'objections à la carte des immigrants reçus en tant que telle lorsqu'elle a été proposée. De fait, nous avons été assurés qu'elle n'aurait pas besoin d'être utilisée ou d'être produite à toute autre fins que celles prévues dans le cas de la formule IMM 1000. Donc, de ce point de vue, je n'ai aucune préoccupation.
J'ai cependant craint que ceci n'ouvre la porte à une carte nationale d'identité pour tout le monde, et nous voyons ce problème se pointe à l'horizon. Mais sur le sujet, précisément, que vous soulevez, sur l'information additionnelle qui doit être fournie, bien franchement, je n'avais pas été averti que nous aborderions ce sujet aujourd'hui, mais je serai heureux d'en parler à une autre occasion.
Mme Bev Desjarlais: D'accord.
M. Mahoney semble dire qu'à peu près tout le monde porte sur soi une pièce d'identité. D'après votre expérience de commissaire à la protection de la vie privée, pensez-vous que tout le monde porte une pièce d'identité, ou doit, pour certaine raison, en porter?
M. George Radwanski: Je suis sûr qu'il y a beaucoup de gens qui n'en portent pas, mais ce n'est vraiment pas le sujet central de notre discussion, de toute façon. Que nous portions ou non une pièce d'identité, la plupart d'entre nous avons quelque chose, sur nous, pour nous identifier d'une manière ou d'une autre. Mais ce que je tiens à vous faire comprendre, c'est que nous ne sommes pas tenus de présenter une telle pièce à la police ou de nous identifier à la police à moins d'être en train de faire une activité réglementée, pour qu'on puisse vérifier si nous y sommes, de fait, dûment autorisés, ou à moins que nous soyons en état d'arrestation.
C'est bien loin de la situation que ceci créerait, où la présentation de pièces d'identité à la compagnie aérienne devient l'auto-identification obligatoire à la police. La compagnie aérienne est tenue de transmettre cette information à la police qui, elle, s'en sert pour voir si on est recherché pour l'une ou l'autre de tout une gamme de motifs. Et si, rien qu'une fois, vous...
Si ce principe est acceptable, qu'on doive s'identifier à la police pour qu'elle puisse voir si on présente un intérêt pour l'État à des fins d'application générale de la loi, alors il n'y a pas de raison de croire, étant donné la tendance des gouvernements de partout à établir des analogies lorsqu'ils veulent justifier un nouvel empiètement sur nos droits, qu'ils s'en tiendraient aux voyages en avion.
Mme Bev Desjarlais: D'accord. Pour récapituler clairement, si vous avez un permis pour conduire un véhicule, il peut y avoir des règles selon lesquelles vous devez porter sur vous votre permis, mais si vous êtes passager dans le véhicule, rien ne vous y oblige.
M. George Radwanski: Précisément, et la police ne peut pas arrêter le véhicule, comme je l'ai dit plus tôt, à moins d'avoir un motif raisonnable de le faire. La différence, avec ceci, c'est que tout le monde est traité comme suspect et tout le monde est forcé de s'identifier à la police. Je ne l'accepte, de la perspective de la protection de la vie privée, qu'à titre exceptionnel, pour la lutte contre le terrorisme.
Cependant, cette initiative, et d'autres, du gouvernement, soulèvent d'immenses préoccupations, quand des événements du 11 septembre servent à justifier des violations qui n'ont rien à voir avec la lutte contre le terrorisme ou la protection contre le terrorisme mais qui servent plutôt à faire entrer par la bande des mesures générales d'empiètement sur la vie privée sous prétexte de lutte contre le terrorisme.
Le président: Monsieur Mahoney.
M. Steve Mahoney: Merci, monsieur le président.
Monsieur Radwanski, je voudrais seulement revenir sur ce que vous avez appelé un faux-fuyant. Maintenant, je l'ai dit ceci, et aussi d'autres membres du gouvernement. Supposons que dans la démarche d'application de la diligence raisonnable, en vertu des paragraphes 4.82(4) et (5) qui sont proposés, dont j'ai parlé plus tôt, et après avoir demandé des données sur un vol particulier, ou sur un passager particulier, supposons que le SCRS ou la GRC découvre fortuitement que, sur cet avion se trouve quelqu'un qui est recherché pour meurtre, kidnapping ou pour un crime passible d'une peine d'emprisonnement de cinq ans. Si ces crimes étaient spécifiés dans les règlements, de manière à ce que ce qu'il ne puisse s'agir d'à peu près n'importe quel genre de mandat, pour ainsi dire, la plupart des Canadiens s'attendraient à ce que ces renseignements soient transmis aux autorités pertinentes pour exécuter le mandat qui vise cette personne recherchée.
Vous avez dit que c'est un faux-fuyant, mais si nous n'avons pas ce pouvoir, que disons-nous, en tant que parlementaires, aux gens que nous représentons lorsque cette personne qui est recherchée pour un crime grave est tout simplement laissée en liberté au nom de la protection de la vie privée?
¿ (0940)
M. George Radwanski: Mais, non, je tiens à ce qu'il soit absolument clair que cette question ne se pose pas. C'est exactement ce que j'essaie de faire comprendre. Si la police apprend, sans cette disposition, sans quoi que ce soit, qu'il se trouve là quelqu'un qui est recherché et qui fait l'objet d'un mandat, elle n'a pas besoin de cette disposition. La police a un droit et une obligation reconnus par la loi, en tant qu'agents de la paix, de prendre les mesures appropriées pour appréhender l'individu, un point c'est tout. Donc, la question ne se pose pas.
Si cette disposition était supprimée demain, et c'est ce que le gouvernement essaie de dissimuler, cela ne créerait aucunement ce genre de situation où, si la GRC apprend qu'il y a un meurtrier sur un avion, elle ne pourrait pas l'arrêter.
Là où il pourrait y avoir un problème, c'est si ce n'est pas fortuit, si en fait, une pratique était établie de vérifier la base du CIPC et de vérifier tous les noms pour voir s'il y a quelqu'un qui est recherché pour quelque chose, lorsque la police n'es pas censée consulter la base du CIPC, parce qu'elle aurait plutôt dû vérifier la base de données du SRPC, par exemple. Si c'est systématique, il pourrait y avoir des problèmes, parce qu'elle s'appuierait sur des lois faites pour assurer la sécurité aérienne pour trouver des gens visés par des mandats qui n'ont aucun rapport avec la sécurité aérienne.
Permettez-moi de m'exprimer clairement. Vous parlez d'infractions passibles d'une peine d'emprisonnement de plus de cinq ans, mais dans le Code criminel, c'est le cas du changement de marque sur du bétail, de la cueillette de bois de grève...
M. Steve Mahoney: Maintenant, voilà des faux-fuyants. On en a parlé, et le problème sera réglé si on désigne spécifiquement les délits. Il n'y sera pas question de marquage du bétail, ni de ramassage de bois de grève.
M. George Radwanski: Les règlements provisoires qui sont proposés pour l'instant disent que nous devons englober le proxénétisme, qui est loin d'être une menace pour la sécurité aérienne. Cela comprend la falsification et bien d'autres choses qui ne font certainement rien pour menacer la sécurité d'un avion.
M. Steve Mahoney: Alors, si nous arrivons à régler le problème des crimes et de la nature de ces crimes par définition, nous pouvons probablement surmonter l'obstacle.
M. George Radwanski: Non, monsieur. Nous pouvons le régler en ne parlant pas de mandats.
M. Steve Mahoney: Votre affirmation que ce n'est pas nécessaire parce que dans le fond, cela existe déjà ailleurs, m'étonne quelque peu. Parlons de la manière dont cela fonctionnerait. On lit clairement que c'est pour faire face aux risques de terrorisme, ou de «menaces envers la sécurité du Canada». On lit clairement que c'est ce pour quoi nous recueillons l'information sur des vols et des personnes spécifiques. Si, ce faisant, la police tombe sur d'autres renseignements qui lui paraissent assez graves pour avoir des conséquences sur un mandat, il me paraît logique d'en parler, d'avoir cette disposition ici.
L'élimination de cette disposition obscurcirait quelque peu l'évidence, soit qu'une fois que la police a recueilli cette information, elle doit clairement être habilitée à la transmettre pour le faire. Nous avons maintenant des anomalies dans notre système qui font que les Américains peuvent nous communiquer certains renseignements, mais nous ne pouvons leur rendre la pareille.
Le président: Monsieur Radwanski.
M. George Radwanski: Je n'ai, de toute évidence, pas réussi à clairement me faire comprendre...
M. Steve Mahoney: Non, pas du tout.
M. George Radwanski: ...et je m'en excuse. Je le répète, il n'y a pas d'anomalie dans le sens que si la police tombe par hasard sur quelqu'un qui fait l'objet d'un mandat pour une infraction au Code criminel, de façon fortuite, dans le cadre de mesures anti-terroristes, elle n'a pas besoin de cette disposition parce qu'elle a déjà le pouvoir de faire ce qui est nécessaire. Mon bureau vous distribuera l'avis juridique que nous avons sur le sujet.
