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SECU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la sécurité publique et nationale


NUMÉRO 005 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 12 mars 2020

[Enregistrement électronique]

(0845)

[Traduction]

    Bonjour, tout le monde. Il est 8 h 45. Je vois qu'il y a quorum.
    Nous avons ici avec nous M. Philippe Bensimon, M. Dave Blackburn, ancien commissaire à la Commission des libérations conditionnelles du Canada et, de la Société John Howard du Canada, Mme Catherine Latimer.
    Monsieur Blackburn, je sais que vous voulez prendre la parole un peu plus tard.
    Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, monsieur Bensimon, nous allons commencer avec vous. Vous avez 10 minutes, monsieur.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour, mesdames et messieurs, membres du Comité.

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Bensimon. Vous n'êtes pas obligé de vous lever, mais vous pouvez le faire si vous voulez.
    Merci beaucoup.
    C'est juste un court exposé.
    D'accord.
    Merci.

[Français]

    J'aimerais d'abord me présenter, ce qui permettra aux membres de mieux cibler leurs questions.
    Je suis docteur en criminologie et j'ai travaillé 27 ans au Service correctionnel du Canada, dont 15 dans 5 différents pénitenciers en tant qu'agent de libération conditionnelle et coordonnateur clinique par intérim. J'ai ensuite travaillé 12 ans en recherche opérationnelle, toujours au Service correctionnel, auxquels s'ajoutent 20 ans d'enseignement en criminologie aux universités d'Ottawa et de Montréal. Je suis l'auteur d'une cinquantaine de publications en criminologie parues dans différentes revues internationales. Actuellement, je fais de l'expertise sur l'analyse de dangerosité et du risque de récidive pour la Couronne et la défense, c'est-à-dire pour la cour.
     Dans le court laps de temps qui m'est imparti ce matin, j'aimerais rappeler aux membres du Comité ici présents, pour bien dégager la suite de la discussion, qu'il n'y a pas d'école de formation ni d'université pouvant conduire la personne à devenir commissaire aux libérations conditionnelles. Ce n'est pas une profession ni une spécialisation, mais une fonction.
    De plus, la Commission des libérations conditionnelles du Canada n'est qu'un maillon de la chaîne. J'ai entendu beaucoup de commentaires. On cherche à savoir qui est coupable, qui est responsable. Chacun balaie la poussière dans la cour du voisin. Pour bien comprendre le pourquoi de ce dossier ayant entraîné la mort d'une personne, dossier qui est loin d'être une première au Canada dans les annales judiciaires, je me dois de revenir brièvement sur son historique pour bien cadrer le sujet qui est la raison de notre présence aujourd'hui.
    Il n'y a pas si longtemps, à la suite du fameux rapport Fauteux et de celui de la commission Archambault, la Loi sur les libérations conditionnelles fut créée en 1956, suivie en 1959 de la création de la Commission nationale des libérations conditionnelles du Canada, laquelle allait changer plusieurs fois de nom et devenir la Commission des libérations conditionnelles du Canada. Celle-ci était composée de personnes choisies, à l'époque, par les ministres et les députés, qui recommandaient les candidats auprès du Cabinet du premier ministre, choix on ne peut plus politique qui dépendait du gouvernement en place.
    Malheureusement, devant de hauts taux de récidive, des sondages quant à la perception négative du public canadien acculé à ce phénomène récurrent de la récidive et des décisions prises par les commissaires souvent critiquées pour leur laxisme, il faudra attendre l'arrivée de Willie Gibbs, en 1994, pour que le processus soit radicalement transformé.
    Les candidats allaient désormais être jugés en fonction de leurs connaissances et de leurs capacités à mener à bien une entrevue lors d'une audience et à prendre des décisions se voulant justes et éclairées. Pour ce faire, il fallait à tout le moins sélectionner ces personnes au moyen d'un processus échelonné en quatre phases distinctes. La première était l'examen écrit qui, si réussi, amenait la personne à un examen oral. Pour l'examen écrit, à moins d'avoir une réelle expertise dans le domaine, il ne s'agissait pas d'une simple préparation à un examen trois semaines à l'avance, mais très souvent d'une préparation de plusieurs mois, voire d'une année complète.
    Ensuite, si le candidat réussissait la première phase, c'est-à-dire l'examen écrit, il était convoqué en entrevue par quatre commissaires aguerris pour le soumettre à des mises en situation et des jeux de rôle et évaluer sa capacité à verbaliser une prise de décision. Après l'écrit et l'oral, il y avait la phase de vérification de la fiabilité du candidat, à savoir s'il avait ou non un casier judiciaire.
    Finalement, la personne demeurait sous le tutorat d'un commissaire expérimenté pour une durée d'au moins six mois. Durant cette période, le candidat ne prenait pas de décision en audience. Il pouvait réagir aux propos tenus et donner sa rétroaction, mais, pendant six mois, il était apprenti.
    Une fois nommé, il suivait une formation de 15 jours par an sur différentes thématiques liées au domaine criminel, domaine qui nécessite un minimum de connaissances continuellement mises à jour. J'insiste sur ce point.
    Qu'on soit d'obédience politique plus conservatrice ou plus libérale, plus à gauche ou plus à droite, au même titre que tous les membres réunis dans cette salle, n'est pas commissaire qui veut. Les commissaires en poste ne font aucune analyse criminologique, ne remplissent aucune grille d'évaluation actuarielle et n'établissent pas de plan de traitement correctionnel. Tout ce qui relève du diagnostic et du pronostic entourant le comportement criminel appartient exclusivement à l'agent de libération conditionnelle. Quand on parle de comportement criminel, il n'y a pas deux, trois, quatre ou cinq spécialistes, il n'y en a qu'un seul: c'est l'agent de libération conditionnelle, qui plus est s'il est diplômé en criminologie.
    Le Service correctionnel du Canada a pour mandat de recommander ou non un détenu, et c'est uniquement à la lueur des recommandations écrites, et seulement à ce moment, que la Commission est alors apte à prendre une décision quant à octroyer ou non un élargissement des conditions de la personne détenue à l'extérieur lors d'une audience.
(0850)
     Traiter en amont du seul processus de nomination de la Commission en cherchant un responsable sans prendre en compte ce qui se fait par le Service correctionnel du Canada, c'est faire fausse route.
    Je ne peux que commenter sous toute réserve le cas de M. Eustachio Gallese, puisque je n'ai pas son dossier.
    Même si le cas ne constitue pas une situation isolée dans le temps quant à la fréquentation des prostituées — le président du syndicat l'a même reconnu, il était étonné de la réponse de la commissaire du Service correctionnel —, je rappellerais qu'autoriser un cas lourd, condamné pour meurtre, à solliciter à plusieurs reprises des services de nature sexuelle moyennant rétribution, constitue un acte criminel passible d'une amende de 1 000 $ aux termes du sous-alinéa (286.1(1)a)(ii) et de 5 000 $ en cas de récidive aux termes de l'alinéa 286.1(1)b). Ce faisant, le Service correctionnel du Canada s'est placé en position de proxénète en l'autorisant à fréquenter un salon de massage, cette autorisation ayant été signée par l'agente de libération conditionnelle avec co-signatures des autorités en place, c'est-à-dire contrôle de qualité et supérieur immédiat.
    Autre erreur gravissime, on ne devrait jamais, mais jamais, placer un détenu dans un centre résidentiel communautaire qui relève du fédéral, lorsque ce dernier a un dossier lourd, notamment pour tout ce qui constitue meurtres et agressions sexuelles. Il devrait être placé dans un centre correctionnel communautaire.
    Alors, pour ne pas confondre le public, parce que beaucoup de journalistes ont fait des cours 101 à M. et Mme Tout-le-Monde, je rappellerais que la différence est majeure.
    Les centres résidentiels communautaires, ou CRC, sont des maisons de transition provinciales ayant un contrat avec le fédéral et sont des maisons qui coûtent beaucoup moins cher que les centres correctionnels communautaires qui, eux, relèvent du fédéral et disposent d'un personnel aguerri, de professionnels et, généralement, pour la région du Québec, de criminologues. Donc, dans ces maisons de transition provinciales, il y a des détenus provinciaux condamnés à des peines de trois, quatre, six, dix ou dix-huit mois, qui côtoient des détenus ayant des peines lourdes de 20 ans, 25 ans, soit des cas extrêmement lourds.
    Je vous rappellerais que la Constitution prévoit la séparation des pouvoirs visant les prisons et les pénitenciers. Là, on semble mélanger les deux, mais on ne le devrait pas. Les détenus provinciaux relèvent des provinces. Les détenus fédéraux relèvent du fédéral. Dans un CRC, le personnel en place est constitué d'un gardien de nuit et d'un gardien de jour, d'animateurs de groupe, de quelques intervenants, de beaucoup d'étudiants en stage et de bénévoles. Quant aux détenus qui y séjournent, ils demeurent sous la tutelle d'un agent de liaison du Service correctionnel, qui vient faire sa navette entre le bureau de libération conditionnelle et le centre résidentiel communautaire, afin de rencontrer les détenus qui lui sont confiés.
    Pour limiter, et non éradiquer, le risque de récidive contre la personne — le risque zéro n'existe pas, c'est une farce, c'est un leurre, cela fait partie de la propagande —, les commissaires devraient siéger au nombre de trois. J'ai connu une époque où ils étaient quatre pour les cas de meurtre. Pour tous les dossiers de meurtre, comme c'était le cas il y a 20 ans, il devrait y avoir trois commissaires. Certes, vous allez me dire que c'est une mesure qui coûte cher, qui exige un bassin beaucoup plus grand, mais la sécurité du public n'a pas de prix. Je reviendrai sur des éléments autour de cette question.
    Je vous remercie, messieurs et mesdames, membres du Comité.
(0855)
    Merci, monsieur Bensimon.

[Traduction]

    Monsieur Blackburn, vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.

[Français]

     Merci, monsieur le président. Je remercie également les députés.
    Par souci de transparence, je tiens à mentionner dès le départ que j'ai été candidat conservateur à l'élection de 2019.
    Je dois vous dire que je suis extrêmement triste et consterné relativement au sort qu'a connu Marylène Levesque. Cette femme n'aurait jamais dû mourir sous les coups de couteau d'un meurtrier récidiviste. Le loup a été jeté dans la bergerie. En conséquence, ce qui était prévisible est survenu. Pourquoi? C'est parce que la Commission était dépourvue de sa capacité à exercer son mandat.
    Ce meurtre est le résultat d'une série de failles majeures systémiques au sein du Service correctionnel du Canada, le SCC, de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, la CLCC, et de la maison de transition.
    Le bureau du premier ministre a aussi une part importante de responsabilité dans ce qui a mené à ce meurtre sordide. Les modifications apportées au processus de nomination des commissaires ont eu des conséquences désastreuses sur le fonctionnement de ce tribunal indépendant administratif. Les Canadiens, la famille de Marylène Levesque et la fille de Chantal Deschênes, tuée par M. Gallese en 2004, s'attendent donc à des réponses claires sur les manquements du SCC et de la CLCC ainsi que sur les mesures qui seront prises pour assurer la protection des femmes au Canada.
    Je parlerai maintenant du premier point de la motion, soit la décision de la CLCC. Les commissaires Lainé et Fortin ont pris une mauvaise décision le 19 septembre 2019 en reconduisant la semi-liberté de M. Gallese. Ces deux commissaires étaient peu expérimentés en évaluation du risque de délinquants fédéraux. Ce dossier présentait certaines complexités. Ils n'ont pas été en mesure de prendre les mesures appropriées pour protéger la société de ce meurtrier.
    Pendant l'audience, les deux commissaires ont été informés de la stratégie de l'équipe de gestion de cas du délinquant, qui a permis à ce dernier de rencontrer des femmes afin de répondre à ses besoins sexuels, sur la base de sa transparence.
    Puisqu'il s'agissait de nouvelles informations, les commissaires auraient dû obtenir plus de précisions quant à cette stratégie afin de bien évaluer le risque que représentait M. Gallese pour le public et pour les femmes.
    Qui plus est, les commissaires n'ont fait qu'écrire quelques lignes au sujet du caractère inapproprié de cette stratégie, sans revoir le risque ni prendre les mesures de protection qui s'imposaient. Personnellement, je ne vois pas comment la stratégie permettant à M. Gallese de rencontrer des femmes pour assouvir ses besoins sexuels aurait pu représenter une perspective de réinsertion sociale. Je n'ai jamais vu l'utilisation d'une telle stratégie pendant toute ma carrière, et je suis effrayé par les commentaires du Syndicat des employés de la sécurité...

