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ETHI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique


NUMÉRO 011 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 10 août 2020

[Enregistrement électronique]

(1350)

[Traduction]

     La séance est ouverte. Comme vous le savez, mesdames et messieurs les membres du Comité, nous sommes ici pour discuter d’une motion qui a été adoptée par le Comité le 22 juillet:
Que, conformément à l'article 108(3)(h) du Règlement, le Comité examine les mesures qui sont en place pour éviter et prévenir les conflits d'intérêts dans les politiques du gouvernement fédéral en matière de marchés, de contrats, de subventions, de contributions et autres dépenses.
    Dans le cadre de cette étude, nous entendons divers témoins, y compris des universitaires, des ministres et d’autres experts en la matière.
    Nous accueillons aujourd’hui M. Duff Conacher, cofondateur de Démocratie en surveillance.
    Monsieur Conacher, je vais vous accorder 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire, après quoi nous passerons aux questions des députés. Vous pouvez y aller.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci à tous les membres du Comité de me donner l’occasion de vous parler de cet important sujet qu’est l’éthique gouvernementale et la prévention des conflits d’intérêts dans les décisions prises en matière de dépenses.
    Monsieur Conacher, je suis désolée de vous interrompre. Pourriez-vous attendre un instant? Il semble y avoir un problème d'interprétation.
    M. Duff Conacher: Pas de problème.
    La présidente: Je vais suspendre temporairement la séance, le temps que nous mettions le doigt sur le bobo. Je vous demande un petit instant.
(1350)

(1410)
     Nous reprenons la séance.
    Monsieur Conacher, merci beaucoup de votre patience. Nous sommes sincèrement désolés pour cet incident.
    Au risque de vous embarrasser, je dois vous demander s'il vous serait possible de rester avec nous jusqu’à 15 h 15 ou 15 h 30, selon vos disponibilités.
    Pas de problème.
    C’est parfait. Merci beaucoup.
    Monsieur Conacher, je vais vous laisser reprendre votre déclaration.
    Vous avez 10 minutes, après quoi nous passerons aux questions.
    Merci encore, madame la présidente, et merci à tous les membres du Comité de me donner l’occasion de les entretenir [Difficultés techniques] des conflits d’intérêts en lien avec les décisions du gouvernement.

[Français]

    Bonjour à tous.
    Je parlerai surtout en anglais pendant cette rencontre. Je dois m'exercer à parler le français, mais il y a beaucoup de termes techniques et c'est plus facile pour moi de m'exprimer en anglais. Vous pouvez me poser des questions en français, si vous le souhaitez, et je vais essayer d'y répondre en français.
    Encore une fois, je vous remercie de me donner l'occasion de parler de cet important sujet, soit les conflits d'intérêts dans les décisions gouvernementales.
(1415)

[Traduction]

    Monsieur Conacher, n’hésitez pas à parler dans la langue qui vous convient le mieux.
    Nous avons des interprètes, alors pas de problème.
     Merci beaucoup.
    Démocratie en surveillance invite les membres du Comité non seulement à recommander de nombreux changements pour prévenir les conflits d’intérêts en lien avec les décisions que prend le gouvernement en matière de dépenses, mais aussi à collaborer à la rédaction d'un projet de loi qui serait déposé à la Chambre des communes cet automne. Nous espérons que le projet de loi sera adopté d’ici la fin de l’année sous l'actuel gouvernement minoritaire.
    Vous pourriez facilement vous unir pour soutenir un projet de loi qui abaisserait à 100 $ la limite des dons et des prêts politiques, comme au Québec, et cela pour parvenir à plusieurs fins: mettre un terme à l’influence anti-éthique de l'argent dans la politique fédérale canadienne et éliminer les échappatoires qui ouvrent la porte à un lobbying secret, un lobbying anti-éthique; éliminer le secret gouvernemental excessif, les dépenses sans appel d’offres, et les avantages que des politiciens et des hauts fonctionnaires peuvent tirer de décisions prises en secret. Le projet de loi devra aussi servir: à renforcer l’application de la loi par la création d'une commission indépendante chargée de nommer celles et ceux qui sont les gardiens de la démocratie et de la bonne gouvernance; à obliger ces mêmes gardiens à auditer régulièrement nos responsables et à rendre des décisions publiques sur toutes les situations douteuses au lieu de rendre des décisions secrètes ou de faire fi des plaintes; à permettre à quiconque de contester les décisions de ces gardiens devant les tribunaux; à étendre la protection des dénonciateurs à tous les intervenants en politique fédérale, y compris au personnel politique des ministres et des partis; et à imposer des amendes élevées pour toute violation à l’éthique, y compris pour malhonnêteté.
    Le lobbying secret et anti-éthique, le secret excessif au sein du gouvernement, les campagnes d’influence anti-éthiques des gros donateurs, les prises de décisions et les dépenses anti-éthiques sont autant de choses légales en politique fédérale et en politique provinciale. Le Canadien ordinaire est plus susceptible d'être sanctionné pour avoir garé sa voiture illégalement qu'un politicien ayant enfreint des règles fondamentales d’éthique ou de gestion des dépenses publiques. Aussi incroyable que cela puisse paraître, partout au pays, les pénalités pour stationnement illégal sont plus élevées que celles imposées pour les infractions graves à l’éthique que peuvent commettre les politiciens et les hauts fonctionnaires fédéraux.
    Ce système dangereusement antidémocratique et corrompu est un scandale. Il ne faut pas s'étonner qu’il incite politiciens et hauts-fonctionnaires à prendre des décisions malhonnêtes, contraires à l’éthique, secrètes, non représentatives et inutiles. Il faut y remédier en éliminant toutes les échappatoires, en accroissant la transparence, en renforçant l’éthique politique ainsi que les règles encadrant les dépenses, règles dont il faudra renforcer l'application, et en augmentant les sanctions.
    J’ai comparu devant le Comité une quinzaine de fois au cours des 20 à 25 dernières années. Je ne vais pas grandement différer de ce que j’ai dit les 15 fois précédentes, mais à partir du résumé que je viens de vous faire, je vais passer en revue les six principaux aspects auxquels il va falloir s'attaquer pour vraiment prévenir les conflits d’intérêts.
    Tout d’abord, il faut mettre fin à l’influence de l’argent en politique. Il est essentiel de le faire parce que les organisations et leurs lobbyistes peuvent faire des faveurs aux partis et aux candidats en canalisant et en regroupant des dons d'une façon contraire à l’éthique, cela pour influencer les décisions des ministres et des autres décideurs du gouvernement fédéral. Les tests cliniques effectués par des psychologues du monde entier ont montré que même les petits cadeaux et les petites faveurs ont une influence et qu'ils sont le meilleur moyen d’influencer les décisions de la personne qui les reçoit. La seule façon de mettre un terme à l'influence anti-éthique de l’argent en politique consiste à mettre fin aux dons et aux prêts d’argent, comme le Québec l’a fait, à interdire les cadeaux, y compris les voyages subventionnés — dont l'acceptation est illégale pour les députés, même de la part de lobbyistes, comme l’a déclaré la commissaire au lobbying l’an dernier — et à restreindre et à exiger la divulgation de toutes les faveurs reçues, y compris l’aide bénévole lors des campagnes.
    Bien d’autres changements permettraient de démocratiser notre système de financement des partis. Démocratie en surveillance a publié aujourd’hui un communiqué de presse, qui a également été soumis au Comité avec les liens appropriés dont un renvoyant aux tests effectués par des psychologues cliniciens. Ces tests démontrent que le fait de donner des cadeaux et d'accorder des faveurs, notamment sous la forme de dons, est la meilleure façon d’influencer les gens dans leurs prises de décisions parce que cela crée un sentiment de retour d'ascenseur obligé. C’est pourquoi cela est profondément anti-éthique et qu’il faut y mettre un terme en abaissant la limite des dons et en interdisant les cadeaux, notamment les voyages gratuits.
    Mettre fin au lobbying secret et anti-éthique est le deuxième des six aspects fondamentaux.
(1420)
     Le comité de l’éthique de la Chambre — ce comité — a recommandé certains changements en 2012 en vue d'éliminer les échappatoires secrètes en matière de lobbying, mais pas tous. Or, il faut fermer toutes les échappatoires.
    Si l'on avait éliminé celles qui permettent le lobbying secret il y a des années, aucun des employés d'UNIS n’auraient eu le droit de faire du lobbying auprès du cabinet du premier ministre, du cabinet du ministre des Finances et de son ministère, en raison de leurs liens avec ces gens-là. Cependant, à cause de ces échappatoires, non seulement ils n’ont pas eu à enregistrer leur démarche de lobbying pour obtenir le financement qu’ils ont reçu, mais ils ont pu, en toute légalité, offrir des cadeaux, consentir des faveurs, faire campagne et contribuer aux campagnes politiques de n’importe quel politicien fédéral. Seuls les lobbyistes enregistrés doivent respecter le code d’éthique des lobbyistes. Si vous n’arrêtez pas le lobbying secret, vous n’arrêterez pas le lobbying anti-éthique parce que ceux qui peuvent encore légalement faire du lobbying secret pourront aussi faire du lobbying anti-éthique.
    Le lobbying secret n’est qu’un aspect du secret excessif qui règne au gouvernement fédéral. Les libéraux de Trudeau ont promis que l’information gouvernementale serait a priori ouverte et ils ont promis d’appliquer la Loi sur l’accès à l’information aux cabinets des ministres. Rien de cela ne s'est fait. Les gouvernements précédents n’ont pas non plus tenu leurs promesses de gouvernement ouvert.
    Il y a beaucoup d’échappatoires dans la Loi sur l’accès à l’information. Il faudrait en fait l’appeler « Loi guide sur la protection des renseignements confidentiels », parce que c’est vraiment de cela dont il s’agit, tant ce texte regorge d’échappatoires. Il y a lieu d'éliminer ces échappatoires pour mettre fin à la culture du secret excessif qui cache souvent des actes répréhensibles et ceux qui les commettent au gouvernement fédéral.
    Quatrièmement, il faut mettre fin aux décisions anti-éthiques. En vertu de la Loi sur les conflits d’intérêts, il est légal que les ministres et les hauts fonctionnaires retirent un bénéfice de leurs décisions. Tant que ces décisions sont d'application générale, ce qui est le cas de 99 % d'entre elles, ils ne sont pas tenus de démissionner s’ils se sont placés en conflit d’intérêts. Ils ont le droit d’être en conflit d’intérêts financier et de continuer à prendre part aux décisions. C'est ce que l'on a constaté tout récemment dans le cas du ministre des Finances, Bill Morneau, qui a présenté un projet de loi qui aurait aidé la société de gestion des pensions de sa propre famille à faire plus d’argent. Comme il était actionnaire à l’époque, M. Morneau aurait fait plus d’argent. La commissaire à l’éthique a jugé que tout cela était acceptable en raison de cette énorme échappatoire dans la Loi sur les conflits d’intérêts. Cette échappatoire existe également dans le code d’éthique des députés et du Sénat.
    La Loi sur les conflits d’intérêts est une loi déterminante qui protège les fonds publics et notre démocratie. En 1996, la Cour suprême du Canada a statué que, si elle n’était pas strictement et fermement appliquée — à l'instar d’autres mesures comme les dispositions anticorruption du Code criminel —, nous n’aurions pas de démocratie. Cette loi déterminante ne s’applique pas 99 % du temps aux décisions prises par les gens les plus puissants du gouvernement fédéral. Cette échappatoire doit être éliminée et il faut interdire à tous les intervenants politiques fédéraux de participer à tout processus décisionnel dès qu’il y a simple apparence de conflit d’intérêts.
     De plus, une règle exigeant l’honnêteté devrait être ajoutée à la loi fédérale sur l’éthique et aux codes, afin que les politiciens et les fonctionnaires soient pénalisés s’ils induisent les électeurs en erreur sur quoi que ce soit, y compris au sujet de leurs propres actes répréhensibles.
    Aussi incroyable que cela puisse paraître, les règles et les codes que le Cabinet a imposés aux plus petits fonctionnaires du gouvernement fédéral — qui n'ont qu'un pouvoir décisionnel très limité — interdisent à ces employés de participer à toute prise de décisions s’ils sont en situation de conflit d’intérêts potentiel ou apparent, même lorsque la décision s’applique de façon générale. Ces employés des échelons inférieurs doivent également être honnêtes et donner des conseils honnêtes. Ils peuvent être suspendus ou mis à l’amende s’ils enfreignent ces règles.
    Il s’agit d’un système véritablement pervers selon lequel les gens les moins puissants du gouvernement fédéral et de la politique fédérale sont ceux à qui s'appliquent les normes éthiques les plus élevées et les peines les plus sévères.
    En outre, il faut interdire les fiducies dites sans droit de regard, comme l’ont recommandé le rapport Starr-Sharp de 1984 et la commission Parker de 1987. Comme la personne qui établit une fiducie sait ce qu’elle y met, on ne peut parler de fiducie sans droit de regard. C’est une imposture totale. C’est une façade. Les politiciens et les représentants du gouvernement devraient plutôt être tenus de se départir de leurs placements pendant qu’ils sont au pouvoir, comme l’a recommandé la commission Parker.
    Les filtres anti-conflits d’intérêts devraient également être interdits parce que ce sont des écrans de fumée qui empêchent de savoir si la personne en conflit d’intérêts se retire vraiment des décisions.
    Les deux derniers aspects — cinq et six — visent, premièrement, à mettre fin aux contrats douteux accordés à des fournisseurs uniques. Il y a beaucoup trop d’échappatoires qui permettent d'accorder de tels contrats. Une façon de contrôler ce phénomène consiste à fermer quelques-uns de ces contrats, mais aussi à exiger, quand il s’agit de dépenses importantes, que l’institution responsable vérifie auprès du vérificateur général et effectue une petite vérification de conformité avant d’entamer le processus de dépenses. Le vérificateur général pourrait alors dire: « Non, vous ne pouvez pas faire cela. Vous devez lancer un appel d’offres concurrentiel, sinon je vais rendre une décision négative quand je ferai un audit dans cinq ans et que je constaterai que vous avez enfreint toutes les règles. »
(1425)
    Enfin, nous devons renforcer l’application de la loi. Les gardiens du temple sont triés sur le volet par les ministres et les hauts fonctionnaires du gouvernement qu’ils ont pour mission de surveiller. Ils n’ont généralement pas le pouvoir d’imposer des pénalités. Ils ont le droit de rendre des décisions secrètes et, par conséquent, il n’est pas surprenant qu’ils aient agi comme des chiens de poche et qu'ils aient laissé de nombreuses personnes s’en tirer à bon compte. Tout le monde doit pouvoir contester leurs décisions devant les tribunaux. Ils doivent être choisis par une commission indépendante. Ils doivent être tenus de mener des vérifications et de rendre des décisions publiques sur toutes les situations douteuses, et ils doivent avoir le pouvoir d’imposer des amendes élevées en cas de violation des règles fondamentales d'un bon gouvernement.
    Enfin, la protection des dénonciateurs, comme je l’ai mentionné, doit être étendue à tout le personnel politique des ministres ou des partis. En juin 2017, un comité de la Chambre des communes a recommandé à l’unanimité plusieurs changements clés visant à renforcer la protection des dénonciateurs. Le gouvernement n’a pas tenu compte de ces recommandations, pas plus qu'il n’a tenu compte des recommandations du Comité qui étaient de renforcer la Loi sur l’accès à l’information. En 2012, le gouvernement conservateur de M. Harper n’a pas tenu compte des recommandations de ce comité en vue d'éliminer bon nombre des échappatoires secrètes du lobbying.
    Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur l’un ou l’autre de ces six aspects. Tous ces changements sont nécessaires pour éliminer les échappatoires et mettre fin aux conflits d’intérêts dans les décisions de dépenses du gouvernement. J’espère que les membres du Comité travailleront ensemble pour rédiger un projet de loi, pour le présenter à la Chambre et, puisqu'il s'agit d'un gouvernement minoritaire, pour mobiliser les autres députés afin de faire adopter cette mesure cet automne et de faire enfin le ménage dans ce processus antidémocratique et corrompu...
    Merci beaucoup, monsieur Conacher.
    Nous passons à notre première série de questions. Monsieur Barrett, vous avez six minutes.
    Monsieur Barrett, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Conacher, pour vos remarques et pour cet aperçu.
    Ma première question porte sur l’ajout d’éléments au processus décisionnel du gouvernement, comme les propositions non sollicitées. Ces activités devraient-elles être considérées comme du lobbying? Deuxièmement, pendant votre mandat, comment votre organisation a-t-elle examiné les organismes de bienfaisance ou en a-t-elle parlé en ce qui concerne le lobbying?
    Eh bien, pour répondre à la deuxième partie de la question, je dirai qu'il y a deux ensembles de règles: un pour les lobbyistes-conseils en matière d’armes à feu et l’autre pour les lobbyistes représentant des organisations, c’est-à-dire toute entité enregistrée, y compris tout organisme de bienfaisance. Il faut éliminer les échappatoires pour tout le monde et pour tous les types d’organisations. Si vous les maintenez, elles seront exploitées. Essentiellement, toute personne appelée à communiquer avec le gouvernement dans le cadre d'une décision, devrait être tenue de s'enregistrer comme lobbyiste, qu'elle soit rémunérée ou non, et peu importe le temps qu'elle y consacre.
    Internet est parfait pour cela. Le registre qui permet le suivi des activités de lobbying est très facile à remplir. Pour le moment, dans le cas des communications mensuelles, seules les communications verbales organisées à l’avance doivent être enregistrées dans le registre mensuel. C’est une énorme lacune. Si vous n’êtes pas rémunéré pour faire du lobbying ou que vous travaillez pour une organisation et ne consacrez pas plus de 20 % en lobbying, vous n’avez pas à vous enregistrer. Il est aussi très facile d’organiser un contrat ou de faire du lobbying et d'espacer vos activités dans le temps, de sorte à ne pas dépasser ces seuils. Vous pouvez aussi indiquer dans un contrat que vous serez payé pour des conseils stratégiques, mais pas pour votre action de lobbying, ce qui revient à légaliser le lobbying secret.
    Il faut donc éliminer toutes ces échappatoires. Pas une seule minute de lobbying secret ne devrait être permise. Il est très facile de s’inscrire et tout le monde devrait être tenu de s’inscrire en tout le temps.
    Merci.
    En ce qui concerne le choix d'UNIS par le gouvernement libéral pour administrer la BCBE, vous avez déclaré que certaines règles fondamentales qui protègent la démocratie sont violées dans le cas de ce contrat.
    Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? De quelles règles fondamentales parlez-vous précisément?
    Personnellement... C’est ce que j'estime en ma qualité de cofondateur de Démocratie en surveillance, mais je fais aussi mon doctorat en droit sur la question de la prévention des conflits d’intérêts et, ma formation juridique aidant, je suis d’avis que le premier ministre et le ministre des Finances ont déjà admis avoir enfreint la Loi sur les conflits d’intérêts lorsqu’ils ont dit qu’ils étaient à la dernière réunion du Cabinet qui a approuvé le contrat.
    Je crois qu’ils ont aussi enfreint la loi différemment en intervenant dans le processus avant la réunion du Cabinet ou en demandant à leur personnel de le faire. Il a été confirmé que le personnel du premier ministre et celui du ministre des Finances ont participé au processus. Nous ne connaissons pas encore tous les détails. La divulgation des documents au cours de la fin de semaine nous fournira certains indices, mais il faut voir tout le dossier de communication pour vraiment nous rapprocher de la vérité. Nous n'entendrons probablement pas d’enregistrements d’appels téléphoniques, mais nous devrions au moins savoir qui a appelé qui et quand en ce qui concerne tous ceux qui ont participé au processus, et avoir tous les courriels, tous les textos. Nous sommes, je crois, en présence de deux infractions.
    Ensuite, si un membre du personnel ou le premier ministre ou le ministre des Finances, ou encore un ministre quelconque, a tenté d’influencer le processus, non seulement en y participant, mais aussi en pesant de quelque façon que ce soit pour que le financement soit accordé à l’organisme de bienfaisance UNIS, il s'agirait d'une troisième violation aux termes de l’article 9. Selon cet article, il est illégal d’essayer d’influencer un processus décisionnel pour promouvoir des intérêts personnels — que ce soit les siens propres, ceux de sa famille, ceux d'un ami ou ceux d'un associé — ou de promouvoir indûment les intérêts d’un organisme de bienfaisance, comme ici, en raison de ses liens avec celui-ci.
(1430)
    En ce qui concerne l’article 9, la fonction publique, le personnel qui entourait le ministre et le premier ministre était clairement au courant de la relation entre le premier ministre Trudeau et UNIS.
    Cela étant posé, estimez-vous que les deux parties auraient dû renoncer à l'idée de confier l'administration de ce programme à UNIS?
    Il aurait fallu que la décision ait été entièrement prise par la fonction publique, sans aucune intervention du personnel des ministres, parce que, selon la politique du Conseil du Trésor et les déclarations du gouvernement fédéral, le personnel ministériel agit au nom des ministres. Vous ne pouvez pas vous servir de votre employé comme façade et lui faire faire les choses que vous n’avez pas le droit de faire, pour ensuite prétendre que vous ne le saviez pas.
     Le ministre des Finances Morneau a reconnu avoir demandé à son personnel d'intervenir. Quand la chef de cabinet du premier ministre est intervenue, comme d'autres — selon ce que Katie Telford a déclaré dans son témoignage —, elle a agi au nom des ministres. Dans ce cas, c'est le ministre qui est reconnu coupable parce que son personnel agit en son nom.
    Il y a bien sûr la notion de déni plausible. Il n'est pas rare que les ministres aient recours à cette astuce, bien qu'ils la nient, et que le membre du personnel concerné se fasse prendre à ce jeu et doive démissionner. Dans ce cas-ci, nous savons qu’ils étaient au courant.
     Comme il ne me reste que quelques secondes, voici une question brève.
    Quelle note donneriez-vous au premier ministre Justin Trudeau pour son respect des lois sur l’éthique depuis son élection en 2015?
    En ce qui concerne leur respect des lois en matière d’éthique et de leur promesse d’être un gouvernement transparent, les libéraux méritent un F dans les deux cas. C’est un échec total. Le premier ministre a envoyé une excellente lettre aux ministres dans laquelle il les exhortait à respecter les normes d’éthique les plus élevées qui soient pour résister à « l’examen public le plus minutieux ». C’était en novembre 2015, mais le premier ministre Trudeau n’a pas joint le geste à la parole depuis.
    Merci, monsieur Conacher.
    Madame Shanahan, vous avez six minutes.
     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci de votre venue, monsieur Conacher. J’ai eu l’occasion d’entendre vos témoignages devant d’autres comités également, y compris celui des opérations gouvernementales, et je suis donc bien au courant de votre dévouement et de vos nombreuses années de travail dans ce domaine.
     Je pense que vous êtes au courant de la motion dont nous sommes saisis aujourd’hui et de ce que nous examinons. Je vais vous lire le premier paragraphe, qui dit ceci:
Que, conformément à l’article 108(3)h) du Règlement, le Comité examine les mesures qui sont en place pour éviter et prévenir les conflits d’intérêts dans les politiques du gouvernement fédéral en matière de marchés, de contrats, de subventions, de contribution et autres dépenses.
    À ce sujet, je tiens à souligner, comme vous l’avez mentionné dans votre déclaration liminaire, que nous devons procéder à un examen législatif de la Loi sur les conflits d’intérêts. À cet égard, puisque nous sommes ici, je pense que les remarques que vous nous présentez aujourd’hui sont très pertinentes.
    Pour ceux qui nous regardent et nous écoutent, brièvement, en ce qui concerne la Loi sur les conflits d’intérêts, le Commissariat aux conflits d’intérêts et à l’éthique est investi d'un double mandat. Il est responsable à la fois des titulaires de charge publique et des députés. Dans le cadre de ce mandat, les titulaires de charge publique doivent prodiguer des conseils confidentiels au premier ministre, donner des conseils confidentiels à chaque titulaire de charge publique, examiner les cas de contravention possible à la loi et en faire rapport; et administrer le régime de divulgation.
     En résumé, n’importe quel parlementaire peut demander une enquête et le commissaire lui-même peut mener un tel examen; il ou elle fait rapport du résultat de ces enquêtes au premier ministre, et les rapports sont rendus publics, même si certains types de renseignements doivent demeurer confidentiels.
    Cela m’amène à ma question. Quelles sont vos trois principales recommandations au Comité pour améliorer la Loi sur les conflits d’intérêts? De plus, quels éléments de la loi fonctionnent, à votre avis?
(1435)
    Je dirais, malheureusement, qu’il n’y a pas grand-chose qui fonctionne, même si le nouveau commissaire à l’éthique, Mario Dion, a apporté une amélioration. La précédente commissaire à l’éthique, que vous entendrez plus tard aujourd’hui, Mary Dawson, avait décidé — même si cela n’est pas précisé dans la Loi sur les conflits d’intérêts — que seuls les intérêts financiers et pas les intérêts politiques ou sociaux, peuvent être considérés comme des intérêts privés. Rien dans la loi ne le laisse entendre. En fait, le code des députés dit que seuls les intérêts financiers constituent des intérêts privés, ce qui souligne le fait que le Parlement n’avait pas l’intention de restreindre ce qui ne serait pas précisé dans la Loi sur les conflits d’intérêts.
    Heureusement, Mario Dion, dans sa décision sur le scandale SNC-Lavalin l’été dernier, a renversé cette décision et a dit que les intérêts privés doivent s'entendre des intérêts politiques, sociaux et financiers, et que la définition est très large. C’est donc un pas en avant, mais c’est en quelque sorte un pas arbitraire qui pourrait être renversé par le prochain commissaire. La définition d’intérêts privés, en particulier, devrait être incluse dans la loi. À part cela, je ne pense pas qu’il y ait grand-chose qui fonctionne.
    Vous allez entendre Mary Dawson. Elle a permis à 85 % des personnes dont elle a examiné le dossier de s’en tirer à bon compte, en rendant des décisions secrètes la plupart du temps. Les décisions qui mettent fin à une enquête n’ont pas à être rendues publiques, comme elle a décidé de le faire, par exemple, en bouclant l’enquête sur Nigel Wright et ses conflits d’intérêts financiers. Nous l’avons appris seulement parce qu’une journaliste l’a pourchassée pendant un an jusqu’à ce qu’elle admette enfin qu’elle venait de mettre fin à son enquête. Il n’y a aucune sanction pour les infractions aux règles fondamentales. Même si l'on enfreint les règles administratives de divulgation précise et en temps opportun de ses avoirs et de ses dettes, la pénalité maximale est de 500 $, ce qui n’est pas très dissuasif pour un ministre qui gagne plus de 200 000 $ et pour un premier ministre qui touche plus de 300 000 $.
    Je ne vois pas grand-chose qui fonctionne. Il n’y a pas d’examen quinquennal obligatoire de la loi, mais cela devrait se faire. Un examen de la Loi sur le lobbying par ce comité se fait attendre depuis maintenant trois ans. Les deux lois doivent être examinées de concert et les deux doivent être renforcées de la façon que j’ai décrite. Vous pouvez voir tous les détails dans le...
     Merci, monsieur Conacher. Je veux simplement vérifier le temps qui m’est alloué.
    Monsieur le président, combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste une minute.
    Une minute? Alors, je vais poser ma dernière question.
    La loi précise les fonctions du commissaire à l’éthique. Êtes-vous d’accord pour dire qu’il incombe au commissaire à l’éthique de faire enquête sur toute violation commise par des députés ou des titulaires de charge publique? Autrement dit, est-il approprié que le Comité mène une enquête comme le fait la commissaire à l’éthique?
    Le Parlement est souverain et nous sommes le comité de l’éthique. Je pense qu’un comité partisan, composé de députés partisans, n’est pas la meilleure tribune, parce que les questions ont tendance à être motivées par des visées partisanes plutôt que par les règles et la preuve, mais le Parlement a le droit d'obtenir toute l’information qu’il réclame au gouvernement. Il s’agit de rendre l’information publique.
    Personnellement, et comme Mario Dion a été choisi par le cabinet Trudeau dans le cadre d’un processus secret et malhonnête, je dirais que je ne lui fais pas entièrement confiance pour tout examiner. La décision rendue par un juge est en cours de contestation...
(1440)
    Êtes-vous en train de dire que vous ne faites pas confiance à Mario Dion?
    Madame Shanahan, votre temps est écoulé.
    Nous allons passer à M. Fortin pour six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Conacher.
    Vous avez parlé du financement des partis politiques, de la nécessité d'être prudents et, peut-être, de resserrer les règles fiscales. Dans le processus de prise de décision, il y a eu des conflits d'intérêts. Lorsque MM. Trudeau et Morneau ont comparu devant ce comité, ils ont reconnu qu'ils n'auraient pas dû participer au processus de décision et ils s'en sont excusés.
    Par ailleurs, j'aimerais revenir sur la décision liée à l'attribution d'un contrat aussi important que celui-là. À votre avis, n'était-il pas essentiel de procéder par appel d'offres? Comme cela n'a pas été fait, quelles sont les mesures qui auraient pu être prises pour pallier l'absence d'appel d'offres?
    Je vous remercie de la question.