Mais la question centrale est la suivante: si vous voulez comparer les noms de passagers, sur un vol, avec d'autres sources d'information à des fins de sécurité aérienne et de sûreté des transports, où chercher? Et bien, ce n'est pas dans la base de données du CIPC, qui est un fourre-tout de toutes les données connues de tous les organismes policiers, y compris sur des gens qui font l'objet de mandats qui n'ont aucun rapport avec le terrorisme. Il faudrait chercher dans ce dont j'ai parlé plus tôt—et j'ai discuté du sujet avec des experts de l'application de la loi—la base de données connue sous le nom SRPC, le Système de renseignements protégés sur la criminalité, qui est une base de données beaucoup plus spécialisée, qui comporte des textes au sujet des menaces pour la sécurité. C'est donc que cela est tout à fait prévu.
J'aimerais que le comité convoque un expert de l'application de la loi pour lui demander où la police aurait le plus de chance de succès si elle voulait chercher seulement des gens qui constituent des menaces pour la sécurité aérienne du point de vue du terrorisme. Ce ne serait pas dans la base du CIPC, qui a toute les données sur des gens recherchés pour toutes sortes d'infractions.
S'ils cherchent dans la base de données appropriée et, fortuitement, trouvent tout de même quelqu'un qui est visé par un mandat, ou s'ils ont un indice, ou quelque chose du genre, ils n'auraient pas besoin de ce genre de disposition. Ce n'est une disposition pertinente que s'ils comptent systématiquement se servir du prétexte des événements du 11 septembre et de la sécurité des transports à des fins d'application générale de la loi. Là, ils auraient peut-être des problèmes, à moins qu'existe cette disposition particulière.
¿ (0945)
Le président: Monsieur Radwanski, nous devons poursuivre.
Madame Ablonczy, vous avez la parole.
Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Et bien, tout ceci est très intéressant. Le comité a reçu de l'information sur les dispositions du projet de loi en ce qui concerne la protection de la vie privée. Je suis sûre que vous savez que la Défense nationale pourrait écouter les communications privées des Canadiens; qu'il serait légal de partager des renseignements personnels sur les immigrants et les réfugiés en vertu d'arrangements informels plutôt que des arrangements formels existants; qu'il y aurait moyen de divulguer plus largement une très vaste gamme de données sur les transactions financières personnelles; qu'il est proposé de légaliser la cueillette et l'utilisation des renseignements personnels que détient le secteur privé, sans même que les particuliers le sachent ou y consentent, aux fins de transfert au gouvernement; que les motifs de le faire peuvent être quelque peu vagues, soit que c'est dans l'intérêt de la sécurité nationale ou de la défense nationale, ou de la conduite des affaires internationales; et que ce projet de loi ferait du secteur privé des associés passifs du gouvernement en matière de surveillance de la sécurité.
Ce sont, c'est évident, des questions qui ont une grande incidence sur la vie privée des Canadiens. Dans une démocratie de pays industrialisés, l'une des caractéristiques distinctives—et je sais que vous êtes d'accord avec ceci—est la liberté d'un citoyen de ne pas faire objet de ce type de surveillance et d'invasion et de ne pas à faire de compromis sur les libertés civiles.
La question que j'ai à vous poser est la suivante: étant donné les violations assez graves que ce projet de loi permettrait, y a-t-il des mesures de protection, des activités d'examen dépendant, ou des prévisions de mécanismes de freins et contrepoids pertinents qui, selon vous, seraient mis en place pour équilibrer les pouvoirs assez vastes qu'attribuerait ce projet de loi?
M. George Radwanski: Vous soulevez là d'excellentes questions. Comme je l'ai dit dans mes observations au tout début, bien que ce soit mon devoir de protéger le droit à la vie privée des Canadiens, je suis aussi conscient que personne ne voudrait que ce droit à la vie privée fasse obstacle à ce qui est véritablement et manifestement nécessaire pour accroître la sécurité contre le terrorisme.
Vous le savez certainement, j'ai suggéré que pour toute nouvelle invasion spécifique de la vie privée au nom de la sécurité, il faudrait passer un test en quatre volets. Tout d'abord, l'invasion doit être manifestement nécessaire pour répondre à des besoins spécifiques. Deuxièmement, il doit pouvoir être démontré que cette mesure d'invasion sera efficace pour répondre à ce besoin. Autrement dit, nous n'enfreignons pas un droit fondamental comme le droit à la vie privée rien que pour nous faire sentir plus en sécurité si cela ne nous protégera par réellement plus. Troisièmement, l'ingérence dans la vie privée doit être proportionnelle au gain de sécurité qui en sera tiré. Quatrièmement, il doit pouvoir être démontré qu'aucune autre mesure qui empiète moins sur la vie privée ne parviendrait à réaliser le même objectif.
Si vous appliquez ceci aux diverses autres hypothèse dont vous avez parlé, ces choses qui pourraient aller trop loin, la loi prévoit des mesures générales pour faire des choses qui pourraient être nécessaires comme mesures antiterroristes, mais quelles que soient celles-ci, à mon avis, elles devraient passer le test que je viens de décrire.
Certainement, toutes ces activités dont vous parlez relèvent de mon autorité en tant que commissaire à la protection de la vie privée.
Ce qui distingue l'article 4.82 de ce genre de considérations est qu'il va tout simplement plus loin que tout ce qui concerne la lutte contre le terrorisme et la sécurité pour en faire une mesure d'application générale de la loi qui n'a absolument aucun rapport avec elle.
Est-ce que cela répond à votre question?
Mme Diane Ablonczy: En quelque sorte, mais permettez-moi de poursuivre. Si les quatre éléments de votre test étaient intégrés dans le projet de loi par le Parlement, qui veillerait à leur respect? Qui serait juge pour déterminer si le test a été appliqué? Quelles mesures de freins et de contrepoids existeraient pour faire en sorte qu'il n'y a pas abus du pouvoir attribué à des fins légitimes?
¿ (0950)
M. George Radwanski: Je ne dis pas qu'on devrait prévoir des modalités dans ce projet ou ailleurs. Ce sont des tests que je dois appliquer en tant que commissaire à la protection de la vie privée.
Qui s'occupe de la surveillance? Avec tout le respect que je vous dois, c'est vous. C'est le Parlement. Comme vous le savez, je relève du Parlement. Mon rôle et celui de mon bureau consiste à voir au respect des règles, à en être le chien de garde en votre nom, au nom des parlementaires, afin de veiller à ce que tout respecte la lettre et l'esprit de la Loi sur la protection des renseignements personnels, sans porter entrave aux droits à la vie privée dont jouissent les Canadiens.
Mais pour être très honnête, ce système ne fonctionne bien que si, lorsque le commissaire à la protection de la vie privée exprime des inquiétudes, comme je l'ai fait aujourd'hui à l'égard d'une disposition précise—et je l'ai fait aussi dans mon rapport annuel de la semaine dernière pour dénoncer des problèmes et des comportements récurrents—le Parlement qui détient l'autorité suprême joue ce que je considère comme son rôle en la matière, c.-à-d. qu'il intervienne et insiste pour que ces droits soient respectés.
Le président: Merci, madame Ablonczy.
Comme le temps file, je vais donner la parole à M. Proulx, puis à M. Bryden, pour environ trois minutes chacun, si possible.
Monsieur Proulx.
[Français]
M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Radwanski, d'être ici ce matin devant nous. Vous avez entendu mon collègue M. Laframboise vous faire des compliments et vous dire que vous êtes la soupape de sécurité, le protecteur des citoyens. Je voudrais seulement vous mettre en garde et vous conseiller de ne pas trop suivre ses conseils quant à son vocabulaire, parce que le Bloc québécois n'est pas particulièrement bien placé pour parler d'État policier depuis hier, étant donné ce qu'il a fait à Mme Venne. Servez-vous plutôt d'un dictionnaire Larousse, monsieur Radwanski.
Le 11 septembre 2001 a tout changé dans la vie des Canadiens. Vous êtes un excellent vulgarisateur, et j'aimerais que vous m'aidiez à comprendre ce que vous nous dites ce matin. Vous nous parlez de la banque de données CPIC, que vous comparez à une banque de données pour des criminels face à la sécurité. Vous parlez de sécurité à bord des vols. Pour vous, est-ce que quelqu'un qui a un dossier criminel en matière de violence conjugale, de fraude, de vol ou d'agression peut représenter une menace à la sécurité à bord d'un vol?
M. George Radwanski: Je vais vous répondre en anglais pour être plus bref. Je parle français, mais on n'a pas beaucoup de temps.
[Traduction]
Je vous répondrai simplement que j'ai demandé à M. Collenette, instigateur de ce projet de loi, s'il existait des données sur le nombre d'incidents dus à des gestes inappropriés posés à bord d'aéronefs par des gens faisant l'objet d'un mandat pour des raisons non liées à la sécurité ou au terrorisme. Les autorités ne tiennent pas de données de ce genre, et je dois dire qu'à ma connaissance, de tels incidents ne constituent pas un problème suffisamment grave pour qu'on adopte un projet de loi de ce genre.
En général, les gens faisant l'objet d'un mandat ont plutôt tendance à rester discrets en public. Il serait peu probable qu'un faussaire commette à bord d'un avion un délit risquant de mettre l'avion en péril. De même, une personne recherchée pour proxénétisme ne fera probablement pas de recrutement à bord d'un avion.