[Traduction]

    Excusez-moi, monsieur Blackburn.
    Nous nous engageons sur un terrain glissant. Il y a des preuves directes, des preuves indirectes et des ouï-dire. Si vous citez un passage d'un document, mentionnez le document. Il serait utile que vous nommiez le document cité pour que nous puissions nous appuyer sur des données probantes plutôt que sur des déclarations faites par une personne. Ce serait utile dans le cadre des délibérations du Comité.
    Je demande à tous les témoins de citer des données probantes et non pas des déclarations faites par quelqu'un.
    Je vais vous laisser continuer, et nous n'allons certainement pas vous pénaliser pour ce qui est du temps qui vous est imparti, et je vous suis reconnaissant de votre exposé.
    Merci.

[Français]

     Selon toute vraisemblance, la stratégie ne protégeait pas toutes les femmes et laissait sous-entendre que, dans notre société, il y a des « sous-femmes », ce qui est outrageant.
    Enfin, le SCC et la maison de transition doivent expliquer leur laxisme en matière de surveillance.
    Au sujet du deuxième point de la motion, les commissaires intéressés par un renouvellement devaient, par le passé, écrire une lettre au président. Ce dernier recommandait ou non un renouvellement au bureau du ministre. Cette façon de faire permettait de renouveler la nomination des commissaires méritants et désirant poursuivre leur service au Canada.
    En mars 2016, lors de la remise de mon évaluation annuelle, j'ai manifesté au vice-président du Québec mon intérêt à solliciter un renouvellement. Ce dernier m'a informé que le gouvernement Trudeau allait mettre en place un nouveau processus de nomination des commissaires. Quelque temps après, le bureau national m'a expliqué que je devais poser ma candidature et recommencer le processus dans son entièreté. Conséquemment, l'ancien processus de renouvellement des commissaires n'existait plus.
    Entretemps, un groupe d'une dizaine de commissaires du Québec, dont je faisais moi-même partie, a amorcé des discussions sur les répercussions des changements dans le processus nominatif sur le mandat de la CLCC.
    Pour nous, il n'y avait aucun doute que ces changements allaient avoir des conséquences majeures sur le fonctionnement de la CLCC, sur la perte d'expertise, de connaissances et d'expérience des commissaires, sur le manque d'encadrement en audience par des commissaires d'expérience, sur le climat de travail et sur le surmenage des commissaires et du personnel.
    À la fin de novembre 2017, nous avons fait parvenir une lettre au premier ministre Justin Trudeau, au ministre de la Sécurité publique et au greffier du Conseil privé, leur faisant part de nos sérieuses préoccupations.
    Je cite un extrait de cette lettre:
Il est bien connu qu'une organisation comme la nôtre nécessite l'apport de nouveaux commissaires régulièrement. Mais elle a aussi besoin de membres expérimentés en nombre suffisant, avec de bonnes performances à leur actif, afin de transmettre la mémoire corporative, d'encadrer les nouveaux commissaires qui nécessitent de 18 à 24 mois de formation, et de maintenir la très grande qualité des décisions nécessaires pour la protection du public. Notre mandat premier est la protection du public et nous craignons que ce mandat soit actuellement en péril.
    De plus, nous avons demandé au premier ministre de maintenir en place le processus de renouvellement des commissaires. Ni MM. Trudeau, Goodale ou Wernick n'ont donné suite à cette lettre. Pourquoi?
    Le contenu de cette lettre était de première importance, car il les alarmait des répercussions potentielles sur la protection de la société canadienne.
    Le 11 janvier 2018, j'ai terminé mon mandat à la Commission sans savoir ce qu'il adviendrait. En avril 2018, j'ai passé une entrevue de moins de 30 minutes devant un comité de sélection dont aucun membre n'avait fait le travail de commissaire.
    Je suis d'avis que le cœur du problème dans l'affaire Gallese est directement lié au nouveau processus de nomination mis en place par le gouvernement Trudeau. Ce nouveau processus a fait que la Commission a considérablement perdu de son autonomie et de son indépendance dans le recrutement des commissaires. Conséquemment, la majorité de ceux qui possédaient de l'expérience et qui avaient été nommés par le gouvernement précédent a été évincée.
    Ce nouveau processus avait comme particularité d'inclure un membre du comité de sélection qui provenait du bureau du premier ministre.
    En outre, la première vice-présidente nommée en 2018, Mme Sylvie Blanchet, dont les liens entre son conjoint et un influent ministre libéral du Nouveau-Brunswick étaient connus, siégeait aussi au comité de sélection. L'intégration de Mme Blanchet et d'un membre de son bureau permettait au premier ministre d'influencer les décisions concernant les personnes qui allaient se retrouver ou non sur la liste potentielle des nominations. De plus, en éliminant le processus de renouvellement des commissaires d'expérience, il forçait ces derniers à refaire en entier le processus de nomination.
    Ce nouveau processus était l'instrument du gouvernement Trudeau pour faire le ménage, pour sélectionner les personnes de son choix. Malheureusement, tout porte à croire que ces choix se sont faits au détriment de la sécurité publique.
    La Commission n'a pas été en mesure d'encaisser le choc brutal d'un presque total changement de garde de ses commissaires en l'espace de quelques mois. Une large part du difficile travail de commissaire s'apprend sur le terrain, en prenant des décisions de qualité sur des dossiers et en participant à des audiences. Les commissaires expérimentés agissent comme des mentors en permettant un transfert de la connaissance pratique, de l'expérience et, surtout, de l'expertise nécessaire pour procéder à l'évaluation du risque. De là toute l'évidence et la validité d'associer un commissaire d'expérience à un nouveau commissaire lors des audiences.
    C'est exactement ce qui a manqué dans le cas précis d'Eustachio Gallese. Des commissaires ayant l'expérience et l'expertise nécessaires auraient détecté que cette stratégie allait directement mener à l'augmentation du risque de récidive et mettre la société en danger.
(0900)
     Soyons clairs: la région du Québec de la CLCC a connu une véritable purge en 2018 au sein de ses commissaires d'expérience. Les chiffres parlent d'eux-mêmes: seulement deux commissaires d'expérience sur seize ont survécu à cette purge. Les nominations de tous les autres n'ont pas été renouvelées, et ceux-ci n'ont pas obtenu la moindre explication. C'est donc dire que 14 nouvelles personnes ont chaussé les souliers de commissaire.
    Pour ajouter à ce non-sens, j'ai appris que les commissaires signataires de la lettre envoyée au premier ministre avaient fait l'objet d'une enquête commandée par le Bureau de recherche libéral. Une source anonyme m'a envoyé un document présentant les résultats de l'enquête à mon sujet qui date du printemps 2018. Cela est extrêmement préoccupant et ne représente pas une pratique qui devrait avoir cours dans un État de droit comme le Canada.
    Ces changements dans le processus de nomination ont, de mon point de vue, porté directement atteinte à l'article 3.1 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition. Selon cet article, « la protection de la société est le critère prépondérant appliqué par le Service dans le cadre du processus correctionnel ».
    Je désire conclure mon allocution en affirmant haut et fort que l'enquête interne commandée par le ministre de la Sécurité publique ne permettra pas de faire la lumière sur l'entièreté des manquements qui ont mené au meurtre de Marylène Levesque, ni à envisager qu'il soit possible que la stratégie appliquée par l'agent de libération, approuvée par son équipe de gestion de cas et cautionnée par les commissaires, s'apparente curieusement à de la négligence criminelle.
     En conséquence, il est impératif qu'une enquête externe soit menée par des ex-commissaires ou des ex-juges et que la totalité des résultats soit rendue publique. L'objectif fondamental est de comprendre les manquements qui sont survenus dans cette triste affaire et de les corriger dans les plus brefs délais. Cette tragédie ne touche pas uniquement les travailleuses du sexe, mais bien l'ensemble de notre société.
    Aussi, le Canada a intérêt à prendre connaissance des pratiques correctionnelles et de libération conditionnelle qui se font dans d'autres pays, dont le Royaume-Uni, où, dans certains dossiers, trois commissaires siègent lors des audiences et peuvent être assistés par des spécialistes de la santé mentale ou de la criminologie. Les commissaires ayant une appartenance politique sont aussi clairement identifiés.
    De plus, pour obtenir des réponses précises plus particulièrement en lien avec le nouveau processus nominatif, il apparaît indispensable et conséquent que le premier ministre, M. Justin Trudeau, soit questionné, car il est à l'origine des changements. Dans le présent cas, un meurtre aurait pu être évité.
    Enfin, j'offre mes sincères condoléances à la famille et aux amis de Marylène Levesque.
(0905)
    Je vous remercie, monsieur Blackburn.

[Traduction]

