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INDU Rapport du Comité

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LE RÉGIME CANADIEN DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE

CONTEXTE

Le 1er mai 2012, le Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (ci-après appelé « le Comité ») a adopté une motion lui donnant pour mission, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, d’étudier le régime de protection de la propriété intellectuelle (ci-après appelé « PI ») au Canada et la manière dont celui-ci contribue à l’innovation[1]. Le Comité a entendu 50 témoins durant ses audiences, qui ont commencé le 10 mai et pris fin le 5 février 2013.

Compte tenu de l’intensification de la concurrence mondiale et du vieillissement de la population (et de la main-d’œuvre) du Canada, il devient très important de trouver des moyens d’augmenter la productivité du travail pour préserver notre niveau de vie. Or, l’innovation est la clé de l’amélioration de la productivité, ce que de nombreuses études attestent[2]. Pour le Conference Board du Canada, l’innovation est :

Un processus par lequel on extrait du savoir une valeur économique ou sociale — par la création, la diffusion et la transformation des idées — en vue de produire des produits, services ou processus nouveaux ou améliorés[3].

En ce qui concerne le rendement du Canada en matière d’innovation, voici ce que Rob Annan (directeur, Politiques, recherche et évaluation, Mitacs) avait à dire :

Bien entendu, le défi […] vient du fait que le Canada souffre d'une piètre productivité résultant d'une innovation lacunaire. Nos dépenses […] [dépenses des entreprises en recherche et développement] sont inférieures à la moyenne, notre taux de détenteurs de doctorat par habitant se situe dans le tiers inférieur et, parmi les 17 pays membres de l'OCDE, nous figurons au 14e rang au chapitre du nombre de brevets par habitant. Nos universités de recherches accomplissent toutefois des merveilles. Nous nous classons au 10e rang à l'échelle mondiale pour ce qui est du nombre de publications universitaires par habitant. Nous faisons encore mieux à d'autres égards, étant des chefs de file mondiaux dans des domaines comme les sciences de la vie. Nos universités sont parmi les mieux cotées au monde[4].

Jeremy de Beer (professeur agrégé, Faculté de droit, Université d’Ottawa) sous-entend pour sa part que la PI et l’innovation vont de pair pour protéger la prospérité lorsqu’il affirme que le Canada doit « mettre l'accent sur l'innovation, qui est la clé de la productivité. Et le régime de la propriété intellectuelle y a un rôle à jouer[5] ». Vu le caractère vital de l’innovation pour l’avenir du Canada, la protection de la propriété intellectuelle revêt un caractère crucial.

On trouvera donc dans le présent rapport un aperçu des principaux éléments de l’étude du Comité et les recommandations de celui-ci au gouvernement du Canada sur la manière d’améliorer le régime de protection de la propriété intellectuelle de façon à accroître l’innovation et la productivité. Le chapitre I inscrit la PI dans son contexte et décrit le régime actuel. Le chapitre II porte sur la sensibilisation des petites ou moyennes entreprises (ci-après appelés « PME ») à la PI; le chapitre III traite des avantages et des défis de la collaboration entre l’université, l’industrie et les gouvernements au niveau de la gestion de la PI; le chapitre IV met en relief les moyens de renforcer et de simplifier la protection de la PI au Canada; le chapitre V aborde la lutte contre la contrefaçon et le piratage; le chapitre VI traite spécifiquement de la protection de la PI dans l’industrie pharmaceutique; enfin, le chapitre VII contient les recommandations du Comité au gouvernement du Canada.

CHAPITRE I — LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AU CANADA : PORTRAIT

1. Définition

L’Office de la propriété intellectuelle du Canada (ci-après appelé « OPIC ») donne la définition suivante de la propriété intellectuelle :

L'ensemble des droits qui découlent de l'activité intellectuelle dans les domaines industriel, scientifique, littéraire et artistique[6].

La PI recouvre les cinq éléments clés suivants :

  • Les brevets : Les brevets visent les inventions (procédé, machine, fabrication, composition de matières) ou tout perfectionnement nouveau et utile.
  • Les marques de commerce : Les marques de commerce sont des identificateurs uniques qui accordent des droits exclusifs sur des mots, des symboles et des dessins afin de distinguer les produits ou les services d'une entreprise de ceux offerts par des tiers sur le marché.
  • Les droits d'auteur : L'expression « droit d'auteur » signifie « droit de reproduire ». Seul le titulaire d'une œuvre (souvent son créateur) a le droit de produire ou de reproduire cette œuvre ou de permettre à une autre personne de le faire.
  • Les dessins industriels : On entend par dessin industriel les caractéristiques ayant trait à la forme, à la configuration, au motif ou aux éléments décoratifs (ou toute combinaison de ces éléments) d'un objet fabriqué à la main ou à l'aide d'un outil ou d'une machine.
  • Les topographies de circuits intégrés : Les topographies de circuits intégrés sont des configurations de circuits tridimensionnelles. La protection de la PI relative aux topographies de circuits intégrés confère des droits exclusifs en ce qui concerne la reproduction de la topographie et la commercialisation des circuits qu'elle renferme[7].

Au niveau fédéral, ces éléments relèvent de cinq lois, chacune portant sur un type particulier de PI :

  • la Loi sur les brevets;
  • la Loi sur les marques de commerce;
  • la Loi sur le droit d’auteur;
  • la Loi sur les dessins industriels;
  • la Loi sur les topographies de circuits intégrés[8].

Ces lois sont administrées par l’OPIC, une agence d’Industrie Canada (la Loi sur le droit d’auteur est une responsabilité partagée avec Patrimoine canadien)[9]. La Loi sur la protection des obtentions végétales, qui elle aussi appartient au régime de protection de la PI, est administrée par l’Agence canadienne d’inspection des aliments.

2. Le rôle du gouvernement fédéral

A. Industrie Canada

C’est Industrie Canada qui est chargé du cadre stratégique de la protection de la PI au Canada. Les fonctionnaires du Secteur de la politique stratégique du Ministère conseillent le Ministre sur tous les aspects de la PI et représentent le gouvernement du Canada dans les tribunes internationales et durant les diverses négociations internationales[10].

Selon Gerard Peets (directeur principal, Direction de la planification et de la stratégie, Secteur de la politique stratégique, Industrie Canada), le cadre de protection de la PI vise à encourager l’innovation, la créativité et la diffusion des connaissances. M. Peets a ensuite expliqué au Comité en quoi les trois facteurs suivants influent sur la formulation des politiques en matière de PI :

  • La PI importe plus que jamais. Quand on pense que les biens incorporels (comme la PI) comptaient pour 70 % de la valeur des entreprises incluses dans l’indice Standard & Poor’s 500 en 2008 (contre 20 % en 1975), on comprend facilement la valeur de la PI dans l’économie contemporaine. La valeur des brevets a été illustrée dans de récentes opérations financières de grande envergure comme la vente des brevets de Nortel pour 4,5 milliards de dollars en 2011 et l’acquisition de Motorola par Google pour 12 milliards de dollars en 2012.
  • La politique canadienne en matière de PI est aussi une politique mondiale. En effet, bien que les droits de PI relèvent des lois nationales, les partenaires commerciaux s’efforcent d’en arriver à un consensus dans plusieurs domaines. Ainsi, des normes ont été formulées et elles sont maintenant inscrites dans l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce de l’Organisation mondiale du commerce, accord dont le Canada est signataire. Le Canada est par ailleurs membre de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, un organe de concertation des Nations Unies.
  • La PI est une question extrêmement complexe.
    • La politique en matière de PI n’est qu’un élément d’un ensemble d’autres politiques d’appui à l’innovation. Par exemple, la politique de concurrence est très importante aussi si l’on veut que l’économie soit innovante et productive.
    • La politique en matière de PI concerne de nombreux groupes qui n’ont cependant pas tous les mêmes vues sur le régime idéal de protection de la PI[11].

M. Peets a dit au Comité que le gouvernement du Canada cherchait à déterminer si le régime actuel de protection de la PI répond bien aux objectifs exprimés dans les questions suivantes :

  • Les brevets servent-ils bien les Canadiens? Quels sont les effets, sur l’innovation et la concurrence, des portefeuilles de brevets défensifs, de la chasse aux brevets et des enchevêtrements de brevets[12]?
  • Pour les exportateurs, les régimes étrangers de protection de la PI sont-ils plus importants que le régime canadien?
  • La grande majorité des entreprises canadiennes sont des PME. Sont-elles bien servies par le régime de protection de la PI?
  • Est-il opportun d’examiner la manière dont la protection de la PI est administrée et appliquée par les tribunaux?

B. Le rôle de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC)

Au Canada, l’administration du régime de protection de la PI relève de l’OPIC. L’OPIC statue sur les demandes de droits de PI. Il administre par ailleurs la procédure d’appel de première instance par l’intermédiaire de la Commission des oppositions des marques de commerce[13] et de la Commission d’appel des brevets[14],[15]. L’OPIC est aussi chargé de sensibiliser les entreprises canadiennes à la protection de la PI et il représente le Canada auprès de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (ci-après appelé « OMPI »).

