TRAN Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité permanent des transports
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 4 mai 2005
¹ | 1535 |
Le président (L'hon. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)) |
Mme Sheridan Scott (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. Jim Gouk (Colombie-Britannique-Southern Interior, PCC) |
Mme Sheridan Scott |
M. Jim Gouk |
Mme Sheridan Scott |
M. Jim Gouk |
¹ | 1550 |
Mme Sheridan Scott |
M. David McAllister (directeur des dossiers spéciaux et conseiller stratégique, Bureau de la concurrence) |
M. Jim Gouk |
Mme Sheridan Scott |
M. Jim Gouk |
Mme Sheridan Scott |
M. David McAllister |
¹ | 1555 |
M. Jim Gouk |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil—Pierre-Boucher, BQ) |
Mme Sheridan Scott |
Mme Caroline St-Hilaire |
º | 1600 |
Mme Sheridan Scott |
Mme Caroline St-Hilaire |
Mme Sheridan Scott |
Le président |
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD) |
Mme Sheridan Scott |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
M. David McAllister |
Mme Bev Desjarlais |
M. David McAllister |
Mme Bev Desjarlais |
M. David McAllister |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
º | 1605 |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
Mme Bev Desjarlais |
Mme Sheridan Scott |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.) |
Mme Sheridan Scott |
M. Raymond Bonin |
Mme Sheridan Scott |
M. Raymond Bonin |
Mme Sheridan Scott |
M. Raymond Bonin |
Mme Sheridan Scott |
M. Raymond Bonin |
Le président |
Mme Sheridan Scott |
M. Raymond Bonin |
º | 1610 |
Le président |
Capt Kent Wilson (président, Association des pilotes d'Air Canada) |
º | 1615 |
º | 1620 |
º | 1625 |
Le président |
M. Jim Gouk |
Capt Kent Wilson |
Le président |
Capt Kent Wilson |
Capt Andy Wilson (secrétaire trésorier, Association des pilotes d'Air Canada) |
º | 1630 |
Le président suppléant (M. Raymond Bonin) |
M. Robert Carrier (Alfred-Pellan, BQ) |
Capt Kent Wilson |
M. Robert Carrier |
Capt Andy Wilson |
M. Robert Carrier |
Capt Andy Wilson |
º | 1635 |
Capt Kent Wilson |
Mme Caroline St-Hilaire |
Capt Kent Wilson |
Mme Caroline St-Hilaire |
Capt David Coles (Comité affaires étrangères, Association des pilotes d'Air Canada) |
Capt Kent Wilson |
Mme Bev Desjarlais |
Capt Andy Wilson |
Mme Bev Desjarlais |
Le président |
º | 1640 |
L'hon. Jim Karygiannis (Scarborough—Agincourt, Lib.) |
Capt Kent Wilson |
Le président |
CANADA
Comité permanent des transports |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 4 mai 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (L'hon. Roger Gallaway (Sarnia—Lambton, Lib.)): La séance est ouverte. Je prie les témoins de nous excuser de notre retard de cinq minutes.
Nous avons avec nous aujourd'hui Sheridan Scott et David McAllister du Bureau de la concurrence. Mme Scott, qui est commissaire de la concurrence, fera une déclaration.
Comme vous le savez, madame Scott, nous ne disposons que d'une demi-heure. Par conséquent, nous vous saurions gré de ne pas prendre plus de 10 minutes pour votre déclaration. Si vous êtes prête, vous pouvez y aller.
Mme Sheridan Scott (commissaire de la concurrence, Bureau de la concurrence): Parfait. Merci beaucoup, monsieur Gallaway.
J'aimerais d'abord remercier le comité de nous avoir invités ici aujourd'hui. Comme vous l'avez dit, je suis accompagnée de David McAllister, directeur des dossiers spéciaux dans notre Direction générale des fusions. Dave possède une vaste expérience des questions relatives au transport aérien dont s'occupe le Bureau.
Nous nous réjouissons de cette occasion qui nous est donnée de présenter le point de vue du Bureau de la concurrence sur l'enjeu important qu'est la libéralisation du transport aérien. Pendant des années, le Bureau a vivement préconisé de permettre à la concurrence et aux forces du marché de jouer un plus grand rôle dans l'industrie canadienne du transport aérien.
[Français]
Je vous parlerai aujourd'hui des principaux points qui sont inclus dans notre déclaration écrite. Mes commentaires porteront sur trois sujets: le rôle du Bureau de la concurrence dans le secteur du transport aérien; notre point de vue sur la situation de la concurrence au sein de l'industrie depuis la fusion d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien en 2000; en dernier lieu, notre réponse aux questions soulevées dans le document de consultation publié en 2004 par le ministre des Transports concernant la libéralisation du marché du transport aérien.
[Traduction]
D'abord, pour ce qui est du rôle du Bureau, à titre de commissaire de la concurrence et dirigeante du Bureau de la concurrence, je suis responsable de l'administration et de la mise en application de la Loi sur la concurrence dans tous les secteurs de l'économie canadienne, y compris celui du transport aérien. Un de nos principaux rôles consiste à examiner les fusions. En 1999-2000, le Bureau a grandement participé à l'examen de l'acquisition des Lignes aériennes Canadien par Air Canada. Le Bureau s'est chargé de négocier une série d'engagements exécutoires avec Air Canada pour régler les problèmes de concurrence surgissant principalement sur le marché intérieur. Le Bureau s'est aussi occupé de mettre en application des dispositions propres au transport aérien qui avaient été intégrées à la Loi sur la concurrence pour remédier à certaines inquiétudes quant à l'abus possible, par Air Canada, de sa position dominante sur le marché.
L'an dernier, nous avons entrepris un examen de la situation de la concurrence au sein de l'industrie et avons conclu que les dispositions de la Loi sur la concurrence propres aux transporteurs aériens pourraient être abrogées, à la condition que les dispositions législatives sur l'abus de position dominante prévoient désormais des sanctions administratives pécuniaires, comme l'a recommandé le comité de l'industrie. Le projet de loi C-19 permettra d'atteindre cet objectif et d'apporter d'autres changements importants à la Loi. Le comité de l'industrie examine actuellement le projet de loi.
[Français]
En septembre 2004, nous avons fait parvenir à l'industrie du transport aérien une lettre ouverte précisant notre politique de mise en application. À la lumière de la jurisprudence établie par le Tribunal de la concurrence dans l'affaire Air Canada, cette politique précise les types de comportement d'un transporteur en position dominante qui pourraient entraîner des mesures de mise en application de la part du Bureau de la concurrence.
La mise en application de la loi dans le secteur demeure une priorité pour le bureau. Nous faisons enquête sur toute plainte qui comporte des preuves factuelles de comportement anticoncurrentiel. En ce qui concerne la concurrence dans le secteur du transport aérien au Canada depuis la fusion, on peut dire que l'acquisition des Lignes aériennes Canadien par Air Canada a considérablement réduit le niveau de concurrence sur le marché du transport aérien intérieur au Canada.
La fusion avait produit un seul concurrent possédant plus de 90 p. 100 des parts du marché et éliminé la concurrence qui existait auparavant entre Air Canada et les Lignes aériennes Canadien à l'égard des 200 plus importantes paires de villes du marché intérieur.
¹ (1540)
[Traduction]
Cinq ans après la fusion, le portrait de la concurrence s'est considérablement modifié. Air Canada a émergé d'une importante restructuration sous la protection de la Loi sur les faillites. D'importantes entrées de transporteurs à bas prix ont eu lieu; WestJet émergeant comme un concurrent national fort. Il y a également eu quelques transporteurs qui ont quitté l'industrie.
D'après les données examinées par le Bureau, le nombre total de sièges en 2004 pour les principaux transporteurs aériens canadiens était de 14 p. 100 inférieur au niveau qui prévalait lors de la fusion. Ce déclin est surtout attribuable à l'importante diminution des places qu'offrait Air Canada, une réduction qui représentait le même nombre de places qu'offraient auparavant les Lignes aériennes Canadien. Bien qu'ils occupent une position de plus en plus importante sur le marché, des transporteurs comme WestJet et CanJet n'ont pu combler totalement le manque.
