SMND Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Sous-comité sur les maladies neurologiques du Comité permanent de la Santé
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 7 décembre 2010
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Bonjour et bienvenue à tous. Vous m'avez tous l'air bien réveillés; c'est bon signe.
Conformément à l'article 108(2) du Règlement, nous poursuivons notre étude sur les troubles neurologiques.
Docteur Beaudet, nous vous souhaitons la bienvenue.
Comme vous le savez tous, le Dr Beaudet est président des Instituts de recherche en santé du Canada.
Docteur, sachez que vous pouvez prendre tout le temps dont vous avez besoin ce matin pour faire votre exposé.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Je suis heureux de comparaître devant vous aujourd'hui, en tant que président des Instituts de recherche en santé du Canada, pour vous informer des plus récents travaux de recherche qui ont été menés au Canada sur la sclérose en plaques. Comme vous le savez, cette maladie dévastatrice touche des milliers de Canadiens. Les IRSC se sont engagés à financer la recherche qui permettra d'alléger les souffrances des Canadiens atteints de sclérose en plaques et de leurs proches.
Tout d'abord, j'aimerais vous parler de ce que les IRSC ont fait ces trois derniers mois sur les plans de l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique et de la SP.
Comme vous vous en souvenez sans doute, au début de septembre 2010, l'honorable Leona Aglukkaq, ministre de la Santé, a accepté mes recommandations selon lesquelles nous devons approfondir cette question d'une manière scientifique progressive et uniforme, tout d'abord en déterminant s'il y a une prévalence plus élevée de malformations veineuses et d'un drainage veineux anormal du cerveau chez les patients qui souffrent de SP par rapport aux sujets sains puis, le cas échéant, en réalisant des essais cliniques pour évaluer l'innocuité et l'efficacité du traitement proposé par le Dr Zamboni. Cette recommandation a été adoptée à l'unanimité par les ministres provinciaux et territoriaux à l'occasion d'une réunion tenue à St. John's en septembre dernier.
À l'heure actuelle, sept études financées par les sociétés canadiennes et américaines de la sclérose en plaques sont déjà en cours pour déterminer s'il y a un lien entre l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique et la SP. Pour surveiller les résultats de ces études, de même que ceux d'autres études connexes réalisées ailleurs dans le monde, les IRSC ont mis sur pied un groupe de travail formé d'experts scientifiques.
Ce groupe réunit les principaux chercheurs des sept études commandées par les sociétés de la SP, des membres de la direction scientifique des IRSC et des sociétés de la SP américaines, canadiennes et italiennes, ainsi qu'un représentant des provinces et territoires. Le groupe de travail a tenu sa première réunion le 23 novembre dernier à Toronto.
[Français]
Lors de cette réunion, les chercheurs du groupe ont fait état de l'avancement de leurs travaux, dont le financement a commencé en juin 2010. Six des sept projets ont déjà reçu l'approbation du comité d'éthique et le septième est en voie de la recevoir.
Le recrutement des patients se fait à un rythme plus que satisfaisant puisque déjà deux des groupes ont atteint le nombre de patients nécessaire. Les comptes rendus présentés me permettent d'attester, madame la présidente, de la rigueur des protocoles et d'assurer les membres de ce comité de la qualité et du sérieux des études en cours. J'ai bon espoir que ces études permettront de déterminer s'il y a ou non un lien entre l'insuffisance veineuse cérébrale et la sclérose en plaques et ainsi d'évaluer la pertinence de soutenir des essais cliniques sur le traitement lui-même.
Les experts ont cependant fait valoir l'importance de laisser aux chercheurs, sans pression indue, le temps nécessaire pour mener à bien ces études. Le groupe de travail a également rappelé que le traitement proposé par le Dr Zamboni n'est pas sans risque, comme en témoigne le nombre grandissant de complications rapportées par des patients canadiens à la suite de traitements reçus à l'extérieur du pays et le décès tragique de l'un d'entre eux.
Les experts recommandent par conséquent que tout essai clinique thérapeutique éventuel soit associé à une évaluation de l'innocuité du traitement.
[Traduction]
Les sept projets vont bon train. Les membres du groupe de travail ont convenu de se réunir en juin prochain pour examiner les résultats préliminaires, et la Société canadienne de la sclérose en plaques affichera le compte rendu de ces sept projets de recherche sur son site Web au cours de la prochaine année.
Entretemps, les IRSC continueront de collaborer étroitement avec la Société canadienne de la SP et d'autres intervenants, comme des associations de médecins, afin de mettre en commun des données probantes qui nous permettront de mieux comprendre cette maladie dévastatrice.
N'empêche que les patients doivent être découragés de devoir se faire traiter à l'étranger tant que nous n'en savons pas plus sur l'innocuité et l'efficacité de ce traitement. Ils doivent tout de même savoir qu'aucun médecin ici ne refusera de les traiter pour des complications à la suite d'un traitement reçu à l'étranger.
Je dois également vous informer que je ferai le point sur la première séance du groupe de travail à l'occasion de la réunion des sous-ministres de la Santé provinciaux et territoriaux qui se déroulera jeudi à Toronto. Les participants pourront ainsi être informés des nouvelles percées dans le domaine.
En conclusion, je tiens à souligner que les IRSC subventionnent actuellement de nombreux projets de recherche visant à mieux comprendre et, possiblement, développer un traitement pour la sclérose en plaques. En fait, les IRSC ont déjà investi près de 49 millions de dollars dans la recherche sur la SP depuis leur création.
Madame la présidente, en terminant, je peux vous assurer que les IRSC et tous les chercheurs participant à l'étude font tout leur possible pour accélérer la recherche en ce qui touche le traitement de la SP et pour fournir aux patients ainsi qu'à leur entourage les meilleurs conseils qui soient, fondés sur des données scientifiques.
Je serais heureux de tenir les membres du comité au courant de l'état d'avancement de nos études.
Merci.
Merci, docteur Beaudet.
Nous allons maintenant passer à la période de questions, et c'est Mme Duncan qui ouvre le bal. Vous disposez de sept minutes.
Merci, madame la présidente.
Je vous remercie d'être venu aujourd'hui, docteur Beaudet.
Je vous remercie également de nous rassurer en disant qu'aucun patient ne se verra refuser un suivi médical de retour au pays, parce que nous savons que cela s'est déjà produit. Je connais un patient à qui quatre différents spécialistes ont refusé d'appliquer un traitement.
Tout d'abord, pourrais-je vous demander de remettre au comité l'ordre du jour de la réunion du 26 août, tous les documents examinés, les exposés présentés de même que les notes connexes? Merci.
Pourrais-je aussi vous demander de fournir au comité le plan de travail du groupe de travail composé d'experts, une description des experts, le mandat, le calendrier des réunions, les dates d'échéance et les données scientifiques — un registre, je l'espère — qui permettront de déterminer la pertinence de tenir des essais cliniques. Au fait, quand disposera-t-on de suffisamment de preuves scientifiques pour aller de l'avant?
Ce sont des questions très pertinentes. En fait, ce sont toutes des questions dont on a discuté lors de la première réunion qui s'est déroulée en novembre dernier.
Chose certaine, c'est avec plaisir que je déposerai les documents demandés concernant la composition du comité ainsi qu'un compte rendu de nos discussions.
C'est une situation très inhabituelle. Comme vous le savez, habituellement, lorsque des chercheurs reçoivent une subvention, ils mènent leurs propres travaux et sont très muets sur leurs résultats, compte tenu de la propriété intellectuelle et de la compétition dans le domaine de la science. N'allez pas croire qu'il n'y a pas de compétition entre ces groupes. Les chercheurs ne dévoilent rien tant que les résultats ne sont pas rendus publics.
Cette fois-ci, nous procédons très différemment. Nous demandons aux chercheurs de mettre en commun leurs résultats à chaque étape du processus et d'être totalement transparents. Je dois dire que la réponse a été fantastique. À la fin de la réunion, les experts ont tous admis qu'ils étaient un peu réticents à cette idée au début, mais que somme toute, ils ont beaucoup échangé et appris, ce qui leur permettra d'en arriver à des résultats plus rapidement.
Après une très longue discussion, comme vous pouvez l'imaginer, ils ont également convenu qu'ils ne divulgueraient pas leurs résultats avant six mois. Pourquoi? Parce que, selon eux, un manque de données pourrait fausser les résultats. Par contre, à la fin de juin, ils devraient disposer de suffisamment de données préliminaires pour que ce soit valable.
Ils ont également convenu de « lever l'aveugle » des études à l'insu afin de partager leurs résultats. Il s'agit d'une situation très inhabituelle, et nous ne pourrons pas communiquer ces résultats au monde extérieur, pour les raisons de propriété intellectuelle que vous pouvez comprendre.
Je suis également préoccupée par le fait que le site Web du nouveau groupe d'experts est hors service depuis une semaine, et je me demande quand on réglera le problème.
Je ne crois pas, parce que j'ai vérifié hier soir vers minuit.
J'aimerais savoir quels neurologues canadiens font partie de ce groupe.
Les neurologues canadiens sont essentiellement les chercheurs qui ont reçu une subvention de la Société canadienne de la sclérose en plaques.
La Dre Brenda Banwell en fait partie. Elle est une des récipiendaires. En fait, ce sont tous les bénéficiaires de subventions.
Merci.
Allez-vous exiger que chaque membre du nouveau groupe d'experts déclare ses conflits d'intérêts?
Vous avez absolument raison. On a discuté de cette question, et nous nous sommes entendus pour que tous les experts signent une déclaration de conflit d'intérêts.
Je vous en remercie.
À l'occasion de la troisième conférence scientifique internationale sur l'IVCC — j'ai assisté aux trois des quatre conférences, car la quatrième s'est tenue une semaine après la troisième —, certains neurologues nous ont appris que l'état de leurs patients s'améliorait. C'est l'élément fondamental.
J'aimerais savoir si vous pouvez fournir au comité les déclarations de ces neurologues. Ont-ils assuré un suivi auprès de leurs patients? Comment les patients ont-ils réagi au traitement? Les améliorations ont-elles été mesurées sur l'échelle étendue d'incapacité de Kurtzke?
Un neurologue canadien réputé a écrit que les veines des personnes atteintes de SP n'étaient pas différentes de celles des personnes en santé. J'aimerais savoir ce que vous en pensez, surtout lorsqu'on sait que le Dr Mark Haacke, des États-Unis, a pu relever 48 différentes anomalies veineuses au niveau de la poitrine, du cou et de la colonne vertébrale.
Il y a également un neurologue qui m'a demandé la semaine dernière: « Qu'est-ce que je réponds à un patient qui me dit qu'il se sent beaucoup mieux après l'intervention, alors qu'en fait, d'après l'échelle de Kurtzke et les images par RMN, son état se serait aggravé? Si je lui dis la vérité, je vais lui briser le coeur. Qu'est-ce que je fais? »
Nous devons être très prudents lorsqu'un patient nous dit « qu'il se sent mieux », car c'est subjectif. Il faut se fonder sur des données objectives.
Mais revenons aux veines. C'est là le problème. D'un côté, on prétend que les veines des personnes atteintes de SP sont très différentes par rapport aux sujets sains, et de l'autre, on affirme n'avoir observé aucune insuffisance veineuse chez les patients atteints de SP. C'est exactement la situation que nous essayons de résoudre.
Veuillez m'excuser, mais j'ai raté le début de votre exposé. J'aurais aimé en entendre davantage. Si je dois vous faire répéter, j'en suis désolée.
Vous dites qu'on accepte de traiter tous les patients. Je me demande comment vous arrivez à faire passer le message dans tout le milieu médical. Il est important que tout le monde soit mis au courant, car nous ne voudrions pas que des patients se voient de nouveau refuser un traitement.
Je suis d'avis que si vous ne vous sentez pas bien, peu importe ce qui en est la cause... Par exemple, il pourrait s'agir d'une personne toxicomane qui a pris de la drogue. Est-ce qu'on doit refuser de la traiter parce qu'elle a pris de la drogue?
Comment ce message est-il transmis? Est-ce quelque chose qui va se reproduire?
C'est un message important. Je communique avec les dirigeants de diverses associations et collèges professionnels pour m'assurer que le message est bien transmis.
Sachez que la plupart des chercheurs du groupe de travail sont médecins. Ils voient donc des patients tous les jours, des patients atteints de la SP, et la plupart d'entre eux sont affiliés aux principales cliniques de SP au Canada. Ce sont eux qui ont lu dans les journaux les allégations selon lesquelles ils refusaient de traiter des patients ayant développé des complications à la suite d'un traitement subi à l'étranger. C'est complètement faux. Ces médecins n'ont jamais entendu leurs collègues dire qu'ils avaient refusé de traiter un patient.
Ce qui s'est produit, par contre, et je pense qu'il faut être clair à ce sujet, c'est que dans certains cas, des patients consultaient un médecin et leur demandaient de passer un examen en particulier. Par exemple, ils croyaient avoir développé une resténose et voulaient qu'on pratique un phlébogramme. Si le médecin jugeait qu'une telle mesure n'était pas justifiée, le patient se plaignait qu'il n'avait pas reçu de traitement — ce qui n'était pas du tout le cas. C'est donc difficile à dire, étant donné que c'est la parole du patient contre la parole du médecin.
N'empêche que ces médecins étaient très contrariés par la situation et ils nous ont demandé de bien faire comprendre aux gens qu'ils ne refuseront jamais de voir un patient, même s'il a été traité à l'étranger.
C'est donc ce que j'essaie de faire aujourd'hui, de vous transmettre ce message.
J'estime que c'est très important.
Je vais justement transmettre le message aux sous-ministres que je vais rencontrer ce jeudi pour leur faire un compte rendu des travaux du groupe d'experts. Il est important que j'en parle.
Je dois également mentionner le fait que le traitement n'est pas aussi sûr qu'on ne l'avait imaginé, même si on nous avait affirmé le contraire. Nous devons donc être très prudents.
Quand vous dites que le traitement n'est pas aussi sûr que vous ne le pensiez, de quoi parlez-vous exactement?
Les IRSC — et nous ne sommes certainement pas les seuls à injecter des fonds dans la recherche sur la SP — ont investi 49 millions de dollars ces 10 dernières années.
Jusqu'à présent, les sociétés canadiennes et américaines de la sclérose en plaques ont versé 2,4 millions de dollars au total aux sept équipes de recherche qui se penchent là-dessus.
Pourriez-vous me dire exactement comment l'argent a été réparti? J'essaie de voir combien d'argent est dépensé à des fins administratives...
Cela dépend. On parle certainement de plusieurs centaines de patients au total. Le nombre de sujets varie d'une étude à l'autre.
Je ne pourrais vous donner le nombre exact.
Permettez-moi de vous rappeler que ces sept études visent à démontrer si un lien existe entre les malformations veineuses, le débit sanguin des veines du cou et la sclérose en plaques, c'est-à-dire s'il y a une prévalence plus élevée d'anomalies veineuses chez les patients atteints de SP par rapport aux sujets sains. En fait, mises à part quelques variations — dans le fait qu'on étudie des enfants et des adultes, et certaines différences dans les protocoles —, toutes ces études comparent un groupe de personnes atteintes de SP avec un groupe de sujets en santé. On examine l'anatomie du réseau veineux et le flux sanguin pour voir s'il y a un blocage. Toutes ces études sont menées à l'insu, de sorte qu'on ignore si le sujet est atteint de la SP ou non. Lorsqu'on brisera l'insu, on verra si l'un des deux groupes présente une prévalence plus élevée de malformations veineuses. C'est le principe.