    Monsieur Latimer, vous avez 10 minutes, s'il vous plaît.
    Merci, mesdames et messieurs les membres du Comité, de me donner l'occasion d'être ici.
    La Société John Howard du Canada souhaite offrir ses condoléances à la famille et aux amis de Marylène Levesque.
    Le décès d'une jeune femme est indéniablement tragique, mais il est terrible d'apprendre qu'elle a été assassinée par un libéré conditionnel qui avait tué une femme dans le passé. Je pense que nous croyons tous qu'un individu qui a reçu une sentence pour meurtre, qui a été assujetti à des conditions strictes et qui a été surveillé par des agents de l'État dans la collectivité ne devrait pas être capable de tuer quelqu'un.
    Bien qu'il soit rare qu'un libéré conditionnel commette une infraction violente, encore moins un meurtre, je pense qu'il faut mener une enquête complète et impartiale sur la façon dont cet incident s'est produit pour veiller à ce que les erreurs soient cernées et corrigées.
    Nous espérons que l'étude par ce comité parlementaire des événements qui ont mené au décès de Mme Levesque rendra le processus objectif et transparent.
    J'aimerais simplement signaler que je ne suis pas au courant des faits particuliers de la situation, si bien que je n'ai pas de preuves directes à offrir au Comité. Je sais que les crimes violents commis par des individus qui purgent leur peine dans la collectivité après la prison sont rares et sont en baisse. Je pense que vous le constaterez lorsque vous examinerez les rapports statistiques sur le sujet.
    Si je peux me permettre de faire des observations sur l'exposé de M. Blackburn, je pense que le fait de se fier aux procédures utilisées par des anciens membres de la commission et de penser que ces procédures sont meilleures est fort probablement réfuté par les statistiques qui révèlent qu'il y a des améliorations quant à la façon dont les commissions des libérations conditionnelles prennent leurs décisions. Cela dit, je pense qu'il est très important qu'une enquête complète soit menée pour tenter de relever les problèmes qu'il y a eus dans ce cas particulier.
    Comme on l'a souligné, les décisions prises concernant les libérations sont complexes car le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada participent étroitement à la prise de décisions concernant les prisonniers qui purgent une peine d'emprisonnement de plus de deux ans. Ils partagent la responsabilité concernant les libérations. Autrement dit, ils préparent les prisonniers pour leur remise en liberté, décident quand ils devraient être libérés et les conditions qu'ils doivent respecter, assurent l'observation de ces conditions, et suspendent et révoquent les remises en liberté si le risque ne peut pas être géré de façon sécuritaire dans la collectivité.
    Le défi est de savoir quel organisme est responsable de quelle partie de ce continuum. Ce n'est pas tout à fait clair car l'expression « libération conditionnelle » entre en ligne de compte, ce qui donne lieu à de fausses perceptions et à une mauvaise compréhension de la population pour déterminer qui est responsable de quoi.
    SCC est responsable de préparer les prisonniers pour leur libération conditionnelle, habituellement par l'entremise de plans correctionnels, et d'assurer le respect des conditions lorsqu'ils sont dans la collectivité, ce qui est établi par la Commission des libérations conditionnelles.
    C'est essentiellement l'unité opérationnelle. Les agents traitent en personne avec les prisonniers dans les établissements correctionnels et dans les collectivités pour les préparer et voir si des progrès sont réalisés dans le cadre de ces plans correctionnels.
    La Commission des libérations conditionnelles du Canada décide quand les gens devraient être libérés s'ils sont admissibles, quelles conditions s'appliquent à leur libération et si les libérations conditionnelles devraient être révoquées. Ce sont les décideurs. Ils dépendent énormément de SCC pour ce qui est des facteurs qu'ils doivent prendre en considération dans la prise de décisions.
    Ce sont des tâches difficiles, et elles s'appuient sur des outils d'évaluation des risques et une compréhension des facteurs criminogènes. La prédiction des comportements futurs n'est jamais absolue. Comme je l'ai mentionné, les statistiques laissent entendre que cette procédure fonctionne bien et améliore la sécurité des collectivités.
    Quelque chose a clairement mal tourné dans ce cas-ci, ce qui a eu des conséquences tragiques pour Mme Levesque.
    Pendant que SCC et la Commission des libérations conditionnelles du Canada mènent des examens, bon nombre d'entre nous sont favorables à la tenue d'un examen externe pour assurer la transparence. Cependant, des examens externes risquent de créer des contraintes trop sévères et une culture d'aversion au risque pour gérer les craintes du public. Cela peut miner la sécurité publique à long terme.
    Dans la population carcérale fédérale, environ deux tiers des prisonniers sont détenus pour avoir commis des infractions violentes. Bon nombre des individus avec lesquels nous traitons ont des antécédents de violence.
(0910)
    Environ le quart des détenus dans la population carcérale sous responsabilité fédérale purgent une peine d'emprisonnement pour une période indéterminée. Ils peuvent seulement réintégrer la communauté par l'entremise d'une libération conditionnelle. Les trois quarts des détenus dans la population carcérale sous responsabilité fédérale ont des peines d'une durée déterminée fixées par des juges, et ils seront remis en liberté si le CST et la Commission des libérations conditionnelles du Canada estiment que c'est une bonne idée.
    Je pense que la présidente Oades, lorsqu'elle a comparu, a signalé qu'environ 60 % des libérations conditionnelles sont attribuables à des obligations légales et ne sont pas laissées à la discrétion de la Commission des libérations conditionnelles. Les membres de ce groupe ne reçoivent généralement pas les programmes correctionnels et le soutien à la réinsertion dont ils ont besoin.
    Ce qui me préoccupe le plus, ce sont les prisonniers à risque élevé ayant des besoins importants qui ont été détenus par la Commission des libérations conditionnelles du Canada jusqu'à l'expiration du mandat ou jusqu'à la fin de leur peine, de crainte qu'ils commettent un sévice grave à la personne s'ils sont libérés plus tôt.
    Après la fin de leur peine, ils ne seraient plus considérés comme étant un échec du système de libérations conditionnelles ou de mise en liberté sous condition, mais ils ne sont pas moins susceptibles de commettre une infraction. On leur demande de trouver leur voie, souvent après de longues périodes d'emprisonnement, sans aucun soutien du Service correctionnel.
    Nous avons préparé de nombreux balados, intitulés « Voices Inside and Out ». Les deux premiers épisodes montrent des discussions avec deux prisonniers qui ont été libérés à l'échéance du mandat de détention, et je pense qu'il y a une véritable préoccupation à cet égard.
    Pour assurer la sécurité publique, nous sommes d'avis que le Service correctionnel du Canada et la Commission des libérations conditionnelles du Canada doivent consacrer des ressources et des efforts aux prisonniers à risque plus élevé et non pas concentrer seulement les efforts sur les prisonniers à faible risque qui pourraient davantage bénéficier d'une semi-liberté.
    Je serais inquiet à propos des recommandations provenant des comités d'examen qui ont l'effet de dissuader le SCC et la Commission des libérations conditionnelles du Canada de préparer tous les détenus fédéraux à la réinsertion sociale et de favoriser leur remise en liberté graduelle et supervisée. L'aversion au risque pouvant survenir à la suite d'incidents tragiques a un prix sur le plan de la sécurité publique, et je pense que nous devons nous en préoccuper.
    J'ai très bon espoir que le projet de loi C-226 du député Bragdon, qui propose un cadre fédéral pour réduire la récidive, franchira l'étape de la deuxième lecture et sera renvoyé à ce comité. Il offrirait une occasion de réaliser des progrès pour réduire la récidive et de promouvoir la sécurité communautaire pour tous.
    Je sais que certains demandent au Comité de voir au-delà de la situation de M. Gallese et de Mlle Levesque pour examiner la compétence générale de la Commission des libérations conditionnelles et l'efficacité de ses processus de nomination. Si c'est ce qui est proposé, je pense que vous devez aussi vous pencher sur les individus qui ont enfreint leurs conditions dans la communauté, qui ont vu leur libération conditionnelle être suspendue et qui ont été traités injustement, comme l'ont signalé les tribunaux.
    Je note plus particulièrement l'affaire de Jim DeMaria, qui avait été remis en liberté par la Commission des libérations conditionnelles et avait purgé une peine dans la collectivité pendant 20 ans sans enfreindre les conditions. Il a fini par les enfreindre, sa libération conditionnelle a été suspendue et il a été placé dans le système correctionnel pour avoir assisté à deux mariages qui avaient été approuvés par son agent de libération conditionnelle. Il est détenu depuis six ou sept ans sans qu'il puisse réussir à ce que les tribunaux le traitent d'une manière juste et impartiale.
    Je pense qu'il y a clairement ce type de rigidité et d'aversion au risque qui peut compromettre les droits des gens, les intérêts en matière de sécurité et la sécurité publique lorsqu'on insiste pour faire preuve d'une prudence excessive, mais quoi qu'il en soit, il faut comprendre que des erreurs ont été commises qui ont causé la mort de cette femme.
    Je souhaite au Comité tout le succès possible dans le cadre de cette étude, et si je peux apporter mon aide, je me ferai un plaisir de le faire.
(0915)
    Merci, madame Latimer.

[Français]

     Monsieur Paul-Hus, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, madame et messieurs, d'être parmi nous ce matin.
    Monsieur Blackburn, mardi dernier, lorsque nous avons rencontré la présidente de la Commission des libérations conditionnelles du Canada, Mme Oades, il a été question de l'expérience des commissaires. Cela fait partie de l'étude liée à notre motion.
     Lors de la purge de 2018, on a complètement effacé l'expérience institutionnelle en faisant place à de nouvelles personnes. Mme Oades a dit que, selon elle, l'expérience était le fait d'avoir plusieurs cas à son actif.
     Selon vous, que signifie avoir de l'expérience en tant que commissaire?
     D'entrée de jeu, je peux dire que je ne suis pas d'accord sur cela. Une personne pourrait gérer énormément de cas, mais, si les cas sont mal supervisés ou que les décisions qui s'y rattachent ne sont pas de qualité, qu'est-ce que cela donne en fin de compte? D'ailleurs, dans l'évaluation annuelle des commissaires, un des critères d'évaluation est justement la qualité de la prise de décisions. On se concentre beaucoup plus sur la qualité que sur la quantité.
    Comme mon collègue l'a mentionné, pour ce qui est de l'expérience de commissaire, il y a une partie qui s'apprend sur le terrain, tout particulièrement durant les cinq ou six premières semaines de formation. C'est une chose. On y apprend les différentes composantes de la Commission. Ensuite, il y a le travail de terrain. Les commissaires d'expérience sont là pour offrir un encadrement et du mentorat.
    Or il y a aussi tout ce qui est avant cela. Il faut mettre l'accent là-dessus, car c'est important. Quels sont les diplômes scolaires de la personne qui postule à un poste de commissaire? Quel est son domaine d'études? Est-ce que c'est la criminologie, le travail social ou un autre domaine qui a plus ou moins de lien avec les travaux de la Commission? Aussi, il faut voir l'expérience de terrain et l'expertise dans les domaines spécialisés. Nous ne nous occupons pas seulement des dossiers. Ce n'est pas vrai.
    Je vais parler du cas de M. Gallese, en particulier. On a appris que des parties du plan présenté ont été rejetées par les commissaires. Or Gallese est demeuré en liberté. Selon vous, quelle décision les commissaires auraient-ils dû prendre à ce moment-là?
    De mon point de vue, cela pose problème. Pendant une audience, il arrive qu'on reçoive de nouvelles informations. C'est ce qui est arrivé dans ce cas précis. C'est lors de l'audience qu'ils ont appris qu'il y avait une stratégie permettant à cet homme de rencontrer des femmes pour combler ses besoins sexuels. Cette nouvelle information, il faut la prendre en compte. Il faut être en mesure d'avoir tous les détails en vue d'évaluer si cela a une incidence sur le risque que présente le délinquant.
    Est-ce que la décision des deux commissaires relève d'un manque d'expérience, d'un manque de jugement ou des deux?
    Je vous dirais que cela relève à la fois d'un manque d'expérience et d'un manque de jugement. De toute évidence, une telle stratégie n'a aucun sens. On jette dans la gueule du loup des femmes qui sont déjà vulnérables, des femmes qui travaillent dans le milieu du sexe.
    À mon avis, on aurait dû révoquer immédiatement la semi-liberté, le temps que le Service correctionnel soumette plus d'informations sur cette stratégie. Ainsi, on aurait pu bien évaluer le risque. On aurait aussi pu assigner à résidence M. Gallese, en lui donnant seulement la permission d'aller travailler.
    Avez-vous une copie de la lettre que huit anciens commissaires ont écrite au premier ministre en novembre 2017?
    Oui, j'ai une copie de cette lettre.
    Monsieur le président, j'aimerais que la lettre soit déposée au Comité afin que nous puissions en savoir plus. Merci.
    Monsieur Blackburn, si on parle du climat de travail au sein de la Commission des libérations conditionnelles après 2015, est-ce que vous le qualifieriez de négatif ou de correct? Comment les choses se passaient-elles à la Commision?
    Cela a changé en raison du tempo de travail. Je peux vous donner un exemple précis. Ce n'est pas compliqué, j'arrivais là-bas à 8 heures, tout particulièrement lorsqu'il fallait voter sur certains dossiers. Je prenais 10 minutes pour manger, et je reprenais le train à 16 h 30. Je peux vous dire qu'il fallait faire les choses rapidement si on voulait atteindre le quota de dossiers pour la journée. Ce n'était pas rare que, dans le train, j'aie de l'anxiété. Parfois, je me demandais si je n'avais pas pris une décision trop rapidement. Il y a eu des changements. Cela a eu des répercussions sur les commissaires et sur les greffières. D'ailleurs, quelques-unes sont parties en congé de maladie à cette époque. Il y a eu des changements. Aussi, au fil du temps, des commissaires d'expérience partaient. N'oublions pas que des postes n'ont pas été pourvus en 2016, 2017 et 2018. Cela a créé du surmenage pour les commissaires en place.
    Merci, monsieur Blackburn.
    Professeur Bensimon, l'agente de libérations conditionnelles Sophie Grégoire avait donné à M. Gallese le droit de se rendre au salon de massage à raison d'une fois par mois. Au-delà du cas Gallese, est-ce qu'il y a un problème systémique de surveillance en communauté?
(0920)
    Monsieur le député, je répondrai très clairement. Il y a beaucoup de gaspillage à l'intérieur du Service correctionnel. Il y a deux groupes de professionnels en importance auxquels on devrait faire très attention. Il faudrait doubler les agents de libération conditionnelle en établissement et quadrupler les agents de libération conditionnelle dans la communauté. Pourquoi faut-il qu'il y en ait quatre fois plus dans la communauté? C'est tout simplement parce que, lorsque le détenu est à l'extérieur, soit en semi-liberté, en libération conditionnelle ou en libération d'office, il n'y a pas de gardien pour le surveiller. L'agent de libération conditionnelle est tout seul. C'est pour cela que le Service correctionnel fait affaire avec des centres résidentiels communautaires. Ce sont des centres où le personnel peut être très dynamique. Il peut y avoir des gens qui adorent leur travail. Là n'est pas la question. On ne mélange pas des détenus fédéraux avec des détenus provinciaux, à moins évidemment que le détenu fédéral soit condamné pour des peines inférieures à six ou sept ans ou pour des délits de nature acquisitive.
    Le Service correctionnel collectionne les événements majeurs. Je rappelle qu'il y a même eu des agents de libération conditionnelle qui ont été tués lors de l'exercice de leurs fonctions. Chaque fois, des mesures préventives sont adoptées et des comités sont mis sur pied. On se souviendra du cas de Celia Ruygrok, une jeune criminologue qui est morte assassinée au CRC Kirkpatrick à Ottawa, qui relève de la Société John Howard. Le Service correctionnel avait établi que, si un détenu condamné pour des gestes de violence et assigné à un couvre-feu dépassait ce dernier de 10 minutes, le processus de suspension serait alors enclenché.