M. Marcel Proulx: Vous le supposez, monsieur.
M. George Radwanski: Bien sûr, tout est possible, mais si on veut imposer une nouvelle loi, le fardeau de la preuve incombe à ceux qui la proposent. J'ai demandé des statistiques sur les crimes commis à bord des avions par des personnes faisant l'objet d'un mandat pour une infraction ordinaire au Code criminel et on ne m'a fourni aucune donnée.
M. Marcel Proulx: Mais c'est vous qui nous dites...
Le président: Une courte question.
M. Marcel Proulx: Vous dites qu'on ne devrait pas utiliser le CIPC, mais que la base de données sur la violence à bord d'aéronefs devrait...
M. George Radwanski: Non, non, il s'agirait d'une base de données sur les menaces à la sécurité. Ce ne serait pas une base de données sur la violence à bord des aéronefs, ce serait une base de données sur les terroristes connus ou présumés et les autres menaces à la sécurité. C'est un projet de loi sur la sécurité. Il faut donc chercher l'information pertinente là où elle se trouve.
Le plus que le CIPC pourrait vous apprendre, c'est qu'il existe des renseignements sur la personne dans la base de données du SRPC, donc pourquoi ne consultez-vous pas directement le SRPC?
Le président: Merci, monsieur Proulx, de votre coopération.
Monsieur Bryden, s'il-vous-plaît.
¿ (0955)
M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Je voudrais seulement vous rappeler que c'est le Parlement qui est rassemblé ici et que nous n'imposons pas de lois. Nous essayons d'adopter des lois dans le meilleur intérêt de tous les Canadiens. Votre formulation me dérangeait.
Dites-moi, selon l'article 4.82 proposé, l'État devrait-il être autorisé à recueillir des renseignements sur les personnes de nationalité étrangère voyageant à bord d'un avion et à les partager avec la GRC ou d'autres autorités appropriées?
M. George Radwanski: Parlez-vous...
M. John Bryden: Je parle des non-citoyens et qui voyagent à bord des avions.
M. George Radwanski: Je crois qu'en vertu de ce projet de loi, ce ne serait possible que pour assurer la sécurité aérienne. Si on le fait à d'autres fins, il faudrait préciser lesquelles dans le projet de loi.
M. John Bryden: C'est écrit. Le projet de loi dicte qu'on peut échanger des renseignements pour...
Dans la définition de «mandat», à l'alinéa 4.82(1)c), on prévoit le cas où un mandat d'extradition aurait déjà été délivré. Bref, vous nous dites que la GRC ne devrait pas pouvoir consulter les données d'un avion pour repérer une personne devant être extradée du Canada pour des crimes de guerre, par exemple.
M. George Radwanski: Je répète que ce n'est pas l'objet de ce projet de loi. Si le gouvernement veut envisager des changements au régime d'accès à l'information des forces de police à des fins d'application de la loi en général, il en a certainement le droit.
Ce projet de loi est censé porter sur la sécurité aérienne et nationale. À mon avis, seuls ces objectifs peuvent justifier les mesures inhabituelles d'identification personnelle obligatoire enchâssées dans le projet de loi.
M. John Bryden: Alors, je vous comprends bien. Vous vous opposez à l'idée que l'État ait le pouvoir d'identifier des personnes de nationalité étrangère recherchées pour crime de guerre grâce aux renseignements recueillis dans le transport aérien.
M. George Radwanski: Non, non...
M. John Bryden: Vous élargissez la protection de la vie privée aux personnes de nationalité étrangère recherchées pour extradition dans un autre pays.
M. George Radwanski: Un instant. J'essaie de dire que les Canadiens ont droit à la protection de leurs renseignements personnels et qu'ils ne devraient pas être contraints de fournir une identification personnelle à l'État. Vous trouvez le moyen d'utiliser ces propos pour décréter que je parle au nom des criminels de guerre.
La ministre du Revenu national m'a déjà accusé de sympathiser avec les pédophiles parce que je m'objectais à sa base de données.
Je vous prierais de faire attention avant d'extrapoler de la sorte, cela me semble bien indigne.
M. John Bryden: En fin de compte, monsieur le président, M. Radwanski a fini par dire qu'il trouvait acceptable que la GRC repère fortuitement des personnes faisant l'objet d'un mandat. Comment peut-elle les repérer fortuitement si, lorsqu'elle se trouve à bord d'un avion, elle n'a pas accès aux renseignements recueillis sur les passagers?
Le président: Ce sera la dernière question.
M. George Radwanski: Je me répète, si le gouvernement souhaite adopter une loi sur les mesures que les services de police peuvent prendre pour mettre la main sur des criminels de guerre ou d'autres criminels recherchés, je suis certain qu'on pourra débattra de ses mérites, mais ce projet de loi porte sur la sécurité du transport. Cet article porte sur la sécurité aérienne. Je suis donc d'avis qu'il ne doit pas être structuré de façon à servir aux fins d'application d'autres lois non liées à la sécurité aérienne.
Ceci dit, je répète encore que si les forces policières prennent fortuitement connaissance de la présence d'une personne recherchée dans un autre pays, pour extradition ou pour crimes de guerre, leurs pouvoirs d'agents de la paix les autorisent et les obligent à intervenir. Cette disposition est donc redondante.
Le président: Je vous remercie beaucoup, monsieur Radwanski, d'avoir comparu devant nous ce matin et de nous avoir fait part de votre point de vue.
Chers collègues, nous allons prendre une pause de trois minutes pour laisser nos prochains témoins s'approcher, puis nous allons reprendre très vite.
¿ (0959)
À (1006)
Le président: Reprenons les travaux de comité afin d'étudier le projet de loi C-17.
Nous accueillons maintenant M.Reid, commissaire d'information du Canada. Monsieur Reid, avant de faire votre déclaration, je vous prierais de nous présenter M. Leadbeater et M. Brunet.
Nous recevons aussi M. Hassan Yussuff, secrétaire-trésorier du Congrès du travail du Canada. Je vais laisser M. Yussuff nous présenter la dame qui l'accompagne ce matin.
Nous allons commencer par l'exposé de M. Reid. Je vous en prie.
M. John Reid (commissaire d'information du Canada, Bureau du commissaire à l'information du Canada): Monsieur le président, je suis très heureux de l'occasion qui m'est donnée de partager avec vous mon opinion au sujet de certaines dispositions du projet de loi C-17. Je suis accompagné aujourd'hui du sous-commissaire, Alan Leadbeater, et de mon conseiller juridique, Daniel Brunet.
J'aimerais souligner d'abord que mon bureau n'a pas été consulté par le gouvernement avant le dépôt du projet de loi C-17. Je suis reconnaissant au comité d'avoir sollicité mon opinion parce que ce projet de loi renferme deux mesures qui ne sont pas en accord avec les dispositions soigneusement élaborées de la Loi sur l'accès à l'information.
Le premier de ces articles est l'article 107, modification corrélative à la Loi sur l'accès à l'information. L'article 107 du projet de loi modifierait l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information en remplaçant le renvoi aux «paragraphes 4.8(1) et 6.5(5)» de la Loi sur l'aéronautique par un renvoi aux «paragraphes 4.79(1) et 6.5(5)» de cette loi.
Cette modification, qui semble de peu d'importance, constitue en fait une dérogation à la Loi sur l'accès à l'information. Elle permettrait au gouvernement de garder secrets les renseignements visés aux paragraphes 4.79(1) et 6.5(5) de la Loi sur l'aéronautique, sans avoir à démontrer que leur divulgation risquerait de causer un préjudice. Elle aurait cet effet en raison de l'article 24 de la Loi sur l'accès à l'information, qui prévoit ce qui suit:
24.(1) Le responsable d'une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d'une disposition figurant à l'annexe II. |
(2) Le comité prévu à l'article 75 examine toutes les dispositions figurant à l'annexe II et dépose devant le Parlement un rapport portant sur la nécessité de ces dispositions, ou sur la mesure dans laquelle elles doivent être conservées, au plus tard le 1er juillet 1986, ou, si le Parlement ne siège pas, dans les 15 premiers jours de séance ultérieurs. |
L'examen obligatoire dont il est question ici a été effectué par le Comité permanent de la justice et du solliciteur général en 1985-1986. Dans son rapport, qui est joint aux présentes observations, le Comité permanent recommandait l'abrogation de l'article 24 de la Loi sur l'accès à l'information. J'attire tout particulièrement votre attention sur les inquiétudes exprimées par le Comité au sujet des utilisations futures de l'article 24—comme celles prévues par le projet de loi C-17. Voici ce qu'a dit le Comité permanent:
Le paragraphe 4(1) de la Loi sur l'accès à l'information donne à cette loi la primauté sur toutes les autres lois du Parlement. Par conséquent, la suppression de l'article 24 aurait pour résultat d'assujettir les autres dispositions incompatibles au code de divulgation des renseignements prévus dans cette loi. |
Le Comité craint que l'on se retrouve sur un terrain glissant si on continue, comme à l'heure actuelle, à énumérer à l'annexe II diverses interdictions fondées sur d'autres lois. Il a reçu au cours de ses délibérations des mémoires de membres du public et du secteur privé qui voulaient voir ajouter d'autres dispositions dans l'annexe. Or, le fait d'ajouter à la Loi sur l'accès à l'information une foule d'exceptions fondées sur d'autres lois compromettrait, de toute évidence, l'esprit de la loi. Au lieu d'une loi qui protégerait de façon globale notre droit d'obtenir communication de renseignements détenus par le gouvernement, nous n'aurions plus qu'un document amorphe. Le fait de préciser dans la Loi sur l'accès à l'information toutes les exceptions à son application aurait notamment l'avantage de tout réunir en une seule loi. Il ne serait plus nécessaire de consulter quelque autre loi que ce soit pour déterminer ces droits dans ce domaine d'intérêt vital. |
Que nous réserve l'avenir? Qu'arrivera-t-il si le Parlement décide plus tard qu'il veut être absolument sûr que certains types de renseignements seront soustraits à l'application de la Loi sur l'accès à l'information? Espérons que de telles exceptions seront rares. Le cas échéant, cependant, les parlementaires devraient être tenus de préciser qu'ils veulent délibérément contourner la Loi sur l'accès à l'information. |
Le Comité recommande que toute mesure législative visant à protéger le caractère confidentiel de certains renseignements par dérogation à la Loi sur l'accès à l'information devrait être précédée de ces termes: «Nonobstant la Loi sur l'accès à l'information,...». |
Une telle disposition aurait pour effet de sensibiliser explicitement le Parlement aux conséquences de ses décisions à cet égard. Nous espérons ainsi que les dispositions ultérieures qui iraient à l'encontre des règles de communication des renseignements que prévoit la Loi sur l'accès à l'information se limiteront à un minimum. |
Revenons maintenant au contenu du projet de loi C-17. Pour bien comprendre la situation, monsieur le président, il faut consulter les paragraphes 4.79(1) et 6.5(5) de la Loi sur l'aéronautique. Ces dispositions limitent la communication de deux types de renseignements: ceux relatifs aux mesures de sûreté du transport aérien prises par le ministre des Transports et ceux concernant l'état médical ou optométrique d'un pilote.