Le marché canadien étant relativement petit, en matière de protection des droits de PI des inventeurs, le Canada est considéré comme un pays de « demande secondaire ». L’OPIC s’efforce donc de voir à ce que le système canadien soit compatible avec ceux des autres pays, en particulier les pays de « première demande » comme les États-Unis et l’Union européenne. D’après le premier dirigeant de l’OPIC, Sylvain Laporte :

Il est évident que la PI est un système mondial, surtout en matière d'administration. Du point de vue de l'administration, il est essentiel pour nous d'avoir de bons liens avec les autres pays et de faire beaucoup d'efforts pour harmoniser nos activités en matière de propriété intellectuelle afin qu'il soit plus facile pour les Canadiens de déposer des demandes à l'étranger et beaucoup plus facile pour les étrangers de déposer des demandes au Canada. Si cet équilibre n'est pas bien obtenu, cela ne rend pas les entreprises canadiennes très concurrentielles et il est plus difficile pour les étrangers d'investir au Canada[16].

Le Tableau 1 dresse le bilan des activités de l’OPIC en matière de PI pour l’exercice 2011-2012. L’OPIC reçoit quelque 100 000 demandes de droits de PI, dont 37 000 environ sont des demandes de brevets. (En 2011-2012, l’OPIC a accordé 20 911 brevets.) Seulement 12 % des demandes de brevets émanent de Canadiens; 88 % proviennent de demandeurs étrangers.

Tableau 1 – Volumes de demandes relatives à la PI traitées par l’Office de la propriété intellectuelle du Canada par catégorie (2011-2012)

 

Brevets

Marques de commerce

Dessins industriels

Droits d’auteur

Demandes

36 926

49 495

5 170

8 212

Octrois/enregistrements

20 911

26 783

4 640

8 167

Délai entre le dépôt de la demande et l’octroi/ enregistrement

78 Mois

27 Mois

9 Mois

3 Jours

Source : Office de la propriété intellectuelle du Canada, exposé devant le Comité, 7 mai 2012.

L’apport de l’OPIC à l’innovation et l’aide qu’il offre à l’industrie canadienne sont assujettis à trois impératifs :

  • Rendre ses décisions rapidement sur les demandes de droits de PI : plus la décision de l’OPIC est rapide, plus vite l’entreprise requérante peut se préparer à commercialiser son produit.
  • Bien saisir l’essence de l’innovation de manière à délimiter clairement la portée du brevet, car le manque de clarté à cet égard peut donner lieu à des actions en justice.
  • Veiller à ce que l’obligation de divulgation de l’information soit respectée. D’autres innovateurs peuvent à partir des informations divulguées sur un concept protégé par brevet et y ajouter des éléments de leur cru pour obtenir un brevet différent, lequel peut ouvrir la voie à la commercialisation d'autres innovations. Ce progrès est possible du fait de l’obligation du titulaire de brevet de divulguer publiquement la technologie protégée[17].

L’OPIC est responsable de l’évaluation des demandes de brevet conformément à la Loi sur les brevets et les Règles sur les brevets. En sa qualité de dirigeant de l’OPIC, le commissaire aux brevets a le pouvoir de délivrer des brevets d’inventions répondant aux critères de « brevetabilité », c.-à-d. que toute invention doit être nouvelle, utile et non évidente[18]. En ce qui concerne la délivrance de brevets, l’OPIC poursuit les objectifs stratégiques suivants[19] :

  • La délivrance en temps utile des droits de PI et la diminution des tracasseries administratives afin de permettre aux inventeurs de développer leurs idées, de leur attribuer une valeur et de les commercialiser sans tarder pour faciliter leur accès rapide au marché;
  • La délivrance de brevets de haute qualité et bien définis afin de soutenir les investissements des entreprises en renforçant la certitude dans le marché;
  • Le maintien d’une base de données recherchable de brevets délivrés pour soutenir la diffusion de l’information en vue de faciliter l’innovation progressive;
  • L’alignement des pratiques de l’OPIC sur les normes internationales de la PI pour aider les entreprises canadiennes à soutenir la concurrence en assurant une façon rentable d’obtenir des droits de brevet fiables et de haute qualité dans plusieurs pays;
  • Une sensibilisation accrue à la propriété intellectuelle afin d’inciter les inventeurs à protéger leurs brevets et de les aider à mieux les exploiter.

C. Le cadre juridique du système des brevets[20]

La Loi sur les brevets constitue le cadre juridique du droit des brevets au Canada. La Loi et son règlement ainsi que la jurisprudence s’y rapportant énoncent les conditions à remplir pour que le commissaire aux brevets puisse délivrer un brevet.

La Loi sur les brevets ne prévoit aucuns dommages-intérêts d’origine législative ni sanctions pénales pour les infractions à la législation sur les brevets[21]. Cependant, la violation des droits des marques de commerce et des droits de propriété pourrait entraîner des sanctions pénales prévues par le Code criminel et la Loi sur le droit d’auteur. Les différends relatifs aux brevets constituent généralement des affaires privées, les tribunaux étant saisis de contestations de la validité d’un brevet ou de plaintes relatives à des violations de droits d’auteur de la part de particuliers ou de sociétés. La Cour fédérale du Canada (ci-après appelé « CFC ») est la principale tribune de litiges pour toutes les affaires relatives aux brevets au Canada. Il peut être fait appel des décisions de la CFC à la Cour d’appel fédérale et à la Cour suprême du Canada. Les différends relatifs aux brevets sont certes généralement des affaires privées, mais il peut arriver que des ministères ou des organismes gouvernementaux soient mis en cause dans certaines circonstances :

[…] la CFC est saisie des appels interjetés des décisions du commissaire [aux brevets] rejetant une demande de brevet (c’est ce qu’on appelle une « révision judiciaire ») et, dans ces cas-là, le commissaire est partie au procès et est représenté par le procureur général du Canada[22].

Le nombre relatif de cas liés à la PI portés devant la CFC est en baisse. En 2008, 24,6 % des affaires devant la CFC avaient trait à la PI, contre 18,6 % en 2012. En 2012, 47 % des affaires relatives à la PI portées devant la CFC avaient trait aux marques de commerce, 37 % aux brevets, et 12 % aux droits d’auteur.

Avant de recourir aux tribunaux, les intéressés disposent d’un certain nombre de méthodes pour contester la validité d’un brevet, tant avant qu’après la délivrance d’un brevet par le commissaire :

D’abord, avant qu’un brevet soit accordé, un tiers peut empêcher sa délivrance en déposant un dossier d’antériorité ou en présentant une protestation. […]
Après la délivrance d’un brevet, quiconque peut contester la délivrance en présentant une demande de réexamen ou en intentant une action en invalidation de brevet. La demande de réexamen est présentée au commissaire aux brevets et doit comprendre des publications imprimées qui serviront à contester la nouveauté et la non-évidence de l’invention brevetée. La demande d’examen du dossier est évaluée par un conseil interne de réexamen nommé par le commissaire aux brevets. Si celui-ci constate que la demande soulève une nouvelle question importante ayant une incidence sur la brevetabilité d’une revendication dans la demande, le conseil en informera le titulaire de brevet. Ce dernier aura alors l’occasion de répondre ou de proposer des modifications au brevet[23].

3. La protection de la propriété intellectuelle : encourager l’innovation

Dans les lois et règlements sur la protection de la propriété intellectuelle, il importe de trouver le juste milieu entre encourager suffisamment les entreprises à innover et préserver une saine concurrence. Ainsi, pour atténuer les effets pernicieux de la protection de la PI sur la concurrence, on peut obliger le titulaire du brevet à publier les détails de son invention de manière que d’autres puissent en profiter, soit par la voie d’accords de licence durant la période d’application du brevet, soit en exploitant l’invention à l’expiration du brevet. L’obligation qui est faite au titulaire de brevet de révéler les détails de son invention tôt dans le processus caractérise en fait la plupart des régimes de protection de la propriété intellectuelle. En conséquence, un régime équilibré de protection de la PI encourage l’innovation, mais prévoit aussi la diffusion de l’information, de manière à permettre l’innovation progressive. Gerard Peets d’Industrie Canada a dit à ce sujet :

La PI est un régime commercial qui vise à favoriser l'innovation et la créativité, et cela est fait en grande partie en octroyant des droits économiques exclusifs. Le régime sert aussi à appuyer la diffusion des connaissances. Par exemple, des inventeurs qui déposent un brevet ne reçoivent pas seulement des droits sur leur invention, mais consentent également à sa publication. Le régime reconnaît également que les innovations qui en découleront sont avantageuses et utiles. Le régime de la PI décrit les conditions en vertu desquelles une personne peut utiliser la création ou l'invention d'un titulaire de droit[24].

Gail Garland (présidente et première dirigeante, Ontario Bioscience Innovation Organization) est du même avis. Elle a dit au Comité :

Dans l'industrie de la bioscience et des technologies de santé humaine, ceci montre que la propriété intellectuelle a pour rôle de protéger les inventions et d'encourager les inventeurs afin que l'on puisse commercialiser la technologie au Canada et permettre aux sociétés de rester ici et d'y prospérer. Ensuite, en tant que Canadiens, nous pourrons nous prévaloir des avantages économiques que cela a générés[25].

D’autres aussi sont conscients de l’importance de l’innovation, comme Ruth Corbin (directrice et première dirigeante, CorbinPartners Inc.), qui nous a dit : « L’innovation est notre ressource nationale la plus précieuse, mais la propriété intellectuelle est nécessaire pour la gérer, la diriger et l’organiser[26]. » Pour sa part, Mark Eisen (président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada) estime que puisque les droits de PI stimulent l’innovation, et puisque l’innovation crée des emplois, ces droits « devraient être financés en partie par des fonds publics, puisqu'ils produisent directement de l'emploi[27] ».