[Traduction]

    Monsieur Bensimon, le temps de M. Paul-Hus est écoulé.
    Je signalerais peut-être aux témoins que nous allons maintenant passer à une série d'interventions de six minutes.
    C'est correct, sans problème. Mon tour reviendra.
    Oui, exactement. Si vous regardez le président à l'occasion, je n'aurai pas à interrompre les gens qui ont la parole.
    Mme Damoff est très douée pour gérer ses six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    C'est parce que je me chronomètre.
    Voilà.
    Merci à tous les témoins.
    Madame Latimer, je veux vous remercier du bon travail que vous faites pour assurer la sécurité de la population en réinsérant des délinquants dans la société de la manière dont vous le faites. Je vous remercie sincèrement de tout ce que vous faites.
    Merci.
    Monsieur Blackburn, je veux clarifier un point que vous avez évoqué.
    Nous avons reçu la présidente de la Commission des libérations conditionnelles. Vous avez laissé entendre que la Commission des libérations conditionnelles du Canada avait approuvé l'homme qui faisait appel aux services de travailleuses du sexe après qu'il a été remis en liberté, mais Mme Oades a très clairement fait savoir lorsqu'elle était ici que ce n'était pas le cas. Je tiens à clarifier aux fins du compte rendu que la Commission des libérations conditionnelles du Canada n'approuvait pas que ce délinquant fasse appel aux services de travailleuses du sexe ou paie pour avoir des relations sexuelles après sa remise en liberté.
    Vous vous exprimez très ouvertement sur cette affaire, et je me demande si vous avez vu des renseignements dont la Commission des libérations conditionnelles a été saisie, des rapports de l'équipe de gestion de cas, l'évaluation des risques, les rapports psychologiques. Étiez-vous aux audiences? Avez-vous accès à ces renseignements?

[Français]

    Les seuls et uniques renseignements que je possède au sujet de ce cas sont les documents publics, c'est-à-dire la décision de la Commission.

[Traduction]

    Je n'entends plus l'interprétation.
    Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?

[Français]

    Concernant ce cas, les seuls documents que j'ai consultés sont tout simplement les documents publics du dossier d'Eustachio Gallese, soit la décision de la Commission de septembre 2019.

[Traduction]

    Lorsque vous étiez membre de la Commission des libérations conditionnelles, preniez-vous vos décisions en vous appuyant sur les bulletins de nouvelles ou en vous appuyant sur les renseignements à votre disposition?

[Français]

    Il va de soi que, quand les commissaires reçoivent de l'information de qualité pour prendre des décisions, ce n'est pas dans les bulletins de nouvelles.
     De toute façon, mes commentaires concernant ce dossier portent particulièrement sur la décision prise par les commissaires. Donc, ils ne sont pas fondés sur des nouvelles. J'ai consulté la décision et vous manifestez que cela n'a pas été approuvé par les commissaires. Par contre, ils n’ont pris aucune mesure pour protéger la société, quand ils ont appris cette nouvelle information.
(0925)

[Traduction]

    Monsieur Blackburn, vous n'étiez pas présent aux audiences. Vous n'avez pas accès à ces renseignements donc, sauf votre respect, vous vous fondez sur des ouï-dire et des bulletins de nouvelles. Ce qui est arrivé à cette jeune femme est absolument tragique, et aucun de nous n'approuve ce qui s'est produit. Nous avons offert nos sympathies à la famille.
    Nous savons également que ces cas sont extrêmement rares. En 2014, un homme reconnu coupable de meurtre a été remis en liberté, et M. Harper n'a jamais ordonné la tenue d'une enquête sur cette affaire. C'était Christopher Falconer.
    Personne n'approuve ces types de meurtres, mais nous savons aussi — l'enquêteur correctionnel était ici — qu'ils sont rares. Ils sont extrêmes, et nous n'élaborons pas les politiques en nous appuyant sur quelques mauvaises décisions.
    Vous avez déclaré que ce meurtre aurait pu être évité si le processus de nomination avait été comme il était auparavant. Est-ce bien ce que vous avez dit? J'ai noté, « Nous aurions pu éviter ce meurtre en raison du processus de nomination. » Est-ce exact?

[Français]

    J'apporte simplement une précision. Ce n'est pas basé sur des nouvelles, mais sur la décision des commissaires. C'est différent d'être en audience ou de lire la décision. Lors de l'audience, il y a des éléments supplémentaires.

[Traduction]

    Êtes-vous en train de dire que le processus de nomination était responsable de ce meurtre?

[Français]

    Oui.

[Traduction]

    Au Québec, huit nominations sur neuf étaient des hommes et six sur neuf étaient des conservateurs, alors vous dites que les employés, les donateurs et les candidats du Parti conservateur sont de meilleurs candidats pour la Commission des libérations conditionnelles que les femmes, les Autochtones et les personnes issues des minorités visibles. C'est ce que M. Paul-Hus a laissé entendre mardi. Donc, ces gens... sont indépendants. Ils suivent une formation.
    J'aimerais seulement savoir pourquoi un candidat conservateur est mieux placé pour être membre de la Commission des libérations conditionnelles que les personnes qui ont été nommées.

[Français]

     Premièrement, j'ai été candidat conservateur...
    Monsieur le président, j'aimerais demander à ma collègue de retirer ses paroles. Ce n'est absolument pas ce que j'ai dit mardi. Il y a peut-être eu un problème de traduction. Je n'ai jamais mentionné que les conservateurs étaient meilleurs que les femmes ou les Autochtones, cela n'a rien à voir avec la question.

[Traduction]

    J'attire l'attention des membres sur la motion qui a été renvoyée à la Chambre. Elle inclut un examen des changements proposés par le gouvernement en 2017 à apporter au processus de nomination de la commission dans l'optique de recommander des mesures à prendre pour veiller à ce qu'une tragédie comme celle-ci ne se reproduise jamais.
    Je pense qu'il serait plus utile de ne pas mentionner les nominations libérales ou les nominations conservatrices et de nous en tenir au processus de nomination. Il semble y avoir eu un changement dans le processus en 2017. Je pense que nos délibérations pourraient être plus utiles si nous pouvions éviter ces nominations conservatrices, ces nominations libérales ou ces thèmes et variantes à partir de maintenant.
    Sur ce, je ne limiterai pas les membres dans les questions qu'ils peuvent poser, mais c'est l'opinion du président.
    Combien de temps me reste-t-il?
    Il vous reste deux minutes.
    Merci.
    Je vais m'arrêter ici et passer...

[Français]

    Avez-vous une question?

[Traduction]

    En fait, je vais vous poser une dernière question.
    Pensez-vous que le travail du sexe devrait être décriminalisé?

[Français]

    Préalablement, est-ce que je peux répondre à la question que vous m'avez posée?

[Traduction]

    Non, j'aimerais que vous répondiez à cette question.
    Pensez-vous que le travail du sexe devrait être décriminalisé? Nous savons que c'est l'un des facteurs qui a donné lieu au meurtre de Mme Levesque.

[Français]

    Personnellement, je ne pense pas que le débat concerne cet aspect. Le débat actuel, même si vous dites que c'est rare, c'est que le meurtre de cette jeune femme est un meurtre de trop.

[Traduction]

    Mais c'est ce que je vous ai demandé.

[Français]

    Je considère qu'il y a des manquements...

[Traduction]

    Monsieur, c'était l'un des facteurs qui ont mené à son meurtre, alors veuillez répondre à la question.

[Français]

    Personnellement, je ne pense pas que le débat concerne cet aspect. Le débat a trait aux problèmes au Service correctionnel et de la Commission.

[Traduction]

    D'accord, je vais vous interrompre ici.
    Je vais céder la parole à Mme Latimer.
    Ces situations sont-elles fréquentes? Combien de personnes, y compris des meurtriers, d'anciens meurtriers, sont en mesure de réintégrer la société et de ne pas récidiver?
    Le taux de récidive pour les individus qui ont commis un meurtre est l'un des taux de récidive les plus bas que nous connaissons. Il s'agit habituellement d'incidents ponctuels.
    Pour revenir à l'affaire de M. Bensimon, nos maisons de transition comptent de nombreux individus qui ont commis un meurtre dans le passé et qui réintègrent graduellement les collectivités, et bon nombre d'entre eux ont apporté de grandes contributions dans la collectivité sans récidiver.
(0930)
    Vous avez parlé brièvement de la libération d'office.
    Exact.
    Pourriez-vous expliquer pourquoi il est plus sécuritaire pour la population que les individus à faible risque soient libérés dans une maison de transition plutôt que de passer du temps en prison jusqu'à leur libération d'office?
    Répondez brièvement, s'il vous plaît.
    Les personnes qui bénéficient d'une libération d'office peuvent ne pas avoir suivi les programmes préparatoires et obtenu le soutien pour persuader la Commission des libérations conditionnelles qu'elles sont prêtes à être remises en liberté, mais elles sont libérées tout de même. Il est important de continuer d'appuyer ces gens sans programme et soutien.
    Ce n'est pas une question. Les statistiques révèlent que la façon la plus sécuritaire de libérer les gens est par l'entremise de la libération conditionnelle et le mécanisme graduel, mais nous pourrions mettre à part les personnes qui ne présentent pas de danger.
    Nous allons devoir nous arrêter ici.
    Merci, madame Damoff.

[Français]

    Madame Michaud, vous avez la parole pour six minutes.
    Je remercie les témoins de leur présence et de leurs témoignages.
    Monsieur Blackburn, vous avez mentionné, dans votre allocution d'ouverture, qu'il y avait une série de failles majeures au sein du Service correctionnel du Canada. Nous apprenions mardi dernier, et aussi depuis le début de toute cette affaire, qu'il s'agit vraiment d'un cas isolé et que cela n'est pas arrivé avant. En revanche, selon le syndicat, il serait possible de croire que cela se faisait, que des personnes en semi-liberté allaient fréquenter des salons de massage.
    Selon votre expérience, est-ce que vous avez vu d'autres cas de ce genre lorsque vous étiez commissaire?
    Je n'ai jamais vu une telle stratégie durant toute ma carrière de commissaire, ou encore de ma carrière universitaire ou de ma carrière professionnelle.
    En plus de cela, je ne peux pas m'expliquer la pertinence d'une telle stratégie, autant sur le plan clinique, que sur le plan thérapeutique ou encore sur le plan correctionnel. Il n'y a aucun élément dans cela qui amène le délinquant à se réinsérer socialement en allant consulter des travailleuses du sexe. Je n'ai jamais vu cela. Pour moi, cette stratégie est problématique. C'est inquiétant.
     Pour remettre les choses en perspective, il faut mentionner que c'est vraiment l'agent des libérations conditionnelles qui propose le plan. Le rôle du commissaire, quand il reçoit ces informations, est de prendre une décision à savoir si, oui ou non, la personne doit retourner en incarcération.
    En réalité, il s'agit d'une série de documents. Il y a l'évaluation, qui est présentée par l'agente de libération conditionnelle en vue de la décision, qui est rendue par l'équipe de gestion de cas, et il y a le plan correctionnel, qui est mis à jour. Dans ce cas précis, il y avait aussi une évaluation psychologique. Donc, oui, des informations sont présentées dans ces documents.
    Dans l'évaluation en vue d'une décision, il y a généralement le plan de libération du délinquant, qui nous indique où il va aller travailler et ce qu'il va faire comme activités sociales, entre autres. L'audience permet justement de lire ces documents, mais aussi de questionner le délinquant et les victimes, si elles sont présentes, pour avoir plus de précisions. Toutefois, dans le cas d'une nouvelle information comme celle-là, cela devient problématique d'apprendre séance tenante qu'il existe une stratégie de cette sorte, parce que c'est de la nouvelle information qui n'a pas été considérée dans l'analyse du risque.
     Dans ce cas précis, cela augmentait vraisemblablement le risque de récidive du délinquant. On l'a envoyé voir des jeunes femmes déjà vulnérables qui exercent un métier dans un domaine situé dans une zone grise. Les commissaires ont pris une décision qui, à mon avis, n'était pas basée sur toute l'information valide pour évaluer correctement le risque.
    J'aimerais me permettre de faire le lien avec des commissaires d'expérience. Un commissaire d'expérience aurait pu voir cette faille et il aurait fait en sorte d'avoir un filet de sécurité beaucoup plus serré, justement, pour limiter la possibilité d'un risque plus élevé que ce délinquant retourne dans la collectivité et fasse une récidive.
    Je vous remercie.
    Monsieur Bensimon, vous disiez que ce genre de rapport — par la suite, nous avons eu les informations — était cosigné par les autorités en place. Selon ce que disaient Mmes Oades et Kelly mardi dernier, ils ont catégoriquement rejeté cela.
     Toutefois, dois-je comprendre que ce genre de rapport serait cosigné par les plus hauts dirigeants?
    Chaque fois qu'il y a un incident, au Service correctionnel, on tape vers le bas au lieu de regarder en haut de la pyramide.
    Un rapport, quel qu'il soit, a plusieurs signatures. Il y a la signature de l'agent responsable du dossier. Un contrôle de qualité est fait et son supérieur immédiat va le signer. Cela fait partie d'une équipe de gestion de cas à l'intérieur du bureau de libération conditionnelle. Ce n'est pas une fantaisie de l'agent de libération. De plus, je regrette que son nom soit sorti dans les journaux. Une enquête est en cours et l'on a déjà décidé qui est responsable.
    Lorsque la commissaire dit que, en 37 ans, elle n'a jamais entendu parler d'un tel cas, c'est inadmissible. Je peux vous assurer qu'au Canada il y a environ huit cas de meurtres par année qui sont perpétrés par des détenus en liberté conditionnelle dans la communauté. Ces recherches proviennent du Service correctionnel et je suis l'auteur de l'une d'elles.
    Je vais aller plus loin, madame. Pour une moyenne de huit détenus sous contrôle dans la communauté qui commettent un meurtre par an, il y en a 10 qui ont déjà commis un meurtre, si l'on considère une période d'une dizaine d'années. Donc, cela correspond à un cas Gallese par an.
    Quand j'entends des aberrations comme le taux de 99,9 % de cas semi-liberté réussie, j'estime que cela relève de la propagande. C'est risible de donner ce chiffre à n'importe qui. On va revenir là-dessus. Si vous avez des questions sur la récidive, cela me fera plaisir d'y répondre. Profitez-en, je suis juste de passage et on parle d'un sujet qui relève de mon domaine. Je ne vous parlerai pas de pâtisseries; le domaine criminel est mon domaine par excellence.
     Alors, je vous écoute. Si vous avez d'autres questions, cela me fera plaisir d'y répondre.
(0935)
    Justement, vous avez parlé de la différence assez majeure entre les centres correctionnels communautaires et les centres municipaux communautaires. Est-ce bien cela?
    Non. Les centres correctionnels communautaires, qui relèvent du gouvernement fédéral, ont du personnel fédéral, c'est-à-dire des agents de libération conditionnelle fédéraux. Ce sont des maisons de transition très structurées avec un couvre-feu. Leur spécialité est de travailler avec des délinquants sexuels, des membres du crime organisé et des gens qui nécessitent un encadrement serré, ce que vous n'avez pas dans un CRC.
    Je répète qu'un CRC relève des différentes provinces. Il y a plusieurs centaines de maisons de transition provinciales au Canada; c'est une industrie, un business. Je dis qu'il faut créer d'autres CRC, afin de garder les détenus à l'intérieur. Ils seront évalués par des gens aguerris.
    Je vous remercie.
    Merci, madame Michaud.

