:
Bonsoir, monsieur le président et membres du Comité. Je suis heureuse d'être de retour parmi vous aujourd'hui.
Depuis des générations, la politique dite « Achetez américain » est une réalité majeure et étonnamment bien enracinée dans l'espace économique du continent nord-américain. Le Canadian American Business Council s'y est attaqué à maintes reprises depuis sa fondation il y a plus de trois décennies. Le problème semble resurgir avec plus d'acuité à chaque changement de gouvernement et, surtout, à chaque nouvelle crise financière.
Le gouvernement Biden se propose de dépenser des billions de dollars sur des projets d'infrastructure et de relance économique, tous assortis de la restriction Achetez américain. Le Canada, bien entendu, soulève des objections. Or, pour présenter une argumentation valable à un interlocuteur, il faut toujours bien comprendre ce qui motive sa prise de position.
Le gouvernement Biden se propose de dépenser des billions de dollars sur des projets d'infrastructure et de relance économique, tous assortis de la restriction Achetez américain. Le Canada, bien entendu, soulève des objections. Or, pour présenter une argumentation valable à un interlocuteur, il faut toujours bien comprendre ce qui motive sa prise de position.
Étant donné le degré d'intégration entre nos deux économies, qui s'est accrue depuis le premier accord de libre-échange, la meilleure façon de créer plus d'emplois aux États-Unis est de pousser plus loin encore cette intégration. Nous n'avons jamais été si interdépendants. Vu cette réalité, les obstacles au commerce entre nos deux pays sont particulièrement contre-productifs et coûteux. La politique Achetez américain se répercutera sur les travailleurs américains et coûtera des emplois aux Américains.
Il importe cependant de rappeler que la politique Achetez américain n'a rien de nouveau. Elle ne devrait pas être considérée comme un signe de mépris ou d'indifférence à l'égard du Canada. Les gouvernements, républicains ou démocrates, tant au niveau fédéral qu'à celui des États, imposent des restrictions de ce genre en matière de dépenses publiques depuis des lustres et des lustres, ou du moins depuis que je m'intéresse à ces questions, c'est-à-dire depuis fort longtemps. Pour être juste, il faut reconnaître que la préférence accordée aux fournisseurs nationaux dans les dépenses publiques n'est pas une pratique exclusivement américaine. Partout au monde, les accords commerciaux permettent un certain degré de protectionnisme. Il est vrai que le Canada a ouvert ses marchés ces dernières années, mais il ne s'abstient pas pour autant de tenter de limiter l'accès de fournisseurs étrangers dans certains secteurs. En fait, le public canadien l'exige. Vous le savez mieux que moi.
Cela dit, nous sommes préoccupés par la portée des dispositions Achetez américain dans la nouvelle loi américaine. Nous sommes d'avis qu'à moins que le Canada ne se voie accorder une exemption, une dérogation ou, si vous préférez, un « créneau réservé », les règles sur les dépenses vont vite s'avérer inopérantes devant certaines dures réalités.
Prenons le cas du New Jersey. Le Canada est le deuxième marché d'exportation du New Jersey. Le New Jersey vend plus de biens au Canada que sur ses troisième et quatrième marchés d'exportation combinés et il importe des milliards de dollars de biens canadiens. Près de 180 000 emplois au New Jersey dépendent de ces échanges transfrontaliers. La politique Achetez américain perturberait ces chaînes et réduirait la disponibilité de fournitures canadiennes à prix concurrentiel pour les entreprises du New Jersey. Cela se traduirait par une inefficacité. L'inefficacité entraîne la perte d'emplois. Je n'ai parlé que du New Jersey, mais il en va de même de presque tous les autres États américains.
Prenons l'exemple de l'équipement de protection individuelle. Le Canada est l'un des principaux fournisseurs d'EPI aux États-Unis. N'oublions pas que le gouvernement précédent, au début de la pandémie, avait cherché à restreindre l'exportation des masques N95 au Canada et aux pays des Antilles, mais a rapidement fait marche arrière. Pourquoi? Parce que le Canada exporte aux États-Unis des composantes de l'EPI et de fournitures médicales cruciales. La dépendance est réciproque.
Voici un autre exemple qui se rapporte directement au grand programme de relance économique. Comme nous le savons, le plan d'infrastructure du président Biden mettra l'accent sur les sources d'énergie propre, comme les parcs éoliens. En passant, je vous fais mes bons souhaits pour le Jour de la Terre. Les entreprises québécoises produisent des composantes d'éolienne parmi les plus recherchées au monde. Le Texas produit de loin plus d'énergie éolienne que tout autre État américain. Il s'agit d'une association commerciale naturelle. Chaque semaine, un train du CN quitte New Richmond, au Québec, chargé de pylônes de turbine ou de ces lames gigantesques, longues de 120 pieds. Il se rend à Chicago, puis descend le cours du Mississippi jusqu'au golfe du Mexique. Depuis 2016, le CN a transporté environ 9 000 composantes de turbines fabriquées au Canada vers des parcs éoliens situés le long de son réseau aux États-Unis. Ce commerce d'éoliennes est le résultat direct de nos trois traités de libre-échange successifs. Le fait de le restreindre entraînerait tout simplement une perte d'emplois aux États-Unis et au Canada.
La ville de Bettendorf, en Iowa, offre un exemple de projet plus modeste, mais qui illustre peut-être de façon plus frappante la situation. La ville est en train de construire un nouveau pont et se propose d'installer un ensemble d'ascenseurs pour faire monter piétons et cyclistes du niveau du sol jusqu'à la voie piétonne et cyclable du pont. Les autorités locales ont appris que certaines des pièces nécessaires pour les ascenseurs sont fabriquées au Canada. À moins que certaines des restrictions Achetez américain ne soient levées, Bettendorf devra faire fabriquer les pièces sur mesure aux États-Unis, ce qui fera doubler le coût — 427 000 $ — des ascenseurs.
Nous sommes d'avis que les cas comme celui de Bettendorf, sous une forme ou une autre, seront nombreux un peu partout aux États-Unis, et iront sans cesse croissants, à moins que le Canada ne soit exclu, ou exempté, si vous voulez, de la politique Achetez américain.
Le Canada aura besoin d'une exemption. Ce serait une demande raisonnable, et il y a un précédent. En effet, en 2009, le Canada a obtenu une exemption qui a permis aux entreprises canadiennes de soumissionner pour des projets de relance, d'une valeur de centaines de milliards de dollars au total, à la suite de l'effondrement du secteur du logement.
Comment cette exemption s'est-elle obtenue? Posez la question à l'ambassadeur du Canada de l'époque, Gary Doer. Il a approché le syndicat des métallurgistes, qui compte des membres des deux côtés de la frontière et qui a une voix collective assez forte pour se faire entendre à la Maison-Blanche. Comme se plaît à le dire l'ambassadeur Doer, il a réussi à faire intervenir les travailleurs américains du bâtiment en faisant appel à leurs propres intérêts.
Cette fois-ci, le Canada devra envoyer un message tout aussi convaincant. Nous avons créé un système de croissance mutuelle assurée. Il ne faut pas le perturber.
Le Canadian American Business Council ne cesse de préconiser la réduction des formalités administratives à la frontière, la rationalisation et l'harmonisation des politiques industrielles et, de façon générale, la facilitation du commerce entre nos deux pays.
La politique Achetez américain est peut-être une réaction intuitive chez les décideurs américains. De son côté, le Canada devra avoir l'intuition qu'il lui faut plaider vigoureusement en faveur d'une exemption, d'une exclusion ou d'une dérogation. Pour cela, le CABC offre son concours. Nos deux pays doivent opérer le redressement de leur économie et ils doivent le faire ensemble.
À ce sujet, nous avons préparé une campagne de relance nord-américaine, que nous avons, il semble, déjà évoqué dans le passé. Si vous le souhaitez, je me ferai un plaisir d'en discuter avec vous ce soir.
Merci beaucoup de votre attention.
:
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie encore une fois de m'avoir donné l'occasion de témoigner devant le Comité.
Scotty, nous devons vraiment cesser de nous rencontrer ici.
Depuis ma dernière comparution, la Chambre de commerce du Canada a lancé une initiative sur la relation canado-américaine qui porte sur cinq de ses aspects essentiels, à savoir la frontière, l'environnement et les ressources naturelles, la coopération en matière de réglementation, la politique Achetez américain et les questions liées à la chaîne d'approvisionnement du secteur de la défense et de la sécurité.
Nous espérons avoir bientôt l'occasion d'en discuter avec les membres du Comité, mais ce sont vraiment les deux derniers points qui seront le sujet principal de mon exposé devant le Comité au cours des prochaines minutes.
Je n'ai pas à revenir sur le fait que les pratiques d'approvisionnement aux États-Unis sont un sujet de préoccupation permanente pour le milieu des affaires canadien, puisqu'elles risquent de nous exclure du marché américain.