[Traduction]

    Comme je l’ai dit dans mon témoignage, il y a des échappatoires dans la Loi sur la gestion des finances publiques et dans les règlements connexes qui permettent d’attribuer des contrats à fournisseur unique. Je pense que ce processus a aussi été un échec de la fonction publique. Comme de nombreux experts l’ont souligné, bien d'autres organisations, si on leur en avait vraiment donné la chance, auraient pu soumettre une proposition qui aurait certainement égalé celle d'UNIS pour administrer ce programme. De nombreux organismes ont plus d'envergure qu'UNIS. Comme nous l’avons appris récemment, UNIS ne peut pas exercer au Québec et l'organisme n’y est pas vraiment présent. Alors comment a-t-on pu le choisir pour diriger un programme national? Mais à d’autres égards, d’autres groupes avaient autant d'envergure qu’UNIS.
    Franchement, comme je l’ai souligné, nul ne doit oublier qu'il aurait fallu étendre le programme Emplois d’été Canada et le programme Service jeunesse Canada pour inclure ce programme. C’était la meilleure façon de procéder. Il n’y avait aucune raison de sous-traiter et de gaspiller des dizaines de millions de dollars de fonds publics.

[Français]

    Monsieur Conacher, excusez-moi de vous interrompre, mais mon temps de parole est compté.
    Je comprends ce que vous me dites concernant la nécessité de lancer un appel d'offres. D'autres organismes auraient également pu gérer ce programme.
    Je vais aller droit au but: il ne semble pas y avoir eu de vérification diligente. On a confié cet argent à une nouvelle entité associée à l'organisme UNIS, mais cette entité n'avait aucun actif.
    À votre avis, cette façon de faire était-elle appropriée ou aurait-il fallu établir des balises serrées, comme une vérification diligente et un processus de contrôle, notamment dans le cas d'une entente de contribution?
    Selon Démocratie en surveillance, quels mécanismes auraient pu être mis en place pour pallier l'absence d'appel d'offres?

[Traduction]

     J’ai mentionné dans mon témoignage que le plus important est, selon moi, d'exiger que tout le monde soit tenu de vérifier auprès du vérificateur général avant d’engager des dépenses importantes. Le cas échéant, le vérificateur général pourrait faire une vérification rapide et dire, un instant, vous avez décidé de faire appel à un fournisseur unique, pouvez-vous vraiment prouver qu’une de ces énormes échappatoires, qui devraient être éliminées, s’applique?
    Par exemple, il est possible d'attribuer un contrat à fournisseur unique si cela va dans l’intérêt public. Qui en décide? L’exercice du pouvoir discrétionnaire qui consiste à définir ce qui est dans « l’intérêt public » est la porte ouverte à de tels abus. Dans le cas d'UNIS, il fallait que la fonction publique établisse, avec possibilité de subir une influence politique, qu'UNIS était le seul organisme apte à administrer le service ou à fournir le produit demandé.
    Il faut limiter ces échappatoires et chaque institution gouvernementale devrait vérifier auprès du vérificateur général si elle respecte les règles avant d'entamer un quelconque processus. Le vérificateur général pourrait alors y mettre fin, au lieu de déclarer cinq ans plus tard que toutes les règles ont été enfreintes. Je pense que c’est la meilleure façon de procéder. Nous avons un chien de garde. Donnez-lui le pouvoir de bloquer des dépenses et de corriger une situation avant qu’il ne soit trop tard.
(1445)

[Français]

     Monsieur Conacher, que devrait inclure une vérification diligente qui est faite avant l'attribution d'un contrat comme celui-là? Devrait-elle inclure une vérification comptable des finances de l'organisme, une vérification d'ordre juridique et une vérification des statuts?
    Jusqu'où aurait-on dû aller dans la vérification de la We Charity Foundation avant de conclure ce contrat?

[Traduction]

    Compte tenu de la somme... L’une des échappatoires se présente dans le cas des contrats de moins de 25 000 $ et on peut comprendre pourquoi. Il s’agit d’une petite somme, et certaines mesures de protection ne sont peut-être pas nécessaires. Cependant, encore une fois, je pense que vous devriez tout simplement interdire le fractionnement d'un marché en tranches inférieures à 25 000 $ et imposer des pénalités élevées en cas d'infraction à cette règle.
    Sinon, il est vrai que la diligence raisonnable impose qu'on s'assure que l’organisme ait une bonne feuille de route. C'est, par exemple, ce qui est exigé d'une entité voulant ouvrir une banque au Canada. Il faut alors examiner les rapports annuels, vérifier certaines choses et s’assurer que l’argent aille à une organisation qui a une bonne feuille de route, plutôt qu'à une organisation fictive qui serait un prête-nom. Ce sont des étapes simples et fondamentales, et je pense que la fonction publique a aussi manqué à son devoir de diligence raisonnable dans ce cas, peut-être en raison des liens de la personne clé, Mme Wernick, avec l’organisme de bienfaisance UNIS, étant donné qu’elle avait déjà travaillé pour UNIS et qu'elle a approuvé des subventions pour cet organisme.
    Monsieur Conacher, votre temps est écoulé. Merci.

[Français]

    Madame la présidente, au Comité permanent des finances, on nous accorde un peu plus de temps quand nous interrogeons les témoins en français, pas parce que les interprètes ne font pas un bon travail, mais parce qu'il y a toujours des délais supplémentaires. Je ne sais pas si vous avez l'intention d'appliquer cette façon de faire au Comité permanent de l'accès à l'information, de la protection des renseignements personnels et de l'éthique, mais je vous suggère de nous laisser 30 secondes de plus, parce qu'il y a souvent beaucoup de pertes de temps à cause de l'interprétation. Si vous m'en laissez l'occasion, j'aimerais poser une dernière question au témoin.