[Traduction]

    Je rappellerais simplement à tous les membres et aux témoins qu'il y a des microphones.
    Monsieur Harris, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins de leur déclaration liminaire. C'est évidemment un cas très sérieux.
    Ma première question s'adresse à M. Bensimon.
    Il y a deux facteurs ici. L'un est l'évaluation des risques. Nous avons un individu qui est clairement coupable et qui a été reconnu coupable d'avoir violemment assassiné une partenaire sexuelle au moyen d'un marteau et d'un couteau. Il a été emprisonné pendant 13 ans, puis il a été libéré.
    Dans quelle mesure vous attendez-vous que les gens qui réalisent l'évaluation des risques connaissent le niveau de risque? Comme vous savez que cet individu a été détenu pendant 13 ans, que des programmes sont disponibles, etc., quelles sont vos attentes quant à ce qui serait à la disposition de la Commission des libérations conditionnelles pour évaluer le risque? Disposerait-elle des renseignements concernant sa réinsertion sociale ou sa capacité de réintégrer la société? Quelles sont vos attentes?
    Je dirais probablement des probabilités élevées de succès ou de résultats positifs s'il obtient une libération conditionnelle.
    Merci, monsieur Harris.

[Français]

     J'aimerais rappeler que les boules de cristal n'existent pas. Tous les détenus, quels qu'ils soient, quelle que soit la nature du délit, vont tous être mis en liberté sous condition dans la communauté. C'est une question de temps. Maintenant, on a beau mettre en place des programmes et avoir n'importe quel type d'encadrement, le geste n'appartient ni au Service ni à la Commission. Le geste appartient à celui qui le fait. On peut encadrer un détenu, mais, si l'individu veut agresser, voler, trafiquer ou enlever la vie de quelqu'un, ce n'est pas vous, ni la police ni les tribunaux qui allez l'en empêcher. Le risque zéro n'existe pas. Il y a des limites.
    Dans le cas de Gallese, en tant que professionnel, je ne peux pas me prononcer. Je ne le ferai pas, parce que je n'ai pas le dossier entre les mains.
    Cela étant dit, d'après ce que j'ai entendu — des confrères m'ont appelé — il ne faut pas revoir uniquement l'individu dans la communauté, il faut remonter dans la chaîne. Combien de temps est-il resté dans un établissement à sécurité maximale, combien de temps est-il resté dans un établissement à sécurité moyenne, combien de temps est-il resté dans un établissement à sécurité minimale avant d'être relâché dans la communauté? Je pense qu'on est allé trop vite dans son cas. On parle de plus de 300 sorties. Est-ce que vous vous en rendez compte? C'est quelque chose qui est complètement aberrant. J'ai été longtemps responsable de détenus condamnés pour un ou plusieurs meurtres, soit des cas très lourds, et il n'y a jamais eu autant de sorties. On parle de 10, 15, ou 20 sorties, mais pas de 300. Je pense que l'individu a été dans la communauté beaucoup trop rapidement. C'est ce qu'on appelle un déclassement graduel beaucoup trop rapide.
(0940)

[Traduction]

    Si vous le permettez, je pense que nous avons compris. Merci.
    Le deuxième facteur, bien entendu, c'est qu'il a été condamné à perpétuité. Il n'a pas du tout droit à la libération conditionnelle, jamais... il est seulement admissible à une libération conditionnelle après 15 ans ou à la fin de sa peine. Il pourrait ne jamais obtenir la libération conditionnelle. Il doit démontrer qu'il ne présente pas de risques.
    Il faut assurer sa supervision. Il est un condamné à perpétuité. Il est tout de même passible d'une peine d'emprisonnement à vie mais il est dans la collectivité, soumis à des conditions supervisées, comme un prisonnier ou un délinquant devrait l'être. C'est soumis au contrôle des responsables, les agents de libération conditionnelle dans la collectivité.
    Nous avons des renseignements selon lesquels les agents n'ont pas eu de contacts directs avec M. Gallese dans ce cas-ci, qu'il y avait des tierces parties en cause à la maison de transition et que des gens qui n'étaient pas employés par le Service correctionnel du Canada ont fait certaines choses. Ils ont agi à titre d'intermédiaires.
    Que pensez-vous de cette méthode pour superviser un délinquant comme M. Gallese? Je ne parle pas de lui précisément, mais d'un délinquant comme lui qui présente ce type de risques et d'antécédents. Il n'est pas supervisé directement par des agents de libération conditionnelle.

[Français]

     Merci, monsieur Harris.
    Je l'ai dit tout à l'heure dans mon préambule. Il y a un manque de personnel. Que l'on quadruple les agents de libération conditionnelle du fédéral dans la communauté et qu'ils aillent rencontrer les détenus dans les maisons provinciales. Il y a un manque de temps, un manque d'effectifs. Si ce détenu avait été placé dans un CRC, je ne dis pas que le geste n'aurait pas été fait, mais le détenu aurait été beaucoup plus encadré.
    Je vous invite à aller visiter des maisons de transition provinciales; ce sont des duplex, des maisons. Il n'y a pratiquement aucun contrôle; on entre, on sort. Je n'ai rien contre cela, parce qu'il y a beaucoup de détenus qui méritent d'y être, mais on n'envoie pas d'individus avec de lourdes peines dans un CRC. Là-dessus, j'insiste. Ils ont besoin d'être structurés, avec un couvre-feu. Il faut y aller modérément. C'est ce qu'on appelle la gestion de cas. Par exemple, combien de temps reste-t-il en sécurité maximale avant de descendre en sécurité moyenne, et avant qu'on l'envoie en sécurité minimale, pour le préparer à aller sur le trottoir, donc dans la communauté? Dans le cas de Gallese, je pense, sous toute réserve — je le répète, je n'ai pas le dossier —, qu'on a été beaucoup trop rapide.
     Si on veut que ce genre de situation ne se répète pas, il faut qu'on prenne les vrais moyens, sans chercher toujours un coupable. Moi, cela me fait mal au cœur de voir que l'agente — parce que maintenant on sait que c'est elle, et il y a d'autres personnes autour d'elle — a été pointée du doigt. Regardez en haut ce qui se passe. Regardez les responsables. Les vrais responsables, ce ne sont pas les agents de libération conditionnelle, c'est trop facile. Tout repose sur les agents de libération conditionnelle. Je trouve que c'est une honte de les attaquer parce que le travail du Service correctionnel repose sur les agents de libération conditionnelle.
    Je reviendrai là-dessus parce que c'est important. Il y a énormément de choses à dire. On pourrait en parler pendant trois jours et je n'aurais pas fini.

[Traduction]

    Je crois bien que mon temps est écoulé.
    Cela arrive souvent.
    Vous savez, lorsque vous faites une remarque qui se termine par un point d'interrogation.
    Je pourrais faire cela, monsieur. Ce pourrait être le seul moyen que j'ai de faire passer le message.
    Les Canadiens se sont prononcés.
    Monsieur Morrison.
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bensimon, pourriez-vous terminer ce que vous étiez en train de dire? J'aimerais entendre la fin de vos remarques.

[Français]

    Cela ne touche pas la question de M. Harris. Ce que je voulais tout simplement dire, et je reviendrai là-dessus parce que c'est très important, c'est qu'il y a des personnes qui sont tuées par des détenus sous supervision dans la communauté.
    Tout à l'heure, je parlais de Celia Ruygrok, qui a donné lieu à une commission d'enquête. On parlait du cas Ruygrok; après dix minutes de retard à un couvre-feu, il y avait un avertissement à la police et le processus de suspension était lancé. Peu de temps après, il y a eu Louise Pargeter, qui était aussi une autre agente de libération conditionnelle assassinée, encore dans un CRC. Là, la commission d'enquête pose des questions, cherche un coupable. Le Service correctionnel avait décidé qu'il n'y aurait plus un seul agent de libération conditionnelle qui irait rencontrer le détenu chez lui, mais deux.
    C'est ainsi chaque fois qu'il y a un incident. Il y a eu la commission d'enquête Arbour. Il n'y a pas longtemps, il y a eu 11 membres du personnel à Edmonton qui ont été virés. C'est comme cela continuellement.

[Traduction]

    Merci, monsieur.

[Français]

    D'accord.
    Merci, monsieur.

[Traduction]

    J'ai une question pour M. Blackburn.
    Il est intéressant d'avoir un témoin qui était un agent de libération conditionnelle à la Commission des libérations conditionnelles. Nous avons entendu des observations à propos du manque d'expérience de membres de la Commission des libérations conditionnelles, surtout lorsqu'un changement important est apporté. Je présume que c'est la même chose pour les agents de libération conditionnelle.
    Pouvez-vous nous expliquer les étapes... Vous avez commencé votre carrière comme agent de libération conditionnelle, alors que vous étiez jeune et inexpérimenté, même si vous aviez une certaine expérience. Je crois savoir que vous étiez supervisé par la Commission des libérations conditionnelles, qui vous a aidé, guidé et encadré. Par la suite, lorsque vous étiez membre de la Commission des libérations conditionnelles, je présume que vous aidiez les nouveaux agents de libération conditionnelle à acquérir de l'expérience.
    Pouvez-vous m'expliquer brièvement les étapes de ce processus?
(0945)

[Français]

    Je vous parlerai de mon cheminement personnel. Tout d'abord, j'ai étudié dans ce domaine. Mon baccalauréat est en criminologie, ma maîtrise est en service social et mon doctorat est en sociologie de la santé.
    J'ai travaillé dans des maisons de transition pendant je faisais mon baccalauréat et ma maîtrise. Ensuite, j'ai fait un stage de maîtrise au Service correctionnel du Canada, au bureau sectoriel de Hull, ici, comme agent de libération conditionnelle en communauté.
    Par la suite, j'ai poursuivi ma carrière dans les Forces armées canadiennes en tant qu'officier aux services de santé. J'ai été déployé en Afghanistan, et j'ai été en Allemagne pendant quatre ans. Durant tout ce temps, j'ai eu à faire beaucoup d'évaluations psychosociales, mais pas d'évaluations du risque.
    À ma sortie des Forces armées canadiennes, en 2014, j'ai posé ma candidature au processus de nomination de la Commission. J'ai passé l'ensemble des étapes, j'ai été mis sur la liste de nomination puis j'ai été sélectionné. Tout comme les autres, j'ai suivi une formation de cinq semaines initialement: deux semaines à Ottawa et trois semaines à Montréal.
    Pendant ma première année, j'étais toujours jumelé avec un commissaire d'expérience, principalement avec Pierre Cadieux, qui avait une vingtaine d'années d'expérience à la Commission. C'est un excellent commissaire. Il m'a appris les rouages de ce métier; il m'a montré à écrire des décisions de qualité et à aller chercher l'information de qualité lors de l'évaluation du risque pendant les audiences, ou encore sur des votes concernant des dossiers. J'ai été très bien encadré, notamment pendant ma première année.