Il y a une technique d'intervention. Il s'agit d'une méthode diagnostique, qui se veut très importante parce qu'on parle ici d'un autre problème majeur. Nous ignorons complètement quelle est la meilleure méthode pour diagnostiquer cette affection. Est-ce l'échographie, comme le soutient le Dr Zamboni? Est-ce la phlébographie ou l'imagerie par résonance magnétique?
Cela dit, ces projets comparent les diverses techniques. La plupart des équipes de recherche utilisent, comme point de référence, la technique d'échographie du Dr Zamboni pour essayer au moins de reproduire les résultats. En fait, la majorité des équipes de recherche ont envoyé leurs techniciens à Buffalo afin qu'ils reçoivent la formation adéquate pour être en mesure de lire ces images Doppler de la même façon que le Dr Zamboni, et elles s'en servent comme point de comparaison. On les compare avec les résultats du phlébogramme et de la résonance magnétique nucléaire.
Nous voulons trouver la meilleure façon qui soit de diagnostiquer l'affection, de sorte que durant la deuxième phase d'essais, nous saurons exactement quel est le parfait critère d'inclusion et quelle est la norme utilisée relativement au diagnostic.
Merci beaucoup, madame la présidente.
Merci beaucoup, docteur Beaudet, d'être ici aujourd'hui.
Comme vous le savez, dans une autre vie, je traitais des personnes atteintes de sclérose en plaques, et comme beaucoup de gens, je considère qu'il s'agit de vraies personnes, de vraies familles. Vous pourriez peut-être prendre un moment pour parler de l'importance qu'il y a à s'assurer que les données scientifiques sont fiables avant de procéder à ces essais cliniques, et peut-être pour expliquer aux gens qui nous écoutent ou qui nous lisent les risques auxquels ils s'exposent s'ils n'attendent pas les résultats des études.
C'est très clair. Ce traitement n'est pas inoffensif — nous en avons la preuve — et il pourrait entraîner plusieurs complications, et ce, sans que nous puissions prouver une amélioration de l'état des patients. Certaines de ces complications peuvent être graves.
Nous parlons ici d'un risque de coagulation sanguine et de saignements internes. On utilise des anticoagulants avant et après l'intervention chez la plupart des patients. L'insertion d'endoprothèses vasculaires est probablement encore plus risquée parce que, comme vous le savez, les endoprothèses sont conçues pour les artères. Les veines ont des parois très minces et il se peut que le sang ne circule pas aussi rapidement et qu'un caillot se forme.
Ce sont des risques assez importants que nous ne comprenons pas encore tout à fait, étant donné que l'angioplastie veineuse et l'insertion d'endoprothèses vasculaires ne sont pas des pratiques courantes. Nous ne sommes pas trop au fait des complications possibles ni des effets négatifs qui peuvent en découler. Chose certaine, nous devrons mesurer l'innocuité de l'intervention dans le cadre d'un bon essai clinique.
Très bien.
Dans votre déclaration liminaire, vous avez aussi mentionné les associations de recherche avec lesquelles vous êtes en constante communication. Pourriez-vous nous donner l'avis des différentes associations de médecins, les associations de sclérose en plaques et des autres intervenants sur la nécessité... Vous avez affirmé que vous essayiez de démontrer le lien qui existe entre l'IVCC et la SP avant de mener ces essais cliniques.
Qu'est-ce qu'en pensent ces différents experts?
La plupart des sociétés de SP pensent comme nous, particulièrement les sociétés canadiennes et américaines de la sclérose en plaques. La société allemande de la SP, quant à elle, a été très dure à l'égard de la théorie du Dr Zamboni. D'un autre côté, la société internationale a fait une déclaration bien pesée, soulignant l'importance qu'il y a à effectuer d'autres essais cliniques en vue d'établir la validité de l'intervention.
Je pense qu'il faut mentionner qu'en Italie, la société de la sclérose en plaques a commandé une importante étude sur plusieurs milliers de patients, à de nombreux endroits au pays, afin de faire exactement ce que font nos sept équipes de recherche ici. Ces études visent à explorer le rôle possible de l'IVCC dans la SP. Nous sommes donc en contact et nous allons surveiller les résultats de cette étude d'envergure, comme nous le faisons avec les études menées au Canada et aux États-Unis.
En parlant d'Italie, comme c'est le Dr Zamboni le pionnier de cette technique d'intervention, par simple curiosité, j'aimerais savoir s'il a reçu l'autorisation de la pratiquer. Et sinon, pourquoi?
Je pense qu'il s'agit d'une question importante. Tout d'abord, sachez que le Dr Zamboni faisait au départ partie de l'étude d'envergure qui, si je ne trompe pas, s'étendait sur 20 sites en Italie, mais il s'est retiré. Le directeur scientifique de la société italienne de la SP nous a dit qu'il s'était retiré de l'étude parce qu'il avait demandé que les images de tous les sites soient contrôlées par son propre laboratoire, ce que le comité a évidemment jugé inapproprié. Cependant, le Dr Zamboni a demandé une autorisation d'essai thérapeutique, cette fois dans le but d'explorer le traitement. D'autant que je sache, il ne dispose pas des fonds nécessaires pour mener pleinement son étude. Je sais que la province où est établi son laboratoire lui a fourni un peu de financement, mais j'ignore ce qu'il en est de l'approbation d'éthique de cette étude. Il était censé la recevoir au début de décembre. Je ne sais pas s'il l'a reçue.
Le savez-vous? Nous l'ignorons.
La dernière fois que j'ai parlé au Dr Battaglia, le directeur scientifique de la société italienne de la SP, il m'a dit que le Dr Zamboni n'avait toujours par reçu d'approbation d'éthique pour ses études. Il était censé la recevoir au début de décembre. Tout ce qu'on sait, pour l'instant, c'est que le financement que lui verse la province n'est pas suffisant pour réaliser le type d'étude qui permettrait de prouver ou de réfuter l'efficacité du traitement.
Il semblerait qu'on ait réalisé une étude en Suède, et je me demandais si vous en aviez entendu parler, premièrement, puis si vous pouviez nous donner plus de détails sur le processus et les résultats de cette étude.
Absolument. Des études menées en Suède et en Allemagne ont révélé des résultats très différents de ceux obtenus par le Dr Zamboni, comme vous l'avez dit, Kirsty, plus tôt. En fait, on a déterminé que l'anatomie veineuse des patients atteints de SP n'était pas différente de celle des sujets sains.
Je ne m'en souviens pas. Je ne veux pas avancer de chiffres. Je n'ai pas une mémoire des chiffres; je n'arrive même pas à retenir mon propre numéro de téléphone. Je ne m'aventurerai donc pas là-dedans.
Cependant, je peux vous dire que c'est la raison pour laquelle nous menons ces études. Lorsqu'une théorie suscite une telle controverse, et lorsque des conclusions sont aussi contradictoires, il faut absolument mettre au point un protocole rigoureux. Ce qui est bien avec ces études, c'est qu'on compare plusieurs méthodes diagnostiques pour déterminer si, d'une part, il y a un problème lié à l'anatomie et, d'autre part, s'il y a un problème avec le débit sanguin qui pourrait jouer un rôle dans la sclérose en plaques.
Merci, docteur Beaudet.
Nous allons maintenant enchaîner avec un tour de cinq minutes. Madame Duncan, vous avez la parole.
Merci, madame la présidente.
Et merci aussi au Dr Beaudet d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais revenir sur quelques observations. Chose certaine, il n'y a pas suffisamment de suivi. Je vous ai donné un exemple; je peux vous donner beaucoup d'autres exemples de patients qui ont vu leurs rendez-vous annulés et qui se sont fait dire qu'ils ne pourraient plus consulter leurs spécialistes. Des examens, qui devaient être effectués tous les six mois relativement à des médicaments, ont été annulés, et les gens qui ont eu des problèmes de coagulation se sont vu refuser un traitement.
J'aimerais parler de la mise sur pied du groupe d'experts dont on a discuté à la réunion du 26 août. J'aimerais que le groupe d'experts soit composé de spécialistes de l'imagerie et de l'intervention dont il est question. Je sais qu'on craint de biaiser l'échantillonnage. Cela dit, il y a des gens au sein de ce groupe qui n'ont pas cessé de critiquer le traitement depuis plus de six mois. Il faut absolument que les médecins puissent s'appuyer sur des données tangibles ici au Canada. Nous devons établir des protocoles en ce qui a trait à l'imagerie, que ce soit par échographie ou par résonance magnétique. Nous devons savoir si nous allons utiliser des endoprothèses. Nous devons établir ces protocoles.
Comme vous le savez, je suis préoccupée par le fait qu'on répète les mêmes études. J'ai assisté aux conférences internationales, et sachez que les chercheurs de la Bulgarie, du Canada, de l'Italie, du Koweït et des États-Unis ont tous présenté des résultats semblables, à savoir que 87 à 90 p. 100 de leurs patients atteints de sclérose en plaques présentaient des anomalies veineuses à la suite d'une échographie ou d'une résonance magnétique. Maintenant, on se retrouve avec une observation aberrante à Buffalo, et on doit se pencher sur les résultats obtenus. De quelle façon a-t-on entrepris l'étude? A-t-on formé quelqu'un sur les opérations? On doit également examiner les parents de premier degré car nous savons qu'il y a une prédisposition génétique. Ce sont donc les questions qui se posent.
M. Carrie a mentionné les études entreprises par Doepp et Sundström. Il faut se mettre en contexte. Ces documents ont été publiés en six semaines. C'est assez inhabituel dans le domaine des sciences. Des 381 patients ayant subi une angioplastie, c'est-à-dire le traitement par excellence, aux mains du Dr Simka, de Pologne, 97,1 p. 100 présentaient une ou plusieurs anomalies veineuses.
Je vais m'arrêter ici.
Votre question comporte plusieurs éléments. Je tenterai de tous les aborder rapidement.
Tout d'abord, je dois souligner qu'il est primordial que vous vous souciiez de ce dossier et que vous continuiez d'insister sur la nécessité d'avoir une médecine factuelle.
C'est la base de la pratique de la médecine au pays, et parfois, ce n'est pas évident. On estime que très peu d'options s'offrent à nos patients à l'heure actuelle. Honnêtement, la dernière chose que je veux faire, c'est blâmer les patients, parce que je les comprends. Notre rôle est de leur expliquer pourquoi nous estimons qu'ils ne devraient pas aller se faire traiter à l'étranger à ce stade-ci de l'étude.
Je crois sincèrement que la majorité des médecins ne refuseront jamais de voir un patient qui est malade et qui a besoin d'être suivi, peu importe si...
Vous avez peut-être raison, mais je peux vous dire que c'est inacceptable; nous ne tolérerons pas ça, et comme je l'ai dit, nous nous efforcerons de convaincre les associations et collèges professionnels de l'importance qu'il y a à suivre ces patients. La seule chose que je peux vous dire c'est que les membres du groupe de travail — dont la plupart sont médecins — ont dit qu'ils ne refuseraient jamais de voir un patient, même si bon nombre de leurs patients ont subi un traitement à l'étranger. Mais c'est une réalité et nous n'allons pas l'accepter. Il faut y remédier et c'est pourquoi on doit faire passer ce message.
En ce qui concerne la composition du groupe de travail dont on a discuté en août, je ne voulais pas vraiment revenir là-dessus, mais puisque vous en avez parlé, sachez que nos critères étaient très simples. Nous avons convoqué des scientifiques qui étaient financés par les IRSC ou par l'Institut national de la santé des États-Unis. C'était simple et clair. Ils ont tous...
On a accordé beaucoup d'attention à l'insuffisance veineuse céphalorachidienne chronique. J'ai appris dans le journal aujourd'hui — je suis un vrai lève-tôt et je fais partie de ces êtres étranges qui lisent vraiment le journal avant d'aller travailler — l'existence d'un nouveau médicament, qui s'appelle RXR-gamma, je crois.
Pourriez-vous nous parler des autres développements en cours dans la recherche sur la sclérose en plaques dans le monde?
En fait, il y en a plusieurs. Un article a été publié hier sur une étude révolutionnaire réalisée par un groupe britannique, qui utilise des cellules souches pour régénérer la myéline des fascicules démyélinisés. Plusieurs médicaments sont à l'étude, dont l'un a été récemment approuvé par Santé Canada. Nous avons appris lors de la conférence d'août que plusieurs autres font l'objet d'études. Tant que les essais ne sont pas terminés, on ignore si les médicaments feront effet ou à quel point ils seront efficaces. Mais ce n'est pas comme si rien ne s'en venait.
Deux voies s'offrent donc à nous: celle des produits pharmacologiques et celle des cellules souches. Sam Weiss effectue d'excellents travaux à ce sujet à l'Université de l'Alberta.
Je me souviens que dans les cours d'anatomie, nous avons beaucoup étudié le système veineux, particulièrement à la base du crâne et à la partie supérieure de la colonne vertébrale. On m'a dit à l'époque qu'il y avait beaucoup de « variance normale ». Je me demande si dans cette salle il y a quelqu'un qui connaît ces tests...
Quelle est la différence entre une variance normale et anormale? Le savez-vous?
Il s'agit de l'un des aspects centraux.
Sachez que deux problèmes se posent. Nous ne nous sommes pas beaucoup préoccupés des variations anatomiques des veines du cou jusqu'à ce que ce phénomène se produise. Voilà le problème. Et pourquoi ne nous sommes-nous pas inquiétés? C'est en raison de l'importante redondance du nombre de veines et de la capacité d'écoulement, qui est normale. Les veines doivent pouvoir assurer l'écoulement, que l'on soit assis, à l'envers ou debout. Le système veineux du cou est d'ailleurs souvent appelé le « delta du Nil », car même si l'on obstrue les canaux secondaires, l'écoulement se fait parfaitement. Et c'est là un des points importants.
Ainsi, même s'il existe un certain nombre de différences anatomiques entre les patients, nous devons nous assurer que a) ces différences sont réellement et systématiquement plus nombreuses que lors des tests et b) elles nuisent vraiment à l'écoulement. Voilà pourquoi certaines des techniques qui seront employées dans les sept études dont je continue de parler devraient nous permettre de glaner certaines informations sur le débit sanguin et l'anatomie.
Il y a également deux groupes qui effectuent des autopsies sur des patients afin d'étudier l'anatomie veineuse bien plus en détail que nous l'avons fait jusqu'à présent. Ils procéderont par moulage, en injectant du silicone dans le système veineux afin de pouvoir effectuer des mesures extrêmement précises. Ils compareront ensuite — je ne peux pas parler de contrôle de santé, car les sujets sont décédés — mais ils compareront les personnes normales à d'autres qui sont mortes de la SEP.
Vous avez parlé du processus que vous avez instauré, qui semble fort impressionnant. Vous nous avez dit que vous réunissiez les chercheurs, en nous précisant qu'ils avaient ainsi l'occasion d'apprendre, d'échanger et de révéler de l'information.
Je me demandais comment ce nouveau processus de recherche révolutionnaire allait profiter au milieu de la recherche sur la SEP et aux patients atteints de cette maladie?
Les patients en bénéficieront certainement. Le travail avance plus rapidement, puisque les intervenants mettront leur expérience en commun. Je qualifierais ce processus de microcosme de ce qui se passe de plus en plus dans le milieu scientifique. Il y a toujours un mélange de collaboration et de concurrence, mais cette dernière l'emporte, car nous réalisons que face à des questions complexes, nous sommes bien mieux équipés pour les résoudre si nous collaborons au lieu de nous faire concurrence.
Je suis désolé, mais nous devons nous arrêter ici.
Docteur Beaudet, je dois vous dire que c'est un honneur de vous compter parmi nous.
Savez-vous ce que je viens de réaliser? C'est que les très importants travaux du sous-comité ont favorisé la sensibilisation et l'établissement d'un dialogue productif sur la question. C'est une bonne chose que les divers pays effectuent des études différentes. Comme cette communauté médicale ou scientifique est disposée à collaborer, nous pouvons obtenir les réponses que nous voulons au lieu de tenir des débats politiques sur le sujet.
