:
Bonjour à tous. Bienvenue.
Je suis Joy Smith, la présidente du Sous-comité sur les maladies neurologiques du Comité permanent de la santé. Aujourd'hui, nous allons continuer notre étude sur l'autisme.
Certains témoins ont été retardés par la tempête, mais ils arriveront bientôt. Je crois que nous devrions commencer maintenant avec les présentations.
Dennis Lendrum, de Coffee Chat, est avec nous. C'est un acronyme ou un titre intéressant. Je suis heureuse que vous soyez parmi nous, monsieur Lendrum.
Nous accueillons aussi le M. Peter Rosenbaum, du CanChild Centre for Childhood Disability Research. C'est bien de vous revoir.
Nous accueillons aussi quelques autres témoins du Centre d'intervention et de formation... je ne suis pas sûre de bien le prononcer.
:
Oui, c'est un centre international. M. Warren Jason et M. Mohamed Ghoul sont avec nous. Bienvenue. Je suis heureuse que vous soyez venus.
De QuickStart, nous accueillons aussi Suzanne Jacobson, qui en est la fondatrice — il faut ajouter Intervention précoce pour l'autisme. Bienvenue, Suzanne.
Nous entendrons aussi Kim Elmslie, directrice générale de l'Agence de la santé publique du Canada, et Anne-Marie Ugnat, directrice déléguée.
Enfin, le Dr Laurent Mottron devrait se joindre à nous sous peu.
Tous les témoins ont été présentés. Ils pourront donc commencer directement par leur exposé quand ils arriveront.
J'aimerais commencer par l'exposé de M. Lendrum. Vous avez 5 minutes.
:
Bonjour. C'est un honneur pour moi d'être ici.
Je m'appelle Dennis Lendrum et je viens d'Espanola, en Ontario. Je suis grand-père d'un enfant autiste de sept ans.
Tout d'abord, j'aimerais remercier Carol Hughes, députée d'Algoma—Manitoulin, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui à la Chambre des communes. C'est tout un honneur.
Je suis grand-père de cinq enfants, dont l'un est âgé de sept ans. Il s'appelle Alex Bertrand. Il y a cinq ans, il a reçu un diagnostic d'autisme grave avec comportement non verbal. À ce moment-là, je ne savais même pas ce que le mot « autisme » signifiait.
Je travaille dans une usine de pâtes et papiers à Espanola depuis 1981. J'ai dû être opéré deux fois pour mon dos et j'ai dû démissionner en 1998. Pendant cette période, j'ai été pompier volontaire pendant 15 ans. Je suis aussi le président bénévole du club de motoneige de la région.
Je fais partie d'un comité de la police régionale de Sudbury. Je faisais partie d'une équipe dont les membres travaillent à la création d'un registre des personnes errantes — pas seulement pour les autistes, mais pour n'importe quelle personne qui commence à démontrer des comportements d'errance. Nous avons attiré l'attention de la police provinciale. Nous espérons que ce projet soit bientôt adopté à l'échelle provinciale et peut-être même nationale.
Ces derniers temps, je ne parle que d'autisme. J'en parle partout où je peux le faire, notamment dans les réceptions mondaines, les réunions, les médias, et dans les assemblées réunissant tous les candidats. J'ai parlé souvent avec Carol Hughes et je suis sûr que quand elle me voit, elle sait de quoi je vais parler. Nous nous sommes rencontrés...
:
Le trouble a été diagnostiqué chez Alex en octobre 2005, une semaine avant son deuxième anniversaire. On nous a dit qu'il fallait le préparer à recevoir 30 heures de traitements ICI, puisque son cas était considéré comme prioritaire. Donc, ma fille et son conjoint ont commencé à changer ses habitudes de sommeil et à chambarder leur vie pour qu'il soit prêt à recevoir ses traitements.
Puis, en 2006, l'ordre de priorité a été modifié et le nom d'Alex a été placé au bas de la liste. Apparemment, on fonctionnait dès lors selon le principe de premier arrivé, premier servi.
Nous avons obtenu beaucoup de renseignements des intervenants dans le domaine médical qui abondaient tous dans le même sens : Alex devait commencer des traitements ICI le plus tôt possible. Nous avons donc cherché des thérapeutes et nous en avons trouvé quelques-uns. Un thérapeute de Sudbury a aménagé un programme de soins à domicile qui aurait coûté près de 70 000 $ à ma fille et son conjoint. Ils étaient renversés.
En septembre, j'ai emmené ma fille et mon petit-fils à Toronto où nous avons rencontré Frank Klees et John Tory. Nous leur avons raconté notre histoire, puis nous avons finalement rencontré l'honorable Deb Matthews, alors ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse. Soudainement, après cette visite, mon petit-fils a été inscrit au programme.
Alex a été inscrit au programme de 30 heures. L'an dernier, en janvier, il a été retiré du programme et placé dans une classe régulière à l'école, ce qui ne l'a pas du tout aidé.
D'autres parents n'ont pas pu faire inscrire leurs enfants à ce programme. Un révérend de ma collectivité à l'époque m'a fait parvenir une lettre dans laquelle il a dit être tellement déçu par le système, qu'il a décidé d'aller exercer son ministère au Manitoba. Il m'a fait parvenir une lettre à l'intention du sous-comité. Je l'ai jointe à la fin du document.
Lorsque Carol m'a contacté, en novembre, pour savoir si je voulais venir témoigner, j'étais stupéfait. J'ai parlé d'autisme à beaucoup de mes amis en Nouvelle-Écosse, au Manitoba et ailleurs, et je leur ai dit ce qu'on m'avait demandé de faire. Ils m'ont tous encouragé à venir témoigner. C'est la raison pour laquelle je suis ici.
Finalement, la plupart des gens à qui je parle veulent que l'autisme soit ajouté à la Loi canadienne sur la santé. À notre avis, c'est la seule solution. Tous les programmes provinciaux — que ce soit en Nouvelle-Écosse ou au Manitoba — sont différents. Ça ne devrait pas être le cas. Tous les enfants de ces provinces sont canadiens.