J'aimerais plutôt prendre les prochaines minutes pour vous parler de six idées prospectives susceptible d'assurer notre intégration aux chaînes d'approvisionnement américaines et notre accès aux marchés publics américains. Nous espérons que le Comité pourra en faire état dans le rapport qu'il présentera au gouvernement dans les semaines à venir.
En premier lieu, nous devrions examiner de façon exhaustive l'importance des biens et des services. Il existe un risque que nous portions, par myopie, toute notre attention sur les biens et que nous perdions de vue les services de grande valeur. Par exemple, pas plus tard que la semaine dernière, la filiale américaine d'une entreprise canadienne, a obtenu un contrat de coentreprise, d'une valeur de jusqu'à 2 milliards de dollars, pour la conception et les services liés à une activité de l'aviation américaine. Cela montre la valeur des services, surtout s'il s'agit de contrats de soutien qui peuvent durer des années, par opposition aux contrats ponctuels de livraison d'un bien matériel.
En deuxième lieu, nous devons savoir ce que le Canada apporte à la table de négociation. En 2008-2009, au cours des négociations bilatérales avec les Américains, nous avons été assez malmenés, et je ne pense pas que quiconque veuille recommencer ce genre d'exercice, surtout que nous sortons à peine des négociations sur l'ACEUM. Nous devons réfléchir à la façon de devenir un partenaire sérieux, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre de l'ACEUM, le soutien de la résilience de la chaîne d'approvisionnement nord-américaine, l'exploitation des minéraux essentiels et le remplacement éventuel de nos propres pratiques d'approvisionnement par des propositions de politique « Achetons nord-américain », en particulier dans le secteur de la défense et de la sécurité.
Il y a d'énormes possibilités de partenariat et de collaboration avec des entreprises américaines, et aussi d'apporter des compétences de calibre mondial dans le secteur de l'énergie propre. Cela comprendrait, par exemple, des partenariats portant sur les installations hydroélectriques ou les petits réacteurs modulaires.
En troisième lieu, nous devons reconnaître la nature unique de notre base industrielle de défense et de sécurité. Le DPSA et d'autres arrangements sont des outils essentiels qui permettent au Canada conserver son accès au marché américain, et nous incitons le Comité à formuler des recommandations visant à codifier ces accords afin d'offrir plus de certitude aux entreprises canadiennes. La base industrielle continentale est essentielle à la défense du continent et ne peut y être dissociée.
En quatrième lieu, il est important de participer aux initiatives émergentes d'achats verts. La CLEAN Future Act, loi récemment présentée aux États-Unis, établirait un programme d'achats propres fondé des objectifs de rendement pour les projets qui reçoivent un financement fédéral. Elle a été présentée dans le but très explicite de renforcer la compétitivité du secteur manufacturier américain. Nous devons nous assurer que les normes appliquées pour sa mise en œuvre n'excluent pas les entreprises canadiennes du marché.
Notre approche consiste à tenter de relever les défis climatiques tout en créant des débouchés économiques dans les technologies, les biens et les services respectueux de l'environnement. Cela signifie également qu'il faut positionner le Canada en faisant valoir nos produits à faible empreinte carbone.
En cinquième lieu, la collaboration entre l'industrie et le gouvernement est essentielle. La Chambre de commerce du Canada et ses membres ont travaillé en étroite collaboration avec le gouvernement pendant les négociations de l'ACEUM. Un autre exemple de cette collaboration est survenu l'an dernier, quand le gouvernement et les membres de la Chambre de commerce ont travaillé ensemble pour que les dispositions qui auraient nui aux exportateurs canadiens de l'industrie de la défense et de la sécurité soient supprimées de la loi américaine de 2021 sur les crédits de défense avant son adoption.
Heureusement, le décret-loi du gouvernement Biden sur la chaîne d'approvisionnement a reconnu l'importance de consulter les alliés, et nous demandons au gouvernement de participer à ces consultations et de collaborer avec l'industrie pour faire en sorte que le point de vue canadien y soit bien défendu.
En sixième lieu, mais ce n'est pas à négliger, nous avons besoin de meilleures données. La politique Achetez américain et son cousin « Buy America » sont d'une complexité déroutante lorsqu'ils se conjuguent aux engagements pris dans le cadre de l'AMP de l'OMC, aux exemptions et aux divers programmes infranationaux. Je dis cela en me fondant sur mon expérience de 10 années et plus dans le domaine de la politique commerciale. Il n'y a pas, dans le domaine public, de données vraiment fiables sur l'accès du Canada aux marchés publics américains. Les entreprises canadiennes, et moi personnellement, aimerions mieux comprendre l'ampleur réelle du problème. Les entreprises veulent savoir aussi où concentrer le plus utilement possible leurs efforts d'expansion.
J'ai dit récemment dans une entrevue que peu de gens se lèvent le matin à Washington en songeant à quel service ils pourraient rendre aux entreprises canadiennes. Mme Greenwood est peut-être une exception. Il y a une multitude d'intérêts divers qui fourmillent à Washington, mais heureusement notre ambassade est dirigée avec compétence par Kirsten Hillman, qui réussit admirablement à faire valoir ceux du Canada. Nous sommes cependant à un tournant critique dans la relation, et il nous faut faire comprendre aux Américains qu'il est dans leur propre intérêt de travailler avec nous.
La Chambre de commerce du Canada est désireuse de continuer à travailler avec ce comité. Je serai heureux de répondre à vos questions.
:
Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que les témoins. Je pense que je devrais simplement vous servir une tasse de café. C'est comme si nous étions assis ici à prendre un café comme nous le faisions dans le bon vieux temps.
Madame Greenwood, vous passez avant moi.
D'entrée de jeu, je tiens à remercier le gouverneur du Dakota du Nord. Il a posé un geste de bonne volonté cette semaine en offrant de faire vacciner les camionneurs qui font le va-et-vient à la frontière. Il va vacciner les camionneurs du Manitoba et du Dakota du Nord. Voilà un bel exemple de bon voisinage. C'est un bon voisin que nous avons là. Nous avons du mal ici à obtenir suffisamment de vaccins pour nos travailleurs essentiels et le reste de la population, et je lui suis donc grandement reconnaissant de ce beau geste.
J'aimerais que nous puissions maintenant faire de ce geste le fondement de quelque chose de nouveau. Je sais que nous avons parlé des dernières négociations sur l'AEUMC. Nous avons manqué cette occasion de bâtir cet espace nord-américain où le Canada, les États-Unis et le Mexique, travaillant ensemble, tirant parti de nos efficacités et de nos connaissances et les regroupant, auraient pu tenir tête au monde entier. Nous avons raté beaucoup d'occasions et maintenant, avec la politique Achetez américain, il semble que nous allons en rater une autre.
Madame Greenwood, vous avez parlé d'une chose qui me paraît être l'une de nos réussites dans les négociations de l'ACEUM, soit d'avoir pu sensibiliser, en y mettant beaucoup de temps, nos homologues américains à l'importance de notre relation économique. En ces temps de pandémie, nous ne pouvons pas faire comme avant.
M. Doer a bien fait les choses. Il a approché et convaincu les travailleurs américains. C'est ce qu'il a fait.
Voyez-vous, à l'heure actuelle, le Canada agir de cette façon? Dans quelle mesure est-ce efficace?
:
À l'heure actuelle, ce que les entreprises veulent savoir, c'est quels sont les programmes prévus dans le plan d'infrastructure de 2 billions de dollars afin d'y dénicher des possibilités d'affaires.
Ce qui les intéresse en premier, c'est de savoir où se trouvent les possibilités d'affaires, pour quels projets ils pourraient soumissionner. Comme d'habitude, le Canada a une bonne longueur d'avance. Le plan d'infrastructure, auquel se rattache la politique Achetez américain, n'est pas encore entré en vigueur. C'est une proposition. On pourrait l'appeler le coup d'envoi du gouvernement Biden. Il faut passer par le Congrès et il faut attendre que cela débouche sur un programme concret. Comme les débats se prolongeront, les gens s'impatientent de savoir où se trouveront les possibilités d'affaires.
L'autre point à retenir, c'est que la Maison-Blanche n'a pas encore doté l'Office of Management and Budget du personnel nécessaire. C'est là que les exceptions seront décidées, que l'examen des recommandations de dérogation à la politique Achetez américain ou d'exemption canadienne seront examinées. Ces personnes ne sont même pas encore en poste.
Les entreprises se montrent très intéressées par le plan et très désireuses d'y participer, mais pour le moment, elles s'occupent à déceler les possibilités d'affaires.
Pour vous donner un exemple précis, je parlerai des cimenteries, qui ont une grande importance en ce moment. Elles ont aussi une grande incidence sur l'environnement. Il existe des technologies très intéressantes — dont certaines d'origine canadienne — qui permettent de capter le carbone, de le mélanger à des nanotubes et à d'autres choses du genre, pour l'incorporer au ciment, par exemple, et réduire ainsi l'empreinte carbone.