À (1010)
Ainsi, si l'article 107 du projet de loi C-17 est adopté dans sa forme actuelle, le gouvernement aura l'obligation de refuser la communication de tout renseignement concernant les mesures de sûreté du transport aérien ainsi que de tout renseignement médical ou optométrique concernant un pilote, sans avoir à démontrer que cette communication risquerait vraisemblablement d'entraîner un préjudice ou sans avoir à se demander si elle servirait l'intérêt public.
En outre, cette restriction générale ne serait pas limitée dans le temps—elle s'appliquerait indéfiniment. Je ne veux pas dire que les renseignements médicaux concernant les pilotes ou les renseignements délicats concernant les mesures de sûreté du transport aérien ne devraient jamais être gardés secrets. Mais, à mon avis, il est possible d'adopter une approche plus équilibrée aux regards de la protection des renseignements visés par la Loi sur l'accès à l'information, approche qui serait préférable aux fins de l'accessibilité du public et de la sécurité.
Laissez-moi maintenant vous expliquer les principales raisons pour lesquelles je m'oppose à l'adoption de l'article 107. Premièrement, aucun renseignement n'est délicat au point qu'il ne puisse être protégé par les exceptions prévues par la Loi sur l'accès à l'information sans qu'on ait recours à l'article 24.
Deuxièmement, les exceptions autres que celles prévues à l'article 24 permettent au gouvernement d'exercer son pouvoir discrétionnaire et de décider s'il y a lieu de garder secrets certains renseignements, par exemple en déterminant s'il est dans l'intérêt public d'exiger leur communication.
De plus, d'autres exceptions contenues dans la Loi sur l'accès à l'information—qui protégeraient les renseignements médicaux concernant des pilotes et les mesures de sûreté du transport aérien—sont limitées dans le temps (p. ex., l'exception relative aux renseignements personnels, qui s'applique pendant 20 ans à compter du décès) ou contiennent un critère concernant le «risque vraisemblable de préjudice», comme c'est le cas de l'exception relative aux renseignements concernant l'application de la loi ou la protection de la sécurité personnelle.
En termes plus légalistes, j'estime que les exceptions prévues aux articles 15, 16, 17 et 19 de la Loi sur l'accès à l'information, que vous trouverez en annexe, offrent la protection nécessaire aux dossiers médicaux des pilotes et aux mesures de sûreté du transport aérien, tout en permettant que ces renseignements soient communiqués lorsque l'intérêt public l'exige ou, dans le cas des renseignements non personnels, lorsqu'on peut démontrer que leur communication ne risquerait vraisemblablement pas de causer un préjudice.
Si l'article 107 est adopté, ces renseignements devront être gardés secrets pour toujours. Il n'existe certainement pas de motifs raisonnables justifiant l'adoption d'une telle mesure par un pays démocratique sain.
Passons maintenant à l'article 106 du projet de loi, qui a pour but de limiter l'accès aux renseignements concernant les armes biologiques ou à toxines qui sont transmis au gouvernement. Il n'est pas clair, cependant, si l'accès à ces renseignements pourrait être refusé dans les cas où la Loi sur l'accès à l'information en autorise la communication. En d'autres termes, qu'est-ce qui a préséance: le droit d'accès assujetti à certaines conditions qui est conféré par la Loi sur l'accès à l'information ou les dispositions proposées dans l'article 106?
À mon avis, il faudrait établir clairement que l'article 19 de la Loi de mise en oeuvre de la convention sur les armes biologiques ou à toxines qui est proposé ne limite pas l'accès aux renseignements qui pourraient être communiqués sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. Je suggère à cette fin que soit ajouté à l'article 19 un alinéa d) qui autoriserait la communication des renseignements «en conformité avec la Loi sur l'accès à l'information».
Je suis de cet avis parce que j'estime que les exceptions prévues actuellement par la Loi sur l'accès à l'information sont suffisantes pour protéger tous les renseignements délicats concernant les armes biologiques ou à toxines qui sont transmis au gouvernement du Canada.
J'attire de nouveau votre attention sur les articles 13, 15, 16, 17 et 20 de la Loi sur l'accès à l'information, qui se trouvent en annexe. Ces dispositions protègent les renseignements obtenus à titre confidentiel d'États étrangers (article 13) et de tiers (article 20), ceux qui risqueraient de porter préjudice à la défense du Canada (article 15), ceux qui risqueraient de nuire aux activités en matière d'application de la loi (article 16) et ceux qui risqueraient de nuire à la sécurité des individus (article 17).
Ces dispositions forment un régime de protection qui, en 20 ans, n'a jamais failli à protéger pleinement les renseignements qui devaient être gardés secrets dans l'intérêt national du Canada.
Il est vrai que certaines personnes pourraient faire valoir que, par le jeu de la disposition dérogatoire contenue à son article 4, la Loi sur l'accès à l'information aurait préséance sur l'article 106 proposé.
À (1015)
Je recommande néanmoins au comité d'adopter l'amendement que j'ai proposé plus tôt afin de dissiper tout doute pouvant exister sur cette question.
En résumé, je vous demande instamment de recommander que l'article 107 soit retiré du projet de loi et que l'article 106 soit modifié de façon à prévoir clairement que la communication est permise sous le régime de la Loi sur l'accès à l'information. En donnant suite à une telle recommandation, le législateur mettrait l'accent sur le fait que les décisions relatives à l'accessibilité et au caractère secret des documents doivent être prises à l'intérieur des paramètres soigneusement définis de la Loi sur l'accès à l'information lorsqu'ils font l'objet d'un examen indépendant par un haut fonctionnaire du Parlement.
Je vous remercie, monsieur le président, de votre attention et je suis prêt à répondre à vos questions.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Reid.
Nous allons maintenant entendre l'exposé de M. Yussuff, et ensuite, nous passerons aux questions.
M. Hassan Yussuff (secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada): Merci, monsieur le président.
Au nom du Congrès, j'aimerais remercier le comité de l'occasion qui nous est offerte de nous présenter devant vous ce matin. Nous allons déposer un mémoire complet d'ici deux semaines, étant donné que nous n'avons pas fini de débrouiller certains aspects juridiques relatifs à la législation même.
Monsieur le président, membres du comité législatif sur le projet de loi C-17, au nom des 2,5 millions de membres du Congrès du travail du Canada, nous voulons vous remercier de nous donner l'occasion de présenter notre point de vue sur le projet de loi C-17, la Loi sur la sécurité publique.
Le Congrès du travail du Canada est une fédération d'environ 70 syndicats dont les membres travaillent dans tous les secteurs de l'économie canadienne, dans tous les types d'emplois et dans toutes les régions du Canada. Bon nombre de nos membres travaillent dans les secteurs du transport et sont directement touchés par le projet de loi C-17.
Comme vous le savez mieux que nous, le projet de loi C-17 est volumineux. Pour s'assurer de bien comprendre cette législation et d'en saisir toute l'importance, le CTC a commandé une étude auprès du cabinet d'avocats Ruby et Edwardh. Plus tôt cette année, nous avons demandé à ce même cabinet de préparer une analyse des trois projets de loi antiterroristes originaux qui ont été présentés à la Chambre. Ces analyses seront mises à la disposition des membres du comité sur demande.
Nous allons commencer par le projet de loi C-17 lui-même. Toutefois, dans nos observations, nous voulons attirer l'attention des membres du comité sur certains changements que l'on voit apparaître en matière de législation et de politique, tendance à laquelle n'échappe pas le projet de loi C-17.