J'ai rencontré le sénateur Jim Munson. Il est venu à Espanola et il s'est entretenu avec moi et plusieurs autres parents. Ce qu'il avait à dire, c'était : « Payez maintenant, ou payez plus tard ». Est-ce que payer plus tard constitue une option? Un jour, je vais mourir et ma fille aussi. Qu'arrivera-t-il alors à mon petit-fils? C'est ça la réalité. C'est une situation que de nombreux parents craignent.
Je suis le cofondateur d'un groupe social appelé Coffee Chat. Il y en a un à Espanola. Les parents se réunissent une fois par mois pendant une heure ou une heure et demie pour bavarder. Tous craignent beaucoup ce que l'avenir réserve aux personnes atteintes.
Comme vous pouvez le constater, la trousse que je vous ai remise contient d'autres informations, mais le point principal que nous voulons exprimer, c'est que la Loi canadienne sur la santé doit être modifiée.
:
Merci, monsieur Lendrum.
Nous sommes reconnaissants à Mme Hughes de vous avoir invité à témoigner. Plus tard, nous aurons une période de questions et réponses et beaucoup de temps vous sera alors accordé. Je vous ai laissé quelques minutes supplémentaires pour terminer votre exposé.
Aussi, nous n'avons pas le texte de votre exposé, car il a été envoyé à la traduction. Nous en remettrons une copie à tous les membres. Je viens d'y jeter un coup d'oeil, et il est tout simplement excellent. Très détaillé.
Votre présence ici ce matin est très appréciée.
Et merci à Mme Hughes de vous avoir invité.
Passons maintenant à notre prochain témoin, M. Peter Rosenbaum.
:
Merci. C'est un plaisir et un honneur de pouvoir discuter avec vous. Mes commentaires ne se limiteront pas à l'autisme, puisque je vais parler des maladies neurologiques qui touchent les enfants. La plupart de mes observations s'appuient sur des résultats de recherches.
Mon exposé est divisé en cinq thèmes.
D'abord, collectivement, les déficiences infantiles et les maladies neurologiques sont nombreuses et diverses. Il y a beaucoup de noms et de termes utilisés et souvent, si ce n'est pas toujours, il s'agit de descripteurs plutôt que des noms des maladies. Nous savons qu'environ 8 enfants sur 100 sont atteints d'une quelconque maladie neurologique du développement, dont, évidemment, l'autisme, la paralysie cérébrale et l'épilepsie. Bien qu'il soit important, pour une foule de raisons soulignées dans mes notes, de faire la distinction entre les maladies, il est également très important de réfléchir collectivement de manière non catégorielle, comme on dit, à ces maladies et à ce qu'elles ont en commun. On soutient depuis de nombreuses années, avec des données à l'appui, que ces maladies ont beaucoup de choses en commun, et la façon dont nous y réfléchissons et dont nous les examinons devrait tenir compte de cette réalité.
Le deuxième thème qu'il est important de reconnaître, c'est que les enfants sont en croissance permanente. Ce ne sont pas de petits adultes. Les enfants sont toujours en développement, qu'ils soient atteints ou non de troubles neurologiques. C'est une question très importante lorsqu'il s'agit d'enfants atteints de déficiences neurologiques, car on a tendance à les considérer comme des personnes qui ont besoin d'être traitées et guéries. Parallèlement, peu importe ce que l'on fait, il faut reconnaître qu'il s'agit d'êtres en développement. Les déficiences neurologiques ont une influence sur le développement de l'enfant. C'est la raison pour laquelle on parle de troubles neurologiques du développement.
À cause de ces différences, les traitements de réadaptation offerts aux adultes ne répondent pas particulièrement aux besoins des enfants. Notre façon de percevoir les enfants et de catégoriser leurs troubles a une incidence énorme sur ce que nous faisons et comment nous le faisons. Il ne faut pas oublier que les enfants atteints de troubles neurologiques deviendront des adultes qui auront ces troubles. Nous ne guérissons pas beaucoup de choses. Le monde des adultes — celui des services offerts aux adultes — ne s'occupe pas efficacement des enfants atteints de ces maladies. Le principal problème, auquel M. Lendrum a fait allusion, c'est ce qui arrive aux enfants atteints de troubles neurologiques du développement pendant leur croissance.
La troisième observation qui va de soi, c'est que la « famille » est le milieu et l'environnement dans lequel les enfants évoluent. Les maladies chroniques et les troubles du développement ont une incidence sur les familles. On estime qu'une famille canadienne sur cinq élève un enfant qui a un trouble neurologique du développement ou du comportement. De très bonnes recherches canadiennes ont prouvé l'impact négatif de ces troubles sur la santé physique et mentale des parents. On parle ici de données cliniques tant qu'épidémiologiques. Nous savons également que lorsque les services sont axés sur l'ensemble de la famille, cela joue beaucoup sur la santé mentale des parents, sur leur degré de satisfaction et sur le stress ressenti; ce dernier diminue alors.
Le quatrième thème, c'est que nous avons de nouvelles façons de percevoir les maladies infantiles, des façons qui vont au-delà des préoccupations biomédicales du diagnostic. Il y a dix ans, l'Organisation mondiale de la Santé a publié L'International Classification of Functionning, Health and Disability, que l'on appelle l'ICF. Il s'agit d'un cadre de santé qui s'applique à tout le monde. C'est une façon utile de considérer les déficiences infantiles. L'idée est que, quel que soit la déficience ou le trouble, il y a une incidence sur la structure et le fonctionnement corporel de l'enfant, mais aussi sur son niveau d'activité. Il peut aussi avoir une incidence sur sa participation à une vie active. Par ailleurs, les facteurs contextuels, le plus important étant la famille, les facteurs environnementaux et les facteurs personnels jouent un rôle extrêmement important dans la façon dont les gens réagissent par rapport au trouble qui les affecte.
Par conséquent, il est extrêmement important de reconnaître que toutes les interventions auprès d'enfants atteints de déficience neurologique doivent chercher à encourager l'interaction et l'activité de façon sécuritaire et efficace, afin d'encourager la participation des enfants. Malheureusement, il n'est pas nécessairement recommandé de soumettre les enfants à plus de thérapie. Donc, les services devraient toujours être axés sur le développement et la participation pour aider les parents à aider leurs enfants à devenir des adultes aussi capables, confiants et autonomes que possible.
