Démocratie en surveillance invite les membres du Comité non seulement à recommander de nombreux changements pour prévenir les conflits d’intérêts en lien avec les décisions que prend le gouvernement en matière de dépenses, mais aussi à collaborer à la rédaction d'un projet de loi qui serait déposé à la Chambre des communes cet automne. Nous espérons que le projet de loi sera adopté d’ici la fin de l’année sous l'actuel gouvernement minoritaire.
Vous pourriez facilement vous unir pour soutenir un projet de loi qui abaisserait à 100 $ la limite des dons et des prêts politiques, comme au Québec, et cela pour parvenir à plusieurs fins: mettre un terme à l’influence anti-éthique de l'argent dans la politique fédérale canadienne et éliminer les échappatoires qui ouvrent la porte à un lobbying secret, un lobbying anti-éthique; éliminer le secret gouvernemental excessif, les dépenses sans appel d’offres, et les avantages que des politiciens et des hauts fonctionnaires peuvent tirer de décisions prises en secret. Le projet de loi devra aussi servir: à renforcer l’application de la loi par la création d'une commission indépendante chargée de nommer celles et ceux qui sont les gardiens de la démocratie et de la bonne gouvernance; à obliger ces mêmes gardiens à auditer régulièrement nos responsables et à rendre des décisions publiques sur toutes les situations douteuses au lieu de rendre des décisions secrètes ou de faire fi des plaintes; à permettre à quiconque de contester les décisions de ces gardiens devant les tribunaux; à étendre la protection des dénonciateurs à tous les intervenants en politique fédérale, y compris au personnel politique des ministres et des partis; et à imposer des amendes élevées pour toute violation à l’éthique, y compris pour malhonnêteté.
Le lobbying secret et anti-éthique, le secret excessif au sein du gouvernement, les campagnes d’influence anti-éthiques des gros donateurs, les prises de décisions et les dépenses anti-éthiques sont autant de choses légales en politique fédérale et en politique provinciale. Le Canadien ordinaire est plus susceptible d'être sanctionné pour avoir garé sa voiture illégalement qu'un politicien ayant enfreint des règles fondamentales d’éthique ou de gestion des dépenses publiques. Aussi incroyable que cela puisse paraître, partout au pays, les pénalités pour stationnement illégal sont plus élevées que celles imposées pour les infractions graves à l’éthique que peuvent commettre les politiciens et les hauts fonctionnaires fédéraux.
Ce système dangereusement antidémocratique et corrompu est un scandale. Il ne faut pas s'étonner qu’il incite politiciens et hauts-fonctionnaires à prendre des décisions malhonnêtes, contraires à l’éthique, secrètes, non représentatives et inutiles. Il faut y remédier en éliminant toutes les échappatoires, en accroissant la transparence, en renforçant l’éthique politique ainsi que les règles encadrant les dépenses, règles dont il faudra renforcer l'application, et en augmentant les sanctions.
J’ai comparu devant le Comité une quinzaine de fois au cours des 20 à 25 dernières années. Je ne vais pas grandement différer de ce que j’ai dit les 15 fois précédentes, mais à partir du résumé que je viens de vous faire, je vais passer en revue les six principaux aspects auxquels il va falloir s'attaquer pour vraiment prévenir les conflits d’intérêts.
Tout d’abord, il faut mettre fin à l’influence de l’argent en politique. Il est essentiel de le faire parce que les organisations et leurs lobbyistes peuvent faire des faveurs aux partis et aux candidats en canalisant et en regroupant des dons d'une façon contraire à l’éthique, cela pour influencer les décisions des ministres et des autres décideurs du gouvernement fédéral. Les tests cliniques effectués par des psychologues du monde entier ont montré que même les petits cadeaux et les petites faveurs ont une influence et qu'ils sont le meilleur moyen d’influencer les décisions de la personne qui les reçoit. La seule façon de mettre un terme à l'influence anti-éthique de l’argent en politique consiste à mettre fin aux dons et aux prêts d’argent, comme le Québec l’a fait, à interdire les cadeaux, y compris les voyages subventionnés — dont l'acceptation est illégale pour les députés, même de la part de lobbyistes, comme l’a déclaré la commissaire au lobbying l’an dernier — et à restreindre et à exiger la divulgation de toutes les faveurs reçues, y compris l’aide bénévole lors des campagnes.
Bien d’autres changements permettraient de démocratiser notre système de financement des partis. Démocratie en surveillance a publié aujourd’hui un communiqué de presse, qui a également été soumis au Comité avec les liens appropriés dont un renvoyant aux tests effectués par des psychologues cliniciens. Ces tests démontrent que le fait de donner des cadeaux et d'accorder des faveurs, notamment sous la forme de dons, est la meilleure façon d’influencer les gens dans leurs prises de décisions parce que cela crée un sentiment de retour d'ascenseur obligé. C’est pourquoi cela est profondément anti-éthique et qu’il faut y mettre un terme en abaissant la limite des dons et en interdisant les cadeaux, notamment les voyages gratuits.
Mettre fin au lobbying secret et anti-éthique est le deuxième des six aspects fondamentaux.
Le comité de l’éthique de la Chambre — ce comité — a recommandé certains changements en 2012 en vue d'éliminer les échappatoires secrètes en matière de lobbying, mais pas tous. Or, il faut fermer toutes les échappatoires.
