:
Merci, monsieur le président.
Je tiens d’abord à indiquer que je suis venu m'installer dans la région de Peel, qui fait partie du territoire visé par le traité des Mississaugas of the Credit.
Je remercie les membres et le président du Comité de m’avoir invité à participer à la discussion sur le racisme systémique dans les services de police.
Comme vous l’avez dit, je m’appelle Nishan Duraiappah. Je suis un Tamoul d’origine sri-lankaise qui a immigré au Canada. J’ai 25 ans d’expérience dans les services de police et je suis l’actuel chef du service de police régional de Peel, qui assure les services de police à une population de 1,4 million d’habitants. La région de Peel compte le plus fort taux de minorités visibles dans la région du Grand Toronto. Elle englobe les villes de Brampton et de Mississauga, et nous nous occupons du service d'ordre surveillance de l’aéroport international Pearson de Toronto.
Le racisme systémique existe et il est profondément enraciné dans toutes nos institutions publiques depuis 1867. Le racisme systémique nuit continuellement à la prestation des services dans les collectivités que nous servons, ainsi qu’à l’expérience quotidienne des policiers, assermentés et civils, dans leur travail et dans leur vie privée.
En tant que membre du conseil d’administration de l’Association des chefs de police de l’Ontario, l’ACPO, je suis honoré de faire partie d’un groupe de professionnels de la police qui mettent l’accent sur la diversité, l’équité et l’inclusion, ainsi que sur l'application d'un cadre des droits de la personne à nos modèles de services policiers.
Partout dans le monde, les membres des corps policiers, civils ou en uniforme, sont équipés, appuyés, formés et gouvernés — ce qui s'entend d'une dimension surveillance — selon une norme qui fait d’eux les meilleurs modèles en matière de maintien de l’ordre et les meilleures personnes à ce titre. En tant que chefs de police, cependant, nous devons aller au-delà de simples affirmations verbales comme celle-là. Avec un groupe de volontaires, j’apporte des changements audacieux et véritables. Nous comprenons qu'il nous faut faire preuve d'un véritable désir de mettre en œuvre des changements qui permettront d'éliminer le racisme systémique, sans crainte de l'échec. C'est pour cela qu'à la police régionale de Peel, je me suis engagé à passer d’un modèle traditionnel d’application de la loi à un modèle axé sur les droits de la personne qui tienne compte du bien-être public.
J’adopte et je mets en œuvre un ensemble de principes en vertu d'un cadre de changements systémiques. J’ai entrepris un examen des systèmes de toutes nos directives et politiques afin de favoriser la diversité, l’équité et l’inclusion. Je suis en train de favoriser chez mes policiers un leadership, formel et informel, afin qu’ils soient prêts à lutter contre le racisme sous ses diverses formes, de façon critique et courageuse, peu importe les situations dans lesquelles ils se heurteront à ce problème.
La police régionale de Peel est en train de se doter des capacités techniques nécessaires et de préparer le terrain pour collecter des données fondées sur la race, dont je crois savoir que le chef Larkin vous touchera deux mots. Je vais mettre en place des systèmes destinés à nous permettre de cerner les pratiques discriminatoires, ainsi qu'une série de protocoles pour y mettre un terme. Je m’engage également à établir un cycle de reddition de comptes à l'intention de mon entité de tutelle, soit la Commission des services policiers régionaux de Peel, de sorte à assurer une transparence et une reddition de comptes complètes dans nos activités.
Je suis en train de lancer un plan pluriannuel en matière de diversité, d’équité et d’inclusion, qui sera exécuté parallèlement au plan stratégique légiféré du service, qui s’étend de 2020 à 2023. De plus, la police régionale de Peel vient de lancer des réseaux de soutien interne pour tous ses membres, y compris pour les personnes racialisées, les membres assermentés et les membres civils.
Nous savons que la reddition de comptes et la surveillance sont essentiels, raison pour laquelle mes services de police examinent et mettent à jour nos systèmes actuels de consultation communautaire afin de les rendre plus inclusifs et davantage en prise avec les positions communautaires constatées sur le terrain, cela de concert avec les partenaires communautaires et les intervenants de la région.
Voilà donc les principales activités à caractère systémiques que mènent les services de police. En tant que chef de police, je suis conscient de pouvoir changer ces choses. Comme je vous l’ai dit, tous les services de police doivent mettre l’accent sur un modèle favorable au bien-être public. Dans ma propre région, j’ai constaté à quel point des lacunes systémiques peuvent se solder par les tragédies auxquelles mes policiers sont confrontés 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.
Le service de police régional de Peel et notre municipalité régionale, à l'instar de bien d’autres, se sont engagés à faire d’importants investissements dans la sécurité et le bien-être des collectivités. Ce cadre de planification permet de collaborer avec les intervenants communautaires pour créer un modèle de planification multisectorielle destiné à évaluer de façon proactive les besoins et les risques, et qui les aborde parallèlement à la question du soutien communautaire qui précède toute intervention policière ou d’urgence. Pour ce faire, le service de police doit se tourner vers d’autres institutions publiques, y compris dans les secteurs de la santé, de l’éducation, des services sociaux et dans le secteur sans but lucratif.
De plus, l’innovation et la technologie sont essentielles à la réalisation et à l'amélioration de la sécurité communautaire en amont, sans parler du soutien à la collecte et à l’analyse des données. Il faut absolument améliorer la reddition de comptes grâce à une meilleure compréhension de l'origine et des raisons des disparités raciales et autres, ainsi que de la forme qu'elles peuvent revêtir.
En fin de compte, il s’agit d’une solution provisoire, car il faut remanier l’ensemble des systèmes des services sociaux pour s’attaquer tout à la fois à la santé mentale, à la toxicomanie, au logement, à l’itinérance et à l’isolement des aînés, par exemple. Or, le racisme et l’inégalité systémiques sont présents dans tous ces domaines.
À l'instar d’autres chefs de police, je me suis engagé à balayer le racisme systémique qui est au pas de notre porte. Cependant, si toutes les institutions ne s’attaquent pas au racisme systémique, nos efforts pour le démanteler s'en trouveront considérablement entravés, d'autant que le racisme systémique est tout autant inter-systémique qu'il est propre à chaque système. La seule façon de vraiment le combattre consiste à adopter une approche nationale coordonnée s'appuyant sur une véritable communication et un leadership au niveau d'une multitude de systèmes pour orienter un travail se voulant efficace à terme.
À la Police régionale de Peel, nous appuyons l’Association des chefs de police de l’Ontario quand elle dit que les collectivités s’attendent à de véritables changements de la part des professionnels de la police que nous sommes, qu'elles s’attendent à ce que nous fassions ce qui est juste. Mais voilà, nous savons qu’il ne peut y avoir de justice quand les systèmes sont biaisés ou racistes. Nous devons nous parler honnêtement de toutes ces dures vérités.
Comme l’a dit Angela Davis : « Dans une société raciste, il ne suffit pas d’être non raciste, il faut être anti-raciste. »
:
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Monsieur le président, distingués membres du Comité. À titre de membre du conseil d’administration de l’Association canadienne des chefs de police, je me sens privilégié de me trouver ici, au nom de notre président, le chef Adam Palmer du Service de police de Vancouver.
Permettez-moi de commencer en disant que nous vivons dans un merveilleux pays. Toutefois, aussi magnifique qu'il puisse être, le racisme est une partie insidieuse de l’histoire du Canada qui demeure présente dans nos collectivités à ce jour. Les études qui s'enchaînent, y compris les projets de recherche demandés par le gouvernement, font ressortir que nous avons un problème de racisme systémique au sein de notre appareil de justice pénale qui comprend notre système législatif, les tribunaux et les services de police.
La voix des personnes noires, autochtones et de celles appartenant à d’autres communautés se sont fait entendre lors de rassemblements et de démonstrations pacifiques à travers le pays pour revendiquer des changements dans la façon dont la police offre ses services à la population. Nos collectivités ont exprimé leurs préoccupations quant aux pratiques policières, au racisme systémique et au profilage racial. Les personnes noires, autochtones ou appartenant à d’autres groupes ethnoculturels ont également condamné leur surreprésentation dans le système de justice pénale et la façon dont elles y sont traitées.
C'est un mouvement puissant. Et puis, nous vivons un moment fort, un moment qui arrive après plus d'un siècle de racisme systémique au Canada. Les chefs canadiens estiment que le temps est venu d'apporter des changements significatifs dans toutes les facettes de notre société. La lutte contre le racisme exige une réponse concertée de toute la société, y compris de vos services de police. Il est nécessaire d'adopter une vision et un leadership courageux et audacieux dans nos organisations et dans nos relations avec nos communautés respectives.