Je pense qu'il y aura beaucoup d'occasions comme celle-là où, si le Canada peut montrer son expertise en matière d'infrastructures écodurables, d'avantages environnementaux... Voilà le genre de choses qui auront une valeur ajoutée et qui seront traitées comme telles, je crois, aux États-Unis.
:
Merci beaucoup, monsieur le président, et merci à tous les membres du personnel de service ce soir, aux membres du Comité et aux témoins, Je vous suis reconnaissant de cette occasion que j'ai de prendre la parole.
Je suis très fier d'être le député de Hamilton-Centre. Bien sûr, pour ceux qui y sont allés, vous comprenez, dès que vous traversez le Skyway et que vous voyez les usines, que ce n'est pas sans raison que Hamilton est appelée la « ville de l'acier ».
C'est de cela que je veux parler en premier. Je pense beaucoup à la façon dont Bain Capital a ruiné le Hamilton Specialty Bar, une entreprise centenaire qui employait des centaines de travailleurs depuis des générations. Je pense à la façon dont la restructuration de la dette de 2 milliards de dollars de la U.S. Steel a été faite sur le dos des retraités par le truchement de la CCWA. Je ne peux m'empêcher de me demander comment et dans quelle mesure les dispositions Achetez américain ont eu une incidence sur l'industrie locale de l'acier ici à Hamilton.
J'ai entendu Mme Greenwood dire, en expliquant l'exception canadien, que le Canada n'était pas ciblé, sauf peut-être dans le cas de l'acier, et je suis plutôt enclin à lui donner raison là-dessus. Je veux donc, pour commencer, demander, par votre entremise, monsieur le président, à Mme Greenwood de préciser dans quelle mesure elle croit que la American Recovery and Reinvestment Act de 2009 et les dispositions Achetez américain sont semblables et différentes des dispositions « Buy America » qui limitent actuellement l'accès du Canada aux marchés publics infrafédéraux aux États-Unis.
:
Merci beaucoup de votre observation et de votre question.
Elles sont semblables. C'est le même scénario. Nous le voyons encore une fois. Il y a certaines industries et certaines circonscriptions aux États-Unis qui parlent haut et qui ont un grand poids politique. Nous l'avons vu avec l'acier, nous l'avons vu avec le bois d'œuvre, secteurs dans lesquels les États-Unis agissent d'une façon qui ne concorde généralement pas avec une saine politique économique, qui va à l'encontre des accords commerciaux et de leurs obligations et qui porte atteinte à leurs relations avec leurs alliés. Pourtant, les États-Unis continuent de recourir à des mécanismes protectionnistes. Parfois, ils fonctionnent.
Bombardier a des installations dans le nord de l'État de New York parce qu'elle soumissionnait à l'époque pour les rames de métro de New York. Vous souvenez-vous de l'époque où Bombardier construisait des rames de métro? Elle a donc construit une usine à Plattsburgh, dans l'État de New York. Pourquoi? Parce qu'il y avait une composante d'achat local à respecter. Sa soumission a été retenue. Mais ce qui vous heurte, il me semble, c'est que cela montre que l'exigence d'achat local donne des résultats, n'est-ce pas? C'est compliqué.
L'autre chose que je m'empresse d'ajouter, c'est qu'il faut considérer la situation dans son ensemble quand on demande une exemption. Par exemple, je pense que le budget canadien déposé il y a quelques jours instaure une taxe sur les services numériques. C'est quelque chose qui existe dans d'autres pays du monde. Je prédis que les États-Unis verront d'un mauvais œil l'imposition des grandes sociétés de communications numériques qui ont leur siège aux États-Unis, dont bon nombre sont nos membres.
Je pense qu'il faut se préoccuper de l'état d'esprit de la Maison-Blanche lorsqu'elle prendra des décisions sur les exemptions, et si elle est à l'écoute… Est-ce que les Métallurgistes... le syndicat est-il aussi aligné sur notre position qu'il l'était à l'instigation de l'ambassadeur Doer en 2009 ou non? Les gens sont-ils mécontents ou non de la perception d'injustice de la part du Canada à l'égard des sociétés de communications numériques? La…
:
Merci beaucoup, monsieur le président. Et merci aussi à nos témoins.
Je m'adresse à M. Agnew en particulier. J'aurais aimé avoir le texte de votre exposé à l'avance parce qu'il m'a fallu noter à la hâte toutes les questions à vous poser qui me passaient par la tête.
Vous avez parlé des minéraux essentiels, de l'énergie propre et de la défense. J'aimerais vraiment parler de la façon dont nous collaborons avec nos partenaires américains. Nous avons récemment mené une étude à ce sujet au comité des ressources naturelles qui a permis de mettre en lumière un certain nombre de faiblesses.
Tout d'abord, chaque minéral essentiel nécessitera un processus de développement minier de 10 ans, probablement plus en raison d'une nouvelle loi canadienne qui s'applique aux mines, la Loi sur l'évaluation d'impact, qui a eu un effet généralement désastreux. Il y a un énorme écart entre le temps nécessaire pour développer les mines et le temps nécessaire pour mettre en place les installations d'affinage et de fabrication de ces métaux, qui est d'environ 18 mois. Au cours de ce cycle d'une dizaine d'années, il y aura ce cartel de fournisseurs des minéraux essentiels, surtout présent en Chine, qui continuera de faire fluctuer les prix, si bien que les mines qui ne sont pas au terme de ce cycle cesseront d'être viables, comme cela a été le cas des installations de Mountain Pass, aux États-Unis.
Dites-moi ce que vous pensez que nous devrions faire, le Canada et les États-Unis, pour réduire ces tendances collusoires qui rendent l'exploitation de nos minéraux essentiels non viable à certains moments du cycle de production.
:
Il y a deux aspects qu'il vaut la peine de considérer. Il y en a beaucoup d'autres, mais pour éviter l'éparpillement, je vais m'en tenir à deux.
Il y a d'abord ce que nous pouvons faire chez nous. Certains éléments relèvent uniquement de nous: réglementation, études d'impact, main-d’œuvre et infrastructure. Que faut-il faire pour rendre l'extraction des ressources rentable pour les entreprises? C'est là un premier point.
Voici le deuxième. À propos de la coopération possible entre les gouvernements du Canada et des États-Unis, comment pouvons-nous combler les lacunes du marché qui ont empêché jusqu'ici ce secteur d'être rentable? Selon moi, il y a là une intervention gouvernementale possible. L'expression « filet de sécurité » me répugne, mais, faute de mieux, je vais l'employer.
Comment pouvons-nous utiliser les marchés publics, par exemple, pour créer des incitatifs financiers à l'intention des entreprises de façon qu'elles voient une raison d'extraire ces ressources, sachant que, au bout du compte, il y aura un acheteur? C'est ce que les entreprises doivent savoir: si elles extraient les ressources et que quelqu'un d'autre les transforme, y aura-t-il des acheteurs? C'est là que les gouvernements pourraient intervenir. Étant donné que nous avons une chaîne d'approvisionnement commune, par exemple pour les produits de défense, comment pouvons-nous mettre à profit l'acquisition de matériel par l'État pour encourager l'industrie des minéraux critiques?
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins de comparaître encore une fois ce soir. C'est toujours un plaisir de vous entendre.
Comme je suis issue d'une famille de militaires, je ne peux pas imaginer que le Canada et les États-Unis ne travaillent pas ensemble. Prenons le NORAD, le Système d'alerte du Nord, le passage du Nord-Ouest. Après les attentats du 11 septembre, je ne peux pas imaginer que le Canada et les États-Unis ne collaborent pas sur le plan de la défense continentale.
Madame Greenwood, vous avez soulevé un point qui a piqué ma curiosité, car j'ai déjà travaillé au CN, et j'ai suivi récemment la surenchère à laquelle le CN et le CP se sont livrés pour acquérir le Kansas City Southern, qui serait un chemin de fer incroyablement intéressant. Quand on y pense, cela serait à l'image de l'ACEUM, car les trois partenaires seraient associés pour faire circuler les marchandises entre eux.
Je considère cette situation et celle d'Héroux Devtek une entreprise de ma circonscription qui fabrique des trains d'atterrissage. Elle a même créé le train d'atterrissage du module lunaire et elle a des entreprises établies en Ohio, au Michigan et dans l'État de Washington, car nos économies sont étroitement intégrées.
Pourriez-vous nous entretenir plus longuement de la reprise nord-américaine, car nous devons considérer la situation sous cet angle. Nous devons tenir compte à la fois des États-Unis et du Canada, plutôt que de voir chacun des pays isolément. Nos économies sont intégrées et le resteront.
Pourriez-vous nous parler de la reprise nord-américaine par opposition à deux reprises, l'une au Canada et l'autre aux États-Unis?