Si l'on avait éliminé celles qui permettent le lobbying secret il y a des années, aucun des employés d'UNIS n’auraient eu le droit de faire du lobbying auprès du cabinet du , du cabinet du et de son ministère, en raison de leurs liens avec ces gens-là. Cependant, à cause de ces échappatoires, non seulement ils n’ont pas eu à enregistrer leur démarche de lobbying pour obtenir le financement qu’ils ont reçu, mais ils ont pu, en toute légalité, offrir des cadeaux, consentir des faveurs, faire campagne et contribuer aux campagnes politiques de n’importe quel politicien fédéral. Seuls les lobbyistes enregistrés doivent respecter le code d’éthique des lobbyistes. Si vous n’arrêtez pas le lobbying secret, vous n’arrêterez pas le lobbying anti-éthique parce que ceux qui peuvent encore légalement faire du lobbying secret pourront aussi faire du lobbying anti-éthique.
Le lobbying secret n’est qu’un aspect du secret excessif qui règne au gouvernement fédéral. Les libéraux de Trudeau ont promis que l’information gouvernementale serait a priori ouverte et ils ont promis d’appliquer la Loi sur l’accès à l’information aux cabinets des ministres. Rien de cela ne s'est fait. Les gouvernements précédents n’ont pas non plus tenu leurs promesses de gouvernement ouvert.
Il y a beaucoup d’échappatoires dans la Loi sur l’accès à l’information. Il faudrait en fait l’appeler « Loi guide sur la protection des renseignements confidentiels », parce que c’est vraiment de cela dont il s’agit, tant ce texte regorge d’échappatoires. Il y a lieu d'éliminer ces échappatoires pour mettre fin à la culture du secret excessif qui cache souvent des actes répréhensibles et ceux qui les commettent au gouvernement fédéral.
Quatrièmement, il faut mettre fin aux décisions anti-éthiques. En vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, il est légal que les ministres et les hauts fonctionnaires retirent un bénéfice de leurs décisions. Tant que ces décisions sont d'application générale, ce qui est le cas de 99 % d'entre elles, ils ne sont pas tenus de démissionner s’ils se sont placés en conflit d’intérêts. Ils ont le droit d’être en conflit d’intérêts financier et de continuer à prendre part aux décisions. C'est ce que l'on a constaté tout récemment dans le cas du ministre des Finances, Bill Morneau, qui a présenté un projet de loi qui aurait aidé la société de gestion des pensions de sa propre famille à faire plus d’argent. Comme il était actionnaire à l’époque, M. Morneau aurait fait plus d’argent. La commissaire à l’éthique a jugé que tout cela était acceptable en raison de cette énorme échappatoire dans la Loi sur les conflits d’intérêts. Cette échappatoire existe également dans le code d’éthique des députés et du Sénat.
La Loi sur les conflits d’intérêts est une loi déterminante qui protège les fonds publics et notre démocratie. En 1996, la Cour suprême du Canada a statué que, si elle n’était pas strictement et fermement appliquée — à l'instar d’autres mesures comme les dispositions anticorruption du Code criminel —, nous n’aurions pas de démocratie. Cette loi déterminante ne s’applique pas 99 % du temps aux décisions prises par les gens les plus puissants du gouvernement fédéral. Cette échappatoire doit être éliminée et il faut interdire à tous les intervenants politiques fédéraux de participer à tout processus décisionnel dès qu’il y a simple apparence de conflit d’intérêts.
De plus, une règle exigeant l’honnêteté devrait être ajoutée à la loi fédérale sur l’éthique et aux codes, afin que les politiciens et les fonctionnaires soient pénalisés s’ils induisent les électeurs en erreur sur quoi que ce soit, y compris au sujet de leurs propres actes répréhensibles.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les règles et les codes que le Cabinet a imposés aux plus petits fonctionnaires du gouvernement fédéral — qui n'ont qu'un pouvoir décisionnel très limité — interdisent à ces employés de participer à toute prise de décisions s’ils sont en situation de conflit d’intérêts potentiel ou apparent, même lorsque la décision s’applique de façon générale. Ces employés des échelons inférieurs doivent également être honnêtes et donner des conseils honnêtes. Ils peuvent être suspendus ou mis à l’amende s’ils enfreignent ces règles.
Il s’agit d’un système véritablement pervers selon lequel les gens les moins puissants du gouvernement fédéral et de la politique fédérale sont ceux à qui s'appliquent les normes éthiques les plus élevées et les peines les plus sévères.
En outre, il faut interdire les fiducies dites sans droit de regard, comme l’ont recommandé le rapport Starr-Sharp de 1984 et la commission Parker de 1987. Comme la personne qui établit une fiducie sait ce qu’elle y met, on ne peut parler de fiducie sans droit de regard. C’est une imposture totale. C’est une façade. Les politiciens et les représentants du gouvernement devraient plutôt être tenus de se départir de leurs placements pendant qu’ils sont au pouvoir, comme l’a recommandé la commission Parker.
Les filtres anti-conflits d’intérêts devraient également être interdits parce que ce sont des écrans de fumée qui empêchent de savoir si la personne en conflit d’intérêts se retire vraiment des décisions.