Au Canada, l’approche policière a évolué de façon significative au fil du temps. Les services de police ont tissé des relations fortes avec les communautés qu’ils servent depuis des années, passant ainsi d’une emphase sur l’application de la loi à une emphase sur l’engagement et le bien-être communautaires, ainsi que sur la prévention proactive de la criminalité qui reflète de véritables partenariats. Notre association mise sur le développement des cadres progressifs, orientés vers la communauté et ce, à tous les niveaux. Nous croyons que cette approche est l’un des facteurs clés du succès qui nous permettra de faire obstacle au racisme systémique qui a une incidence sur nos membres, nos collectivités, et la confiance du public à l’égard des services policiers.
On parle beaucoup d’améliorations à la santé mentale des policiers et à l’atteinte des objectifs en matière de diversité, d’équité et d’inclusion dans les services de police. L’Association canadienne des chefs de police cherche à soutenir un changement réel, de façon significative, au sein des organismes qu’elle représente.
C’est pourquoi, la diversité, l’équité et l’inclusion sont parmi les neuf priorités stratégiques policières nationales qui guident le travail de notre association. D’ailleurs, un comité de l’ACCP dévoué à l’équité, à la diversité et à l’inclusion a été établit en 2018; il se dévoue à soutenir les efforts de l’ACCP et de ses membres quant à la création et à l’amélioration des pratiques qui favorisent la justice, l’équité et l’inclusion par l’entremise de l’identification, de l’atténuation et de l’élimination de tout préjugé implicite et de toute discrimination dans les pratiques et les politiques, de l’élimination des obstacles systémiques, et de la promotion des progrès en matière de diversité inclusive et des droits de la personne au sein des institutions policières de partout au pays.
Pour parvenir aux changements culturels et opérationnels nécessaires, nous croyons qu’il est important d’établir un vocabulaire et d'acquérir une compréhension commune des concepts clés permettant d’identifier, d’atténuer et de prévenir proactivement le racisme et la discrimination dans nos services de police et lors de nos interactions avec les membres de collectivités que nous desservons. À cette fin, nous avons défini, pour nos membres, le sens à donner aux mots équité, diversité et inclusion dans nos services.
S’agissant de recrutement, de formation et de surveillance, il faut dire que la formation et la surveillance civile policières au Canada sont parmi les meilleures au monde. Il y a lieu de s'enorgueillir des réalisations du Canada dans le domaine policier. Cela étant, il y a encore place à l’amélioration quant aux progrès à réaliser et à la modernisation des services. Reflétant les pouvoirs et l’autorité qui leurs sont accordés, les policiers sont soigneusement sélectionnés et ils sont soumis à une évaluation et à un examen de plus en plus rigoureux afin de s’assurer qu’ils répondent et adhèrent aux valeurs telles que celles adoptés par l’Association canadienne des chefs de police: le courage, l’intégrité, le respect, la transparence, l’inclusivité, l’excellence et la compassion.
Nous misons sur l’amélioration de nos processus de recrutement, d’embauche et de promotion de façon à accroître la qualité de nos recrues et d’accélérer la diversification de nos organisations afin que nous puissions être plus représentatifs et plus sensibles au besoin des collectivités que nous desservons.
Nous avons beaucoup progressé quant à l’intégration de l’imputabilité au sein de nos équipes et nous nous attendons à ce que nos agents fassent preuve de comportements et d'un leadership qui sont professionnels, équitables et inclusifs. Cela dit, nous avons encore du travail à faire.
Nos policiers reçoivent également une formation approfondie qui va bien au-delà des compétences policières fondamentales. La formation englobe un large éventail de techniques sur la sensibilisation culturelle, la sensibilité, et la désescalade. Encore une fois, nous avons réalisé des progrès, mais nous sommes ouverts à de nouvelles approches et nous favorisons une amélioration continue. Ceci nécessite un investissement et l’implication des collectivités dans nos programmes de formation et nos processus afin de comprendre ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas, et de savoir où nous pouvons nous améliorer.
Une fois embauchés et formés, nos policiers sont soumis à une surveillance civile indépendante et à une imputabilité qui sont plus élevés que pour quasiment n'importe quelle autre profession. Encore une fois, il y a place à l'amélioration.
Il est fondamental de collecter des données fondées sur la race. Nous devons cheminer sur la voie du changement et savoir comment accomplir des progrès. Le problème est que nous ne disposons actuellement pas des données nous permettant de définir avec exactitude la portée et l’ampleur de l’enjeu du racisme systémique au Canada. La collecte de données sur l’identité autochtone ou ethnoculturelle a fait l’objet de moult discussions. Le mois dernier, l’ACCP a émis une déclaration commune avec Statistique Canada qui annonçait notre engagement à travailler ensemble pour combler ce manque d'informations pour la communauté judiciaire et le public Canadien qui sont déterminés à faire avancer le dossier sur l’équité raciale.
Ensemble, nous travaillerons avec la communauté policière et des organismes clés afin de permettre à la police de recueillir des statistiques au sujet des victimes et des auteurs présumés mentionnés dans des dossiers policiers ou criminels, qui précisent le contexte et évitent la stigmatisation des communautés. Nous croyons que cette initiative nous aidera.
Que le racisme soit individuel ou systémique, il blesse, il est inexcusable, et il ne saurait être toléré par les responsables des services de police canadiens. Pour faire obstacle au racisme, nous devons adopter une approche qui englobe toute la société. Des améliorations sont nécessaires au sein de la police, mais vos chefs de police sont déterminés à apporter des changements positifs.
:
Merci beaucoup, monsieur Paul-Hus, et merci de vos commentaires.
L’Association canadienne des chefs de police appuie sans réserve l’enseignement supérieur. Bien que les services de police et la possibilité de devenir policier soient inscrits dans les lois provinciales, nous croyons qu’il est possible d’envisager un cadre national en ce qui concerne l’unification des normes de formation et des exigences du système pour intégrer les services de police.
En Ontario, il suffit d'avoir un diplôme d’études secondaires pour devenir policier. Bien sûr, de nombreux services de police de la province encouragent les études postsecondaires, et nous faisons un suivi auprès de nos membres qui vont au Collège de police de l’Ontario. Nous avons un système d’éducation provincial pour nos recrues. Plus de 90 % des jeunes qui entrent maintenant dans la police ont fait des études postsecondaires, mais nous croyons possible de mettre l'accent sur la formation des policiers. Chaque année, l’Association canadienne des chefs de police envoie des dirigeants partout dans le monde pour étudier d’autres systèmes de police.
Nous avons vu à quoi ressemblent certains systèmes ailleurs dans le monde, où un niveau d'étude supérieur et où une formation solide permettent d’améliorer le niveau des services de police dans les collectivités. Nous estimons que cette recommandation est valable. Nous serions prêts à travailler avec le gouvernement et Sécurité publique pour faire progresser les normes nationales de formation.
:
Au Canada, nous avons assisté à la modernisation des services de police municipaux. De nombreux services de police au pays ont fait l’objet d’une civilarisation ou d’une professionnalisation de leurs effectifs civils. De nombreux services ont analysé les coûts et les répercussions financières des services de police.
Il faut souligner que le Canada a l’une des plus faibles proportions de policiers par habitant de tous les grands pays du monde. Nous en constatons régulièrement les effets négatifs sur le taux de criminalité, particulièrement dans les grandes villes du pays, comme dans l’Ouest et surtout en Ontario, où les crimes violents continuent d’augmenter et vont à l’inverse de la tendance nationale des dernières décennies. Ce phénomène tient notamment au fait que les différentes organisations concernées sont appelées à remplir des tâches très différentes. Traditionnellement, les policiers se limitaient à leur rôle au sein des services de police, mais d'autres organisations ont commencé à retenir les services des corps policiers, comme le centre des télécommunications, les médias et les services d’information publique, ou encore les services d'approche communautaire. En Ontario et en Colombie-Britannique, par exemple, de nombreux corps policiers comptent dans leurs rangs des infirmières en santé mentale qui émargent au budget de la police.
C’est l’un des problèmes. Nous constatons une diminution de notre capacité à déployer nos effectifs policiers. C’est toujours une source de préoccupation, mais cela montre bien que les dirigeants des corps policiers sont prêts à faire les choses différemment, qu'ils sont prêts à changer les organisations qu'ils dirigent. Nous ne devons pas perdre de vue que l’essentiel de notre travail consiste à préserver la paix publique et à veiller au respect de la primauté du droit au sein des collectivités auxquelles nous fournissons des services. Cependant, à l'analyse des données de Statistique Canada, vous constaterez une augmentation de la civilarisation au sein de nombreux services de police différents.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie les deux chefs de leur présence et de leur témoignage.