[Traduction]

    Je vais vous donner l’occasion de poser une dernière question. Soyez bref, s’il vous plaît.

[Français]

    Monsieur Conacher, en tant qu'avocat qui travaille dans le domaine de la responsabilité gouvernementale, avez-vous déjà vu des situations où un gouvernement confie un contrat de 43,5 millions de dollars pour gérer un programme de 900 millions de dollars sans lancer aucun appel d'offres ni faire aucune vérification diligente au préalable?
    Avez-vous déjà vu cela?

[Traduction]

    Non, je n’ai pas vu cela depuis 1993, année où Démocratie en surveillance a vu le jour.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous allons donc passer à M. Green, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je me réjouis de la présence de ce témoin. En tant que nouvel élu, je suis fasciné par le contexte historique de la Loi sur les conflits d’intérêts, ainsi que par les nombreuses violations bien documentées dont elle fait l'objet. Nous avons le « Rapport Trudeau ». Le témoin nous a donné quelques exemples, mais je me demande s'il a des commentaires à faire sur les recommandations du « Rapport Trudeau » qui fait état de toute une série d’infractions commises par le passé. Que pourriez-vous nous dire de ces recommandations et de ce à quoi nous n’avons pas encore donné suite?
     Parlez-vous du « Rapport Trudeau II » qui concerne le scandale de SNC-Lavalin ou du « Rapport Trudeau » qui concerne l'affaire Aga Khan?
    Vous pouvez parler de l’un comme de l’autre. Je songeais en fait au Rapport Trudeau, surtout à ce qu'il disait de l’Aga Khan, des vacances, des voyages, etc. Quels enseignements a-t-on pu en tirer?
    Le principal, c’est qu’il y a une échappatoire dans la règle sur les cadeaux applicable aux ministres: si le cadeau vient d’un ami ou d’un membre de la famille, il est légal. L’ancienne commissaire à l’éthique, Mary Dawson, a interprété cette règle... d’une certaine façon, en tenant compte de l’objet de la loi, ce qu’elle n’a malheureusement pas fait dans beaucoup d’autres cas pour prévenir les conflits d’intérêts. Dans ce cas, elle a retenu l'interprétation suivante: même s'il s'agit d'un ami, le cadeau est interdit si l'ami est un lobbyiste ou traite avec le gouvernement. Mais, au sens strict, la loi dit toujours que, si c'est un ami, le cadeau est légal. Si le premier ministre Trudeau avait réussi à prouver que l’Aga Khan était en fait son ami personnel plutôt qu’un vieil ami de la famille, il aurait peut-être été innocenté par un commissaire autre que Mary Dawson à ce moment-là. Celle-ci a conclu: désolée, même si c’était un ami, la règle doit s'appliquer, étant donné l'objet de la loi.
    Comme elle l’a recommandé, les cadeaux devraient tout simplement être interdits. Les membres de la famille peuvent donner des cadeaux d’anniversaire et des cadeaux de Noël, mais, cela mis à part, les cadeaux devraient être carrément interdits.
(1450)
    Bien sûr. Je tiens également à affirmer publiquement que, à mon sens, une certaine confusion règne au sujet de la relation entre la famille Trudeau et les Kielburger. L’un d’eux a dit qu’ils étaient amis et l'autre a dit le contraire. À dire vrai, c’était un peu gênant.
    La notion de déni plausible semble proposer un moyen de contourner la loi telle qu’elle est appliquée. Voici le paragraphe 6(1):
Il est interdit à tout titulaire de charge publique de prendre une décision ou de participer à la prise d’une décision dans l’exercice de sa charge s’il sait ou devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d’intérêts.
    Le déni plausible revient à plaider l'ignorance. Que jugez-vous raisonnable? Soyez bref, s’il vous plaît, car il ne me reste que trois minutes.
    Si votre personnel agit en votre nom... Si des hauts fonctionnaires du gouvernement, nommés par le Cabinet, ce qui, malheureusement, rend le niveau supérieur de la fonction publique partisan, puisqu'ils restent en poste au gré du Cabinet, si ces gens, dis-je, agissent en votre nom, la défense de déni plausible ne devrait pas être autorisée à moins que vous ne puissiez vraiment prouver qu’ils ont agi à leur propre guise.
    C’est l'élément crucial. Cela se rattache à la notion de responsabilité ministérielle. Le code du premier ministre et celui du Conseil du Trésor disposent que le personnel agit au nom des ministres et n’a pas le pouvoir d’agir autrement.
    Merci.
    D'où ma prochaine question. Il s’agit de la déclaration des cadeaux. Vous avez dit, à juste titre selon moi, que les pénalités imposées pour ces infractions sont minimes, vu la capacité de payer des personnes en cause. En fait, certains ont même avancé que plus on est riche, moins on est susceptible d’être influencé ou corrompu, que 40 000 $, ce n'est rien pour qui peut faire un chèque et escamoter le problème.
    Que pensez-vous de la déclaration de cadeaux de plus de 200 $ aux termes de l’article 23 par opposition à la disposition anti-évitement de l’article 18, qui interdit clairement les activités visant à se soustraire à l’esprit de la loi, essentiellement, ou aux obligations qu'elle prévoit?
    Tout d’abord, comme je l’ai signalé, le fonctionnaire du plus bas niveau qui soit risque le congédiement s’il participe à une décision, même d'application générale, quand il y a ne fût-ce qu'une apparence de conflit d’intérêts. Or, 99 % des décisions des ministres sont d'application générale, puisqu'elles visent habituellement à faire modifier des lois. Ce n’est que pour l'embauche de personnel ou l'impartition qu'il s'agit d'une décision précise qui tombe sous le coup de la loi.
    On pourrait et devrait songer à une échelle mobile de pénalités. Celles-ci devraient augmenter avec la rémunération.
    Ou même si la rémunération n'augmente pas. Il ressort clairement de vos mémoires que ceux qui ont une fiducie sans droit de regard demandent essentiellement au public de leur faire aveuglément confiance, de croire que leurs décisions portant sur leur propre patrimoine personnel seront gérées d’une autre façon. Croyez-vous que le fait même de faire un chèque de 40 000 $ contrevient à l’article anti-évitement, l’article 18 de la Loi sur les conflits d’intérêts?
     Dans ce cas particulier, il est possible que le ministre Morneau ait pensé qu’il avait payé tout le voyage, les deux voyages de sa famille, et que sa famille avait payé l'intégralité du montant, puisqu'elle avait versé 52 000 $. Mais j'ajouterai foi à cette thèse seulement lorsque j’aurai vu tout le dossier des communications entre UNIS et chacun des membres de la famille.
     Si UNIS a dit à un moment ou l'autre que le voyage était en partie gratuit, alors le ministre Morneau était au courant, et cela soulève des questions non seulement de manquement à l’éthique parce qu’il a accepté ce cadeau... Mais comme vous le dites, le fait d’essayer de payer juste avant de témoigner irait à l'encontre de cette disposition anti-évitement, à mon avis, et cela soulève des questions d’abus de confiance. Du reste, Démocratie en surveillance a déposé des plaintes en ce sens auprès de la GRC. Vu le type de relation et les règles d’éthique, que le ministre Morneau connaissait, puisqu'il a été reconnu coupable de les avoir violées et qu’il a fait l’objet d’une enquête pour ce manquement, le fait de continuer à participer au processus et de demander à son personnel de faire de même soulève ces questions.
(1455)
    Monsieur Conacher, je dois vous interrompre.
     Merci.
    Nous allons passer aux questions de cinq minutes.
    Pour commencer, M. Gourde.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie d'être présent aujourd'hui, monsieur Conacher.
    Présentement au Canada, l'éthique — tout ce qui concerne les conflits d'intérêts apparents ou les conflits d'intérêts chez les députés, les ministres, voire le premier ministre — est très malmenée. En tant que Canadiens, nous cherchons des balises. Or, elles sont très lointaines ou inexistantes.
    Je vais vous raconter une courte histoire liée à l'éthique. Il y a 50 ans, dans ma petite municipalité, le marchand général est devenu maire. Il a vendu une brouette à la municipalité et a perdu son poste de maire à cause d'un montant de 3,25 $. Voilà ce qu'on appelle avoir de l'éthique. Or aujourd'hui, on accorde des contrats de 40 ou 50 millions de dollars. On parle d'une apparence de conflit d'intérêts. Le mot « apparence » est vraiment très important, parce que, ce que nous voyons ici, c'est une version 2,0 du scandale des commandites.
    Si notre gouvernement peut avoir des retours d'ascenseur directs ou indirects par des membres de la famille, qu'est-ce que cela dénote, selon vous qui êtes un observateur privilégié de l'éthique depuis si longtemps? Où le Canada s'en va-t-il, maintenant, dans une telle situation?

[Traduction]

    Malheureusement, les choses ne s’améliorent pas. J’ai comparu 15 fois devant le Comité, et devant d’autres comités également, pour parler de questions connexes, comme la protection des dénonciateurs. Les conservateurs de M. Harper ont apporté des modifications, mais dans la Loi sur les conflits d’intérêts, plus précisément, on a éliminé la règle qui exigeait de l’honnêteté et maintenu cette imposture qu'est la fiducie sans droit de regard, qui n’est aucunement sans droit de regard, car celui qui la crée sait ce qu’il y met, choisit le fiduciaire et peut même donner des instructions. La communication des faits ne s'est pas vraiment améliorée, de sorte que les décisions et les actions malhonnêtes, contraires à l’éthique, secrètes, non déclarées et menant au gaspillage sont toujours légales, et donc encouragées, d'autant plus que les pénalités sont minimes. Autrement dit, tout ce que Karlheinz Schreiber a fait à l'égard de Brian Mulroney reste légal au niveau fédéral au Canada. C'est dire à quel point la situation est grave.
     J’espère que les choses changeront bientôt. C’est pourquoi j’encourage le Comité à prendre conscience du fait que c'est le régime qui est scandaleux et à rédiger un projet de loi pour le présenter à la Chambre. Les projets de loi d’initiative parlementaire ont de bien meilleures chances d’être adoptés lorsque le gouvernement est minoritaire.
     Mobilisez vos collègues. Même si les dirigeants des partis résistent et essaient de maintenir le régime actuel, non démocratique, contraire à l’éthique et corrompu, il est à espérer qu’une masse critique de députés sauront répondre: « Non, nous allons enfin faire le ménage, en partie pour ne pas être reconnus coupables par association avec ceux qui sont là pour servir leurs propres intérêts et les intérêts de ceux qui leur ont fait des faveurs, plutôt que pour servir l’intérêt public. »

[Français]

    Vous avez vraiment exprimé ce que perçoivent les Canadiens à l'égard de leur gouvernement et du système. Vous avez parlé du système corrompu, non éthique, qui existe à l'heure actuelle au Canada. J'ai peur quand je vois l'héritage qui est transmis présentement. Si l'exemple vient d'en haut, les Canadiens vont peut-être mettre l'éthique de côté, de façon générale.
    Dans une démocratie, surtout dans la nôtre, l'éthique est une valeur morale. C'est vraiment très important. Peu importe les programmes qui sont mis en œuvre et le soutien que l'on veut offrir aux Canadiens, si tous les gens peuvent faire une demande d'aide même s'ils n'en ont pas besoin ou tricher un peu pour en obtenir davantage, quelqu'un, quelque part, va devoir tôt ou tard payer la note et celle-ci va devenir très lourde pour la société canadienne.
    Pensez-vous que nous pouvons nous en sortir?

[Traduction]

     Nous le pouvons. Nous pouvons certainement modifier les règles d’abord, rendre les pénalités plus sévères et resserrer l'application. On peut espérer que, à elles trois, ces mesures feront évoluer la culture et feront fuir, grâce à la transparence, ceux qui sont en politique fédérale pour les mauvaises raisons, qu'il s'agisse de politiques, de fonctionnaires, de personnes nommées, de lobbyistes ou de membres du personnel politique.
    Comme le premier ministre Trudeau l’a précisé dans son programme électoral de 2015, le soleil est le meilleur désinfectant au monde. Nous avons donc besoin de la transparence promise par les libéraux. Nous devons éliminer toutes les échappatoires. Comme Jean Chrétien l’a dit en 1993 dans le chapitre du livre rouge des libéraux consacré à la façon de gouverner avec intégrité, pour que le gouvernement soit une force du bien dans la société, il doit agir avec intégrité. Il avait raison. Les niveaux de confiance d'aujourd'hui et des cinq dernières années sont généralement d’environ 10 %. Seulement 10 % des électeurs font confiance aux hommes et femmes politiques.
    Heureusement, les électeurs indécis se soucient de ces questions et c'est d'eux que dépend l'issue des élections. Tous les partis qui ont présenté un programme solide et ont fait de cette question un point central de leur programme au cours des 25 dernières années, à chaque élection au Canada, aux niveaux fédéral et provincial, un programme visant à assainir la politique par de multiples moyens...
(1500)
    Monsieur Conacher, merci.
    ... ont obtenu plus de sièges ou ont remporté les élections. Les électeurs indécis se soucient de la question et c’est une bonne chose qu’ils continuent de s’en soucier.
    Merci, monsieur Conacher.
    Je vais passer à Mme Brière, puis à Mme Zahid.
    Vous avez cinq minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Conacher. Je vous remercie de votre présence. Je vous remercie également de répondre à nos questions et de nous faire part de vos réflexions et de vos commentaires.
    Je remercie la fonction publique de tout ce qu'elle fait au cours de la crise que nous vivons actuellement. Nous avons entendu des hauts fonctionnaires dire qu'ils ne croyaient pas être en mesure d'administrer la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant. Mettons de côté la décision de recommander l'organisme UNIS. N'avez-vous pas confiance en notre fonction publique, en sa capacité à déterminer ce qu'elle peut, pourrait ou devrait faire, particulièrement pendant une crise comme celle que nous traversons, alors qu'elle a déjà repoussé les limites et qu'elle est déjà à bout de souffle? Plusieurs programmes ont été établis et mis en place pendant la crise.

[Traduction]

    Je dirai d’abord que le dirigeant du plus grand syndicat du secteur public a déclaré que la fonction publique aurait pu se charger de ce travail, et il a sans doute des contacts avec des haut placés pour pouvoir vérifier ses affirmations avant de les faire.
    Deuxièmement, des milliers de demandes étaient déjà à l'étude à Service jeunesse Canada et à Emplois d’été Canada. Il est plus facile de simplement donner de l'ampleur à des programmes existants et de continuer à étudier les demandes. Nous connaissons maintenant certains des détails de ce qu'UNIS a dû faire pour essayer de lancer et de mettre en œuvre ce programme. Même s'il faut faire appel à l'extérieur parce qu'il y a urgence... Des règles de la Loi sur la gestion des finances publiques permettent de lancer un appel d’offres de seulement 10 jours.
     Si le temps presse et s'il faut agir très rapidement — même si je ne suis pas d'avis qu'il fallait faire aussi vite que tout le monde le prétend —, la règle des 10 jours aurait pu servir. Certains des 20 groupes qui, censément, ont été examinés, mais dont la plupart n’ont jamais été contactés, auraient présenté une proposition, j’en suis sûr, s’ils avaient su qu’ils recevraient 33 millions de dollars pour l’administrer. Ils n’auraient peut-être pas eu la capacité interne sans l'apport de ces 33 millions de dollars, tout comme UNIS ne l’avait pas, mais s’ils avaient su qu'il y avait 33 millions de dollars à la clé, je suis prêt à parier qu'il y aurait eu au moins une demi-douzaine de propositions d'entités comme le Club des garçons et filles et Centraide et la concurrence aurait pu jouer.
    Il n’y avait donc aucune raison d’enfreindre les règles. Il n’y a aucune raison d’enfreindre les règles de quelque manière pendant cette crise, compte tenu notamment du fait que le Parlement ne fonctionne pas à plein régime pour examiner l'action du gouvernement et en exiger des comptes. Il faut agir plus rapidement, mais, dans cette situation, il n'est aucunement nécessaire de jeter toutes les règles par-dessus bord et de s'y soustraire.

[Français]

    Est-ce que vous avez confiance en notre fonction publique?