Les deux derniers aspects — cinq et six — visent, premièrement, à mettre fin aux contrats douteux accordés à des fournisseurs uniques. Il y a beaucoup trop d’échappatoires qui permettent d'accorder de tels contrats. Une façon de contrôler ce phénomène consiste à fermer quelques-uns de ces contrats, mais aussi à exiger, quand il s’agit de dépenses importantes, que l’institution responsable vérifie auprès du vérificateur général et effectue une petite vérification de conformité avant d’entamer le processus de dépenses. Le vérificateur général pourrait alors dire: « Non, vous ne pouvez pas faire cela. Vous devez lancer un appel d’offres concurrentiel, sinon je vais rendre une décision négative quand je ferai un audit dans cinq ans et que je constaterai que vous avez enfreint toutes les règles. »
Enfin, nous devons renforcer l’application de la loi. Les gardiens du temple sont triés sur le volet par les ministres et les hauts fonctionnaires du gouvernement qu’ils ont pour mission de surveiller. Ils n’ont généralement pas le pouvoir d’imposer des pénalités. Ils ont le droit de rendre des décisions secrètes et, par conséquent, il n’est pas surprenant qu’ils aient agi comme des chiens de poche et qu'ils aient laissé de nombreuses personnes s’en tirer à bon compte. Tout le monde doit pouvoir contester leurs décisions devant les tribunaux. Ils doivent être choisis par une commission indépendante. Ils doivent être tenus de mener des vérifications et de rendre des décisions publiques sur toutes les situations douteuses, et ils doivent avoir le pouvoir d’imposer des amendes élevées en cas de violation des règles fondamentales d'un bon gouvernement.
Enfin, la protection des dénonciateurs, comme je l’ai mentionné, doit être étendue à tout le personnel politique des ministres ou des partis. En juin 2017, un comité de la Chambre des communes a recommandé à l’unanimité plusieurs changements clés visant à renforcer la protection des dénonciateurs. Le gouvernement n’a pas tenu compte de ces recommandations, pas plus qu'il n’a tenu compte des recommandations du Comité qui étaient de renforcer la Loi sur l’accès à l’information. En 2012, le gouvernement conservateur de M. Harper n’a pas tenu compte des recommandations de ce comité en vue d'éliminer bon nombre des échappatoires secrètes du lobbying.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur l’un ou l’autre de ces six aspects. Tous ces changements sont nécessaires pour éliminer les échappatoires et mettre fin aux conflits d’intérêts dans les décisions de dépenses du gouvernement. J’espère que les membres du Comité travailleront ensemble pour rédiger un projet de loi, pour le présenter à la Chambre et, puisqu'il s'agit d'un gouvernement minoritaire, pour mobiliser les autres députés afin de faire adopter cette mesure cet automne et de faire enfin le ménage dans ce processus antidémocratique et corrompu...
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci de votre venue, monsieur Conacher. J’ai eu l’occasion d’entendre vos témoignages devant d’autres comités également, y compris celui des opérations gouvernementales, et je suis donc bien au courant de votre dévouement et de vos nombreuses années de travail dans ce domaine.
Je pense que vous êtes au courant de la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui et de ce que nous examinons. Je vais vous lire le premier paragraphe, qui dit ceci:
Que, conformément à l’article 108(3)h) du Règlement, le Comité examine les mesures qui sont en place pour éviter et prévenir les conflits d’intérêts dans les politiques du gouvernement fédéral en matière de marchés, de contrats, de subventions, de contribution et autres dépenses.
À ce sujet, je tiens à souligner, comme vous l’avez mentionné dans votre déclaration liminaire, que nous devons procéder à un examen législatif de la Loi sur les conflits d’intérêts. À cet égard, puisque nous sommes ici, je pense que les remarques que vous nous présentez aujourd’hui sont très pertinentes.
Pour ceux qui nous regardent et nous écoutent, brièvement, en ce qui concerne la Loi sur les conflits d’intérêts, le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique est investi d'un double mandat. Il est responsable à la fois des titulaires de charge publique et des députés. Dans le cadre de ce mandat, les titulaires de charge publique doivent prodiguer des conseils confidentiels au premier ministre, donner des conseils confidentiels à chaque titulaire de charge publique, examiner les cas de contravention possible à la loi et en faire rapport; et administrer le régime de divulgation.
En résumé, n’importe quel parlementaire peut demander une enquête et le commissaire lui-même peut mener un tel examen; il ou elle fait rapport du résultat de ces enquêtes au premier ministre, et les rapports sont rendus publics, même si certains types de renseignements doivent demeurer confidentiels.
Cela m’amène à ma question. Quelles sont vos trois principales recommandations au Comité pour améliorer la Loi sur les conflits d’intérêts? De plus, quels éléments de la loi fonctionnent, à votre avis?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Je vous remercie d'être présent aujourd'hui, monsieur Conacher.
Présentement au Canada, l'éthique — tout ce qui concerne les conflits d'intérêts apparents ou les conflits d'intérêts chez les députés, les ministres, voire le premier ministre — est très malmenée. En tant que Canadiens, nous cherchons des balises. Or, elles sont très lointaines ou inexistantes.
Je vais vous raconter une courte histoire liée à l'éthique. Il y a 50 ans, dans ma petite municipalité, le marchand général est devenu maire. Il a vendu une brouette à la municipalité et a perdu son poste de maire à cause d'un montant de 3,25 $. Voilà ce qu'on appelle avoir de l'éthique. Or aujourd'hui, on accorde des contrats de 40 ou 50 millions de dollars. On parle d'une apparence de conflit d'intérêts. Le mot « apparence » est vraiment très important, parce que, ce que nous voyons ici, c'est une version 2,0 du scandale des commandites.
Si notre gouvernement peut avoir des retours d'ascenseur directs ou indirects par des membres de la famille, qu'est-ce que cela dénote, selon vous qui êtes un observateur privilégié de l'éthique depuis si longtemps? Où le Canada s'en va-t-il, maintenant, dans une telle situation?