Malgré certaines mises en garde, le CTC ne s'objecte pas à la collecte de renseignements personnels s'il y a des chances raisonnables que cette activité permette d'accroître la sécurité des passagers et des employés des compagnies aériennes et qu'elle permette d'arrêter des terroristes actifs ou en puissance. Mais toute nouvelle initiative législative visant à réaliser cet objectif doit se limiter à cet objectif.
Le problème dans le cas du projet de loi C-17, c'est qu'il va clairement au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser cet objectif et qu'il le fait d'une manière qui est contraire à la Charte des droits et libertés. Le projet de loi C-17 donne au ministre des Transports le droit de recueillir une variété de renseignements sur les voyageurs qui arrivent au Canada ou qui quittent le Canada par la voie des airs. Cette information peut être communiquée à d'autres ministères et organismes—y compris le SCRS et la GRC—ayant une responsabilité en matière de sécurité des transports et elle doit être détruite en l'espace de sept jours. Cette mesure elle-même n'est pas sans poser de problème, mais dans les circonstances actuelles, on peut vraisemblablement la défendre.
Ce qui pose particulièrement problème dans le cadre du projet de loi C-17, c'est l'absence de limite à l'utilisation des renseignements personnels une fois qu'ils se retrouvent entre les mains du SCRS et de la GRC. Ces organismes peuvent faire des comparaisons avec d'autres renseignements dont ils disposent dans leurs fichiers et s'ils le jugent pertinent, ils peuvent communiquer cette information à n'importe quel agent de la paix. Cette information communiquée doit être pertinente pour des mandats d'arrêt visant des infractions graves et le gouvernement déterminera par règlement ce qui constitue des infractions graves.
Le gouvernement a présenté un projet de règlement qui ne compte pas moins de six pages d'infractions criminelles, sans compter d'autres infractions précisées dans des lois telle la Loi réglementant certaines drogues et autres substances.
Parmi les infractions prévues dans le Code criminel figurent: braquer une arme à feu, les voies de fait, la fraude et les méfaits. Bien que ces infractions soient graves, elles ne sont pas du tout comparables au fait de détourner un avion pour le lancer sur un gratte-ciel. On peut dire que cela dépasse largement ce qui est nécessaire pour faire face aux actes terroristes.
Dans l'analyse de Ruby et Edwardh, le problème que constitue le projet de loi C-17 est résumé de la manière suivante:
Le gouvernement a dit de manière répétée que le projet de loi C-17 était une réponse aux événements terroristes du 11 septembre 2001. Même si nous étions d'accord pour dire que la collecte de renseignements par le ministre des Transports en vertu du projet de loi C-17 est justifiée pour protéger les frontières canadiennes, accroître la sécurité et prévenir les activités terroristes, les dispositions prévues dans le projet de loi C-17 vont bien au-delà de ce qui est nécessaire pour réaliser ces objectifs. En fait, comme nous l'avons souligné plus haut, l'information recueillie sera utilisée à des fins générales comme l'exécution de mandats d'arrêt en suspens ordonné en vertu du Code criminel pour des délits qui n'ont rien à voir avec la sécurité nationale ou le terrorisme. |
D'autres qui ont une plus grande expertise que le CTC en matière juridique ont affirmé que les dispositions du projet de loi C-17 violent des garanties prévues dans la Charte des droits et libertés, notamment en ce qui concerne les fouilles, les perquisitions ou les saisies abusives, comme le précise l'article 8 de la Charte, et le droit à être protégé contre l'auto-incrimination, comme le précise l'article 7 de cette même Charte. Le CTC partage cet avis.
Pour amener le projet de loi C-17 à respecter la Charte des droits et libertés, Ruby et Edwardh ont proposé l'élimination de la communication de renseignements à tout agent de la paix que prévoit le paragraphe 4.82(11) de la Loi sur l'aéronautique. Une autre solution, moins complète, consisterait à limiter la communication des renseignements à une courte liste d'infractions précisées dans la loi elle-même et qui se rapportent directement à la sécurité aérienne et au terrorisme.
À (1020)
De plus, divers paragraphes ainsi que l'article 4.82 proposé devront être modifiés pour prévoir la destruction de l'information qui n'est pas utilisée à des fins immédiatement reliées à la sécurité aérienne et au terrorisme.
Par ailleurs, il y a une autre dimension au projet de loi C-17 qui doit être examinée. Dans la pratique, un des effets du projet de loi C-17, c'est qu'il fait de milliers de Canadiens—employés des compagnies aériennes, agents de voyages, etc.—des agents d'information pour le compte des forces policières canadiennes. Cela a certainement pour effet de brouiller la distinction entre l'État et la société d'une manière qui ne peut faire autrement que d'empiéter sur les droits à la vie privée des gens. De plus, si les personnes qui occupent ces postes permettant la collecte d'information viennent à être considérées comme indispensables pour les services de police, il y a un danger que l'on finisse par exiger une habilitation de sécurité comme une condition pour pouvoir occuper ces postes. Pour des raisons sur lesquelles nous reviendrons plus loin, nous n'avons pas beaucoup confiance que les exigences de sécurité seront définies d'une manière appropriée.
Une caractéristique commune des mesures adoptées à la suite des attaques terroristes du 11 septembre, c'est qu'elles imposent de nouvelles responsabilités de nature policière à de nombreux Canadiens qui ne sont pas des employés du gouvernement, et encore moins des services de police. Pourtant, on ne donne que rarement une formation appropriée pour l'exercice de ces nouvelles responsabilités. Dans nombre de cas, l'absence de formation signifiera simplement que ces nouvelles fonctions ne seront pas exécutées de manière appropriée. Par exemple, on demande aux employés des sociétés aériennes de fouiller les bagages pour trouver des bombes, mais on ne leur donne pas de formation sur la façon d'en reconnaître une. Il ne fait aucun doute que si une bombe portait une étiquette l'identifiant comme telle, ils la reconnaîtraient, mais si elle ne porte pas d'étiquette, les paris sont ouverts pour savoir si elle sera reconnue comme telle.
L'absence de formation et de protocoles pertinents peut être une source de danger réelle. Un exemple concret nous est fourni par l'absence de formation des équipages de bord quant à leurs rôles et responsabilités par rapport aux agents de sécurité armés qui voyagent maintenant à bord des vols à destination de l'aéroport Reagan de Washington, à la demande des autorités américaines.
En plus des problèmes pratiques liés au manque de formation, il se pose une question de principe importante: il faut se demander s'il est approprié de confier un tel rôle de policier à des gens et leur donner une telle formation alors que leur travail n'a rien à voir avec l'application de la loi plutôt que de trouver une façon d'outiller les forces policières pour qu'elles puissent faire ce travail. Nous espérons que le comité se penchera sur cette question.
Aller au-delà de ce qui est nécessaire pour faire face au terrorisme et le faire d'une manière qui va à l'encontre des droits des Canadiens n'est pas l'apanage exclusif du projet de loi C-17. Nous avons noté, par exemple, que le projet de loi C-36, la Loi antiterroriste, définit les actes et les organisations terroristes. Nous sommes confiants que l'objet de la législation n'est pas de limiter les activités traditionnelles des syndicats ou la dissidence politique.
Il est également clair que la définition des actes terroristes est si générale qu'elle pourrait s'appliquer à la violence sur les lignes de piquetage ou aux manifestations qui sont sujette au harcèlement policier. Si les corps policiers et les tribunaux utilisaient la définition dans un sens large, de nombreuses activités légitimes pourraient alors être considérées comme terroristes. Ce qui est en jeu dans l'interprétation du libellé très général que l'on retrouve dans la loi n'est pas quelque chose de banal, car le seul mot terroriste déclenche un certain nombre de dispositions policières qui ne relèvent pas de l'application régulière de la loi, par exemple, l'arrestation préventive, l'auto-incrimination, etc.
En ce qui concerne la collecte et l'utilisation des renseignements par le gouvernement, on observe également des incohérences entre la Charte et le projet de loi S-23, qui modifie la Loi sur les douanes. Toujours dans la même veine, nous notons que les modifications proposées à la Loi concernant la citoyenneté canadienne, par le biais du projet de loi C-18, comportent le refus ou la révocation de la citoyenneté à partir de données secrètes que le futur citoyen ou le citoyen réel, selon le cas, ne peut réfuter. Il est certain qu'une telle situation est en contradiction avec les notions traditionnelles que nous avons de l'application régulière de la loi.
Le projet de loi C-17 est lié à certaines grandes tendances qui se manifestent en matière d'application de la loi, dont deux qui méritent qu'on s'y arrêtent. Face aux attaques du 11 septembre et à l'émergence générale de réseaux terroristes, on n'a aucune difficulté à démontrer qu'une activité policière accrue est nécessaire pour faire face aux menaces qui touchent la sécurité et le bien-être des Canadiens. Ceci dit, nous nous empressons d'ajouter que l'activité policière n'est qu'une partie, et probablement une petite partie seulement, de la réponse qui s'impose et, comme toujours, l'activité policière doit faire l'objet d'une surveillance et d'un contrôle minutieux de manière qu'elle ne vienne pas miner les valeurs mêmes que les forces policières sont sensées défendre.