[Traduction]

    En tant que membre de la Commission des libérations conditionnelles, si un agent de libération conditionnelle vous remettait une décision ou une demande concernant une condition pour un libéré conditionnel, et que cette demande était inappropriée, par exemple, y aurait-il une certaine reddition de comptes dans le cadre de vos discussions avec l'agent de libération conditionnelle? Consigneriez-vous dans un dossier personnel, par exemple, que la personne a besoin de plus de formation ou est inexpérimentée, et l'aideriez-vous avec sa formation? Les renseignements présentés par cette personne seraient-ils documentés?
    Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il y a de toute évidence un problème de reddition de comptes, si bien que j'essaie de savoir si c'est documenté. Vous en auriez fait part à un directeur général assujetti à un régime de rémunération au rendement, je présume, en tant que membre de la Commission des libérations conditionnelles. Est-ce la même chose pour l'agent de libération conditionnelle?
    Vous avez 30 secondes.

[Français]

     Absolument.
     N'oublions pas que chaque commissaire prend ses décisions de manière indépendante. Il peut y avoir division quand un commissaire dit « oui » et l'autre dit « non ». À ce moment-là, un autre groupe de commissaires est mis en place.
    Dans un cas où une agente de libération conditionnelle avait présenté quelque chose de semblable pendant une audience, je n'aurais jamais continué l'audience. J'aurais demandé de l'information supplémentaire, d'où la mise en place de la révocation en direct ou de l'assignation à résidence.
     En effet, j'en aurais parlé au directeur général de la Commission au Québec pour qu'il communique avec les gens du Service correctionnel. Une telle stratégie n'a aucun sens. De plus, cela augmente le risque.

[Traduction]

    Merci, monsieur Morrison.
    Monsieur Lightbound, vous avez cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    D'abord, mes questions s'adressent à M. Blackburn.
     Je veux vous féliciter de votre transparence en ce qui a trait à votre candidature pour le Parti conservateur du Canada.
    Êtes-vous présentement le président de la campagne de M. Peter McKay en Outaouais, oui ou non?
    Oui.

[Traduction]

    J'adore ces questions.
    Non, monsieur...
    En tant que partisan, j'adore ces questions, mais je ne pense pas qu'elles font partie du mandat. Je ne peux pas empêcher les membres de poser les questions qu'ils posent, mais je les encourage...

[Français]

    Monsieur le président, au début de son témoignage, le témoin a lui-même fait allusion à son affiliation partisane. Elle met en contexte le témoignage, aussi.
     Monsieur Blackburn, en décembre, vous mentionniez que M. Pierre Poilievre était votre mentor politique. Est-ce exact?

[Traduction]

    C'est exact.

[Français]

    J'aimerais apporter une précision. La majorité des faits se sont produits en 2017. Je n'étais candidat d'aucun parti politique, à ce moment-là.
(0950)
    Je vous ai posé une question, monsieur Blackburn, et je vous encourage à y répondre.
     Est-ce exact?
    Oui, je vais répondre, mais il faut que la question soit...
    Monsieur le président, j'aimerais intervenir.

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Je suis préoccupé par la question de mon collègue M. Lightbound. Cela n'a rien à voir.
     Monsieur Blackburn a été un professionnel toute sa vie et il a travaillé comme commissaire. Il n'était aucunement impliqué en politique à ce moment-là. Mon collègue fait de la petite politique qui n'a rien à voir.
    J'arrivais à ma question.
    Monsieur le président, je demande qu'on arrête immédiatement de poser des questions d'ordre politique, parce que, sinon, nous ferons la même chose.
    Nous avons des questions qui parlent de la liste libérale de sélection établie par des gens du Bureau du Conseil privé.

[Traduction]

    J'invoque le Règlement. C'est un...

[Français]

    Arrêtons immédiatement, s'il vous plaît.

[Traduction]

    Je voudrais faire une mise en garde aux membres ici. Le sujet dont nous sommes saisis est la mort tragique d'une jeune femme, alors il est malséant de faire preuve de partisanerie.
    Si M. Lightbound veut poser une question qui est partisane, il a le droit de le faire, tout comme M. Paul-Hus ou tout autre membre, mais le mandat et le sujet à l'étude pour lesquels nous sommes ici n'ont rien à voir avec les affiliations partisanes.
    Sur ce, je ne vais pas empêcher M. Lightbound de poser les questions qu'il veut poser, mais ce sont les observations du président.

[Français]

    Monsieur le président, je suis entièrement d'accord avec vous et je suis désolé qu'on en soit rendu là.
     Il faut savoir que le témoignage de M. Blackburn me semblait teinté de partisanerie. C'est important de savoir d'où il vient, compte tenu de ce genre de témoignage.
    Monsieur Blackburn, êtes-vous d'accord avec moi que le favoritisme est inacceptable à la Commission des libérations conditionnelles?
    Je suis d'accord avec vous.
    Vous l'avez mentionné dans votre témoignage. Je ne vais pas revenir là-dessus; soyez rassuré.
     Force est quand même de constater que six des neuf commissaires à temps plein étaient des candidats, des conjoints de candidats ou des chefs de cabinet du gouvernement précédent. À l'échelle du pays, 43 nominations étaient similaires. Cela peut laisser entendre qu'il y avait un peu de favoritisme.
    Toutefois, nous sommes d'accord sur une chose: l'important est que le choix des commissaires soit basé sur le mérite. Vous avez fait référence à votre expérience passée. Quelles sont vos réticences par rapport à l'expérience des commissaires Lainé et Fortin? On parle d'une ancienne commissaire provinciale ainsi que d'un ancien agent des libérations conditionnelles et ancien commissaire.
     Je n'ai absolument aucun élément contre eux. Je ne les connais même pas particulièrement. Ils ont été nommés et puis...
    Dans votre témoignage, en réponse à une question de M. Paul-Hus, vous avez fait référence à leur expérience passée. Vous avez dit qu'il fallait considérer l'expérience passée des commissaires et vous avez fait référence à la vôtre. Quelles sont vos réticences par rapport à l'expérience des deux commissaires que vous avez directement impliqués et qui ont rendu la décision?
    Je n'ai pas de réticence. Lorsqu'ils ont été évalués pendant le processus de nomination, j'imagine qu'ils répondaient à certains critères.
    Quand vous étiez commissaire à temps partiel à la Commission des libérations conditionnelles, vous avez rendu moins de décisions que ces deux commissaires, mais vous mentionniez dans votre témoignage qu'encore fallait-il que les cas soient bien faits.
    Selon vous, y a-t-il d'autres décisions rendues par la Commission des libérations conditionnelles qui n'ont pas été bien prises?
    Je vais commencer par préciser encore une fois que la quantité n'est pas déterminante. C'est la qualité. J'ai apporté ceci, qui est une médaille que j'ai reçue pour la qualité de mes décisions.
    D'accord.
    J'ai aussi une lettre de votre ancien collègue Ralph Goodale.
    Je ne remets pas en question votre capacité comme commissaire...
    Non, mais c'est important de le mentionner. Ce n'est pas la quantité, c'est la qualité des décisions qui sont prises. Par exemple, pour un commissaire, le nombre de dossiers dont on a interjeté appel peut être problématique.
    Avez-vous des exemples de cas mal faits, quand vous dites qu'encore faut-il que les cas soient bien faits? Avez-vous des preuves des cas qui ont été mal faits et mal gérés selon vous?
    De toute évidence, je ne suis plus à la Commission depuis 2018. Je ne suis donc pas en mesure de répondre à cette question.
    D'accord, merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Latimer.
    Par rapport au roulement des commissaires et à l'expérience des commissaires, vous avez mentionné dans votre témoignage — si j'ai bien compris — qu’on ne pouvait pas démontrer statistiquement que cela avait une incidence sur le risque. D'ailleurs, les commissaires sont nommés à temps plein pour un mandat de trois ans et à temps partiel pour un mandat de cinq ans, la loi permettant un maximum de 10 ans.
    Pouvez-vous donner un peu plus de détails sur ce que vous avez mentionné dans votre témoignage?

[Traduction]

    Je faisais référence au rapport statistique annuel produit par le gouvernement qui montre clairement une amélioration dans les chiffres de ceux qui sont en semi-liberté ou en libération conditionnelle totale et une réduction des taux de récidive de ceux qui ont été libérés. La tendance qui se dessine montre des améliorations. Je pense que c'est une bonne chose.

[Français]

    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?

[Traduction]

    Il vous reste un peu moins d'une minute.

[Français]

    D'accord.
    Monsieur Bensimon, vous avez fait référence au fait qu'il devrait y avoir plus de commissaires pour entendre certains cas et rendre des décisions. Pouvez-vous nous dire pourquoi, selon vous, cela serait une suggestion utile?
(0955)
    Il y a eu une époque où il y avait quatre commissaires pour tous les cas de meurtre. C'était très simple. Ensuite, cela est descendu à trois pour des raisons budgétaires. Aujourd'hui, on fait beaucoup d'audiences par téléconférence. Il n'y a même plus de contact. Il n'y a plus rien. On en est rendu là. Les agents n'ont pas le temps de voir leurs détenus. Les commissaires n'ont pas l'occasion, comme il fut un temps, de rencontrer les détenus face à face, lors d'audiences qui pourraient durer une, deux ou trois heures, selon le cas. Alors, non, je ne peux pas vous en dire plus.

[Traduction]

    Merci, monsieur Lightbound.
    Monsieur Shipley, vous avez cinq minutes, s'il vous plaît.
    Monsieur Blackburn, pouvez-vous nous en dire plus sur le fait que vous avez signalé en 2018 que le nouveau processus a mis la sécurité de la population en péril?

[Français]

    En novembre 2017, dans une lettre rédigée par huit commissaires et signée par sept, nous manifestions nos sérieuses préoccupations en lien avec les changements, parce que nous voyions des collègues qui partaient, qui n'étaient pas renouvelés ni remplacés à cette époque-là. Nous envisagions déjà que cela allait poser certains problèmes à la Commission.
     Comme je le mentionnais d'entrée de jeu, il est important d'avoir des commissaires d'expérience. C'est essentiel, parce qu'ils agissent comme des mentors et permettent justement de former les nouveaux commissaires qui arrivent. Quand il n'y a que des nouveaux commissaires comme ceux impliqués dans cette décision, un des commissaires ne peut pas se tourner vers un commissaire d'expérience pendant l'audience et avoir des réponses plus précises. Aussi, ne perdons pas de vue qu'en 2017 et en 2018 il y a eu des changements relativement au personnel. Du personnel clé de la Commission, au Québec, était soit à la retraite, soit en congé maladie. Cela a eu des répercussions sur la Commission dans son ensemble.

[Traduction]

    Merci, monsieur Blackburn.
    Ce qui s'est produit au bureau de Montréal, avec ce manque d'expérience, aurait-il pu se produire dans d'autres régions de la Commission des libérations conditionnelles au Canada?

[Français]

     C'est une crainte.

[Traduction]

    Monsieur Shipley, vous demandez au témoin de conjecturer sur ce qui, visiblement, dépasse ses compétences. Il est sûr qu'un tribunal jugerait sur le champ la question irrecevable.
    Si, monsieur Blackburn, vos compétences particulières vous permettent d'émettre des hypothèses ou d'offrir une opinion sur ce qui arrivait dans d'autres régions du Canada, notre comité voudra certainement les entendre, mais, dans le cas contraire, veuillez au moins le préciser au début de votre réponse à M. Shipley.

[Français]

    Je peux dire tout simplement que ce n'est pas seulement au Québec qu'il y a eu des changements de garde importants pour ce qui est des commissaires d'expérience.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur Bensimon, vous avez parlé, tout à l'heure, du danger de faire se côtoyer des détenus d'établissements provinciaux et fédéraux en liberté conditionnelle dans des centres correctionnels régionaux. Pourriez-vous, s'il vous plaît, en dire un peu plus sur ce danger?