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Une chose a été passée sous silence: la notion de filtres anti-conflits d’intérêts, qui a fait les manchettes au sujet de la chef de cabinet du au cours du week-end. Ces filtres sont l'œuvre de la commissaire à l’éthique Mary Dawson. Ils ne sont pas autorisés par la loi. Démocratie en surveillance les a contestés devant les tribunaux. Malheureusement, la Cour d’appel fédérale a dit que c’était un moyen d’application raisonnable.
Ce n’est vraiment pas le cas. Quiconque a un filtre et est ministre... alors son personnel, qui est à son service selon son bon gré, est censé appliquer ce filtre et lui dire quoi faire, lui dire de ne pas aller à certaines réunions ou de ne pas participer à des appels téléphoniques ou à quoi que ce soit d’autre lorsqu’il y a un conflit. Ensuite, il apprend quelle décision a été prise ou quelle réunion se déroule parce qu’on lui dit qu’il ne peut pas y aller et pourquoi. Qui peut l'empêcher d’intervenir ou de dire à son personnel: « Merci beaucoup de votre aide, mais vous êtes à mon service tant que cela me plaît, et si vous voulez garder votre emploi, vous allez vous taire »?
La loi exige la récusation. La récusation doit être déclarée publiquement, avec ses motifs, dans les 60 jours. Les filtres devraient être interdits. Ce serait un progrès, et l'application d'un système de récusation le serait aussi, comme l’ancien commissaire à l’éthique Bernard Shapiro l’avait recommandé en 2006, car il constatait que l'utilisation des filtres faisait surgir de nombreux problèmes.
C’est un élément clé, mais il y en a un autre. Comme je l'ai dit, lorsqu'il s'agit de lancer un processus de dépenses, il devrait y avoir une vérification de conformité avec le vérificateur général dès le départ. Celui-ci pourrait signaler beaucoup de difficultés très tôt. Sans pouvoir s'appliquer à tous les processus décisionnels, cette démarche renforcerait les règles, éliminerait les échappatoires, renforcerait l’application de la loi et les pénalités, et tout le monde serait beaucoup plus porté à suivre les règles, puisque le risque de se faire prendre et d’être sanctionné serait bien plus important que maintenant. Le système actuel est un scandale. C’est une sinistre blague. Pas étonnant, par conséquent, qu'il y ait des comportements scandaleux.
On a dit tout à l’heure que le ministre avait peut-être oublié qu’il n’avait pas payé ces 40 000 $, ce qui soulève la question de la compétence, surtout dans le cas d’un ministre des Finances. C’est un oubli plutôt conséquent. Quoi qu'il en soit, nous avons jusqu’à maintenant admis qu’il y a eu des voyages, visés par l’article 12, un manquement à l’obligation de déclarer, visé par l’article 31, et des cadeaux, dont il est question à l’article 23.
En ce qui concerne les voyages, surtout le voyage personnel, nous ne savons pas s’il s’agissait d’un vol nolisé ou d’un vol commercial. Nous ne connaissons pas encore ces détails. Si c’était le cas, pourrait-on parler de corruption? Les faits reprochés seraient-ils alors assez graves pour qu’on parle d'abus de confiance au point que... Je dois me le rappeler, car vous en avez parlé tout à l'heure à propos de la fonction publique: un fonctionnaire qui ne se conforme pas aux exigences du code fait l’objet de mesures disciplinaires proportionnées qui peuvent aller jusqu’au congédiement. Voilà pour le secteur public. Et pourtant, aux plus hauts échelons, il y a une sorte de pente glissante. Il y a une possibilité de conflit d'intérêts, ce sur quoi, compte tenu des aveux publics déjà faits, il n'est pas vraiment nécessaire de faire enquête à ce stade-ci, puisque les faits ont été admis.
S'il est avéré qu’il s’agissait de vols nolisés privés, indépendamment de la déclaration ou de l’omission de se récuser, et que toutes ces autres dispositions ont été enfreintes, pensez-vous que ce serait alors l’occasion idéale de déclarer que ces gens-là ont perdu la confiance du public et devraient donc démissionner?
Ou — j’irai plus loin, madame la présidente — pensez-vous que les réformes devraient proposer que la loi — dont vous remarquerez qu'elle est anémique sur le plan de l’application — devrait éliminer le montant de 500 $ et faire dépendre la pénalité de l’application de ce critère?
Messieurs MacDonald et Czerny, encore une fois, merci beaucoup de votre patience. Nous vous remercions de votre tolérance. Nous tâcherons d'utiliser au mieux le temps que vous nous accordez.
Vous savez que le Comité a entrepris, conformément à l’alinéa 108(3)h) du Règlement, une étude des mesures en place pour éviter et prévenir les conflits d’intérêts dans l'application des politiques fédérales visant les marchés, les contrats, les contributions et d'autres dépenses.
On vous a demandé de comparaître aujourd’hui pour commenter la motion et répondre aux questions que les membres du Comité ont sans doute à vous poser.
Dans un instant, je vais vous accorder 10 minutes chacun pour votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés. Bien entendu, tous les partis représentés ici auront l’occasion de discuter avec vous.
Lorsque vous répondrez aux questions, je vous demanderais de ne pas perdre de temps. Comme les députés essaient souvent de poser le plus grand nombre de questions possible, il est essentiel d'aller droit au fait.
Cela dit, je vais devoir vous interrompre une fois atteinte la limite de temps. Je ne le fais pas pour être impolie, mais simplement pour que nous ne dérogions pas au programme de la séance. Vous ne m'en voudrez pas.