:
Bien sûr. Merci beaucoup.
Cette idée de campagne de reprise nord-américaine — vérifiez-la, cherchez-la sur Google, vous la verrez surgir à divers endroits — a été abordée dans une conversation que j'ai eue avec la déléguée générale du Québec aux États-Unis, Catherine Loubier. Elle et moi avons discuté... au début de la pandémie, lorsque les gouverneurs des États de la Nouvelle-Angleterre se sont réunis.
Rappelez-vous qu'au début de la pandémie, les administrations essayaient d'obtenir de l'équipement de protection individuel pour leur propre population. Les États de la Nouvelle-Angleterre ont décidé de former un bloc d'achat pour ne pas faire monter les prix en se livrant à une surenchère. Le Québec a dit: un instant, nous sommes liés à vous sur le plan économique; nous voulons faire partie de ce bloc.
Mme Loubier et moi avons discuté de la question. À la vérité, avons-nous dit, le Canada et les États-Unis en général devraient essayer d'acquérir de l'EPI, de le partager entre eux, de le fabriquer, d'obtenir tous les intrants, etc. Nous avons donc lancé cette campagne de reprise nord-américaine. La Chambre de commerce des États-Unis, la Chambre de commerce du Canada, la National Association of Manufacturers et toutes sortes de chambres de commerce locales, des gens de partout au Canada et aux États-Unis et dans les provinces ont signifié leur accord: quelle que soit la question, la réponse est que le Canada et les États-Unis sont dans le même bateau.
C'est ainsi que le mouvement a commencé, et ceux qui le soutiennent sont de plus en plus nombreux et les appuis sont de plus en plus solides. Nous espérons que la communauté qui se développe va s'opposer à certaines dispositions privilégiant l'achat de produits américains.
J'ai parlé du New Jersey dans mon témoignage parce que, malheureusement, l'Assemblée législative de l'État vient d'adopter une disposition de cette nature à laquelle le Québec et l'Ontario en particulier se sont vigoureusement opposés, mais c'était trop tard.
Quoi qu'il en soit, voilà en quoi consiste le mouvement de reprise nord-américaine. Nous continuerons de le renforcer par des moyens numériques et d'inviter les particuliers et les entreprises à y adhérer. Ensuite, nous mobiliserons des districts congressionnels ciblés pour essayer d'appuyer, pour le Canada, une exception à cette politique qui privilégie les produits américains.
Je dois dire que cette notion d'Amérique du Nord est plus difficile à faire accepter aux États-Unis, parce que, si on ajoute le Mexique à l'équation, la conversation prend une tout autre tournure. Lorsque nous parlons de reprise nord-américaine, il s'agit en fait du Canada et des États-Unis. Ce n'est pas que le Mexique ne soit pas important — car il l'est vraiment —, c'est seulement que les enjeux, étant donné surtout ce que le Mexique représente dans l'imaginaire américain, sont tout à fait différents des possibilités offertes par le Canada.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci aux témoins. C'est toujours un plaisir de les accueillir au Comité, et je les remercie de bien vouloir passer votre jeudi soir avec nous.
Je reviens sur un point signalé au tout début par plusieurs témoins. Nous avons un peu parlé des dépenses de relance aux États-Unis en 2009. Au début de notre étude, des témoins nous ont dit que l'exemption accordée au Canada dans ce contexte a été consentie en 2010, ce qui était trop tard pour que de nombreuses entreprises canadiennes puissent présenter des offres sur de nombreux contrats qui les auraient intéressées.
Ma question, madame Greenwood, est la suivante: nous en sommes encore aux premières étapes du plan annoncé par l'administration Biden et, comme vous l'avez dit, il reste encore plusieurs obstacles à franchir, et des modifications y seront probablement apportées. Compte tenu de notre expérience passée, de combien de temps disposons-nous, selon vous?
Vous avez également dit que l'Office of Management and Budget manque peut-être de personnel en ce moment. Selon vous, le problème va-t-il persister pendant un certain temps? Devrions-nous en tenir compte dans notre réflexion sur les délais dont nous disposons?
:
Merci, monsieur le président.
Je suis très heureux de vous rencontrer, ainsi que les membres du Comité. Merci beaucoup pour tout ce que vous faites pour le Canada, et surtout pour le travail important du Comité.
Je m'appelle Sean Strickland. Je suis le directeur exécutif des Syndicats des métiers de la construction du Canada, la section canadienne des Syndicats des métiers de la construction de l'Amérique du Nord, une organisation composée de 14 syndicats internationaux et de plus de trois millions de travailleurs. Nous travaillons en étroite collaboration avec notre bureau de Washington pour coordonner et appuyer les enjeux qui touchent nos membres des deux côtés de la frontière.
Aujourd'hui, je vais parler de l'incidence des politiques d'achat aux États-Unis sur les travailleurs spécialisés au Canada et aux États-Unis, et soumettre au Comité deux recommandations: premièrement, que le gouvernement du Canada démontre aux États-Unis qu'il est important d'avoir un commerce sans obstacle avec le Canada; deuxièmement, qu'il préconise la création d'une politique bilatérale ou nord-américaine sur les marchés publics qui traitera de façon permanente des politiques d'achat aux États-Unis.
Au moyen de la récente Feuille de route pour le renouvellement du partenariat entre les États-Unis et le Canada, le président Biden et le ont lancé une stratégie visant à renforcer la sécurité de la chaîne d'approvisionnement entre nos deux pays et ont convenu de renforcer notre relation économique profondément interconnectée et mutuellement avantageuse, mais depuis, comme nous le savons tous, le président Biden s'est engagé à adopter une politique qui privilégie l'achat de produits américains.
Ces mesures protectionnistes n'ont rien de neuf. Elles existent depuis 1933 et elles ont récemment été renforcées par l'ancien président Trump. Le président Biden vise à renforcer encore davantage les exigences protectionnistes en matière de marchés publics. Il prévoit faire en sorte qu'il soit plus difficile pour les entreprises étrangères, y compris les entreprises canadiennes, d'obtenir des dérogations aux règles, en créant un poste de directeur de la politique « Made in America » pour centraliser le contrôle. Par le passé, des exemptions ont été accordées aux fabricants, fournisseurs et entrepreneurs canadiens qui soumissionnaient sur des marchés publics aux États-Unis.
Bien que ces mesures visent à protéger les emplois, de telles politiques peuvent entraîner des retards dans l'industrie de la construction en raison de l'intégration de notre chaîne d'approvisionnement. Voici deux exemples.
Un exemple modeste nous vient de Bettendorf, en Iowa. Interdire l'utilisation d'importations canadiennes pourrait faire doubler le coût de construction d'un silo de 427 000 $. Certains composants d'ascenseur à traction, des glissières de guidage et d'autres éléments requis pour rendre la structure conforme à l'Americans with Disabilities Act sont fabriqués uniquement au Canada. La ville a passé six mois à chercher des solutions de rechange et n'a trouvé aucun fabricant connu aux États-Unis qui produisait les pièces requises. En l'absence d'une exemption à la politique « Buy America » — qui n'a pas encore été accordée —, la ville devra faire construire les composantes sur mesure, ce qui fera doubler les coûts, ou renoncer à la subvention fédérale.
Un exemple plus important est celui du promoteur privé d'un projet de ligne ferroviaire à grande vitesse reliant la périphérie de Los Angeles à Las Vegas, d'une valeur d'environ 5 milliards de dollars. Le promoteur accuse la politique « Buy America » et ses exigences de bloquer son projet. L'entreprise a cherché à obtenir du financement à faible coût dans le cadre du programme fédéral de financement de la remise en état et de l'amélioration des chemins de fer. La demande de prêt a été assujettie à la politique « Buy America », et le secrétaire aux Transports en a suspendu l'examen parce que les promoteurs avaient du mal à satisfaire aux exigences de la politique.
En cette période d'incertitude économique causée par la pandémie, nous devons renforcer les chaînes d'approvisionnement entre nos deux pays, et non multiplier les entraves.
Selon un rapport du GAO, les fournisseurs américains obtiennent plus de 10 % des marchés du gouvernement fédéral du Canada, d'une valeur d'environ 1 milliard de dollars, tandis que les fournisseurs canadiens obtiennent environ 0,2 % des contrats fédéraux américains, d'une valeur d'environ 600 millions de dollars. Le gouvernement du Canada octroie des contrats à des fournisseurs américains d'une valeur monétaire bien des fois supérieure à celle des contrats accordés à tout autre pays.
Dans la Feuille de route, nos dirigeants se sont engagés à se donner des objectifs plus ambitieux en matière de climat et à coordonner la coopération pour atteindre les objectifs de l'Accord de Paris et la carboneutralité.