Brièvement, mon cinquième thème, c'est qu'il faut continuer d'étudier ces questions. Je peux dire, sans fausse modestie, que la recherche canadienne en matière de déficiences infantiles fait l'envie du monde entier. Je suis très fier, lorsque je vais dans d'autres pays, d'entendre parler de notre travail et de constater l'estime qu'on y accorde.
Nous devons continuer à étudier comment aider plus efficacement les familles et, bien entendu, leurs enfants. Nous devons évaluer l'efficacité de nos interventions, adopter celles qui sont efficaces et abandonner celles qui ne le sont pas, en nous appuyant sur des données pertinentes. Nous devons appuyer les programmes nationaux de recherche qui favorisent de nouvelles façons de penser aux enfants, aux familles, et au développement, et nous devons privilégier une approche à long terme.
Notre programme est un programme socio-dynamique d'intégration par l'art. Cette nouvelle approche utilise le rythme du djembé africain pour communiquer avec ceux qui sont atteints d'un trouble du spectre autistique.
Nous sommes en train de mettre en place diverses structures pour réaliser le programme, auquel se greffe une composante de recherche, dans une gamme de milieux, allant des écoles conventionnelles jusqu'aux hôpitaux psychiatriques régionaux.
Cette nouvelle approche réduit les niveaux d'agressivité et allège toutes les difficultés d'intégration de la clientèle visée, et elle s'applique à tous les types de handicaps chez les enfants et les adultes. En fait, elle réduit l'anxiété.
La formation des stagiaires dans ces organisations ou ces établissements permet de créer une meilleure atmosphère, qui place les participants dans un contexte de création. La création est toujours associée à l'émotion. Ensemble, la création et l'émotion forment ce que j'appelle le « neurone dynamique » qui enregistre cette information dans ce que nous appelons la mémoire. Cette mémoire devient souvent une composante permanente à partir de laquelle on peut utiliser le rythme et tous nos autres outils pour interagir avec les participants.
Grâce à cette première composante, à cette première création, les participants réalisent qu'ils peuvent communiquer avec le monde extérieur. On peut ensuite y ajouter une musique, des mots et un rythme différents, mais en restant toujours à l'intérieur des paramètres du rythme original, car la communication s'appuie sur le rythme.
Le coût de la formation dans les établissements et les hôpitaux est peu élevé, lorsqu'on considère que les résultats à court terme sont très significatifs. Donc, le coût de la formation est très faible comparativement aux résultats formidables que l'on obtient.
Nous voulons que le gouvernement approuve ce programme pour que les écoles et les différents établissements puissent l'offrir sur demande.
C'est à peu près tout.
:
Merci, madame la présidente. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de témoigner devant le sous-comité.
Je suis grand-mère de deux jeunes garçons, deux frères, Alex et Nathan, âgés de six et de trois ans. Ils sont tous les deux atteints de troubles envahissants du développement, ou TED.
Mon conjoint et moi avions les moyens de payer un thérapeute privé pour Alex pendant les 10 mois au cours desquels il a dû attendre avant de subir un examen financé par le système public et d'obtenir un diagnostic. J'ai réalisé alors l'importance du dépistage et de l'intervention précoces, et je voulais faire quelque chose pour aider tous les enfants, pas seulement ceux venant de familles ayant les moyens de payer.
Cela a mené, en 2008, à la fondation de QuickStar - Intervention précoce pour l'autisme, une organisation caritative canadienne sans but lucratif.
L'objectif de QuickStart est de trouver la meilleure façon d'obtenir de l'aide immédiate pour les enfants qui montrent des signes d'autisme. À cette fin, QuickStart a participé à la création de la première clinique de prédiagnostic au Canada.
QuickStart milite également pour les enfants atteints d'autisme et pour leurs familles. C'est pour cette raison que j'ai demandé à témoigner devant le sous-comité, mais aussi pour les raisons suivantes: premièrement, pour souligner le fardeau qui accable les familles, tant sur le plan financier que sur celui de l'organisation du temps, pour tous les rendez-vous chez les spécialistes de la santé; deuxièmement, pour insister sur l'importance du dépistage et de l'intervention précoces; et troisièmement, pour souligner les résultats encourageants d'une thérapie intensive précoce pour les bambins.
Parlons, premièrement, du fardeau pour les familles. Selon notre expérience personnelle, ce fardeau provoque un stress énorme, non seulement pour la famille immédiate, mais aussi pour la famille élargie. Nous avons vu notre fille et son conjoint se battre sans relâche pour leurs enfants. Nous avons été témoins de leurs calendriers, avec tous les rendez-vous, les thérapies, etc. Ça ne finit plus. Ils sont épuisés. Ma fille a dû cesser de travailler. Ils doivent donc également s'adapter à une perte de revenus.
De plus, nous devons trouver un moyen de payer un thérapeute privé, un service qui coûte facilement plus de 50 000 $. On parle ici de dollars après impôt et, bien souvent, c'est la famille élargie qui aide à payer ces coûts. J'ai personnellement encaissé tous mes REER pour payer les thérapies de mes petits-fils, et mon conjoint et moi encaissons tous nos investissements de retraite pour offrir à nos petits-fils la meilleure chance possible de s'épanouir.
Je reçois aussi des appels d'autres parents. Ils sont désespérés. Ils ré-hypothèquent leur maison. Ils vendent leur maison et déménagent dans une autre province pour profiter de meilleurs soins.
Une grand-mère m'a appelée pour me dire qu'elle continuait à travailler pour payer la thérapie de son petit-fils.
Je viens vous dire que nous sommes chanceux. Que faites-vous si vous n'avez pas de maison ou d'actifs à vendre ou de famille élargie prête à vous aider? Votre enfant attend et perd du temps précieux et vous ne pouvez rien faire.
Deuxièmement, il y a l'importance du dépistage et de l'intervention précoces; savoir quoi faire. Mes deux petits-fils en sont un parfait exemple.
Le trouble d'Alexander n'a pas été dépisté tout de suite. Son omnipraticien voulait attendre un peu avant d'agir, ce qui est une approche très commune. Nous ne savions plus vers qui nous tourner pour obtenir de l'aide. C'est lorsque Alex avait 20 mois qu'un trouble a été observé et notre petit-fils a dû attendre encore 10 mois avant d'être évalué et de faire l'objet d'un diagnostic. Il avait 54 mois lorsqu'il a été admis au Programme d'intervention comportementale intensive, un programme public en Ontario. En tout, il a dû attendre 34 mois, soit près de trois ans après avoir fait l'objet d'un dépistage, avant d'être inscrit au programme.