Sur ce, monsieur MacDonald, je vous invite à faire votre déclaration liminaire. Vous avez 10 minutes.
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Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier les membres du Comité de me donner l’occasion de m’adresser à eux.
Mon objectif aujourd’hui est de présenter le point de vue d'un universitaire. Je vais exposer les éléments clés des conflits d’intérêts et les raisons pour lesquelles cette question est importante.
Voyons d’abord comment la notion est définie dans la Loi sur les conflits d’intérêts du Canada.
L’article 4 dispose:
Pour l’application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
Cette définition comporte une importante faiblesse: la mention de l’exercice d'un pouvoir officiel. Selon cette définition, il n’y a pas de conflit d’intérêts à moins que le titulaire n'agisse de façon irrégulière. Cela ne correspond pas à l'opinion d’éminents universitaires, qui conçoivent le conflit d’intérêts comme une situation particulière et non comme un type de comportement.
Selon le consensus qui se dégage chez les spécialistes, il y a conflit d’intérêts dès que le titulaire de charge publique se trouve dans une certaine situation, celle où il a la possibilité d’agir de façon partiale. Le titulaire est déjà en situation de conflit d’intérêts, sans qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit. La définition suivante conviendrait donc mieux: situation dans laquelle une personne, c'est-à-dire un titulaire de charge publique, un employé ou un professionnel, a un intérêt privé ou personnel assez important pour qu'il semble influencer l’exercice objectif de ses fonctions officielles.
Selon cette définition, il suffit, pour qu’il y ait conflit d’intérêts, qu'il y ait un certain type de devoir professionnel en porte-à-faux avec un certain intérêt personnel susceptible d’influencer le jugement.
Pourquoi le conflit d’intérêts est-il considéré comme un problème? Deux raisons sont généralement admises. Premièrement, il constitue un problème parce que nous craignons que, si le professionnel ou le fonctionnaire rend un jugement ou offre des conseils malgré un conflit non réglé, sa décision ne serve mal ceux qu’il a juré de servir. Ainsi, un juge appelé à se prononcer dans une affaire qui met en cause un membre de sa famille risque d'imposer une peine qui n’est pas juste, ou un gestionnaire pourrait finir par prendre en matière d'embauche une décision qui ne sert pas les intérêts de l’organisation.
Plus important encore peut-être, lorsque le conflit d’intérêts n'est pas correctement géré, il est possible que la confiance dans le décideur et, en fait, dans l’institution où la décision est prise soit ébranlée. Dans cette optique, le problème du juge en situation de conflit n’est pas seulement qu’il risque de rendre une mauvaise décision, mais aussi que les justiciables perdent confiance dans le pouvoir judiciaire. Dans le cas du gestionnaire en situation de conflit, non seulement il risque de ne pas engager la bonne personne, mais il peut aussi amener les parties intéressées à se méfier du processus d’embauche de l’entreprise.
C’est là la grande question morale qui est au cœur du conflit d’intérêts. La confiance est menacée pour peu qu'on soupçonne que les experts ou les titulaires de charge publique, forcément difficiles à surveiller, peuvent profiter indûment de leur statut privilégié.
Il est essentiel de souligner que, bien compris, le conflit d’intérêts en soi n’est pas et ne peut pas être un motif d'accusation. On peut se retrouver dans cette situation en toute innocence, comme lorsque le juge apprend qu’un proche parent a été accusé d’un crime et traduit devant son tribunal. Le juge n’a rien fait de mal, mais il est clairement en conflit d’intérêts. Il a un intérêt personnel — c’est-à-dire qu’il ne veut pas voir son parent aller en prison — et cet intérêt pourrait fausser son jugement. En pareille situation, le juge ne doit pas être accusé de conflit d’intérêts, mais il doit simplement le signaler s’il ne l’a pas déjà fait. S'il gère mal la situation — par exemple, s'il préside tout de même le procès —, il peut être à juste titre la cible de critiques.
Que doit faire celui qui se trouve en situation de conflit d’intérêts? Premièrement, il faut noter que, si le conflit d’intérêts n'est pas un motif d'accusation, l'intégrité personnelle ne constitue pas une solution non plus. Lorsqu’il y a un véritable conflit d’intérêts, il ne suffit pas d’inciter la personne à la prudence et il ne suffit pas qu’elle insiste sur son intégrité. Là n'est pas la question.
La plupart des experts recommandent trois étapes clés pour gérer correctement les conflits d’intérêts. Premièrement, il faut les éviter autant que possible. Ensuite, il faut les déclarer aux personnes en cause. Enfin, il faut éviter de prendre part aux décisions.
Chacune de ces étapes présente toutefois des difficultés. Par exemple, il est parfois impossible d'éviter les conflits, car il arrive que des professionnels soient plongés dans cette situation sans qu'ils y soient pour quoi que ce soit. La déclaration ne va pas sans difficultés non plus. Elle donne parfois aux professionnels l’impression que cela suffit, alors que des mesures supplémentaires s'imposent. De plus, la déclaration pourrait amener les intervenants à se demander ce qu’ils doivent faire de l'information communiquée. Enfin, il est parfois impossible de se retirer du processus décisionnel en raison de rôles et de responsabilités à assumer et, dans certains cas, la récusation peut même ne pas être efficace.
Imaginez, par exemple, qu'un membre du conseil d’administration d’une société déclare un conflit d’intérêts sur une question donnée et quitte ensuite la salle pendant la tenue du vote. Les autres membres du conseil pourraient fort bien constater que leur propre décision est influencée malgré tout par l’intérêt que l'absent a déclaré. Par ailleurs, on pourrait dire que, même si la valeur pratique de la déclaration n’est pas évidente, les parties intéressées ont toujours le droit de savoir qu’une personne à qui elles font confiance est en conflit d’intérêts.