Notre histoire récente et moins récente nous indique que l'accroissement des pouvoirs policiers survenu dans la foulée des événements du 11 septembre et dont le projet de loi C-17 est une incarnation exige une supervision étroite à deux égards particuliers. Premièrement, de façon générale, les forces policières se sont montrées très peu réceptives à l'égard du droit à la dissidence et à l'exercice des droits syndicaux. Le harcèlement policier observé au cours de manifestations récentes contre la mondialisation, ici même à Ottawa et dans la ville de Québec, en est un exemple concret; il en est de même de la révélation récente faite par le SCRS qu'il a espionné le Syndicat des travailleurs et travailleurs des postes.
Deuxièmement, nous sommes préoccupés par le recours par les forces policières à un profil qui en fonction de la race et qui touche les personnes de couleur. Ce problème a été reconnu ouvertement à Toronto, mais nous sommes convaincus qu'il existe aussi dans de nombreuses autres régions du Canada. Il s'agit d'un mélange particulièrement dangereux de stéréotypes de ce à quoi devrait ressembler un terroriste.
Nous avons également remarqué que le Conseil canadien des chefs d'entreprise a profité des événements du 11 septembre pour réclamer une plus grande intégration avec les États-Unis dans un grand nombre de domaines. Ce sont les mêmes personnes qui disaient que nous devrions nous garantir un accès sûr à l'économie américaine par le biais du libre-échange Canada-États-Unis dans le cadre de l'ALENA. Il semble que peu importe le degré de harcèlement des Américains à l'égard des importations canadiennes de bois d'oeuvre, d'acier ou de produits agricoles, rien ne parviendra jamais à faire changer d'idée ces chefs d'entreprise rêveurs.
À (1025)
À notre avis, le gouvernement a déjà fait beaucoup trop de concessions à cet égard. Le projet de loi C-38 a essaimé à partir de la version initiale du projet de loi C-17, appelé initialement projet de loi C-55, et a été adopté séparément. Le projet de loi C-38 prévoyait l'échange d'information sur les passagers aériens entre le gouvernement du Canada et des gouvernements étrangers, et en particulier des États-Unis.
Le CTC est d'avis que le fait de nous aligner plus étroitement sur les États-Unis n'est pas une façon d'assurer la paix et la prospérité des Canadiens. Cela nous place dans une position peu souhaitable face au reste du monde. En effet, dans un avenir rapproché, cette attitude fera courir au Canada un risque inutile d'attaque terroriste.
Comme nous l'avons noté plus tôt, notre principale préoccupation en ce qui concerne le projet de loi C-17 concerne l'utilisation qui peut être faite des renseignements communiqués au SCRS et à la GRC par le ministre des Transports. Il est à espérer que le comité modifiera le projet de loi, comme nous l'avons proposé plus tôt, pour limiter l'utilisation de l'information recueillie en vertu du projet de loi C-17.
De plus, nous croyons que le projet de loi C-17 soulève d'importantes questions au sujet de l'attribution effective de fonctions policières à des milliers de travailleurs canadiens. Ce projet de loi fait également partie d'une tendance troublante observée dans la législation qui consiste à aller au-delà de ce qui est nécessaire pour faire face à la menace terroriste et à empiéter sur des droits traditionnels. Le projet de loi C-17 s'inscrit également dans une tendance inquiétante qui veut que l'on élargisse les pouvoirs des corps policiers et que l'on s'aligne davantage sur les États-Unis de plusieurs manières, ce qui nous éloignera d'autres pays. L'absence de disposition de réexamen dans le projet de loi semble indiquer que le gouvernement a l'intention de faire de ces écarts aux droits prévus par la Charte une caractéristique permanente du système juridique canadien.
Le CTC espère que les membres du comité se pencheront sur ces enjeux plus importants et que ces enjeux vont renforcer votre volonté de limiter la portée du projet de loi C-17, comme nous l'avons proposé.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup.
Maintenant, chers collègues, j'avais espérer un peu plus de flexibilité pour ce qui est du temps, mais après vérification par notre greffier, il semble que cette salle soit réservée à la réunion d'un autre comité à 11 heures. Cela veut dire que nous pouvons avoir six tours de cinq minutes. Je vais m'assurer que chacun des partis d'opposition aura un tour, bien évidemment, et les trois autres tours seront réservés aux députés du gouvernement. Mais je devrai me montrer assez intransigeant sur le respect des cinq minutes autorisées; veuillez donc en prendre note et vous montrer généreux les uns envers les autres.
Madame Ablonczy.
À (1030)
Mme Diane Ablonczy: Monsieur Reid, je vous remercie de votre exposé très clair. Si je vous comprends bien, non seulement vous êtes préoccupé par le fait que l'intégrité de la Loi sur l'information puisse être compromise du fait que des exceptions puissent être cachées dans d'autres lois sans qu'elles soient précisées dans la Loi sur l'accès à l'information, mais, plus important encore, vous êtes préoccupé par le fait que l'application de ces exceptions ne ferait pas l'objet d'un examen, parce qu'elle ne tombe pas sous le coup de la loi.
Pouvez-vous voir des mesures de précaution qui pourraient être incorporées dans le projet de loi C-17 en ce qui a trait à cette pratique proposée, qui, sans aller aussi loin que de tout assujettir à la Loi sur l'accès à l'information, pourraient atténuer cette situation dans une certaine mesure?
M. John Reid: Lorsqu'il a présenté son rapport visant le paragraphe 24, le comité s'est dit inquiet au sujet de la possibilité que l'on se retrouve sur un terrain glissant. Lorsque le comité s'est réuni, l'article 24 comportait environ 24 dispositions. C'était en l'espace de trois ans. Vous serez enchantés d'apprendre qu'il compte maintenant 60 dispositions touchant 50 lois; alors, sans cela, le gouvernement utilise l'article 24 comme une arme importante pour garder de l'information secrète et la cacher. En fait, il ne s'agit que l'un des moyens, dans le cadre d'un processus continu, que le gouvernement a choisi pour soustraire de l'information au domaine public.
Si vous regardez les renseignements dont il est question dans les articles dont nous avons parlés, vous constaterez que vous pouvez faire disparaître ces articles et l'information que le gouvernement désire voir protégée sera quand même protégée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Tous ces renseignements sont protégés par les articles 13, 20, 15, 16 et 17. Le point que je veux faire valoir, c'est simplement que tout cela est redondant. Je ne sais pas pourquoi le gouvernement cherche à le faire, parce que la Loi sur l'accès à l'information permet effectivement d'assurer la protection de ces renseignements.
Le gros changement, c'est que si cette disposition est adoptée, le Parlement perdra la capacité de surveiller ce que fait le gouvernement avec ces dispositions, parce qu'il n'y aura pas d'examen indépendant des décisions prises par le gouvernement. Alors, voilà quel est le gros changement. Ce changement vise à enlever au Parlement la capacité d'exercer une surveillance par le biais d'un examen indépendant par le commissaire à l'information. C'est là le changement important.
Mme Diane Ablonczy: Monsieur Reid, est-ce que cela ne pourrait pas également se retrouver sur un terrain glissant? En d'autres mots, pourrait-il s'agir de la première d'une longue suite d'exceptions semblables?
M. John Reid: Oui. Le texte législatif antérieur nous l'a démontré. Il s'agit d'une tendance continue que nous avons constatée.
Pour passer d'environ 24 exceptions au cours des trois premières années d'existence de la loi à quelque 60 dispositions touchant 50 lois aujourd'hui, vous comprenez que nous sommes peut-être arrivés au point où le terrain glissant devient de plus en plus glissant et où on ajoute de plus en plus de choses.
Mme Diane Ablonczy: La pente du terrain est un peu plus abrupte.
Monsieur Reid, vous êtes un ancien parlementaire. Le Commissaire à la protection de la vie privée a laissé entendre que toutes ces mesures feraient l'objet d'une surveillance par le Parlement. Le Parlement pourrait alors veiller à ce qu'il n'y ait pas d'utilisation inappropriée de ces dispositions.
Vous dites en fait qu'il pourrait ne pas y avoir de surveillance par le Parlement dans ce cas parce que le Parlement ignorerait ce qui se passe.
M. John Reid: Une fois que vous éliminez l'examen indépendant des décisions prises en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, le Parlement n'a pas la capacité d'obtenir de l'information quelle qu'elle soit.
L'autre point à retenir, c'est qu'en éliminant le concept d'examen indépendant, vous vous trouvez également à faire taire le débat interne qui se déroule au sein du gouvernement. Lorsqu'existe la possibilité d'un examen indépendant, les fonctionnaires doivent déterminer si oui ou non l'information relève de tel ou tel article. Alors, il y a un débat, une discussion. Mais une fois que cela devient un droit absolu, sans qu'il soit possible que quelqu'un de l'extérieur ou même de l'intérieur du système vienne engager le débat, vous vous retrouvez vraiment dans une situation où certains éléments du gouvernement disposent d'un ensemble de pouvoirs beaucoup plus grands que d'autres, sans qu'il soit possible d'en débattre ou d'en discuter.
Le président: Merci, madame Ablonczy.
Monsieur Bryden.