En ce qui concerne la disponibilité des sièges, la part de marché d'Air Canada a chuté, passant de près de 75 p. 100 à 55 p. 100 depuis 2000. Sa part de marché relative aux recettes—mesure qui est d'après nous plus révélatrice—a également diminué de 90 p. 100 lors de la fusion, mais dépassait toujours 70 p. 100 en 2003, la dernière année pour laquelle on a pu calculer cette mesure.
Pendant la même période, la part de marché de WestJet n'a cessé d'augmenter. D'après l'entreprise, sa part de recettes est passée de 5 p. 100 en 1999 à un peu plus de 20 p. 100 en 2003. Air Canada et WestJet représentaient ensemble plus de 85 p. 100 de l'ensemble du marché intérieur en 2004. De plus petits transporteurs ont adopté certaines des routes qui n'étaient plus desservies par Air Canada.
De façon générale, l'établissement des prix dans le marché intérieur a été plus concurrentiel, surtout sur les principales routes, et on pouvait plus facilement obtenir des billets à prix réduit comportant moins de restrictions liées au voyage et à l'achat.
[Français]
Grâce à l'Accord aérien Canada-États-Unis de 1995, qui a éliminé la plupart des restrictions empêchant les transporteurs canadiens ou américains de desservir des routes transfrontalières, l'acquisition des Lignes aériennes Canadien par Air Canada a eu moins de conséquences en matière de concurrence pour les voyages aériens transfrontaliers. Cependant, l'accord de 1995 continue de restreindre la concurrence sous certains aspects importants.
[Traduction]
En ce qui a trait aux services internationaux, l'acquisition de Lignes aériennes Canadien par Air Canada a éliminé la concurrence entre ces transporteurs sur le nombre restreint de routes importantes qu'ils desservaient. Cette concurrence n'a pas été remplacée, mais les principaux obstacles à la concurrence sur les routes internationales étaient et sont toujours les accords aériens bilatéraux entre le Canada et d'autres pays.
Pour ce qui est du point de vue du Bureau concernant les questions de référence du ministre des Transports et le marché intérieur, le Bureau continue d'appuyer l'élimination éventuelle de toutes les restrictions concernant la propriété et le contrôle des transporteurs aériens canadiens. Nous reconnaissons qu'en vertu des accords aériens bilatéraux qui existent actuellement, il n'est peut-être pas possible d'éliminer toutes les restrictions relatives à la propriété. En conséquence, à titre de premier pas, le Bureau est en faveur de l'augmentation de la limite concernant la propriété étrangère d'actions avec droit de vote chez les transporteurs aériens canadiens de 25 p. 100 qu'elle représente actuellement à 49 p. 100.
L'industrie aérienne exige beaucoup d'investissement. Les nouveaux arrivants, tout comme les acteurs existants, profiteraient d'un meilleur accès à des capitaux étrangers favorisés par des règles de propriété libéralisées.
Le Bureau réitère son appui à l'égard de l'octroi de droits d'établissement aux « transporteurs au Canada seulement » appartenant à des entreprises étrangères. Les droits d'établissement permettraient aux transporteurs étrangers de tirer parti de leurs connaissances et de leurs compétences pour entreprendre de nouvelles activités au Canada.
Le Bureau appuie aussi le cabotage réciproque. Le fait de permettre à des transporteurs aériens étrangers de desservir divers endroits du Canada pourrait favoriser davantage la concurrence sur les routes à l'intérieur du pays.
En ce qui a trait au marché transfrontalier, il ne fait aucun doute que l'accord actuel entre le Canada et les États-Unis sur les services aériens a été très profitable pour les consommateurs et les entreprises du Canada. Il a aussi généré une croissance considérable des services transfrontaliers. L'industrie canadienne du tourisme en a profité; il est dorénavant plus facile de faire du commerce; et les expéditeurs aussi bien que les voyageurs ont un plus grand choix à moindre prix. Les transporteurs aériens canadiens en ont également profité, Air Canada demeurant le plus important transporteur aérien transfrontalier. Récemment, WestJet a commencé à desservir les États-Unis, devenant ainsi le premier transporteur à bas prix à offrir des services transfrontaliers.
Le Bureau appuie les négociations visant à libéraliser davantage l'accord aérien entre le Canada et les États-Unis afin d'améliorer davantage le service transnational. À notre avis, de telles négociations devraient viser en bout de ligne la mise en place d'un seul marché de l'aviation avec les États-Unis, semblable à celui qui existe en Europe. Bref, les raisons d'établir le libre-échange des services aériens en Amérique du Nord sont les mêmes que pour les autres secteurs de l'économie.
Les négociations devraient, à tout le moins, avoir pour but la conclusion d'un accord « ciel ouvert » à l'américaine. Ainsi les deux pays s'accorderaient des droits de cinquième liberté pour le trafic aérien; toutes les restrictions, y compris celles liées aux prix, à l'endroit des fournisseurs de services de transport de sixième liberté seraient éliminées; et les deux pays s'accorderaient mutuellement des routes à destination conjointe pour le transport des marchandises ainsi que des droits de septième liberté en matière de trafic de marchandises.
¹ (1545)
[Français]
Sur le marché international, le Bureau de la concurrence croit qu'on devrait rechercher en priorité des occasions de négocier des accords internationaux donnant lieu à une concurrence plus ouverte, et que ces ententes devraient comporter le moins de restrictions possible.
En ce qui concerne les voyages internationaux, comme c'est actuellement le cas pour les voyages aériens, il ne devrait pas exister de distinction entre l'octroi des habilitations pour l'affrètement et celui pour les services réguliers. Ce sont plutôt les forces du marché ainsi que les demandes et préférences des utilisateurs de services aériens qui devraient déterminer quel type de services ou quelle combinaison de services devraient être offerts.
Que les services de transport de passagers ou de marchandises en fassent ou non partie, les négociations aériennes bilatérales ou multilatérales devraient servir avant tout les intérêts des passagers et ceux des entreprises qui utilisent les services aériens.
[Traduction]
Pour terminer, monsieur le président, nous espérons que le comité reconnaîtra dans son rapport les avantages de la concurrence et l'importance de moderniser et de libéraliser le régime de réglementation canadien.
Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de partager notre point de vue avec vous. Nous serons ravis de répondre à vos questions.
J'ai réussi à tout dire en moins de dix minutes.
Le président: En effet. Je vous chronométrais d'ailleurs.
Les gens vont avoir des questions. Nous allons commencer par M. Gouk.
M. Jim Gouk (Colombie-Britannique-Southern Interior, PCC): Merci, monsieur le président.
D'abord, lorsque vous parlez du cabotage réciproque, s'agit-il d'une réciprocité totale permettant à nos deux principaux transporteurs de desservir les États-Unis, peu importe l'endroit, et aux transporteurs américains de faire de même? Ou bien parlez-vous d'un échange plus précis—porte d'embarquement contre porte d'embarquement, route contre route?
Mme Sheridan Scott: Quand nous parlons de cabotage, nous voyons ça à long terme. C'est un peu comme notre liste de souhaits « sans nuage », si je peux appeler ça comme ça, plutôt que notre liste de souhaits « à ciel ouvert », dont j'aimerais vous parler.
Mais pour répondre à votre question, oui, c'est ce que nous voyons dans l'avenir. Ça serait un objectif à long terme.
M. Jim Gouk: En ce qui a trait au transport de marchandises—au-delà des destinations conjointes, pour ouvrir complètement le marché—saviez-vous que d'après toutes les informations que nous avons eues jusqu'à maintenant, il y a plus de concurrence dans ce domaine au Canada qu'aux États-Unis? Nos prix sont par ailleurs moins élevés au Canada qu'aux États-Unis.
Les transporteurs canadiens ne veulent pas ça. Ils ne veulent pas avoir complètement accès au marché américain en raison de l'infrastructure en place pour les transporteurs américains. Quels seraient donc les avantages pour le Canada d'ouvrir son marché?