[Français]

    Monsieur Shipley, quand je parle de danger, je parle des cas lourds qui purgent de longues peines d'incarcération. Je n'ai aucune objection à ce que des détenus fédéraux condamnés à de plus courtes peines soient mélangés à des détenus provinciaux. Le risque est que des détenus qualifiés de cas lourds — ces gens ont généralement fait 10, 20 ou 30 ans d'incarcération — se retrouvent avec des voleurs d'enjoliveurs dans une maison de transition.
    À l'établissement Archambault, dernièrement, j'ai vu un cas nécessitant un niveau de sécurité moyenne alors qu'on le gardait à un niveau de sécurité maximale au pénitencier de Donnacona. On l'a envoyé dans un simple CRC. Un incident vraiment mineur s'est produit et il a été révoqué.
     Il ne faut pas envoyer ces gens dans des CRC. Il faut les amener à progresser vraiment graduellement. Ils ont encore besoin d'une structure et d'un environnement. La personne détenue a besoin de parler à un membre du personnel et de le rencontrer. Il faut qu'ils se parlent et une communion doit se faire. N'est pas agent de libération conditionnelle qui veut. Il y a énormément de travail à faire.
    En ce qui concerne le risque de récidive, c'est la personne qui fait le geste, et pas l'agent. Ce dernier fait son travail, mais c'est le détenu qui agit.
    Ai-je répondu à votre question?
    Me reste-t-il du temps, monsieur le président?
    Merci, monsieur le président.
    Monsieur Bensimon, pouvez-vous nous parler des programmes d'évaluation du risque du Service correctionnel et nous dire s'ils sont efficaces?

[Traduction]

    Encore une minute et demie.
(1000)

[Français]

    C'est une question au sujet de laquelle je me ferai reprendre par M. McKay.
    Je vais sans doute dépasser le temps alloué. Nous pourrions en parler pendant des heures. J'ai écrit de longs articles de recherche sur cette question. C'est une industrie, un business.
    Les programmes fonctionnent si la personne le veut bien. Vous pouvez avoir les meilleurs professionnels, mais, si l'individu n'est pas prêt, l'efficacité des programmes n'est pas la même. N'oubliez pas que, en théorie, les détenus ne sont pas obligés de suivre les programmes.
     Or, un détenu qui ne suit pas de programme n'a rien. Lorsqu'il comparaît devant les commissaires, la première question qu'on lui pose est à savoir quel programme il a suivi. S'il n'a rien fait, il n’aura rien. Les détenus ne suivent pas les programmes par remord ou regret envers les victimes ou parce qu'ils en ressentent le besoin, mais parce que c'est la seule porte de sortie.
    Très souvent, les membres du personnel croient beaucoup plus au programme que le détenu. Je vous mets au défi de faire un sondage parmi la population carcérale et de demander aux détenus s'ils sont plus heureux après avoir suivi un programme et s'ils ont une vision beaucoup plus positive de la vie.
     À qui s'adressent ces programmes? Est-ce aux membres d'un cartel, à des gens psychopathes ou à des bandes criminelles? Qui les donnera? Le meilleur des programmes ne vaut rien si la personne ne veut pas se prendre en main. Tant que la personne n'a pas touché le fond du baril, le programme ne veut rien dire. N'oubliez pas que c'est une industrie.
    Des milliers d'articles prouvent les bienfaits des programmes. Là encore, les programmes fonctionnent pour certains types de population et pour une durée limitée. En dehors de cela, on nage dans le vide.

[Traduction]

    Monsieur Bensimon, nous devons nous arrêter, faute de temps.
    Je vous demande pardon.
    Mes collègues deviendront très irrités et même plus qu'ils ne le sont déjà.
    Je n'y vois pas de problème.
    Monsieur Iacono.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Blackburn, lors de votre allocution, vous avez dit que cette tragédie s'est produite à cause des procédures de nomination des commissaires qui ont été changées en 2018 par le gouvernement de l'époque.
    Par contre, les infractions violentes commises par des personnes en liberté conditionnelle sont extrêmement rares et le sont de plus en plus. Au cours d'une année donnée, il y a généralement entre 7 000 et 8 000 Canadiens qui bénéficient d'une forme ou d'une autre de libération conditionnelle ou de semi-liberté. Je vous demanderais de noter les années que je vais vous donner maintenant.
    En 2013-2014, 17 personnes ont été déclarées coupables d'une infraction violente commise alors qu'elles étaient en liberté conditionnelle. Par contre, en 2017-2018, ce nombre a diminué à cinq. En 2018-2019, 99,9 % des personnes en semi-liberté n'ont pas commis d'infraction violente. Ces données démontrent bien une diminution, même avec les changements au processus de nomination dont vous avez parlé.
    Avez-vous des commentaires là-dessus?
    Mon Dieu, oui, j'ai plein de choses à dire là-dessus.
    D'abord, la qualité des décisions prises par la Commission n'est pas mise en doute; la qualité existe. On fait un très bon travail au Canada, et cela doit continuer.
     Vous dites que les cas de récidive sont rares. Je dis que c'est un meurtre de trop. En fait, nous parlons d'un cas où, sur divers plans, il y a eu des failles qui ont amené cette jeune femme à se faire assassiner dans un hôtel de Sainte-Foy.
    Dans ce domaine, le risque nul n'existe pas, comme M. Bensimon l'a mentionné tout à l'heure. Le meilleur des commissaires ne serait pas en mesure...
    Excusez-moi de vous interrompre, monsieur Blackburn.
    Personne ne souhaite qu'il y ait des meurtres. Toutefois, vous voyez très bien qu'il y a une diminution à cet égard. Vous êtes en train de conclure et de faire une allégation concrète selon laquelle les changements au processus de nomination sont la cause de ce meurtre. Pourtant, nous voyons qu'au cours des années le nombre de meurtres a diminué. Ma question porte là-dessus.
    Qu'est-ce qui explique ce changement de pourcentage? C'est ce que je veux savoir.
    Pourriez-vous me dire pourquoi le pourcentage était de 99,9 % en 2018, et qu'en 2013-2014 le nombre total de meurtres était de 17?
(1005)
    Je ne suis pas en mesure de vous donner les détails sur les raisons fondamentales expliquant cela, parce que je n'ai pas pris connaissance du dossier.
    C'est parfait, merci beaucoup. Vous avez bien répondu à ma question.
    Par contre, dans ce dossier particulier, il y a eu des erreurs.
    Merci beaucoup.
    Monsieur le président, j'aimerais poser une autre question.
    Madame Latimer, vous avez bien compris sur quoi portent mes questions. J'ai mentionné qu'il y a eu une diminution du nombre de meurtres.
    Pourriez-vous nous expliquer comment cette diminution a pu avoir lieu?
    Qu'est-ce qui a pu mener à cette diminution des meurtres?

[Traduction]

    C'est le fait d'un certain nombre de facteurs. Une bonne préparation du cas, des programmes mieux ciblés, un meilleur appui dans la communauté, d'excellents rapports avec les organisations communautaires qui appuient les détenus élargis, tout cela présage une réinsertion sociale réussie.
    Quel dommage si la recherche des causes précises du dérapage, dans cette affaire, s'attachait excessivement à la composition de la commission. La qualité des décisions, à mon avis, varie. Dans le passé, des décisions ont parfois été mauvaises. Aujourd'hui, ça arrive aussi, parfois, mais, en général, elles sont assez bonnes et elles s'améliorent.
    Merci.

[Français]

    Monsieur Blackburn...

[Traduction]

    Malheureusement, monsieur Iacono, M. Trudel n'est pas encore arrivé...
    Je commençais à peine.
    ... M. Harris dispose donc de deux minutes et demie. Si M. Trudel arrive, il aura son tour, et M. Dalton ensuite.
    Monsieur Harris, vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci.
    Je pose la question à MM. Bensimon ou Blackburn.
    Dans sa déclaration préliminaire, Mme Damoff a dit que la commission avait catégoriquement refusé d'accepter la prétendue stratégie consistant à autoriser M. Gallese à satisfaire ses besoins sexuels dans le cadre de son programme de réadaptation. D'après un reportage de CBC/Radio-Canada, la commission a soulevé de sérieuses questions sur la validité de cette stratégie de gestion du risque, mais elle a néanmoins jugé que la probabilité de récidive était de faible à modérée, puis elle a ajouté qu'elle s'attendait à la révision de l'évaluation qui avait abouti à cette stratégie.
    Ça me semble un peu moins qu'un refus catégorique d'autoriser que ça fasse partie des conditions de libération, mais seriez-vous d'accord ou est-ce que je déraille?

[Français]

     De mon point de vue, c'est là une partie du problème. Oui, si c'est refusé en audience, c'est une chose. Cependant, il n'y a aucune action concrète qui est prise au moment de l'audience pour protéger les jeunes femmes. Même si on lui dit de ne pas y aller, le détenu n'est assujetti à aucune condition spéciale puisque la décision n'en comporte pas. C'est la première chose.
    Ensuite, comme je le mentionnais tout à l'heure, c'est une nouvelle information apprise pendant l'audience. Cette nouvelle information doit être examinée et précisée. Il y aurait dû y avoir une prise de mesures à ce moment-là, soit de suspendre l'audience et de révoquer sur-le-champ la liberté sous condition du délinquant, soit l'assigner à domicile tant que cette stratégie n'est pas clarifiée.
    Il faut mettre en place des mesures concrètes pour protéger les femmes et la société canadienne.
    En ce qui me concerne, seule une enquête extérieure, totalement indépendante et qui aurait accès à tous les dossiers peut fonctionner. Personnellement, en tant que professionnel, je ne vais pas me baser sur ce que les journalistes racontent. J'ai besoin de voir en quoi consiste la gestion du dossier et comment cela s'est passé.

[Traduction]

    Si vous ne pouvez pas conclure que c'en était un résultat, permettez-moi de vous dire qu'une condition de la libération de M. Gallese était son obligation de déclarer toute relation ou contact sexuel qu'il aurait avec des femmes.
    À quel point cette condition est-elle contraignante, si aucun agent de libération conditionnelle ne participe directement à la supervision? Qu'en pensez-vous?
    Nous devons nous arrêter ici, malheureusement. Nous avons dépassé les deux minutes et demie.
    Monsieur Trudel, êtes-vous prêt?
    Pourquoi ne pas accorder cinq minutes à M. Dalton?
(1010)

[Français]

    Oui, je suis désolé de tout ce brouhaha.
    Bonjour à tous.

[Traduction]

    Très bien. Serait-il mieux de vous accorder ensuite la parole? Êtes-vous d'accord?

[Français]

    D'accord.

[Traduction]

    M. Dalton disposera de cinq minutes. Ensuite, M. Trudel disposera de deux minutes et demie, puis les cinq dernières minutes iront à M. Sikand. Il y a eu un peu de chassés-croisés durant la dernière heure et demie, il s'est perdu du temps.
    Là-dessus, monsieur Dalton, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    J'ai quelques questions pour M. Bensimon.
    J'aimerais que vous commentiez ces phrases mentionnées dans le rapport du vérificateur général:

[Traduction]

Nous avons constaté que lorsque Service correctionnel Canada avait calculé les résultats postsentenciels, il avait seulement pris en compte les condamnations ayant abouti à une réincarcération dans un établissement fédéral. Service correctionnel Canada n'a pas intégré les données sur les condamnations recueillies par d'autres ordres de gouvernement.

[Français]

    Est-ce que je peux voir la feuille?
    Je préfère la lire moi-même, si cela ne vous dérange pas.

[Traduction]

    D'accord.
    Donnons-lui un moment pour qu'il la lise.

[Français]

    Il me serait difficile de répondre à cette question à ce stade-ci. Je préfère m'abstenir pour le moment.
    D'accord. C'est bien.

[Traduction]

    Pouvez-vous expliquer la stratégie de l'équipe en matière de gestion du cas pour autoriser des relations sexuelles avec des personnes vulnérables? Je pense ici précisément, bien sûr, au cas de M. Gallese.

[Français]

     Dans le cas qui nous intéresse ici, c'est rare, mais ce n'est pas une première.
     Maintenant, que ce soit un détenu ou un autre qui fréquente des salons de massage et des prostituées ou que ce soit n'importe qui ici, dans la salle, c'est un acte criminel. C'est très simple: cela ne concerne pas plus un détenu que M. et Mme Tout-le-Monde. C'est illégal. C'est inscrit à l'article 286 du Code criminel.

[Traduction]

    D'accord.
    Le président du Service correctionnel a déclaré que les cas de violence après la libération sont très rares. Est-ce vrai?

[Français]

    Pouvez-vous commenter cela?

[Traduction]

    Les meurtres pourraient être rares, mais y a-t-il aussi beaucoup de cas d'agressions sexuelles? Pouvez-vous, s'il vous plaît, commenter là-dessus?
    Oui.