M. John Bryden: Premièrement, laissez-moi dire que je suis d'accord avec vous à 100 p. 100 en ce qui concerne l'article 107. Je connais suffisamment bien la loi pour dire qu'il n'y a aucune justification pour cet article. La loi couvre entièrement la question des renseignements à d'autres endroits.
Par contre, je suis un peu plus mal à l'aise dans le cas de l'article 106. Il semblerait que l'article 106, comme il s'agit de la Loi de mise en oeuvre de convention sur les armes biologiques ou à toxines, s'appliquerait aux organismes non gouvernementaux. Si je vous comprends bien, vous proposez que l'article 19 de la loi épouse les règles prévues par la Loi sur l'accès à l'information, mais les organismes visés par ce texte législatif ne sont pas des organismes gouvernementaux.
À (1035)
M. John Reid: J'aimerais passer la parole à M. Leadbeater sur ce point.
M. J. Alan Leadbeater (sous-commissaire à l'information du Canada, Bureau du commissaire à l'information du Canada): Je pense que vous avez un bon point, monsieur Bryden. C'est pourquoi nous suggérons que cet article soit rendu plus clair, que si la divulgation de l'information est autorisée en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, après l'application de toutes ces exceptions soigneusement élaborées, elle devrait l'être par ce texte de loi.
Si la divulgation de l'information n'est pas autorisée—par exemple, si l'établissement n'est pas assujetti à la Loi sur l'accès à l'information—alors, cette disposition continuerait de s'appliquer et protégerait l'information.
C'est la proposition que nous faisons. Faites en sorte qu'il soit clair dans la disposition que, si une divulgation par un certain organisme assujetti à la Loi sur l'accès à l'information est autorisée, s'il est permis de divulguer cette information, il devrait être permis à cet organisme de continuer avec cette pratique de divulgation prévue dans la Loi sur l'accès à l'information.
M. John Bryden: Bien. Je devrai y réfléchir; je ne sais pas.
Laissez-moi vous poser une autre question. Nous avons eu une longue discussion ici en ce qui concerne la collecte de données sur les passagers et sur la façon dont ces données pourraient être utilisées par d'autres autorités.
En vertu de la Loi sur l'accès à l'information, avez-vous un certain droit de regard sur la façon dont les données sont utilisées, advenant que quelqu'un demande un document sur la façon dont les corps policiers utilisent ces données particulières? Y a-t-il une disposition qui vous donne un droit de regard?
M. John Reid: Il y a une disposition pour demander de l'information aux divers services de police, mais il y a des exceptions, que j'ai décrites, pour protéger ces renseignements. Par exemple, les données qui concernent une enquête en cours ne seraient pas divulguées.
M. John Bryden: Seriez-vous en mesure de voir l'information. C'est ce que je veux savoir.
M. John Reid: Nous serions en mesure de la voir. Nous avons la capacité de voir l'information en question.
Je peux vous dire que nos meilleurs clients, ou les clients avec qui nous aimons traiter, sont le SCRS et la GRC. Ils ont une attitude très professionnelle sur la façon dont ils traitent de ces questions. Ils savent où sont les dossiers. Nous pouvons avoir des discussions intelligentes avec eux.
Alors, nous avons la possibilité de voir ce matériel et nous n'avons aucun problème pour ce qui est de traiter avec ces gens.
M. John Bryden: Je me souviens que c'était une de vos doléances au sujet de la Loi antiterroriste. Elle contenait une disposition qui vous interdisait même de voir les documents concernés. Alors, vous êtes d'accord pour dire que le fait que vous ayez la possibilité de voir ces documents, même si vous ne pouvez pas les divulguer, constitue néanmoins une forme de surveillance, jusqu'à un certain point.
M. John Reid: Il s'agit effectivement d'une forme de surveillance, parce que nous faisons la vérification, avec le ministère propriétaire des données, pour nous assurer que les données qui sont retenues ou divulguées correspondent aux catégories prévues dans la Loi sur l'accès à l'information. Les dispositions concernant la protection des renseignements qui sont importants pour la sécurité du Canada ou l'intégrité des enquêtes policières, sont des dispositions qui ont été élaborées en détail dans la loi. Au cours des 20 ans d'existence de cette loi, ni les policiers ni les politiciens ne se sont jamais plaints que de l'information relevant de ces rubriques avait été divulguée illégalement ou au détriment du Canada. Je pense qu'une des raisons qui expliquent cette situation, c'est la fonction de surveillance exercée par le Bureau du commissaire à l'information.
M. John Bryden: J'ai une dernière question, monsieur le président.
Pouvez-vous me donner une idée de ce qui se passe aux États-Unis ou en Grande-Bretagne en ce qui concerne ce type de surveillance par le commissaire à l'information? Je suppose qu'il n'y a pas de commissaire aux États-Unis.
M. John Reid: Aux États-Unis, il n'y a pas de commissaire.
M. John Bryden: Alors, ils n'ont pas une mécanisme de surveillance semblable.
M. John Reid: Non, ils n'en ont pas.
M. John Bryden: Et en Angleterre?
M. John Reid: En Grande-Bretagne, la loi a été adoptée, mais elle n'est pas encore en vigueur.
M. John Bryden: Alors, nous sommes en avance sur d'autres pays, du moins en ce qui concerne le degré de surveillance.
M. John Reid: Oui. Lorsque j'ai été nommé commissaire il y a cinq ans, environ 14 pays avaient des régimes en matière d'accès à l'information. Ce chiffre est maintenant passé à 40 ou 45. C'est devenu en quelque sorte la marque d'une démocratie à maturité.
Le président: Merci, messieurs Bryden et Reid.
Monsieur Laframboise.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci, monsieur le président.
Dans votre introduction, vous nous dites que vous n'avez pas été consulté par le gouvernement sur la préparation de C-17. Quand on propose des modifications, entre autres à la Loi sur l'accès à l'information, est-il habituel qu'on ne vous consulte pas avant?
[Traduction]
M. John Reid: Cela a été normal pendant mon mandat. Je ne peux parler pour les autres commissaires.
[Français]
M. Mario Laframboise: Quand on veut adopter une loi, il doit normalement y avoir deux notions qui sous-tendent ce désir: l'urgence d'agir et la pertinence. Je m'adresse aux deux témoins. Selon vous, y avait-il urgence à agir dans vos domaines respectifs, et les modifications proposées dans ce projet de loi sont-elles pertinentes?
À (1040)
[Traduction]
M. John Reid: Monsieur le président, je ne veux pas me mettre à la place du gouvernement, qui subit des pressions différentes pour agir ou ne pas agir, mais je veux dire ceci, dans le contexte de la Loi sur l'accès à l'information, que je suis d'avis que ces deux articles sont redondants et inutiles, et que le gouvernement n'a pas besoin d'agir dans ce domaine, et que s'il décidait de ne pas agir dans ce domaine, il jouirait quand même de toute la sécurité dont il a besoin pour cette information.
[Français]
M. Mario Laframboise: Merci.
Monsieur Yussuff, pensez-vous qu'il était urgent d'agir en matière de renseignements personnels, entre autres, et qu'il était pertinent de le faire? On sait que d'autres projets de loi ont été adoptés. Ce projet de loi portait le numéro C-42 en décembre 2001, il est devenu le projet de C-55 en 2002 et on a maintenant la troisième version. D'après vous, était-il urgent et pertinent d'agir en matière de renseignements personnels?
[Traduction]
M. Hassan Yussuff: Je pense que nous reconnaissons que si le but de la loi, c'est d'essayer de démasquer des terroristes qui viennent au Canada, l'organisme responsable de la sécurité peut partager l'information en question. Je pense que c'est un élément pertinent en ce qui a trait à la sécurité des Canadiens et que le gouvernement a une certaine responsabilité à cet égard. Notre préoccupation concerne le processus par lequel cette information est obtenue. Le rôle que nos membres seront appelés à jouer dans le contexte... ce ne sont pas des agents du gouvernement, mais des employés de compagnies aériennes.
De plus, nous avons des préoccupations en ce qui concerne le facteur temps aussi bien dans le partage de cette information que de sa destruction. Nous sommes également inquiets par le type d'information qui sera accessible, en terme d'accès à l'information, que nous pouvons obtenir si jamais nous voulions savoir si l'information est exacte, advenant que quelqu'un veuille la vérifier.
Alors, il y a un certain nombre d'éléments qui nous préoccupent sérieusement. Je pense que nous avons affirmé très clairement dans notre intervention que nous n'avons pas d'objection à ce que le gouvernement essaie de jouer un rôle plus important dans la surveillance des gens qui entrent au pays ou qui en sortent. Nous le reconnaissons, mais nous devons le faire avec prudence parce que nous devons nous assurer de toutes les manières possibles que la Charte des droits et libertés est respectée au cours de la rédaction de cette loi. La loi doit être rédigée avec le souci de voir comment, ultimement, elle influera sur la Charte des droits et libertés, et nous pensons qu'il y a des lacunes évidentes à ce chapitre.
Dans un contexte plus large, je pense que ce projet de loi s'inscrit dans la même tendance, que nous trouvons très troublante, que celle qui a caractérisé un certain nombre de textes législatifs déposés devant le Parlement depuis le 11 septembre. Et nous vous disons, qu'en votre qualité de parlementaires, vous devriez examiner cette question. Par exemple, il n'y a aucune disposition dans cette loi qui prévoit son extinction à un certain moment donné, à un moment que nous jugeons approprié.