En somme, qu’est-ce que tout cela suppose pour la Loi sur les conflits d’intérêts? Faute de temps, impossible de se livrer à une analyse complète, mais permettez-moi quelques observations.
Premièrement, la loi contient certainement les éléments nécessaires pour orienter les titulaires de charge publique dans la bonne direction en matière de conflits d’intérêts. Elle les oblige à organiser leurs propres affaires de manière à éviter d’être en conflit d’intérêts. Ils sont tenus de s’abstenir de prendre part à des décisions sur des questions à l'égard desquelles ils ont un intérêt personnel. Abstraction faite des subtilités de tout à l'heure au sujet de la définition des conflits d’intérêts, la loi donne des directives de base convenables aux titulaires de charge publique qui cherchent à satisfaire aux principales exigences d’un comportement éthique face à un conflit. Elle les exhorte à éviter les conflits, à les déclarer, y compris par écrit, au commissaire, qui les affiche ensuite sur son site Web, et à se récuser lorsque des décisions les concernent.
Néanmoins, une conséquence importante de ce que j’ai dit tout à l'heure mérite d’être soulignée. Un article prévoit des exceptions à certaines exigences « si le commissaire estime que le contrat ou l’intérêt n’aura vraisemblablement aucune incidence sur l’exercice [...] (des) fonctions officielles », mais comme je l’ai laissé entendre plus tôt, la question de savoir si le conflit aura une incidence sur la prise de décisions n’est que la moitié du problème, et peut-être la moitié la plus petite. L'essentiel est vraiment de savoir si la participation à une décision fera fléchir la confiance du public dans le processus décisionnel en cause.
Enfin, une importante difficulté réside en fait dans une chose qui ne se trouve pas dans la loi: le processus par lequel les fonctionnaires en viennent à connaître les exigences de la loi et, espérons-le, à en assimiler le vrai sens. Il y a un consensus clair dans les domaines pertinents de la recherche universitaire selon lequel le simple fait d’avoir un ensemble de règles claires ne permet pas d’accomplir grand-chose. Il faut comprendre les valeurs qui sous-tendent ces règles. Il faut de la formation. Lire une loi, ce n’est pas de la formation. La formation sur les questions d’éthique est chose délicate. Malheureusement, elle se fait trop souvent au moyen de listes de cases à cocher. Idéalement, la formation devrait se fonder sur l'expérience. Il faut faire l’expérience des défis éthiques pertinents pour en saisir le sérieux sur le plan psychologique et s’exercer — acquérir une habitude — à faire ce que les règles exigent.
Un de mes propres projets de recherche, IN.Lab, propose un exemple qui illustre mon propos. Ce projet, qui est en ligne à l'adresse www.interactives.ca, consiste à plonger les gens dans des scénarios réalistes, simulés en ligne, pour leur permettre de prendre des décisions éthiques en temps réel. La formation du gouvernement fédéral sur les conflits d’intérêts n’a pas à se conformer en tout point à ce modèle, bien sûr, mais celui-ci montre ce qui est possible pour peu qu'on souhaite dépasser l’approche classique de l'approbation annuelle en ce qui concerne la formation sur l’éthique et les conflits d’intérêts.
Merci.
Je vous remercie de me donner l’occasion d'aborder avec vous d’importantes questions liées à la bonne conduite des relations et du travail du gouvernement national du Canada.
Mon intérêt marqué pour les questions touchant le gouvernement fédéral remonte à près d'un demi-siècle. J'ai été fonctionnaire de 1973 à 1994. Par la suite, j'ai travaillé comme conseiller en gestion et en communications en grande partie pour des clients du gouvernement fédéral, y compris pour le Parlement. J'ai été très actif à l'Association des praticiens en éthique du Canada au cours des 10 dernières années, dont cinq à titre de président. Les membres de notre association œuvrent dans les secteurs public et privé ou en sont retraités, et nos activités de formation ont été très appréciées par les fonctionnaires qui souhaitent réfléchir aux dimensions éthiques de leur travail.
Ce contexte me permet de souligner diverses dimensions de la conduite éthique des fonctionnaires par rapport au Parlement, aux ministres et au Cabinet, mais je ne suis pas un expert des lois, des structures et des procédures relatives aux conflits d'intérêts, ni des détails de la présente affaire. J'espère plutôt élucider le contexte du travail que font les fonctionnaires de façon professionnelle et éthique.
Je terminerai par cinq recommandations.
Premièrement, la confiance est essentielle à la réussite d'une fonction publique. Le public doit faire confiance au gouvernement pour établir des relations harmonieuses et constructives entre le gouvernement et la société. Sans confiance, on ne peut pas avoir la paix, l'ordre et le bon gouvernement, pas plus qu'on ne peut avoir un marché commercial efficace. C'est pourquoi il est essentiel de tenir les intérêts privés à l'écart du processus décisionnel et des opérations du gouvernement. Les conflits d'intérêts, qu'ils soient réels, potentiels ou apparents, peuvent détruire la confiance que le public place dans le gouvernement pour agir dans son intérêt. Par conséquent, il n'est pas moins important d'éviter l'apparence de conflit d'intérêts que d'éviter son apparition réelle.