Chef Nish, les derniers mois ont été extrêmement difficiles dans la région de Peel, avec la mort tragique de D’Andre Campbell, ce jeune Noir de Brampton-Ouest, et d’Ejaz Choudry, un musulman de Mississauga, à cause de leur maladie mentale et d'une action policière. Bien que ces incidents malheureux soient actuellement sous enquête aux soins de l’unité des enquêtes spéciales, il est difficile de ne pas les lier au racisme systémique. L’effet négatif continu du racisme systémique mine la confiance du public dans les services de police, confiance qui, comme vous le savez, est pourtant essentielle pour assurer la sécurité de nos collectivités.
D’André Campbell résidait dans Brampton-Ouest. Comme je représente cette communauté diversifiée, je me suis souvent entretenue avec des représentants de la communauté noire de Brampton. Beaucoup sont inquiets. Ils sont inquiets et blessés, à juste titre, et ils n'ont plus confiance dans la police. Je sais que vous occupez votre poste à Peel depuis un peu plus d’un an. Vous aussi avez consulté la collectivité et vous vous êtes montré très ouvert à de nombreux changements, d'autant que vous en proposez vous-même. Mes électeurs veulent savoir à quoi vont ressembler les services de police de Brampton et de la région de Peel, et comment vous comptez vous attaquer précisément au racisme systémique au sein de la police régionale de Peel afin d’éviter d’autres morts comme celles de D’Andre et d’Ejaz chez nous?
:
Je veux d’abord souligner que, nous aussi, nous reconnaissons les circonstances tragiques de la mort de certaines personnes. Je pense que n’importe quel chef de police de l’Ontario et du Canada serait d’accord pour dire qu’aucun de nos membres ne souhaitaient cela. Même si je ne peux pas parler de la nature précise de ces deux décès, parce qu’ils font l’objet d’une enquête par l’unité des enquêtes spéciales, je peux parler de la convergence des facteurs qui nous conduisent à devoir traiter avec des gens comme M. Campbell.
Cela, je pense, nous ramène à la question plus vaste dont le chef Larkin et moi-même avons parlé plus tôt au sujet des défaillances en cascade de systèmes multiples. Il faut y voir un élément de discrimination systémique, mais aussi l'échec du système de soutien de personnes qui ont besoin d’autres services. Par exemple, dans la région de Peel, nous enregistrons une moyenne de 18 arrestations par jour dues à des troubles mentaux. Ce chiffre ne concerne que les appréhensions et pas les appels de service.
Ici, en Ontario, le cadre législatif impute aux services policiers la responsabilité de faire hospitaliser toute personne en situation de crise de santé mentale, même contre sa volonté. Nous sommes tous d’accord pour dire que, fondamentalement, ce n’est pas le cadre idéal pour permettre aux gens d’accéder aux services dont ils ont besoin. Ajoutez à cela le fait que le problème concerne une communauté racialisée. Au cours de la dernière année, nous avons eu à traiter à deux reprises d'un cas qui a exigé de multiples contacts. Dans ce genre de situations, les familles nous appellent parce qu’elles ne bénéficient d'aucun soutien pour les personnes concernées, qu'il s'agisse ou pas de situations de crise pour cause de troubles mentaux. On pourrait penser que ce genre d'individu aurait dû avoir de multiples contacts avec le système de santé, avec un médecin, mais voilà, nous travaillons tous en vase clos. Quand on voit que la seule solution pour une famille ayant un proche en crise consiste à appeler le 911 — afin que la police se présente à sa porte le même jour — et que l'intervention se termine par un drame, on ne peut que poser un constat d’échec, cela parce qu'aucun autre service ne sera intervenu en amont.
Pour moi, c’est tragique. J’ai parlé tout à l’heure de la nécessité de favoriser la collaboration multisectorielle et de transférer la responsabilité à d’autres services pour que la responsabilité de régler ce genre de situation ne retombe pas sur les épaules des policiers. Nous devons améliorer notre capacité d'intervention — ce que nous faisons d'ailleurs face à des crises de santé mentale en faisant intervenir des infirmières, des agents en civil, des travailleurs de l’ACSM et en recourant à de nombreuses autres initiatives —, mais, encore une fois, comme nous le voyons dans notre région, cela est dû au fait que les membres des communautés racialisées sont déconnectés des services de santé ou n'y ont pas accès. En définitive, c’est malheureusement la police qui est en crise.
:
Cela varie d’une province à l’autre. Comme nos membres le savent, les services de police et les lois provinciales relèvent des gouvernements provinciaux, alors cela varie, mais nous avons des normes nationales. Il existe un cadre national de recours à la force auquel adhèrent tous les services de police, y compris la GRC, mais je vais vous présenter le point de vue de l’Ontario.
Le processus d’embauche est régi par le ministère du Solliciteur général. Il est administré par les services de police. À l’instar du Québec, nous avons un collège provincial, le Collège de police de l’Ontario, qui ressemble beaucoup à l’École Nicolet.
Cependant, c’est nous qui choisissons les candidats. Tous nos services de police ont leur département de ressources humaines. En Ontario, le système de sélection des policiers est provincial. Nous nous sommes donc dotés d'une norme que tous les chefs de police et tous les services de police ont acceptée, et que le gouvernement a appuyée. Celle-ci régit le programme de formation de base des recrues du Collège de police de l’Ontario, qui, lui aussi, a été parrainé et approuvé par le gouvernement, bien que la sélection des candidats relève des services de police.
Ces candidats participent à un système provincial. Cette année, les chefs de l’Ontario ont mis en place un nouveau système qui tient compte des valeurs des candidats, de leur niveau d'instruction et de leur condition physique, mais nous appliquons aussi un indice prédictif de leur réussite dans la carrière de policier. Nous évaluons par ailleurs les préjugés implicites des candidats, ce qui permet à nos divisions ou directions du recrutement d’évaluer les candidats plus à fond. Vient ensuite une série d’entrevues menées localement. Il s'agit d'évaluer les compétences essentielles et d'administrer des tests psychologiques obligatoires sous l'égide de psychologues agréés de partout au Canada. Nous effectuons aussi des vérifications financières et des évaluations psychologiques suivies d’une visite à domicile par des policiers pour s’assurer que chaque candidat répond aux normes.
Cette formation est suivie d’une formation homologuée de 13 semaines au Collège de police de l’Ontario qui comporte une série de séances de sensibilisation aux différences culturelles, etc.
Les chefs de police au Canada envisagent d'adopter un cadre de recrutement, de formation et d’embauche qui serait national. Si nous pouvions établir des normes nationales, nous embaucherions des policiers qui possèdent des compétences précises. Nous sommes bien sûr conscients que les diverses régions du pays ont besoin de gens aux compétences et aux qualités différentes, mais le travail de base que nous faisons est fondamental.
Voilà donc le processus en vigueur en Ontario, mais notre association recommande le passage à un cadre national. Avant, nous faisions beaucoup de travail avec le Conseil sectoriel de la police, mais celui-ci n’existe plus.
Nous recommandons d’envisager un cadre national plus vaste qui nous permettrait de choisir les meilleurs candidats pour jouer un rôle très complexe dans une société très complexe.
:
Merci, monsieur Michaud. Vous posez une excellente question.
De toute évidence, même la sensibilisation culturelle, la formation sur l’équité et l’inclusion au niveau des divers services de police au Canada ne suffisent pas, et je pense que nous sommes tous d’accord pour le reconnaître. Même si la formation des policiers a évolué en 30 ans, depuis que Nishan et moi sommes dans la police, force est de reconnaître que la société a beaucoup évolué. Et puis, quand on pense à la formation, nous essayons d’en limiter les coûts pour les contribuables. Au Canada, la plupart des services de police sont financés par les contribuables municipaux, en particulier les services de police municipaux. Les responsabilités provinciales et nationales sont financées séparément, ce qui relève d'un débat beaucoup plus vaste.
L’ACCP recommande notamment de créer une trousse d’outils nationale sur l’équité, la diversité et l’inclusion pour tous les services de police, pour tous les collèges de police, trousse que nous pourrions déployer à l’échelle nationale. Côté financement, nous pourrions collaborer avec Sécurité publique Canada, avec le service de police national, ainsi qu’avec divers organismes provinciaux qui surveillent les services de police, qu’il s’agisse du solliciteur général ou de la sécurité publique. Ce sont là des possibilités fantastiques.
De plus, comme mon collègue l’a mentionné, je crois, nous devons examiner nos services sous l’angle de l’équité. Nous encourageons et recommandons que la formation ou le travail que nous faisons au sein des services de police soit soumis à un examen, et que des experts communautaires, ceux qui ont une expérience pratique, participent à cet examen qui devrait déboucher sur l'adoption d’une trousse d’outils pour une formation nationale. Il y aurait des variantes d'un secteur à l'autre pour permettre à nos recrues d’acquérir des compétences beaucoup plus poussées.
J'ai d'ailleurs l'impression que...
:
Oh, je suis désolé de vous priver du plaisir de voir mon visage.