Voilà ce qui est vraiment important et ce que veut le comité. On pose d'excellentes questions ce matin.
Sur ce, je vais suspendre la séance quelques instants, après quoi nous entamerons notre deuxième partie, au cours de laquelle nous entendrons la Société Alzheimer.
Je demanderais à chacun de regagner sa place.
Certains témoins ne sont pas encore arrivés. Les agents de sécurité se montrent parfois un peu pointilleux; il se peut donc que quelques personnes arrivent plus tard. Mais si nous ne commençons pas, nous ne viendrons pas à bout de tout ce qui nous reste à faire. Nous allons donc commencer et consigner le tout dans le compte rendu.
Nous accueillons donc la Société Alzheimer du Canada, représentée par Deborah Benczkowski, chef de la direction nationale par intérim. Bienvenue, Deborah. Le Dr Jack Diamond, directeur scientifique, se joindra bientôt à nous.
Une voix: Il est là.
La présidente: Je vous ai appelé, docteur Diamond. Je suis contente que vous soyez arrivé.
Vous savez, j'ai été enseignante pendant environ 23 ans au premier cycle du secondaire et j'ai toujours pris soin de prendre note des personnes qui... je ne fais que vous taquiner.
Je n'ai pas besoin d'en savoir tant, Docteur Diamond.
Nous sommes toutefois ravis que vous soyez là. Et moi qui accusait la sécurité de vous retenir.
Nous accueillons également Jim Mann, membre du conseil d'administration de la Société Alzheimer du Canada. Bienvenue. Je crois comprendre que nous attendons M. Robert Lester, qui arrivera incessamment.
Nous entendrons également Shannon MacDonald, directrice, Politiques et partenariats, Organismes caritatifs neurologiques du Canada. Je vous souhaite la bienvenue. Nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui.
Nous allons commencer par des exposés de cinq à 10 minutes. Je vous accorderai une certaine latitude, mais je ne vous laisserai pas parler plus de 10 minutes, sinon nous manquerons de temps.
Nous commencerons par Deborah Benczkowski. Merci.
Je suis ravie d'être ici, madame la présidente. Je tiens à remercier tous les membres du comité d'avoir offert à la Société Alzheimer du Canada l'occasion de témoigner aujourd'hui.
Avant de commencer, sachez que ces dernières semaines, j'ai eu l'immense plaisir d'être ici, à Ottawa, pour rencontrer de nombreux députés de la Chambre des communes. J'ai notamment effectué quelques visites sur la colline parlementaire avec mes collègues de la Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé, où nous avons passé récemment une journée.
Nous sommes venus à Ottawa pour parler avec les parlementaires de trois aspects d'une importance capitale pour notre organisation: le besoin d'établir une stratégie nationale en matière de démence; la nécessité d'augmenter le financement accordé aux Instituts de recherche en santé du Canada; et la prise de certaines mesures pour améliorer la sécurité du revenu dans le domaine de la santé. Ce sont tous des aspects d'une extrême importance pour ceux qui soignent les personnes atteintes de démence.
Dans l'ensemble, je suis très encouragée par l'accueil que nos requêtes ont reçu à Ottawa. J'espère que les travaux du comité et des députés du Parlement — dont vous faites presque tous partie — se traduiront par des avantages concrets pour les Canadiens atteints de maladies neurologiques.
La maladie d'Alzheimer n'est pas un mal que l'on peut ignorer, car elle a des répercussions terribles sur les personnes atteintes et les proches qui en prennent soin. Il est fort possible que l'un d'entre vous connaisse une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer ou d'une forme voisine de démence. Peut-être en avez-vous subi les effets, en raison d'un ami, d'un parent, d'un collègue ou de quelqu'un avec qui vous travaillez. La maladie d'Alzheimer touche de plus en plus de gens chaque année, et le nombre de cas continue de progresser à cause du vieillissement de la population.
La maladie d'Alzheimer est une forme de démence dont on ne connaît ni la cause ni le remède. C'est une maladie mortelle, dont on ne guérit pas. Les gens peuvent vivre cinq à sept ans après avoir reçu un diagnostic. C'est également une maladie dégénérative, qui prive les gens de leur intellect, de leur identité, de leur indépendance et de leur dignité.
On compte actuellement 500 000 personnes atteintes de cette maladie ou d'une forme voisine de démence au Canada. Nous savons que ce chiffre fera plus que doubler d'ici une génération; on peut donc imaginer ce que ce sera en 2038.
Même si bien des aspects de la maladie nous échappent encore, nous avons appris qu'elle provoque un déclin progressif de nombreuses facultés, dont la mémoire, le raisonnement, la capacité à communiquer et les compétences nécessaires à l'accomplissement des activités quotidiennes. Outre ce déclin, bien des personnes développent malheureusement des symptômes psychologiques, comme la dépression et des changements d'humeur et de comportement, lesquels peuvent compliquer sérieusement le type de soins requis.
Même si le nombre de personnes atteintes de démence au Canada et les coûts qu'engendre cette maladie sont considérables, les répercussions que cette maladie a sur les malades et leurs familles sont également terribles.
Selon nous, la maladie d'Alzheimer et les autres formes de démence ne devraient plus être considérées — à tort — comme des conséquences inévitables du vieillissement. En outre, il n'est plus acceptable de continuer de prétendre que l'on ne peut rien faire.
La maladie d'Alzheimer est pour la société un défi colossal, un défi qui ne fera que grandir au fil du temps. L'étude de la Société Alzheimer intitulée Raz-de-marée — que vous avez tous eu, j'espère, l'occasion de lire et que je serai heureuse de vous envoyer si ce n'est pas le cas —, nous indique que la démence engendre actuellement un coût annuel de 15 milliards de dollars, un chiffre qui pourrait atteindre plus de 150 milliards de dollars par année d'ici une génération si le gouvernement n'intervient pas.
Je sais que l'on vous a déjà indiqué que ceux qui prennent soin des personnes atteintes de démence subissent les contrecoups de la maladie d'une manière toute particulière. J'ai entendu dire que si l'on connaît une personne atteinte de démence, cet aspect accapare toute la place et toute votre attention.
Il importe de savoir que l'on peut appuyer les personnes atteintes de la maladie de bien des manières, et les aidants doivent souvent essayer quelques techniques et stratégies afin de voir ce qui fonctionne dans leur cas. Chaque personne est unique.
Les coûts de renonciation cumulatifs pour les aidants naturels qui s'occupent de personnes atteintes de démence pèsent lourdement sur notre économie. Comme vous le savez déjà, ce fardeau ne se limite pas aux familles des personnes atteintes de démence. Celles atteintes de la maladie de Parkinson, de sclérose en plaques, de sclérose latérale amyotrophique et d'autres troubles neurologiques ont également besoin d'un soutien considérable de la part de leurs proches ou d'autres aidants naturels, qui doivent assumer un coût économique substantiel.
Pour résoudre ces problèmes, la Société Alzheimer préconise l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre tous les troubles neurologiques. Pour parler en termes de politique publique, il nous semble que les décideurs en poste à Ottawa aient fait bien peu de cas de la maladie d'Alzheimer et de nombreux autres troubles neurologiques. Il n'existe aujourd'hui aucune stratégie nationale ou fédérale concernant la maladie d'Alzheimer, et les programmes, le financement de la recherche, le soutien et l'aide au revenu qu'offre le gouvernement fédéral ne sont rien en regard des coûts et des impacts considérables que cette terrible maladie a sur les plans de la santé, de l'économie et de la société, des coûts et des impacts qui s'accroissent rapidement.
Je félicite tous les membres du comité pour l'étude réalisée sur l'état de la recherche et les répercussions des troubles neurologiques sur les familles canadiennes. La Société Alzheimer vous demande instamment de recommander, dans le rapport que vous présenterez au Comité permanent de la santé, l'adoption d'une stratégie nationale concernant les troubles du cerveau afin d'établir une approche coordonnée pour aider tous ceux qui sont atteints de ces maladies.
La Société Alzheimer a uni ses efforts avec les Organismes caritatifs neurologiques du Canada et ses membres, qui sont maintenant au nombre de 24, je crois.
La stratégie nationale des troubles du cerveau, qui viserait à améliorer de façon notable la recherche, la prévention et les services de soutien, aurait simplement pour objectif de servir de catalyseur pour changer la manière dont on considère et soigne les personnes atteintes de troubles neurologiques au Canada.
Certains politiciens nous ont indiqué que l'on était peu enclin à élaborer une autre stratégie nationale en matière de santé. Nous savons pourtant que ces stratégies sont fort efficaces et ont été développées pour tout un éventail de problèmes de santé, dont un bon nombre ont moins de répercussions sur la santé des Canadiens que les troubles neurologiques.
Nous savons qu'un raz-de-marée s'en vient. Nous savons que c'est maintenant qu'il faut agir. Jamais il ne sera aussi important ou aussi urgent d'élaborer une stratégie nationale concernant les maladies du cerveau.
Merci.
Merci. Je suis heureux de témoigner.
Je m'efforcerai aujourd'hui de vous convaincre que c'est le moment d'investir davantage dans la recherche. Je me fais une spécialité de démystifier les choses, et, si vous le voulez bien, c'est ce que vais faire avec la maladie d'Alzheimer.
Je vous rappellerai qu'il y a cent ans, le Dr Alzheimer soignait une patiente atteinte de ce que l'on appelait alors la démence sénile et que l'on a rebaptisé depuis maladie d'Alzheimer. Quand cette patiente, qui n'avait que 49 ans, est décédée quelques années plus tard, il a fait quelque chose de relativement nouveau à l'époque: il a examiné son cerveau au microscope et y a découvert des anomalies. On aurait dit que le cerveau avait été saupoudré de poivre. Au microscope, il voyait que le cerveau était parsemé de petits points, qu'il a appelés « plaques ». Il a ensuite examiné l'intérieur des cellules nerveuses, invisible à l'oeil nu, mais visible au microscope. Elles ressemblaient à des pelotes de laine qui commencent à se défaire, ce qui leur a valu le nom opportun d'« écheveaux ». Les plaques et les écheveaux ainsi observés sont souvent appelés les caractéristiques de la maladie d'Alzheimer.
Au cours du siècle qui s'est écoulé depuis, nous avons découvert que les plaques sont tout d'abord constituées d'une protéine appelée bêta-amyloïde — il importe peu que vous vous en rappeliez ou non. Il s'agit d'une protéine normale, présente dans tous les cerveaux; mais dans le cas de la maladie d'Alzheimer, sa concentration augmente et augmente jusqu'à ce que les molécules commencent à s'agglutiner et finissent par se déposer en plaques. Les écheveaux qu'il a détectés dans les cellules nerveuses tendent à apparaître plus tard. On a enfin découvert que la vraie toxicité n'était pas attribuable tant aux plaques comme telles qu'aux molécules, avant même qu'elles aient commencé à s'agglutiner et à former des plaques. En fait, elles deviennent toxiques à mesure qu'elles se regroupent.
J'espère que ce laïus vous permettra de comprendre pourquoi la recherche sur la maladie d'Alzheimer a visé principalement à éliminer cette protéine suspecte, cette amyloïde qui s'accumule. En l'éliminant, on évite l'effet toxique sur les cellules nerveuses, la formation des écheveaux, le dépérissement et la mort des cellule, et la démence.
Voilà pourquoi la démence et le cerveau ont été au centre des efforts de recherche jusqu'à il y a un an et demi à deux ans. Nous en sommes maintenant à la croisée des chemins. Je vais vous expliquer la situation en vous parlant de quelques phénomènes, et vous verrez immédiatement de quoi il en retourne.
Les chercheurs ont tout d'abord examiné un grand nombre de personnes très âgées qui, à 90 ou 100 ans, n'étaient pas atteintes de démence. Or, même si elles n'avait pas de démence, leurs cerveaux étaient pleins de plaques et d'écheveaux. Si un pathologiste avait examiné leurs cerveaux, il aurait déclaré qu'elles étaient atteintes de la maladie d'Alzheimer. Eh bien, elles l'étaient, mais elles n'avaient pas développé de démence. Or, c'est cette démence — et le sort évoqué par Debbie — qui nous préoccupe. Peu m'importe ce qui se trouve dans mon cerveau tant que je ne deviens pas dément.
La deuxième observation a été faite il y a 10 ans. L'une des méthodes pour se débarrasser de cette protéine suspecte consistait à administrer un vaccin afin de créer des anticorps. Ces derniers circulent dans l'organisme, reconnaissent les molécules, les virus ou les autres particules dangereuses, et les neutralisent. Le système immunitaire élimine ensuite le produit ainsi éliminé.
On a donc mis au point un vaccin. Comme il s'est révélé efficace sur les animaux, on l'a essayé sur des humains. Après deux années d'essais, certaines personnes ont commencé à développer une inflammation potentiellement mortelle du cerveau. Partout dans le monde, les études sur le vaccin ont cessé. Mais comme les sujets ne sont pas morts, les essais ont repris. Quand certaines personnes sont décédées, les chercheurs ont examiné leurs cerveaux et ont constaté que le vaccin avait fait effet. Les plaques avaient pratiquement disparu. Ils avaient pour ainsi dire guéri la maladie d'Alzheimer, mais pas la démence.
On constate de plus en plus que les caractéristiques traditionnelles de la maladie d'Alzheimer dans le cerveau ne vont pas nécessairement de pair avec la conséquence que nous craignons, la démence. Tout étonnant que cela puisse paraître, nous avons maintenant réalisé que trois ou quatre signes, qu'Alzheimer n'avaient pas détectés dans le cerveau, mais que d'autres avaient repérés et étudiés depuis, sont également des symptômes caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. Ils n'étaient toutefois pas le point de mire de la recherche. On s'y intéresse maintenant de toute urgence, pas seulement à éliminer l'amyloïde, comme c'est le cas depuis 10 ans, mais également à s'attaquer à ces autres aspects.
Pour vous donner un exemple de ces autres aspects, sachez que pour chaque neurone, le cerveau compte 10 cellules gliales, des sortes d'intendantes qui possèdent toutes l'intelligence dans le cerveau. Les neurones sont en fait un peu stupides et ne peuvent pas faire grand-chose. Comparées aux cellules cutanées, elles font vraiment figure d'idiotes. Si elles se portent si bien, c'est à cause des intendantes, qui leur dictent tout ce qu'elles doivent faire: poursuivre ou de cesser leur croissance, produire de nouvelles dendrites ou établir de nouvelles connexions.
Les cellules gliales sont donc de petites futées, et on a maintenant découvert que la maladie d'Alzheimer nuit à leur fonctionnement. Si elles sont les cibles principales de la maladie, vous comprendrez pourquoi les neurones dépérissent et meurent. Ce n'est là qu'un exemple des nouvelles avenues que l'on emprunte en recherche, et c'est très prometteur.
L'un des principaux objectifs de la Société Alzheimer actuellement consiste à former les chercheurs de demain. Nous offrons à cette fin un programme de formation des plus dynamiques. Ces chercheurs sont résolument prêts à commencer leur carrière en participant à ce nouvel élan que connaît la recherche sur la maladie d'Alzheimer — lequel, je crois, nous mènera à un traitement — et aux travaux de recherche traditionnels. Mais bien sûr, nous ne pouvons y parvenir s'ils n'ont pas d'argent pour effectuer les recherches.
Actuellement, 40 p. 100 des centaines de demandes soumises par la plupart des organismes obtiennent du financement — même si ces organismes voudraient financer les 60 p. 100 restant. C'est le cas pour nous et les Instituts de recherche en santé du Canada. C'est là qu'il faut investir.