Avec son frère, Nathan, ce fut une tout autre histoire. Nathan a participé et participe toujours à une étude de recherche menée par le Dr Lonnie Zweigenbaum, à Toronto. À 15 mois, on s'inquiétait déjà pour Nathan. À 18 mois, il a commencé à montrer des signes d'autisme. Le diagnostic est tombé lorsqu'il avait 21 mois.
Il y a un point essentiel à souligner ici. Alex avait considérablement régressé avant de suivre une thérapie privée. Nathan a commencé un traitement privé dès qu'une régression a été remarquée chez lui, parce que nous avions appris ce qu'il fallait faire.
Alexander est maintenant en première année et profite de l'aide d'une personne à temps plein. Même s'il a de nombreuses forces, nous ne sommes pas convaincus qu'il pourra un jour vivre de façon indépendante.
Après 21 mois de thérapie intensive — une thérapie intensive privée —, Nathan a tellement progressé, qu'il n'est plus admissible au traitement d'ICI. Nous avons bon espoir qu'il pourra vivre une vie bien remplie et être indépendant.
La troisième chose dont j'aimerais parler, c'est d'une thérapie intensive pour les bambins. J'aimerais brièvement souligner les résultats encourageants d'une nouvelle thérapie d'intervention précoce novatrice pour les bambins qui s'appuie sur l'analyse du comportement. On l'appelle le modèle Early Start Denver. Cette approche intensive d'intervention précoce utilisée par des spécialistes, en collaboration avec les parents de l'enfant, convient aux enfants âgés de moins de deux ans et demi. Elle est économique et elle a donné des résultats considérablement meilleurs que les autres approches. La progression de Nathan le confirme.
Je crois que ses progrès sont le fruit de plusieurs facteurs importants: un dépistage et une intervention précoces, une séance d'orthophonie hebdomadaire, et une thérapie intensive selon le modèle Early Start Denver. Nous sommes très chanceux que la seule personne au pays formée sur ce modèle se trouve ici, à Ottawa.
Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de témoigner aujourd'hui. Je remercie vos collègues de se pencher sur ce dossier et de donner de l'espoir à ceux qui sont touchés par ces problèmes.
Merci.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. Pardonnez-moi mon retard ce matin. J'étais coincée dans la circulation sur le Queensway.
Il me fait très plaisir de vous présenter, ainsi qu'aux membres de votre sous-comité, un aperçu de ce que fait l'Agence de la santé publique du Canada sur le plan de la surveillance des troubles du spectre autistique.
Je commencerai par vous donner un aperçu de la surveillance de la santé en général, et j'aborderai ensuite la question de la mise sur pied du programme de surveillance de l'autisme.
Comme bon nombre d'entre vous le savent, la surveillance de la santé est une fonction centrale en santé publique et représente un élément très important du travail de l'Agence de la santé publique du Canada. Qu'est-ce que la surveillance? C'est un processus permanent et systématique de collecte de données, d'analyse et d'interprétation de ces données par des experts, et, surtout, de communication des données conséquentes en vue de la prise de mesures en santé publique.
Cette information renferme, entre autres, des renseignements sur: l'état de santé; de nouvelles tendances; les variations dans l'état de santé selon les populations ou les régions géographiques précises — là où vivent les populations —; et les facteurs de risque et de protection. Nous avons de nombreuses façons de faire de la surveillance et nous recueillons de nombreux types de données différents.
Lorsqu'ils ont en main ces données de surveillance, les pouvoirs publics, les professionnels de la santé, les praticiens de la santé publique, les chercheurs et les citoyens en général peuvent se mobiliser afin de prévenir des maladies et de promouvoir la santé. Les interventions peuvent prendre la forme de politiques et de programmes, de modifications des pratiques cliniques ou de la pratique de la santé publique, d'avis et de renseignements destinés au public, ou de recherches. Comme vous pouvez le constater, les données de surveillance peuvent avoir plusieurs utilités, et nous prenons soin de ne recueillir que les données qui répondent à nos besoins.
Permettez-moi, maintenant, d'aborder la question de la mise en place d'un programme de surveillance nationale des troubles du spectre autistique. Comme vous le savez, l'autisme est une affection du développement neurologique qui survient habituellement avant l'âge de trois ans. Elle se caractérise par une déficience de la communication verbale et non verbale, une diminution de l'interaction sociale et la manifestation de comportements répétitifs. On estime que son incidence est de l'ordre de 6,5 cas pour 1000 au Canada, selon des études réalisées par Fombonne et des études citées par le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie dans son rapport de 2007.
En raison de I'absence de données épidémiologiques complètes et fiables sur les troubles du spectre autistique au Canada, le besoin de mettre sur pied un programme de surveillance nationale capable de combler nos lacunes documentaires et de nous procurer des données fiables sur les éléments suivants s'est fait sentir : premièrement, des renseignements sur la prévalence des troubles du spectre autistique, c'est-a-dire, la fréquence des troubles et les variations dans leur fréquence dans les différentes régions du pays; deuxièmement, un descriptif de la population infantile atteinte; enfin, comprendre les variations dans la prévalence de ces troubles au fil du temps.
II faut dire que l'agence et nos partenaires s'appuient sur du solide. La base de données épidémiologiques nationale pour l'étude de l'autisme au Canada a été créée en 2001 et elle est coordonnée par l'Université Queen's. Des chercheurs, des cliniciens et des organismes gouvernementaux de six régions du Canada collaborent à cette base afin de mieux comprendre et estimer la prévalence des troubles du spectre autistique.
La normalisation des définitions de cas et de la méthode de collecte des données est une condition préalable à une surveillance efficace de la maladie. Nous voulons que tous ceux qui participent à la surveillance collectent la même chose, selon les mêmes définitions et les mêmes méthodes, afin d'avoir des données fiables. Nous travaillons avec l'Université Queen's à l'élaboration et à la mise à l'essai de méthodes de surveillance des TSA qui mettent à profit l'expérience de l'Université dans la gestion de la base de données épidémiologiques nationale.