[Traduction]

    Je ne peux pas répondre à une question aussi générale. Il y a dans la fonction publique des centaines de milliers de personnes, et j’ai vu beaucoup de scandales. Nous n’avons pas de système de protection des dénonciateurs qui puisse protéger les autres, ceux, nombreux, qui veulent signaler des actes répréhensibles. En somme, je ne peux pas me prononcer.
    Dans ce cas-ci, cependant, nous savons que Mme Wernick a depuis quelques années des liens avec UNIS. Ces liens... Comme je l’ai dit, les lobbyistes font des petits cadeaux et cherchent à établir des relations, et ils ont une bonne raison de le faire: des psychologues cliniciens ont prouvé que cela influence les relations et les décisions. C’est en partie ce qui s’est produit ici. Il y avait une solution de rechange facile, ce que Mme Wernick savait, et ce que le Cabinet savait pertinemment aussi. Mais leurs œillères ont fait qu'ils n'ont pas suivi les règles.
    Les règles sont là pour empêcher les gens d’avoir une vision bornée et de promouvoir leurs intérêts personnels, les intérêts privés des organismes de bienfaisance préférés de leur famille ou ceux d’un organisme favori avec lequel ils ont travaillé. Les règles sont là pour protéger l’argent du contribuable, et c’est pourquoi il faut les renforcer. Il faut éliminer les échappatoires et mettre en place des mesures d’application et des pénalités, car il n’y a pour l'instant aucune conséquence pour quiconque viole les règles qui régissent les dépenses, si ce n’est peut-être que, cinq ans plus tard, le vérificateur général écrira dans son rapport que tel ou tel a enfreint les règles. Pourquoi suivre une règle s’il n’y a pas de sanction?
(1505)
    Merci.
    Je partage mon temps de parole avec ma collègue.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de comparaître devant le Comité, monsieur Conacher.
    Voici ma question: où traceriez-vous la limite en ce qui concerne la participation d’un membre de la famille à des activités caritatives ou professionnelles? Il pourrait y avoir une incidence sur le processus décisionnel d’un député au Cabinet.
    Avez-vous une opinion? Où faudrait-il tracer la ligne? Qui devrait être considéré comme membre de la famille? Quelle est l'extension de la notion de famille?
    Il vous reste 30 secondes.
    Il faudrait appliquer la règle de la Loi sur les conflits d’intérêts, qui ne vise pas seulement les membres de la famille immédiate, mais aussi les membres de la famille élargie. Il était tout à fait normal, par exemple, que la commissaire à l’éthique déclare le ministre LeBlanc coupable parce qu'une des soumissions pour un contrat qu’il a approuvé venait d’un cousin.
    Il faut simplement être conscient de ces choses. Chaque ministre, ainsi que tous les membres de son personnel, devrait avoir une liste de ses intérêts, des membres de sa famille et des entreprises et autres organisations auxquelles ils sont associés. Ils devraient vérifier cette liste, et le faire deux fois plutôt qu'une, pour s’assurer de ne pas intervenir lorsqu’ils n’ont pas le droit de le faire.
    Merci, monsieur Conacher.
    Monsieur Kurek, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur Conacher. Merci de vous être joint à nous. J’ai suivi une grande partie de votre travail, puisque je m'intéresse à la politique depuis un certain nombre d'années, et je continue de le suivre, maintenant que j'ai l’honneur de siéger au Parlement.
    Je suis troublé par le processus décisionnel et l'enchaînement des faits qui ont suivi: le conflit d'intérêts ou l'apparence de conflit, la mise à l'écart de la fonction publique et la déformation des faits — pour ne pas dire bien pire, car d'autres mots viennent à l'esprit pour décrire le comportement du premier ministre et d’autres personnes, lorsqu'ils ont été appelés à répondre aux questions sur cette affaire.
    Que pensez-vous du processus décisionnel qui a abouti à ce résultat? Quels changements préconisez-vous, premièrement pour faire toute la lumière sur les incidents comme ceux-là et, deuxièmement, pour éviter que cela ne se reproduise? On a exploité le contribuable et il y a eu abus de confiance. Cela nuit vraiment à la confiance que les Canadiens doivent avoir dans leurs institutions publiques.
    Une chose a été passée sous silence: la notion de filtres anti-conflits d’intérêts, qui a fait les manchettes au sujet de la chef de cabinet du premier ministre au cours du week-end. Ces filtres sont l'œuvre de la commissaire à l’éthique Mary Dawson. Ils ne sont pas autorisés par la loi. Démocratie en surveillance les a contestés devant les tribunaux. Malheureusement, la Cour d’appel fédérale a dit que c’était un moyen d’application raisonnable.
    Ce n’est vraiment pas le cas. Quiconque a un filtre et est ministre... alors son personnel, qui est à son service selon son bon gré, est censé appliquer ce filtre et lui dire quoi faire, lui dire de ne pas aller à certaines réunions ou de ne pas participer à des appels téléphoniques ou à quoi que ce soit d’autre lorsqu’il y a un conflit. Ensuite, il apprend quelle décision a été prise ou quelle réunion se déroule parce qu’on lui dit qu’il ne peut pas y aller et pourquoi. Qui peut l'empêcher d’intervenir ou de dire à son personnel: « Merci beaucoup de votre aide, mais vous êtes à mon service tant que cela me plaît, et si vous voulez garder votre emploi, vous allez vous taire »?
    La loi exige la récusation. La récusation doit être déclarée publiquement, avec ses motifs, dans les 60 jours. Les filtres devraient être interdits. Ce serait un progrès, et l'application d'un système de récusation le serait aussi, comme l’ancien commissaire à l’éthique Bernard Shapiro l’avait recommandé en 2006, car il constatait que l'utilisation des filtres faisait surgir de nombreux problèmes.
    C’est un élément clé, mais il y en a un autre. Comme je l'ai dit, lorsqu'il s'agit de lancer un processus de dépenses, il devrait y avoir une vérification de conformité avec le vérificateur général dès le départ. Celui-ci pourrait signaler beaucoup de difficultés très tôt. Sans pouvoir s'appliquer à tous les processus décisionnels, cette démarche renforcerait les règles, éliminerait les échappatoires, renforcerait l’application de la loi et les pénalités, et tout le monde serait beaucoup plus porté à suivre les règles, puisque le risque de se faire prendre et d’être sanctionné serait bien plus important que maintenant. Le système actuel est un scandale. C’est une sinistre blague. Pas étonnant, par conséquent, qu'il y ait des comportements scandaleux.
(1510)
    Merci beaucoup.
    Pourriez-vous nous donner quelques exemples de pénalités qui conviendraient, selon vous, en cas de violation de la Loi sur les conflits d’intérêts une première fois, une deuxième fois, voire une troisième fois? Qu'auriez-vous à dire des pénalités qui pourraient s'imposer?
    Bien des gens comprennent mal la loi. Ils disent: « Un instant, ils n’ont rien fait pour aider qui que ce soit. » Non, la loi est justement là pour empêcher ce comportement. Si on donne un coup de pouce à quelqu’un, il y a abus de confiance. Si, en contrepartie, ce quelqu'un accorde une faveur ou un avantage, c'est la disposition du Code criminel contre la corruption qui s'applique.
    La loi est un dispositif civil et non pénal dont le but est d’empêcher que ces choses-là ne se produisent. La Cour suprême du Canada a statué que ce dispositif est essentiel. S'il n'est pas appliqué avec rigueur et fermeté, il n'y a pas de démocratie. Il vient au deuxième rang, derrière le Code criminel, comme moyen de maintenir l’intégrité du gouvernement. Les pénalités devraient donc être très lourdes. Le commissaire devrait être tenu d'imposer une pénalité minimum d'un an de salaire en cas d'infraction à ces règles essentielles prévues dans la loi. Tous sont censés être dignes de la confiance du public. Celui qui viole la loi trahit la confiance du public. La pénalité devrait être très sévère.
    Voici ma dernière question. Pendant la campagne électorale de 2015, le premier ministre a beaucoup parlé des voies ensoleillées, de la transparence et de toutes ces choses-là. Quelques mesures, comme la publication des lettres de mandat, ont manifesté une volonté de bien faire. Y a-t-il eu des changements de fond ces dernières années, depuis que le gouvernement actuel a pris le pouvoir en 2015, mis à part ces mesures ostentatoires visant à donner l'impression de transparence?
    Il vous reste 20 secondes.
    L’application de la Loi sur l’accès à l’information a été renforcée, car le commissaire à l’information peut ordonner la communication de documents, mais en 2015, les libéraux n’ont promis aucun changement pour renforcer les règles d’éthique, les règles régissant le lobbying ou la protection des dénonciateurs, et, depuis, ils n'ont pas donné suite aux recommandations que des comités ont formulées à cet égard.
    C’est à peu près tout. C’est pourquoi le gouvernement ne mérite pas la note de passage en ce qui concerne l’éthique et la transparence.
    Merci, monsieur Conacher.
    Monsieur Dong, vous avez cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à vous remercier, monsieur Conacher, de votre présence et de votre exposé, que j’ai écouté très attentivement. J’ai deux ou trois choses à dire.
    Premièrement, que pensez-vous du commissaire en poste, M. Dion? Fait-il du bon travail en ce moment?
     Le commissaire Dion a un bilan contrasté. Sa décision au sujet de SNC-Lavalin, comme je l’ai dit, était bonne en ce sens qu’il a renversé une très mauvaise décision que la commissaire à l’éthique Mary Dawson a rendue en tout début de mandat, selon laquelle les intérêts personnels, au sens de la Loi sur les conflits d’intérêts, n’englobaient pas les intérêts politiques, sociaux ou autres, en dehors des intérêts financiers. Elle a ainsi créé une énorme échappatoire qui a eu pour effet de vider la loi de sa substance encore plus qu’auparavant. La loi ne s’appliquait déjà pas à 99 % des décisions, et voici qu'elle ne s’appliquait plus à 99 % des intérêts. On devrait plutôt parler de « loi sur la quasi-impossibilité d'être en conflit d’intérêts ». La réinterprétation proposée par le commissaire Dion a éliminé une des échappatoires.
    Par contre, dans cette décision, il a innocenté huit autres personnes qui ont fait exactement la même chose que le premier ministre, c’est-à-dire exercer des pressions sur la procureure générale pour qu’elle arrête les poursuites contre SNC-Lavalin. Selon lui, elles ne pouvaient pas être reconnues coupables, n'étant pas premier ministre et ne pouvant donc pas influencer la procureure générale. C’est une très mauvaise décision que Démocratie en surveillance conteste actuellement devant la Cour d’appel fédérale.
    Désolé, je ne voulais pas vous interrompre.
    Voilà qui me plaît. Vous avez également fait remarquer que le commissaire avait été nommé par le gouvernement actuel. On peut donc avoir l'impression que le processus a été faussé. Je veux simplement m’assurer de bien comprendre votre point de vue.
    Vous avez également dit dans votre exposé que tous les députés devraient être soumis à un examen ou peut-être à une vérification par le commissaire, qui pourrait voir d'où viennent leurs dons ou qui les a aidés pendant leur campagne. Je cherche à comprendre un peu mieux. Pour l'instant, aucun don d’entreprise n’est permis. Seuls les particuliers peuvent faire des dons. Dans ma circonscription, si ma politique plaît à un groupe communautaire, si ce que j'ai fait ou mon orientation au niveau local lui conviennent et que ses membres décident de m'appuyer au cours d'une campagne électorale, y aurait-il conflit d'intérêts, à votre avis? Peut-être qu’ils m’aident ou qu’ils influencent ma politique. Ou alors l'inverse? Qu’en pensez-vous?
(1515)
    Un mot à propos de la sélection du commissaire à l’éthique et du commissaire au lobbying également. La Cour d’appel fédérale a statué que le Cabinet Trudeau avait un parti pris lorsqu’il a choisi ces deux commissaires, mais ce parti pris est malheureusement permis par l'arrêt de la Cour suprême du Canada. Cinq provinces ont un système plus indépendant pour choisir leurs gardiens de l'éthique, et le gouvernement fédéral devrait suivre leur exemple en optant pour un comité multipartite ou une commission indépendante qui se réunit pour...
    Oui, je veux simplement rappeler ma question. Si j’ai posé ma dernière question, c’est que, si nous mettons en œuvre tout ce que vous avez proposé aujourd’hui, je me demande dans quelle mesure il sera possible pour des particuliers ou des militants locaux de se présenter à des élections dans l'espoir de se faire élire.
    C’est tout à fait possible, mais s’ils vous ont apporté une aide appréciable, ils n’auraient pas le droit de faire du lobbying auprès de vous. Il y a une autre façon de s'y prendre: s'ils ont des liens de cet ordre et font des démarches auprès de vous, vous devriez vous récuser à cause des faveurs qu’ils vous ont accordées.
    Ce critère figure déjà dans la Loi sur le lobbying et dans le Code de déontologie des lobbyistes. Si vous avez aidé quelqu’un de façon importante, vous ne pouvez pas faire de lobbying auprès de lui pendant quatre ans.
    Mon temps de parole est limité, mais je vous remercie de cette précision.
    Que pensez-vous d’un comité parlementaire, formé de députés partisans, qui exigerait les documents financiers de particuliers ou d'entités privées? Pensez-vous que l'objectif visé serait mieux servi si c'était le commissaire chargé de l'enquête qui intervenait?
    Il vous reste 30 secondes.
    Le Parlement a le droit de demander de l'information au gouvernement et aux simples citoyens. Selon un vieux dicton, il faut suivre la piste de l'argent. Il y a une piste à suivre dans le cas qui nous intéresse, et il faut la suivre parce qu’elle peut révéler une partie de l’histoire. Il faut que tout le dossier des communications et des opérations soit connu si nous voulons nous rapprocher vraiment de la vérité.
    Merci.
    J’ai une dernière question à poser.
    Monsieur Dong.
    Je veux simplement rendre la monnaie de la pièce. Quelle est votre évaluation du gouvernement du premier ministre Harper?
    Monsieur Dong, votre temps de parole est écoulé. Merci.
    Accepteriez-vous que le témoin réponde, madame la présidente?
    Avec plaisir.
    D’accord, j’ai terminé. Merci.
    Vous avez cinq secondes.
    Dans le bulletin final que Démocratie en surveillance a décerné aux conservateurs, en 2014, elle leur a donné un F pour leur bilan en matière de responsabilité gouvernementale et de démocratisation, essentiellement parce qu’ils n’ont pas tenu plus de la moitié des promesses faites en 2006 dans la Loi fédérale sur la responsabilité et qu'ils nous ont fait énormément reculer en sapant les règles d’éthique sur plusieurs points importants.
     Merci, monsieur Conacher.
    Il s’avère qu'il n'est pas possible de faire mieux.
    Des députés: Oh, oh!
    Nous passons donc à notre dernier tour. Nous avons le Bloc et le NPD, qui auront chacun droit à une question de deux minutes et demie. M. Fortin d'abord.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur Conacher, les processus de bonne gouvernance n'ont manifestement pas été rigoureusement respectés dans cette affaire. Les conséquences sont importantes. Jusqu'à maintenant, ce qu'on a eu comme correction, si je peux dire, c'est que M. Morneau et M. Trudeau se sont excusés d'avoir participé au processus de décision.
    Jugez-vous ces excuses suffisantes et que cela permet de passer l'éponge sur l'attribution du contrat sans appel d'offres et sur la décision prise par M. Morneau et M. Trudeau, alors que leurs familles étaient impliquées de près dans les activités de l'organisme UNIS?

[Traduction]

    Non, parce que, tout d’abord, les excuses ont porté seulement sur le fait qu'ils ne se sont pas récusés à la dernière réunion du Cabinet. Ni l’un ni l’autre n’ont présenté d’excuses pour avoir fait intervenir leur personnel tout au long du processus, auquel il a participé et — nous pourrons le dire une fois que nous aurons vu le dossier complet des communications — qu'il a peut-être tenté d’influencer le processus et de l'infléchir en faveur d'UNIS.
    Deuxièmement, les excuses, comme dans d’autres domaines de l’application de la loi, peuvent influencer la peine ou la sanction sans pour autant absoudre le comportement. Elles peuvent simplement atténuer la pénalité, en fonction de l'empressement à les présenter et des remords exprimés.
    Ces excuses sont loin de suffire. C'est pourquoi la loi doit prévoir des sanctions très lourdes, de façon que les coupables aient de toute façon un prix à payer.
(1520)

[Français]

    Je comprends qu'une augmentation des pénalités financières pourrait avoir un effet dissuasif.
     Or, tantôt, à la question posée par mon collègue du Parti conservateur sur l'effet de cette violation des règles d'éthique par le premier ministre et le ministre des Finances, on répondait que l'exemple venait de haut. Plusieurs députés demandent que M. Morneau et M. Trudeau quittent leur siège de ministre des Finances et de premier ministre. On demande à tout le moins qu'ils renoncent à leurs fonctions, sans, nécessairement, démissionner en tant que députés. Quelqu'un d'autre doit prendre la relève jusqu'à ce qu'on ait un rapport final du commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique.
    Jugez-vous ces démissions nécessaires et pertinentes ou est-ce que cela va trop loin?