Certains témoins ont poussé la discussion plus loin, expliquant le cycle invention-innovation-commercialisation-marchandisation et ses effets sur le marché. Tom Brzustowski (professeur retraité, École de gestion Telfer, Université d'Ottawa) a expliqué comment les forces du marché comme la concurrence finissent par transformer la plupart des innovations en produits courants. Par conséquent, les entreprises ne peuvent toucher que le prix que le marché accepte pour un produit donné. Si cet état de choses est bon pour le consommateur, il peut en revanche grandement réduire les revenus des entreprises qui commercialisent l’invention. Un bon régime de protection de la PI permet aux innovateurs/entreprises de récupérer leurs coûts de recherche et développement, de production et de mise en marché et de toucher un bénéfice, sommes qui peuvent alors être utilisées pour commercialiser la prochaine innovation[28]. M. Brzustowski a donné l’exemple suivant d’une nouvelle entité dont l’objet principal est la commercialisation d’une invention issue de la recherche universitaire :

Dans ce cas de figure, les droits de propriété intellectuelle que détient la nouvelle entreprise sont son principal, voire son unique, actif. Elle doit acquérir tout le reste grâce à des crédits qui restent à trouver. Une nouvelle entreprise est habituellement de taille très modeste, et elle manque à la fois de temps et d'argent. Elle a donc besoin d'un solide brevet pour convaincre les investisseurs que son invention a de réelles possibilités de créer de la valeur et pour attirer les investissements nécessaires au coût de la commercialisation. Il s'agit d'un besoin urgent. Pour une nouvelle entreprise dont l'innovation est fondée sur la recherche, un solide premier brevet obtenu sans tarder peut ouvrir la voie à la croissance et à la réussite[29].

D’autres témoins ont contesté l’existence d’un rapport entre les droits de PI et l’innovation. Pour eux, l’existence d’un solide régime de protection des droits de PI ne stimule pas nécessairement l’innovation. Par exemple, Jeremy de Beer est d’avis qu’une bonne protection des droits de PI pourrait ne stimuler l’innovation que dans certains secteurs et pas dans les autres. Pour M. de Beer, dans certains cas, la simple accumulation de droits de PI n’est peut-être plus un bon modèle opérationnel[30]. Pour sa part, Ian Hargreaves (professeur d’économie numérique à l`Université de Cardiff) a déclaré :

Il est assurément démontré que parfois, on n'utilise pas principalement les brevets à des fins d'invention et d'innovation, mais pour assurer les positions existantes sur le marché, et certaines sont plus vaguement liées à l'innovation et à la substance que d'autres[31].

Certains témoins se sont interrogés sur l’utilité de se servir du nombre de brevets qu’un pays génère pour y mesurer le degré d’innovation. Dans certaines études internationales, comme celles que mène l’Organisation de coopération et de développement économiques (ci-après appelé « OCDE»), on cite le nombre de brevets d’un pays dans le contexte de l’évaluation du degré d’innovation. Pour certains témoins, il est important de recueillir des informations justes pour mesurer les résultats du Canada sur le plan de la PI. Par exemple, Ruth Corbin (associée directrice et première dirigeante, Corbin Partners Inc.) a fait remarquer qu’il pourrait être avantageux d’établir une « direction de l’évaluation » qui pourrait aider à déterminer si le Canada réussit à stimuler l’innovation. Jeremy de Beer a insisté sur l’importance d’adapter les méthodes et unités de mesure utilisées pour évaluer les politiques du Canada en matière de PI et d’innovation, surtout en raison des conséquences dans les études et les classements internationaux :

Les résultats de la PI sont une partie importante de la formule utilisée par de nombreuses organisations pour évaluer l'innovation canadienne. Les résultats de la propriété intellectuelle représentent le quart de la pondération de notre note de D en innovation. Cela peut être attribuable à notre faible rendement statistique lié à l'acquisition de certains droits de PI. Malheureusement, la formule présume à tort que les résultats de la PI sont un indicateur de l'innovation. Or, une innovation et une invention sont deux choses différentes. Une véritable innovation a une valeur de marché, alors qu'une invention brevetée n'en aura peut-être pas une[32].

CHAPITRE II — MIEUX FAIRE CONNAÎTRE LE RÉGIME DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AUX CANADIENS

1. Connaissance insuffisante du régime de propriété intellectuelle chez les Canadiens et nécessité d’une « réflexion stratégique sur la propriété intellectuelle »

De nombreux témoins ont fait observer que les Canadiens, et en particulier les petites et moyennes entreprises canadiennes, semblent être peu au courant du rôle de la PI et de son importance. Ainsi, Mark Eisen a affirmé que « les PME du Canada connaissent très peu la propriété intellectuelle. Nous devons donc attirer l’attention du public sur la question et l’informer au sujet de la PI[33] ». Morgan Elliott (Research in Motion) a lui aussi abondé dans ce sens :

En 2008, l’OPIC a publié une très bonne étude qui montrait que 80 p. 100 des entreprises savaient ce qu’était un brevet, mais ne savaient pas ce qu’était la propriété intellectuelle et ne pensaient pas qu’elles en possédaient. Il faut sensibiliser les gens au fait que ce ne sont pas seulement les biens durables qui sont précieux, mais aussi les connaissances et les choses qu’ils produisent[34].

De plus, il faut que les entreprises se livrent à une meilleure « réflexion stratégique » sur la PI et envisagent notamment de modifier leur structure de gouvernance interne pour favoriser une réflexion/planification plus large au sujet de la PI. Par exemple, Avery Peters (vice-présidente, Relations extérieures, Communitech) a elle aussi fait observer que même si les petites entreprises canadiennes sont d’importants moteurs économiques, elles peinent « à gérer stratégiquement leur propriété intellectuelle[35] ». Certains sont d’avis que le gouvernement du Canada pourrait jouer un rôle à cet égard :

[J]’invite le gouvernement à [réfléchir à] (…) la façon d’influer sur la culture de la gouvernance d’entreprise. Le gouvernement et les entreprises sont des partenaires depuis longtemps, mais, chose surprenante, ils ont des orientations différentes en ce qui a trait à la propriété intellectuelle[36].

Certains témoins ont cité des faits qui démontrent que la course aux brevets et autres droits de PI pour le simple plaisir de les accumuler ne sert peut-être pas l’intérêt supérieur de toutes les entreprises, en particulier des PME. Pour s’en convaincre, il suffit de se reporter aux données présentées par Catherine Beaudry (professeure agrégée, Département de mathématiques et de génie industriel, École Polytechnique de Montréal), qui démontrent que les petites entreprises canadiennes de biotechnologie comptant moins de 50 employés ont moins de chance de survivre si elles tentent d’acquérir plus de brevets qu’une certaine limite, d’où l’importance de mettre en place des mécanismes de soutien à la gestion de la propriété intellectuelle à l’intention des petites entreprises canadiennes.

2. Moyens à prendre pour mieux renseigner les Canadiens sur la propriété intellectuelle

Les témoins qui ont participé à l’étude n’étaient pas à court d’idées sur les moyens à prendre pour remédier à cette méconnaissance de la PI. Bon nombre d’entre eux ont salué le travail de l’OPIC, qui contribue à mieux sensibiliser les chercheurs et les entreprises du Canada à l’importance de la PI, mais ont quand même exprimé l’avis qu’il serait possible de faire davantage à cet égard, comme en fait foi le témoignage de Mark Eisen :

Il faut déployer un effort concerté afin de renseigner la population au sujet des utilisations et des avantages de la propriété intellectuelle, et dissiper les nombreux mythes qui persistent à ce sujet […] L’OPIC doit cependant disposer d’un budget qui lui permet de le faire également. Il y a une question de marketing qui entre en jeu ici. Si les gens ne connaissent pas le régime, ils n’y auront pas recours[37].

Beaucoup de témoins ont affirmé que l’aide gouvernementale offerte aux entreprises qui essaient de s’y retrouver dans le dédale de la PI est insuffisante. Rami Abielmona (vice-président, Recherche et ingénierie, Larus Technologies Corporation) a toutefois évoqué le Programme d’aide à la recherche industrielle (ci-après appelé « PARI ») du Conseil national de recherches du Canada; le PARI gère le Processus de revue accélérée, qui « soutient les entreprises canadiennes au moment où elles doivent prendre la décision de breveter ou non une invention[38] ». Cet appui est particulièrement important pour les PME, surtout lorsqu’elles demandent la protection d’un brevet dans un autre pays. M. Abielmona a également convenu qu’il serait profitable à l’industrie canadienne d’accroître et de canaliser l’aide financière offerte par l’intermédiaire du PARI de façon à mieux sensibiliser les PME à l’importance de la PI[39].

Dave Waters (Start-Up Canada) s’est aussi montré favorable à l’idée d’offrir une formation complémentaire aux PME en matière de PI sous l’égide du PARI :

Deuxièmement, il faudrait organiser des programmes communautaires au niveau régional afin d’informer les entrepreneurs des risques et des avantages d’une bonne protection de la PI, et afin de les orienter vers des programmes comme le PARI ou vers des institutions régionales du Conseil national de recherches, qui peuvent les aider à mettre au point leurs inventions et à protéger leur propriété intellectuelle[40].