Mme Sheridan Scott: Nous sommes d'avis qu'un modèle qui est concurrentiel en est un qui donne les meilleurs résultats pour les consommateurs canadiens en ce qui a trait aux prix, aux choix et à l'innovation en matière de service. Nous penchons donc davantage pour une concurrence accrue qu'une concurrence limitée. Si nous pouvons accroître les possibilités de concurrence et obtenir de meilleurs prix et un plus grand choix, nous croyons que ce sera une bonne chose.
M. Jim Gouk: Si je ne m'abuse, vous avez mentionné Jetsgo. Ce transporteur a certainement fait les manchettes ces temps-ci. Certains allèguent—et beaucoup d'informations vont en ce sens—que Jetsgo vendait des billets en dessous de ses capacités. Il les vendait à bas prix, sous le prix coûtant.
Cette pratique a tendance à tirer les autres transporteurs aériens vers le bas. Les prix baissent. Sur le plan de la concurrence, on voit habituellement un transporteur fixer des prix déraisonnablement bas, mais dans ce cas-ci, il s'agissait d'un transporteur qui partait du bas, qui allait pratiquement à l'inverse.
Est-ce le genre de chose que le Bureau de la concurrence peut examiner ou sur laquelle il a l'autorisation d'enquêter?
¹ (1550)
Mme Sheridan Scott: Comme vous l'avez dit, les pratiques de fixation de prix déraisonnablement bas sont notre cible. Dans tout marché concurrentiel, on voit beaucoup de fluctuation des prix. C'est bon pour les consommateurs en général. Notre objectif est de nous assurer que le marché est concurrentiel, mais aussi que la faiblesse des prix ne vise pas à éliminer la concurrence.
C'est sous cet angle qu'on regarde la chose quand une plainte nous est soumise. Nous cherchons à voir si un transporteur tente, par une série de mesures, d'éliminer la concurrence ou si le transporteur domine l'industrie. C'est le genre de questions qu'on se pose.
Dave, avez-vous quelque chose à ajouter?
M. David McAllister (directeur des dossiers spéciaux et conseiller stratégique, Bureau de la concurrence): Merci.
Comme l'a dit la commissaire, la Loi sur la concurrence prévoit trois critères pour déterminer s'il y a eu établissement de prix d'éviction ou pas. Premièrement, il faut voir si le transporteur domine le marché, puis s'il s'adonne à une pratique anticoncurrentielle et, en bout de ligne, si cela va entraîner une baisse considérable de la concurrence. Des concurrents seront-ils forcés de quitter ce marché, laissant ainsi la voie libre aux intervenants prédateurs d'augmenter les prix dans l'avenir? Voilà le genre de chose que nous examinons.
Pour ce qui est des tarifs très bas, notre analyse économique mettrait évidemment l'accent sur le tarif moyen, car la fourchette de tarifs pour n'importe quel vol par un transporteur est immense. Nous regarderions si le nombre de passagers et le tarif moyen étaient suffisants pour couvrir les coûts et, en tenant compte de ces facteurs, si ça pourrait entraîner une diminution de la concurrence.
M. Jim Gouk: Dans ma région, dans l'intérieur de la Colombie-Britannique, Air Canada dessert divers aéroports. Ces aéroports sont plus ou moins situés à une distance égale de Vancouver et les tarifs sont sensiblement les mêmes. Lorsque WestJet est apparu et a commencé à desservir certains aéroports—pas tous, et ce pour diverses raisons techniques—et à offrir de biens meilleurs prix que Air Canada, ce dernier a immédiatement baissé ses prix, mais pas pour les routes où il n'a pas de concurrence.
Surveille-t-on ce type de comportement et si oui, quelles sont les mesures pouvant être prises?
Mme Sheridan Scott: Voilà précisément la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui; pour vous dire qu'il devrait y avoir une plus grande libéralisation du transport aérien et qu'il existe des possibilités de concurrence pour certaines routes que WestJet n'a pas choisi de desservir.
De toute évidence, si Air Canada maintient cette route, il garde le monopole. Le transporteur demandera un tarif plus élevé, et les marges de profit seront plus importantes. Nous pensons qu'un transporteur faisant son entrée sur le marché canadien pourrait être intéressé par une route comme celle-là. Il pourrait s'agir d'un transporteur étranger qui irait au-delà du point d'accès pour offrir un service sur une route auparavant desservie par un unique transporteur.
M. Jim Gouk: Il y a un certain temps, une plainte nous a été soumise. C'était au début de l'expansion de WestJet, au moment où ce transporteur explorait des routes où il restait encore de la place—c'est ce qu'il cherchait d'ailleurs. Une de ces routes, si je ne m'abuse, était entre Ottawa—ou peut-être Toronto—et Fredericton. Air Canada desservait cette route et se rendait également ailleurs dans la région atlantique du Canada à partir du même point de départ. Grâce au modèle à prix modique de WestJet, le billet coûtait le tiers du prix demandé pour ces autres routes. Air Canada ne desservait pas cet aéroport. Tout à coup, Air Canada a décidé de desservir cette route, a égalé le prix demandé par WestJet tout en continuant de demander trois fois le prix pour ses autres routes alors que les aéroports sont situés sensiblement à la même distance dans la région.
Si je ne m'abuse, une plainte a été déposée, mais je ne sais pas ce qu'elle est devenue. Vous souvenez-vous de ça?
Mme Sheridan Scott: C'était avant mon temps. Dave le saurait peut-être.
M. David McAllister: Oui. Je suis presque certain que le cas dont vous parlez remonte à avril 2000 lorsque WestJet a commencé à desservir la route de Hamilton à Moncton et que Air Canada a riposté. Il y a eu en effet une plainte. Une enquête exhaustive a été menée, et une demande a été soumise au Tribunal de la concurrence.
L'affaire a été entendue en deux étapes pour déterminer si Air Canada avait exploité des vols en bas du prix coûtant sur ces routes. À la fin de la première étape, le tribunal était d'accord avec le commissaire à savoir que Air Canada avait effectivement offert des vols en bas du prix coûtant. Toutefois, vu le laps de temps écoulé, il a été reconnu que WestJet était devenu un joueur établi sur le marché, et ce malgré les allégations concernant les prix.
Nous avons donc revu ce dossier et avons déterminé qu'il n'était pas nécessaire de pousser l'affaire plus loin devant le tribunal pour obtenir réparation vu ce qui s'était produit. Cette affaire a néanmoins fait l'objet d'une enquête, il y a eu audience et une décision a été rendue en ce qui a trait à la tarification.
¹ (1555)
M. Jim Gouk: Pour terminer, j'aimerais qu'on me précise une toute petite chose.
À un moment donné, vous avez mentionné la possibilité d'éliminer toutes les restrictions relatives à la propriété, ce qui a piqué ma curiosité. Après, vous avez parlé d'augmenter la limite concernant la propriété de 25 p. 100 à 49 p. 100. Ça me semble conflictuel.
Pourriez-vous préciser ce que vous avez voulu dire quand vous avez parlé de l'élimination de toutes les restrictions relatives à la propriété étrangère? Vous ne vouliez sûrement pas insinuer que ça pourrait s'élever à plus de 49 p. 100, n'est-ce pas?
Mme Sheridan Scott: Nous parlions d'évolution, d'un certain nombre d'étapes qu'il faudrait franchir.
Pour l'instant, si l'on s'arrête à la situation au Canada et qu'on la compare à celle d'autres pays, on constate que nous avons la troisième et la quatrième libertés de l'air dans notre accord avec les États-Unis, que nous avons de multiples transporteurs autorisés et la liberté de fixer les tarifs. Nous proposerions comme première étape de nous placer à pied d'égalité avec les 67 autres pays qui ont signé des accords avec les États-Unis. En somme, nous ajouterions la cinquième liberté de l'air, soit l'établissement de routes à destinations conjointes, et la septième liberté de l'air pour le transport des marchandises. Tout cela nous mettrait à pied d'égalité avec les 67 autres pays qui ont signé des accords avec les États-Unis. Ce serait là la première étape, un accord « ciel ouvert » bonifié. Par la suite, nous pourrions passer à un ciel sans frontière, si je puis l'exprimer ainsi, où la propriété pourrait passer à 49 p. 100 et que pourraient, en fin de compte, être abolies toutes les restrictions, pour que nous puissions avoir une concurrence pleine et ouverte sur le marché.