Nous avons également consulté les principaux intervenants, notamment des parents, des personnes soignantes, des personnes atteintes de troubles du spectre autistique, des professionnels de la santé, des dispensateurs de services, des chercheurs et des cliniciens, de même que d'autres personnes touchées par ces troubles.
En résumé, ces personnes nous ont dit que, pour surveiller les troubles du développement, nous devrions d'abord établir une définition valide des cas à partir de preuves scientifiques, puis établir un ensemble exhaustif d'indicateurs décrivant avec précision l'éventail des troubles et permettant une estimation exacte du taux de morbidité au Canada.
En novembre dernier, nous avons participé au symposium international du Geneva Centre à Toronto, et nous avons eu ainsi la possibilité de prendre connaissance, à la source même, des besoins des patients et de leur famille et des besoins des organisations qui dispensent des services aux enfants atteints de troubles du développement, tel que l'autisme. Lors de rencontres avec des homologues internationaux et des experts nationaux, nous avons été sensibilisés de première main à la nécessité d'adopter une approche nationale coordonnée afin d'évaluer la morbidité liée au spectre des troubles autistiques au Canada.
Pour l'instant, nous sommes en train d'établir notre comité consultatif scientifique pour le programme de surveillance de l'autisme. Nous collaborerons avec ce comité pour déterminer et confirmer les mesures ou les indicateurs que nous devrions avoir à l'oeil. Ces travaux feront suite aux démarches déjà entreprises avec l'Université Queen's.
Ce processus permettra de définir les données précises dont nous avons besoin et notre méthode de collecte de renseignements. Nous bénéficierons de la grande expertise sur les troubles du spectre de l'autisme que possèdent les secteurs canadiens de la recherche, des soins cliniques et des services sociaux, et les organisations représentant les intérêts des enfants et de leurs familles.
Nous nous appuierons notamment sur les travaux de la Canadian Autism Spectrum Disorders Alliance et d'Autism Speaks Canada. Comme vous le savez, les membres de ces organisations s'emploient à établir un programme national de surveillance de l'autisme. Nous collaborons avec elles pour que l'information du programme soit transmise aux intervenants, que nous recevions les commentaires de ces derniers et que le dialogue soit assuré en permanence.
Pour accélérer les efforts que nous déployons pour établir le programme de surveillance, nous avons confié la gestion de la conception du programme à un épidémiologiste principal. Ce qui importera le plus par la suite, ce sera la mise sur pied de notre comité scientifique consultatif ou directeur, qui commencera ses travaux au début de l'année prochaine afin de déterminer et de confirmer les mesures et les indicateurs qui constitueront les fondements de notre programme. Cela nous aidera à déterminer les meilleures méthodes de collecte de données. Nous comptons faire fond sur l'expertise considérable qui existe déjà pour établir un programme de surveillance qui permettra d'évaluer avec justesse le fardeau que représente la maladie au Canada.
Je vous remercie, madame la présidente. Je me ferai une joie de répondre aux questions que le comité pourrait avoir.
:
À mon avis, le thème principal que je soulignerais est celui dont les autres témoins ont parlé, particulièrement les parents et les grands-parents: il faut que l'on reconnaisse que les déficiences infantiles ont des répercussions sur les familles et que les politiques et services rendent compte de cette réalité.
Il est possible de prendre un certain nombre de mesures au chapitre des services, en assurant, par exemple, une intervention précoce semblable à ce qu'a décrit Suzanne Jacobson. Je crois que nous sommes trop rigides: c'est particulièrement le cas des médecins, qui accordent trop d'importance au diagnostic, comme si c'était nécessaire alors qu'il est évident que les enfants atteints de déficiences sont aux prises avec des difficultés fonctionnelles que l'on peut résoudre avec des méthodes qui sont rarement spécifiques à un seul trouble. Nous devons changer radicalement le paradigme. Voilà ce que je pense des services et de la manière dont les professionnels les perçoivent.
Ensuite, comme je l'ai indiqué il y a quelques instants, il est crucial de tenir compte du contexte dans lequel évolue les enfants, c'est-à-dire la famille, et de reconnaître qu'il faut offrir des services à cette dernière et pas uniquement aux jeunes.
De plus, je considère qu'il est possible d'adapter les politiques fiscales nationales et provinciales et les autres politiques financières pour tenir compte des répercussions des déficiences infantiles sur les familles. Il ne s'agirait pas seulement de payer les services peu accessibles, mais d'offrir, par exemple, des avantages fiscaux et du soutien à la famille quand ses membres doivent modifier ou cesser leurs activités ou laisser passer des occasions d'avancement parce qu'ils se préoccupent du bien-être de leurs enfants.
En ce qui concerne la recherche, il faudrait de toute évidence reconnaître que les déficiences infantiles constituent un problème majeur au pays et admettre la prévalence de ces troubles et leurs répercussions sur les enfants et leurs familles. Le fait est que ces enfants deviendront des adultes qui seront, pour diverses raisons, des orphelins dans un monde d'adultes.
Je dirais en terminant qu'il est absolument impératif de transférer le savoir, c'est-à-dire de transmettre la meilleure information scientifique à ceux qui en ont besoin, soit les familles, les fournisseurs de services et les décideurs. Nous devons abandonner les pratiques qui ne donnent rien au profit de méthodes éprouvées.
:
J'aimerais dire un mot sur les services pour adultes. Notre programme est né à Rouyn-Noranda en Abitibi-Témiscamingue. Il avait pour but de développer des services pour adultes. Au Québec, quand on atteint l'âge adulte, c'est-à-dire 21 ans, il n'y a plus de programmes. Il n'y a pas vraiment de lieu où on travaille à la réadaptation ou à l'intégration sociale. Notre programme a été conçu pour offrir de tels services. Il est implanté dans différents milieux, qu'ils soient scolaires, institutionnels et hospitaliers. Notre programme permet de développer la concentration et une participation sociale accrue chez les participants.
De plus, j'ai entre les mains quelques films vidéos de classes de cheminement particulier avec des adultes que j'ai intégrés aux documents que je vous ai envoyés.