Par ailleurs, Jeremy de Beer a affirmé que « [c]e que le gouvernement peut surtout faire, c’est favoriser la sensibilisation, la formation et la recherche afin d’aider le secteur privé à mieux gérer ses droits de propriété intellectuelle[41] ». Le Conseil international du Canada estime qu’il pourrait être profitable au Canada de se doter d’un poste de « tsar de la PI » qui, comparativement à l’actuel chef de l’OPIC, aurait un rôle accru à jouer à cet égard. Cette personne, qui agirait à titre de champion de la PI, serait un cadre supérieur relevant directement du premier ministre. Elle pourrait sensibiliser le secteur privé à l’importance de la PI et à la nécessité de gérer la PI comme les autres actifs principaux[42].

M. de Beer a aussi fait mention d’une initiative récente du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, grâce à laquelle plusieurs délégués commerciaux ont reçu une formation sur la PI; puisque ces fonctionnaires sont appelés à travailler auprès d’entreprises canadiennes désireuses d’exporter leurs produits, ce cours devrait leur fournir les outils nécessaires pour mieux sensibiliser les entreprises à l’importance d’une saine gestion de la PI.

Certains témoins, comme Ruth Corbin sont d’avis que la gestion de la PI devrait être enseignée dans les écoles de gestion canadiennes et que le gouvernement fédéral devrait s’allier aux organismes de réglementation des valeurs mobilières de chaque province pour coordonner le travail de sensibilisation des sociétés publiques canadiennes à la gestion de la PI, compte tenu du succès obtenu par les entreprises qui ont choisi de recevoir cette formation. Mme Corbin a aussi évoqué un autre moyen qui consiste à :

[…] attirer l’attention des responsables de la réglementation. Lorsque ces derniers conseilleront les dirigeants d’entreprise sur les mesures à prendre pour atténuer les risques auxquels sont exposées leurs sociétés par rapport à telle ou telle norme, ils comprendront que la gestion des risques de la propriété intellectuelle fait partie de ces normes[43].

3. Le bassin d’agents enregistrés de brevets

Selon Erica Fraser de l’Université Dalhousie, il semble y avoir une pénurie d’agents enregistrés de brevets au Canada. Cette situation pose de nombreux défis aux entreprises et aux chercheurs canadiens et risque d’accentuer le fait que trop peu d’entre eux sont conscients de l’importance de la PI. La rareté du personnel spécialisé en PI est particulièrement marquée en dehors des centres urbains comme Vancouver, Toronto, Ottawa et Montréal. Mme Fraser a par la suite affirmé que le gouvernement fédéral (en particulier l’OPIC) pourrait jouer un rôle particulièrement utile à cet égard s’il intervenait pour faire connaître et soutenir cette profession exigeante, de façon à accroître la disponibilité de professionnels de la PI prêts à travailler auprès des inventeurs canadiens.

CHAPITRE III — PARTENARIATS UNIVERSITÉ-GOUVERNEMENT-INDUSTRIE

Bien des témoins ont fait état de l’importance de la collaboration dans le cycle de vie de l’innovation, puisque le partage d’idées est une excellente façon de renouveler et d’améliorer les façons de faire les choses pour produire des biens de valeur. D’autres se sont aussi attardés aux difficultés et aux avantages liés à l’établissement d’une collaboration entre le secteur public, les universités et les entreprises, et ont exprimé différents points de vue sur le rôle joué par les droits de PI dans un tel contexte.

1. Partenariats université-industrie

La collaboration entre les universités et l’industrie a beaucoup retenu l’attention au cours de l’étude, principalement parce que les établissements canadiens d’enseignement postsecondaire sont reconnus comme ayant de très solides capacités de recherche et de création de connaissances.

Plusieurs témoins sont toutefois conscients que les universités ne sont peut-être pas les mieux placées pour s’occuper de la commercialisation de leurs découvertes, puisqu’elles ont d’abord pour mandat d’enseigner et de faire de la recherche. Par contre, les entreprises ont expressément pour rôle de commercialiser des biens et des services. L’établissement d’une collaboration entre l’industrie et les universités est donc une façon de tirer parti des compétences complémentaires de l’un et l’autre partenaire. Le défi consiste toutefois à créer et à gérer les politiques de transfert de connaissances et de partenariat de façon qu’elles servent l’intérêt supérieur de toutes les parties en cause.

A. Les universités et la recherche de débouchés

Gay Yuyitung (gestionnaire du développement, Bureau de liaison avec l'industrie de l`Université McMaster, Université McMaster) a expliqué certaines des difficultés auxquelles les universités se heurtent lorsqu’elles tentent de commercialiser leurs découvertes; il semble, par exemple, que plus une technologie en est aux premiers stades de son développement, plus les risques sont grands, tant du point de vue technique que du point de vue de la commercialisation. Mme Yuyitung a aussi précisé ce qui suit :

Compte tenu des budgets limités consacrés par les universités aux brevets, des coûts élevés associés à la rédaction et à la poursuite des demandes de brevet ainsi que des longs délais pour l’émission de ces brevets dans le système canadien, il est très rare que le processus soit mené à terme par l’université elle-même[44].

Par ailleurs, cette situation occasionne des complications supplémentaires aux établissements d’enseignement dans les stades ultérieurs de développement d’une technologie, puisque bien des programmes de financement publics liés à la commercialisation exigent que le demandeur soit titulaire de droits de PI. Mme Yuyitung a par la suite ajouté ceci :

L’Université McMaster a actuellement comme pratique de déposer des demandes de brevet. Mais sans l’accès à une source de financement additionnelle, qu’il s’agisse d’un partenaire de l’industrie, d’un investisseur ou d’un conseil subventionnaire, de nombreuses demandes sont abandonnées avant l’étape de la commercialisation […] Cela peut étouffer le développement de produits vraiment novateurs ou entraîner la vente précoce de bon nombre de ces nouveaux concepts à de grandes multinationales avec très peu d’avantages pour l’économie canadienne[45].

Chris Lumb (président-directeur général, TEC Edmonton) a souligné que la nature de la recherche universitaire la rend souvent peu propice à la commercialisation, puisqu’elle en est parfois à un stade trop embryonnaire ou expérimental. De plus, M. Lumb a fait remarquer que les revenus tirés par les universités canadiennes des redevances sur la PI sont négligeables comparativement aux sommes importantes qu’elles investissent dans la recherche. Avvey Peters a elle aussi abondé dans ce sens lorsqu’elle a affirmé que même « [s]i les universités et les collèges créent beaucoup de propriété intellectuelle au Canada, ils ont un rôle mineur au chapitre des débouchés commerciaux[46] ».

M. Lumb a aussi évoqué les sociétés essaimées qui peuvent voir le jour dans la foulée d’une collaboration fructueuse entre les universités et l’industrie. Les accélérateurs de technologies, comme TEC Edmonton, ont pour mission d’aider les chercheurs à évaluer si leur idée se prête ou non à la commercialisation. Dans l’affirmative, ils collaborent avec les inventeurs afin de les aider à planifier les moyens commerciaux les plus efficaces et les plus économiques pour y arriver, qu’il s’agisse de faire homologuer leurs découvertes pour qu’elles puissent être utilisées par une entreprise existante ou de créer une nouvelle entreprise pour en faire l’exploitation. Si les chercheurs décident de créer une entité dérivée, TEC Edmonton leur offre les services de soutien nécessaires à cette fin. Par exemple, elle peut négocier avec l’université un accès accru à ses laboratoires, de façon à éviter de coûteuses dépenses en immobilisations pour se procurer du matériel de recherche et avoir accès à des locaux. M. Lumb a ajouté que l’Université de l’Alberta privilégie cette approche et que de nombreuses entreprises essaimées florissantes ont vu le jour grâce à ce système.

Dans certains cas, c’est la culture universitaire elle-même qui peut contribuer au peu d’effort consacré à la commercialisation de la recherche interne. Étant donné que leur principale raison d’être est l’enseignement et la recherche, les universités n’allouent peut-être pas beaucoup de ressources au brevetage d’inventions ou à la commercialisation de la recherche. À ce sujet, George Dixon (vice-président, Recherche, Université de Waterloo) a soutenu que les universités doivent créer un climat dans lequel les étudiants et les universitaires sont en mesure de juger si leur recherche a des applications commerciales possibles, ce qu’ils doivent faire pour protéger leurs découvertes et à qui ils peuvent s’adresser pour obtenir de l’aide à cet égard. Par ailleurs, Chris Lumb a exprimé l’avis que ce qui importe le plus pour ces établissements, c’est de favoriser la création d’une culture de la commercialisation dans leurs rangs; de cette façon, les chercheurs seront motivés soit à chercher des façons de commercialiser eux-mêmes leurs découvertes, soit à trouver des partenaires dans l’industrie pour les aider à le faire. Enfin, des témoins ont fait une mise en garde contre quelques‑uns des dangers qu’il y a à faire fi des possibilités de commercialisation des découvertes issues de la recherche universitaire. Par exemple, Douglas Barber (professeur distingué en résidence, Université McMaster) :

[…] la culture du commerce est très peu développée au Canada. Nous sommes au sommet de l’échelle, parmi toutes les nations, pour ce qui est d’investir dans l’acquisition du savoir, mais pour ce qui est de créer de la valeur à partir de ce savoir, nous sommes au bas de l’échelle. Il y a vraiment quelque chose qui ne va pas. À quoi ça tient? Sans doute à notre culture, qui est une chose à laquelle on accorde de l’importance car elle correspond à nos valeurs, et qu’on porte avec soi plus ou moins consciemment […]
Notre culture est forgée pour l’essentiel par notre éducation postsecondaire, et l’éducation postsecondaire est hostile au commerce. Les mots « client », « ventes », « commerce » et « profits » sont des mots tabous. Un tel environnement déteint sur les jeunes de 18 à 25 ans, qui sont facilement influençables à cet âge […][47]

M. Barber a fait valoir que si la commercialisation est vue sous un jour défavorable dans les milieux universitaires, il est possible que les étudiants qui se joignent au corps professoral partagent eux aussi ce point de vue et contribuent, de ce fait, à le perpétuer au sein des établissements canadiens d’enseignement postsecondaire.