Je pense que c'est une question qui devrait être importante compte tenu de vos responsabilités. Nous croyons également qu'il est important de reconnaître que toute nouvelle autorité accordée aux corps policiers devrait s'accompagner de la plus grande surveillance et de la plus grande protection possibles, parce que nous savons par expérience, qu'il s'agisse du SCRS ou de la GRC, que ces organisme ont utilisé les pouvoirs étendus que leur confère la loi pour miner l'intégrité de notre organisation et perturber les activités de nos membres sur une base régulière.
[Français]
M. Mario Laframboise: Je vous remercie de vos commentaires. Pendant le témoignage précédent, je disais qu'on s'orientait de plus en plus vers un État policier. Les libéraux de l'autre côté ont bien ri, mais je vous remercie d'avoir, vous aussi, cette philosophie de respect et de souhaiter qu'on ne devienne pas un État policier.
Merci.
Le président: Merci, monsieur Laframboise.
Monsieur Mahoney.
[Traduction]
M. Steve Mahoney: Monsieur le président, j'espère que j'ai le temps de poser deux questions fondamentales, une à chaque groupe.
D'abord, monsieur Reid, j'ai de la difficulté à comprendre quelque chose. Je crois comprendre que dans l'annexe II de la Loi sur l'accès à l'information---à laquelle nous ne faisons pas grand chose sauf changer des chiffres, et il me semble que tout ce que l'article 107 fait, c'est de changer les chiffres--, il existe déjà une disposition qui permet au gouvernement de refuser de dévoiler certains renseignements, par exemple, les renseignements qui concernent la sécurité. Si le gouvernement était forcé de divulguer cette information, il est évident que cela aurait pour effet d'annuler ou de réduire grandement la valeur de cette information du point de vue de la sécurité, et l'autre aspect serait l'information concernant les dossiers médicaux d'un pilote.
Alors, il faut qu'il y ait une certaine capacité de ne pas divulguer cette information et je pensais que tout ce que cette modification faisait, c'était vraiment de rendre cela clair dans ce projet de loi. Parce que, malgré tout le respect que je dois à la Loi sur l'accès à l'information, nous ne voulons pas que ce soit la queue qui mène la tête. Ce projet de loi a une fonction précise qui concerne la sécurité du pays et le terrorisme. Alors, je me demande si vous ne pouvez pas m'aider à démêler tout cela.
Ma deuxième question s'adresse à M. Yussuff et porte sur les questions de l'habilitation de sécurité et de la formation du personnel.
Un comité du Sénat a déposé récemment un rapport qui décrivait certaines préoccupations très graves concernant la sécurité dans certains de nos aéroports et dans lequel on citait des gens qui travaillent sur les quais de chargement, etc., et qui disaient pouvoir vous montrer facilement comment on peut introduire une bombe dans un avion, qu'il n'y avait pas de sécurité, etc. Ce rapport a été contesté par le ministre des Transports, mais qu'importe, ces allégations et ces affirmations ont été faites.
Alors, la question que j'ai pour vous, est-ce que toutes les personnes qui travaillent à la manipulation des bagages dans les aéroports, etc., etc., ne devraient pas recevoir une habilitation de sécurité et une formation dans ce domaine?
Ce sont mes deux questions.
À (1045)
M. John Reid: Je vais laisser à M. Leadbeater le soin de répondre à cette question.
M. J. Alan Leadbeater: Si je comprends bien votre question, vous nous demandez si nous pensons qu'il y a certains renseignements qui doivent être gardés secrets. La réponse est oui. Cela comprend les renseignements médicaux concernant les pilotes tels les problèmes de la vue; il en est de même des mesures de sécurité que le ministre peut mettre en place et qu'il ne désire pas voir rendues publiques.
La différence, c'est que le fait d'intégrer cela dans l'article 24 de la Loi sur l'accès à l'information, en fait une exception de catégorie obligatoire, sans critère subjectif, sans limite de temps, sans pouvoir discrétionnaire, et sans tenir compte de l'intérêt public. En la laissant dans les exceptions existantes prévues dans la Loi sur l'accès à l'information, vous retrouvez tous ces éléments.
Notre point de vue, c'est que la protection existe pour des raisons de confidentialité lorsqu'on en a besoin, mais s'il y a des circonstances où l'intérêt public exige une certaine ouverture--par exemple, un certain état médical scandaleux d'un pilote, ou encore une mesure de sécurité scandaleuse faisant intervenir une forme quelconque de radiographie du corps humain dans les aéroports et que l'on garde secrets--, il peut être important pour l'intérêt public qu'il y ait une certaine forme de divulgation. Cela est permis si les autres articles de la Loi sur l'accès à l'information sont utilisés. Cela n'est plus permis une fois que la disposition est insérée dans l'article 24. Cela en fait une exception de catégorie obligatoire pour toujours.
Le président: Monsieur Yussuff.
M. Hassan Yussuff: Concernant les deux points que vous avez soulevés au sujet de la formation et concernant nos membres qui travaillent dans les aéroports partout au pays, j'ai deux choses à dire.
Premièrement, le manque de formation a certainement été reconnu dans certains domaines. En ce qui concerne certaines dispositions de ce projet de loi particulier qui exigeront de nos membres qu'ils accomplissent maintenant des «tâches» différentes, nous avons soulevé la question de savoir s'il s'agit là d'une chose appropriée. Ces employés n'ont pas été embauchés pour devenir des agents de l'État. Leurs responsabilités ne consistent pas à collecter de l'information. Et si vous les forcez à le faire, je pense que franchir cette limite sera un test éloquent.
Il est certain que parmi les employés qui doivent manipuler des bagages et d'autres choses dans un aéroport, la plupart font l'objet d'une évaluation de sécurité d'abord et qu'ils reçoivent ensuite des laissez-passer appropriés à leurs responsabilités. C'est ce que j'ai compris des discussions que j'ai eues avec mes collègues qui représentent les travailleurs dans ce secteur. Cette pratique va se poursuivre, sauf que je pense qu'il vaut la peine de souligner, dans le contexte d'un certain argument hypothétique—par exemple, on demande aux travailleurs de reconnaître des bombes ou des agents de sécurité qui voyagent à bord des avions—, qu'il s'agit là de changements très importants par rapport à la formation qui leur a été donnée.
Dans le contexte de ces dispositions additionnelles concernant les avions, je pense que les employés doivent recevoir une nouvelle formation de manière qu'ils puissent réagir à une urgence potentielle si une telle urgence devait se produire à bord d'un avion. Que nous sachions, une telle formation n'a pas été donnée à ces employés, du moins jusqu'ici.
À (1050)
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais: Premièrement, merci à tous les deux pour vos exposés très complets.
Monsieur Reid, je vais d'abord commencer par demander à mes collègues d'en face de ne pas se sentir visés personnellement. J'ai bien essayé de penser à une autre façon de poser la question, mais j'en ai été incapable.
Vous avez dit qu'une loi sur l'accès à l'information était la marque d'une démocratie à maturité. Comment qualifieriez-vous un gouvernement qui joue sur l'ambiguïté pour se défiler de sa responsabilité de divulguer cette information?
Des voix: Oh, oh!
Mme Bev Desjarlais: J'ai bien essayé de trouver une autre façon de le dire, mais l'expression « weasel out » est la meilleure que j'ai trouvée.
Le président: Est-ce par rapport au projet de loi C-17 spécifiquement?
Mme Bev Desjarlais: Oui, spécifiquement au sujet du projet de loi C-17.
M. John Reid: C'est avec beaucoup de précautions que je vais m'aventurer sur ce terrain très délicat en disant qu'une fois par année, il se tient une réunion des commissaires à l'accès à l'information et des commissaires à la protection de la vie privée de partout au Canada. Nous nous assoyons autour d'une table comme celle-ci et nous nous plaignons du fait que tous les gouvernements de toutes les couleurs politiques font tout ce qu'ils peuvent pour réduire l'accès des citoyens à l'information. Aucun parti au pouvoir, dans n'importe quelle province ou au gouvernement fédéral, n'échappe à cette critique.
Mme Bev Desjarlais: Exactement. Mais cela n'en fait pas une bonne chose pour autant.
M. John Reid: Laissez-moi vous dire que les plaintes les moins nombreuses viennent de l'Alberta qui est dirigée par un premier ministre qui est un ardent défenseur de l'accès à l'information, mais si vous parlez aux commissaires de cette province, ils vous diront qu'eux aussi ont de sérieux problèmes.
Mme Bev Desjarlais: Nul doute que plusieurs points sensibles ont été touchés. Je ne conteste pas le fait que tout gouvernement qui s'adonne à cette pratique doive être réprimandé. Et le gouvernement dont nous parlons maintenant, c'est le gouvernement libéral du Canada, qui présente ce projet de loi, et c'est de cette question dont nous devons traiter à titre de parlementaires.
Merci.
Le président: Du côté du gouvernement maintenant. Y a-t-il d'autres questions?
Au nom des membres du comité, je tiens à remercier MM. Yussuf et Reid, ainsi que leurs accompagnateurs respectifs, de leur présence ici ce matin.
Chers collègues, notre prochaine réunion aura lieu mardi prochain à 15 h 30.
Merci. La séance est levée.