Il y a également le programme de formation et la formalisation du mode d'intervention. Dans les documents que nous avons déposés aujourd'hui, on trouve différentes lettres envoyées par des responsables de plusieurs institutions: le Dr Lemay de l'hôpital Sainte-Justine, des gens de l'hôpital psychiatrique de Malartic, etc.
Nous avons beaucoup de difficulté à implanter ce programme parce que, dans le cadre de notre intervention, nous touchons à la fois à la santé, à l'art, à la communication et à l'éducation. Sur le plan provincial, il est difficile de nous positionner afin qu'un ministère dise qu'il va se charger de ce programme reconnu. Nous disposons d'environ 5 000 heures d'intervention que nous pouvons mettre à la disposition des membres du comité et des invités.
:
Non, je ne suis pas médecin, je ne soigne pas les gens sur ce plan. Il s'agit plutôt d'un traitement relationnel, un traitement d'intégration sociale. Je pense que cela rejoint ce que le professeur disait plus tôt, c'est-à-dire qu'il faut changer nos manières de penser et de vivre.
Dans nos ateliers, il n'y a pas de relation de statut social à statut social. Les gens sont là avec leur bagage et leur histoire. C'est la même chose pour une personne autiste, une personne qui souffre du trouble du spectre autistique, ou d'autre chose également. C'est filmé et analysé.
On trouve, ici, les grilles que je vous ai laissées et qui montrent la courbe de participation et de concentration de chaque individu. Chaque couleur représente un individu. À partir de cette grille, nous arrivons à faire des pairages pour monter des groupes d'individus qu'on ne penserait pas mettre ensemble. L'idée n'est pas de provoquer la relation, mais de l'amener.
Nous travaillons avec des participants qui ont un certain niveau d'anxiété. Nous arrivons à contrôler ce niveau.
Nous avons aussi développé des termes. Une OS est une opportunité sociale. Une PS est une photo sociale. Une SS est une stagnation sociale. Nous arrivons à observer ces trois modèles qui nous permettent de faire un portrait de la personne. Une chose est très importante: nous travaillons avec les familles. Les films vidéos sont disponibles pour les familles. Les parents me voient travailler avec leur enfant. Parfois ils ne sont pas du tout content de ce que je fais, mais ils peuvent le voir.
Il s'agit d'un processus de création artistique. On ne met donc pas en danger l'autorité des parents ou des médecins. On est dans un processus culturel, on est dans un lieu neutre qui permet une liberté d'expression. Grâce à celle-ci, jusqu'à maintenant, on arrive à faire un très bon travail. Nous allons aussi donner de la formation à Paris et en Tunisie, les gens veulent déjà ce programme. On souhaiterait l'instaurer en Abitibi-Témiscamingue. Nos partenaires sont bien installés. Il nous faut un appui pour pouvoir se charger de la partie recherche et développement. Nous avons cinq ou six lieux de formation possibles pour différentes clientèles, pour différents participants, milieux scolaires, institutionnels, organismes communautaires.
:
Merci. Votre passion et votre intérêt font plaisir à voir.
Nous accueillons maintenant M. Mottron. Je crois comprendre, monsieur, que vous êtes venu en voiture de Montréal ce matin. J'étais justement à Montréal ce week-end pour travailler dans un dossier de traite de personnes. La conduite automobile y est fascinante.
Avec l'accord du comité, j'aimerais prendre une pause de quelques instants pour permettre à M. Mottron de faire un exposé de cinq minutes. Ensuite, si le comité le veut bien, nous poursuivrons notre tour avec Mme Hugues. Cette formule vous convient-elle?
Monsieur Mottron, je vous souhaite la bienvenue. Je suis heureuse que vous soyez arrivé sain et sauf ce matin.
Je suis très intéressée à entendre votre exposé.
:
Le gouvernement du Québec et les gouvernements d'autres provinces, je crois, ont décidé d'imposer un type de traitement particulier de l'autisme sur la base de connaissances tout à fait insuffisantes, à mon sens. En effet, les tailles d'effet pour les études qui rapportent des effets positifs sont également insuffisantes.
Il est unique, à la fois dans le domaine des professions et dans le domaine des maladies, qu'un gouvernement se prononce pour une technique particulière. Peut-on imaginer que les cancérologues soient obligés de mettre dans leurs flacons un produit plutôt qu'un autre? Ça n'a absolument aucun sens. C'est le résultat d'un lobbying excessif et injuste à mon sens.
Certaines choses ne sont pas contestées en ce qui a trait au domaine de l'aide aux autistes, notamment ce qui doit être fait pour les adultes en matière de travail et de logement. Il y a présentement un déséquilibre en faveur de l'intervention précoce, sur le plan des crédits. En effet, la quasi-totalité des crédits sont consacrés aux enfants âgés de zéro à six ans, alors qu'il y a une quasi-absence, ou une très grande pauvreté des ressources pour les adultes, dont le logement et le travail. Cela me semble être une erreur.
Un autre raisonnement a cours actuellement au Québec. On pense qu'il faut combler les listes d'attente pour que tout le monde puisse avoir les fameuses douze heures de méthode ABA. Par conséquent, cette technique est trop longue, peu efficace et trop coûteuse en temps.
Je suggère fortement que l'on rééquilibre ce choix budgétaire et que la somme relative consacrée aux adultes comparativement à celle qui est consacrée aux enfants soit redistribuée sur cette base.
Ai-je encore quelques minutes, ou les traducteurs n'ont-ils plus de souffle?
:
Cette dernière observation est assez intéressante.
J'ai un fils de quinze ans atteint d'autisme, et l'une des premières choses que l'on me demande c'est, à quel point c'est grave. En me fondant sur certains facteurs, je dirais que son cas est très sérieux. À quinze ans, il ne parle pas et est complètement incapable de penser de manière abstraite, car sa capacité de réflexion est presque entièrement ancrée dans l'univers concret. M. Mottron, vous avez parlé de la capacité d'adaptation ou de l'importance des répercussions. Or, mon fils est vraiment très heureux, car il est capable de trouver des domaines où il peut exceller — j'en ai parlé la dernière fois —, en travaillant à la bibliothèque ou en s'adonnant à des activités de ce genre. Je constate parfois que la situation est plus difficile pour ceux qui sont « moins » autistes, car ils sont plus anxieux. En effet, ils sont conscients d'être différents et il leur est très difficile de faire face à la situation. Je crois que c'est un aspect important que vous avez fait ressortir.