Nous sommes conscients qu'il faut passer par une évolution. On ne peut pas arriver au but immédiatement et il faudrait que le processus se déroule sur une certaine période.
Le président: Je vous remercie.
Madame St-Hilaire.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire (Longueuil—Pierre-Boucher, BQ): Merci à tous deux de votre présentation d'aujourd'hui.
Je lisais dans votre rapport:
Il ne semble pas y avoir de raisons économiques convaincantes pour lesquelles le secteur du transport aérien devrait continuer d'avoir de telles restrictions. |
Je sais que vous êtes du Bureau de la concurrence et que vous voyez les choses sous l'angle de la concurrence. Depuis le début, nous entendons des employés, de même que de petites localités. Le service en région et le service en français sont deux de mes préoccupations.
Je ne sais pas si vous avez fait des études en ce sens, mais sur le plan de la concurrence, comment peut-on garantir un service concurrentiel en région, tout en maintenant des conditions acceptables pour les employés et des services en français adéquats?
Mme Sheridan Scott: Il est impossible de tout garantir. Plusieurs choix s'offrent à nous. Nous pouvons décider d'avoir un régime réglementaire, ou nous pouvons nous baser sur les forces du marché. Nous pouvons également comparer les deux résultats.
Je suis ici comme défenseur de la concurrence. Toutefois, je dois dire qu'au cours de ma carrière, j'ai travaillé 10 ans pour le CRTC, une agence réglementaire, et 10 ans pour Bell Canada, une compagnie réglementée.
Lorsque je compare les résultats de la concurrence et ceux de la réglementation, je crois que pour la majorité des gens, mieux vaut avoir un modèle basé sur les forces du marché car cela répond mieux aux besoins de la population.
Quand le secteur aérien était réglementé, il n'y avait pas de flexibilité des prix: tout le monde payait le même tarif. Les prix étaient beaucoup plus élevés. On n'avait pas le choix que l'on a maintenant; on n'avait pas tous les modèles d'affaires qui existent sur le marché actuellement.
Avec les forces du marché, on a beaucoup plus de flexibilité. Par exemple, sur les photographies prises dans les aéroports pendant les années 1950, on voit des hommes avec des cravates et des femmes bien habillées parce que c'était quelque chose de spécial. Il coûtait très cher de prendre l'avion et de voyager. Maintenant, on va à l'aéroport et on voit les enfants, les grands-parents et des gens qui sont maintenant en mesure de voyager beaucoup plus.
Nous trouvons que, pour les gens en général, le résultat est meilleur qu'avec un modèle basé sur la réglementation. Cela signifie que nous ne pouvons pas tout contrôler, c'est certain. Par contre, cela répond mieux aux besoins de la population canadienne. C'est la raison pour laquelle nous sommes en faveur d'un mouvement vers la concurrence, plutôt que d'un modèle basé sur la réglementation.
Mme Caroline St-Hilaire: Actuellement, lorsqu'on fait une analyse, on a l'impression que les compagnies aériennes ont des difficultés un peu partout, que ce soit au Québec, au Canada ou aux États-Unis.
En quoi le « Ciel ouvert » peut-il faire augmenter la concurrence et diminuer les tarifs pour les consommateurs?
º (1600)
Mme Sheridan Scott: Il s'agit de la même réponse. La concurrence n'est pas une chose très facile; c'est la concurrence du marché. Cela veut dire que certains vont gagner et que d'autres vont perdre. Toutefois, nous croyons que cela donne un meilleur résultat que la réglementation.
On dit que ce ne va pas tellement bien dans le monde, et c'est vrai dans plusieurs secteurs. La concurrence fait la vie très dure aux entreprises parce qu'il faut qu'il y ait toujours quelque chose de spécial, de l'innovation, de nouveaux services. Il faut répondre aux besoins du marché.
On étudie l'évolution du marché aérien et on croit qu'on devrait aller de plus en plus vers la concurrence parce qu'on aura alors de plus en plus de service, d'innovation et de prix avantageux. On devrait créer plus de concurrence, et non pas moins de concurrence.
Mme Caroline St-Hilaire: Sans aucune restriction?
Mme Sheridan Scott: Éventuellement, oui. Comme je l'ai déjà dit, cela évolue. On ne propose pas d'enlever toutes les limites d'un seul coup, mais on croit qu'on devrait s'engager sur cette voie.
On le constate dans le monde. Pas un seul pays n'a trouvé qu'il serait mieux de retourner à la réglementation. Partout au monde, les pays ont jugé qu'il était mieux de se baser sur un modèle concurrentiel plutôt que réglementaire, et que cela donnait des avantages au grand public.
[Traduction]
Le président: Madame Desjarlais.
Mme Bev Desjarlais (Churchill, NPD): Vous avez mentionné dans votre déclaration liminaire trois avantages de la concurrence. Je ne les ai pas tous pris en note. Un de ces avantages était un prix inférieur et un autre, un plus grand choix. Je me demande si vous pourriez mettre à la disposition du comité le rapport d'examen ou les études que vous avez effectués qui énumèrent le nombre de localités canadiennes desservies par des lignes aériennes durant la période dont vous avez parlé—je crois qu'il s'agissait de la période commençant en 1995. Si vous pouviez énumérer—j'imagine que vous auriez une pareille étude—le nombre de collectivités qui étaient desservies, le nombre de lignes aériennes qui s'y rendaient, le nombre de vols et le genre de services assuré en 1995 par rapport à aujourd'hui—pour ces mêmes collectivités, lignes aériennes, vols et genre de services... Si vous avez ces renseignements et que vous pouvez les fournir au comité, cela nous aiderait vraiment à voir les immenses avantages de la concurrence.
Mme Sheridan Scott: Nous avons certaines informations que nous pouvons partager avec vous, et vous constaterez que beaucoup de changements sont survenus dans l'industrie du transport aérien. Il y a des régions où il n'y a plus de vols directs alors qu'il y en avait auparavant.
Mme Bev Desjarlais: Vous avez l'information que je demande et qui précise le nombre de collectivités. Je m'attendrais plus particulièrement à ce qu'il y soit question de tout le Canada, parce que je ne conçois pas qu'on puisse examiner seulement certaines régions du Canada, qu'on se limite uniquement à Halifax, Vancouver et Toronto.
J'imagine que votre mandat ne vise pas que la concurrence pour l'amour de la concurrence, mais bien une concurrence avantageuse pour tous les Canadiens.
Mme Sheridan Scott: Tout à fait, et en règle générale, la concurrence est un meilleur modèle, pas pour tout le monde et pour chaque individu, mais nous croyons qu'elle représente un meilleur modèle.
Je suis sûre que nous avons cette information et que nous pouvons vous la fournir.
Mme Bev Desjarlais: J'aimerais savoir plus particulièrement ce qui était offert en 1995 à chaque collectivité canadienne en termes de lignes aériennes, de vols, de genres de service, et ce qui est offert actuellement dans ces mêmes collectivités.
Mme Sheridan Scott: Je suis en train de me renseigner sur ce que nous avons, donc si...
M. David McAllister: Je crois que la commissaire va vous renvoyer à certains tableaux que nous avons apportés aujourd'hui au sujet de l'accord « ciel ouvert » conclu entre le Canada et les États-Unis, mais...
Mme Bev Desjarlais: Pouvez-vous me dire si vous avez l'information précise que j'ai demandée? Elle existe bel et bien?
M. David McAllister: Ce que nous avons, ce sont des données qui remontent jusqu'à tout le moins à la fusion d'Air Canada et de Canadien et qui montrent l'augmentation...
Mme Bev Desjarlais: Je tiens à ce que l'année de référence soit 1995. Vous avez dit que le service était meilleur depuis 1995, de sorte que je suppose que vous avez en main les faits. Montrez-moi simplement que le service est effectivement meilleur depuis 1995.