Deuxièmement, les fonctionnaires non partisans et les représentants élus doivent collaborer au travail du gouvernement. Il faut clarifier leurs rôles complémentaires et leurs principes de fonctionnement. Cette relation a été énoncée de façon prudente et inspirante dans un rapport de 1996 sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique intitulé « De solides assises ». En plus d'énoncer les valeurs que l'on veut retrouver dans chaque milieu de travail et dans chaque entreprise, comme l'intégrité et le respect, le rapport énonce ce que signifie être un professionnel de la fonction publique dans le système démocratique du Canada.
Troisièmement, des mécanismes essentiels ont été mis en place, depuis lors, dans ce domaine. Il y a, par exemple, des mécanismes en ce qui concerne la reddition de comptes, les conflits d'intérêts pour les élus et les fonctionnaires et la protection des personnes qui divulguent des actes répréhensibles contre les représailles. Il existe également un solide ensemble de pratiques exemplaires pour encourager une conduite éthique dans les organisations. Il s'agit notamment de l'expression des valeurs et des codes de conduite, de la formation et du dialogue, des services de consultation et de médiation et de la façon de gérer les conflits d'intérêts, par exemple dans les petites collectivités où les fonctionnaires doivent souvent traiter avec des amis et des relations. Les responsables de l'éthique de tout le gouvernement fédéral ont un réseau qui leur permet d'échanger des idées sur tout cela. Notre association leur donne l'occasion de faire la même chose et de tirer des leçons de l'expérience des autres secteurs.
Quatrièmement, une organisation peut avoir un code de conduite, un énoncé de valeurs, ou les deux.
Les codes de conduite énoncent une série de règles et de normes. L'enjeu, c'est la conformité, et nous demandons si tel ou tel comportement est conforme ou non à une norme, s'il respecte ou contrevient à une règle, et quelles sont les sanctions ou les conséquences des transgressions.
Les énoncés de valeurs, par contre, expriment les aspirations d'une organisation. Les bonnes questions à poser sont de savoir dans quelle mesure tel ou tel comportement incarne nos idéaux, et comment nous pourrions faire mieux. C'est le domaine de l'apprentissage, de l'amélioration et de la célébration de l'excellence.
À mon avis, une organisation a besoin des deux. Pour prendre l'éthique au sérieux, il faut avoir un seuil d'acceptabilité et sanctionner ce qui est en deçà de ce seuil, mais les organisations doivent viser plus haut que la simple légalité, sinon elles n'inspireront pas l'initiative et l'excellence au sein de leur personnel.
Cinquièmement, ce qui se passe dans une organisation reflète sa culture. La culture existe à tous les niveaux et elle est constamment façonnée par le comportement à tous les niveaux, mais le facteur clé est le leadership, le ton donné au sommet. La culture se répand en cascade; l'éthique des hauts dirigeants est signalée par leurs actions encore plus que par leurs paroles, et elle se répercute dans toute l'organisation.
Sixièmement, une bonne façon de passer à l'action en matière d'éthique consiste à dire ce qu'on pense, à soulever une question au risque de susciter de l'opposition et de se rendre impopulaire ou pire. Aux États-Unis, une enseignante et chercheuse, du nom de Mary Gentile, a découvert que les gens savent souvent ce qui est juste et veulent le faire, mais qu'ils se sentent mal à l'aise pour dire la vérité à l'autorité même si la culture l'accepte. Sa méthodologie « Donner la parole aux valeurs » amène une personne à réfléchir à son courage moral, à faire des simulations et des exercices pratiques. Son approche a des adeptes partout dans le monde, y compris dans certaines écoles de commerce et ailleurs au Canada. La capacité de dire la vérité à tous les niveaux est nécessaire, qu'il s'agisse d'un employé subalterne qui a des problèmes avec son superviseur ou de l'interaction entre un ministre et son sous-ministre. Soit dit en passant, je n'ai personnellement rien à gagner à faire connaître son travail.
Septièmement, il est nécessaire de dire ce qu'on pense pour que la situation s'améliore. Le secret permet que des choses comme l'intimidation et la fraude se poursuivent en cachette. Cependant, le secret n'est pas du tout la même chose que la confidentialité. La confidentialité est absolument nécessaire pour que les fonctionnaires puissent donner des conseils honnêtes aux ministres et pour que les ministres puissent les demander.
Je vais maintenant vous faire part de mes cinq recommandations. Les deux premières portent précisément sur les conflits d'intérêts.
Tout d'abord, pour éviter qu'un conflit d'intérêts ne soit pas signalé, il faudrait qu'à toutes les réunions du Cabinet, le président commence la réunion en soulevant la question du conflit d'intérêts et en suggérant de se récuser s'il y a lieu.
Deuxièmement, il pourrait y avoir un processus semblable au niveau ministériel. Lorsqu'il aide le ministre à se préparer pour une réunion du Cabinet, le sous-ministre pourrait, dans le cadre de son breffage par écrit ou en personne, lui rappeler de s'assurer qu'il n'est pas en conflit d'intérêts au sujet des questions à l'ordre du jour. Cela devrait être considéré comme faisant partie du soutien qu'un sous-ministre apporte à un ministre.
Troisièmement, les demandes qu'un ministre ou le cabinet adresse à un ministère peuvent être aussi générales que « fournir des options réalisables pour réaliser x », mais peuvent également être aussi précises que « faire preuve de diligence raisonnable à l'égard du choix de y pour réaliser x ». Afin de donner les meilleurs conseils possibles, de dire la vérité aux autorités et de protéger les ministres contre les risques potentiels, la réponse du sous-ministre à une demande plus précise peut compléter tout autre renseignement pertinent que le personnel du ministère peut fournir.