B. Ententes de partenariat efficaces et leçons à tirer des modèles de collaboration université-industrie qui ont porté fruit

L’une des principales difficultés de la collaboration entre les universités et l’industrie consiste à tenter d’établir une entente de partenariat mutuellement avantageuse, et à trouver une façon de gérer la PI qui en découle. À ce sujet, Avvey Peters a souligné que nonobstant les nombreux aspects positifs de la collaboration entre les universités et l’industrie, les entreprises ont parfois du mal à mettre en place des ententes de partenariat convenables avec les établissements universitaires. Cette position est aussi celle que défend David Harris Kolada [vice-président, Développement organisationnel et commercial, Technologies du développement durable Canada (ci-après appelé « TDDC »)], lorsqu’il affirme que les universités « appliquent un amalgame hétéroclite de règles en matière d’octroi de licence de PI, ce qui complique les choses et a freiné la commercialisation des technologies propres qui y sont conçues[48] ». Par ailleurs, John McDougall (président, Conseil national de recherches du Canada) a fait observer que les universitaires ont parfois tendance à surévaluer l’importance de la composante technologique de leurs découvertes par rapport à tous les autres éléments du travail de commercialisation concerté, d’où une incompréhension qui peut être source de conflits lors de la négociation avec d’éventuels partenaires de l’industrie.

Le Comité a appris que les établissements canadiens d’enseignement postsecondaire n’ont pas de politique uniforme et normalisée en matière de PI; c’est ce qui explique, en partie, les difficultés posées par l’établissement d’une collaboration entre l’industrie et les universités. L’Université de Waterloo, par exemple, a pour politique de laisser les droits de PI au chercheur (40 % des universités canadiennes confèrent la totalité ou une partie des droits de propriété à l’inventeur)[49]. D’autres universités, par contre, préfèrent s’en tenir à une variante de la politique en vertu de laquelle l’université conserve les droits de PI[50], tandis que certains établissements (p. ex., l’Université du Manitoba) appliquent une politique en vertu de laquelle les droits de PI sont partagés « à parts égales[51] ».

Il convient de souligner que tout au long de l’étude, aucun consensus ne s’est dégagé au sujet du modèle de titularité des droits de PI qui conviendrait le mieux aux établissements d’enseignement postsecondaire canadiens. Un témoin, Catherine Beaudry a fait le constat suivant :

Nous avons constaté que la structure des mesures incitatives employées — comme le fait d’accorder la totalité de la PI au professeur ou à l’université, ou de la partager entre eux — l’organisation chargée d’assumer les coûts du brevetage ou d’autres facteurs de ce genre n’ont aucune répercussion sur le nombre de brevets que produisent les différentes universités[52].

De même, malgré les nombreux témoignages concernant les obstacles à la collaboration en raison du manque d’uniformité des politiques en matière de PI, bon nombre de témoins ont affirmé que le Canada a tout à gagner en laissant aux universités la marge de manœuvre nécessaire pour qu’elles élaborent elles-mêmes les politiques en matière de PI qui sont les mieux adaptées à leur cadre de fonctionnement précis. Karen Mazerkuwich (directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada) a proposé un compromis possible pour rallier ces deux positions:

Trouvons des accords qui sont plus uniformes sur le plan juridique et qui pourraient être utilisés dans toutes les universités, peut-être grâce à la rédaction de clauses modèles. Au lieu de tenter de convaincre toutes les universités de changer leurs règlements, on pourrait simplifier les choses au stade où les industries et les universités commencent à se réunir et à négocier certains de ces accords[53].

Quelques témoins, dont Erica Fraser, ont pris acte de l’existence de programmes fédéraux destinés à encourager la collaboration entre les universités et l’industrie, mais ont quand même signalé que ces programmes n’offrent aucun soutien financier pour aider à protéger la PI qui peut découler de cette collaboration. Dans le même ordre d’idées, Mme Fraser a recommandé ce qui suit :

Si les subventions comptaient des fonds pour protéger la propriété intellectuelle de ces technologies et de ces innovations élaborées au moyen de la recherche coopérative, je pense que cela aiderait énormément les entreprises à collaborer davantage avec les universités afin de mettre en marché ces inventions[54].

Certains témoins ont donné des exemples de la façon dont leurs organisations contribuent à faciliter la collaboration entre les universités et les entreprises. Par exemple, George Dixon a expliqué qu’à l’Université de Waterloo, les étudiants reçoivent une formation sur la façon de mieux contribuer à leur milieu de travail, avant leur premier stage coop; un autre module de formation porte sur l’importance de la PI.

L’autre défi de ce type de collaboration tient au fait que le partenaire de l’industrie cherche à commercialiser la recherche ou une invention créée par le partenaire universitaire. Toutefois, la recherche/invention en question peut ne pas être le résultat d’une demande du marché; par conséquent, une partie du travail de commercialisation consiste à « proposer » cette nouvelle découverte au marché. Rob Annan a fait état des difficultés du travail de commercialisation axé sur l’« offre de la recherche », notamment du fait que les partenaires peuvent ne pas avoir une idée claire de la valeur de la recherche ou de l’invention ou ne pas s’entendre là‑dessus dans les premiers stades de la recherche :

À l’heure actuelle, le modèle de collaboration met largement l’accent sur la commercialisation des découvertes réalisées par les universités en procédant à l’octroi de licences ou à la conclusion d’autres ententes de transfert de PI. Le processus s’effectue généralement par l’entremise de bureaux de transfert de la technologie qui proposent aux entreprises la PI créée par les universités. Cette approche axée sur l’offre de la recherche pose des difficultés, particulièrement quand les inventeurs et les entreprises risquent de ne pas s’entendre sur la valeur des découvertes issues des étapes initiales de la recherche[55].

Contrairement aux collaborations axées sur l’« offre de la recherche », certains organismes, comme Mitacs, privilégient « une approche axée sur la demande venant de l’industrie, selon laquelle les entreprises ayant un besoin particulier en matière de recherche peuvent faire appel au savoir-faire des universités, ce qui peut concerner la PI[56] ». Mitacs est un organisme indépendant qui aide à soutenir la collaboration entre l’industrie et les universités en matière de recherche. Selon M. Annan, dans un partenariat Mitacs type, une entreprise cherche à utiliser une invention/recherche universitaire pour répondre à un besoin du marché ou à l’un de ses propres besoins, ou cherche à appliquer l’expertise universitaire à une invention préexistante dont elle est déjà propriétaire. De plus, dans le modèle Mitacs, le partenaire de l’industrie conserve les droits commerciaux découlant de la collaboration, tandis que le partenaire universitaire se réserve les droits de PI qui ne sont pas directement liés au partenariat (habituellement ceux découlant de la recherche initiale). Il est rare que les projets Mitacs donnent lieu à la création de « nouvelle » PI, étant donné que la collaboration commence habituellement juste avant le stade de la commercialisation, juste au moment où le processus d’innovation tire à sa fin. M. Annan a conclu que la gestion de la PI dans ces partenariats est moins complexe qu’avec une approche « axée sur l’offre de la recherche », puisque les deux parties peuvent plus facilement déterminer la valeur de la PI dès le début. Nobina Robinson (directrice générale, Polytechnics Canada) s’est aussi dite favorable à cette approche:

Au Canada, nous avons embrouillé tous les rôles, en attribuant des motivations semblables à des acteurs très différents. Pour une raison quelconque, depuis maintenant 20 ans, nous misons des milliards de dollars par année dans l’espoir que les innovations révolutionnaires découvertes dans les laboratoires universitaires pourront tout simplement être adoptées par l’industrie en vue d’une exploitation commerciale. Comme d’autres témoins vous l’ont dit, cet investissement ne donne pas le rendement prévu et ne le donnera probablement jamais. En réalité, l’industrie et ses clients déterminent les problèmes […] Ils créent la demande en matière de recherche et de développement. Nous devons appuyer davantage les impératifs du marché[57].

Mme Robinson a de plus souligné que même si les universités peuvent fournir l’expertise scientifique pour aider l’industrie à faire davantage sur le plan de l’innovation, il est également vrai que « [l]es collèges et les écoles polytechniques [du Canada] font participer les étudiants à l’innovation dans l’industrie, ce qui permet aux PME canadiennes d’accélérer la mise en marché de leurs idées[58] ». Avvey Peters a pour sa part affirmé que « [l]es organisations comme Mitacs, qui peuvent favoriser l’instauration de partenariats et de rapports solides et profitables entre les entreprises et les universités, sont de bons moyens de promouvoir la PI […][59] ».