M. David McAllister: Effectivement, c'est juste. En 1995, les données dont nous disposons concernent le marché transfrontalier, soit l'accord « ciel ouvert » conclu avec les États-Unis.
Mme Bev Desjarlais: Il n'est donc pas question du service intérieur offert à tous les Canadiens, mais bien du service transfrontalier uniquement?
Mme Sheridan Scott: Non. Nous avons de l'information que nous pouvons vous fournir et qui illustre le service au Canada depuis la fusion, et il est aussi question de ce qui s'est produit depuis 1995 dans le transport vers les États-Unis parce qu'il offre la possibilité aux Canadiens de voyager, mais...
Mme Bev Desjarlais: Pourriez-vous me répéter ce que vous avez dit au début? Avez-vous dit « vers les États-Unis » ou n'avez-vous pas plutôt parlé de « concurrence » ou de quelque chose qui a amélioré le service?
Mme Sheridan Scott: Si vous le souhaitez, je vais vérifier.
Nous parlons de la situation générale, non pas de circonstances particulières ou de toutes les situations. Par là, j'entends qu'on ne pourrait s'imaginer que la concurrence veuille dire que vous allez avoir un meilleur service partout au pays, selon les mêmes modalités. Ce n'est pas ainsi que fonctionne un marché concurrentiel et ce n'est pas ce que je laisse entendre. Nous affirmons simplement qu'à notre avis, le modèle axé sur la concurrence offre de meilleurs avantages que le modèle de la réglementation.
º (1605)
Mme Bev Desjarlais: Pour tous ou seulement en certains endroits au Canada?
Mme Sheridan Scott: Cela varie selon la situation.
Mme Bev Desjarlais: Serait-ce plus avantageux pour le Canada tout entier ou seulement pour certains endroits du Canada, en ignorant le reste?
Mme Sheridan Scott: Le service sera meilleur en certains endroits que d'autres.
Mme Bev Desjarlais: C'est bien ce que je croyais.
Le président: Je vous remercie.
Monsieur Bonin.
M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je me méfie un peu des gouvernements qui interviennent trop dans l'activité commerciale. Par exemple, puisqu'il est question de la fusion, nous avons si bien fait que le principal transporteur est en faillite.
Je vois presque tout cela comme étant plus une question de contrôle du principal transporteur que de protection de la concurrence pour le consommateur. Comme exemple, voyez les petits transporteurs qui, conscients qu'ils vont faire faillite, exigent un dollar pour un aller simple. Je me demande comment vous réagiriez si le principal transporteur exigeait un dollar pour un aller simple en vue de faire concurrence au plus petit transporteur?
Le fait d'avoir un transporteur dominant n'est pas mauvais. Chaque pays a besoin de son transporteur aérien. Cependant, on cherche davantage à contrôler le transporteur qui se trouve en position dominante en prétextant qu'on protège la concurrence.
J'y vois beaucoup de problèmes. De nombreux actionnaires canadiens d'Air Canada ont perdu beaucoup d'argent en raison des décisions prises par le gouvernement.
Ma question concerne le tarif d'un dollar. Comment auriez-vous réagi si Air Canada avait exigé un dollar pour un aller simple Toronto-Sudbury?
Mme Sheridan Scott: Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, si Air Canada était en position dominante, nous chercherions à savoir s'il a commis une série d'actes anticoncurrentiels et si ces actes anticoncurrentiels avaient pour objet d'éliminer la concurrence, de discipliner les concurrents ou de les exclure, puis nous en saisirions le Tribunal de la concurrence et lui demanderions de délivrer une ordonnance de cesser et de s'abstenir.
M. Raymond Bonin: Cependant, si les petits transporteurs parviennent collectivement à causer la perte du principal transporteur, comment faut-il réagir? Protégeons-nous uniquement le petit transporteur ou protégeons-nous tous les transporteurs?
Mme Sheridan Scott: Nous parlons de sociétés qui exercent un pouvoir sur le marché. Quand elles n'ont pas de pouvoir sur le marché, nous estimons qu'il n'y aura pas d'impact négatif sur la concurrence. C'est là notre rôle, soit de veiller au bon fonctionnement continu du marché concurrentiel, parce que nous estimons que c'est ainsi qu'on obtient les meilleurs résultats pour la plupart des gens.
M. Raymond Bonin: En quoi le consommateur est-il avantagé si nous affaiblissons le principal transporteur? Car c'est ce que nous faisons, essentiellement, si la réglementation en matière de concurrence vise à contrôler le principal transporteur.
Mme Sheridan Scott: Le but n'est pas de contrôler le principal transporteur en vertu de la Loi sur la concurrence, mais bien d'empêcher les comportements qui vont éliminer un concurrent.
M. Raymond Bonin: Quand Jetsgo exige un dollar, on dit que la concurrence est loyale. Si Air Canada le fait pour un aller simple, c'est une concurrence déloyale.
Mme Sheridan Scott: C'est vrai. Nous cherchons à savoir si Air Canada a commis une série d'actes visant à éliminer un concurrent. Comme Dave l'a expliqué tout à l'heure, nous ne nous arrêterions pas simplement au tarif d'un dollar. Nous examinerions les tarifs moyens et ferions une analyse fouillée du comportement de l'entreprise.
M. Raymond Bonin: Toutefois, Air Canada offre un service régulier, ce qui fait augmenter le prix. Il n'est donc pas honnête de comparer le transporteur dominant, qui offre une liaison régulière aux gens d'affaires, et les plus petits transporteurs, qui n'assurent pas de liaisons régulières, qui prennent les meilleures routes et qui sont protégés parce que nous estimons qu'ils sont si petits que cela ne représente pas une infraction grave à la Loi sur la concurrence.
Si l'on veut que la Loi sur la concurrence protège les transporteurs, il faudrait tenir compte du transporteur dominant parce qu'il importe d'en avoir un. Dans le passé, nous avons peut-être été trop durs à l'égard des transporteurs dominants, à leur détriment, et c'est cette attitude qui a fait perdre de l'argent à des Canadiens.
Le président: Si vous souhaitez réagir à ces propos, madame Scott, vous pouvez le faire, mais vous n'y êtes pas obligée.
Mme Sheridan Scott: Je crois avoir expliqué les rouages de la loi. Ce n'est pas une question de protéger ou de ne pas protéger, mais bien d'encourager la concurrence sur le marché. La loi existe pour encourager la concurrence. Nous sommes habilités à agir quand quelqu'un contrevient aux règles de la concurrence loyale.
M. Raymond Bonin: La seule raison pour laquelle j'en parle, c'est qu'à mon avis, les décisions prises par le gouvernement dans le passé au sujet des fusionnements étaient mauvaises et que si elles se fondaient sur l'avis du Bureau de la concurrence et sur celui d'autres bureaucrates, je vous dis de bien prendre garde aux recommandations que vous faites au gouvernement parce qu'il pourrait bien vous écouter.
º (1610)
Le président: D'accord. Nous allons supposer qu'il s'agissait-là d'une observation.
Madame Scott, monsieur McAllister, nous vous remercions d'avoir répondu à l'invitation. J'espère que la demi-heure passée avec nous n'a pas été trop pénible. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous rencontrer. Je vous remercie beaucoup.
Après le faux départ de l'autre jour, nous accueillons à nouveau des porte-parole de l'Association des pilotes d'Air Canada.
Monsieur Wilson, êtes-vous celui qui fera la déclaration liminaire? Si vous voulez bien commencer, nous vous écoutons.
Capt Kent Wilson (président, Association des pilotes d'Air Canada): Mesdames et messieurs du comité, je vous remercie et je vous salue.
Je me présente : commandant Kent Wilson, employé d'Air Canada et représentant de l'Association des pilotes d'Air Canada, soit de l'APAC. Je pilote depuis longtemps des jumbo jets partout dans le monde et je suis à l'emploi d'Air Canada depuis 32 ans.
Je suis accompagné, à ma droite, du commandant Andy Wilson, secrétaire-trésorier de l'association et membre de longue date de l'entreprise. À mon extrême droite se trouve le commandant Dave Coles, un autre commandant de l'entreprise ayant de longs états de service à la haute direction de l'APAC.