L'idée, ce que j'essaie de dire, c'est que tout cela était vrai il y a six mois. Ce leadership était en place, tous ces programmes de formation, etc. Cependant, au cours des six derniers mois, nous avons été témoins des effets visibles du racisme systémique dans les services de police au Canada.
Y a-t-il quelque chose qui manque dans ce tableau? Je sais qu'il y a certaines nuances dans vos réponses aujourd'hui, mais si l'on prend tout cela au pied de la lettre, y a-t-il un problème ou non? Je pense qu'il est assez clair qu'il y en a un. Ce que j'aimerais que vous nous disiez, pour nous aider, c'est s'il y a des choses que nous devrions recommander en tant que comité et qui auraient une incidence importante sur cette question. Le public reconnaît qu'il s'agit d'une crise, et je pense que nous devons trouver des solutions.
Permettez-moi de vous interroger, par exemple, sur l'aspect formation. Nous sommes au courant, et vous en avez parlé ici, de la sensibilisation culturelle, de la désescalade, de la formation contre les préjugés. Si tout cela avait été bien exécuté, on aurait pu éviter bon nombre des décès dont nous avons été témoins au cours des derniers mois. Il manque quelque chose à ce tableau.
Nous avons entendu dire, et il faut le répéter, qu'il ne s'agit pas d'une situation ponctuelle. Y a-t-il des normes nationales, et non pas seulement des boîtes à outils, qui devraient être mises en place pour veiller à ce que le recours à la force se fasse correctement et de façon appropriée dans l'ensemble du pays, ou devons-nous compter sur 200 services de police individuels pour que les choses se fassent de la bonne façon?
:
Monsieur Larkin, lequel de nous deux répondra à cette question? Je parie que nous aimerions tous les deux le faire.
Je pourrais peut-être y aller de ma réponse et laisser un peu de temps au chef Larkin également.
Comme je l'ai toujours expliqué, oui, nous disons généralement que notre modèle de maintien de l'ordre est meilleur que n'importe où ailleurs. Cependant, les points de discussion en question ne concernent pas seulement les services de police; ils recoupent d'autres secteurs également, comme la santé mentale ou les situations de crise, le logement, l'itinérance et la toxicomanie, sur lesquels nous n'avons aucun contrôle. Le scénario est le même dans le cas du racisme systémique. Lorsqu'il y a du racisme systémique dans les services de police, nous avons la responsabilité, comme nous l'avons tous les deux démontré, de l'éliminer. Nous sommes sur la bonne voie pour le faire. Cependant, je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que, malgré tous nos efforts, nous ressentons encore les effets accumulés des autres systèmes.
Cela dit, je ne crois pas que nous soyons tous au même point à l'échelle nationale. Nous avons une base solide, mais il reste du chemin à parcourir. Je pense que les milieux policiers ne sont pas tous prêts à passer d'un modèle traditionnel d'application de la loi à un modèle favorisant la santé publique. Cela n'a pas grand-chose à voir avec notre formation de base; c'est le leadership et la philosophie en place qui font que nous mettons moins l'accent sur les interventions policières traditionnelles et que nous comptons davantage sur d'autres systèmes.
En ce qui concerne les décès aux mains d'un agent ou par suite d'interactions avec un agent, sans préjuger que les agissements de l'agent étaient justifiés ou non, je pense que notre problème est que nous ne pouvons plus assumer la responsabilité à ce point de convergence des défaillances d'un système de santé mentale au niveau du...
:
Je peux certainement parler au nom de l'ACCP et pour l'Ontario, où se retrouve une grande partie des collectivités du Nord. Je tiens à défendre l'investissement dans les services de police autochtones. Depuis beaucoup trop longtemps dans notre pays, ces services sont sous-financés et ne font pas l'objet d'investissements suffisants.
La réalité, c'est que le fait que les policiers sont des citoyens de la collectivité qu'ils servent est au centre de la fonction de maintien de la paix. Ce que nous constatons dans de nombreux mécanismes de recrutement différents, c'est que les policiers ne vivent plus dans la collectivité qu'ils servent. Cet attachement, cet engagement à l'égard des quartiers dans lesquels ils vivent, qu'ils servent, où leurs enfants grandissent, d'où ils viennent, représente un élément important.
Dans les collectivités éloignées, nous devrions travailler activement à promouvoir les services de police en tant que profession, ainsi qu'à fournir les ensembles de compétences, la formation et l'enseignement nécessaires pour soutenir les personnes dans ces collectivités qui n'ont peut-être pas accès à de la formation postsecondaire sans quitter leur collectivité. Nous devrions faire tout ce que nous pouvons et investir pour veiller à ce que ceux qui vivent dans des collectivités éloignées puissent faire partie des services de police.
Il y a des défis à relever, particulièrement en ce qui concerne le rôle que nous jouons dans une société complexe, mais nous croyons que le Comité devrait examiner la capacité d'aider les collectivités éloignées à embaucher des gens qui connaissent la collectivité, qui comprennent les enjeux et qui peuvent apporter une valeur ajoutée. Il est très difficile de bien comprendre ce qui se passe dans une collectivité lorsqu'on s'y trouve uniquement de façon éphémère.
:
Merci, monsieur le président.
Ma question s'adresse au chef Duraiappah.
Nous sommes tous très heureux de vous voir occuper ce rôle. Je sais que Mme Damoff a des affinités avec vous parce que vous venez de Halton; pour ce qui est de M. Anadasangaree, vous avez évidemment des racines semblables, étant tous les deux d'origine tamoule, et naturellement, comme nous sommes voisins, je suis heureux de vous voir occuper ce rôle.
Compte tenu de certains des thèmes qui ont été abordés, ce qui me préoccupe, c'est la présence possible d'un ou deux mauvais agents dans vos rangs, qui minimisent peut-être ou ne reconnaissent pas nécessairement votre autorité en raison de votre race ou d'autre chose, ou peut-être aussi parce que vous êtes du voisinage et que cela nuit vraiment à ce que vous tentez de faire, c'est-à-dire beaucoup de bonnes choses, d'après ce que j'entends. De même, lorsque des agents s'en tirent par suite d'un geste considéré comme criminel à cause de l'uniforme qu'ils portent, ce n'est pas bon pour la société. Comme je dois toujours le mentionner, dans l'ensemble, nos policiers sont excellents. Les actes de négligence sont toujours le fait d'un petit pourcentage. Le problème, c'est que ce petit pourcentage coûte parfois la vie à une personne.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de certains des thèmes dont nous avons parlé.
:
Merci, monsieur Sikand. Je vous suis reconnaissant pour vos observations et tout ce que vous avez dit.
Je dirai d'abord que ce qui empêche tous les chefs de police de dormir, ce sont les gestes individuels de leurs agents. L'investissement initial pour nous assurer d'embaucher les meilleurs pour faire ce qu'il y a de mieux et pour bâtir un environnement et une culture dans lesquels ils peuvent agir de façon appropriée est ce que nous pouvons contrôler.
Nous sommes tous d'accord pour dire que nous appuyons entièrement... Lorsqu'un agent à une mauvaise conduite ou commet un acte criminel, c'est aussi troublant pour moi que pour le grand public. Nous avons vraiment confiance, et il y a eu plusieurs rapports sur la surveillance indépendante qui est assurée concernant les agissements des agents. L'un des problèmes auxquels nous sommes confrontés ici, en Ontario, c'est la rapidité et la transparence de ces deux processus. Dans certains cas, nous pouvons imposer des mesures disciplinaires, mais dans d'autres, nous dépendons d'organismes indépendants de la province.
Entre-temps, je pense que la tâche de chaque chef est d'aller au-delà du modèle traditionnel, c'est-à-dire embaucher une personne que l'avis de recrutement avait intéressée, puis qui a commencé sa carrière et a été laissée à elle-même pendant 25 ou 30 ans. Par « laissée à elle-même », j'entends du point de vue de l'investissement, du point de vue de la sensibilisation culturelle, du leadership et de l'importance accordée aux paradigmes systémiques en place, qui font en sorte que l'équité, la diversité et l'inclusion sont prises en compte.
En tant qu'immigrant entré dans la police il y a 25 ans, je peux vous dire que les choses ont changé. Je l'ai vu de mes propres yeux. En tant qu'agent racialisé portant l'uniforme et appartenant à la grande communauté tamoule, j'ai vu l'impact de l'institution policière. Elle a évolué, et je pense que notre tâche est d'adopter une démarche, une feuille de route du changement systémique, qui comprend non seulement l'équité, la diversité et l'inclusion, mais aussi le changement de culture, l'engagement, la technologie pour l'appuyer, la modernisation des techniques policières et — je vais continuer à le dire — l'accent mis sur les droits de la personne, ce qui n'était pas une valeur intrinsèque jusqu'à maintenant.