Une fois que les entreprises et les universités arrivent à se trouver les unes les autres et à s’entendre pour établir un partenariat, différentes approches peuvent être adoptées en ce qui a trait à la nature de la collaboration de même qu’à la gestion de la PI. Par exemple, le Comité a été mis au fait de l’approche adoptée par le Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec (ci-après appelé « CRIAQ ») en ce qui a trait à la collaboration :

[…] la PI d’origine appartient au propriétaire initial […] La PI d’origine sera assignée si le projet l’exige, mais elle demeurera la propriété du détenteur initial […] La propriété intellectuelle développée appartient quant à elle aux partenaires du projet. Fait crucial, les universités ont accepté d’accorder aux partenaires industriels — qu’on voit là — une licence exclusive sans redevance pour les applications aérospatiales ou, pour être plus juste, les applications du domaine d’intérêt des partenaires industriels, c’est-à-dire principalement l’aérospatiale[60].

D’autres témoins ont parlé des avantages de l’approche adoptée par le CRIAQ, en particulier de ses ententes de partenariat normalisées. Lucie Boily (vice-présidente, Politiques et compétitivité, Association des industries aérospatiales du Canada) a indiqué que cette approche permet aux entreprises et aux universités d’amorcer leur travail de collaboration plus tôt, étant donné que les partenaires s’évitent ainsi de longues négociations au sujet de la PI.

Des témoins ont par ailleurs expliqué les particularités de leurs approches en matière de collaboration. Par exemple, Chris Lumb a expliqué différents modèles de partage de la PI en ce qui concerne les partenariats entre les universités et l’industrie :

La création de TEC Edmonton avait pour objectif de se concentrer sur l’augmentation des retombées et sur l’octroi de licences à l’échelle locale et régionale plutôt qu’à l’échelle internationale, ce qui était fondé sur l’hypothèse que si l’université pouvait octroyer des licences à l’échelle locale, cela entraînerait une augmentation du nombre de sociétés essaimées. Cela ne voulait pas pour autant dire que l’on allait renoncer à des redevances sur les licences parce que les universités n’en tirent pas beaucoup de revenus de toute façon. Cependant, à long terme, cela entraînerait une augmentation des nouvelles activités économiques dans la région, ce qui renforcerait les liens entre l’université et la région[61].

À propos d’un autre type de structure de partenariat, voici ce que Pierre Meulien (présidentet chef de la direction, Génome Canada) avait à dire :

C’est justement l’approche adoptée, par exemple, par le Consortium de génomique structural, dont Génome Canada est l’un des bailleurs de fonds. Le CGS est l’un des plus importants partenariats de recherche publics-privés et représente plus de 200 scientifiques qui travaillent, notamment, dans divers laboratoires universitaires ou certains des plus grands laboratoires pharmaceutiques au monde. Tous mettent librement en commun leurs résultats préliminaires. L’objectif est d’accélérer la mise au point de nouveaux médicaments efficaces en procédant à haut débit pour identifier des cibles moléculaires pertinentes. Il en résulte une nouvelle approche concernant les droits de la propriété intellectuelle qui permet aux fabricants de médicaments et aux scientifiques du milieu universitaire de partager les risques et de réduire les coûts à une étape considérée comme « préconcurrentielle » par les parties intéressées[62].

M. Meulien a donné l’exemple d’un autre type d’entente de collaboration à l’« étape préconcurrentielle ». De nombreux groupes de participants du secteur public ou du secteur privé partagent des connaissances, après avoir convenu dès le départ de ne pas demander de droits de PI sur les connaissances communes générées par le projet de recherche. Cette approche permet non seulement aux chercheurs de partager les risques dès les premières et laborieuses étapes de mise au point d’une invention, mais elle leur permet aussi de générer plus de données qu’ils ne le feraient si la recherche avait été menée individuellement. Par la suite, les participants peuvent breveter ce qu’ils ont eux-mêmes produit à partir des travaux de recherche menés en collaboration.

Certains témoins ont aussi pris soin de préciser que le succès des projets menés en collaboration par l’industrie et les universités ne doit pas être mesuré uniquement en fonction de leurs retombées commerciales; ces partenariats procurent aussi des avantages secondaires comme l’apprentissage scientifique qui s’acquiert pendant la R-D, l’expérience d’affaire qu’un projet de recherche peut procurer et le surcroît d’activités économiques qu’il génère. Par exemple, M. Meulien a cité un récent mémoire de Génome Canada qui s’attarde sur ces autres avantages :

Les auteurs sont des chefs de file dans le domaine de la propriété intellectuelle, du transfert de technologie et de la politique publique. Ils avancent que le succès commercial n’est pas suffisant pour mesurer les actifs incorporels, notamment le savoir scientifique, les connaissances acquises en entrepreneuriat et la collaboration de l’industrie, qui sont des éléments nécessaires à la croissance économique[63].

2. Partenariats industrie-gouvernement

A. Le contexte de la commercialisation au Canada

Au cours de la présente étude, plusieurs membres du Comité ont interrogé les témoins sur les changements qui devraient être apportés au régime de PI du Canada pour créer et soutenir un plus grand nombre de sociétés multinationales canadiennes florissantes et concurrentielles à l’échelle mondiale. Bien des témoins ont affirmé que les sociétés canadiennes et les établissements d’enseignement postsecondaire excellent à produire des inventions mais sont peu doués pour les commercialiser. De plus (et sans doute est-ce là une conséquence directe), bien des sociétés « riches en PI » sont achetées par des entreprises étrangères qui parviennent ensuite à commercialiser la PI acquise. Selon Karen Mazurkewich, « l’achat de jeunes entreprises canadiennes par des entreprises étrangères favorise ceux qui ont des actifs de PI. En fait, 66 p. 100 de la PI vendue dans le cadre de fusions ou d’acquisitions entre 2005 et 2009 au Canada est devenue la propriété d’entreprises étrangères. Nous avons un problème; notre PI nous glisse entre les doigts[64] ».

Une partie de ce phénomène découle de ce que beaucoup de témoins ont appelé la traversée de la « vallée de la mort », qui désigne la période de transition difficile et risquée du cycle de l’innovation qui se déroule entre l’étape de l’invention et celle de la commercialisation[65]. Cette étape est parsemée d’écueils pour les entreprises qui doivent : élaborer une stratégie pour commercialiser leur invention (déterminer quel marché elles doivent cibler et de quelle façon); convaincre l’industrie et/ou les consommateurs d’être les premiers utilisateurs d’un produit ou d’un service inédit et essayer de rester financièrement viables pendant une période où elles ont peu ou pas de revenus. Karen Muzurkewich a fait observer qu’outre le fait que des entreprises canadiennes titulaires de précieux droits de PI sont acquises par des entreprises étrangères, le Canada cède davantage de PI qu’il n’en acquiert. Ce phénomène d’« exode de la PI » est également attribuable en partie à la volonté des entreprises canadiennes de s’associer à des entreprises étrangères pour avoir accès aux vastes marchés mondiaux et ainsi maximiser les chances de succès de leurs inventions[66].

L’autre facteur qui explique ce phénomène d’exode de la PI concerne, selon bien des témoins, l’absence de capital de risque suffisant et de mécanismes de financement au Canada. À ce propos, par exemple, voici ce que Tony Stajcer avait à dire :

Le problème, c’est que nous ne gardons pas ces entreprises d’incubation assez longtemps. Le financement n’est pas suffisant pour développer assez les produits afin d’en voir vraiment la valeur commerciale élevée. Nous disposons d’un certain financement et nous vivotons, mais nous avons besoin de continuer d’en recevoir pour développer cette PI à l’échelle internationale, mais le financement fait défaut. Je pense que c’est également en partie la raison pour laquelle cette PI quitte le pays[67].

D’autres ont fait savoir que cette situation devrait préoccuper le gouvernement du Canada et sont d’avis que « si nous aidons davantage les PME à traverser la vallée de la mort, cela nous assurera que le Canada tirera profit de la propriété intellectuelle créée au pays[68] ». Des témoins ont aussi souligné les efforts du gouvernement fédéral à cet égard, mais ont quand même insisté sur l’importance de nouveaux investissements. Morgan Elliott de Research in Motion a déclaré : « Nous avons entendu l’annonce de bonnes initiatives visant à renforcer le soutien aux programmes pour les PME axées sur l’innovation et à accroître les fonds de capital-risque, et nous sommes encore une fois d’accord. Cependant, ce n’est pas fait[69][…] »

B. Politiques en matière de propriété intellectuelle des programmes gouvernementaux liés à l’industrie aérospatiale

Au cours de l’étude, le Comité, a recueilli des témoignages concernant l’industrie aérospatiale canadienne de même que les politiques en matière de PI des programmes gouvernementaux concernés, comme les marchés publics et l’Initiative stratégique pour l’aérospatiale et la défense (ci-après appelé « ISAD ). Voici ce qu’a déclaré Tony Stajcer à ce sujet :

Les règlements en matière de PI prévus par les mécanismes de financement ne sont pas uniformes. Si l’on tente d’avoir accès à une certaine source de financement, on se retrouve aux prises avec un ensemble de problèmes; si l’on tente d’obtenir un autre financement, on rencontre un tout autre ensemble de problèmes. La résolution des problèmes exige beaucoup de temps[70].

De même, les représentantes de l’Association des industries aérospatiales du Canada (ci-après appelé « AIAC ») ont affirmé ce qui suit[71] :

  • Par sa nature, l’aérospatiale a une portée mondiale : les entreprises canadiennes collaborent souvent avec des filiales et des fournisseurs étrangers; par conséquent, les activités de R-D ne sont pas toujours les mieux adaptées pour pouvoir être entièrement menées au Canada.
  • La R-D réalisée dans le cadre d’un projet financé par l’ISAD doit s’effectuer au Canada, ce qui nuit à la capacité des entreprises canadiennes d’exploiter les avantages comparatifs de l’industrie d’autres pays.
  • La politique actuelle de l’ISAD en matière de PI fait obstacle aux efforts de commercialisation des entreprises étrangères exerçant leurs activités au Canada, puisqu’elles n’ont pas le droit d’utiliser la technologie (financée par une entente de contribution de l’ISAD) à l’extérieur du Canada.