Mesdames et messieurs du comité, l'Association des pilotes d'Air Canada vous remercie de lui accorder la possibilité de présenter son point de vue sur le projet de libéralisation des services de transport aérien transfrontalier canado-américains et internationaux, mieux connus sous le nom d'accord « ciel ouvert », soutenu par le ministre des Transports ainsi que par d'autres intéressés.
En tant que plus important syndicat de pilotes au Canada qui représente plus de 3 000 membres de la profession, l'APAC est particulièrement apte à commenter l'impact éventuel de l'accord « ciel ouvert ». Nous assurons le transport de millions de passagers vers de très nombreuses destinations au Canada, aux États-Unis et à l'étranger, tout en conservant une excellente feuille de route sur le plan de la sécurité.
Nous nous présentons devant vous aujourd'hui, faut-il l'espérer, pour vous aider. J'aimerais que vous sachiez que l'APAC est très axée sur les solutions. Nous ne venons pas ici aujourd'hui pour vous demander de régler toutes sortes de problèmes ni pour faire des récriminations au sujet des piètres résultats connus dans le passé. Nous espérons plutôt que vous allez nous voir comme un atout. Quand nous élaborons notre politique sur l'ouverture de l'espace aérien, nous espérons qu'elle reflète les meilleurs intérêts de la profession de pilote aérien, d'Air Canada, de ses effectifs, de l'industrie du transport aérien en général et du public voyageur.
Quand nous avons élaboré notre solution ou notre proposition pour l'accord « ciel ouvert », nous l'avons fait en fonction de trois principes. Ces trois principes peuvent être vus par conséquent comme des prismes à travers lesquels nous aimerions que le comité Scott élabore ses recommandations en vue d'une libéralisation accrue.
Soit dit en passant, j'estimerai avoir bien fait mon travail si la seule partie de toute ma présentation que vous retenez est celle-ci, parce qu'elle est importante.
Le premier principe à respecter concerne les normes de sécurité des vols. Je dirais que pour nous, il s'agit d'une des principales raisons de notre existence. L'APAC, est la gardienne de ce principe. Au sein de l'industrie du transport aérien, nous cherchons constamment à promouvoir et à faire observer les normes les plus élevées en matière de sécurité des vols.
Quand je parle de sécurité des vols, je ne parle pas seulement du point de vue du pilote. Il est question aussi des normes d'entretien des appareils et de l'équipement, des normes s'appliquant à la formation des pilotes et de la préservation des lois de santé-sécurité au travail.
C'est pourquoi, dès qu'on envisage de libéraliser l'espace aérien, nous vous prions instamment de considérer les normes législatives, réglementaires et négociées en matière de sécurité comme étant des normes à préserver. Lundi, quand nous nous sommes présentés ici pour la première fois, j'ai entendu un court débat sur le bien-fondé des règles. On cherchait à établir si les règles américaines étaient meilleures que les règles canadiennes. J'aurais vraiment aimé intervenir, mais bien sûr je ne pouvais pas le faire. Toutefois, j'en ai pris note et j'aimerais vous dire qu'il n'est pas seulement question de savoir si une série de règles est meilleure qu'une autre. La question centrale en réalité est de savoir comment on peut, dans les faits, contrôler l'application de ces règles, comment on peut maintenir ces normes.
Par exemple, si Sage Brush Airlines venait au Canada et commençait à y offrir des vols en invoquant son droit d'établissement, seriez-vous convaincus qu'elle respecte les normes en matière de sécurité? Autre exemple, Transports Canada est en train de mettre en place des systèmes de gestion de la sécurité que certains perçoivent comme étant le pelletage des responsabilités en la matière aux entreprises elles-mêmes, un régime qui repose sur la confiance.
º (1615)
Oui, elles remettent un document à Transports Canada, elles acceptent de remplir toutes les exigences, de se conformer à toutes les règles, mais le font-elles vraiment? Êtes-vous certains qu'elles le font?
De nombreux incidents ont été répertoriés, des incidents qui nous ont choqués. Lorsqu'un accident aérien se produit, nous nous demandons toujours ce qui a bien pu se passer. Qu'en est-il des normes? C'est très simple. Quand les résultats financiers commencent à prendre le pas sur les normes, nous savons tous ce que cela donne.
Le deuxième principe que nous défendons est celui des droits à la négociation collective—autrement dit, nos conventions collectives. La protection des droits à la négociation collective et le respect de la législation et de la réglementation du travail doivent être assurés. Outre les clauses touchant la sécurité, l'intérêt des membres de l'APAC est protégé en vertu du champ d'application des clauses inscrites dans leur convention collective et du maintien—et c'est très important—de leurs droits ultérieurs à la négociation collective. Ceux-ci ne doivent en aucun cas être compromis par la modification d'une entente bilatérale ou d'un accord de ciel ouvert signé avec un autre pays.
Le troisième principe est celui de la stabilité de l'industrie du transport aérien. Celle-ci a connu beaucoup d'instabilité dernièrement. Or, la stabilité de l'industrie du transport aérien doit être rétablie, compte tenu notamment des bouleversements qui ont marqué les quatre dernières années. À notre avis, la libéralisation sans restriction aucune et incontrôlée du cabotage et l'élargissement du droit d'établissement risquent de transformer l'industrie en véritable jungle.
Nous faisons partie d'autres groupes internationaux—d'autres associations de pilotes—y compris du réseau de Star Alliance. Il s'agit d'une entente commerciale qui lie Air Canada à tous les autres transporteurs aériens internationaux. Cette entente prévoit le partage des recettes, des codes, ainsi de suite. Il a été question, lors de la dernière convention à laquelle nous avons assisté, de la situation qui existe en Europe : en effet, de nombreuses associations de pilotes profitent de cette occasion pour faire le point sur ces ententes—les accords de ciel ouvert. Nous avons entendu parler—il en a également été question lundi—de cas d'avions qui étaient immatriculés dans des pays de complaisance, du modèle maritime, c'est-à-dire du navire de tramping immatriculé au Panama et au Liberia. C'est le cas le plus flagrant.
Nous avons des rapports, fournis par des associations, qui font état de divers exemples de ce genre. Prenons celui de Ryanair, qui est basée en Irlande. Vous savez que l'Union européenne a amorcé le virage de la déréglementation : il faut déréglementer les lois du travail et l'éducation; il faut libéraliser le mouvement des capitaux, ainsi de suite. Toutefois, l'Union européenne est composée de pays nantis et démunis, malgré les normes en vigueur. Ryanair est présente en Slovénie, en Bulgarie et en Albanie. Elle implante des bases auxquelles elle affecte cinq ou six pilotes. Bien entendu, elle se sert de ces bases pour immatriculer ses appareils et, plus important encore, pour se soustraire à bon nombre des règles du pays d'origine. Voilà ce qui se passe aujourd'hui.
Aux États-Unis, l'ouverture inconditionnelle de l'espace aérien a donné des résultats désastreux. Elle a créé un problème de surcapacité. Je tiens à rappeler aux membres du comité que la plupart des industries au Canada gèrent l'offre—qu'il s'agisse de produits agricoles, de médecins et d'avocats diplômés, et même de taxis dans la plupart des grandes villes. Cela empêche l'industrie de s'autodétruire, mais dans quel but? Pour exercer un contrôle sur la société de consommation, car les gens sont très contents de payer un billet d'avion aller-retour 14 $ pour se rendre à Los Angeles.
Voilà les trois principes que nous défendons.
º (1620)
Nous faisons également état, dans notre mémoire, des enjeux qui sont associés à l'ouverture de l'espace aérien. Je vais me contenter de les énumérer. Vous pourrez prendre vous-même connaissance des détails. Il s'agit du cabotage, du droit de cinquième liberté, du droit modifié de sixième liberté, du droit tout-cargo de septième liberté, du droit d'établissement de routes à destinations conjointes, du droit d'établissement et des modifications apportées à la règle relative à la propriété étrangère. J'aimerais attirer votre attention sur deux enjeux particuliers, le cabotage et le droit d'établissement.