En ce qui concerne l'approvisionnement en matériaux de construction, les matériaux canadiens sont parmi les plus écologiques au monde. Les chaînes d'approvisionnement canado-américaines réduisent les émissions associées au transport. Nos systèmes d'énergie et d'électricité sont parmi les plus propres au monde. Nos fabricants sont très efficaces et émettent généralement moins de carbone que les installations de production semblables dans la plupart des marchés étrangers. Le Canada est un chef de file dans la production d'acier à faible teneur en carbone. Nos producteurs d'aluminium ont l'empreinte carbone la plus faible au monde. Nous sommes un chef de file dans le développement et le déploiement d'une technologie de pointe pour le béton qui réduit les émissions. Tout cela aidera le Canada et les États-Unis à atteindre les objectifs climatiques.
Ce qu'il nous faut, c'est élaborer une solution stratégique à plus long terme et reconnaître que l'intégration de la chaîne d'approvisionnement Canada-États-Unis permet également d'avoir une chaîne d'approvisionnement verte. Nous avons besoin d'une stratégie d'achat en Amérique du Nord pour protéger les emplois canadiens et américains.
Les travailleurs ne devraient pas avoir à payer de leur gagne-pain chaque changement d'administration. L'industrie a besoin d'une continuité stratégique pour croître et créer des emplois pour les travailleurs canadiens. Les villes et les localités doivent se préoccuper du vieillissement des infrastructures au lieu d'avoir à naviguer dans des changements difficiles et des modifications des politiques d'approvisionnement après chaque cycle électoral. Nous avons besoin d'une politique d'achat en Amérique du Nord à long terme qui protège les travailleurs des deux pays.
Merci de m'avoir accordé du temps, monsieur le président. J'attends avec impatience les délibérations et les questions du Comité.
Bonsoir, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité. Je m'appelle Jerry Dias et je suis le président national d'Unifor. Je représente plus de 315 000 travailleurs dans presque tous les secteurs industriels du pays. Je suis accompagné du directeur national de la recherche d'Unifor, Angelo DiCaro.
J'ai été heureux d'apprendre en février la mise sur pied du comité spécial. Ces quatre dernières années, notre syndicat a observé de près les relations canado-américaines. Je ne peux que les qualifier de bizarres et instables, soit dit avec diplomatie, dois-je avouer. La nouvelle administration Biden apporte l'espoir de relations de travail plus constructives pour le Canada. Jusqu'à maintenant, les signes sont encourageants.
La volonté du président de prendre l'initiative en matière de politique sur le climat, de parler avec conviction des droits des travailleurs et des syndicats et d'obliger les employeurs qui enfreignent la loi à rendre des comptes est impressionnante. Son engagement à l'égard de la justice raciale et de l'égalité, d'une fiscalité équitable, de l'infrastructure sociale et des bons emplois arrive à point nommé et est franchement nécessaire. À notre avis, du moins sur papier, cette administration s'harmonise avec le type d'économie tournée vers l'avenir que les membres d'Unifor souhaitent et avec ce qui est proposé dans le budget de cette semaine.
Rien ne garantit une relation stable, mais ce que nous avons vu jusqu'à maintenant donne à penser que nous sommes partis du bon pied. La Feuille de route canado-américaine de février va dans ce sens. C'était un signe de relations constructives qu'on n'avait pas vu depuis des années.
Il est important de voir comment favoriser cette harmonisation des politiques. Les échanges musclés au sujet des règles d'achat aux États-Unis, dans le contexte d'un plan de création d'emplois de plusieurs billions de dollars américains et du plan qui s'adresse aux familles américaines, sont inévitables.
Adoptons une optique stratégique. Les règles favorisant l'achat de produits américains n'ont rien d'étonnant. Elles existent depuis près de 100 ans. Le resserrement des règles a été un élément clé de la campagne électorale Biden-Harris. C'est un espace que les États-Unis ont réussi à préserver pour leur politique, malgré les accords commerciaux. À la différence du Canada, qui a cédé une bonne partie de ce terrain à l'OMC et y a renoncé dans l'AECG.
Il ne fait aucun doute que les règles du Buy American aux États-Unis se traduisent par des difficultés pour les milieux de travail canadiens qui dépendent des exportations. En 2018, par exemple, le président Trump a fait passer de 60 à 70 % le contenu américain exigé pour les achats des transports en commun financés par le gouvernement fédéral. Cette mesure a entraîné directement la mise à pied de dizaines de membres d'Unifor à notre usine d'assemblage de New Flyer à Winnipeg. Entretemps, la même année, le Canada a acheté pour 1 milliard de dollars de marchandises dans le domaine des transports par l'entremise de VIA Rail. Les exigences relatives au contenu canadien ont été intentionnellement omises. Par conséquent, des travaux d'assemblage ont été effectués dans une usine américaine.
La politique Buy American pose problème. Une partie des idées lancées par Biden me préoccupe, sans aucun doute, mais nous excellons quand il s'agit d'aggraver encore les choses pour nous-mêmes.
La question est de savoir ce qu'il nous faut faire. Demander à la Maison-Blanche une exemption générale à la politique Buy American, même si c'est le meilleur résultat possible, n'est franchement pas réaliste. Steve Verheul n'a pas dit autre chose au Comité.
Ce qui compte, c'est la façon de repérer les points d'harmonisation et de mettre l'accent sur les avantages mutuels dans des domaines comme la durabilité écologique, les normes du travail élevées, les chaînes d'approvisionnement essentielles et le commerce équitable et équilibré. Par exemple, il est presque impossible de bâtir une chaîne d'approvisionnement résiliente et durable en véhicules électriques sans le Canada. Je crois qu'il est possible d'envisager un pacte moderne pour les véhicules électriques.
L'ajout d'exigences de faibles émissions de carbone dans les marchés publics s'inscrit dans le programme de développement durable des États-Unis. L'élaboration d'une stratégie d'approvisionnement propre et à faibles émissions de carbone entre nos deux pays est avantageuse pour les secteurs à faibles émissions de gaz à effet de serre, comme ceux de l'exploitation forestière et de l'aluminium au Canada.
Nous soutenons qu'il est essentiel de faire valoir des idées créatives auprès de la Maison-Blanche et d'établir des relations étroites avec le nouvel organisme de surveillance centralisé de la politique « Made in America ».
Peu importe les exemptions que le Canada pourrait obtenir, le gouvernement doit agir de son propre chef. Cette semaine, nous avons été témoins d'un budget historique qui prévoit des dépenses de stimulation de plus de 100 milliards de dollars. Étant donné que cette question est débattue dans un Parlement où le gouvernement est minoritaire, pourquoi ne pas l'associer à un programme national d'approvisionnement local durable au Canada? Pourquoi ne pas avoir une politique nationale de normes de travail élevées dans les marchés publics? Pourquoi ne pas exiger qu'une partie des dépenses soit réservée aux communautés autochtones ou aux régions économiquement défavorisées?
Notre programme de reprise ne peut pas reposer uniquement sur les entreprises canadiennes qui obtiennent des marchés publics à l'étranger. Je ne suis certainement pas favorable à ce que des Canadiens soient exclus du marché du travail, mais je ne suis pas d'accord non plus pour que nous restions les bras croisés alors que nous disposons de moyens toujours inemployés.
Je remercie le Comité de son invitation et du travail qu'il fait pour notre pays.
Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
:
Merci, monsieur le président.
J'aimerais d'abord vous remercier vous, monsieur le président, ainsi que la greffière, le personnel du Comité, les interprètes et tous les membres du Comité de l'occasion qui m'est donnée de faire une présentation et de me joindre à vous aujourd'hui.
Comme vous l'avez indiqué, je m'appelle Ken Neumann, et je suis le directeur national pour le Canada du Syndicat des Métallos. Le Syndicat des Métallos compte 225 000 membres actifs au Canada et 600 000 autres aux États-Unis. Nos membres travaillent dans presque tous les secteurs de l'économie, y compris dans des industries qui dépendent directement du commerce en Amérique du Nord.
En raison de notre structure binationale, nous possédons une compréhension unique de l'importance d'assurer des marchés nord-américains vigoureux et intégrés. Aux États-Unis, les choses bougent rapidement. Le plan de création d'emplois aux États-Unis, l'American Jobs Plan, que le président Biden a annoncé le 31 mars dernier, notamment l'engagement d'investir 2 billions de dollars dans les systèmes de transport, les habitations et les immeubles, et les infrastructures hydrauliques, pourrait entraîner de lourdes conséquences pour le Canada. C'est ce qui se produira, et ce qui est généralement prévu, si le projet de loi sur les infrastructures élargit les dispositions de la Buy American Act afin d'y inclure d'autres produits et les projets d'infrastructure infranationaux financés par le fédéral.