Ces choses doivent être communiquées, et avec le temps, nous verrons l'aiguille bouger. C'est mon engagement envers ma collectivité, comme celui de tous les chefs, je dirais, de notre province et de notre pays.
:
Chef Larkin, je vais essayer de répondre rapidement à cette question et vous laisser la parole.
Vous avez tout à fait raison. Je dois préciser que, très souvent, nous constatons que les appels de service en matière de santé mentale sont interreliés avec d'autres troubles sociaux ou des activités criminelles, de sorte qu'ils comportent dans une certaine mesure une relation inhérente avec les appels de service principaux. Pour moi, ils ont connu une hausse de 30 % sur une période de quatre ans. Comme je vous l'ai dit, nous avons en moyenne 18 arrestations liées à des problèmes de santé mentale par jour dans la région de Peel.
Nous avons constaté une augmentation, et il a été question des changements de politique des années 1990, qui ont entraîné la fermeture de beaucoup d'établissements psychiatriques. Nous avons vu une saturation au chapitre des crises en santé mentale dans la collectivité.
Les institutions chargées du maintien de l'ordre cherchent depuis un certain temps des occasions de progresser. Nous avons des agents d'intervention en situation de crise, des agents en civil avec des professionnels de la santé mentale et des agents en uniforme avec des experts des interventions en situation de crise. Ce genre de services se retrouvent à peu près partout dans la région du Grand Toronto, sinon dans la province, avec même des programmes de santé mentale avant la mise en accusation et de la formation avec des négociateurs en situation de crise. Il y a diverses initiatives, mais ce que vous pouvez voir dans tout ce scénario, monsieur Shipley, c'est que la police essaie toujours de trouver une façon d'intégrer les interventions en situation de crise en santé mentale dans son paradigme.
Au lieu de dépêcher un agent par suite d'un appel en situation de crise, l'idée — et je sais que cela fait l'objet d'un projet pilote au moyen d'autres mécanismes — est d'examiner comment, à un point de triage précoce, avant même d'intervenir, nous pouvons acheminer l'appel au service approprié, par exemple, un agent de crise dans un centre de communications 911, et le rediriger vers un autre mode de service. Comme vous le savez tous les deux, des organismes comme l'Association canadienne pour la santé mentale et nos organismes sans but lucratif demandent également plus de ressources, puisqu'ils en manquent.
Chef Larkin, vous avez peut-être quelque chose à ajouter.
:
Merci, monsieur Anandasangaree.
Oui, les sept principes sont la reconnaissance, l’engagement communautaire, l’orientation stratégique, la collaboration en matière de données, la surveillance, la reddition de comptes et la durabilité.
Je dirais qu’on s’attendait à ce qu'on aille plus loin que la reconnaissance du racisme systémique. Ce n’est pas vraiment ce qui se produit. En fait, la reddition de comptes repose sur la souplesse de la mise en œuvre de certains mécanismes. Ce que nous voulons, c’est que les corps policiers soient plus conscients de leurs activités. Par exemple, le chef Larkin a parlé de la collaboration en matière de données. Il faut un financement important pour bâtir l’infrastructure nécessaire, et il y a un élément de durabilité.
L’autre élément important, c'est que souvent, le public qui nous voit faire notre propre reddition de comptes n’a pas pleinement confiance. Le nouveau commissaire de la Commission des droits de la personne de l’Ontario auquel j'ai parlé a quasiment exprimé le souhait d'avoir un ombudsman indépendant qui veillerait au respect des droits de la personne. L'autosurveillance soulève souvent les plus grandes questions sur l’authenticité de l'approche des droits de la personne pour un chef. Je dirais que ce serait l’une des principales pierres d'achoppement.
:
Merci, monsieur le président.
Je m’appelle Julian Falconer. Je suis avocat spécialisé en droits de la personne. J’ai consacré les 30 années de ma carrière à la défense des droits et à la rédaction d’articles sur le racisme dans les services de police. Je suis l’associé fondateur de Falconers LLP, un cabinet d’avocats ayant des bureaux à Toronto, Thunder Bay et Manitoulin. Nous représentons depuis longtemps les victimes du racisme et de la violence de la part de policiers en Ontario. C’est un honneur pour moi de témoigner devant le Comité permanent de la sécurité publique et nationale dans le cadre de vos séances sur le racisme systémique au sein des services de police au Canada.
Bien entendu, reconnaître l’existence du racisme systémique dans les services de police ne revient pas à conclure que ces mêmes services n'ont pas à faire exception à ce phénomène au motif qu'il prévaut dans tous les secteurs de la société canadienne. En tant que conseiller du Barreau de l’Ontario, je suis gêné d’admettre qu’il y a encore de nombreux chefs de file dans notre profession — un nombre important de mes collègues conseillers, pour être honnête — qui continuent de nier l’existence du racisme systémique dans la profession juridique. De toute évidence, aucun changement n'est possible si ceux qui sont en position de pouvoir et dans une situation privilégiée nient l’existence du problème. Le titre même de ces séances du Comité témoigne du chemin parcouru sur le plan du dialogue.
Comme le temps file, je commencerais par une mise en garde rapide à l’intention de ceux qui travaillent dans mon domaine.
J’ai la chance de faire le travail que je fais. Non seulement suis-je exposé à de mauvaises pratiques policières, j’ai aussi l’honneur de représenter un certain nombre de services de police autochtones en Ontario. Je crois fondamentalement que la police a un rôle essentiel à jouer dans notre société dans le cadre du contrat social visant à assurer notre sécurité à tous. Nos policiers représentent simplement un microcosme de l’ensemble de la société. Ce sont nos frères, nos sœurs, nos cousins. Comme nous, ils ont le droit d’être en sécurité et d'aller rejoindre leur famille après le travail.
Ce mémoire met l’accent sur le racisme systémique, et par le fait même, sur les mauvaises pratiques policières. Ne vous y trompez pas, il y a de bons services de police, mais notre incapacité à lutter efficacement contre les mauvaises pratiques éclipse les bonnes pratiques et risque de continuer à les éclipser. La tragédie de George Floyd aux États-Unis a suscité un éveil au Canada. Le fait que ces séances du Comité soient consacrées au racisme systémique dans les services de police représente une percée dans le dialogue. Il m’incombe de le reconnaître et je tiens à affirmer d'emblée que le dialogue ne suffit pas. Ce qui nous ronge, c’est l’absence de changement, l’absence de progrès et l’incapacité, en tant qu’agents de changement, d’obtenir de véritables résultats. Nous sommes incapables d’avoir des agents de changement qui influencent les résultats.
Toute ma vie, j'ai défendu des causes dans le domaine de la lutte contre le racisme et de l’injustice sociale sous toutes ses formes. Le travail de Falconers LLP s’étend sur trois décennies. Nous avons servi une clientèle diversifiée dont les différences avaient trait à la race, l’appartenance ethnique, la santé mentale et la culture. Je considère que mon équipe et moi sommes des agents de changement. J’ai eu l’honneur de travailler sur des cas comme les décès par balle de Lester Donaldson, Wayne Williams, Edmond Yu et Sammy Yatim. J’ai représenté la famille d’Ashley Smith. J’ai représenté Maher Arar. Depuis 2008, j’ai l’honneur de représenter divers ordres de gouvernement autochtones, des membres de collectivités autochtones et des services de police autochtones.
Tout au long de ces batailles, j’ai constaté qu’une expression française célèbre et indéniable s’appliquait parfaitement.
[Français]
En effet, je suis un petit gars de Mont-Saint-Hilaire. Selon cette expression, « plus ça change, plus c'est pareil ».
[Traduction]
Je voyage dans les provinces de l’Ontario, du Québec et du Manitoba à bord d’un petit avion à quatre places que nous surnommons Falconair. En tant qu’avocat et pilote de brousse, je passe la majeure partie de mon temps à voler dans le Nord. J’ai vu de mes propres yeux les vicissitudes des batailles contre le racisme systémique. Les manifestations de ce type de racisme dans l’ensemble du système de justice, qu’il s’agisse d’éducation, de santé, de protection de l’enfance ou de notre système de justice, sont évidentes et demeurent inchangées. Même si nous sommes capables de parler — les discussions ont commencé —, nous sommes loin d'être capables de passer de la parole aux actes. Même si nous constatons la triste réalité du racisme systémique et que les agents de l’oppression sont tenus responsables, il n’y a pas de mécanisme pour imposer le changement. C'est ce que j'ai observé.
Je l’ai vu à Thunder Bay, lorsque, en 2018, le Bureau du directeur indépendant de l’examen de la police a fait une constatation historique dans un rapport intitulé « Une confiance trahie », que je vous recommande de lire à titre de membres du Comité. Le rapport a conclu qu’un service de police au complet souffrait de racisme systémique et que l'incompétence de ses enquêteurs en ce qui a trait aux décès d’Autochtones était attribuable non seulement au manque de ressources et d'aptitudes, mais aussi au racisme qui touchait tous les niveaux du service. C’est la constatation la plus accablante que j’ai vue au cours de ma carrière concernant un service de police.