Ces chercheurs sont jeunes, prêts à se lancer avec enthousiasme dans la recherche sur la maladie d'Alzheimer — mais ils ne peuvent obtenir de financement.
Je crois que je terminerai mon propos sur la réflexion suivante: nous pouvons vraiment lutter contre cette maladie simplement en investissant dans la recherche.
C'est une pensée bien profonde. Je vous remercie.
Soit dit en passant, Dr Diamond, j'ai dit cela parce que vous nous avez donné une excellente description de la maladie. Vous nous avez entraînés dans les méandres du cerveau d'une manière compréhensible et abordable. Nous avons maintenant une bonne idée de ce qui se passe, et nous vous en remercions.
Nous entendrons maintenant M. Jim Mann, membre du conseil d'administration.
Merci, madame la présidente. Je remercie également les membres du comité de tenir des audiences sur la question importante qu'est la maladie d'Alzheimer et la démence.
Compte tenu de l'augmentation des cas de démence et des répercussions sur les familles, les employeurs et l'économie, dont il est question dans le rapport intitulé Raz-de-marée, cette séance arrive à point nommé. Les chiffres sont terribles, mais la maladie l'est tout autant pour chaque personne. Je le sais car je suis atteint de la maladie d'Alzheimer. J'avais 58 quand j'ai reçu le diagnostic officiel.
Aujourd'hui, je suis heureux d'avoir l'occasion de personnifier cette maladie, de lui donner un visage et de détruire le stéréotype de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer. Vous la connaissez, cette image qui vient à l'esprit quand vous apprenez que quelqu'un a cette maladie. Pour bien des gens, il s'agit d'une personne de 80 ans bien sonnés aux derniers stades de la maladie. Eh bien, j'ai lu quelque part que l'on avait trouvé récemment une femme de 39 ans atteinte de la maladie. J'ose affirmer que le stéréotype de la personne atteinte de la maladie d'Alzheimer est loin d'être fidèle à la réalité.
Mais permettez-moi de donner un tour personnel à cette rencontre en vous parlant un peu de moi. Ma nouvelle réalité s'est fait jour en février 2007, quand mon médecin m'a informé que j'avais la maladie d'Alzheimer. C'est le moment officiel auquel mon voyage a débuté, mais il y avait eu des signes avant-coureurs bien avant.
Se peut-il que mes symptômes remontent à aussi loin que les années 1990, quand je travaillais ici, à Ottawa? Je n'en serai jamais certain, mais je me souviens qu'en quelques occasions, quand je parlais à un député, j'étais incapable de me souvenir de son nom ou de son allégeance politique. Je regardais frénétiquement aux quatre coins du bureau pour trouver des indices sur l'identité de mon locuteur, mais en vain. Où était la photographie du député et de son chef quand j'en avais besoin? Inutile de dire que la réunion ne durait pas aussi longtemps que prévu et ne laissait pas une impression des plus favorables.
Mais j'ai continué. Quand j'ai pris ma retraite, je suis parti avec ma conjointe, qui m'accompagne aujourd'hui, pour retourner vivre dans ma ville natale de Vancouver, où j'ai lancé mon entreprise. Et les signes avant-coureurs ont continué de se manifester. Environ trois ans avant de recevoir mon diagnostic, mon entreprise était au point mort et je ne faisais plus d'argent, ce qui n'est pas un modèle économique exemplaire. En fait, un an ou deux avant que le diagnostic ne soit prononcé, j'ai indiqué à mon médecin, au moment de sortir de son bureau, que nous devions parler de mes troubles de mémoire. Nous ne l'avons pas fait, jusqu'à ce que je m'oblige à affronter la réalité, la dure réalité qui était la mienne quand je me tenais au milieu d'un aéroport régional en me sentant comme si c'était mon premier jour d'école: j'étais si confus que j'en pleurais presque. Ou quand je partais en voiture et qu'une minute plus tard, je ne me rappelais plus de ma destination et de l'objet de mon déplacement; je devais parfois me ranger dans l'accotement pour me reprendre.
Vous comprendrez, j'espère, que ces pertes de mémoire avaient des répercussions sur ma vie quotidienne. Il ne s'agissait pas d'oublier momentanément l'endroit où j'avais rangé mes lunettes ou mes clés; c'étaient des oublis graves et effrayants. C'est ce qui m'a finalement ramené dans le cabinet de mon médecin, où j'ai commencé mon voyage vers la démence, que je poursuis depuis plus de trois ans — et croyez-moi, ce ne sont pas des vacances.
On m'a demandé pourquoi je voulais obtenir un diagnostic alors que la maladie est incurable. C'est qu'en connaissant le diagnostic, je peux planifier l'avenir tant que j'en suis encore capable. C'est pour être proactif et maîtriser mon avenir. De plus, la pose d'un diagnostic précoce de la maladie d'Alzheimer ou d'une forme voisine de démence permet d'intervenir rapidement pour stabiliser ou ralentir le taux de dégénérescence. On peut s'informer sur la maladie et apprendre, par exemple, que la socialisation et l'activité physique comme la marche constituent d'excellents programmes.
Comment me suis-je adapté? Sachez tout d'abord que les rappels sont quotidiens. Désorienté dans le quartier que j'habite depuis 17 ans, je me retrouve parfois sur une rue que je n'avais pas pensé emprunter en me promenant avec mon chien. Après le premier incident, je me suis inscrit immédiatement au registre Sécu-Retour de la Société Alzheimer. Alors qu'autrefois, j'adorais brasser des affaires qui me stimulaient et que je m'épanouissais dans cet environnement, je suis extrêmement limité dans mes activités quotidiennes. Est-ce frustrant? Oh que si!
Après 14 ans d'activités, mon entreprise a été fermée, car il m'est impossible de travailler. J'utilise la cuisinière seulement lorsque ma femme est à la maison et je ne conduis plus de voiture. J'emporte toujours des notes avec moi, par exemple, pour savoir où descendre de l'autobus et ce que je dois faire quand j'arrive à destination. Autrement, la vie continue, et j'essaie de rester actif.
Je siège comme bénévole aux conseils d'administration de la Société Alzheimer du Canada et de la société de la Colombie-Britannique. De plus, je suis retourné à ma première passion, qui consiste à sensibiliser les gens, par le présent témoignage ou en discutant avec mon voisin dans l'autobus ou l'avion. Une minute me suffit pour enseigner que les gens atteints d'Alzheimer ou de démence ont une contribution à apporter à la société et que l'Alzheimer n'est pas une maladie de vieux.
Grâce à mon histoire, je souhaite qu'on voie la démence autrement et qu'on se passe le mot.
Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de vous donner un aperçu de ma vie avec l'Alzheimer et de faire de la sensibilisation.
Merci beaucoup, monsieur Mann. En effet, vous nous sensibilisez au problème. Je me demande combien de gens sont aux prises avec ce genre de situation, sans avoir le courage de prendre leur avenir en main, comme vous le faites. Je pense que votre exposé est extrêmement important pour nous, car on ne sait jamais qui sera la prochaine victime de la maladie. Merci.
Passons au Dr Robert Lester.
Bonjour, merci beaucoup de m'avoir invité.
Je vais répéter bien des choses que nous venons d'entendre. Fait intéressant, je vais également parler d'un voyage. À ce propos, j'ai écrit un ouvrage qui s'intitule A Journey into Dementia —The Absence of Presence. Cela dit, permettez-moi de me présenter. Je suis professeur émérite en médecine à l'Université de Toronto. Jusqu'à tout récemment, j'étais premier vice-président et premier responsable médical à l'hôpital Sunnybrook. Actuellement, je suis aussi consultant pour l'Association des hôpitaux de l'Ontario. Je le dis seulement pour montrer que, même s'il est facile de trouver un spécialiste, les ressources sont bien peu nombreuses pour effectuer le voyage dans la démence.
Je m'intéresse à la démence depuis que ma femme est aux prises avec une démence frontotemporale avancée. Mes 45 années de travail dans la santé et l'expérience que j'ai acquise en m'occupant de ma femme malade me permettent, je crois, de prendre aujourd'hui la parole sur le sujet.
Plusieurs maladies qui s'attaquent au cerveau conduisent à la démence et l'Alzheimer n'est qu'une d'entre elles. En effet, ces maladies ne font pas partie du processus normal de vieillissement et personne n'est à l'abri. Le diagnostic de ma femme est tombé à 62 ans et, à bien y penser, le processus a sans doute commencé au milieu de la cinquantaine. La démence fait perdre la mémoire, altère la personnalité, empêche de penser et rend impossibles des tâches quotidiennes simples, comme manger ou s'habiller. Elle vole l'indépendance et finit par emporter la personne atteinte.
Ma femme Judy, qui vient d'avoir 70 ans, doit désormais se déplacer en fauteuil roulant. Elle est incontinente, incapable de parler et de se nourrir et elle ne nous reconnaît pas, ni moi, ni ses enfants, ni ses petits-enfants. J'ai toujours pensé qu'il n'y avait rien de pire que de perdre un être cher à cause du cancer ou d'une maladie du coeur. Je comprends maintenant que, même si cela doit être très pénible, il y a une fin et que la vie peut continuer, dans une certaine mesure. Pour ma part, je trouve bien plus difficile de voir Judy perdre ses facultés peu à peu depuis plusieurs années. On dirait que la mort gagne constamment du terrain.
Le seul point positif tient à ce qu'elle n'a peut-être pas conscience de ce qui lui arrive, du moins je l'espère ardemment. Mais d'une certaine façon, je prie pour que le contact physique et l'amour reçu la réconfortent. Même si c'est très difficile, il nous importe de nous rappeler la femme, la mère, l'amie et la professionnelle accomplie qu'était Judy. Nous nous efforçons de la respecter pour ce qu'elle était et, ce qui n'est pas à négliger, pour ce qu'elle est devenue.
Les cas de démence augmentent à un rythme inquiétant. Il y a un nombre croissant de familles et de soignants concernés. Chaque patient qui souffre de démence a une incidence directe sur 10 à 12 personnes.
Compte tenu de la tendance, chacun de vous sera sans doute concerné par la maladie. Si vous n'êtes pas vous-mêmes atteints de démence, ce pourrait être la famille immédiate, comme la personne avec qui vous êtes marié ou un parent. La prise en charge d'un malade est une épreuve très dure pour les proches. Les aidants naturels sont le pilier caché et invisible du système de santé au Canada et les soins qu'ils donnent représentent plus de 5 milliards de dollars. Il est difficile et éprouvant de s'occuper d'une personne qui souffre de démence. Cela entraîne souvent des problèmes financiers, psychologiques et physiques et alourdit le fardeau des programmes sociaux et du système de santé. À l'heure actuelle, il me coûte environ 70 000 $ par année pour donner à ma femme les soins qu'elle mérite.
Permettez-moi de donner un autre exemple. Ma femme séjourne dans un établissement de soins de longue durée de renommée mondiale. Néanmoins, la grande majorité des patients reçoivent des soins d'aidants naturels, en raison des réductions de personnel. Dernièrement, un homme qui passe plusieurs heures par jour à s'occuper de sa femme m'a dit, les larmes aux yeux, qu'il comprenait ses responsabilités, mais que les jours devenaient interminables et qu'il était très fatigué. Il m'a rappelé ce que doivent supporter de nombreux aidants naturels. Aux trois stades de la démence, on a associé trois stades par lesquels passent les aidants naturels. Tout d'abord, on ressent la surprise, la peur, le déni, la confusion et la tristesse. Ensuite, il y a la frustration, la culpabilité et le ressentiment.
Lorsque j'ai appris ce dont souffrait Judy, j'étais d'abord dans le déni. Cela ne pouvait pas nous arriver. Judy était si intelligente et radieuse. J'étais certain que la maladie n'aurait pas d'influence sur nos vies avant bien des années. Cependant, je me trompais. La maladie a progressé, et la colère a remplacé le déni. Pensez à toutes les années que nous avons passé à travailler, à planifier la retraite, les voyages et la vie en commun et à nous imaginer prendre du bon temps avec nos enfants et petits-enfants. Il faut faire le deuil de tout cela.
Alors que la maladie de Judy progresse lentement mais sûrement, le désespoir et la tristesse remplacent la colère. J'ai entendu parler de la perte ambiguë il y a très peu de temps. Même si une perte comporte toujours sa part d'ambiguïté, la situation est particulièrement difficile pour ceux qui ne peuvent pas faire leur deuil. C'est vrai pour ceux dont un proche souffre de démence et perd ses facultés ou la mémoire. La personne soignée est là physiquement, mais elle est absente sur les plans émotionnel et mental. La perte ambiguë est sans fin et elle empêche le deuil et l'acceptation de se faire. On ne peut plus fonctionner et on ressent des tensions croissantes, de la confusion, des sentiments contradictoires et de la culpabilité. Même si on redoute la mort d'un être cher qui n'a aucun espoir de guérison, on espère que les choses se terminent. On peut être à la fois en colère, en raison des efforts à fournir pour soigner le malade, et triste de le perdre. La perte ambiguë est la pire façon de voir mourir un proche, car on ne comprend pas pourquoi il en est ainsi.
La démence est plus qu'une préoccupation de santé importante. Elle pourrait submerger le système, si on n'apporte pas des changements de fond aux investissements dans la recherche et à la prestation de soins. Si on retardait l'apparition des symptômes de la démence de seulement cinq ans, il pourrait y avoir 50 p. 100 moins de patients à un stade avancé de la maladie, qui exigent beaucoup de soins dans la communauté ou un centre spécialisé. Les économies seraient énormes. Y a-t-il une autre maladie pour laquelle les investissements dans la recherche, la promotion de la santé, la détection précoce et le traitement peuvent être plus rentables pour la société?
Comme on me l'a demandé, je vais maintenant faire quelques recommandations.
Il faut que l'investissement dans la recherche se compare au moins à l'ampleur de la maladie. Cela reviendrait à investir 15 fois plus pour égaler la recherche sur les maladies du coeur et 30 fois plus pour égaler la recherche sur le cancer. Nous devons repérer les gens à risque et intervenir avant l'apparition des symptômes et la mort des cellules du cerveau. Mais cela est possible seulement si tout le monde investit massivement dans la recherche.
Les patients, en particulier ceux qui souffrent de maladie chronique comme les personnes atteintes de démence, sont aux prises avec des systèmes de soins de santé très complexes. Nous échouons trop souvent à la tâche. Les transferts de responsabilité fonctionnent mal, les patients ne savent plus où donner de la tête et nous non plus. Les systèmes sont désuets. Selon moi, le système de santé dont nous avons besoin doit se fonder sur l'intégration, la coopération et la fluidité. De telles qualités font malheureusement défaut, et nous devons apporter des changements.
Notamment, il faut envisager d'augmenter ou de répartir autrement les lits de soins de longue durée pour mettre fin aux inégalités entre les soins de courte et de longue durée et offrir à tous le traitement approprié dans le contexte adéquat. On pourrait demander à des employés d'aider les gens atteints de démence à se retrouver dans le système complexe des soins de santé. On pourrait aussi sensibiliser davantage les aidants naturels aux signes de la démence et encourager la détection précoce et le traitement. Il faut améliorer les programmes qui incitent les gens à se faire soigner, comme les soins de jour, et ceux qui aident les gens, comme la Popote roulante, le transport pour se rendre à ses rendez-vous, l'aide au magasinage et à l'entretien domestique et le logement supervisé. Nous devons protéger et soutenir les aidants naturels et reconnaître leur importance pour garder la famille unie et réduire la dépendance au système de santé publique. Il faut donner aux aidants naturels les outils, les connaissances et la formation dont ils ont besoin, les protéger de la pauvreté et leur offrir un répit de temps à autre pour qu'ils ne s'effondrent pas eux-mêmes. Enfin, il importe d'améliorer la qualité de vie des bénéficiaires de soins de longue durée.