Les projets d'infrastructure comptent sur des produits comme l'acier, l'aluminium et le bois, dont bon nombre sont actuellement fabriqués au Canada. Nous devons agir rapidement afin de veiller à ce que le Canada ne soit pas tenu à l'écart de ces plans. Comme le président international du Syndicat des Métallos Tom Conway l'a dit récemment tout en applaudissant l'ensemble des initiatives du président Biden, « Le Canada ne constitue pas le problème auquel se heurtent la fabrication et les travailleurs américains. La collaboration entre le Canada et les États-Unis renforcera notre relation commerciale productive de longue date. » Donc, à quel point cette relation est-elle productive?
Comme vous le savez peut-être, les industries canadiennes expédient à elles seules environ 16 milliards de dollars en produits d'acier et d'aluminium aux États-Unis chaque année. Il s'agit de 90 % de toutes les exportations canadiennes d'acier et des deux tiers des revenus totaux de l'aluminium. Ces industries emploient directement plus de 38 000 Canadiens, et plus de 140 000 emplois additionnels y sont reliés indirectement. Le secteur forestier du Canada emploie directement plus de 200 000 travailleurs. De plus, les États-Unis constituent notre principale destination, représentant environ 75 % de nos exportations de bois d'œuvre seulement. Nos chaînes d'approvisionnement sont aussi profondément intégrées. Dans le secteur automobile, par exemple, ce qui, au départ, est une bande métallique peut traverser la frontière cinq à six fois aux fins de transformation avant d'aboutir à sa forme définitive. Si nous voulons que la relation économique solide entre nos deux pays se poursuive, nous devons obtenir une exemption générale aux dispositions de la Buy American Act; nous avons besoin d'une stratégie d'approvisionnement binationale axée sur l'utilisation de produits écologiques de haute qualité fabriqués en Amérique du Nord; finalement, nous devons trouver une solution au conflit sur le bois d'œuvre qui dure depuis des décennies.
Sous l'administration américaine précédente, les Métallos se sont fortement opposés aux tarifs imposés aux termes de l'article 232 sur les produits d'acier et d'aluminium canadiens. Il y a 10 ans, nous avons collaboré avec l'administration Obama à la mise au point d'une stratégie nord-américaine dont ont profité les travailleurs des deux côtés de la frontière. Maintenant, dans le cadre d'un plan visant à continuer de renforcer notre relation, nous préconisons une stratégie d'achat propre en Amérique du Nord qui tiendrait compte en priorité des incidences sur l'environnement des matériaux utilisés dans la construction de projets publics. Le récent rapport « Acheter propre » de Blue Green Canada, une alliance entre des organisations ouvrières et environnementales fondée par le Syndicat des Métallos, montre que les produits d'acier, d'aluminium, de ciment et de bois fabriqués au Canada comptent parmi les plus sobres en carbone dans le monde. Cette incidence environnementale relativement faible cadre avec les objectifs déclarés du président Biden et de notre gouvernement canadien, et protégerait et créerait des emplois.
Les produits forestiers du Canada représentent une possibilité de réduire l'empreinte carbone. Cependant, avant que les États-Unis et le Canada puissent travailler ensemble dans le secteur forestier, nous devons conclure un accord à long terme qui résout le conflit sur le bois d'œuvre résineux une fois pour toutes. Actuellement, des milliers de travailleurs font face à des mises à pied chaque fois que les États-Unis imposent de nouveaux tarifs sur le bois d'œuvre. Bien que le mécanisme de règlement des différends de l'ALENA ait été intégré à l'ACEUM, une résolution générale du conflit sur le bois d'œuvre ne faisait pas partie des négociations.
Les prix exorbitants du bois actuellement masquent la gravité du problème. Nous devons trouver une solution avant que les prix diminuent à nouveau et que les travailleurs en fassent les frais. Le Syndicat des Métallos est d'avis que si le Canada adopte une approche stratégique face à la situation, les travailleurs canadiens pourraient alors avoir la possibilité de profiter des investissements massifs du président Biden dans l'infrastructure, l'environnement et les emplois.
À cette fin, nous poursuivrons nos efforts tant au Canada qu'aux États-Unis en vue de promouvoir un secteur manufacturier vigoureux et propre. Nous ne pouvons laisser passer cette occasion.
Merci encore. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Merci à tous d'être ici aujourd'hui.
Je suis heureux de voir que bon nombre d'entre vous ont également participé à notre discussion sur la ligne 5. Nous avons pu, je crois, constater l'intérêt des syndicats à défendre les 20 000 emplois et plus que ce conflit met en péril. Nous vous sommes reconnaissants de vos commentaires.
Monsieur Strickland, votre organisation a défendu les travailleurs de Keystone et d'autres qui ont été touchés par la décision de l'administration américaine. Je suis heureux de vous voir vous battre pour les projets canadiens et les travailleurs canadiens et, dans ce cas, pour les travailleurs des deux côtés de la frontière. C'est de cela que je veux vous parler, monsieur Strickland.
Au début, vous avez parlé du caractère international de certaines de ces organisations syndicales. Avez-vous discuté avec vos homologues américains de la façon dont vous pouvez travailler ensemble pour défendre les travailleurs qui seront touchés négativement des deux côtés de la frontière? À quoi ressemble cette stratégie? Le groupe de témoins précédent nous a dit qu'il faudrait peut-être faire valoir aux législateurs américains qu'il est souvent préférable pour les projets d'utiliser des matériaux canadiens fabriqués par des travailleurs canadiens.
Vous pourriez peut-être nous parler du travail au niveau de la frontière ou de la coopération à laquelle votre organisation participe tous les jours.
:
Nous travaillons bien sûr avec nos homologues de Washington. J'aimerais entendre ce que Ken a à dire, car il représente un autre syndicat international.
Je peux ajouter que l'ambassade du Canada a été très active dans ce dossier également et qu'elle a communiqué avec les dirigeants, les responsables canadiens des métiers de la construction. Nous animons des discussions avec les directeurs canadiens ainsi qu'avec les présidents de nos 14 syndicats affiliés qui sont basés à Washington.
Une partie de notre défi consiste à faire connaître l'importance de cette question et les répercussions qu'elle pourrait avoir sur les travailleurs canadiens. Nous devons nous efforcer de mettre en évidence de nombreux exemples de projets, et nous continuons de le faire avec l'appui du personnel du bureau de Washington. Si on ne lui en parle pas, cela ne fait pas vraiment partie de ses préoccupations.
Dans ma déclaration liminaire, j'ai donné des exemples de projets — un ascenseur en Iowa et un important projet de train léger sur rail entre Las Vegas et Los Angeles —, mais il y a de nombreux autres exemples, comme le relèvement de ponts et la construction de logements à Cleveland, en Ohio, ainsi que l'installation de filtres à eau dans des usines de traitement des eaux usées. Nous avons une liste de 15 usines de traitement des eaux usées dans les grandes régions métropolitaines des États-Unis d'Amérique dont les activités ont été ralenties en raison des politiques d'achat aux États-Unis.
Une partie de notre défi consiste vraiment à sensibiliser les gens à l'externe — et aussi à l'interne — à l'importance que cela revêt pour les travailleurs canadiens, et nos dirigeants aux États-Unis nous appuient à cet égard.
:
Merci beaucoup pour cette question. Vous avez mis dans le mille.
C'est ce que nous avons demandé au gouvernement. Nous avons dit à plusieurs reprises qu'il devrait y avoir un mécanisme d’ajustement carbone à la frontière parce que le Canada — comme je l'ai dit au début — possède l'acier et l'aluminium parmi les plus propres qui soient. Nous éviterions ainsi une partie du problème lié au dumping et aux marchandises venant de l'étranger. Nous sommes donc tout à fait d'accord pour qu'il y ait un ajustement du carbone à la frontière.
Pour revenir sur les commentaires de M. Strickland, je dirai que notre syndicat a joué un rôle de premier plan. Je pense que les relations entre le Canada et les États-Unis se sont quelque peu rétablies. Sous le gouvernement précédent, la situation a été plutôt nébuleuse pour nous pendant longtemps, quand l'administration américaine nous percevait comme une menace à la sécurité et qu'elle nous a imposé des droits de douane sur l'acier et l'aluminium. Il se trouve que nous étions aux États-Unis au moment où notre conseil exécutif international a publié une résolution disant que le Canada était le pays le moins dangereux qui soit pour la sécurité nationale, et c'est toujours le cas aujourd'hui.
Je vois une occasion ici parce que nous connaissons un nouveau départ. Le président des États-Unis et le du Canada ont, je crois, une vision semblable en matière d'environnemental et d'avenir plus vert. Notre syndicat travaille des deux côtés de la frontière. Nous travaillons avec le gouvernement canadien, l'ambassade, notre bureau de lobbying à Washington et l'ambassade là-bas également. Nous tendons la main à nos alliés parce que, comme l'a dit le président Conway, le Canada et les États-Unis entretiennent depuis longtemps des relations commerciales. Pourquoi voudriez-vous punir votre meilleur voisin?