L'APAC s'oppose à toute forme de cabotage ouvert, parce que le cabotage constitue une violation des trois principes que je viens d'énoncer. Le droit d'établissement, lui, favorise l'ouverture du cabotage. Il représente une menace très grave. J'espère que vous allez poser des questions sur le droit d'établissement, parce que je sais que mon collègue, le capitaine Wilson, souhaite vous en parler. J'espère donc que l'un d'entre vous va aborder le sujet.
Pour ce qui est des propositions que nous formulons dans notre mémoire et que nous soumettons à votre examen, encore une fois, nous voulons jouer un rôle actif auprès du comité, lui servir de personne-ressource, le tenir au courant de l'évolution des divers accords de ciel ouvert conclus de par le monde.
Toujours dans le même ordre d'idées, nous vous avons parlé de la participation de l'APAC aux négociations bilatérales—autrement dit, des négociations qui pourraient découler de vos recommandations. L'APAC peut, à cet égard, apporter une contribution unique. Par conséquent, nous proposons que le gouvernement du Canada permette à l'APAC de faire partie de toute délégation participant aux négociations bilatérales canado-américaines. Ce ne serait pas un précédent. La Airline Pilots Association des États-Unis a obtenu le statut de participant à toutes ces négociations. Nous estimons que le Canada devrait faire de même. L'APAC est en mesure de jouer un rôle très efficace à ce chapitre.
Par ailleurs, nous aimerions que l'APAC fasse partie de la délégation canadienne qui bénéficie actuellement d'un statut d'observateur dans le cadre des négociations bilatérales entre les États-Unis et l'Union européenne. Nous souhaiterions nous joindre à elle.
En résumé, nous recommandons que le comité examine toute proposition sur la libéralisation de l'espace aérien à la lumière des trois grands principes que nous avons énoncés.
Enfin, comme l'a mentionné le ministre lors de la dernière convention sur l'ouverture de l'espace aérien qui a eu lieu à Ottawa, « nous devons envisager un accord ciel ouvert en toute lucidité. » Nous souhaitons que le comité permette à l'APAC de l'aider dans cette démarche.
Merci.
º (1625)
Le président: Merci, capitaine Wilson.
Nous allons passer aux questions.
Monsieur Gouk, voulez-vous commencer?
M. Jim Gouk: Merci.
Vous allez probablement avoir l'occasion de parler du droit d'établissement et, de façon plus précise, du cabotage.
Vous faites partie de l'Association des pilotes d'Air Canada. Nous avons déjà eu l'occasion de rencontrer des représentants d'Air Canada, et aussi d'entendre votre illustre dirigeant, Robert Milton, qui est en faveur du cabotage. Je vous demanderais d'abord de clarifier ce point, et ensuite de nous dire si, à votre avis, il faudrait envisager d'ouvrir entièrement le cabotage, et ce, des deux côtés, ou seulement partiellement?
Capt Kent Wilson: Merci de ces questions. Je vais d'abord répondre la première. Concernant Robert Milton, je serais la dernière personne à lui reprocher de vouloir nuire à l'industrie aérienne ou à notre association.
Les hauts dirigeants non seulement de l'industrie aérienne, mais également de diverses grandes entreprises ont tendance à migrer. Ils se déplacent d'un endroit à l'autre, et j'ai l'impression que, trop souvent, ce qui les motive, c'est le fait de gagner plus facilement de l'argent. Qu'est-ce que cela va me rapporter? Dans combien de temps pourrons-nous augmenter le prix du produit pour que je puisse exercer mes options et partir?
Robert Milton, dans sa sagesse, pense que le cabotage, sous une forme ou une autre, est avantageux. À mon avis, le cabotage ne peut-être avantageux qu'à court terme. M. Milton ne tient pas compte de la situation à long terme.
Le président: Excusez-moi. Je tiens tout simplement à signaler aux collègues que la sonnerie va retentir pendant 30 minutes. Le débat aurait apparemment pris fin. D'après ma montre, le vote va avoir lieu à 16 h 54.
Capt Kent Wilson: Je vais demander à mon collègue, le capitaine Wilson, de répondre à la question sur le droit d'établissement.
Capt Andy Wilson (secrétaire trésorier, Association des pilotes d'Air Canada): Bonjour.
La première fois que nous avons entendu parler du droit d'établissement, c'était lors de la convention sur l'ouverture de l'espace aérien, il y a environ deux mois de cela. Le sujet semblait assez anodin. Tout le monde aime entendre parler de droits. Or, le droit d'établissement semble être une notion assez floue. En fait, il s'agit tout simplement d'une autre forme de cabotage.
Le droit d'établissement permettrait de contourner toutes les règles relatives à la propriété étrangère. Nous nous demandons si la limite actuelle devrait être fixée à 25 p. 100. Le Bureau de la concurrence aurait recommandé qu'elle soit portée à 49 p. 100. Il s'agirait, du moins pour lui, d'une mesure provisoire positive. Or, une fois que vous octroyez un droit d'établissement, vous vous retrouvez, bien entendu, avec des entreprises canadiennes qui n'appartiennent pas à des intérêts canadiens ou qui ne sont pas sous contrôle canadien. Tout y passe.
On nous dit, par ailleurs, qu'il n'y a pas lieu de s'inquiéter au sujet du droit d'établissement, parce que le transporteur local, même s'il appartient à un transporteur américain, serait assujetti au droit du travail canadien. Donc, quel est le problème?
Le problème, c'est qu'en vertu du droit du travail canadien, l'employeur est régi par la convention collective. Un employeur ne peut se soustraire aux dispositions de cette convention en créant tout simplement une filiale. S'il le fait, le CCRI va intervenir et lui dire que ce geste va à l'encontre de la politique du travail du Canada, que la société mère et la filiale constituent un seul et unique employeur et que les deux sont assujetties aux mêmes règles. Voilà comment fonctionne le droit du travail au Canada. C'est la seule façon dont les droits définis en vertu des lois canadiennes du travail peuvent être maintenus.
Ce principe fondamental de la politique canadienne du travail pourrait être contourné par le droit d'établissement. Le CCRI n'aurait aucun pouvoir sur ce monstre à deux têtes parce que la filiale américaine serait assujettie au droit du travail américain. Les droits de négociation des Canadiens s'en trouveraient minés, ce qui entraînerait un nivellement par le bas.
Le fait d'autoriser le transporteur bénéficiant d'un droit d'établissement à desservir uniquement les routes intérieures ne changerait pas grand chose à la situation. Le transporteur canadien pourrait établir une plate-forme centrale au sud de la frontière et desservir celle-ci avec la société mère. Au lieu de passer par Toronto, par exemple, les vols transiteraient par un autre centre et seraient assurés par la filiale américaine. Si cette filiale opérait à partir de Vancouver, de Calgary ou d'ailleurs, elle agirait à l'encontre du droit canadien du travail.
Le droit d'établissement permettrait de contourner le droit du travail en vigueur au Canada. Les emplois, les taxes, les avantages économiques iraient tous au plus bas soumissionnaire. Ne vous laissez pas berner par la terminologie. Le droit d'établissement n'est qu'une autre forme de cabotage.
º (1630)
Le président suppléant (M. Raymond Bonin): Merci.
Monsieur Carrier.
[Français]
M. Robert Carrier (Alfred-Pellan, BQ): Bonjour, messieurs.
J'ai trouvé vos commentaires intéressants.
Je suis préoccupé par la question de sécurité que vous avez soulevée. Vous donniez l'exemple d'un avion d'une compagnie étrangère. Vous n'êtes pas certains de la capacité des pilotes qui vont survoler notre territoire. Il semblerait en effet qu'aucun contrôle précis ne sera imposé aux pilotes des lignes aériennes étrangères.
Le projet de libéralisation des airs va s'appliquer principalement aux compagnies américaines. Or, pensez-vous qu'il est risqué, en termes de sécurité, que des pilotes de lignes aériennes américaines survolent notre territoire?
[Traduction]
Capt Kent Wilson: Merci.