Le gouvernement n’acquiert par de PI auprès d’une entreprise étrangère lorsqu’il se procure un aéronef étranger. D’aucuns diront que cette façon de procéder constitue un désavantage, car c’est l’entreprise étrangère qui se charge du travail hautement spécialisé, à fort coefficient technologique et à valeur ajoutée[72].

L’AIAC a proposé quelques solutions pour venir à bout de ces difficultés. En voici quelques-unes[73] :

  • En général, il serait profitable à l’industrie aérospatiale canadienne que les politiques en matière de PI soient uniformes d’un ministère à l’autre et comportent moins de restrictions en ce qui concerne l’utilisation pouvant être faite de la PI.
  • En ce qui concerne les programmes comme l’ISAD, les politiques en matière de PI devraient être plus souples pour permettre la collaboration avec des entreprises étrangères, au besoin.
  • En ce qui a trait à l’achat d’aéronefs, le gouvernement du Canada doit renforcer les politiques en matière de marchés publics en négociant des droits de PI auprès des fournisseurs étrangers, de façon que les entreprises canadiennes puissent participer pour certaines des composantes de grande valeur associées aux projets complexes d’acquisition à étapes multiples. L’Association soutient que les retombées économiques au Canada de ce genre de projets d’acquisition pourraient doubler si le gouvernement fédéral acquérait aussi la PI.

CHAPITRE IV — CONSOLIDATION ET SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE DE PROTECTION DES DROITS DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AU CANADA

On peut dire que la procédure d’obtention de DPI est la démarche qui permet l’octroi de ces droits (brevets, marques de commerce, droits d’auteur, etc.) par une autorité officielle. La question de la consolidation et de la simplification de cette procédure au Canada peut être envisagée à titre général, d’une part, et dans ses particularités, d’autre part. L’aspect général renvoie aux principes fondamentaux qui sont censés justifier la procédure applicable aux droits de propriété intellectuelle (ci-après appelé « DPI ») au Canada. Les particularités renvoient aux éléments et processus que l’on pourrait modifier pour améliorer cette procédure.

1. Les principes généraux

Jeremy de Beer s’est dit d’avis que les principes fondamentaux qui sous-tendent les politiques applicables aux DPI devraient viser à accroître le degré de certitude et à réduire les frais de transaction. Ces frais sont définis, dans le cadre des droits de propriété, comme « les coûts associés à l’établissement et au maintien des droits de propriété[74] ». Même chose dans le contexte des DPI : les frais de transactions sont les coûts associés à l’établissement et au maintien des droits. La protection des DPI suppose effectivement des frais de transaction pour les titulaires de brevet. Ces frais sont toutes les dépenses de recherche, d’administration et d’exécution qui incombent aux créateurs et aux innovateurs. Il peut également y avoir des frais juridiques pour les titulaires dont les brevets sont contestés devant les tribunaux. Ces coûts sont à mettre directement dans la balance des avantages susceptibles de découler de la protection des DPI, et les créateurs et innovateurs ont intérêt à les évaluer avec soin. On peut donc dire que plus les frais de transaction sont élevés dans un système de protection des DPI, moins on favorise l’innovation.

Quant à la question de la certitude, l’octroi de brevets contestables (c’est-à-dire de brevets susceptibles d’être contestés devant les tribunaux) accroît les risques pour le titulaire d’un brevet. Il peut s’agir, par exemple, d’une probabilité accrue de litige coûteux. Ces dépenses éventuelles se traduisent, dans le monde commercial, par l’attribution d’une prime de risque supérieure sur les investissements engagés dans des projets de développement : là encore, on réduit les avantages que la protection des DPI est censée apporter. Mark Eisen a fait allusion au problème de l’incertitude en expliquant que les candidats à la protection des DPI ne savent pas à quoi s’attendre de la part de l’organisme gouvernemental (chargé d’accorder les droits) lorsque leur demande est examinée, ou de la part des tribunaux si ces droits font l’objet d’un litige. Gail Garland a, elle aussi, rappelé l’importance de la prévisibilité pour attirer les investissements dans le domaine de la commercialisation des technologies. Les entreprises ont besoin d’être sûres qu’elles jouiront de l’exclusivité du marché pendant un certain temps et elles ne veulent pas perdre de temps à défendre leurs brevets devant les tribunaux. Karna Gupta (président-directeur général, Association canadienne de la technologie de l’information) a également fait remarquer que des conditions de protection prolongée des brevets font partie de la solution, mais que la prévisibilité a son importance en raison de son lien avec la possibilité de faire respecter les droits :

Un autre élément très important est l’application des droits. Si vous avez un brevet, vous devez être en mesure de le faire appliquer en cas de contrefaçon. Il faut aussi régler cet aspect. On ne peut pas dire que le fait de prolonger la protection par brevet de 17 à 20 ou 25 ans favorisera l’investissement. D’autres éléments entrent en ligne de compte[75].

On peut donc dire que plus l’incertitude est grande dans un système de protection des DPI, moins on favorise l’innovation.

Les frais de transaction et le degré d’incertitude sont donc des facteurs cruciaux dans la question de savoir s’il faut accroître la protection des DPI. L’élargissement de la protection des DPI se justifie souvent par le désir d’inciter les entreprises à innover, l’innovation étant le principal moteur de la productivité et de la prospérité économique.

Cela dit, dans la mesure où une protection accrue des DPI risque d’entraîner des frais de transaction plus élevés et un supplément d’incertitude, le projet pourrait aller à l’encontre de son but puisqu’il provoquerait une réduction de l’investissement dans l’innovation en dépit du fait qu’au départ, le nombre de brevets délivrés serait plus élevé :

Les statistiques semblent indiquer que près de la moitié des brevets délivrés sont invalidés lorsqu’on les conteste devant les tribunaux. Cela donne du travail aux avocats et aux fonctionnaires, mais entrave cependant l’innovation. Les brevets de faible qualité peuvent contribuer à la multiplication des problèmes, créer de l’incertitude et mener à des pratiques anticoncurrentielles qui répriment l’innovation. Le fait de mettre l’accent uniquement sur la quantité, et non sur la qualité, laisse entendre de façon naïve que pour susciter l’innovation, nous n’avons besoin que d’une protection accrue de la PI, ce qui, en fait, pourrait aggraver la situation. J’estime qu’il nous faut une analyse plus approfondie[76][…]

Tel que mentionné précédemment, des témoins estiment que la politique doit être élaborée à partir de faits avérés. Selon Jeremy de Beer, il faut prendre connaissance des pratiques commerciales effectives et des répercussions réelles dans des secteurs précis pour élaborer une politique efficace. De son côté, Ian Hargreaves (professeur en économie numérique à l’Université de Cardiff) a rappelé que certains brevets ne favorisent pas l’innovation et ne font que protéger une position sur le marché. Il a ajouté que l’extension de droits d’auteur sur une période trop longue n’a pas de sens sur le plan économique. Dans le même esprit, Richard Gold (professeur, Faculté de droit de l’Université McGill), qui s’est adressé au Comité à titre personnel, s’est dit d’avis qu’on a peu d’éléments pour attester l’idée que l’élargissement des DPI et l’extension de leur période de protection sont des moyens de favoriser l’innovation au Canada. Il a ajouté qu’en réalité, il s’ensuit une augmentation des frais de transaction lesquels sont une entrave à la collaboration.

Il convient de tenir compte des réflexions stratégiques formulées dans les paragraphes qui précèdent du point de vue de la consolidation et de la simplification de la procédure de protection des DPI. Il ne s’agit pas d’accroître la protection des DPI ni de permettre que l’octroi de droits s’appuie sur des conditions moins rigoureuses. Il s’agit plutôt de réduire les frais de transaction et d’augmenter le degré de certitude afin que la procédure soit plus efficiente.

Sauf dans certains cas ou dans des secteurs comme la protection des brevets pharmaceutiques et la protection des marques de commerce (dont il sera question dans d’autres chapitres), aucun témoin n’estimait qu’il faille refondre tout le système de protection des DPI au Canada. Cela dit, ils ont été nombreux à proposer des mesures ou à formuler des commentaires concernant les moyens de rendre la procédure plus efficace.

2. Enjeux particuliers

A. L’accessibilité du système canadien de protection des DPI

i. Le problème du coût et des délais de dépôt et de défense des brevets

Plusieurs témoins ont expliqué que le coût et les délais associés au dépôt et à la défense des brevets représentent des obstacles importants pour les entreprises désireuses de participer au système canadien de protection des DPI. Mark Eisen (président de l’Institut de la propriété intellectuelle du Canada) a expliqué que le Programme d’encouragements fiscaux pour la Recherche scientifique et le développement expérimental (RS&DE) offre des crédits fiscaux à l’égard d’activités de recherche admissibles jusqu’au point où l’on détermine qu’une invention est brevetable. Selon M. Eisen, les petites entreprises se demandent souvent s’il vaut la peine de faire une demande de brevet étant donné qu’il est si coûteux de l’obtenir, voire de le défendre.