J'aimerais toutefois éclaircir quelques points.
Madame Jacobson, avez-vous dit qu'il n'y a aucun service de soins de relève en Ontario?
:
Puis-je répondre en ce qui concerne les preuves scientifiques?
[Français]
C'est un cliché que l'on retrouve dans tous les discours et lorsqu'on défend les décisions sur les choix de méthodes, en particulier sur la méthode Lovaas. Comme je le soulignais, c'est utilisé de façon très abusive. On ne parle pas de 52 p. 100 mais de 47 p. 100. C'est le chiffre magique que l'on trouve dans l'étude Lovaas de 1987. Ce sont des chiffres, comme vous dites très bien, qui sont beaucoup plus précis que les choses qui ont de faibles tailles d'effet et qui se rapportent à des problèmes méthodologiques qui ont été soulignés pendant les 30 années suivantes. Il n'est donc pas établi scientifiquement que la méthode ABA a ce niveau d'effet.
Il y a eu au moins trois méta-analyses, dont celle de Patricia Howlin, celle d'Ospina, celle de Spreckley, les Australiens. Il y a des différences entre ces méta-analyses. Spreckley parle d'une absence d'effet. Patricia Howlin parle d'un effet pour certaines personnes, mais de façon imprévisible. La troisième étude parle d'effet faible.
On doit aussi souligner qu'il existe maintenant quelques essais contrôlés randomisés pour des études qui portent sur la communication. Il s'agit donc d'études qui durent deux heures par semaine au lieu de huit à dix heures par semaine et dont les tailles d'effet sont du même ordre.
Le ratio coûts-avantages de la méthode ABA est actuellement injustifiable par rapport à ces autres techniques de communication. Dans tous les cas, les effets sont faibles, on doit le dire.
Je suis persuadé que la loi ne nomme aucun trouble. De temps en temps, nous sommes saisis d'un projet de loi d'initiative parlementaire pour ajouter l'autisme à la Loi canadienne sur la santé. Mais si nous l'y ajoutions, ce serait le seul trouble qui y figurerait.
Quand je parle aux familles, je m'efforce souvent de leur faire comprendre le partage des responsabilités au Canada. Le financement du traitement de l'autisme est clairement de compétence provinciale. J'ai été encouragé d'apprendre que vous avez rencontré Deb Matthews et John Tory. C'est probablement vers ce temps-là que j'ai emmené Jaden les rencontrer, la même journée.
Je dois dire que ces deux rencontres ont été formidables. John Tory est extraordinairement compréhensif. Pour quelqu'un qui n'est pas confronté à l'autisme jour après jour, il a fait preuve d'une compréhension remarquable.
Avez-vous emmené votre petit-fils à ces rencontres?
:
Bien sûr, avec plaisir.
Comme on peut s'en douter, les instituts de recherche en santé du Canada sont les organismes fédéraux mandatés pour assurer l'exécution et le soutien efficaces de la recherche en santé au pays afin de combler les besoins de la population. Dans le cas de l'autisme en particulier, les IRSC effectuent de la recherche scientifique fondamentale et de la recherche appliquée. Leurs travaux de recherche visent à élargir le savoir sur les troubles du spectre de l'autisme, à mieux comprendre comment le réseau de soins de santé réagit et, bien sûr, à appuyer la science fondamentale afin de comprendre les causes et les traitements de l'autisme. Ce sont les IRSC qui s'en chargent.
Pour notre part, notre rôle au sein de l'Agence de la santé publique du Canada en est un de surveillance. Nous nous efforçons à collaborer avec les intervenants pour élaborer un programme de surveillance de calibre mondial pour les troubles du spectre de l'autisme.
Quant à Santé Canada, il s'occupe en général de la politique en matière de santé et de soins de santé au pays, le tout en collaboration avec les provinces et territoires.
Je reviendrai un instant à l'Agence de la santé publique du Canada pour faire suite à ce que M. Lake vient d'indiquer au sujet des intervenants — et par intervenants, j'entends avant tout les familles et les organisations qui représentent les familles qui ont un enfant atteint d'un trouble du spectre de l'autisme. Cette interaction est extrêmement importante pour nous. Nous évaluerons le mérite de notre programme de surveillance en nous fondant sur les commentaires de ceux qui utilisent l'information pour concevoir et utiliser les programmes, et pour déterminer quels seront les besoins futurs des familles qui ont un enfant atteint d'un trouble du spectre de l'autisme.
Au chapitre de la surveillance, il y a deux choses que j'ai retenues de nos rencontres avec les intervenants: je crois que de façon générale, ces derniers ont réalisé qu'il se passe plus de choses qu'ils ne le pensaient, et les autres participants ont compris qu'il reste encore beaucoup à faire.
Mme Kim Elmslie: Bien dit.
M. Mike Lake: C'était donc bien équilibré.
Pourriez-vous nous décrire, en termes que les familles peuvent comprendre, le chemin qu'il reste à parcourir pour mettre sur pied un programme de surveillance qui ne soit pas seulement hypothétique, mais bien fonctionnel, et ce que cela signifie pour les familles du pays?
:
On veut une étude qui comprend beaucoup plus de données. On a fait une étude avec un groupe de 10 personnes. Même si c'est documenté, qu'il y a un film vidéo à l'appui et que ça se poursuit avec des interventions, on souhaiterait vraiment avoir une étude qui porte sur 100, 200, 300 personnes.
En ce qui a trait aux budgets, on a fait des demandes au ministère de l'Éducation et au ministère de la Santé. Malheureusement, comme je vous le disais un peu plus tôt, chaque fois on refuse notre demande en disant qu'on ne répond pas aux critères parce qu'on touche à trop de paramètres différents.
Dernièrement, avec la Conférence régionale des élus, on travaille avec le MDEIE qui devrait — mais ce n'est pas encore finalisé — financer le programme de formation qui va débuter en septembre prochain. Cependant, on est encore dans l'incertitude à l'heure actuelle.