Merci beaucoup de m'avoir écouté.
Merci beaucoup de votre présence, monsieur Lester. Votre exposé était très approfondi et il décrivait très bien ce que bon nombre de personnes ont malheureusement vécu. Vos propos étaient très directs et révélateurs. Je vous remercie beaucoup.
Passons à Shannon MacDonald, directrice, Politique et partenariat, Organismes caritatifs neurologiques du Canada.
Merci, madame la présidente.
Je suis très heureuse d'être ici aujourd'hui. Tout à l'heure, j'ai dit à la blague qu'il était agréable d'être invitée à la grande table, car j'ai été très touchée et frappée par certains témoignages donnés devant le comité, que j'ai eu la chance et le privilège d'écouter.
C'est pour moi un honneur de travailler pour le compte des Canadiens et des familles aux prises avec une maladie neurologique. Je sais que certains d'entre vous savent pertinemment qu'il est important de parler des familles. Il est étonnant de constater que, comme on l'a dit ici, la population qui doit vivre avec les répercussions d'une maladie neurologique dépasse de loin les cinq millions de Canadiens qui ont reçu un diagnostic positif. Ce matin, Bob a dit que 10 à 12 personnes étaient concernées par la démence d'un proche. Par ailleurs, je ne pense pas ni ne veux pas oublier l'histoire de Greg McGinnis.
À titre de directrice des Organismes caritatifs neurologiques du Canada, j'ai eu le plaisir de coprésider la mise en oeuvre du comité sur l'étude nationale de la santé des populations relative aux maladies neurologiques. Je travaille en partenariat avec les responsables fédéraux de la santé et le coprésident des OCNC, qui est directeur des maladies chroniques à l'Agence de la santé publique du Canada.
J'ai le plaisir de vous annoncer que les travaux avancent bien. En définitive, l'étude sera composée de sondages menés par l'Agence de la santé publique et elle regroupera jusqu'à 13 projets de recherche effectués partout au pays par des équipes pancanadiennes. Les OCNC vont tenir des activités communautaires et des séances d'information. Dans la dernière phase de l'étude, qui se termine en 2013, nous travaillerons au coût de revient et à des essais à petite échelle.
Je vous ai remis deux ou trois bulletins d'information Brain Matters. C'est un outil de communication qui sert à l'étude nationale de la santé des populations. Vous avez peut-être lu le bulletin lorsqu'il a été diffusé.
Compte tenu de ce qui a déjà été dit ici, je me dis que ce que je peux faire de mieux pour votre étude, c'est vous informer sur comment les OCNC envisagent la stratégie nationale sur le cerveau. Je sais qu'il en a été question ce matin, mais aussi dans d'autres séances. Je pense qu'il est utile de parler de ce que comprendrait la stratégie.
Les Organismes caritatifs neurologiques du Canada sont une coalition grandissante, dont chaque membre s'intéresse en particulier à une ou à des maladies neurologiques. À sa mise sur pied en 2008, la coalition n'était composée que de 12 membres. Je pense que madame la présidente a eu l'amabilité de prendre la parole lors de l'inauguration, sur la Colline parlementaire en juin 2008.
En seulement deux ans et demi, nous sommes passés de 12 à 24 membres, dont la grande majorité aident directement les malades et les familles et bon nombre, si ce n'est pas la plupart, financent la recherche biomédicale et clinique et la recherche sur la santé des populations.
La coalition a deux grands objectifs. Elle veut appuyer l'étude nationale sur les populations, car nous ne comprenons simplement pas le contexte des maladies neurologiques au Canada. Je sais que cela fait partie de votre travail et de ce que vous essayez de révéler. Nous n'avons juste pas suivi les données pour avoir une vue d'ensemble.
Également, nous espérons sincèrement qu'on s'attaque aux principaux problèmes qui se posent aux Canadiens souffrant de maladie neurologique. Il s'agit de questions très importantes pour le pays.
Notre principe directeur est simple; nous nous concentrons sur les besoins, pas les diagnostics. Nous avons rapidement compris que, quelle que soit la maladie neurologique, les gens atteints vivent des situations et ont des besoins très semblables. D'autres témoins vous l'ont dit et je suis convaincue que, si les responsables des 24 organismes que je représente étaient là, ils diraient la même chose à propos des gens qui souffrent de la maladie de Huntington, de la dystonie, de l'épilepsie et de toute autre maladie neurologique ou qui ont subi un traumatisme crânien.
Compte tenu des besoins communs, nous avons préparé le document A Brain Strategy for Canada, que vous avez sous la main et qui réunit sept thèmes concernant la stratégie nationale sur le cerveau. Il y a la recherche, la prévention, les soins et l'appui intégré, le soutien des aidants naturels, la sécurité du revenu, la confidentialité en génétique médicale et la sensibilisation de la population. Ces thèmes font l'unanimité parmi les OCNC.
Compte tenu du nombre d'organismes concernés et des parties représentées, les gens sont souvent surpris que nous soyons parvenus à établir un consensus aussi fort. Il ne fait aucun doute que les OCNC sont d'accord et que nous devons travailler ensemble à de tels sujets pour améliorer la vie des personnes atteintes de maladie neurologique au Canada.
Soyons clairs, il faut collaborer. Il s'agit d'un travail qui exige la participation des organismes caritatifs oeuvrant dans la santé, de l'industrie et de tous les gouvernements.
Cela dit, je comprends que le sous-comité veuille surtout savoir comment le gouvernement du Canada peut contribuer au processus. Nous croyons que le gouvernement du Canada est le seul qui puisse assumer le leadership de quatre façons: d'abord et avant tout, il peut reconnaître que le cerveau est l'un des facteurs de santé, d'économie et de développement social les plus déterminants au Canada; deuxièmement, il peut investir suffisamment dans la recherche sur le cerveau, compte tenu de la partie importante de la population qui souffre de problèmes neurologiques et qui subit les conséquences gigantesques dont vous avez entendu parler — à cet égard, les OCNC vont proposer un partenariat public-privé de cinq ans au gouvernement pour mettre à profit l'argent que les OCNC reçoivent de leurs donateurs chaque année pour faire avancer la recherche en neurosciences —; troisièmement, il peut sensibiliser les autorités fédérales, provinciales et territoriales aux problèmes de santé, de ressources humaines, de développement des compétences et de finances qui sont liés à cet enjeu; quatrièmement, il peut rassembler toutes les parties, aux différents ordres de gouvernement ainsi que dans les organismes caritatifs, entre autres, pour qu'ils unissent leurs forces afin de trouver des solutions.
Les OCNC reconnaissent que les provinces et les territoires joueront un rôle important dans le déploiement d'une stratégie nationale sur le cerveau, ainsi les OCNC travaillent-ils avec la ministre ontarienne de la Santé et des Soins de longue durée afin de jeter les assises d'une stratégie ontarienne sur le cerveau qui pourrait servir de document de base pour un projet national à plus grande échelle. Nous espérons que ce travail montrera le rôle que les provinces et les territoires peuvent jouer dans le cadre d'une stratégie nationale.
Pour conclure, j'aimerais souligner que nous voyons maintenant la possibilité d'une stratégie nationale sur le cerveau sous un nouveau jour. Comme Debbie l'a mentionné, la position par défaut semble être de mettre l'accent sur la limitation de coûts et le besoin très réel de restreindre les dépenses dans un contexte économique extrêmement difficile. L'enjeu va toutefois bien au-delà des coûts, et je souligne que nous commençons à voir une stratégie sur le cerveau comme un outil pour favoriser l'innovation, l'inclusion et la prospérité. Générer des connaissances, développer le plein potentiel du cerveau, favoriser l'indépendance et la productivité, offrir une bonne éducation au Canada, créer un climat d'inclusion et d'entraide: c'est ce à quoi je pense quand je parle d'une stratégie nationale sur le cerveau. C'est une idée nouvelle, émergente, qui stimule la collaboration et qui porte un véritable potentiel de transformation.
Les OCNC entrevoient une stratégie englobante qui fait le lien entre les différents corps professionnels, qui table sur les programmes et les investissements existants et qui incite les élus de tous les partis à travailler ensemble.
Au nom des OCNC et de tous les membres que vous avez entendus, je vous remercie de l'intérêt que vous manifestez et de votre volonté sincère de faire une différence. Merci de nous avoir permis de nous adresser à vous aujourd'hui. Je suis toute disposée à répondre à vos questions.
Merci beaucoup.
Nous allons maintenant entreprendre un premier tour de table de questions et réponses de sept minutes, à commencer par Mme Duncan.
Merci, madame la présidente.
Merci à vous tous. Merci de nous dire qu'il faut mettre l'accent sur les besoins et non sur le diagnostic; j'espère que ce comité saura répondre à ces besoins. Je souhaite vous remercier tous de votre contribution scientifique, de votre humanité, du soin que vous portez à la cause et de vos recommandations.
J'ai déjà eu le privilège d'entendre M. Mann et je dois dire que vos propos sont profondément touchants.
Docteur Lester, je vous remercie de rendre cette question tellement humaine.
J'aimerais commencer par aborder la recherche aujourd'hui.
Docteur Diamond, pouvez-vous nous dire si le modèle de financement actuel permet la recherche multidisciplinaire en grandes équipes et dans la négative, quelles recommandations vous pourriez nous faire pour rectifier le tir?
On nous demande constamment à quel point il faudrait favoriser les projets de grandes équipes qui travaillent en collaboration plutôt que le modèle habituel qui se répète dans nos universités et nos institutions, où deux ou trois personnes, tout au plus, travaillent ensemble. Le principe d'une grande équipe est excellent. L'équipe peut se pencher sur un thème avec une vision beaucoup plus vaste que ne pourraient prendre une ou deux personnes, et elle permet d'attaquer le problème sous l'angle de plusieurs disciplines en même temps.
Au Canada, l'un des problèmes particuliers qui rend la chose difficile à réaliser, c'est que nous avons relativement peu de laboratoires. Il serait très facile, si nous ne faisions pas très attention dans l'organisation de nos grandes équipes, de constater que nous mettons tous nos efforts dans trois ou quatre institutions au Canada; dans ce cas, les petits acteurs, pour ainsi dire, seraient perdants. En principe, c'est une excellente idée, mais il faut être prudent et ne pas perdre de vue l'impact que les autres chercheurs peuvent avoir. Quand j'ai mentionné les quatre choses que nous nous sommes rendu compte avoir négligées, c'est exactement le genre de conséquences que notre orientation a eues. Je ne suis donc pas contre les grandes équipes, de toute évidence elles peuvent accomplir des choses hors de portée des petites équipes, mais je vous conseille de faire preuve de prudence, parce que si tout l'argent est attribué aux grandes équipes, les petites vont disparaître.
D'ailleurs, de nombreuses découvertes ont lieu dans de petits laboratoires de deux ou trois chercheurs. Les grandes équipes, dont les grandes orientations viennent rigoureusement d'en haut, peuvent en effet parfois passer à côté de certaines choses, pour des raisons accidentelles ou autres.
Pouvez-vous nous parler de la nécessité de mener des programmes cliniques combinés à de la recherche et des facteurs à prendre en collaboration pour en assurer le succès?
Ce besoin est très urgent. En ce moment, et depuis toujours, la recherche clinique et la recherche fondamentale sont plutôt séparées. Par exemple, nous avons des modèles animaux pour étudier la maladie d'Alzheimer. Ce ne sont pas des modèles parfaits pour l'Alzheimer, mais ils reproduisent certaines caractéristiques. Ce sont en fait des souris auxquelles on a injecté le gène humain de l'Alzheimer et qui ont développé une forme d'Alzheimer de la souris. Avant de pouvoir faire des essais cliniques de médicaments, nous devons montrer que nous avons testé nos travaux sur le modèle animal. C'est un peu le type de collaboration dont vous parlez. Ainsi, les chercheurs ont produit, sur la base d'un raisonnement scientifique solide, un médicament qui devrait fonctionner pour interrompre la production de la protéine suspecte, par exemple. Il fonctionne bien chez les animaux, mais quand on l'a testé chez les humains, il n'a pas fonctionné. C'est arrivé environ quatre ou cinq fois avec des médicaments qui semblaient extrêmement prometteurs. Dès qu'on est sorti du modèle animal pour les tester chez les humains, ils n'ont rien donné.
Nous avons donc une bonne raison de faire collaborer le milieu de la recherche fondamentale avec le milieu clinique. Je fais de la recherche fondamentale, même si je comprends bien l'aspect clinique aussi, et il est difficile de saisir pourquoi ce médicament fonctionnait chez les animaux, mais pas chez les humains. Nous avons de bonnes idées en ce moment, mais elles ne sont pas vraiment issues de la collaboration entre le milieu clinique et le milieu de la recherche fondamentale. Nous devons accroître cette collaboration. Je ne sais pas exactement quelle formule privilégier, mais il faut vraiment favoriser le rapprochement entre les deux milieux. En fait, il serait bon que certains projets ne puissent être menés à bien que si les chercheurs des deux milieux travaillaient ensemble. Il n'y a rien de tel en ce moment.
Merci, docteur Diamond.
Monsieur Mann et docteur Lester, j'aimerais que vous nous parliez de la sensibilisation et de l'éducation nécessaires pour réduire la stigmatisation. Quelles recommandations présenteriez-vous au comité afin d'améliorer la sensibilisation et l'éducation pour réduire la stigmatisation?
J'aimerais commencer, parce que comme je vous l'ai dit, je suis médecin. Je n'avais absolument rien vu du problème qui a été diagnostiqué chez ma femme, et il ne l'a été que parce que j'ai eu un problème neurologique très temporaire qui m'a porté à l'attention d'un neurologiste; quand j'en ai eu terminé avec mon problème, il a souligné que si tout allait bien pour moi, il s'inquiétait pour ma femme.
Je crois donc que c'est une question très importante. J'y réfléchissais pendant que j'étais dans l'avion, pendant le déglaçage. C'est le genre de chose qui s'est passée quand nous avons lancé la stratégie sur les accidents vasculaires cérébraux et ces images très visuelles à la télévision (un martellement incessant, vous vous rappelez?). Je pense que c'est une image très éloquente pour permettre aux gens de comprendre. Quels sont les premiers signes de la démence? Qu'est-ce que la démence par opposition au vieillissement normal? Comment peut-on les distinguer? Je pense que c'est très important.
Dans la même veine, il y a aussi toute la question de l'éducation et de la stigmatisation. Les gens ont peur de parler de ces choses-là, les gens qui en sont au premier stade de la démence (c'est l'exception qui en parle) comme ceux qui prennent soin d'un proche et qui sont gênés d'aimer une personne atteinte de démence. Je pense qu'il sera vraiment important de lutter contre cette stigmatisation.
Je crois qu'il y a aussi toute la question des soins primaires et des outils dont disposent les gens qui les prodiguent afin qu'ils soient capables de diagnostiquer la démence pour intervenir rapidement. D'après ce que me disent mes collègues, il n'y a pas d'outil à toute épreuve que la plupart des médecins de famille pourraient utiliser ne serait-ce que pour présumer de la présence de démence. Il n'y a rien non plus dans le système pour récompenser les médecins de famille qui consacrent du temps au diagnostic de la démence. Il n'est probablement pas du ressort du comité de se pencher sur la rémunération des médecins, mais je pense que c'est un enjeu important, parce que beaucoup de médecins, comme moi quand j'exerçais toujours, sont rétribués au volume et non en fonction de la qualité des soins ou des résultats. Je pense qu'il faut changer le mode de rémunération des médecins pour que les médecins de première ligne puissent passer le temps qu'il faut avec les patients pour diagnostiquer la démence et en retirer une rétribution en conséquence.