Pourtant, nous voici en 2020, et je vous le dis: rien n’a changé. Pourquoi? Comment se fait-il que nous semblions incapables de suivre une autre voie? Selon moi, c'est parce que nous sommes incapables d’apporter de véritables changements.
À la page 3 de mon mémoire — je sais très bien que le temps file —, je précise qu’il y a moyen de commencer à poser des gestes concrets pour passer du discours aux actes et amorcer un changement. La première chose que je veux souligner, c’est le concept des équipes d’intervention mobiles, et aussi le fait que le modèle selon lequel les simples policiers sont laissés à eux-mêmes pour désamorcer une situation ne fonctionne pas. Il y a des morts inutiles.
Quand on est un peu vieux comme moi, on est là depuis un certain temps. Il y a 30 ans, 28 ans, lors de l’enquête sur le décès de Lester Donaldson, en 1992, nous nous sommes penchés sur l’importance des équipes de crise mobiles. En 1994... J'ai joint ces recommandations dans les notes de bas de page. La recommandation était de créer une équipe d’intervention en cas de crise qui entrerait en jeu dans un délai de 24 heures. Cela n'est toujours pas le cas en ce qui a trait au délai d’intervention de 24 heures à Toronto.
Je l’ai vu à plusieurs reprises, par exemple avec Edmond Yu et Sammy Yatim. Je l’ai vu à maintes reprises. Nous le constatons actuellement à Toronto, à Mississauga, avec les décès. Nous ne sommes pas en mesure de mettre en œuvre et de réaffecter nos ressources de manière à ce que la désescalade, les vérifications de l'état de santé et toutes les mesures permettant de maintenir les gens en vie produisent des résultats. Je dirais que c’est parce que nous consacrons tellement de ressources au concept militariste du maintien de l'ordre, à la création d’une force d'occupation dans les collectivités, que nous sommes incapables de réfléchir à la création de services de police bienveillants.
Qu’est-ce que cela signifie? Ce ne sont pas des lieux communs. Cela signifie que vous prenez des professionnels de la santé mentale et que vous les associez à des agents de police intéressés par la désescalade. Vous créez des équipes de crise mobiles. Ces équipes interviennent non seulement lorsque la police « maîtrise la situation », elles sont là pour désamorcer la crise.
À l’heure actuelle, la culture policière est incapable de comprendre cela. La police croit que ces équipes ne devraient être utilisées qu’après que les policiers, soit les experts, aient maîtrisé la situation. C’est une erreur.
:
Merci, monsieur le président. Merci de vos propos, monsieur Falconer.
Bonjour. Je m’appelle Lorraine Whitman Grandmother White Sea Turtle. J’aimerais mentionner le territoire des Mi’kma’ki, d’où je viens, du peuple L’nu. Je suis également présidente de l’Association des femmes autochtones du Canada. Je représente les femmes des Premières Nations, métisses et inuites partout au Canada et je défends leurs droits.
Vous m’avez demandé aujourd’hui de vous parler du racisme systémique au sein des forces policières du Canada. Il s’agit d’une question prioritaire pour les femmes autochtones, qui craignent que leurs filles ou leurs fils soient blessés ou tués par les policiers qui ont juré de les protéger. C’est ce qui s’est produit plus tôt cette année lorsqu’un jeune homme a communiqué avec la police d’Edmundston, au Nouveau-Brunswick, parce qu’il s’inquiétait au sujet de Chantel Moore.
Je dirais que nous savons tous ce qui s’est passé ensuite, mais en fait, ce n'est pas le cas. Deux mois plus tard, l’enquête sur le décès de Chantel Moore n’est pas encore terminée, et sa mère n’a pas reçu le rapport d’autopsie. Tout ce que nous savons grâce aux médias, c’est que Chantel, qui n’était pas armée, a reçu cinq balles tirées par la police qui s'est rendue à son appartement pour vérifier son état de santé. Comment est-il possible qu’une telle vérification aboutisse à un meurtre?
Ce sont des questions délicates, et je ne voudrais pas compromettre l’enquête en sautant aux conclusions, mais je peux vous dire que l’AFAC est sérieusement préoccupée par ce qui s’est passé la nuit où Chantel a été abattue. De façon générale, nous sommes très préoccupées par le racisme systémique dans les services de police partout au Canada et par l'indifférence apparente des gouvernements à l’égard de la violence faite aux femmes autochtones.
J’ai rencontré la mère de Chantel, Martha Martin, à deux reprises. Je peux vous dire qu’elle est bouleversée et qu'elle se demande pourquoi l’agent en cause n’a pas été suspendu, alors que d’autres suspensions ont eu lieu dans le cas des fusillades policières à Edmundston. Était-ce parce qu’elle était autochtone? Je joins ma voix à celle de la mère de Chantel pour réclamer une enquête publique sur cette affaire. Une simple enquête du coroner ne suffit pas.
J’ai aussi rencontré des femmes autochtones qui ont appuyé Martha depuis le décès de Chantel le 4 juin. Elles sont horrifiées; elles sont en colère et traumatisées par ce décès.
Il y a eu beaucoup de Chantel. Il y a eu de nombreux cas où notre besoin de protection a été accueilli avec indifférence ou, pire encore, avec brutalité. Je n'irais pas jusqu'à dire que tous les policiers sont racistes, parce que ce n'est certainement pas le cas. En tant que femmes autochtones, nous avons l'habitude d’être mises dans le même sac, mais la brutalité doit cesser. Nos membres sont toujours confrontées au racisme systémique dans leurs interactions avec la police. Ces actes de violence et de torture doivent être dénoncés et doivent cesser, et ceux qui les commettent doivent être traduits en justice.
La primauté du droit signifie que personne n’est au-dessus de la loi et que nous sommes tous égaux devant elle. Il est clair que la primauté du droit ne s’applique pas aux peuples autochtones du Canada.
En juillet, j’ai parlé avec la commissaire de la GRC, Brenda Lucki. Depuis, nous lui avons envoyé une liste de recommandations qui, nous l’espérons, éclairera son examen du racisme systémique au sein de son service.
Je vais vous résumer les recommandations. Nous lui avons demandé que tous les agents portent une caméra corporelle. Nous avons demandé une surveillance et des enquêtes plus transparentes sur les incidents graves impliquant la police et les Autochtones. Nous avons demandé que les protocoles et les procédures d’enquête de la GRC tiennent compte non seulement de la culture des Autochtones, mais aussi des différences entre les sexes. Nous lui avons demandé de nommer une femme autochtone au poste d’ombudsman. Nous lui avons demandé de nous consulter sur les stratégies de réconciliation et de collaborer avec les groupes de femmes autochtones.
Nous avons demandé une augmentation des programmes de justice réparatrice afin d'éviter, dans la mesure du possible, que les Autochtones ne soient poursuivis au pénal. Nous lui avons demandé de travailler avec les Autochtones lors de l’élaboration et de la mise en place de la formation des agents de la GRC. Nous avons demandé de nouveaux protocoles de désescalade élaborés avec les peuples autochtones pour les peuples autochtones. Nous avons demandé que l’on améliore la collecte de données fondées sur la race afin de révéler l’ampleur des violations et de la violence à l'encontre des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre autochtones.
Mais où est l’indignation suscitée par les meurtres d'Autochtones perpétrés par la police au Canada? Où sont les manifestations concernant la fusillade mortelle d’une belle jeune femme des Premières Nations à Edmundston, au Nouveau-Brunswick? Pourquoi les peuples autochtones du Canada doivent-ils se battre seuls?
Les preuves de la violence exercée par la police à l'encontre des femmes autochtones sont claires et accablantes. Le gouvernement et les services de police du pays vont-ils enfin nous entendre? Allez-vous enfin nous voir? Ou allez-vous continuer d’ignorer la violence et la laisser perdurer? J’exhorte le Comité à dire tout cela clairement au gouvernement et à recommander l'élimination du racisme systémique des forces policières du Canada. Nous ne pouvons pas attendre que d’autres décès surviennent et que d’autres mères, comme Martha Martin, se retrouvent seules avec leur chagrin et leurs souvenirs.
Wela’lin. Merci beaucoup. Thank you.
:
Merci, monsieur le président.
Je tiens tout d’abord à remercier sincèrement les témoins, M. Falconer et Mme Whitman, pour leurs remarques liminaires, qui étaient très puissantes et très émouvantes. Je suis certaine que tous les membres du Comité les ont beaucoup appréciées.
J’ai plusieurs questions, madame Whitman. J’espère avoir le temps de toutes les poser.