Nous avons tous, j'en suis sûr, traversé la frontière et vu des files de camions sur des milles et des milles. Ils ne traversent pas à vide. Ils transportent des produits fabriqués dans l'autre pays, par des travailleurs que nous représentons des deux côtés de la frontière; c'est cela, le commerce. Le Canada et les États-Unis ont une longue histoire d'échanges commerciaux, alors je pense qu'il y a une occasion que nous ne devrions pas rater. Je suis certain que nous allons tous travailler le plus fort possible pour surmonter la Buy American Act parce que... N'oubliez pas non plus que le marché américain est 10 fois plus gros que le nôtre. Nous sommes petits comparativement à... Pour moi, c'est l'éléphant et la souris. C'est à cela que cela se résume. Nous travaillons aussi fort que possible.
:
Le Recovery Act a été adopté à la fin de 2009, sous l'administration Obama. Soit dit en passant, ce n'est pas nouveau pour nous. Toute la question des dispositions d'achat aux États-Unis n'est pas nouvelle; nous en parlons depuis des générations.
Au Canada, nous nous sommes battus pour obtenir des exemptions, et je pense que nous avons obtenu gain de cause dans quelque 37 États qui ont permis aux entreprises de chez nous de soumissionner sur leurs marchés, mais en fin de compte, le Canada a refusé la contrepartie aux Américains pour toutes les occasions d'approvisionnement fédérales et provinciales. À l'époque, il y avait un débat au Canada sur la question de savoir si nous n'allions pas abandonner trop de choses.
Par rapport à l'historique de ce dossier, il convient de garder les choses en contexte. Si je remonte cinq ou six ans en arrière, en 2015, sur les 500 000 contrats accordés à des entreprises non-américaines, le Canada en a obtenu environ 4 % pour une valeur d'environ 700 millions de dollars, ce qui, dans l'ensemble, représente les deux cinquièmes de quasiment rien. Nous n'avons jamais vraiment remporté de gros contrats aux États-Unis.
Et puis, il y a l'autre aspect de la question. Je ne veux pas m'écarter du sujet, mais il fallait s'attendre à ce qui se passe. Les colistiers Biden-Harris ont fait campagne là-dessus. Je pense que l'administration Biden va chercher à réfuter tout le raisonnement de Trump qui s'était fait élire en affirmant que la fermeture des usines de montage d'automobiles en Ohio était le résultat de piètres accords commerciaux. Je pense que l'administration Biden va faire tout ce qu'elle peut pour reprendre à son compte l'argument de la défense des travailleurs américains. Je pense que nous avons beaucoup de pain sur la planche.
:
Monsieur Strickland a raison. La clé pour nous, c'est de trouver le juste milieu avec les États-Unis. Où est-ce que nous avons des points communs? Nous disons que le Canada est un chef de file dans les matériaux de construction à faibles émissions de carbone, qu'il s'agisse du ciment, du bois d'œuvre, de l'aluminium ou de l'acier. L'électricité au Canada est probablement exempte d'émissions à 82 %. S'il y a des points communs à faire valoir aux États-Unis, alors l'élimination des gaz à effet de serre et la faible empreinte carbone du secteur manufacturier en sont certainement.
Vous avez aussi parlé de l'importation de biens fabriqués avec une technologie autre que verte — disons-le ainsi à défaut d'un autre choix de mots —, alors parlons donc de la Chine. Le Canada va-t-il maintenant imposer un tarif douanier sur les produits à fortes émissions de carbone qui entrent chez lui? Il y aurait lieu d'en parler. Évidemment, cela va susciter une discussion politique avec la Chine, mais je soutiens que nous ne devrions pas avoir peur de tenir ces discussions-là. L'objectif de toute stratégie à venir devrait être, premièrement, de trouver les points communs et, deuxièmement, d'aller de l'avant.
Monsieur Strickland a soulevé la question des véhicules électriques, dont nous avons parlé longuement. J'ai personnellement passé beaucoup de temps à négocier des investissements avec les trois grands de Detroit, pour une valeur d'environ 6 milliards de dollars au Canada au cours des derniers mois. Nous savons que le cœur d'un véhicule électrique, c'est la batterie. Le cobalt, le magnésium, le nickel et l'aluminium sont les éléments clés, alors nous devrions en faire l'empreinte écologique de notre stratégie. C'est un autre point commun à faire valoir auprès des États-Unis, où il est beaucoup question de rendre plus verte l'industrie automobile. Je pense que nous devons commencer à nous concentrer sur les éléments que nous avons en commun et voir ce que nous pouvons faire à partir de là.
:
Merci beaucoup, monsieur le président.
J'ai dû négocier avec notre porte-parole qui siège normalement à ce comité, Daniel Blaikie... et, bien sûr, mon caucus de l'acier d'Hamilton a invité Scott Duvall à comparaître devant nous aujourd'hui pour parler de ma priorité numéro un, l'acier.
Monsieur Neumann, vous connaissez les gens du coin, Ron Wells, Gary Howe et d'autres. J'ai eu l'occasion de discuter avec eux.
D'abord, j'aimerais vous faire part d'un commentaire que j'ai relevé dans un témoignage antérieur de Mme Greenwood, du Conseil des affaires canadiennes-américaines, qui disait que le Canada n'était pas la cible, sauf peut-être dans le cas de l'acier.
Dans un sens plus large, je pense à la façon dont Bain Capital a acculé Hamilton Specialty Bar à la faillite, à la façon dont la restructuration de U.S. Steel a touché nos travailleurs.
J'aimerais demander à M. Neumann, par votre entremise, monsieur le président, dans quelle mesure et en quoi les dispositions de l'American Recovery and Reinvestment Act et de la politique d'achat aux États-Unis ressemblent à celles qui limitent actuellement l'accès du Canada à certains contrats, à cause de l'acier justement, et en quoi elles diffèrent?
:
Tout d'abord, quelqu'un a parlé de la Chine, peut-être M. Strickland ou M. Dias. Nous n'avons pas été en mesure de bien contrôler l'acier qui fait l'objet de dumping. Vous avez un pays comme la Chine qui produit plus d'un milliard de tonnes. Elle utilise environ 800 millions de tonnes et cherche quoi faire avec le reste. Elle ne va pas le garder dans sa cour. Elle va chercher à l'envoyer ailleurs.
L'Amérique du Nord est tout indiquée. Nous n'avons pas été en mesure de faire face au dumping massif des pays qui trichent. Ils sont nombreux à ne pas respecter les règles. Ils ont des normes épouvantables.
L'empreinte carbone est un des plus gros problèmes que nous ayons eus. Regardez le Canada, toutes les aciéries que nous avions à Hamilton, toutes les autres, et voyez le nombre d'employés qui y travaillent aujourd'hui. La quantité d'acier que le Canada produit est en baisse constante depuis 2014. Et cela continue. Ce n'est tout simplement pas normal.
Le fait est que nous avons investi... Nous avons des entreprises où investir. Nous avons des gens hautement qualifiés. Pour moi, ce n'est pas compliqué. Il y a tous ces politiciens qui n'ont pas compris comment traiter avec les pays qui font juste du dumping et qui ne respectent pas les règles. Nous ne pouvons pas compétitionner.
Parfois, les politiciens devraient se regarder dans le miroir. Comment se fait-il que le pont Gordie-Howe devait être construit au début avec de l'acier chinois? Nous nous en sommes mêlés. Je pense que l'ambassadeur était Gary Doer à l'époque. Nous avons fini par changer cela pour de l'acier nord-américain. Comment se fait-il qu'on construise encore des ponts à Montréal et en Colombie-Britannique et que l'acier vienne de Chine? Que quelqu'un m'explique où est le bon sens là-dedans.
Si on regarde l'empreinte carbone, et ce qu'on vient d'annoncer aujourd'hui au sujet d'un environnement plus vert, bien sûr, c'est important. Nous sommes tous d'accord. Par contre, les choses vont continuer comme avant et les bateaux vont continuer à venir de Chine, avec leur grosse empreinte carbone... mais c'est un autre débat. Je finis par m'emporter sur ce sujet-là. Désolé.
:
Merci, monsieur le président.
Cela vient me chercher aussi, monsieur, beaucoup.
Monsieur le président, je m'adresse à tous les témoins. Je déborde d'optimisme pour l'avenir, mais il reste que l'usine d'assemblage de Windsor est fermée depuis trois ou quatre semaines maintenant, et qu'elle le sera encore pendant deux ou trois semaines. Pourquoi? Parce que nous n'avons pas de puces électroniques à mettre dans les pare-chocs. Pourquoi? Parce qu'aucune puce n'est fabriquée en sol canadien ou américain. Pourquoi? Parce qu'elles sont toutes fabriquées à l'étranger. Donc, si nous voulons vraiment sortir de l'impasse, il faut que la solution commence ici et qu'elle finisse ici, en Amérique du Nord. Bien sûr, il faut que ce soit plus abordable, mais nous en avons besoin. Nos travailleurs sont assis chez eux, les emplois déménagent en masse partout sauf chez nous, c'est-à-dire au Canada et aux États-Unis.