C'est ce que je vous dirais a priori.
[Français]
Je vais poser mes questions en français, alors je vous laisse vous préparer pour l'interprétation.
Madame la présidente, j'espère que vous ne soustrairez pas de mon temps de parole ces quelques minutes qu'ils prennent pour se préparer.
[Traduction]
Je vais repartir le compteur quand tout le monde sera prêt, donc vous aurez tout votre temps, madame Hughes.
Est-ce que tout le monde a ses écouteurs?
La greffière va venir vous aider. Nous ne faisons cela que pour mettre au défi les gens qui comparaissent devant le comité. Il m'a fallu seulement un an et demi pour en comprendre le fonctionnement.
[Français]
[Traduction]
[Français]
Merci. Je m'excuse, mais il faut parfois utiliser la langue française pour permettre aux interprètes d'utiliser leur beau talent.
Tout d'abord, je vous remercie beaucoup de vos présentations.
Monsieur Diamond, la façon dont vous avez livré votre présentation était très intéressante. Je crois que c'est une des meilleures qu'on ait jamais entendues dans ce comité-ci.
Personnellement, je suis sensible aux expériences que vous avez vécues, messieurs Mann et Lester. Ma soeur a 57 ans et a reçu ce diagnostic à l'âge de 50 ans. On savait qu'elle avait des problèmes auparavant, mais ça n'a pas été confirmé avant l'âge de 50 ans. On ne sait pas combien de temps il lui reste. Quoi qu'il en soit, il est très difficile pour ceux qui reçoivent un tel diagnostic d'obtenir de l'appui. De toute évidence, on a beaucoup de difficulté à avoir de l'appui, peut-être aussi à se rendre compte de ce que vit une personne atteinte de la maladie d'Alzheimer.
Vous avez parlé de beaucoup de choses, monsieur Lester. On tente de dire que le problème se situe du côté provincial, que c'est la responsabilité des provinces, or je pense que c'est à nous tous, députés provinciaux et fédéraux, de nous assurer que les gens ont l'appui dont ils ont besoin et que, quand ils sont placés, ils sont traités de la bonne façon.
De la frustration, je pense que c'est ce que la plupart ressentent. Vous avez raison de dire que beaucoup de gens ont honte, peut-être, de se retrouver dans la catégorie de ceux qui souffrent de la maladie d'Alzheimer. Ils tentent de le cacher, ils ne veulent pas que personne sache ce qu'ils vivent.
La situation est d'autant plus difficile pour les personnes qui prennent soin d'eux. Vous avez bien mis le doigt sur ce problème. Le gouvernement fédéral dit offrir du soutien aux gens qui aident un membre de la famille ou un ami, mais ce sont des prestations de compassion de l'assurance-emploi. Sauf erreur, les prestations durent environ six semaines. Dans le cas d'une maladie telle que celle-là, six semaines, ce n'est pas beaucoup.
Il y a le crédit d'impôt qui aide aussi, mais je crois que ce n'est pas assez. Les crédits d'impôt n'aident pas vraiment les gens, ce n'est pas un gros montant. On se retrouve avec un grand problème alors que les membres de la famille ne peuvent pas prendre soin de leur frère, de leur soeur ou de leurs parents à la maison.
Quelqu'un voudrait-il faire des commentaires au sujet de ce qu'on devrait faire de plus pour aider ceux qui prennent soin de personnes atteintes de telles maladies?
[Traduction]
Je pense qu'il importe d'abord de prévoir une forme de sécurité du revenu. Comme vous l'avez dit, bon nombre des personnes qui prennent soin d'un proche atteint de démence doivent cesser de travailler à l'extérieur. Certains ont déjà pris leur retraite, et les crédits d'impôt ne les aident pas vraiment. Les prestations d'AE ne les aident pas non plus, mais c'est de l'aide à court terme de toute façon.
Avec la Coalition canadienne des organismes bénévoles en santé, nous avons parlé aux parlementaires l'automne dernier de la nécessité d'offrir des prestations de sécurité du revenu garanti aux familles qui fournissent ce type de soins. Il ne faut pas oublier que si ces familles ne s'occupaient pas d'elles, ces personnes seraient confiées à des établissements de soins de longue durée ou à des infirmières jusqu'à la fin de leur vie et que ces soins sont beaucoup plus coûteux. C'est donc une économie pour le système. Vous pouvez trouver de l'information à ce sujet dans notre document intitulé Raz-de-marée, qui décrit les stratégies possibles pour aider les gens à garder leurs proches chez eux.
Le fait de permettre aux personnes atteintes de vieillir chez elles plus longtemps est aussi bénéfique pour elles. Quand les gens sont dans l'environnement auquel ils sont habitués, où ils sont à l'aise, ils sont plus susceptibles de pouvoir continuer leurs activités quotidiennes. Un déménagement dans un établissement quelconque précipite souvent un déclin dans la capacité de la personne de fonctionner.
J'aimerais ajouter que l'année dernière, je crois, il est sorti un article qui présentait l'effet d'une journée de répit par semaine sur la santé des personnes qui prennent soin d'un proche. Cette journée de congé améliorait grandement l'état physique et mental, bien souvent médical, de ces personnes.
Une chercheuse réputée de New York, la docteure Mary Mittelman, a mené une étude sur les aidants naturels et l'aide qui leur est apportée. Elle a constaté que même un simple programme d'aide à l'intervention de six semaines pour les aidants naturels, afin de leur apprendre à prodiguer des soins plus efficacement et à gérer leur propre stress, pouvait retarder des transferts en établissement de près de deux ans. C'est une économie gigantesque quand une personne est gardée chez elle. C'est 536 jours de plus, plus ou moins.
Je sais que nous parlons surtout de la maladie d'Alzheimer, mais je précise que les enjeux et les exemples qui s'appliquent à l'Alzheimer ressemblent à ceux de tous les autres troubles neurologiques. Le noeud du problème, c'est les soins quotidiens. Il y a des mères qui s'occupent d'enfants atteints de graves troubles neurologiques et physiques attribuables à des problèmes neurodéveloppementaux. Bref, tout ce dont nous discutons s'applique directement à tout le spectre des troubles neurologiques.
Merci, madame la présidente, et merci à vous tous pour vos observations d'aujourd'hui. Shannon, je suis heureux de vous revoir parmi nous. Je sais que vous avez été l'une des participantes les plus assidues à nos audiences du fond de la pièce.
J'ai quelques questions à vous poser. Concernant la recherche sur l'Alzheimer, le Canada a des partenariats avec le Royaume-Uni, l'Allemagne et la France et pourrait en établir d'autres avec la Chine et les États-Unis. Quelles sont les preuves selon vous... Avez-vous des raisons d'être optimistes devant ces partenariats? Voyez-vous des avantages pratiques à ces ententes de travail avec d'autres pays?
La Société Alzheimer du Canada travaille en très étroite collaboration avec les Instituts de recherche en santé du Canada, particulièrement avec l'Institut du vieillissement dans le contexte de la SIRCMA, soit la Stratégie internationale de recherche concertée sur la maladie d'Alzheimer. Je pense que c'est ce dont vous parlez.
Ce partenariat n'en est qu'à ses balbutiements, et je sais qu'il n'y a pas encore eu beaucoup d'investissements dans ce projet, mais il y a de très belles collaborations qui s'établissent avec les pays que vous avez nommés. La Société Alzheimer du Canada appuie vivement ce partenariat et collabore avec les IRSC afin de les consolider.
Est-ce que j'ai des preuves à vous donner? Je ne sais pas si je peux vraiment répondre à cette question. Je pense que vous feriez probablement mieux de poser la question au Dr Beaudet, qui était ici juste avant nous. Je crois que vous avez également reçu le Dr Rémi Quirion la semaine dernière, c'est lui qui dirige cette collaboration.
Pour ce qui est de la question à laquelle le Dr Diamond a répondu il y a quelques minutes, les grandes études internationales qui font collaborer des chercheurs de diverses disciplines et de différents pays sont la réponse au problème, ce sont ces équipes qui vont trouver la cause et le traitement de l'Alzheimer. Je suis persuadée qu'il faut favoriser ces collaborations.
Si l'on examine les promesses d'investissements des autres pays, où le Canada se situe-t-il, en particulier pour l'Alzheimer, pour les investissements par habitant? Savez-vous à quelle hauteur les autres pays du G8 investissent dans la recherche?
Par rapport aux autres pays du G8, le Canada traîne de la patte puisqu'il n'a pas encore de stratégie pour s'attaquer aux problèmes associés à la maladie d'Alzheimer.
Nous savons que la majorité des pays du G8, à l'exception des États-Unis, mais aussi des pays comme la Corée du Sud, qui s'est dotée récemment d'une stratégie très robuste sur la démence, qui a été présentée dans un article exceptionnel du New York Times, si vous avez l'occasion de le lire... Il est clair que le Canada traîne de l'arrière, tant pour ce qui est de sa contribution à la recherche que par l'absence d'une stratégie nationale concertée pour affronter le raz-de-marée qui s'en vient vers nous.
Je crois avoir lu quelque part qu'en Allemagne, au Royaume-Uni et en France, les investissements sont de l'ordre de 75 ou de 100 $ par citoyen. Au Canada, c'est plutôt de 20 à 25 $.
Est-ce que la Société Alzheimer a des informations à communiquer au comité à ce sujet? Je pense que ce serait utile d'examiner ces données pour déterminer quels genres d'investissements devraient être faits au Canada.
Alzheimer's Disease International, l'organisme organisateur international des associations et sociétés des quatre coins du monde, a publié un rapport mondial sur la maladie d'Alzheimer en septembre. Je pense qu'il contient des informations à cet égard, et je peux vous le transmettre.
D'accord, merci.
J'ai une question pour Shannon. J'ai cru comprendre que votre engagement auprès des organismes caritatifs voués aux troubles neurologiques est une nouvelle initiative. Je pense qu'elle a été lancée il y a un an ou deux. J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, comment se déroule l'étude, dans laquelle on a investi 15 millions de dollars, sur les taux de troubles neurologiques au Canada? Peut-on déjà établir que la prévalence des maladies neurologiques est en hausse au Canada?
Deuxièmement, quelques-uns des témoins que nous avons entendus au cours des dernières semaines ont parlé des croisements formidables qui se sont produits, c'est-à-dire que les investissements faits dans la recherche sur une maladie ont permis de découvrir des choses sur une autre maladie neurologique. Pourriez-vous expliquer au comité pourquoi on peut en apprendre autant sur toutes ces maladies en investissant dans la recherche sur l'une ou l'autre d'entre elles?
Pour répondre à votre première question, l'étude va bon train, mais c'est une étude d'envergure et beaucoup de gens y participent. Nous avons pris le temps au début de l'étude de mettre à contribution les différentes intervenants en vue de déterminer les secteurs prioritaires, et 3 000 Canadiens de partout au pays ont contribué à cet effort. Nous avons ensuite réuni deux groupes de scientifiques (environ 60 scientifiques issus des quatre coins du Canada) pour avoir aussi ce dialogue.
Nous savions que nous nous attaquions aux bons problèmes quand nous avons défini la portée de cette étude il y a un an. C'est beaucoup 15 millions de dollars, mais ce n'est pas suffisant. Nous voulions donc être très prudents et être persuadés que nous dépensions cet argent de la façon la plus efficace possible.
Nous avons une étude qui vise à mieux comprendre la prévalence et l'incidence, l'état véritable de ces maladies au Canada; à comprendre leur impact sur les patients, les familles et l'ensemble de la société; à comprendre les services de santé, ce qui est disponible et ce dont on a besoin; à mieux comprendre les facteurs de risque liés à l'apparition et aussi à la progression de la maladie, parce qu'il existe des problèmes secondaires de prévention qui n'obtiennent pas toute l'attention qu'ils méritent; et à vraiment comprendre ce qui se passe pour brosser un portrait fidèle de la situation des troubles neurologiques au Canada, de façon à éclairer nos politiques et de nos prises de décision.
À l'heure actuelle, des enquêtes sont menées sur le terrain. Statistique Canada a entrepris des projets d'enquête dans le cadre de l'étude. Nous avons neuf équipes de recherche, les équipes de pancanadienne d'envergure d'un peu partout au Canada qui bénéficie maintenant d'un financement. Je suis heureuse de pouvoir dire que les fonds sont versés et que les ententes de contributions sont signées. Les équipes de recherche ont entrepris leur travail.
Nous aurons une réunion d'avancement les 1er et 2 mars prochains, et ce sera alors l'occasion pour ces équipes de se réunir et de faire ce dont le Dr Beaudet parlait ce matin, c'est-à-dire d'échanger ouvertement des informations, même si nous n'en sommes qu'à mi-chemin du projet. Le fondement de cette étude veut que les chercheurs échangent des informations tout au long de leur projet.
Je n'ai pas encore de découvertes à vous annoncer, mais il a été très encourageant de constater, dès la première rencontre entre les scientifiques (que nous avons en fait convoquée avant l'annonce de l'étude), que le projet a suscité un niveau de collaboration et d'échange d'information jamais égalé auparavant dans le milieu neuroscientifique du Canada, particulièrement chez les chercheurs qui font des études cliniques et des études axées sur la population. Il est souvent arrivé que des collègues qui travaillaient à quelques bureaux l'un de l'autre, parce que l'un travaillait sur l'épilepsie et l'autre sur la sclérose en plaques, ne se soient jamais rencontrés.
C'est une retombée extrêmement positive de cette étude. Nous avons maintenant des équipes. Nous pouvons compter sur des groupes consultatifs d'experts dans chacun des secteurs de l'étude que j'ai mentionnés, qui travaillent tous...
C'est donc dire que la grande majorité des chercheurs canadiens qui travaillent dans le domaine des neurosciences participent d'une façon ou d'une autre à cette étude, soit parce qu'ils peuvent nous éclairer sur un aspect précis de la maladie qu'ils étudient, soit parce qu'ils jouent le rôle de chercheur principal ou de co-chercheur principal dans le cadre d'un projet de très grande envergure.
J'aurais aimé vous dire qu'on a fait d'intéressantes découvertes, mais soyez assurés que l'étude a déjà des répercussions très positives, et notre réunion d'avancement des 1er et 2 mars devrait nous permettre d'en savoir plus.
Je suis désolée, monsieur Brown, votre temps est écoulé.
Nous entamons notre deuxième tour de questions et réponses de cinq minutes.
Je vous prie de m'excuser, monsieur Brown. Je voulais entendre ce que vous aviez à nous dire à la fin, alors nous avons quelque peu excédé le temps qui nous était alloué.
Nous commençons donc avec Mme Duncan, pour cinq minutes.
Merci, madame la présidente.
Je ne sais pas qui aimerait répondre à cette question. Pourriez-vous dire au comité s'il existe déjà un registre sur la maladie d'Alzheimer et les troubles de démence connexes ici, au Canada, de même que sur les autres troubles neurologiques? Où en sommes-nous à cet égard, et de quoi avons-nous besoin?
Je peux en fait vous en parler, parce que l'enquête nationale sur la santé de la population comporte un volet sur ce genre de registre. En règle générale, la mise en place des registres n'est pas coordonnée de façon stratégique au Canada. Ils découlent habituellement de l'initiative d'un clinicien, d'un chercheur ou d'un petit groupe qui s'intéresse particulièrement à une maladie, alors le tout se passe au niveau régional. Le travail a été entrepris à ce sujet, et le but de l'étude est entre autres de faire l'inventaire de ces registres et de financer des projets témoins concernant l'élaboration de pratiques exemplaires pour bâtir et développer des registres neurologiques au Canada, et aussi pour faire la démonstration de la mise à niveau d'un registre régional précis pour l'amener au niveau national.