[Traduction]

    Il vous reste 20 secondes.
    Elles sont pertinentes, mais je préfère attendre la fin de l’enquête. Le fait de ne pas se récuser à la dernière réunion du Cabinet n’est pas une violation aussi grave, s’il est vrai que la fonction publique a elle-même recommandé qu'UNIS reçoive les fonds. Toutefois, il est beaucoup plus grave d’avoir participé au processus et peut-être de l’avoir influencé, car il y a peut-être des questions d’abus de confiance, et c’est pourquoi Démocratie en surveillance a saisi la GRC. Selon moi, des infractions de cette nature justifient une démission.
    Merci, monsieur Conacher.
    Nous allons passer à M. Green pour la dernière question.
    Merci.
    On a dit tout à l’heure que le ministre avait peut-être oublié qu’il n’avait pas payé ces 40 000 $, ce qui soulève la question de la compétence, surtout dans le cas d’un ministre des Finances. C’est un oubli plutôt conséquent. Quoi qu'il en soit, nous avons jusqu’à maintenant admis qu’il y a eu des voyages, visés par l’article 12, un manquement à l’obligation de déclarer, visé par l’article 31, et des cadeaux, dont il est question à l’article 23.
    En ce qui concerne les voyages, surtout le voyage personnel, nous ne savons pas s’il s’agissait d’un vol nolisé ou d’un vol commercial. Nous ne connaissons pas encore ces détails. Si c’était le cas, pourrait-on parler de corruption? Les faits reprochés seraient-ils alors assez graves pour qu’on parle d'abus de confiance au point que... Je dois me le rappeler, car vous en avez parlé tout à l'heure à propos de la fonction publique: un fonctionnaire qui ne se conforme pas aux exigences du code fait l’objet de mesures disciplinaires proportionnées qui peuvent aller jusqu’au congédiement. Voilà pour le secteur public. Et pourtant, aux plus hauts échelons, il y a une sorte de pente glissante. Il y a une possibilité de conflit d'intérêts, ce sur quoi, compte tenu des aveux publics déjà faits, il n'est pas vraiment nécessaire de faire enquête à ce stade-ci, puisque les faits ont été admis.
    S'il est avéré qu’il s’agissait de vols nolisés privés, indépendamment de la déclaration ou de l’omission de se récuser, et que toutes ces autres dispositions ont été enfreintes, pensez-vous que ce serait alors l’occasion idéale de déclarer que ces gens-là ont perdu la confiance du public et devraient donc démissionner?
    Ou — j’irai plus loin, madame la présidente — pensez-vous que les réformes devraient proposer que la loi — dont vous remarquerez qu'elle est anémique sur le plan de l’application — devrait éliminer le montant de 500 $ et faire dépendre la pénalité de l’application de ce critère?
     Il vous reste 30 secondes.
    Bien sûr.
    Tout d’abord, il faut voir si le ministre Morneau savait qu’il avait payé tous les coûts ou en était convaincu. Il faut donc mener l'enquête. S'il s'agit de prouver qu’il y a eu abus de confiance, on peut dire que quatre des cinq éléments sont déjà établis: il s'agit d'un titulaire de charge publique, tout comme le premier ministre, qui participe à une décision, à un processus décisionnel officiel et qui enfreint sérieusement les normes de sa charge. Cinquième élément: l'intentionnalité. Sur ce point, l'enquête doit examiner l'ensemble des communications.
    Mais si cette relation avec l’organisme de bienfaisance est établie et que vous ayez déjà été reconnu coupable d’avoir enfreint la loi, comme c'est le cas du premier ministre et du ministre des Finances, et si vous continuez de demander à votre personnel de participer au processus décisionnel, sachant que c’est répréhensible, il me semble que la preuve d’une intention coupable et malhonnête est faite.
(1525)
    Monsieur Conacher...
    C’est là-dessus que doit porter l’enquête.
    Merci.
    Voilà qui met fin à cette partie de la séance du Comité.
    Monsieur Conacher, merci beaucoup de nous avoir accordé du temps. Merci de la patience dont vous avez fait preuve au début. Encore une fois, nous vous réitérons nos sincères excuses pour les difficultés d'ordre technique.
    Nous vous sommes très reconnaissants d’avoir accepté de nous faire part de vos réflexions. Merci.
    Merci beaucoup.
    Je le répète, vous trouverez beaucoup plus de détails dans le document d’information que j’ai préparé et remis au Comité et dans le communiqué qui résume les principaux changements proposés pour mettre fin à ce système rien moins que scandaleux. J’espère que les membres du Comité sauront travailler ensemble pour faire un pas en avant et présenter à l’automne un projet de loi qui éliminera ces échappatoires.
    Merci, monsieur Conacher.
    Sur ce, nous allons suspendre la séance.
    Le Comité sera rappelé à 16 heures pour entendre le prochain témoin.
(1525)

(1610)
    La séance est ouverte.
    Monsieur Czerny et monsieur MacDonald, nous sommes à vous dans un instant.
    Oui, madame Shanahan.
    Monsieur le président, j’ai une demande à adresser à la greffière. Le témoin précédent a déclaré que Rachel Wernick avait de nombreux liens avec UNIS. La greffière pourrait-elle faire un suivi auprès du témoin pour obtenir des preuves de ce qu'il avance?
    Merci.
(1615)
    Merci.
    Messieurs MacDonald et Czerny, encore une fois, merci beaucoup de votre patience. Nous vous remercions de votre tolérance. Nous tâcherons d'utiliser au mieux le temps que vous nous accordez.
    Vous savez que le Comité a entrepris, conformément à l’alinéa 108(3)h) du Règlement, une étude des mesures en place pour éviter et prévenir les conflits d’intérêts dans l'application des politiques fédérales visant les marchés, les contrats, les contributions et d'autres dépenses.
    On vous a demandé de comparaître aujourd’hui pour commenter la motion et répondre aux questions que les membres du Comité ont sans doute à vous poser.
    Dans un instant, je vais vous accorder 10 minutes chacun pour votre déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions des députés. Bien entendu, tous les partis représentés ici auront l’occasion de discuter avec vous.
    Lorsque vous répondrez aux questions, je vous demanderais de ne pas perdre de temps. Comme les députés essaient souvent de poser le plus grand nombre de questions possible, il est essentiel d'aller droit au fait.
    Cela dit, je vais devoir vous interrompre une fois atteinte la limite de temps. Je ne le fais pas pour être impolie, mais simplement pour que nous ne dérogions pas au programme de la séance. Vous ne m'en voudrez pas.
    Sur ce, monsieur MacDonald, je vous invite à faire votre déclaration liminaire. Vous avez 10 minutes.
    Merci, madame la présidente. Je tiens à remercier les membres du Comité de me donner l’occasion de m’adresser à eux.
    Mon objectif aujourd’hui est de présenter le point de vue d'un universitaire. Je vais exposer les éléments clés des conflits d’intérêts et les raisons pour lesquelles cette question est importante.
    Voyons d’abord comment la notion est définie dans la Loi sur les conflits d’intérêts du Canada.
    L’article 4 dispose:
Pour l’application de la présente loi, un titulaire de charge publique se trouve en situation de conflit d’intérêts lorsqu’il exerce un pouvoir officiel ou une fonction officielle qui lui fournit la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou celui d’un parent ou d’un ami ou de favoriser de façon irrégulière celui de toute autre personne.
    Cette définition comporte une importante faiblesse: la mention de l’exercice d'un pouvoir officiel. Selon cette définition, il n’y a pas de conflit d’intérêts à moins que le titulaire n'agisse de façon irrégulière. Cela ne correspond pas à l'opinion d’éminents universitaires, qui conçoivent le conflit d’intérêts comme une situation particulière et non comme un type de comportement.
    Selon le consensus qui se dégage chez les spécialistes, il y a conflit d’intérêts dès que le titulaire de charge publique se trouve dans une certaine situation, celle où il a la possibilité d’agir de façon partiale. Le titulaire est déjà en situation de conflit d’intérêts, sans qu'on puisse lui reprocher quoi que ce soit. La définition suivante conviendrait donc mieux: situation dans laquelle une personne, c'est-à-dire un titulaire de charge publique, un employé ou un professionnel, a un intérêt privé ou personnel assez important pour qu'il semble influencer l’exercice objectif de ses fonctions officielles.
    Selon cette définition, il suffit, pour qu’il y ait conflit d’intérêts, qu'il y ait un certain type de devoir professionnel en porte-à-faux avec un certain intérêt personnel susceptible d’influencer le jugement.
    Pourquoi le conflit d’intérêts est-il considéré comme un problème? Deux raisons sont généralement admises. Premièrement, il constitue un problème parce que nous craignons que, si le professionnel ou le fonctionnaire rend un jugement ou offre des conseils malgré un conflit non réglé, sa décision ne serve mal ceux qu’il a juré de servir. Ainsi, un juge appelé à se prononcer dans une affaire qui met en cause un membre de sa famille risque d'imposer une peine qui n’est pas juste, ou un gestionnaire pourrait finir par prendre en matière d'embauche une décision qui ne sert pas les intérêts de l’organisation.
    Plus important encore peut-être, lorsque le conflit d’intérêts n'est pas correctement géré, il est possible que la confiance dans le décideur et, en fait, dans l’institution où la décision est prise soit ébranlée. Dans cette optique, le problème du juge en situation de conflit n’est pas seulement qu’il risque de rendre une mauvaise décision, mais aussi que les justiciables perdent confiance dans le pouvoir judiciaire. Dans le cas du gestionnaire en situation de conflit, non seulement il risque de ne pas engager la bonne personne, mais il peut aussi amener les parties intéressées à se méfier du processus d’embauche de l’entreprise.
    C’est là la grande question morale qui est au cœur du conflit d’intérêts. La confiance est menacée pour peu qu'on soupçonne que les experts ou les titulaires de charge publique, forcément difficiles à surveiller, peuvent profiter indûment de leur statut privilégié.
    Il est essentiel de souligner que, bien compris, le conflit d’intérêts en soi n’est pas et ne peut pas être un motif d'accusation. On peut se retrouver dans cette situation en toute innocence, comme lorsque le juge apprend qu’un proche parent a été accusé d’un crime et traduit devant son tribunal. Le juge n’a rien fait de mal, mais il est clairement en conflit d’intérêts. Il a un intérêt personnel — c’est-à-dire qu’il ne veut pas voir son parent aller en prison — et cet intérêt pourrait fausser son jugement. En pareille situation, le juge ne doit pas être accusé de conflit d’intérêts, mais il doit simplement le signaler s’il ne l’a pas déjà fait. S'il gère mal la situation — par exemple, s'il préside tout de même le procès —, il peut être à juste titre la cible de critiques.
    Que doit faire celui qui se trouve en situation de conflit d’intérêts? Premièrement, il faut noter que, si le conflit d’intérêts n'est pas un motif d'accusation, l'intégrité personnelle ne constitue pas une solution non plus. Lorsqu’il y a un véritable conflit d’intérêts, il ne suffit pas d’inciter la personne à la prudence et il ne suffit pas qu’elle insiste sur son intégrité. Là n'est pas la question.
    La plupart des experts recommandent trois étapes clés pour gérer correctement les conflits d’intérêts. Premièrement, il faut les éviter autant que possible. Ensuite, il faut les déclarer aux personnes en cause. Enfin, il faut éviter de prendre part aux décisions.
    Chacune de ces étapes présente toutefois des difficultés. Par exemple, il est parfois impossible d'éviter les conflits, car il arrive que des professionnels soient plongés dans cette situation sans qu'ils y soient pour quoi que ce soit. La déclaration ne va pas sans difficultés non plus. Elle donne parfois aux professionnels l’impression que cela suffit, alors que des mesures supplémentaires s'imposent. De plus, la déclaration pourrait amener les intervenants à se demander ce qu’ils doivent faire de l'information communiquée. Enfin, il est parfois impossible de se retirer du processus décisionnel en raison de rôles et de responsabilités à assumer et, dans certains cas, la récusation peut même ne pas être efficace.
(1620)
     Imaginez, par exemple, qu'un membre du conseil d’administration d’une société déclare un conflit d’intérêts sur une question donnée et quitte ensuite la salle pendant la tenue du vote. Les autres membres du conseil pourraient fort bien constater que leur propre décision est influencée malgré tout par l’intérêt que l'absent a déclaré. Par ailleurs, on pourrait dire que, même si la valeur pratique de la déclaration n’est pas évidente, les parties intéressées ont toujours le droit de savoir qu’une personne à qui elles font confiance est en conflit d’intérêts.
    En somme, qu’est-ce que tout cela suppose pour la Loi sur les conflits d’intérêts? Faute de temps, impossible de se livrer à une analyse complète, mais permettez-moi quelques observations.
     Premièrement, la loi contient certainement les éléments nécessaires pour orienter les titulaires de charge publique dans la bonne direction en matière de conflits d’intérêts. Elle les oblige à organiser leurs propres affaires de manière à éviter d’être en conflit d’intérêts. Ils sont tenus de s’abstenir de prendre part à des décisions sur des questions à l'égard desquelles ils ont un intérêt personnel. Abstraction faite des subtilités de tout à l'heure au sujet de la définition des conflits d’intérêts, la loi donne des directives de base convenables aux titulaires de charge publique qui cherchent à satisfaire aux principales exigences d’un comportement éthique face à un conflit. Elle les exhorte à éviter les conflits, à les déclarer, y compris par écrit, au commissaire, qui les affiche ensuite sur son site Web, et à se récuser lorsque des décisions les concernent.
    Néanmoins, une conséquence importante de ce que j’ai dit tout à l'heure mérite d’être soulignée. Un article prévoit des exceptions à certaines exigences « si le commissaire estime que le contrat ou l’intérêt n’aura vraisemblablement aucune incidence sur l’exercice [...] (des) fonctions officielles », mais comme je l’ai laissé entendre plus tôt, la question de savoir si le conflit aura une incidence sur la prise de décisions n’est que la moitié du problème, et peut-être la moitié la plus petite. L'essentiel est vraiment de savoir si la participation à une décision fera fléchir la confiance du public dans le processus décisionnel en cause.
    Enfin, une importante difficulté réside en fait dans une chose qui ne se trouve pas dans la loi: le processus par lequel les fonctionnaires en viennent à connaître les exigences de la loi et, espérons-le, à en assimiler le vrai sens. Il y a un consensus clair dans les domaines pertinents de la recherche universitaire selon lequel le simple fait d’avoir un ensemble de règles claires ne permet pas d’accomplir grand-chose. Il faut comprendre les valeurs qui sous-tendent ces règles. Il faut de la formation. Lire une loi, ce n’est pas de la formation. La formation sur les questions d’éthique est chose délicate. Malheureusement, elle se fait trop souvent au moyen de listes de cases à cocher. Idéalement, la formation devrait se fonder sur l'expérience. Il faut faire l’expérience des défis éthiques pertinents pour en saisir le sérieux sur le plan psychologique et s’exercer — acquérir une habitude — à faire ce que les règles exigent.
    Un de mes propres projets de recherche, IN.Lab, propose un exemple qui illustre mon propos. Ce projet, qui est en ligne à l'adresse www.interactives.ca, consiste à plonger les gens dans des scénarios réalistes, simulés en ligne, pour leur permettre de prendre des décisions éthiques en temps réel. La formation du gouvernement fédéral sur les conflits d’intérêts n’a pas à se conformer en tout point à ce modèle, bien sûr, mais celui-ci montre ce qui est possible pour peu qu'on souhaite dépasser l’approche classique de l'approbation annuelle en ce qui concerne la formation sur l’éthique et les conflits d’intérêts.
    Merci.
    Merci beaucoup de votre temps.
    Monsieur Czerny, vous avez 10 minutes.
    Je vous remercie de me donner l’occasion d'aborder avec vous d’importantes questions liées à la bonne conduite des relations et du travail du gouvernement national du Canada.
(1625)
    Mon intérêt marqué pour les questions touchant le gouvernement fédéral remonte à près d'un demi-siècle. J'ai été fonctionnaire de 1973 à 1994. Par la suite, j'ai travaillé comme conseiller en gestion et en communications en grande partie pour des clients du gouvernement fédéral, y compris pour le Parlement. J'ai été très actif à l'Association des praticiens en éthique du Canada au cours des 10 dernières années, dont cinq à titre de président. Les membres de notre association œuvrent dans les secteurs public et privé ou en sont retraités, et nos activités de formation ont été très appréciées par les fonctionnaires qui souhaitent réfléchir aux dimensions éthiques de leur travail.
    Ce contexte me permet de souligner diverses dimensions de la conduite éthique des fonctionnaires par rapport au Parlement, aux ministres et au Cabinet, mais je ne suis pas un expert des lois, des structures et des procédures relatives aux conflits d'intérêts, ni des détails de la présente affaire. J'espère plutôt élucider le contexte du travail que font les fonctionnaires de façon professionnelle et éthique.
    Je terminerai par cinq recommandations.
    Premièrement, la confiance est essentielle à la réussite d'une fonction publique. Le public doit faire confiance au gouvernement pour établir des relations harmonieuses et constructives entre le gouvernement et la société. Sans confiance, on ne peut pas avoir la paix, l'ordre et le bon gouvernement, pas plus qu'on ne peut avoir un marché commercial efficace. C'est pourquoi il est essentiel de tenir les intérêts privés à l'écart du processus décisionnel et des opérations du gouvernement. Les conflits d'intérêts, qu'ils soient réels, potentiels ou apparents, peuvent détruire la confiance que le public place dans le gouvernement pour agir dans son intérêt. Par conséquent, il n'est pas moins important d'éviter l'apparence de conflit d'intérêts que d'éviter son apparition réelle.
    Deuxièmement, les fonctionnaires non partisans et les représentants élus doivent collaborer au travail du gouvernement. Il faut clarifier leurs rôles complémentaires et leurs principes de fonctionnement. Cette relation a été énoncée de façon prudente et inspirante dans un rapport de 1996 sur les valeurs et l'éthique dans la fonction publique intitulé « De solides assises ». En plus d'énoncer les valeurs que l'on veut retrouver dans chaque milieu de travail et dans chaque entreprise, comme l'intégrité et le respect, le rapport énonce ce que signifie être un professionnel de la fonction publique dans le système démocratique du Canada.
    Troisièmement, des mécanismes essentiels ont été mis en place, depuis lors, dans ce domaine. Il y a, par exemple, des mécanismes en ce qui concerne la reddition de comptes, les conflits d'intérêts pour les élus et les fonctionnaires et la protection des personnes qui divulguent des actes répréhensibles contre les représailles. Il existe également un solide ensemble de pratiques exemplaires pour encourager une conduite éthique dans les organisations. Il s'agit notamment de l'expression des valeurs et des codes de conduite, de la formation et du dialogue, des services de consultation et de médiation et de la façon de gérer les conflits d'intérêts, par exemple dans les petites collectivités où les fonctionnaires doivent souvent traiter avec des amis et des relations. Les responsables de l'éthique de tout le gouvernement fédéral ont un réseau qui leur permet d'échanger des idées sur tout cela. Notre association leur donne l'occasion de faire la même chose et de tirer des leçons de l'expérience des autres secteurs.
    Quatrièmement, une organisation peut avoir un code de conduite, un énoncé de valeurs, ou les deux.
    Les codes de conduite énoncent une série de règles et de normes. L'enjeu, c'est la conformité, et nous demandons si tel ou tel comportement est conforme ou non à une norme, s'il respecte ou contrevient à une règle, et quelles sont les sanctions ou les conséquences des transgressions.
    Les énoncés de valeurs, par contre, expriment les aspirations d'une organisation. Les bonnes questions à poser sont de savoir dans quelle mesure tel ou tel comportement incarne nos idéaux, et comment nous pourrions faire mieux. C'est le domaine de l'apprentissage, de l'amélioration et de la célébration de l'excellence.
    À mon avis, une organisation a besoin des deux. Pour prendre l'éthique au sérieux, il faut avoir un seuil d'acceptabilité et sanctionner ce qui est en deçà de ce seuil, mais les organisations doivent viser plus haut que la simple légalité, sinon elles n'inspireront pas l'initiative et l'excellence au sein de leur personnel.
     Cinquièmement, ce qui se passe dans une organisation reflète sa culture. La culture existe à tous les niveaux et elle est constamment façonnée par le comportement à tous les niveaux, mais le facteur clé est le leadership, le ton donné au sommet. La culture se répand en cascade; l'éthique des hauts dirigeants est signalée par leurs actions encore plus que par leurs paroles, et elle se répercute dans toute l'organisation.
    Sixièmement, une bonne façon de passer à l'action en matière d'éthique consiste à dire ce qu'on pense, à soulever une question au risque de susciter de l'opposition et de se rendre impopulaire ou pire. Aux États-Unis, une enseignante et chercheuse, du nom de Mary Gentile, a découvert que les gens savent souvent ce qui est juste et veulent le faire, mais qu'ils se sentent mal à l'aise pour dire la vérité à l'autorité même si la culture l'accepte. Sa méthodologie « Donner la parole aux valeurs » amène une personne à réfléchir à son courage moral, à faire des simulations et des exercices pratiques. Son approche a des adeptes partout dans le monde, y compris dans certaines écoles de commerce et ailleurs au Canada. La capacité de dire la vérité à tous les niveaux est nécessaire, qu'il s'agisse d'un employé subalterne qui a des problèmes avec son superviseur ou de l'interaction entre un ministre et son sous-ministre. Soit dit en passant, je n'ai personnellement rien à gagner à faire connaître son travail.
    Septièmement, il est nécessaire de dire ce qu'on pense pour que la situation s'améliore. Le secret permet que des choses comme l'intimidation et la fraude se poursuivent en cachette. Cependant, le secret n'est pas du tout la même chose que la confidentialité. La confidentialité est absolument nécessaire pour que les fonctionnaires puissent donner des conseils honnêtes aux ministres et pour que les ministres puissent les demander.
    Je vais maintenant vous faire part de mes cinq recommandations. Les deux premières portent précisément sur les conflits d'intérêts.
    Tout d'abord, pour éviter qu'un conflit d'intérêts ne soit pas signalé, il faudrait qu'à toutes les réunions du Cabinet, le président commence la réunion en soulevant la question du conflit d'intérêts et en suggérant de se récuser s'il y a lieu.
    Deuxièmement, il pourrait y avoir un processus semblable au niveau ministériel. Lorsqu'il aide le ministre à se préparer pour une réunion du Cabinet, le sous-ministre pourrait, dans le cadre de son breffage par écrit ou en personne, lui rappeler de s'assurer qu'il n'est pas en conflit d'intérêts au sujet des questions à l'ordre du jour. Cela devrait être considéré comme faisant partie du soutien qu'un sous-ministre apporte à un ministre.
    Troisièmement, les demandes qu'un ministre ou le cabinet adresse à un ministère peuvent être aussi générales que « fournir des options réalisables pour réaliser x », mais peuvent également être aussi précises que « faire preuve de diligence raisonnable à l'égard du choix de y pour réaliser x ». Afin de donner les meilleurs conseils possibles, de dire la vérité aux autorités et de protéger les ministres contre les risques potentiels, la réponse du sous-ministre à une demande plus précise peut compléter tout autre renseignement pertinent que le personnel du ministère peut fournir.
    Quatrièmement, les fonctionnaires se sentent parfois soumis à des pressions inappropriées lorsqu'ils prennent des décisions ou fournissent des renseignements ou des analyses. Bien sûr, ils devraient respecter leur code de valeurs et d'éthique et résister aux pressions les poussant à y contrevenir. En même temps, les autres parties devraient également respecter le code et ne pas essayer d'amener les fonctionnaires à s'en écarter. Il faudrait ajouter au code un énoncé à l'intention de toute personne qui traite avec la fonction publique portant que « le fait d'exercer des pressions sur un fonctionnaire fédéral pour qu'il y contrevienne constitue une violation du code ». Cela est compatible avec les directives actuelles aux ministres et au personnel ministériel.
    Cinquièmement, une culture éthique est soutenue par un dialogue constant sur le « bien » ainsi que par une instruction spécifique sur les normes, les valeurs, les structures et les processus. Les hauts dirigeants doivent donner le ton en appuyant ce dialogue et cette formation et en y participant constamment.
    En conclusion, je crois que la fonction publique du Canada a la capacité de fournir un service expert et éthique. Si c'est ce que veulent les parlementaires, qu'ils l'appuient et qu'ils exigent rien de moins et rien de plus.
(1630)
    Merci, monsieur Czerny.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions. Chaque membre du Comité dispose de six minutes pour interroger le témoin de son choix.
    Monsieur Barrett, vous êtes le premier.
     Merci beaucoup. Je remercie les deux témoins de leur présence parmi nous aujourd'hui.
    Je vais commencer par poser une question à M. Czerny.
    Vous avez parlé du ton qui vient d'en haut et vous avez dit que les dirigeants doivent respecter les normes d'éthique les plus élevées. Vous avez aussi parlé de sanctionner les actions qui sont en deçà des normes et du fait que la norme devrait être plus élevée que ce qui est légalement permis. Selon vous, quelles devraient être les sanctions appropriées en cas de violations répétées de la loi ou de récidive?
(1635)
    Merci.
    Je ne peux pas vraiment parler de l'aspect politique, parce que je n'ai pas vraiment d'expérience dans ce domaine, mais pour ce qui est de la fonction publique, il y a des dispositions dans les conditions d'emploi qui précisent ce qui se passe lorsque le rendement est inférieur à la norme. Les gens ont des évaluations de rendement annuelles, par exemple. Il y a de la formation et il peut y avoir des réaffectations et d'autres genres de mesures.
    La réponse la plus évidente, je crois, c'est que lorsqu'un comportement constant est contraire aux normes, l'organisation doit vérifier si cela doit faire l'objet d'une enquête judiciaire et s'en occuper sur le plan légal. Sinon, il y a toujours des mesures constructives qui peuvent être prises pour aider les gens à trouver un créneau où ils peuvent bien se comporter. Cela fait partie de la souplesse de la vie quotidienne dans les organisations.
    D'accord. Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à M. MacDonald.
    Vous avez parlé de la nécessité d'apprendre par l'expérience lorsqu'il s'agit de comprendre les règles d'éthique et d'avoir la capacité de les suivre. Je suppose donc que ma question est la suivante: si une personne est reconnue coupable d'avoir enfreint les règles d'éthique et reçoit un rapport écrit de l'organisme d'arbitrage une première fois, puis une deuxième fois, considéreriez-vous qu'il s'agit d'une expérience suffisante pour ne pas contrevenir davantage à ces règles?
    En tant qu'éducateur, ma réponse habituelle est qu'il n'y a jamais assez de formation et d'éducation.
    Ce que vous voulez, c'est offrir aux gens une gamme d'expériences éducatives suffisamment riche. Parfois, oui, l'école des coups durs et l'apprentissage sur le tas en font partie. Mais ce qu'il faut idéalement, c'est que la formation ait lieu à l'avance et qu'elle donne aux gens une idée assez précise de la nature de ces problèmes afin qu'ils ne se contentent pas de lire une loi ou un manuel.
    D'accord.
    En ce qui concerne l'affaire qui a mené à cette étude, c'est-à-dire l'octroi d'une entente de service à l'organisme UNIS par le gouvernement du Canada, dans un témoignage connexe au Comité des finances, le premier ministre Trudeau a beaucoup insisté sur la distinction entre un conflit d'intérêts et la perception d'un conflit d'intérêts, un conflit d'intérêts réel par opposition à un conflit d'intérêts perçu.
    Messieurs, l'un d'entre vous a dit que cela sape la confiance que les gens ont dans les institutions. Était-ce vous, monsieur MacDonald?
    C'était moi, oui.
    Bien. Que faites-vous de cette distinction, lorsqu'une personne dit: « En fait, je n'avais pas vraiment de conflit d'intérêts. En réalité, c'était simplement l'apparence d'un conflit »? Elle laisse entendre que ce n'est pas grave.
    Pouvez-vous nous parler de cet argument?
    Oui, bien sûr.
    Il y a une distinction valable à faire, car dans certains cas, la perception de conflit d'intérêts repose sur une mauvaise compréhension des faits de la part de l'observateur, et lorsque c'est le cas, la solution est différente. Lorsqu'il s'agit vraiment d'une simple perception de conflit, il faut notamment essayer de rectifier la mauvaise perception et clarifier les faits. Néanmoins, cela ne veut pas dire que la perception de conflit n'est pas intéressante d'un point de vue éthique, car il faut quand même la corriger vu qu'elle risque de miner la confiance du public ou la confiance des parties prenantes.
    Il faut y remédier, mais ce ne sera pas de la même façon que dans le cas d'un conflit d'intérêts réel.
(1640)
     Dans ce cas, diriez-vous qu'une fois qu'on s'est rendu compte de la possibilité d'un conflit ou de la perception d'un conflit, parmi la liste des mesures qui peuvent être prises — l'évitement, la divulgation, la récusation — est-il alors trop tard pour l'éviter? Est-ce que la récusation, une fois que vous vous êtes rendu compte du conflit, est alors la mesure à prendre parmi la liste des mesures que vous avez décrites?
    Répondez très brièvement.
    Si vous parlez d'un conflit d'intérêts perçu, alors je présume qu'il n'y a rien dont vous ayez à vous retirer, et la récusation n'a donc pas de sens à ce moment-là. Une autre forme de distanciation verbale peut être utile.
    Merci.
    Madame Brière, vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, messieurs, d'être parmi nous cet après-midi.
    En lisant vos CV, nous constatons que vous faites vraiment autorité dans votre domaine.
    Je vais revenir sur la dernière question posée par M. Barrett. Selon vous, quelle serait la meilleure façon de définir un conflit d'intérêts ou quels éléments devrait-on retrouver dans cette définition?