Quatrièmement, les fonctionnaires se sentent parfois soumis à des pressions inappropriées lorsqu'ils prennent des décisions ou fournissent des renseignements ou des analyses. Bien sûr, ils devraient respecter leur code de valeurs et d'éthique et résister aux pressions les poussant à y contrevenir. En même temps, les autres parties devraient également respecter le code et ne pas essayer d'amener les fonctionnaires à s'en écarter. Il faudrait ajouter au code un énoncé à l'intention de toute personne qui traite avec la fonction publique portant que « le fait d'exercer des pressions sur un fonctionnaire fédéral pour qu'il y contrevienne constitue une violation du code ». Cela est compatible avec les directives actuelles aux ministres et au personnel ministériel.
Cinquièmement, une culture éthique est soutenue par un dialogue constant sur le « bien » ainsi que par une instruction spécifique sur les normes, les valeurs, les structures et les processus. Les hauts dirigeants doivent donner le ton en appuyant ce dialogue et cette formation et en y participant constamment.
En conclusion, je crois que la fonction publique du Canada a la capacité de fournir un service expert et éthique. Si c'est ce que veulent les parlementaires, qu'ils l'appuient et qu'ils exigent rien de moins et rien de plus.
Je vais vous poser des questions directes, monsieur MacDonald, et je vais vous demander d'essayer d'y répondre directement.
Au cours des dernières heures, en fait des dernières semaines, nous avons eu amplement l'occasion de décortiquer ce qui s'est passé ici. Le témoin précédent a déclaré que le système était un scandale. Avec le témoin précédent, j'ai aussi commencé à poser des questions sur les dispositions d'évitement et d'anti-évitement, plus précisément l'article 18, qui dit ceci:
Il est interdit à tout titulaire de charge publique de faire quoi que ce soit dans le but de se soustraire aux obligations auxquelles il est assujetti sous le régime de la présente loi.
J'insiste là-dessus, parce que, dans des rapports précédents... Si je me souviens bien, le , à propos d'un verdict de culpabilité antérieur, a dit que ce n'était pas un avion privé parce qu'il n'avait pas une voilure fixe; c'était un hélicoptère. C'était ce genre de subtilité juridique où l'éthique est dissociée de la lettre de la loi, sans parler de l'esprit de la loi.
Je pense en particulier aux ententes de contribution. Vous avez soulevé un point, et je pense que l'autre témoin l'a fait aussi, au sujet de la culture de l'éthique — la culture de l'éthique — et du comportement et du modèle habituel des manquements et des violations à l'éthique. Je me demande si vous pouvez commenter cet aspect particulier en ce qui a trait à l'idée du contrat à fournisseur unique, qui serait normale dans le secteur privé, et je suis certain que vous pouvez trouver un parallèle.
La tendance que nous avons constatée, au cours des dernières années, en fait depuis quatre ou cinq ans, est que, sachant que selon la loi, le seuil est de x, on livre un contrat à un dollar de moins que x, ou un projet de grande envergure est divisé en petits contrats pour passer sous le radar. Pourtant, en ce qui concerne ce projet d'envergure, il a été clairement établi que le Cabinet détermine quand les programmes de paiements de transfert constituent l'instrument de politique le plus approprié. Le Cabinet détermine également les objectifs et les résultats à atteindre au moyen d'un paiement de transfert. C'est l'idée d'établir des programmes et des processus en dehors du processus d'approvisionnement habituel, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un marché à fournisseur unique, ni d'un contrat, mais d'une entente de contribution.
D'un point de vue philosophique, pourriez-vous nous dire si le fait de créer ce genre de gâchis constitue en soi une violation de la clause anti-évitement de l'article 18?
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Je vous remercie, madame la présidente.
Ma question s'adresse aux deux témoins et ils pourront y répondre à tour de rôle, en commençant par M. MacDonald.
Dans toute cette histoire, il y a une chose qui me chicote. Quand on se présente devant l'électorat, on dit être la meilleure option pour les Canadiens. Ce sont les Canadiens qui choisissent, mais les élus ont une responsabilité. Du côté ministériel, c'est encore plus évident, parce que les décisions viennent du premier ministre et des ministres.
Le et le savaient qu'ils étaient en conflit d'intérêts. Ils ont admis qu'ils auraient dû se récuser. La faute a été avouée. Le ministre des Finances a même remboursé plus de 40 000 $, parce que l'histoire a été rapportée par les médias et qu'il s'est senti obligé de le faire. Il a une certaine responsabilité.
Ce qui m'agace le plus, c'est que le premier ministre a rejeté la faute sur les fonctionnaires. Il a dit que les fonctionnaires lui avaient conseillé de prendre telle décision. Le premier ministre semble oublier que c'est lui qui aurait dû prendre la décision. C'était sa responsabilité. C'est lui que les Canadiens ont élu pour prendre des décisions difficiles.
Selon moi, il ne s'agissait pas d'une décision difficile. Je vais donner un exemple de décision difficile: quand nous avons envoyé l'armée en Afghanistan, nous savions qu'il y aurait des morts. Nous avons voté à la Chambre tout en sachant que des Canadiens allaient mourir à cause de notre décision. Voilà une décision difficile. Toutefois, refuser de se récuser alors que l'on sait que sa famille est en conflit d'intérêts et qu'on est peut-être personnellement en conflit d'intérêts, ce n'est pas une décision difficile, c'est une question de jugement.
Monsieur MacDonald, est-ce que le premier ministre a nié sa responsabilité quant à une décision facile à prendre?