Pardon, monsieur. Notre spécialiste de la langue française était avec nous, lundi, mais il ne pouvait nous accompagner aujourd'hui. Je fais donc appel à votre indulgence.
Merci de la question.
C'est une chose que de survoler le pays. La tâche la plus simple qu'accomplit le pilote au jour le jour est la suivante : vérifier sa position auprès de chaque contrôleur aérien tout au long de son trajet, à 39 000 pieds d'altitude. Nous le faisons tout le temps. Nous survolons des pays qui sont peu développés, et d'autres qui sont très développés, partout dans le monde.
Bien entendu, un pilote qualifié doit être en mesure de voler au ras du sol à l'intérieur des zones desservies par un terminal. Si le pilote n'avait pas reçu une formation adéquate, ainsi de suite, on le verrait tout de suite. Ce serait là notre principale préoccupation.
J'espère que j'ai répondu à votre question.
[Français]
M. Robert Carrier: Vous mentionniez les manoeuvres d'approche, d'atterrissage et de décollage qui, lorsqu'elles sont exécutées par des pilotes étrangers, vous causent des problèmes sur le plan de la sécurité. Pourtant, il doit bien exister des règlements assurant la qualification des pilotes. Des avions de compagnies étrangères atterrissent au Canada. On doit par conséquent s'assurer de la compétence des pilotes de ces avions. Vous semblez dire qu'il n'y a pas de contrôle sur la qualification professionnelle de ces pilotes.
[Traduction]
Capt Andy Wilson: Est-ce que vous faites allusion aux licences de pilote?
[Français]
M. Robert Carrier: Vous avez des inquiétudes à propos de la qualification des pilotes non canadiens, mais est-ce à dire que déjà maintenant, la situation comporte un danger potentiel ou suscite des questions?
[Traduction]
Capt Andy Wilson: Le capitaine Wilson ne parlait pas des qualifications ou des compétences des pilotes des autres pays. Ce qui l'inquiète, et ce qui nous inquiète aussi, c'est que lorsque les compagnies aériennes disposent d'une marge de profit plutôt faible, elles ne consacrent pas les ressources financières nécessaires à la sécurité. Voilà le problème. Un cadre supérieur du ministère des Transports a déclaré que le pilote en chef responsable de la sécurité, à Jetsgo, pilotait également des avions à temps plein. Les compagnies sont conscientes des règles, mais elles n'ont pas les ressources voulues pour les mettre en application.
C'est le problème qui se pose quand on dispose d'une mince marge de profit. La sécurité coûte de l'argent. Tout le monde reconnaît l'importance de la sécurité, mais le fait est que la sécurité coûte de l'argent. Si vous n'en avez pas, les marges de profit ne sont pas éliminées, elles sont tout simplement plus minces. Elles sont réduites. Voilà le problème.
º (1635)
Capt Kent Wilson: L'autre préoccupation, étant donné que l'industrie de l'aviation est en train de devenir une véritable jungle, c'est que le gouvernement canadien n'a pas les ressources voulues pour effectuer les vérifications. Toutes ces petites compagnies qui cherchent à accroître leurs profits à court terme s'installent dans le pays et font de l'argent. Vous n'avez peut-être aucune idée des compétences qu'elles possèdent. Voilà le danger que présente cette approche dite ouverte. C'est ce qui nous préoccupe.
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: Vous n'êtes pas sans savoir que le bilan d'Air Canada n'est pas très reluisant en ce qui concerne le fait français. M. Goneau n'est pas là, mais peut-être pouvez-vous répondre à ma question.
D'année en année, le nombre de plaintes que vous recevez augmente. Comment peut-on s'assurer qu'il n'y aura pas davantage de problèmes avec les autres compagnies, alors même qu'une compagnie canadienne a de la difficulté à se conformer aux règles? Pour votre part, comment voyez-vous la chose?
[Traduction]
Capt Kent Wilson: Est-ce que la question porte sur l'utilisation du français dans l'industrie?
[Français]
Mme Caroline St-Hilaire: Dans l'industrie, en effet, mais surtout en ce qui concerne le service aux clients et les employés. Ce que l'on entend dire concernant ce qui se passe à l'interne donne à penser que ce n'est pas toujours facile.
Je ne veux pas vous embarrasser.
[Traduction]
Capt David Coles (Comité affaires étrangères, Association des pilotes d'Air Canada): Nous croyons que les agents de bord, les agents de ventes, devraient tous être bilingues. Tous les services devraient être offerts dans les deux langues. Mais les règles qui régissent Air Canada devraient être appliquées à travers tout le Canada. Tous les transporteurs au Canada devraient offrir des services dans les deux langues.
Capt Kent Wilson: Autrement dit, les règles du jeu ne sont pas uniformes. Si Air Canada est visée par la loi, les autres transporteurs devraient l'être aussi. C'est ce que nous pensons.
Mme Bev Desjarlais: À votre avis, est-ce que l'adoption d'une politique de ciel ouvert, l'ouverture du processus au sein de l'industrie, aurait pour effet d'assujettir les services de transport en général à un accord similaire à celui de l'ALENA? Accepteriez-vous que les clauses de portée soient incluses dans vos contrats, ici, mais qu'elles ne puissent être mises en oeuvre ailleurs? Autrement dit, si Air Canada procédait à un transfert, ces clauses ne seraient pas applicables. Je voudrais tout simplement avoir votre avis là-dessus.
Il faut également tenir compte des lois linguistiques. Si nous exigeons que tous les transporteurs offrent des services dans les deux langues, pourrons-nous imposer ces exigences aux transporteurs qui viennent d'autres pays et qui desservent des villes canadiennes?
Ensuite, savez-vous si des incidents précis se sont produits, des incidents qui démontrent que Ryanair ne respecte pas, à l'étranger... C'est ce que vous avez laissé entendre. Y a-t-il des règlements précis qu'elle ne respecte pas, des règlements qui existent en Irlande, mais qu'elle n'applique pas parce qu'elle est implantée ailleurs?
Capt Andy Wilson: Pour ce qui est de votre deuxième question, Ryanair ne fait pas partie de l'Association de pilotes des transports de Star Alliance. Nous n'avons que des renseignements anecdotiques à ce sujet.
Concernant la première question, à savoir si nous pouvons amener les États-Unis à accepter la réciprocité dans le domaine des lois du travail, il faudrait peut-être poser la question à l'OIT. Je sais qu'ils sont engagés dans une lutte à n'en plus finir et qu'ils ont peu de succès. Je pense qu'on vivrait la même chose, ici.
Mme Bev Desjarlais: Merci.
Le président: Monsieur Karygiannis.
º (1640)
L'hon. Jim Karygiannis (Scarborough—Agincourt, Lib.): J'ai quelques questions à poser, mais nous allons manquer de temps.
Merci d'être venus nous rencontrer.
Vous avez parlé de sécurité, des pavillons de complaisance. Vous avez donné quelques exemples au sujet de l'Albanie. Pouvez-vous nous donner d'autres précisions?
Capt Kent Wilson: Comme l'a indiqué Andy, mon collègue, nous n'avons pas d'éléments de preuve concrets là-dessus. Je vous ai décrit le processus qui est suivi lors de nos conventions internationales, où nous passons une bonne partie de notre temps à entendre des rapports d'autres transporteurs sur la situation qui existe en Europe. Donc, nous n'avons pas de preuves concrètes. Nous nous fondons sur ce que nous entendons. Ryanair, semble-t-il, enregistre ses appareils dans d'autres pays de l'Union européenne et utilise les règles de ces derniers parce qu'elles ne sont pas uniformes. L'Union européenne devrait s'attacher à uniformiser ses règles, mais elle n'a encore rien fait à ce chapitre, ce qui veut dire que Ryanair va appliquer les règles locales plus souples afin de contourner les règles plus strictes du pays d'origine.
Le président: Merci. Merci surtout d'être venus aujourd'hui.
Nous allons maintenant lever la séance, nonobstant le fait que nous allons nous réunir plus tard, aujourd'hui. Il va y avoir un premier vote dans une dizaine de minutes, et un deuxième à 17 h 45.
La séance est levée.