Un appel de demandes vient tout juste d'être lancé à cet effet. Mais en règle générale, les registres sur les troubles neurologiques sont plutôt établis de façon isolée et portent plus souvent sur des maladies rares. Bien que la maladie d'Alzheimer soit considérée comme une maladie rare par la communauté neuroscientifique, c'est en fait un des troubles les plus prévalents. On a surtout tendance à bâtir des registres sur des maladies plus rares, comme la paralysie cérébrale, ou certains des troubles neuromusculaires.
Notre comité a adopté une motion visant à faire de l'année 2030 l'année du cerveau, et nous espérons que la question sera soumise au comité de la santé. Pourriez-vous me dire pourquoi cela...?
Désolée, il s'agit de 2013.
Je suis vraiment fatiguée. Vous savez ce que je veux dire... 2013.
Pourquoi cette initiative serait-elle importante pour favoriser la sensibilisation et l'éducation et stimuler la recherche?
C'est stimulant de travailler à l'atteinte de cet objectif, car ils nous poussent à collaborer tous ensemble pour y arriver. Le sous-comité doit aussi savoir que l'Union européenne a financé une étude très semblable à l'enquête nationale sur la santé de la population qui est menée actuellement au Canada, et l'échéance fixée là-bas est en fait la même que la nôtre.
Donc, en 2013, ce sera aussi la fin de cette étude, auquel moment on en dévoilera les résultats. L'Union européenne envisage également de déclarer l'année 2013 l'année du cerveau. C'est une idée très intéressante en soi en ce qui a trait à la collaboration. Toutefois, différents événements intéressants liés au monde neurologique sont prévus en Canada en 2013, en plus de la conclusion de l'enquête nationale sur la santé de la population, qui nécessitera une conférence de concertation de très grande envergure.
Aussi, le Congrès mondial sur la maladie de Parkinson se tiendra au Canada pour la toute première fois cette année-là. Il aura lieu à Montréal à l'automne. J'ai en fait envoyé une petite note à tous nos membres pour avoir une idée de ce qui va se passer, et il y aura énormément d'activités au Canada. C'est une occasion en or à saisir pour mettre en valeur ce qui se passe déjà et ce qui a déjà été prévu.
Monsieur Mann, j'aimerais entendre ce que vous avez à nous dire.
Vous avez parlé des stigmates et des moyens pour y remédier. J'aimerais que vous nous disiez pourquoi c'est si important.
Il y a un an ou deux, j'ai partagé la scène avec quelques personnes. Il y avait un couple sur scène avec moi. L'homme était atteint d'Alzheimer et son épouse prenait soin de lui. Ils venaient de s'installer dans une nouvelle ville (ils arrivaient de l'Est), et ils n'avaient pas beaucoup d'amis. Ils avaient choisi de dire à leurs amis et à leurs voisins que monsieur avait été victime d'AIT, de petits accidents vasculaires cérébraux, plutôt que de leur avouer qu'il souffrait d'Alzheimer. J'étais abasourdi. Cela m'a beaucoup troublé. C'est ce que je veux dire quand je parle de stigmates.
Comme je le dis dans mes exposés, on élimine les stigmates en éliminant les stéréotypes. Tant que Monsieur ou Madame Tout-le-Monde (je déteste cette expression) croira que la maladie d'Alzheimer ne s'attaque qu'aux personnes âgées et qu'il aura cette image de la maladie en phase terminale, la société ne sera pas prête à faire tomber les stigmates, si je peux m'exprimer ainsi. Il y a une impression de finalité. Cependant, si une personne plus jeune ose avouer qu'elle a la maladie et que la vie continue malgré tout, il est plus facile d'éliminer les stéréotypes. La société va se faire une autre idée de la maladie. C'est ainsi que l'on peut réduire les stigmates, à mon avis.
J'ai déjà posé cette question, et c'est là où je voulais en venir quand nous avons changé l'ordre des intervenants: Qu'est-ce qui fait défaut si on pense au financement de la recherche? J'ai posé cette question à tous les groupes qui ont comparu devant nous.
Une plainte qui est revenue souvent, c'est que seulement 20 p. 100 des projets de recherche jugés excellents sont financés, et que les fonds manquent pour investir dans les autres 80 p. 100 de recherches que nous voudrions mener au pays. Est-ce quelque chose que vous avez aussi constaté pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer? C'est ce qu'on nous a rapporté pour la recherche sur la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson et la maladie de Lou-Gehrig. Pouvez-vous nous donner des exemples de projets de recherche intéressants que nous n'avons pas pu entreprendre dans un domaine lié à la maladie d'Alzheimer parce que les IRSC n'avaient tout simplement pas les fonds pour les soutenir, malgré le fait qu'il s'agissait d'excellents projets de recherche?
Vous avez absolument raison. Nous signalons habituellement que nous sommes en mesure de financer 20 p. 100 des projets que nous aimerions appuyer. Les autres 80 p. 100 ne sont pas financés.
De plus, si je peux me permettre d'aller plus loin, il est question de guérir la maladie. Si vous trouviez la potion magique pour guérir la maladie d'Alzheimer, vous ne verriez aucune amélioration chez le patient. Ce qui est perdu ne reviendra pas. On pourrait stopper l'évolution de la maladie, mais la démence, la perte de capacités cognitives ou la capacité de vaquer à ses occupations quotidiennes resteraient au même niveau. Nous réalisons ainsi aujourd'hui qu'un secteur de recherche a vraiment été négligé, c'est-à-dire la recherche visant à trouver une façon de renverser le processus.
Il n'y a toutefois rien d'utopique à cela. La maladie d'Alzheimer est due à la disparition des connexions dans le cerveau. Nous savons comment rétablir ces connexions. C'est un nouveau secteur de recherche qui suscite beaucoup d'intérêt. Je n'en suis pas certain, mais je crois que des recherches sont effectuées à ce sujet dans un laboratoire canadien. Il est nécessaire, si nous voulons guérir le patient autant que la maladie, de récupérer les fonctions perdues. Il n'y a à peu près pas de données de recherche dans ce domaine au Canada, car nous n'avons jamais financé ce genre de projet. Ce sont des choses comme celle-là qui nous glissent entre les doigts.
Permettez-moi d'ajouter que la Société Alzheimer du Canada finance deux axes de recherche. Globalement, 50 p. 100 de nos fonds sont voués à la recherche biomédicale, soit la recherche sur les causes et la guérison de la maladie, et les autres 50 p. 100 vont à la recherche sur la qualité de vie. Donc, comment pouvons-nous aider les personnes qui vivent avec la maladie et leurs soignants? Comment pouvons-nous les aider à maintenir une certaine qualité de vie? Ce volet de la recherche se penche sur les aspects sociaux et psychologiques de la maladie, et c'est extrêmement important.
Nous lançons un concours de financement de la recherche chaque automne, et nous venons tout juste de mettre fin à celui de cette année. Nous avons reçu près de 50 p. 100 plus de demandes de financement que l'an dernier. Je crois sincèrement que c'est principalement dû à la visibilité grandissante de la maladie dernièrement, à la publication du rapport Raz-de-marée et aussi beaucoup aux campagnes d'éducation et de sensibilisation qui ont été menées. Cependant, nous ne disposons que de 10 p. 100 de plus de fonds que l'an dernier pour notre programme cette année.
Il s'agit bien sûr d'une bonne nouvelle, mais il y a énormément de chercheurs qui veulent entreprendre des projets dans le domaine. Ils ont d'excellentes idées, la plupart d'entre eux pourront faire examiner leur travail par des pairs (et c'est Jack qui dirige ce programme pour nous), et ils seront admissibles à recevoir du financement. Donc, le problème, c'est que nous ne pourrons que décevoir plus de chercheurs, parce que nous n'avons pas les fonds nécessaires pour financer leurs recherches.
Je trouve particulièrement alarmant de savoir combien de temps les chercheurs doivent passer à préparer des demandes de financement. Une semaine, quelqu'un m'a répondu que les chercheurs passaient 50 p. 100 de leur temps à remplir des demandes; une autre semaine, quelqu'un m'a parlé de 80 p. 100. C'est très inquiétant. Pourquoi nos talents intellectuels devraient-ils passer autant de temps à régler des détails administratifs, à nous expliquer ce qu'ils ont l'intention de faire, plutôt que d'investir ce temps dans le laboratoire?
Est-ce quelque chose que vous avez aussi remarqué pour la recherche sur la maladie d'Alzheimer? Est-ce qu'on passe tout simplement trop de temps à remplir des demandes?
Je vais répondre à la question.
Nous avons pris une chance à la Société Alzheimer. Les IRSC, le principal organisme de financement du pays, ont établi une certaine procédure pour la présentation des demandes, la façon d'en discuter, et tout le reste. Nécessité oblige, quand j'ai voulu recruter des gens pour siéger à nos conseils consultatifs, la plupart des personnes que j'avais en tête siégeaient déjà aux conseils des IRSC, alors j'ai dû rendre notre processus plus attrayant pour leur faciliter la tâche.
À la Société Alzheimer seulement, nous avons réduit énormément la taille du processus. Je dirais que nous demandons le quart ou le cinquième de ce qu'exigent les IRSC, qui suivent le modèle national traditionnel de bien des pays, et cela fonctionne. Personne n'est ici pour représenter les IRSC en ce moment, mais j'aimerais leur dire qu'il n'est vraiment pas nécessaire de donner autant de mal à leurs examinateurs et aux demandeurs mêmes. Je ne crois pas personnellement que ce soit nécessaire, et notre programme s'est avéré efficace sans pourtant imposer le long et fastidieux processus qu'emploient les IRSC.
Trois représentants des États-Unis se sont succédé au sein de nos conseils consultatifs, et ils nous ont tous dit à quel point le programme de la Société Alzheimer était formidable à cet égard. Alors, c'est possible. Nous le faisons, mais je ne crois pas que ce soit le cas pour les IRSC.
Quelles sont les exigences peut-être superflues que vous avez éliminées de votre processus de demande pour les chercheurs?
Eh bien, une chose me vient tout de suite à l'esprit. Le résumé le plus parfait que l'on puisse avoir de n'importe quel projet de recherche est celui que fournit le demandeur. Les IRSC demandent un résumé de la teneur du projet, mais il est déjà fait. Il ne reste qu'à l'imprimer et l'envoyer aux comités d'examen, et c'est ce que nous faisons. Donc, ils ont un résumé. Ils n'ont pas à le rédiger eux-mêmes. Comment pourraient-ils améliorer le résumé du demandeur? C'est une première chose.
L'autre, c'est que nous n'exigeons pas une description aussi détaillée. Nous invitons les demandeurs à décrire leur projet devant le comité, d'après leurs propres notes, mais ils n'ont pas à fournir autant de détails à l'avance. Ce sont donc deux choses bien précises qui facilitent la tâche de nos examinateurs et des demandeurs.
De plus, notre formulaire n'a que cinq pages; celui des IRSC en a 20. Il y a bien des organismes aux États-Unis qui adoptent les formulaires de demande de cinq pages. Il est difficile au début de s'en tenir à cinq pages quand on est habitué à avoir 20 pages pour tout décrire dans le menu détail, mais nous le faisons.
Je vous remercie, madame la présidente.
Il n'a pas encore été question, dans nos travaux, des banques de cerveaux. J'aimerais que vous nous parliez de celles qu'il y a actuellement au Canada, de leur importance et des données qui devraient être recueillies, et que vous fassiez des recommandations au comité à ce sujet.
Il existe effectivement une banque de cerveaux au Canada. J'en ai entendu parler lors d'une réunion de collaboration avec des chercheurs de partout au pays et les IRSC à laquelle j'ai assisté récemment — je peux vous dire ce dont je me souviens. À ce que j'ai compris, il existe effectivement une banque de cerveaux, dans les Maritimes, je crois. À cette réunion, ce qui est entre autres ressorti, c'est qu'il y a tellement de collaboration, de nos jours, que les banques de cerveaux ne sont pas indispensables au Canada.
Puis-je vous interrompre pour poser une question? Vous parlez de cette banque de cerveaux, mais vous n'êtes pas sûre de son existence?
Je n'en suis pas absolument sûre, mais j'en ai entendu parler à cette réunion. Il faudrait le vérifier.
Je le crois aussi. Je pense qu'elle est dans les Maritimes.
Vous avez demandé ce qu'on attend d'une banque de cerveaux. Ce n'est pas qu'une affaire de gens. Nous recevons souvent des lettres de gens qui offrent de faire don de leur cerveau. Pour être valable, la banque de cerveaux doit avoir un tableau clinique exhaustif et précis des antécédents du patient, son historique complet et le diagnostic définitif — tout doit y être pour que le cerveau puisse être utile. Il ne suffit pas simplement d'avoir le cerveau; il nous faut ces détails et ils ne sont pas toujours aussi faciles à obtenir qu'on pourrait le penser.
J'aimerais faire un commentaire — et la seule raison pour laquelle je le sais, c'est que j'ai passé beaucoup de temps avec un neuropathologiste à un moment donné, tandis que nous définissions les limites de l'enquête nationale sur la population. Il existe en fait de nombreuses banques de cerveaux au Canada, dont certaines sont assez importantes. Le problème, c'est que, comme les registres dont j'ai parlé, elles ne sont pas reliées. Elles ne font pas partie d'un réseau. Celle d'Halifax ne communique pas forcément avec celle de Regina. Elles ont souvent tendance à être rattachées à une équipe, un chercheur ou un clinicien particulier.
L'autre chose, c'est qu'il n'existe pas actuellement de modèle de financement pour appuyer un réseau de banques de cerveaux. Il n'y a donc pas d'échanges d'information entre elles. Elles n'ont peut-être pas les mêmes méthodes de collecte et d'utilisation des données, alors que cela leur permettrait de faire des échanges. Comme les chercheurs, elles... C'est un autre type de recherche. Elle sont dans le même genre de position et elles doivent faire des pieds et des mains pour trouver des sources de financement.
Merci, madame MacDonald.
Si nous voulions quelque chose de plus global, qu'elles communiquent entre elles, que recommanderiez-vous à notre comité? Il faudra une infrastructure, des fonds...
Je reviens à la recommandation que nous avons faite relativement à la stratégie nationale sur le cerveau. Nous avons fait beaucoup de progrès, mais il faudra amorcer et faciliter un vaste dialogue. J'estime qu'un débat sur les banques de cerveaux doit faire partie intégrante d'une stratégie de recherche, d'une démarche nationale de recherche neuroscientifique au Canada, et il n'y a probablement pas encore eu de débat rassemblant des neuropathologistes et des gens qui peuvent nous dire les avantages des banques de cerveaux, ce qu'elles peuvent nous apprendre. L'idée peut sembler sordide à certains d'entre nous, mais pour d'autres, c'est la vie, et c'est une source inestimable de renseignements et de découvertes potentielles. Je dirais que, comme pour tout ce que comporte notre proposition de stratégie sur le cerveau, il faut commencer par la consultation, amorcer un dialogue pour cerner les enjeux véritablement importants et formuler des idées pour avancer.
Je vous remercie.
Madame Benczkowski, vous avez été interrompue alors que vous alliez parler de l'efficacité des banques de cerveaux. Voulez-vous poursuivre? C'est dans le même ordre d'idée que ce que demandait Mme Duncan.
Lors de la réunion à laquelle j'ai récemment assisté — et je suis désolée si j'étais mal informée — il s'agissait de banques de cerveaux axées sur la maladie d'Alzheimer. Peut-être la distinction est-elle là. Il y a une chose que j'ai entendu des chercheurs dire ce jour-là — ils faisaient tous de la recherche sur la maladie d'Alzheimer — et c'est qu'il ne vaut pas la peine de constituer une énorme infrastructure pour certaines choses alors qu'il y a tellement de possibilités de collaboration dans le monde entier, surtout quand on pense au nombre de banques de cerveaux qu'il y a en Amérique du Nord, dont les scientifiques canadiens ont pu tirer parti. C'est ce que j'ai entendu dire. Je ne me prononce aucunement sur la question. Je répète seulement ce que j'ai entendu lors d'une réunion de scientifiques canadiens, il y a quelques semaines.