[Traduction]

    Je suppose que c'est pour moi.
    Comme je l'ai dit dans mon exposé, je m'écarte encore une fois de la loi parce que, même si je pense qu'elle est certainement pertinente pour le travail du Comité, elle ne correspond pas tout à fait aux meilleurs travaux de recherche dans ce domaine. Un conflit d'intérêts est une situation dans laquelle une personne a un intérêt privé ou personnel suffisant pour au moins sembler influencer l'exercice objectif de ses fonctions officielles. Il s'agit habituellement de prendre une décision ou de donner des conseils.
    Merci.

[Français]

    La plupart des gens pensent qu'il est facile de reconnaître un conflit d'intérêts et croient que c'est chose facile. Or, quand on leur demande de définir ce qu'est un conflit d'intérêts, ils n'y arrivent pas.
    Êtes-vous en mesure de nous dire pourquoi ils en sont incapables?

[Traduction]

    J'ai l'impression que vous avez lu une partie de mes recherches. En fait, c'est ce qui ressort d'une étude que j'ai réalisée avec quelques collègues, il y a plusieurs années, mais c'est aussi une expérience commune. Presque tout le monde sait que les conflits d'intérêts posent un problème, mais très peu de gens peuvent offrir plus qu'une définition très simpliste. Ils peuvent souvent donner un exemple. Ils pourraient peut-être trouver un exemple comme mon exemple du juge.
    Je pense que nous pouvons invoquer deux raisons. Premièrement, le conflit d'intérêts est un concept moderne. L'expression « conflit d'intérêts » n'est apparue que dans les années 1950 et n'est entrée dans les dictionnaires de droit, par exemple, que dans les années 1970. C'est donc un concept relativement nouveau.
    D'autre part, comme c'est enraciné dans des contextes professionnels et commerciaux, cela ne fait pas partie de la vie quotidienne de la plupart des gens. La plupart d'entre nous avons grandi avec des parents qui nous ont appris à distinguer le bien du mal, comme « ne frappe pas tes frères et sœurs », « ne prend pas les affaires des autres », « nettoie ton gâchis ». Très peu de parents nous ont parlé des conflits d'intérêts. Ce n'est pas quelque chose que nous connaissons bien. Nous avons peut-être l'impression que certains problèmes d'équité y sont liés, mais c'est pourquoi les organisations doivent faire beaucoup de travail, dans certains cas très précis. Si vous regardez les politiques sur les conflits d'intérêts des banques, par exemple, elles offrent des conseils extrêmement détaillés et extrêmement précis sur la façon de gérer ce qui, pour bien des gens, sont des situations tout à fait nouvelles.

[Français]

    Je vous remercie.
    Dans une étude sur les conflits d'intérêts dans les organismes de bienfaisance, que vous avez codirigée en 2002, vous proposez des solutions pour les situations où il est impossible que les décideurs se récusent. Le plus haut fonctionnaire du pays a affirmé il y a quelques semaines qu'il n'était pas envisageable de ne pas mettre au courant le premier ministre de ce qui se passait, vu l'ampleur du programme. L'une des solutions que vous proposez est de recourir à un expert intègre et expérimenté qui pourrait s'assurer de l'impartialité de la démarche.
    Estimez-vous que la fonction publique répond à cette description?
(1645)

[Traduction]

     Une des façons habituelles d'atténuer l'effet d'un conflit d'intérêts, si vous ne pouvez pas le faire disparaître, c'est de faire participer plus de gens au processus décisionnel. Si vous êtes le seul expert compétent dans un domaine donné et que vous devez faire partie du comité d'arbitrage, si nous ne pouvons pas vous en exclure, nous devons alors faire venir d'autres personnes afin que plus de gens prennent part à la décision.
    Personne ne verra là une situation idéale, mais c'est peut-être le mieux que nous puissions faire dans certains cas.
    Il vous reste une minute.

[Français]

    Monsieur MacDonald, vous avez aussi mentionné que le concept de conflit d'intérêts était particulier sur le plan moral. Pouvez-vous nous parler de ce concept?

[Traduction]

    C'est une question dangereuse à poser à un philosophe, parce que je pourrais continuer longtemps.
    La notion de conflit d'intérêts tient essentiellement au fait que, dans la vie moderne, nous avons souvent des gens qui prennent des décisions importantes en notre nom ou qui nous conseillent sur des décisions importantes alors que nous n'avons pas nécessairement la proximité ou les connaissances voulues pour les surveiller. Nous devons donc pouvoir leur faire confiance, mais tous les décideurs, y compris les professionnels et les dirigeants politiques, ont une vie riche et complexe qui fait intervenir d'autres facteurs. Il est donc très probable que, dans toutes sortes de situations, lorsqu'on vous confie la responsabilité de prendre une bonne décision au nom de votre employeur, du public ou de votre institution, d'autres facteurs peuvent intervenir. Ce que nous voulons faire en pareil cas, c'est essayer de déterminer, compte tenu de la nécessité de ce rôle, comment nous pouvons atténuer les difficultés qui pourraient survenir, y compris les choses comme des conflits d'intérêts.
    Merci.
    Merci.
    Le prochain intervenant est M. Fortin. Vous avez six minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur MacDonald.
    Dans mapratique antérieure, c'est-à-dire avant d'être député, j'ai toujours cru qu'il y avait une règle d'or en matière d'éthique et de conflits d'intérêts. À partir du moment où l'on se demande si l'on est en conflit d'intérêts, on devrait éviter le piège et se retirer des discussions.
    Ne s'agit-il pas d'une règle d'or en matière d'éthique?

[Traduction]

    Je ne suis pas sûr d'avoir déjà entendu cela.
    Nous parlons en quelque sorte de la réaction instinctive, et il est certain que si vous avez ce genre de réaction instinctive, cela pourrait justifier une pause. Ce n'est pas nécessairement une raison pour se retirer définitivement et entièrement de la conversation, parce qu'il se peut que le conflit ne soit pas ce qu'il semble être, ou qu'une fois le conflit divulgué, les décideurs concernés veuillent toujours que vous participiez à la décision... en raison de votre point de vue, de votre perspicacité ou de votre expertise.
    Certes, oui, nous voulons dire que les gens devraient avoir une assez bonne idée de ce que ces questions signifient pour qu'en cas de suspicion de conflit d'intérêts, leur réaction initiale soit de freiner, de prendre du recul, de parler aux parties concernées et de déterminer s'il est possible d'aller de l'avant.

[Français]

    Si j'ai l'impression que, peut-être, je suis en conflit d'intérêts, cela veut donc dire que, dans mon for intérieur et selon ma conscience, je ne me sens pas libre, que je sens qu'il y a des contraintes.
    Plutôt que de traiter cela comme une notion abstraite, ne devrait-on pas appliquer la notion de conflit d'intérêts à chaque individu? À partir du moment où je pense que ma décision pourrait être influencée, ne devrais-je pas m'abstenir de participer au processus de décision?