Monsieur Dias, ne serait-il pas sage de commencer à produire davantage de ces articles spécialisés, de ces pièces très complexes pour nos voitures, qu'elles soient électriques ou non? Je comprends très bien. Je suis très fier de présider le caucus conservateur. Et je sais pertinemment que 121 véhicules électriques s'en viennent, et certains vont s'en venir chez nous, je crois. Monsieur Dias, comme vous le savez, au Michigan, GM va commencer à construire des camionnettes électriques. Mais sans pare-chocs à assembler, sans puces électroniques à y mettre, qu'allons-nous faire?
N'est-il pas important que toutes les étapes de la fabrication se déroulent ici, au Canada?
:
Merci, monsieur le président.
Monsieur Strickland, monsieur Dias, monsieur DiCaro, monsieur Neumann et madame Gingrich, je vous remercie de votre présence. Je vous en suis très reconnaissant.
Monsieur Dias, je suis très intéressé à vous parler d'achat dans un instant, mais avant, j'ai une question pour M. Neumann et M. Strickland au sujet de la politique d'achat aux États-Unis.
J'ai écouté une grande partie de ce que vous avez dit, et je suis tout à fait d'accord pour dire que nous sommes en harmonie avec l'administration Biden. Nous avons en commun beaucoup de valeurs, de normes environnementales, de normes du travail, etc., et nous avons assez d'alliés au Congrès pour trouver un moyen, je crois, de collaborer et de voir ensemble ce que nous faisons de bien et sur quel terrain d'entente nous pouvons créer ce genre de cadre nord-américain.
Comme vous l'avez dit au sujet de l'administration Trump, M. Trump a gagné en 2016 en persuadant beaucoup de travailleurs, beaucoup de cols bleus, que le libre-échange avec le Canada et le monde était mauvais. Au lieu d'essayer de corriger cette impression, on dirait que l'administration Biden et beaucoup de politiciens aux États-Unis semblent croire qu'il vaut mieux reprendre cette théorie, lui donner plus de force et simplement montrer qu'ils sont encore meilleurs que Trump au jeu de l'achat américain. J'ai examiné les déclarations de l'AFL-CIO et des Teamsters, qui ont félicité M. Biden lorsqu'il a annoncé qu'il reprenait à son compte les politiques Buy America.
Pourriez-vous me donner une idée de l'impression qui ressort lorsque vous parlez à vos homologues américains dans vos syndicats et de ce qu'ils voient sur le parquet du Congrès, et me dire s'ils croient vraiment qu'il y a moyen d'éduquer les législateurs américains pour qu'on nous accorde une telle exemption? Ou devrions-nous riposter par une stratégie canadienne, comme l'entendait M. Dias? Je sais que c'est une longue question, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
:
Comme je l'ai dit et comme vous le savez, nous avons publié une déclaration signée par moi-même et par notre président international, Thomas Conway, qui est très proche de l'administration Biden. Je sais que nous avons parlé à la personne qui s'occupe maintenant de l'infrastructure, et nous sommes en discussion continuelle depuis.
Écoutez, les Américains ont des demandes à faire. Une des choses qui les préoccupent, c'est la façon dont le Canada traite les pratiques de contournement — est-ce que nous protégeons bien nos frontières? Ce qu'ils craignent, c'est qu'il y ait énormément de... que le Canada devienne un endroit de prédilection pour le dumping et que, de quelque façon, il y ait des transbordements qui passent inaperçus... Ce sont des questions que nous devons régler. Je peux vous assurer que notre président en a touché mot au gouvernement canadien, et je pense que le gouvernement canadien va y prêter attention.
Ce qu'ils comprennent tous par contre, d'après ce que nous en savons, c'est que le Canada n'est pas le problème. Voyez la quantité de bois d'œuvre, d'acier et d'aluminium, tous des produits dont ils ont besoin. Mais lorsqu'on en vient au point qui a été soulevé au début, celui du virage vert... Il y a cette communauté de vues entre le président Biden et le gouvernement canadien aujourd'hui, et si on considère l'annonce toute récente qu'il faut relever la barre en matière d'environnement, c'est par là que la société s'en va, et nous avons une occasion à saisir. Je suis convaincu que les travailleurs américains comprennent que le Canada n'est pas le problème. Bien sûr, il y a la politique, il y aura du protectionnisme et ce genre de choses. Il y en aura de notre part aussi.
C'est ainsi que je vois les choses. Les travailleurs canadiens ne sont pas le problème.
:
Merci, monsieur le président.
Je vais sans doute revenir à ma question précédente. C'est M. Strickland, il me semble, qui a répondu à la première question et qui m'a dit que je pourrais revenir sur la seconde. C'est donc ce que je vais faire.
Faut-il adopter l'équivalent de la Buy American?Act ou quelque chose de similaire, dans la mesure du possible? En effet, il est évident que chaque économie est propre à son pays. Par conséquent, nous n'aurions sans doute pas le pouvoir d'adopter, dans le contexte canadien, une version copiée-collée de la Buy American?Act.
Pourrions-nous cependant, dans la mesure du possible, adopter une loi quelconque qui accorderait la priorité à nos entreprises? Pourrions-nous aussi adopter quelque chose de similaire à la Small Business Act, qui permettrait d'accorder une priorité aux PME?
Bref, serait-il possible d'avoir, nous aussi, une politique d'achat et d'octroi de contrats nous permettant de donner la priorité aux entreprises canadiennes et québécoises?
:
Je pense qu'il y a certainement lieu d'en discuter. Je sais par exemple que pour de nombreux grands projets d'infrastructure financés par le gouvernement fédéral, il y a des exigences d'achat au Canada, en particulier pour les projets de transport en commun et d'autres du genre.
Pour faire suite aux propos de M. Dias, je pense que tout ce qui peut favoriser la réindustrialisation du Canada est une bonne chose. Nous de la construction, nous faisons tout l'entretien dans ces aciéries et ces usines d'automobiles, alors la réindustrialisation du Canada nous concerne directement aussi. Donc, oui, il y a de la place pour cela.
Évidemment, comme vous le savez, monsieur Savard-Tremblay, lorsque nous traitons avec les États-Unis, nous avons affaire à la plus grande économie du monde. Nous parlons de la Chine, mais les États-Unis sont encore la plus grande économie du monde. Nous devons faire très attention aux pratiques que nous mettons en place pour ne pas compromettre notre relation. Depuis plus de 100 ans, nos rapports commerciaux avec nos vis-à-vis américains sont plutôt colorés et mouvementés.
Pour répondre à votre question, je pense qu'il y a lieu d'en discuter. Nous pouvons examiner les mesures qui vont déjà dans ce sens et peut-être leur donner plus d'ampleur, mais nous devons faire attention de ne pas compromettre la relation globale.
:
C'est une excellente question.
Les 4 % que le Canada avait obtenus en 2015 s'appliquaient aux contrats octroyés à l'extérieur des États-Unis. On parle de 700 millions de dollars, ce qui est deux cinquièmes de rien. Nous n'avons jamais eu cette manne de contrats fédéraux qui devaient être sous-traités chez nous.
Aux États-Unis, vous le savez, la majorité de l'argent va du gouvernement fédéral aux États, ce qui permet de se soustraire aux règles de l'OMC puisqu'elles ne s'appliquent pas aux marchés publics des États. C'est ainsi que nous finissons par nous faire exclure.
En fin de compte, nous devons nous concentrer sur ce que nous pouvons contrôler, et nous ne pouvons pas contrôler la ferme adhésion de l'administration Biden à la politique d'achat aux États-Unis. Comme je le disais plus tôt, M. Biden va se démener pour reprendre à son compte le discours de l'administration Trump, alors les choses vont empirer avant de s'améliorer. Nous devons composer avec cette simple réalité.
Qu'est-ce que nous pouvons contrôler? Nous pouvons contrôler 100 milliards de dollars, point à la ligne. À nous donc de nous assurer d'investir environ 100 milliards de dollars dans des marchés publics pour garder les Canadiens au travail. Il est absolument insensé de dépenser comme nous l'avons fait un milliard de dollars pour faire construire les trains de VIA Rail par Siemens en Californie. Voilà le genre d'erreurs que nous avons commises. Nous avons toujours eu cette attitude de boy-scout. Il n'y a qu'à regarder les dispositions sur le contenu canadien dans les transports en commun. Elles sont beaucoup plus faibles qu'aux États-Unis. Pourquoi? Cela n'a aucun sens à mes yeux.
Si les États-Unis imposent chez eux 70 % de contenu américain, pourquoi n'aurions-nous pas 70 % de contenu canadien chez nous? Les règles peuvent être les mêmes pour tout le monde.