Je suis ministre du cabinet fantôme pour la diversité, l’inclusion et la jeunesse. Mon homologue est la ministre Chagger. Il y a plus d’un an, le gouvernement libéral a annoncé la création du Secrétariat de lutte contre le racisme, qui a pour mandat d’aider à mettre fin au racisme systémique dans nos institutions et d’informer tous les ministères sur la façon de lutter contre ce phénomène. C’était il y a bien plus d’un an. Nous savons qu’il est opérationnel depuis au moins le mois de juin, si l'on se fie aux remarques de la ministre.
Madame Whitman, vous présidez l’Association des femmes autochtones du Canada. C’est le plus important groupe de défense des droits des femmes autochtones au Canada. Le Secrétariat de lutte contre le racisme ou le bureau de la ministre Chagger ont-ils communiqué avec vous au cours de la dernière année?
:
Merci, monsieur le président.
Merci aux deux témoins. Vous avez bien exprimé la frustration que vous ressentez quant à la manière dont le problème a été étudié, je l'entends bien dans vos propos. Des recommandations ont été formulées, et pourtant, nous sommes ici en 2020 pour examiner de nouveau cette question. Je suis optimiste.
J’ai une question à poser, justement parce que nous examinons les recommandations à transmettre au gouvernement concernant les services de police autochtones. Comme vous le savez, il est indiqué dans la lettre de mandat du ministre que les services de police des Premières Nations doivent devenir un service essentiel.
Toutefois, j’estime qu'il ne s'agit pas seulement de financer ces services. Que pouvons-nous faire d'autre pour les aider à être efficaces dans leur communauté?
Mon souci, c’est la capacité d’offrir des services qui tiennent compte des traumatismes des femmes autochtones dans les communautés. C'est aussi de veiller à ne pas reproduire les erreurs d’autres services de police alors que nous renforçons l'autonomie de ceux des Premières Nations. Comment attirer plus de femmes dans la police? Que faire pour les femmes vivant dans une petite communauté, dont le beau-frère est chef de police, et qui renâclent à s'adresser à lui pour dénoncer la violence familiale? Comment faire ce que nous faisons dans d’autres systèmes?
J’aimerais vous poser la question à vous deux alors que nous cherchons à faire des services de police des Premières Nations un service essentiel. Comment nous assurer de ne pas répéter les erreurs du passé et de fournir des services essentiels à ces femmes dans les communautés?
Madame Whitman, nous pourrions commencer par vous. Ensuite, monsieur Falconer, si vous voulez ajouter quelque chose, ce serait formidable.
:
Tout d’abord, je pense que lorsqu’on se rend dans les communautés, il faut tenir compte des organisations de femmes. Je sais qu’à l’AFAC, nous avons 13 professionnelles de la santé. Ce sont les présidentes et les membres des territoires qui sont élues par les femmes de ces provinces. À l’échelle nationale, je considère que nous sommes au sommet de la pyramide, et que nos filles sont à la base.
Si nous participons à la discussion, nous pouvons mobiliser nos femmes. Nous devons y participer. Nous devons connaître les femmes et savoir comment elles peuvent se mobiliser pour répondre aux besoins de leurs femmes. Nous savons qu’il y a de la violence, mais il peut y avoir des variations, alors nous ne pouvons pas généraliser.
Encore une fois, nous devons éduquer. Nous devons respecter notre culture et nos cérémonies, car c’est ce qui nous définit. C'est ce qui coule dans nos veines. C'est ce que nous sommes.
Nous avons besoin de cette correspondance; nous avons besoin de cette communication, mais tout d’abord, nous avons besoin de respect. Je n'en vois pas. Le respect compte beaucoup. Nous devons être capables de dire la vérité et savoir que, oui, nous avons fait des erreurs, mais nous devons les corriger. Si nous ne les reconnaissons pas, nous ne pouvons pas progresser. Nous devons les reconnaître et veiller à ce que tout le monde soit au même niveau.
:
Oui. Je suis tout à fait d'accord avec Mme Whitman et je la félicite pour son bon travail. C'est une observation vraiment saisissante.
En tant que représentant de plusieurs services de police autochtones, dont le plus important au Canada — le service de police de Nishnawbe Aski — et des Chefs de police de l'Ontario, j'ai eu l'occasion de me pencher sur ces questions et d'y réfléchir.
Je ne suis pas autochtone et je ne prétends pas parler au nom des Autochtones. Je dois faire preuve d'une grande réserve et de respect à cet égard, mais je crois que l'absence de normes législatives régissant les services de police autochtones est au cœur de la question, comme c'est le cas dans les domaines de la santé et de l'éducation.
Vous parlez d'en faire un service essentiel. C'est vraiment simple. Comment se fait-il que les non-Autochtones — en majorité de race blanche — obtiennent leurs services de police par le biais d'une loi et que les Autochtones obtiennent les leurs par le biais de programmes? La réponse est simple: chaque fois que vous vous engagez dans cette voie, ce sont les bureaucrates qui déterminent le financement et non pas la règle de droit. Les Autochtones ont droit à l'équité et ils ont droit à la sécurité garantie par la règle de droit.
Je vais conclure par cette observation. Malgré leurs limites, les services de police autochtones auraient beaucoup à enseigner aux services de police conventionnels. Le service de police de Nishnawbe Aski est un très bon exemple et je sais que vous en avez déjà entendu parler. Depuis la création de ce service il y a 25 ans, aucun policier n'a jamais enlevé la vie d'autrui avec son arme. Pourquoi? À cause de la relation que les services de police autochtones entretiennent avec les communautés.
Malgré leur manque de ressources, ils ont réussi à maintenir cette relation avec la communauté. En fait, c'est bien de parler de « service essentiel », mais la véritable réponse, c'est le respect. C'est ce que font les services de protection de l'enfance; c'est ce que le gouvernement fédéral vient de faire. Les provinces jouissent d'une autonomie législative, mais le gouvernement fédéral a l'obligation d'intervenir et de combler le vide en adoptant des normes législatives lorsqu'elles font défaut dans les provinces.
:
Je dois dire que je ne savais pas comment changer le canal de la langue. J'espère que ma compréhension du français est assez bonne pour que je puisse vous répondre correctement.
[Traduction]
Veuillez m'excuser si j'ai mal compris.
Je tiens à souligner qu'il existe diverses formes d'équipes mobiles d'intervention d'urgence. Certaines se composent exclusivement de professionnels de la santé mentale, mais d'autres — notamment le programme COAST, à Hamilton —comptent une combinaison d'intervenants. Pour revenir à la réduction du financement des services de police, ce qui est important au sujet de ces équipes mobiles, c'est la manière dont les ressources sont affectées.
J'essaie de vous dire que si vous investissez dans des agents de police qui veulent désamorcer des crises et qui choisissent ce métier pour gagner leur vie et non pour utiliser leur arme à feu ou leur pistolet Taser — et il n'y a rien de mal à ce que des agents joignent les rangs pour utiliser leurs jouets, ce n'est pas inhabituel — et si vous les jumelez à des professionnels de la santé, vous obtiendrez des résultats différents.
Une enquête est en cours sur la mort de Beau Baker, un homme de race blanche atteint de graves troubles mentaux de la région de Waterloo. Nous sommes sur le point de lancer cette enquête.
Je vous demande seulement de faire attention, parce que le problème, c'est que les services policiers disent qu'ils ne feront pas appel à cette équipe mobile d'intervention d'urgence avant d'avoir désamorcé la situation et sécurisé les lieux. Cela n'a aucun bon sens. Des gens meurent justement parce que les policiers sont incapables de désamorcer la situation. Cela fait partie du problème.
Pour répondre à votre question, madame Michaud, je pense que ces équipes peuvent prendre diverses formes, mais elles doivent compter des gens compétents en désescalade.
:
Je vous remercie de me poser cette question.
[Traduction]
Voici ce que j'en pense. J'étais à Thunder Bay au parc où se sont déroulées les manifestations pour Floyd et j'ai été frappé par le nombre de manifestants. Je ne veux pas dire que c'est la solution, mais ce que les gens ont de la difficulté à accepter, et cela devient de plus en plus évident, c'est la règle des deux poids, deux mesures appliquée par des services de police incompétents. Ce que je vois, que ce soit dans l'enquête de la police de Thunder Bay ou dans l'affaire Dafonte Miller...
J'ai l'honneur de représenter Dafonte et sa famille. Il s'agit du jeune homme noir qui a été battu par un agent de police en civil et son frère, les frères Thériault. Le mois dernier, en juin, 19 000 personnes se sont inscrites pour entendre le juge rendre sa décision, 19 000 personnes. Pourquoi une foule aussi nombreuse? Je pense que ces gens se sont mobilisés parce qu'ils sont préoccupés par notre utilisation de la règle des deux poids, deux mesures. L'exemple le plus frappant, c'est quand des policiers disent des faussetés au sujet d'un événement — encore une fois, je parle des mauvais policiers et non des bons; en général, ils ne sont pas poursuivis en justice. Ils ne sont pas accusés de parjure. Lorsqu'ils embellissent les faits, lorsqu'ils mentent pour qu'on ne sache pas comment ils ont traité quelqu'un, ils ne subissent pas de conséquences graves. Nous devons changer cela. Si je mens sous serment, je suis accusé de parjure. Si vous mentez sous serment, vous êtes accusés de parjure. Mais pas les agents de police. Nous devons changer cela.