[Traduction]

    Oui et non. Dans une certaine mesure, même si vous n'avez pas cette intuition...
    Je préfère le oui.
    Et peut-être?
    En partie, vos propres réactions sont importantes si vous croyez qu'il y a lieu de s'inquiéter. Si votre propre réaction est qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter, ne vous fiez pas à vos propres réactions. Au bout du compte, ce sont les réactions des intervenants externes qui doivent nous préoccuper le plus. Ce que nous voulons, c'est que les décideurs aient le genre de sensibilité qui les aidera à prévoir si les gens vont s'inquiéter d'une situation particulière ou non.
(1650)

[Français]

    Je vais donner un exemple concret.
    Si j'envisage d'accorder un contrat pour que soient exécutés des travaux dans un organisme que je gère et que l'entreprise pour laquelle je dois prendre la décision a engagé ma mère et lui a donné quelques centaines de milliers de dollars et qu'elle a donné des dizaines de milliers de dollars à mon frère et à ma conjointe, ne suis-je pas, objectivement, dans une situation de conflit d'intérêts?

[Traduction]

     Du moment que vous participez au processus décisionnel ou qu'il y a une décision à prendre, vous êtes en conflit d'intérêts.
    Encore une fois, comme je l'ai dit dans mon exposé, le problème est que jusqu'à maintenant, tout va bien. Jusqu'à maintenant, il n'y a rien de répréhensible. La question est de savoir ce qu'on fait une fois qu'on se trouve dans ce conflit. Le conflit est quelque chose que vous pouvez fièrement proclamer. Je l'ai fait moi-même au cours des réunions du Comité. J'ai dit: « Non, je dois m'abstenir. Je suis en conflit d'intérêts. » Cela ne me met pas mal à l'aise. Je me sentirais mal à l'aise si je me comportais mal par la suite.

[Français]

     En tenant compte de l'exemple que je viens de donner, si vous aviez à gérer l'argent d'un organisme qui a engagé votre mère, votre frère ou votre conjointe, seriez-vous à l'aise de dire que vous n'êtes pas en conflit d'intérêts?

[Traduction]

    Tout dépend des détails, mais il semble y avoir un conflit d'intérêts, qui exige donc une récusation.

[Français]

    Voici ma dernière question.
    Avant d'accorder un contrat, il y a un processus habituel à suivre: on lance un appel d'offres, on examine un certain nombre d'offres et on décide de façon objective, souvent en fonction de critères préétablis, à qui on va attribuer le contrat. Or si l'on se trouve dans une situation d'urgence et que l'on procède sans appel d'offres, sans critères objectifs pour distinguer les offres, le devoir d'être vigilant quant à d'éventuels conflits d'intérêts n'est-il pas plus important que lorsque l'on procède de façon habituelle?

[Traduction]

     Si nous parlons de l'incapacité de faire preuve de diligence raisonnable parce que nous agissons rapidement, par exemple, il est certain que nous devons être aussi prudents que possible. Tout d'abord, sur le plan pratique, il s'agit d'une décision importante. Nous ne voulons pas que des comités aient à tenir des audiences, par exemple. Il est préférable de bien faire les choses dès le départ et, oui, je pense, comme vous le dites, de relever la barre, que j'aimerais voir assez haute pour commencer.

[Français]

    Si j'avais la possibilité de diviser mon action, c'est-à-dire de participer au processus de décision visant à déterminer s'il y a lieu ou non de faire telle ou telle chose, en l'occurrence de mettre sur pied un programme, mais que je ne participais pas au processus de décision visant à choisir à qui sera attribué le contrat de gestion, ne serait-ce pas là le minimum que je pourrais faire pour éviter un conflit d'intérêts comme celui dont nous parlons?

[Traduction]

    Il me semble que ce que vous décrivez est un plan d'action. Un élément clé de l'éthique, c'est qu'il est très rare qu'une décision soit prise à un moment donné et qu'elle soit finale. Je reçois de l'information et je porte un jugement initial. Je reçois d'autres renseignements. Je me lance dans d'autres conversations. Ce que nous voulons voir, c'est à quel moment, au cours de cette période, la personne concernée aura l'information pertinente pour dire: « D'accord, je dois absolument me récuser. »

[Français]

    D'accord.
    Madame la présidente, est-ce qu'il me reste suffisamment de temps pour poser une brève question à M. Czerny?

[Traduction]

    Je suis désolée, monsieur Fortin. Vous avez déjà pris près de sept minutes.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons poursuivre. Monsieur Green, vous avez six minutes.
     Merci.
    Je vais vous poser des questions directes, monsieur MacDonald, et je vais vous demander d'essayer d'y répondre directement.
    Au cours des dernières heures, en fait des dernières semaines, nous avons eu amplement l'occasion de décortiquer ce qui s'est passé ici. Le témoin précédent a déclaré que le système était un scandale. Avec le témoin précédent, j'ai aussi commencé à poser des questions sur les dispositions d'évitement et d'anti-évitement, plus précisément l'article 18, qui dit ceci:
Il est interdit à tout titulaire de charge publique de faire quoi que ce soit dans le but de se soustraire aux obligations auxquelles il est assujetti sous le régime de la présente loi.
    J'insiste là-dessus, parce que, dans des rapports précédents... Si je me souviens bien, le premier ministre, à propos d'un verdict de culpabilité antérieur, a dit que ce n'était pas un avion privé parce qu'il n'avait pas une voilure fixe; c'était un hélicoptère. C'était ce genre de subtilité juridique où l'éthique est dissociée de la lettre de la loi, sans parler de l'esprit de la loi.
    Je pense en particulier aux ententes de contribution. Vous avez soulevé un point, et je pense que l'autre témoin l'a fait aussi, au sujet de la culture de l'éthique — la culture de l'éthique — et du comportement et du modèle habituel des manquements et des violations à l'éthique. Je me demande si vous pouvez commenter cet aspect particulier en ce qui a trait à l'idée du contrat à fournisseur unique, qui serait normale dans le secteur privé, et je suis certain que vous pouvez trouver un parallèle.
    La tendance que nous avons constatée, au cours des dernières années, en fait depuis quatre ou cinq ans, est que, sachant que selon la loi, le seuil est de x, on livre un contrat à un dollar de moins que x, ou un projet de grande envergure est divisé en petits contrats pour passer sous le radar. Pourtant, en ce qui concerne ce projet d'envergure, il a été clairement établi que le Cabinet détermine quand les programmes de paiements de transfert constituent l'instrument de politique le plus approprié. Le Cabinet détermine également les objectifs et les résultats à atteindre au moyen d'un paiement de transfert. C'est l'idée d'établir des programmes et des processus en dehors du processus d'approvisionnement habituel, de sorte qu'il ne s'agit pas d'un marché à fournisseur unique, ni d'un contrat, mais d'une entente de contribution.
     D'un point de vue philosophique, pourriez-vous nous dire si le fait de créer ce genre de gâchis constitue en soi une violation de la clause anti-évitement de l'article 18?
(1655)
    Suis-je en faveur des gâchis? Je pense que vous allez devoir parler à un avocat, à un moment donné, de l'interprétation de la loi à ce niveau, et des différences entre certains types d'accords juridiques. Cela dépasse mon champ d'expertise. Je ne suis pas avocat, alors je ne suis pas sûr d'être compétent pour répondre à cette question.
    Personne n'est en faveur des gâchis une fois qu'on les appelle ainsi, mais...
    D'accord, je vais donc mettre cela de côté et disons, hypothétiquement, que vous préparez une loi sur les conflits d'intérêts qui énonce clairement tous les paramètres dont nous avons parlé au cours de la dernière heure. Ensuite, vous semblez avoir l'habitude de mener vos affaires d'une manière qui contourne les paramètres de la loi. Est-ce que, par définition, les systèmes d'approvisionnement tels qu'ils ont été établis ne sont pas un exemple d'évitement lié à cette loi?
    Je ne suis pas sûr d'avoir assez de détails pour savoir si c'est un acte d'évitement. Toutes les lois doivent être interprétées, c'est clair, alors il n'y a pas beaucoup de choses écrites... Un problème classique de la relation entre l'éthique et le droit, c'est que les lois ne peuvent jamais être suffisamment complètes pour décrire toutes les choses qui pourraient être interdites. Bien sûr, cela explique en partie pourquoi nous avons le commissaire aux conflits d'intérêts et à l'éthique et un comité de l'éthique.
     Je vais vous poser la question de façon plus directe.
    Vous avez fait allusion, indirectement — je crois même que c'est sur votre site — au test Nixon: « Que saviez-vous, quand le saviez-vous et qu'avez-vous fait à ce sujet? »
    Comme nous avons constaté à maintes reprises — dans le « Rapport Trudeau », puis le « Rapport Trudeau II », nous en sommes maintenant au troisième scénario, et c'est la même chose avec Morneau — qu'il y a cette culture de permissivité éthique, quelle serait votre recommandation pour aider à compenser cela, en imposant des conséquences? Il n'y a vraiment aucune conséquence. Nous avons déterminé qu'il n'y a pas d'apprentissage par l'expérience, que nous n'avons pas besoin de modules de formation. Nous avons constaté qu'il y a eu infraction, mais il n'y a pas eu d'apprentissage.
    Si vous entamez, hypothétiquement, une conversation avec la Chambre des communes, quelles seraient vos recommandations pour compenser ces manquements et cette culture de permissivité éthique?
     Sans m'attacher à une description particulière de ce qui s'est passé, nous savons tous qu'il y a un problème très grave à l'échelle mondiale en ce qui concerne les dirigeants politiques élus parce qu'ils ne peuvent pas être censurés de la même façon que nous le ferions dans le secteur public. Lorsque j'enseigne l'éthique des affaires à mes étudiants, la liste est là. Il s'agit de quelqu'un qui a l'autorité pertinente et c'est moins clair dans le cas d'un élu...
(1700)
    D'accord, moins abstrait. Il me reste 30 secondes. Je vais vous présenter les choses ainsi. Y a-t-il des endroits dans le monde où il y a des répercussions pénales pour la corruption gouvernementale lorsqu'elle est jugée comme telle?
    Pour la corruption? Absolument, il y en a un peu partout.
    Croyez-vous que notre code de conduite est suffisamment rigoureux ou qu'il respecte les paramètres que vous avez établis dans le cadre de votre travail? Est-il à jour?
    Je pense qu'il est possible d'améliorer la Loi sur les conflits d'intérêts, mais je ne l'ai pas comparée à ce qui se fait ailleurs dans le monde. À première vue, elle a besoin d'être révisée, sans qu'on la compare à l'échelle internationale.
    Pensez-vous que tous les employés...
    Votre temps est écoulé, monsieur Green. Merci.
    Je viens de Hamilton, et nous méritons 30 secondes de plus.
    Je comprends que vous veniez de Hamilton. Je vous ai accordé 20 secondes de plus.
    Nous passons au prochain tour. Les membres du Comité ont cinq minutes pour poser des questions, en commençant par M. Gourde.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Ma question s'adresse aux deux témoins et ils pourront y répondre à tour de rôle, en commençant par M. MacDonald.
    Dans toute cette histoire, il y a une chose qui me chicote. Quand on se présente devant l'électorat, on dit être la meilleure option pour les Canadiens. Ce sont les Canadiens qui choisissent, mais les élus ont une responsabilité. Du côté ministériel, c'est encore plus évident, parce que les décisions viennent du premier ministre et des ministres.
    Le ministre des Finances et le premier ministre savaient qu'ils étaient en conflit d'intérêts. Ils ont admis qu'ils auraient dû se récuser. La faute a été avouée. Le ministre des Finances a même remboursé plus de 40 000 $, parce que l'histoire a été rapportée par les médias et qu'il s'est senti obligé de le faire. Il a une certaine responsabilité.
    Ce qui m'agace le plus, c'est que le premier ministre a rejeté la faute sur les fonctionnaires. Il a dit que les fonctionnaires lui avaient conseillé de prendre telle décision. Le premier ministre semble oublier que c'est lui qui aurait dû prendre la décision. C'était sa responsabilité. C'est lui que les Canadiens ont élu pour prendre des décisions difficiles.
    Selon moi, il ne s'agissait pas d'une décision difficile. Je vais donner un exemple de décision difficile: quand nous avons envoyé l'armée en Afghanistan, nous savions qu'il y aurait des morts. Nous avons voté à la Chambre tout en sachant que des Canadiens allaient mourir à cause de notre décision. Voilà une décision difficile. Toutefois, refuser de se récuser alors que l'on sait que sa famille est en conflit d'intérêts et qu'on est peut-être personnellement en conflit d'intérêts, ce n'est pas une décision difficile, c'est une question de jugement.
    Monsieur MacDonald, est-ce que le premier ministre a nié sa responsabilité quant à une décision facile à prendre?

[Traduction]

    Sans pouvoir citer directement le premier ministre, il est clair que toute personne visée par la loi a la responsabilité de se récuser lorsque la décision en question répond aux critères pertinents. Cela complique un peu les choses parce que la loi fait une distinction entre les membres de la famille et les parents, et les membres de la famille sont limités à la famille nucléaire, alors je ne sais pas comment le commissaire, par exemple, interpréterait cela.
    Vous avez raison dans la mesure où il n'y a pas d'échappatoire à la décision de se récuser. Cette partie concerne le rôle et les dispositions de la loi.

[Français]

    Est-ce que l'autre témoin pourrait répondre à la question à son tour?
    Monsieur Gourde, je dois m'excuser. Je m'étais préparé à donner aux députés un tour d'horizon des conditions de travail des gestionnaires lorsqu'ils ont le devoir d'aider à la prise de décision. Je ne me suis pas préparé pour discuter des détails de ce cas. Pour faire des commentaires, il faudrait que j'aie toutes les informations et qu'elles soient toutes fiables. Je ne suis pas dans une telle situation. Vous avez mon admiration et ma sympathie pour votre réaction à cette situation.
     Revenons à la question que j'ai posée.
    De façon générale, les hauts fonctionnaires donnent des conseils aux ministres et au premier ministre, et à nous si nous leur en demandons.
    Ils nous expliquent du mieux qu'ils peuvent, avec les outils et les informations dont ils disposent, quelles options s'offrent à nous. Cependant, la décision était politique. La décision revenait au Conseil des ministres, y compris le ministre des Finances, M. Morneau, et le premier ministre. Ces derniers ne se sont pas récusés. Tant que le premier ministre et le ministre des Finances sont en faveur d'une décision, c'est très difficile pour les autres ministres de s'y opposer.
    Y avait-il vraiment un conflit d'intérêts ou, à la rigueur, un abus de pouvoir?
(1705)
    Malheureusement, je dois répéter que je ne suis pas en mesure de commenter cette question. Toutefois, je serais très surpris qu'un sous-ministre dise à un ministre « vous avez un conflit d'intérêts, mais je vous conseille de continuer quand même ». Cela ne se produirait pas.
    Ce n'est pas au sous-ministre à dire au ministre que celui-ci est en conflit d'intérêts. Le ministre doit s'en apercevoir lui-même. Si le ministre ne s'aperçoit pas qu'il est en conflit d'intérêts, il ne mérite pas d'être ministre. C'est aussi simple que cela. L'éthique en matière de conflits d'intérêts, c'est la base de la politique. Les Canadiens accordent leur confiance aux politiciens. Si ce lien de confiance politique est brisé, notre système démocratique s'écroule.
    Êtes-vous d'accord?
    Je pense que c'est une bonne question, et vous avez répondu à votre propre question.