[Français]

    Heureusement, c'est n'est pas fréquent. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le Service correctionnel a produit un rapport dont j'étais signataire. En moyenne, un peu plus de huit détenus par an commettent des meurtres alors qu'ils sont en liberté sous condition dans la communauté.
     J'ai donné des exemples et vous pouvez rechercher l'information dans les archives. J'ai calculé que 83 meurtriers ont récidivé sur une période de dix ans. De ces 83 détenus, dix avaient déjà commis un meurtre alors qu'ils étaient en liberté surveillée. Il y a donc eu dix cas comparables à celui de M. Gallese en dix ans. Cela en fait un par an. Ce n'est donc pas une chose rarissime.
    Merci.
    Avez-vous des statistiques sur les viols?
    Pardon?
    Avez-vous des statistiques sur les viols?
    Aimeriez-vous que je vous réponde sur le plan de la récidive?
    Oui.
    La récidive est un sujet dont nous pourrions parler pendant des heures.
     En moyenne, chaque année, au Canada, il y a plus de 630 000 agressions sexuelles, selon Statistique Canada qui a mené l'enquête sociale générale sur la victimisation. Il n'y a pas 630 000 détenus pour agression sexuelle. La population des délinquants sexuels dans les pénitenciers ne dépasse pas 15 %. Donc, c'est minime.
    Simplement pour vous donner un coup de projecteur, en 2016-2017, il y a eu 21 000 cas d'agressions sexuelles déclarés aux différents corps de police. Il y a 33 %...
    Excusez-moi, monsieur Bensimon. Mon temps de parole est presque écoulé.
    J'ai une autre question à vous poser.

[Traduction]

    Les programmes d'évaluation des risques, au Service correctionnel, sont-ils efficaces?
(1015)

[Français]

    Excusez-moi. Je ne veux pas commettre d'erreur langagière et le service d'interprétation ne fonctionne pas.
    Que me demandez-vous?

[Traduction]

    Le Service correctionnel possède un programme d'évaluation des risques.

[Français]

    Est-il efficace?
    Tout cela relève du détenu lui-même. Veut-il vraiment se prendre en main ou non? J'ai déjà abordé la question tout à l'heure.
    Est-ce bien ce dont on parle?
    On parle de la grille d'évaluation des risques.
    Pour ce qui est de la grille d'évaluation du risque, c'est comme tous les outils. On peut le faire avec bonne conscience. Toutefois, cela représente-t-il le profil du sujet?
    N'oubliez pas que, en milieu carcéral, on a affaire à une population qui est strictement volontaire.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    Excusez-moi, monsieur Bensimon.
    Cela demanderait un peu plus de trois minutes, monsieur le président.

[Traduction]

    Nous devons nous arrêter.
    Monsieur Trudel, vous disposez de deux minutes et demie.

[Français]

    Merci, monsieur le président.
    Ma question est pour M. Bensimon.
    Il semble que, dans le cas qui nous intéresse, il y a peut-être eu un problème au niveau de la maison de transition où M. Gallese a séjourné avant les événements qu'on connaît.
    Monsieur Bensimon avez-vous une idée de pourquoi il a été placé dans cette « mauvaise » maison de transition?
     Je l'ai dit tout à l'heure, monsieur Trudel, mais vous étiez absent. Il n'y a pas de mauvaise maison de transition, mais il y a certaines structures pour certains types de maison de transition qui sont beaucoup plus appropriés pour les cas lourds.
    Pourquoi l'a-t-on envoyé dans un CRC? Il n'y avait peut-être pas assez de place, parce qu'il n'y a justement pas assez de centres correctionnels communautaires, ou CCC, qui sont des maisons de transition relevant du gouvernement fédéral. Je le répète: il n'y a pas de maisons qui soient mauvaises. Toutefois, on n'envoie pas des détenus qui ont un casier lourd ou qui ont été condamnés pour meurtre dans un CRC.
     Cela s'est toujours fait, mais c'est une question monétaire. Cela coûte moins cher d'envoyer un détenu dans un CRC que dans un CCC. Le personnel n'a pas du tout la même rémunération. C'est une question budgétaire et cela l'a toujours été.
     Vous voulez dire que c'est pour des raisons budgétaires qu'il a été envoyé dans cette maison-là plutôt que dans une autre qui aurait été plus appropriée?
    Si on l'avait envoyé dans un centre correctionnel communautaire, qui relève du fédéral, les coûts auraient été plus élevés, oui. Il ne s'agit pas du tout des mêmes structures. On ne peut pas comparer un CCC et un CRC. C'est le jour et la nuit.
    Croyez-vous que, s'il avait séjourné dans la maison que vous dites plus appropriée, ces événements auraient pu être évités?
    Écoutez, les gens connaissent très bien leur travail. Quand on a un cas lourd, l'agent de libération conditionnelle recommandera que le détenu soit placé dans un CCC. On peut l'envoyer dans un CRC, mais il y a des risques. Dans un CRC, le détenu n'est pas contrôlé de la même façon. Envoyez-y quelqu'un qui a une petite peine, de trois, quatre, cinq, ou six ans. N'y envoyez pas de détenus condamnés à perpétuité ou des gens qui ont fait 20, 30 ans derrière les murs; c'est du suicide. C'est le loup dans la bergerie. Libérez-le graduellement. Il y a des couvre-feux dans un CRC, il y a du personnel. Le détenu sera surveillé continuellement. C'est une bonne transition avec le pénitencier. Dans un CRC, le gars, il se retrouve comme en Floride. Cela ne fonctionne pas.

[Traduction]

    Monsieur Trudel, nous devons nous arrêter. Merci.

[Français]

    Merci.
    Merci, monsieur Trudel.

[Traduction]

    Les cinq dernières minutes vous appartiennent, monsieur Sikand.
    Il se peut que je partage le reste de mon temps avec le secrétaire parlementaire Joël Lightbound.
    Monsieur Blackburn, je vous remercie de votre transparence et de votre aveu, dès le début, de votre appartenance à un parti politique.
    Je pose ma première question, qui exige une courte réponse, à M. Bensimon. Vous avez dit que, après les réformes de 1994, des gens n'avaient pas été autorisés à siéger à la Commission, en raison de leur obédience politique manifeste. Est-ce exact?

[Français]

    Pardonnez-moi, l'interprétation ne fonctionne pas. Je ne veux pas faire d'erreurs langagières. De toute façon, la plupart des anglophones ne parlent pas français. Moi, je ne vais pas me gêner. Je ne veux pas faire d'erreurs. Et je n'appartiens à aucun parti politique, soit dit en passant.
    Monsieur, pourriez-vous répéter votre question?

[Traduction]

    Dans votre déclaration préliminaire, je crois que vous avez dit que des gens n'avaient pas pu siéger à la Commission en raison de leur obédience politique manifeste.

[Français]

    Moi, j'ai dit cela?

[Traduction]

    Dans votre déclaration préliminaire.

[Français]

    J'ai dit qu'ils ne pouvaient pas siéger?

[Traduction]

    Malgré tout, je poursuis, parce que mon temps de parole s'envole.
    Monsieur Blackburn, je tiens d'abord à vous remercier sincèrement pour vos services rendus.
    Voici ce qui me tracasse. Vous ne cachez pas votre affiliation politique, laquelle se prête intrinsèquement à un parti pris ou du moins, à la perception d'un parti pris. Vous faites constamment allusion à la qualité, mais, pourtant, vous avez également fait allusion au gouvernement Trudeau pas moins de cinq fois.
    Votre admission me préoccupe. Personnellement je ne peux pas accepter ce que vous dites sans y voir de la partialité. Ça me préoccupe un peu.
    Je voudrais proposer une motion pour ne pas accepter la lettre envoyée au premier ministre comme témoignage à prendre en considération dans le rapport.
(1020)
    Eh bien, la motion découle effectivement du témoignage porté à notre connaissance. Elle est donc recevable.
    Oui.
    Le choix du moment me préoccupe un peu.
    Souhaitez-vous présenter votre motion maintenant ou à la fin de votre intervention?
    À la fin.
    À la fin.
    D'accord. Vous disposez d'encore trois minutes et demie pour votre intervention. Ensuite vous présenterez votre motion.
    Par courtoisie, je voudrais connaître votre opinion à ce sujet.
    Encore une fois, il s'est dit beaucoup de choses sur le caractère inapproprié des changements survenus sous notre gouvernement. Comment le conciliez-vous avec tout ce que je viens de dire?
    Puis-je connaître votre point de vue, s'il vous plaît, monsieur Blackburn?

[Français]

    Monsieur, l'accent ne devrait pas être sur moi, ici. L'important est qu'il y a une jeune femme qui est décédée, qui est morte au Québec. Or, il y a eu des changements importants dans le processus de nomination.

[Traduction]

    Sauf votre respect... Désolé, je ne voulais pas vous interrompre.
    Pour l'équité de la procédure, l'accent n'est pas sur vous, il est sur la qualité, vos propos, votre témoignage.
    J'accorde le reste de mon temps à M. Lightbound.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur Sikand.
    J'ai une question pour M. Bensimon.
    Vous avez mentionné, en tant que professionnel et selon votre expérience comme ancien commissaire...
    Ah non, je n'ai jamais été commissaire. J'ai été agent de libération conditionnelle et chercheur, c'est assez.
    Pardonnez-moi, j'avais mal compris.
    Selon votre expérience professionnelle, vous dites qu'il serait irresponsable de commenter un cas sans avoir vu l'ensemble de la documentation pertinente, ce qui n'est visiblement pas le cas de tous.
    Pourquoi est-ce important?
     Je comprends votre question, mais je n'ai pas d'expérience en tant que commissaire, vu que je ne l'ai jamais été. En tant que criminologue, j'ai besoin de disposer d'informations de base que je n'ai pas. Un peu comme tout le monde, j'ai relevé une dizaine de points qui mériteraient des questions, mais j'ai besoin d'en savoir plus. Il y a des sujets que je n'aborderais pas, en tant que professionnel, parce que je suis conscient de ce que je dis. Je ne veux ni faire d'erreur ni commettre de faute.
    C'est tout à votre honneur.
    Madame Latimer, j'ai une question à vous poser. Au départ, vous étiez contre l'idée qu'une étude soit réalisée en comité parlementaire dans la foulée de la motion qui a été présentée. Vous craigniez que cela teinte ou mine les résultats de l'enquête qui est menée. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
    Il est fondamental que la lumière soit faite sur cette tragédie afin d'éviter que les erreurs commises se reproduisent. Comme l'a dit M. Blackburn, une tragédie comme celle-là, c'est une de trop.
    Pourquoi étiez-vous contre la motion, au départ?

[Traduction]

    J'en conviens, il est très important de découvrir ce qui s'est passé dans ce dossier. Je n'en avais pas contre l'étude, mais contre la formulation de la motion, qui semblait préjuger la cause et le contexte de la mort de cette femme, alors que les éléments de preuve n'avaient pas été présentés. Elle semblait manquer de l'objectivité nécessaire à une enquête sur la mort d'une personne.

[Français]

    Je pourrais difficilement être plus d'accord avec vous.

[Traduction]

    Merci.
    C'est la fin des témoignages.
    Je tiens à remercier chacun des témoins pour leurs exposés.
    J'ai deux choses à faire.
    Notre greffier est particulièrement emballé à l'idée de vous faire signer ceci.
    Il reste deux choses encore avant de lever la séance.
    La première est une motion sur le budget à affecter à cette étude. Vous en avez tous pris connaissance. Y a-t-il des objections?
    Il semble que non.
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Madame Damoff, vous avez la parole.
    Monsieur le président, j'ai seulement une question.
    Vu tout ce qui se passe à cause du coronavirus, je sais que l'un des comités envisage de faire comparaître ses témoins par vidéoconférence plutôt qu'en personne. Ça me serait égal aussi; je le fais simplement savoir.
    Nous n'accueillerons pas d'autres témoins avant au moins 10 jours encore.
    Je sais. C'est seulement une idée que je propose.
(1025)
    D'accord.
    Maintenant, M. Sikand propose une motion.
    Elle est recevable, parce qu'elle découle d'un témoignage entendu aujourd'hui. Les 48 heures ne s'appliquent donc pas. Mais, je n'en ai pas vu la teneur et j'ignore si quelqu'un d'autre sait de quoi il s'agit.
    Monsieur Sikand, pourriez-vous présenter votre motion, après quoi nous verrons?
    En fait, dans un souci de transparence, je voudrais la retirer.
    Nous sommes tous à l'aise avec votre décision.
    Sur ce, je lève la séance, mais le sous-comité doit se réunir.
    Monsieur Harris, à vous la parole.
    Nous avons approuvé ceci, n'est-ce pas?
    Oui, nous venons de le faire.
    Très bien. Excellent.
    Vos sourcils ont confirmé cette opinion.
    Sur ce, la séance est levée.
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