Merci.
Je vous remercie pour vos commentaires.
Si vous me le permettez, je vais poser une question qui me semble nécessaire. Nous avons entendu à maintes reprises — et vous savez que j'appuie fermement le concept d'une stratégie nationale sur le cerveau — que la Société Alzheimer prône aussi l'élaboration d'une stratégie pancanadienne sur la démence.
Quels en seraient les principaux éléments, et comment pourrions-nous la combiner à une stratégie nationale sur le cerveau?
Tous nos éléments d'une stratégie sur la démence sont intégrés dans la stratégie nationale sur le cerveau, parce que nous travaillons en étroite collaboration avec les OCNC.
Cela a vraiment été une question d'à propos du rapport Raz-de-marée et de notre participation à la formulation de recommandations. Nous avons probablement été les premiers à agir, alors nous en sommes au point où nous appuyons pleinement la stratégie sur le cerveau. Nous estimons qu'elle aborde tous les enjeux soulevés dans le rapport Raz-de-marée, alors nous l'appuyons sans réserve.
Merci.
Je vous remercie pour les observations que vous avez faites jusqu'à maintenant.
J'aimerais m'attarder un peu sur la question que j'ai posée la dernière fois au sujet du processus de recherche, parce qu'il est exclusivement fédéral, alors qu'une bonne part de nos activités relèvent de différentes compétences. Jack a dit des choses très intéressantes au sujet des difficultés.
Shannon, avez-vous remarqué s'il en est de même pour les autres troubles neurologiques? Est-ce selon vous un facteur commun entre les divers groupes que représentent les Organismes caritatifs neurologiques du Canada?
Il y a d'abord le problème de financement de la recherche, mais aussi celui de la présentation des demandes.
Oui, nous avons indubitablement besoin d'un processus très solide de recherche jugée par les pairs, pour nous assurer que les projets valables sont financés et que les travaux financés ont de bonnes chances de produire des résultats. L'étude minutieuse et le processus d'examen sont donc importants, mais ce n'est pas dire qu'il n'y a pas place pour l'amélioration.
Je sais que la majorité des membres des OCNC financent la recherche et ont des processus d'examen par les pairs. Je n'en connais pas les détails, mais la Société Alzheimer du Canada serait du nombre. Ils ont pour la plupart, je pense, un mode de fonctionnement assez similaire. Tous, à mon avis, répondraient aux attentes des IRSC au chapitre des éléments d'un processus d'examen de la qualité.
Bien entendu, en matière de financement, il ne fait aucun doute que tout organisme... Votre comité a énormément contribué à mieux faire connaître les troubles neurologiques, et cette sensibilisation a stimulé l'attention portée au domaine. Tandis que nous poursuivons notre oeuvre, les organismes caritatifs neurologiques quant à eux continuent de faire ce qu'ils font très bien, c'est-à-dire financer les nouveaux chercheurs, ceux qui n'ont peut-être pas encore assez d'expérience pour être admissibles aux subventions des IRSC. Nous tenons à ce qu'ils restent au Canada. Nous voulons captiver leur intérêt pour le domaine. Ils ont besoin de financement, et les organismes caritatifs jouent un rôle très important dans les programmes de formation, comme le disait Jack. Alors, oui, il y a toujours de bons projets à réaliser. La plupart des organismes vous diraient qu'ils doivent probablement laisser de côté au moins 50 p. 100 d'excellents projets qui mériteraient d'être financés.
J'ai une autre question à vous poser, Jack.
J'ai vu dans votre rapport de 2008 sur la maladie d'Alzheimer que vous prévoyez qu'en 2031, 750 000 Canadiens souffriront de la maladie d'Alzheimer ou de démence. À quoi attribuerait-on cette hausse des cas de maladie d'Alzheimer au Canada? Existe-t-il des indicateurs qui permettent de croire que les causes se trouvent dans notre société? Pourquoi plus de Canadiens...
Elle s'applique dans le monde entier, à vrai dire. Il y a deux choses. Les gens vivent plus longtemps, surtout les hommes, je le précise. À une époque, deux fois plus de femmes que d'hommes souffraient d'Alzheimer parce que, depuis toujours, les femmes vivaient plus longtemps que les hommes. Maintenant que les hommes les rattrapent, qu'ils vivent plus longtemps, ils sont plus longtemps exposés aux facteurs de risque.
On a dit plus tôt ignorer ce qui cause la maladie d'Alzheimer, et c'est vrai en un sens, mais pas tout à fait. Nous en connaissons la cause. C'est quand les effets combinés des facteurs de risque l'emportent sur la capacité du cerveau de se réparer. C'est aussi simple que cela. Ces effets sont évidemment très complexes. Ce sont néanmoins des facteurs de risque et, bien entendu, plus on vit longtemps, plus on y est exposé. Certains sont d'ordre environnemental; d'autres sont personnels, comme l'hypertension, le taux élevé de cholestérol, le diabète ou l'obésité, le stress ou la dépression chronique. Ce sont tous des facteurs de risque, et plus on y est exposé longtemps, évidemment, plus ils sont nocifs.
Ensemble, l'augmentation des facteurs de risque et la longévité accrue poussent les chiffres à la hausse. Bien entendu, en ce moment, les baby-boomers y contribuent énormément, mais même sans les compter, on constate une augmentation des cas diagnostiqués.
Il y a quelques années, j'ai été appelé à présenter une subvention du gouvernement à un foyer pour personnes âgées de Barrie. C'était à l'IOOF, une subvention du Programme Nouveaux Horizons qui allait permettre à tous les pensionnaires de suivre des cours de peinture. On y disait que l'activité mentale retarde l'apparition de la maladie d'Alzheimer. Je sais que les aînés ont été ravis.
Est-ce le genre de choses qu'il faudrait envisager? Devrions-nous réfléchir à d'autres possibilités d'intervenir dans les foyers pour personnes âgées du Canada?
Vous avez mis le doigt sur la plus importante de nos activités, en ce moment.
Si vous ne voulez pas être atteint d'Alzheimer, mesdames et messieurs, il y a quatre règles à suivre sans tarder. D'abord, il faut faire de l'exercice régulièrement — de l'exercice modéré, il ne s'agit pas de franchir le mille en quatre minutes; une heure de jardinage ou de travaux ménagers a autant d'effet qu'une heure au club sportif. Deuxièmement, il faut utiliser sa tête et s'adonner à des activités. Troisièmement, il faut de l'interaction, entretenir des rapports sociaux, éviter de s'isoler. Enfin, il faut avoir un mode de vie sain, particulièrement sur le plan alimentaire et ce genre de choses. Il a été prouvé que tout cela contribue nettement à atténuer les risques ou, disons, à repousser le début de la maladie, le moment de son apparition si elle doit apparaître un jour. La maladie progresse aussi moins rapidement chez les gens qui en souffrent déjà. Aucun médicament, jusqu'à présent, n'en fait autant.
Merci beaucoup, monsieur Brown.
Merci, docteur Diamond.
Madame Hughes, je vous accorde la parole, parce que je tiens à ce que vous ayez la possibilité de poser vos questions.
Je vous remercie.
Vous avez fait allusion aux baby-boomers. Je pense que les cas d'apparition précoce de la maladie d'Alzheimer vont sûrement se faire plus nombreux avec tous les baby-boomers qui avancent en âge. Je crois que ma soeur en est un exemple frappant. Elle était très active et lisait beaucoup. Nous sommes encore parfois désarçonnés par ce qui se passe.
Je pense que bien des gens en sont déjà atteints sans le savoir. MM. Lester et Mann l'ont dit sans équivoque, quand ils ont parlé du début véritable de la maladie.
Et je pense que cela devrait faire partie de la stratégie nationale — comment mieux sensibiliser la population aux signes, pour que les médicaments actuels qui pourraient prévenir la maladie ou en freiner la progression... Peut-être que MM. Lester et Diamond voudraient en parler?
Comme je l'ai dit tout à l'heure, je pense que l'éducation du public et des fournisseurs de soins primaires contribuerait énormément à la prévention ou à la détection précoce de la maladie et, donc, à une intervention rapide. Je l'ai dit, si on pouvait intervenir plus tôt, il serait sûrement possible de freiner la progression de la maladie. Alors je pense que le volet de sensibilisation de la stratégie est vraiment un moyen relativement peu coûteux de lutter contre certains des premiers problèmes que connaissent les gens atteints de démence.
Je vais vous donner un exemple qui me touche de près. Mon fils qui vit à Scottsdale, en Arizona m'a fait remarquer très tôt que « quelque chose cloche avec maman, si elle ne peut pas trouver le chemin du retour à la maison quand elle va se promener ». J'ai répondu « toutes les maisons sont brunes, en adobe, et se ressemblent. Où est le problème? » Comme je vivais avec elle, je n'ai rien vu, mais mes enfants qui ne la voyaient pas régulièrement s'en sont aperçus.
Je pense que tout le concept d'éducation est extrêmement important, si on veut éliminer les préjugés associés à la maladie pour que les gens puissent en parler.
Je sais, par exemple, que lorsque ma femme a été diagnostiquée, nous avons perdu de vue des amis de très longue date. Ils ont carrément disparu. La famille s'est volatilisée. Les collègues, aussi. Personne ne rend visite à mon épouse, à part ma fille et moi — absolument personne. Je ne pense pas que cela arrive aux gens qui souffrent de cancer ou de troubles cardiaques. Ils gardent leur entourage. Les gens ne savent tout simplement pas comment agir devant quelqu'un qui souffre de démence. Ils sont démunis. De mon point de vue, il est absolument fondamental dans la stratégie de parler de la nature du mal, de la manière de composer avec lui et d'en reconnaître les signes tôt.
J'aimerais ajouter quelque chose.
Je vous ai parlé plus tôt des plaques et des enchevêtrements, les principales caractéristiques de la maladie d'Alzheimer. Elles apparaissent des dizaines d'années avant que la personne atteinte sombre dans la démence. Ces changements se produisent déjà chez les gens de 30 et 40 ans qui sont destinés à être atteints d'Alzheimer. La plupart des pays, y compris le Canada — sous la direction du Dr Serge Gauthier — étudient des propositions concernant le diagnostic précoce. Aussi ridicule que cela puisse paraître, une des propositions concerne le diagnostic présymptomatique. Nous disposons des moyens nécessaires, si l'on voulait s'en servir, pour détecter les signes avant-coureurs de l'Alzheimer avant même que n'apparaissent les symptômes auxquels vient de faire allusion le Dr Lester. Mais ces moyens ne seront pas nécessairement approuvés.
Ils peuvent être dispendieux. La ponction lombaire, un des moyens proposés, est invasive et peut être dangereuse. Si nous pouvions tester les gens sans les incommoder, nous pourrions détecter chez eux la maladie avant même que les symptômes apparaissent, et ils pourraient se faire à l'idée qu'un jour, ils seront atteints d'Alzheimer.
Avec le nombre croissant de personnes atteintes de la maladie et le fait qu'on n'est pas en mesure de leur offrir les services et la stimulation dont elles ont besoin, le problème est plutôt d'ordre logistique. Nos programmes ne suffisent plus, notamment à cause du vieillissement des baby boomers et de l'apparition précoce de la maladie. À mon avis, cette question ne relève pas des provinces. Avec l'apparition précoce de la maladie, nous devons créer un programme national et déterminer comment faire pour que les personnes atteintes restent productives, qu'elles soient dans un centre de soins longue durée ou qu'elles reçoivent des soins à domicile. En passant, j'ai déjà prodigué des soins dans ce contexte.
En ce qui a trait à la stratégie et au rôle du gouvernement fédéral, que voudriez-vous nous dire aujourd'hui qui n'a pas encore été dit ou qui n'a pas été suffisamment souligné?
Lors des discussions FPT, ces dossiers pourraient être soulevés pour que tous les ordres de gouvernement puissent collaborer et examiner les services dans les provinces et les territoires que l'on voudrait voir offerts partout au pays. Donc, j'encourage le gouvernement fédéral à prendre les devants et à mettre ces dossiers à l'ordre du jour des discussions FPT, notamment celles sur la santé.
Tous les gouvernements provinciaux et territoriaux veulent que leurs citoyens restent productifs. Ils sont conscients que c'est économiquement avantageux pour l'État si les gens restent à la maison le plus longtemps possible. Aucune voie n'a été tracée en ce sens. Nous avons besoin de leadership pour en arriver à trouver des solutions lors de ces discussions. Ce serait, selon moi, un des plus importants résultats.
Cela ne s'applique pas uniquement à la maladie d'Alzheimer. Nous savons qu'il y a un gène qui vous rend plus susceptible à la maladie d'Alzheimer. Il existe un test qui permet de le détecter, mais vous ne pouvez pas vous le faire administrer à l'hôpital. Votre médecin peut vous le faire subir s'il a des raisons de croire que vous pourriez développer la maladie. Le test s'appelle l'ApoE4. Ce dossier n'a pas été suffisamment abordé.
Si je ne m'abuse, aux États-Unis, on fait régulièrement passer ce test aux patients dans les hôpitaux — mais les patients l'ignorent et les résultats sont cachés dans leurs dossiers —, car il peut aider le médecin dans son diagnostic.
J'aurais juste deux choses à dire. Récemment, dans le cadre de réunions avec des députés, à Ottawa, la Société Alzheimer du Canada a reçu deux messages: premièrement, que toute question entourant la création d'une stratégie ne serait pas bien accueillie et que le gouvernement n'appuierait pas les demandes en ce sens.
Deuxièmement, on a informé la société que tous les dossiers abordés aux tables fédérales-provinciales-territoriales devraient être soulevés par les ministres provinciaux, et non par leur homologue fédéral.
Donc, je crois qu'il s'agit d'une bonne occasion pour le sous-comité de présenter une recommandation claire.
Je suis d'accord avec Shannon lorsqu'elle dit que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle de leader dans l'élaboration d'une stratégie sur les maladies du cerveau et qu'il devrait s'attaquer à ces questions.
Merci énormément.
Merci aux témoins d'être venus et de nous avoir fourni ces renseignements si perspicaces.
Je crois que notre sous-comité est très particulier. Les membres prennent les choses à coeur. Vous comprendrez que nous avons tous nos desiderata. Si nous avions une somme astronomique à investir, nous pourrions l'affecter aux soins de santé. Mais notre comité voulait mettre la stratégie sur les maladies neurologiques à l'avant-plan et faire son possible pour que cette question soit abordée. Il s'agit plus que jamais d'un problème de santé grandissant qui n'a jamais vraiment reçu l'attention qu'il mérite.
Mais honnêtement, si des témoins étaient venus parler du cancer — ou de n'importe quel autre sujet —, ils l'auraient fait avec la même ferveur, ils auraient formulé les mêmes exigences et ils auraient dressé le même tableau. La différence dans ce cas-ci, selon nous, c'est que ce dossier n'a jamais vraiment été présenté devant un comité. Je dois rendre crédit à tous mes collègues qui ont pris la relève et qui désirent, comme nous tous, que ce dossier soit abordé.
Je crois que nous avons tous été touchés, directement ou indirectement.... Comme l'a souligné Mme Hughes, cette situation ne nous est pas étrangère parce que nous sommes députés. Il est donc primordial pour nous d'entendre parler des fournisseurs de soins et de la recherche, et d'en faire la promotion.
Merci énormément d'être venus aujourd'hui.
La séance est levée.
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