[Traduction]

     Merci beaucoup.
    Nous cédons donc la parole à M. Dong, qui partage ses cinq minutes avec Mme Zahid.
     Merci, monsieur le président.
    Ma première question s'adresse à M. MacDonald. C'était un exposé très intéressant, soit dit en passant. J'ai compris, et c'est très important, qu'une situation de conflit d'intérêts, qu'elle soit réelle ou perçue, ébranle la confiance du public dans le système.
    Nous avons entendu notre témoin précédent demander des règles plus détaillées et plus strictes en matière de conflits d'intérêts. Êtes-vous d'accord pour dire que nous avons besoin de plus de règles, ou peut-être de sanctions plus sévères en matière de conflits d'intérêts, monsieur MacDonald?
    Je pense que les règles peuvent toujours être clarifiées. Je ne suis pas sûr qu'il soit préférable d'avoir plus de règles. Je pense que dans bien des situations, dans les secteurs privé et public, nous constatons non pas qu'il n'y avait pas suffisamment de règles, mais que les gens ne savaient pas comment les appliquer ou que la culture d'une organisation particulière encourageait les gens à ne pas les suivre. Ce n'est pas vraiment qu'il vous faut plus de règles.
    Cela dit, j'ai déjà signalé que la Loi sur les conflits d'intérêts mérite une certaine attention et un certain peaufinage. Cela suppose peut-être plus de règles, mais il me semble qu'il n'y a rien, dans le cas présent, qui ne pourrait pas être traité en vertu des règles actuelles.
    Peut-être que la formation plus expérientielle que vous avez mentionnée pourrait aider.
    Monsieur Czerny, à votre avis, quelle est la différence entre un conflit d'intérêts perçu et un conflit d'intérêts réel? Cela devrait-il être inscrit dans le code? Quelle incidence cela aurait-il sur le processus décisionnel d'un gouvernement?
    Je sais qu'il y a des codes à d'autres paliers de gouvernement au Canada qui interdisent l'apparence de conflit d'intérêts. En d'autres termes, ils ne couvrent pas seulement le fait qu'une décision a été prise et qu'il peut être démontré qu'elle était en conflit d'intérêts. Ils disent aussi que l'apparence de conflit d'intérêts est une chose qu'un fonctionnaire est obligé d'éviter...
    Un conflit d'intérêts perçu et un conflit d'intérêts réel devraient-ils être traités de la même façon?
    Cela aurait pour conséquence, je suppose, que le fait de ne pas révéler et gérer adéquatement un conflit d'intérêts... Oui, cela doit être sanctionné ou géré d'une façon ou d'une autre. La loi ne doit pas seulement viser le problème réel.
(1710)
     Merci.
    Je vais céder la parole à ma collègue de Scarborough-Centre.
    Je remercie les deux témoins.
    Ma première question s'adresse à M. Czerny.
    Compte tenu de votre expérience en éthique organisationnelle, quels sont les éléments clés de la création d'une culture éthique et du développement de jugements éthiques? Que diriez-vous, d'après votre expérience?
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, il y a eu une évolution et un développement très solides du genre d'éléments qui contribuent à cela. Je ne pense pas pouvoir en nommer d'autres, à part ceux que j'ai déjà cités.
     Il doit y avoir des attentes explicites. Ces attentes doivent être annoncées et renforcées dans l'ensemble de l'organisation par des communications, de la formation et un dialogue constant. Nous devons tous être conscients que le monde ne cesse de changer, que les situations et les gens ne cessent de changer. L'éthique n'est pas quelque chose comme les mathématiques pour lesquelles, une fois que vous connaissez vos tables de multiplication, vous n'avez pas à les réapprendre tous les deux ou trois ans. C'est quelque chose de très différent.
    À part cela, il y a toutes les situations où il faut prévoir des procédures et des bureaux, etc., à l'intérieur d'une organisation ou une tierce partie neutre, pour permettre aux gens de demander des conseils ou de soulever des préoccupations qu'ils trouvent trop embarrassant de soulever directement auprès de leurs collègues ou de leurs supérieurs.
     Tout cela est important, mais je pense que le principal élément est la cohérence de la culture, de sorte que ceux qui sont au sommet sont ceux qui sont les plus visibles et qui finissent par diriger et transmettre la culture éthique d'un bout à l'autre de l'organisation. Ce serait ma première priorité.
    Merci beaucoup, monsieur Czerny.
    Monsieur Kurek, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie nos deux témoins de comparaître devant nous cet après-midi.
    Je sais que M. MacDonald a parlé de « confiance » et que M. Czerny y a fait allusion également. C'est absolument fondamental pour le fonctionnement d'une société. Les citoyens doivent avoir confiance dans leurs institutions et dans les titulaires de charge publique, parce que cela touche tous les aspects de l'information et des décisions qu'ils prennent. Ce n'est pas seulement une question de conflit d'intérêts; c'est la réputation d'une institution qui est extrêmement importante.
    Monsieur Czerny, compte tenu de votre expérience dans la fonction publique, je serais très curieux d'entendre vos commentaires. Le premier ministre a donné comme excuse que la fonction publique avait fait cette recommandation non partisane et que le cabinet n'avait tout simplement pas d'autre choix que de la suivre. D'après mon expérience, ce n'est certainement pas ainsi que les notes d'information sont rédigées. Ce n'est pas ainsi que les propositions sont présentées. Je serais très curieux de savoir si vous avez des commentaires sur la défense du premier ministre selon laquelle il n'avait pas eu son mot à dire, que cela lui avait été remis ainsi un point c'est tout.
    J'ai bien peur de ne pas pouvoir faire de commentaires. Je n'ai participé à aucun de ces processus. Vous faites une lecture éclairée de la situation. Vous lisez les signaux, et tout le monde peut le faire aussi, mais je ne peux rien ajouter à cela.
    Bien sûr. Je comprends cela, et j'apprécie votre honnêteté.
    Ma question s'adresse à M. MacDonald. Le premier ministre a laissé entendre qu'il n'avait pas besoin de parler au commissaire à l'éthique parce que ce dernier avait autorisé sa femme à travailler avec l'organisme UNIS avant le fait. Pensez-vous qu'il aurait quand même dû parler au commissaire à l'éthique de l'organisme UNIS et de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant lorsqu'il en a pris connaissance pour la première fois?
    Si j'avais eu la chance de me faire demander mon opinion plusieurs mois plus tôt, j'aurais probablement dit au premier ministre que c'était effectivement le genre de situation dont il devait se tenir à l'écart et qu'il devait faire de son mieux pour s'assurer qu'elle soit gérée de façon irréprochable.
     C'est un bon exemple de la différence qu'il y a dans la Loi sur les conflits d'intérêts. La loi fait une distinction entre les frères et sœurs, d'une part, et la famille, d'autre part. Ce sont des parents. Vous me direz sans doute: « Écoutez, vous pourriez peut-être dire que la participation d'un frère ou d'une sœur à l'organisme UNIS ne m'assujettit pas aux exigences de la loi, mais en raison de l'importance de la situation, je veux aller un peu plus loin. » Et c'est certainement ce que j'aurais recommandé au premier ministre, même si cela ne risquait pas de contrevenir clairement à la loi.
(1715)
     Je comprends cela.
    Monsieur MacDonald, au Comité des finances, le greffier du Conseil privé a laissé entendre que certaines décisions sont tout simplement trop importantes pour que le premier ministre ou le ministre des Finances, par exemple, puissent se récuser. Je serais curieux de savoir ce que vous en pensez, puis je poserai la même question à M. Czerny.
    Je suppose que dans l'abstrait, cela me semble plausible. Il peut y avoir des questions sur lesquelles les premiers ministres et les ministres de premier plan doivent intervenir, des questions de premier ordre, comme des actes de guerre et des choses de ce genre. Il se peut fort bien qu'en théorie, certaines de ces interventions soient absolument essentielles, même s'il y a conflit d'intérêts. Ensuite, vous commenceriez à chercher des stratégies d'atténuation. Je pense toutefois que la liste serait relativement courte.
    Compte tenu de votre compréhension des questions éthiques dont nous sommes saisis, en ce qui concerne les questions entourant la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant, pensez-vous que c'est l'un de ces cas où la question est tout simplement trop vaste?
    Je ne suis pas certain d'être très qualifié pour faire des commentaires à ce sujet. J'ai certainement vu des commentateurs bien informés d'un côté comme de l'autre, quelqu'un qui a dit que non, c'était un élément très, très central de la politique publique en temps de pandémie et que, par conséquent, le premier ministre devait y participer, mais je pense aussi qu'il y avait des opinions contraires très respectables. Cela ne semble pas être un cas clair.
    Monsieur Czerny, auriez-vous...
    Monsieur Kurek, je suis désolée, mais votre temps est écoulé.
    Nous passons au prochain tour. Madame Shanahan, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup à nos deux témoins d'aujourd'hui de nous avoir donné un cadre de travail plus vaste. C'est certainement très instructif.
    Monsieur MacDonald, vous avez parlé de la COVID-19. C'est une réalité. Pour ma part, la session a été très intense avec tous les nouveaux programmes qui ont été mis en œuvre de diverses façons et dans divers forums.
    Dans un contexte comme celui-là, ou dans un autre exemple, pour ce qui est des conflits d'intérêts, le contexte situationnel dans lequel les décideurs agissent a-t-il une influence? Il y a surtout l'idée selon laquelle les bonnes personnes peuvent honnêtement croire qu'elles font de bonnes choses sans être nécessairement conscientes de ce qu'elles font ou en ayant une sorte de biais cognitif à propos de ce qu'elles font.
    Il est certain que c'est le genre de situation où l'une des difficultés courantes des hauts dirigeants et des autres types de décideurs dans les organisations est le sentiment que « ma mission passe en premier, je dois l'accomplir ». Parfois, ou souvent, c'est tout à fait bien intentionné. On a l'impression qu'ils essaient de faire quelque chose d'important. Bien entendu, c'est précisément la raison pour laquelle nous avons des choses comme la Loi sur les conflits d'intérêts, qui nous rappellent qu'il faut prendre un moment pour se dire que ce n'est pas seulement ce que nous faisons qui compte, mais aussi comment nous le faisons.
    C'est ce qui rend ce genre de choses compliquées et intéressantes d'un point de vue éducatif. Si l'on pense qu'une erreur a été commise ici, on ne doit pas nécessairement croire que les décideurs étaient de mauvaises personnes, et si l'on pense que les choses se sont parfaitement passées dans ce cas, on ne doit pas nécessairement croire que les personnes impliquées étaient des anges. C'est beaucoup plus compliqué.
    Je peux me permettre de dire que c'est « intéressant », parce que c'est intéressant d'un point de vue universitaire, mais c'est difficile pour vous.
    C'est certainement la raison pour laquelle le Comité se réunit. La motion dont nous sommes saisis porte sur les mesures de sécurité qui sont en place précisément pour ce genre de situation, parce que nous voulons faire mieux. Il est important de comprendre que même dans le cas d'un conflit d'intérêts perçu par rapport à un conflit d'intérêts réel, c'est la confiance dans nos institutions qui est importante.
    Monsieur Czerny, en ce qui concerne la fonction publique, dans le contexte d'un conflit d'intérêts perçu par rapport à un conflit d'intérêts réel, pensez-vous qu'il y a des choses que notre comité peut faire pour aider la fonction publique fédérale à mieux éviter ces situations? Pensez-vous que nous avons besoin de règles plus volumineuses?
(1720)
     Je pense que la réaction générale à l'égard des règles, c'est que plus elles sont volumineuses, moins elles sont utiles, parce qu'on veut que les gens prennent des décisions éthiques. Plus vous compliquez la vie, plus vous faites semblant d'avoir une connaissance parfaite ou presque parfaite de toutes les permutations qui peuvent survenir, et d'avoir des règles et des sous-règles pour traiter de chacune d'elles. Ensuite, un processus mécanique, qu'on accélère de nos jours en utilisant des mots-clés, par exemple, permet de trouver la bonne règle subsidiaire s'appliquant aux circonstances extrêmement rares qu'on a quand même pu prévoir malgré leur rareté.
    Comme vous pouvez le conclure de ma longue phrase, je ne crois pas qu'il soit nécessaire d'avoir beaucoup plus de règles. Je pense que les gens fonctionnent mieux, et avec plus de maturité, lorsqu'ils sont mis au défi de comprendre les principes, et qu'ils ont ensuite suffisamment d'occasions de les appliquer. Nous pouvons examiner, par exemple, les types de simulations dont M. MacDonald a parlé. Les simulations devraient être très riches et ne pas se limiter à quelques phrases comme « si ceci ou cela se produit, que ferez-vous ». Ce devrait être le genre de choses qu'un bon dramaturge vous présenterait dans une pièce en un acte. En faisant beaucoup de simulations, vous devenez très apte à réfléchir aux principes et aux idéaux. Vous trouverez alors la meilleure réponse possible.
     C'est un monde gris, et ce n'est pas comme si, au bout du compte, quelqu'un d'autre avait la bonne réponse et allait vérifier si vous l'avez ou non. Non, vous devez avoir une très bonne réponse et des raisons vraiment plausibles de soulever la question, et quelqu'un d'autre doit faire un excellent travail pour trouver un meilleur scénario que vous.
    Monsieur Czerny, merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à nos deux derniers intervenants, monsieur Fortin. Vous avez deux minutes et demie.

[Français]

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Monsieur MacDonald, vous avez dit tantôt que j'avais le devoir d'éviter de me placer dans une situation de conflit d'intérêts, que j'avais le devoir de le dévoiler si j'étais dans une telle situation, et, le cas échéant, que je devais me retirer. Ce sont les trois devoirs qui, selon vos dires, doivent être assumés dans une situation de conflit d'intérêts.
    Supposons que je sois dans une situation de conflit d'intérêts comme celle-ci et qu'un conseiller me dise de ne pas m'en faire, parce que la décision que je m'apprête à prendre est la bonne. C'est le cas de l'hypothèse que nous considérons ici, c'est-à-dire que la fonction publique me dit que je ne dois pas m'en faire et qu'il faut accorder ce contrat à l'organisme UNIS.
    Est-ce que cela me dispense de mon devoir d'éviter la situation, de la divulguer et de me retirer?

[Traduction]

    Techniquement parlant, le bien-fondé de la décision n'est pas pertinent. Je veux dire que c'est important, mais que cela n'annule pas les exigences.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur MacDonald.
    Monsieur Czerny, êtes-vous d'accord sur ce que vient de dire M. MacDonald ou votre réponse est-elle différente?
    Oui, M. MacDonald a raison. Il y a toujours des procédures qu'il faut respecter. Pour éviter une étape du processus, il faut avoir de bonnes raisons.
(1725)
    Sur le plan éthique, si l'individu qui est en conflit d'intérêts est un exemple pour ses collègues autour de la table — toujours en poursuivant notre hypothèse, disons que l'individu est le premier ministre du Canada et que la table est celle du Conseil des ministres —, son devoir d'être vigilant concernant depossibles conflits d'intérêts n'est-il pas plus grand du fait qu'il est un influenceur, un exemple pour ses collègues?
    Monsieur Fortin, vous et moi avons la barbe blanche.
    Oui. Voilà une chose que je ne voulais pas entendre.
    Certains individus tiennent compte de la gravité des situations, peu importe les fonctions officielles qu'ils occupent. Oui, en général, le grand chef a plus d'influence que le petit chef.
     À ce moment-là, ne devons-nous pas être plus prudents lors d'une situation de conflit d'intérêts?
    Oui, comme je le suis.

[Traduction]

     Monsieur Fortin, votre temps est écoulé. Merci.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Czerny.

[Traduction]

    Monsieur Angus, vous avez deux minutes et demie.
    C'est fascinant, monsieur MacDonald. Quand vous dites que l'éthique est une question de situation, je trouve cela très profond parce que, chaque fois que le gouvernement a des problèmes, il exige en fait que nous venions dans la pièce lorsque le corps touche le sol et que la fumée sort du pistolet. Même là, il nous dit: « Vous n'avez pas vu cela se produire, alors vous n'en êtes pas certain. » Il faut donc faire confiance à la loi.
     La partie de la loi qui m'intéresse est l'article 6, qui porte que le titulaire de charge publique ne doit pas participer à la prise d'une décision s'il « devrait raisonnablement savoir que, en prenant cette décision, il pourrait se trouver en situation de conflit d’intérêts. ». C'est la partie « raisonnablement savoir ».
    La situation dans laquelle nous nous trouvons, c'est que M. Bill Morneau a été transporté par avion dans des lieux très exotiques par l'organisme UNIS, moyennant un coût d'au moins 40 000 $; et je pense qu'il a remboursé plus de 51 000 $, peut-être près de 100 000 $, alors que la limite pour les cadeaux est de 200 $. Sa fille est embauchée par l'organisme UNIS, alors qu'il annonce dans sa circonscription qu'UNIS obtient des contrats.
    Monsieur MacDonald, diriez-vous que cela répondrait au critère selon lequel quelqu'un devrait raisonnablement savoir que ce genre de cadeaux le placerait en situation de conflit d'intérêts?
    Je ne connais pas tous les détails de cette affaire, ni l'étendue de ce qui a été remboursé, s'il s'agissait de cadeaux ou d'une autre forme de transaction financière.
    Donc, c'est entre 40 000 $ et 90 000 $. Selon votre interprétation de la loi, cela vous placerait-il dans une situation de conflit d'intérêts?
    Ce n'est pas seulement le montant en dollars qui est pertinent. Son importance fait certainement sourciller. Les détails de la transaction détermineront si elle relève du paragraphe pertinent de la loi.
    Je pense que la question est là, parce que l'article 5 dit que « Le titulaire de charge publique est tenu de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver en situation de conflit d’intérêts .»
    C'est ce dont le premier ministre a été reconnu coupable lorsqu'il s'est rendu sur l'île d'un milliardaire, alors que selon l'article 5, il aurait dû raisonnablement savoir... et mettre de l'ordre dans ses affaires personnelles.
    Ainsi, compte tenu du fait que Craig Kielburger était un donateur très important de Justin Trudeau, que les frères Kielburger ont fait des annonces politiques pour Justin Trudeau, et qu'après qu'il est devenu premier ministre, ils ont embauché sa mère et son frère pour près de 500 000 $ et ont dit à leur conseil d'administration qu'ils ne payaient personne, ne pensez-vous pas que cela signifie, en vertu du critère de l'article 5...
    Monsieur Angus, votre temps est écoulé.
    ... que le premier ministre devait raisonnablement comprendre qu'il était tenu de gérer ses affaires personnelles de manière à éviter de se trouver dans la situation de conflit d’intérêts où il s'est placé?
    Monsieur Angus, nous allons devoir laisser cette question en suspens. Je suis désolée.
    Mesdames et messieurs, monsieur MacDonald, monsieur Czerny, merci beaucoup d'être venus et d'être des nôtres aujourd'hui. Nous vous remercions de votre temps. Encore une fois, merci beaucoup de la patience dont vous avez fait preuve au début de cette discussion.
    Sur ce, je vais suspendre la séance pendant deux minutes, le temps que nous passions à notre prochain témoin. Merci.
(1725)

(1805)
    Nous reprenons la séance. Nous allons poursuivre et passer à l'ajournement de la réunion.
    La greffière va faire de son mieux pour faire revenir Mme Dawson demain, si possible. Dans le cas contraire, ce sera, bien entendu, la prochaine fois que nous le pourrons.
    Je vais maintenant ajourner la séance et je vous reverrai ici demain.
    Merci à tous.
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