Les parents le demandent, la fédération nous soutient, le Dr Lemay de l'hôpital Sainte-Justine nous soutient, l'hôpital psychiatrique régional de Malartic veut implanter le projet, et les lettres sont jointes au document présenté. Nous avons donc un milieu de partenaires présents et futurs. Il y a aussi le centre neurologique et le professeur Catherine Barthélémy, qui est très intéressée à approfondir cette pratique. Il s'agit d'un programme qui s'intègre très bien dans les écoles. Je pense que ce serait faisable dans les écoles au Canada.
:
Il y a des variantes selon les provinces, mais la plupart des provinces canadiennes sont parties du modèle qui veut qu'une intervention très intensive, si elle est livrée avec lourdeur, peut faire en sorte que l'enfant n'ait plus besoin de services dans le futur.
Les gens ont donc choisi le type de modèle dont vous avez été victime. L'arbitraire de la tranche de temps varie selon les provinces, mais, dans tous les cas, on a un excès de densité qui est suivi par un vide total, alors que des autistes adolescents et adultes ont besoin de cellules de gestion de crise qui soient extrêmement souples, polyvalentes et qui agissent de façon discontinue. Ils en ont besoin toute leur vie.
Une personne autiste, qu'elle aille très bien ou très mal, a besoin, toute sa vie, d'une aide discontinue, particulièrement pour le travail, le logement, l'accomplissement d'actes sociaux comme le fait de remplir des papiers, etc. Aucun traitement livré avez densité, si vous voulez, ne va empêcher, à l'âge adulte, que ces gens aient besoin de ce type de services.
:
Les législateurs doivent être avertis de certains risques dans ce domaine. En particulier, il existe une pression exercée par des groupes de lobbying pour contourner les comités de pairs dans des situations où un faux miracle circule. Au Québec, le Fonds de la recherche en santé du Québec — l'organisme qui est l'équivalent de nos IRSC — a fait l'objet d'une pression tout à fait indue pour que la sécrétine soit testée dans des conditions qui contournaient les comités de pairs. Ça a été toute une histoire. C'est la même chose pour l'oxygénothérapie hyperbare et tous les pseudo-miracles qui, tous les deux ans, envahissent le champ de l'autisme. Je crois qu'il est très important que les critères scientifiques — même si, apparemment, il en résulte que beaucoup de demandes de subvention restent sur la table des IRSC — ne soient pas amoindris parce qu'il s'agit de l'autisme et que celui-ci bénéficie d'une sorte de primauté indue dans l'opinion.
À ce propos, je trouve très inquiétant qu'il y ait un comité comme celui-ci, même si j'y participe. Existera-t-il un jour un comité sur le syndrome de Gilles de La Tourette? J'imagine que non. Existera-t-il un comité comme celui-ci sur la déficience intellectuelle? J'imagine que non.
Actuellement, au Québec un enfant autiste bénéficie automatiquement d'environ 10 heures d'aide scolaire simplement à la suite d'un diagnostic, même s'il a un QI de 120 et un niveau d'adaptation à peu près correct. Étant père d'un enfant souffrant du syndrome de Gilles de La Tourette, qui est maintenant plus grave, j'ai pu constater à quel point une autre condition neurodéveloppementale ne donne droit à aucun service.
Il faut également penser à des questions d'équité. La popularité de l'autisme, dont on bénéficie quand on est comme moi, chercheur sur l'autisme ou comme vous, parents d'enfants autistes, a aussi quelque chose d'injuste. Il faut donc en tenir compte.
:
Comme je ne sais pas en quoi la recherche sur l'autisme est différente, je ne peux répondre à votre question. Ce que je peux vous dire, c'est que les projets pour lesquels j'ai obtenu du financement étaient excellents, tout comme l'étaient ceux qui n'ont pas été financés. Comment se fait-il que personne ne s'en est rendu compte?
Le fait est que la concurrence pour l'obtention de subventions est très vive. Les IRSC, qui approuvent 20 ou 22 p. 100 des demandes, sont plus généreuses que le NIH, avec lequel j'ai déjà travaillé et qui affiche un taux d'approbation se situant autour de 8 p. 100. La concurrence dans le milieu est très intense.
Il arrive qu'une demande de subvention pour un projet jugé excellent soit rejetée. Il est possible de la peaufiner grâce aux renseignements obtenus par suite de son évaluation. Oui, il y a une certaine iniquité entourant le processus. Si nous avions deux fois plus d'argent, deux fois plus de recherches seraient menées.
Le comité pourrait peut-être recommander que le gouvernement continue d'appuyer et d'améliorer le financement des IRSC, car s'il y avait plus d'argent, un plus grand nombre de projets seraient financés. La dernière demande que nous avons soumise s'est classée 16e sur un total de 69. Treize projets ont été financés. Nous avons présenté une nouvelle demande. S'il y avait eu plus d'argent, nous aurions obtenu des fonds.
:
En France, s'est créé une catégorie dite des maladies orphelines, pour regrouper, avec la même capacité de lobbying, des maladies qui ne comptaient pas assez de représentants pour faire l'objet d'une pression.
L'autisme bénéficie d'une sorte d'aura particulière, comme si c'était quelque chose de plus tragique ou de plus spectaculaire que les autres maladies. Je ne pense pas que cela soit le cas. J'ai passé ma vie à faire de la recherche sur l'autisme et à me battre pour les droits des personnes autistes. Par ailleurs, je ne pense pas qu'ils devraient profiter d'aucun traitement particulier par rapport aux autres humains.
Dans les faits, au Québec en tous les cas — je ne connais pas la loi des autres provinces —, il existe un déséquilibre entre la quantité de services auxquels les gens ont droit automatiquement, à partir d'un diagnostic d'autisme, et la quantité de services auxquels on a droit quand on vit des conditions qui, dans certains cas, peuvent être beaucoup plus handicapantes que l'autisme.
Je pense en particulier au syndrome de Gilles de La Tourette, pour des raisons personnelles. Quelqu'un qui souffre du syndrome de Gilles de La Tourette peut aller très bien, mais il peut aller très mal, beaucoup plus qu'un autiste qui va bien. C'est aussi le cas de la déficience intellectuelle. C'est aussi le cas de postchirurgies de l'épilepsie ou de syndromes neurologiques variés.
J'en reviens à ma première proposition du début. Si on dispense des services en fonction du niveau dit d'inaptitude, secteur par secteur, et non pas par diagnostic, on est moins à risque de créer des catégories orphelines.