Enfin, au sujet du vérificateur général, je vous remercie, madame Michaud, de me donner l'occasion d'en parler. Nous pourrions demander au vérificateur général de se pencher sur les enquêtes et les rapports. La Nation Nishnawbe Aski a demandé par écrit au vérificateur général de superviser la mise en œuvre des recommandations du rapport d'enquête sur sept jeunes à Thunder Bay. Le vérificateur général a refusé.
C'est important pour les gens. Mme Whitman a tout à fait raison. C'est comme si la vie des Autochtones valait moins que rien. C'est ce qui ressort — je le constate tous les jours dans mon travail — et c'est révoltant. Je trouve cela troublant. Si les vérificateurs généraux de ce pays, tant au provincial qu'au fédéral, se souciaient de la vie des Autochtones autant que des chiffres, les choses changeraient. Vous pourriez demander aux vérificateurs généraux de superviser la mise en œuvre du rapport et des recommandations de l'enquête.
:
Merci, monsieur le président.
Je remercie nos deux témoins pour leurs présentations. Je voudrais bien disposer de plus de cinq minutes.
Tout d'abord, madame Whitman, je vous remercie pour votre exposé et votre profonde inquiétude à la suite du déplorable décès de Chantal Moore — un parmi de nombreux autres, malheureusement. Comme beaucoup, j'ai lu le bulletin établi par votre association sur la mise en œuvre, ou l'absence de mise en œuvre, des recommandations du rapport sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Sous le titre « Le droit à la justice », vous rappelez que les femmes et les filles autochtones sont ciblées de manière excessive par les services de police et incarcérées en trop grand nombre, tout en étant sous-protégées en tant que victimes d'actes criminels. Vous donnez au gouvernement une mauvaise note pour la mise en œuvre des recommandations. De toute évidence, c'est une honte et je suis certain que vous êtes de mon avis.
Selon vous, quelle devrait être la première recommandation que le Comité devrait faire? De toute évidence, une transformation doit avoir lieu, mais par quoi commencer? Quelle devrait être notre première recommandation pour favoriser ce changement? Vous avez parlé de vérité et de respect. Il existe du racisme systémique au Canada et au sein des services de police, cela a été reconnu, mais quelle doit être la première mesure à prendre?
:
Premièrement, vous devez rencontrer des femmes à notre organisation nationale. Nous devons être présentes à la table de discussion afin que nous puissions nous rencontrer. Nous connaissons les cas. Nous connaissons l'histoire. C'est notre nourriture quotidienne. La vérité, c'est que nous avons des caractéristiques culturelles inhérentes qui sont différentes de celles des non-Autochtones, et nous devons respecter toutes ces caractéristiques.
Nous avons été tellement traumatisés durant la période colonialiste. Nous devons examiner les racines de ce colonialisme. Selon moi, le gouvernement pratique une forme de discrimination et de racisme systémique parce que nous n'y sommes pas tous inclus. Ils disent que nous sommes inclus, ce ne sont que des paroles. Nous sommes les personnes les plus consultées. J'ai rencontré M. Ivan Zinger dans les établissements carcéraux et nous avons parlé de toutes les femmes qui y sont incarcérées et du traitement... Il y a même des détenues non autochtones qui ont été libérées durant la pandémie de COVID, tandis que les détenues autochtones sont toujours là. Contrairement aux femmes non autochtones, elles n'ont pas été libérées. Je me demande ce qui se passe ici. Pourquoi n'avons-nous pas la même importance? Nous continuons de souffrir, comme n'importe quelle femme incarcérée.
Nous devons avoir une place aux tables de discussion. Nous devons être respectées. Et, oui, je parle de vérité parce que tous les Canadiens doivent connaître la vérité. C'est pour cette raison que cette enquête nationale a eu lieu: 92 millions de dollars, 1 575 témoignages, 231 recommandations, des appels à la justice. La population canadienne a besoin de savoir. C'est notre histoire. Et c'est un livre d'histoire. Nous devons être là et poursuivre notre travail de sensibilisation. Nous avons peut-être l'impression que les gens sont sensibilisés, mais nous devons poursuivre notre travail et mettre en évidence de graves problèmes, dont le racisme.
J'ai suivi les travaux du comité, notamment en ce qui concerne les recommandations qui ont été intégrées au projet de loi portant sur la Commission civile d'examen et de traitement des plaintes. Après avoir travaillé 30 ans dans le domaine du maintien de l'ordre, je me demande toujours d'où vient cette crainte de créer un organisme civil indépendant de surveillance de la GRC. Bon sang, avec tout le respect que je vous dois, pourquoi est-ce que tout le monde tourne autour du pot dans ce dossier?
Vous voudriez donner plus de mordant au travail de la CCETP. C'est très bien. De toute évidence, Mme Lahaie joue un rôle important en essayant de dénoncer la situation — son seul outil, c'est une recommandation —, mais n'est-ce pas justement ce qui se passe ici? Vous devez créer un organisme indépendant de surveillance, une commission, qui dirige la GRC. Il faudrait faire la même chose avec la Police provinciale de l'Ontario. C'est mon premier point. Ensuite, vous devez vous assurer que cet organisme de surveillance soit efficace. Il n'en existe pas. Honnêtement, la GRC est toujours aussi incontrôlée et elle se réglemente elle-même. C'est ce qu'a récemment affirmé la présidente, Mme Lahaie. Elle ne peut pas obliger la GRC à donner suite à ses recommandations pour la simple raison que ce n'est pas elle qui dirige l'organisation. Elle ne fait que formuler des recommandations.
Le deuxième point sur lequel je veux insister, c'est que le rôle des services policiers autochtones dans ce pays doit être renforcé et défini par la loi. Sauf votre respect, Mme Whitman ne devrait pas avoir à expliquer pourquoi et comment la GRC peut s'adapter et se transformer. Pourquoi les communautés des Premières Nations n'ont-elles pas toutes l'option d'avoir un service de police autochtone? Prenez l'exemple du service de police tribal de Wikwenikong, ou du service de police du Traité no 3, ou d'autres services de police autochtones de l'Ontario. Ils font d'énormes progrès. Je pense que c'est un grand pas dans la bonne direction.
:
Je suis honoré, madame Khera, que vous abordiez ce sujet.
Vous avez sans doute remarqué que j'ai mentionné, dans mon allocution, que nous avions encore des défis à relever à cet égard au Barreau de l'Ontario. Certains conseillers nient carrément l'existence du racisme systémique au sein de la profession.
Je pense que ceux qui nient la réalité finiront par être laissés pour compte. La réaction au décès de Floyd a démontré de manière positive que la majorité des collectivités souhaitent un réel changement.
Je vous suggère d'utiliser le pouvoir et le privilège que vous détenez, en tant que comité, pour obliger les vérificateurs généraux, tant au gouvernement fédéral que dans les provinces, à réclamer la mise en œuvre de ces rapports. Tout est là. Je ne veux pas dire, madame Khera, que vous devez vous écarter du sujet, mais vous pourriez être les artisans de ce changement. Vous pourriez amorcer ce changement en exigeant que les équipes mobiles d'intervention d'urgence de la GRC soient réelles et efficaces. Vous pouvez apporter ces changements. Ce sont là des exemples de mesures concrètes que vous pourriez prendre.
Enfin, j'aimerais revenir à la question de M. Harris sur la raison pour laquelle une université ou une école n'investit pas dans des services de police conventionnels. Ces établissements devraient peut-être se tourner vers les services de police autochtones. S'ils ne trouvent pas ce qu'ils souhaitent pour leurs étudiants chez les uns, ils le trouveront chez les autres.
:
Je m'excuse, monsieur Harris, mais nous allons devoir nous arrêter là.
Je suis désolé de cette contrainte de temps. C'est comme ça et nous devons nous y faire.
[Difficultés techniques] pour vos commentaires et votre sincérité. Nous allons sûrement intégrer une bonne partie de vos observations dans notre rapport.
Chers collègues, je lève la séance et j'espère pouvoir prononcer les mêmes mots la semaine prochaine, à la même heure.
M. Julian Falconer: Monsieur le président, puis-je vous demander que les deux documents que nous avons déposés soient intégrés au compte rendu?
Le président: Bien sûr.
M. Julian Falconer: Je remercie les membres du Comité.
Mme Lorraine Whitman: Merci.
Le président: Merci encore.
Au revoir.