Pour sa part, David Harris Kolada a parlé de l’enquête interne réalisée par son organisation auprès de plus de 220 entreprises du secteur des « technologies propres », auxquelles il a notamment posé des questions sur les DPI. L’une des principales conclusions de l’enquête est que le coût d’obtention des brevets et de défense des DPI, quelle qu’en soit l’origine, est très élevé et que les délais sont très longs.

Douglas Barber a déclaré que les brevets « sont des instruments juridiques qui accordent le monopole à l’inventeur ou au propriétaire de l’information. Dans ce sens, les brevets donnent le droit juridique d’intenter des poursuites quand il y a violation de ce monopole[77] ». Il a précisé que les « droits d’entrée » applicables aux poursuites pour violation de brevet sont de l’ordre de 2 à 5 millions de dollars. Pour les PME, la simple idée d’avoir à assumer ce genre de frais décourage tout désir de faire même une demande de brevet. Il faut ajouter à cela les frais d’entretien des brevets :

Le montant des frais pour le maintien en état des brevets, par exemple, est parfois prohibitif pour les nouvelles entreprises. Sur ce point, notre régime diffère de celui des États-Unis, où ces frais ne sont exigés qu’après l’émission du brevet[78].

Les frais et les délais ne sont pas les seuls obstacles pour les PME. Selon Gordon Davies (chef du contentieux et secrétaire général, OpenText Corporation), le principal inconvénient des brevets est qu’ils sont la forme la plus coûteuse et la plus fastidieuse de protection des DPI. Les coûts liés aux brevets sont les frais de demande, les frais d’entretien et les frais juridiques. Des frais juridiques sont à prévoir également lorsqu’il y a lieu de passer devant les tribunaux. Pour une entreprise comme OpenText Corporation, la protection de la propriété intellectuelle par le biais de secrets commerciaux ou de droits d’auteur est plus intéressante pour deux grandes raisons :

[…] [D]’une part, l’enregistrement du droit d’auteur est facultatif — et, de toute façon, relativement peu coûteux —, et le droit d’auteur peut être appliqué même s’il n’a pas été enregistré, et, d’autre part, les secrets commerciaux, par définition, ne peuvent pas être enregistrés, et n’entraînent donc aucun coût[79].

Dans la même veine, Douglas Barber s’est dit d’avis que les entreprises devraient prendre soin de déterminer s’il est vraiment utile de faire une demande de brevet : l’« opacisation » d’une technologie par le biais d’un secret commercial est une autre solution. Le témoin a précisé que la beauté des secrets commerciaux est qu’ils n’ont pas à être divulgués et que leur usage peut être soumis à licence.

Sylvain Laporte a admis que le Canada ne faisait pas aussi bien que certains de ses partenaires commerciaux quant au délai s’écoulant entre la présentation d’une demande d’examen et la délivrance d’un brevet (ce qu’on appelle le temps de traitement). M. Laporte a dit que l’OPIC s’emploie à rattraper, voire à dépasser, ses partenaires commerciaux à ce chapitre :

  • en proposant des modifications réglementaires;
  • en investissant dans de nouvelles plateformes de TI;
  • en utilisant les pratiques exemplaires de l’industrie dans une optique de rationalisation afin de réduire la bureaucratie et d’éliminer le gaspillage.

En outre, M. Laporte a souligné que des modifications législatives susceptibles de raccourcir les délais imposés aux demandeurs pour qu’ils répondent aux questions de l’OPIC pourraient permettre de réduire le temps de traitement[80].

ii. Les solutions possibles au problème du coût et des délais
     a) L’Autoroute du traitement des demandes de brevet et autres considérations

Pour ce qui est des solutions, les entreprises auprès desquelles TDDC a enquêté (voir plus haut) tirent parti de « l’Autoroute du traitement des demandes de brevet[81] » (ci-après appelé « ATDB »). Gordon Davies a également fait l’éloge de l’initiative de l’ATDB :

En ce qui concerne une réforme, OpenText reconnaît la valeur des mesures qui ont été prises récemment pour simplifier le régime de propriété intellectuelle au Canada et accroître sa compétitivité. Parmi ces mesures, mentionnons l’Autoroute du traitement des demandes de brevet, initiative qui permet, sous certaines conditions, d’accélérer le processus de demande et de réduire les coûts liés à l’examen des demandes de brevets par le truchement d’ententes bilatérales avec des bureaux des brevets étrangers[82].

Tout en faisant, elle aussi, l’éloge de cette initiative, Gail Garland a proposé que les candidats canadiens soient autorisés à déposer une « renonciation de terme » comme on le permet aux États-Unis. La renonciation de terme permet à l’inventeur « de continuer à travailler à son brevet dans le cadre de sa demande de dépôt et de mettre de l’avant les modes de réalisation qui en font partie dans le cadre d’une seule demande de dépôt [alors que] [a]u Canada, il faut avoir réfléchi à tous ces modes de réalisation et les avoir entièrement documentés dans sa demande[83] ». Mme Garland a précisé que certains membres de son organisation déposent des demandes de brevet aux États-Unis pour pouvoir profiter de cette mesure. (Rappelons qu’une renonciation de terme ne prolonge pas le terme d’un brevet.)

Karna Gupta (président-directeur général de l’Association canadienne de la technologie de l’information) a expliqué que l’examen d’une demande de brevet peut être reporté jusqu’à cinq ans après le dépôt de la demande au Canada. L’examen proprement dit peut prendre deux ans. Le témoin a expliqué qu’en raison de cette période de report, les entreprises ont du mal à évaluer les risques de violation des DPI au cours de la procédure de demande et que le Canada doit raccourcir cette période en s’inspirant du modèle américain.

     b) Une version canadienne de la procédure américaine de demande de brevet provisoire

Certains témoins estimaient que pour atténuer les coûts et réduire les délais, on pourrait créer une version canadienne de la procédure américaine de demande de brevet provisoire. Cette procédure, qui peut être considérée comme informelle, reporte de 12 mois l’examen de la demande. Le titulaire de brevet potentiel a donc 12 mois pour déposer une demande en règle :

Les États-Unis offrent un processus de demande de brevets très informel. Il s’agit d’un brevet américain provisoire. Ce n’est vraiment pas cher. Vous n’avez pas besoin d’investir beaucoup d’argent avec les agents de brevets en vue de structurer officiellement le brevet en ce qui a trait aux revendications qui y sont typiquement associées. On peut littéralement prendre un document, payer les frais de 150 $ et obtenir un sceau. Vous obtenez une date à laquelle vous revendiquez votre invention. Après cette date, vous avez un an pour officialiser votre brevet par l’entremise de n’importe quel organisme de délivrance de brevets sur la scène internationale[84].

Les raisons d’employer cette méthode sont diverses. Gay Yuyitung (gestionnaire du développement, Bureau de liaison avec l'industrie, Université McMaster) a expliqué qu’il s’agit d’une solution très rentable et que son organisation s’en sert pour accélérer les choses. Il arrive parfois qu’on doive déposer rapidement une demande simplement parce que le lendemain, un professeur présente à une conférence un document dont le contenu est susceptible d’être breveté[85].

Plusieurs témoins ont rappelé que la principale raison pour laquelle certaines demandes de brevet sont d’abord déposées aux États-Unis est qu’il s’agit d’un marché beaucoup plus vaste que le Canada. Par contre, selon Erica Fraser, si le Canada avait un système provisoire ou un autre genre de système concurrentiel, il attirerait plus de demandes. Tony Stajcer a cependant précisé que les brevets provisoires ne sont pas une solution miracle. Ils présentent en effet certains inconvénients, par exemple l’impossibilité d’insérer une autre propriété intellectuelle dans la même demande : tout doit donc être décrit dans la première demande.

Sylvain Laporte (commissaire aux brevets, reg. des marques de commerce et directeur général, OPIC) a déclaré que si le Canada dispose d’un processus très semblable à l’option américaine de demande de brevet provisoire, en revanche, il semble qu’elle ne soit guère connue. M. Laporte s’est donc engagé à sensibiliser davantage à ce processus les bureaux canadiens de transfert de technologie post-secondaires.

     c) Tribunaux spécialisés ou procédures administratives extrajudiciaires

Les tribunaux spécialisés et les procédures administratives extrajudiciaires sont d’autres solutions proposées par les témoins pour réduire les coûts et les délais associés à la défense et à l’application des DPI. Selon Jeremy de Beer, « les tribunaux constituent la voie de recours pour les gens qui estiment qu’on a porté atteinte à leurs droits de PI[86] ». Le témoin s’est dit favorable à la création d’une section spéciale de la Cour fédérale qui serait chargée de régler les questions ayant trait à la propriété intellectuelle, et de le faire à moindres frais et rapidement. À cet égard, Richard Gold a présenté une autre perspective en indiquant que le Canada n’a pas besoin d’un tribunal spécialisé. Denis Martel (directeur, Direction de la politique des brevets, Direction générale des politiques-cadres du marché, Industrie Canada) a fait valoir que la Cour fédérale confie de facto les affaires de PI à un sous-groupe de juges spécialisés dans ce domaine.

David Harris Kolada (vice-président, Développement organisationnel et commercial, TDDC) a fait savoir que l’une des recommandations découlant de l’enquête interne de TDDC était qu’il devrait être plus facile et moins coûteux pour les PME de faire respecter leurs brevets et de régler efficacement les cas de violation. Les résultats de l’enquête donnent à penser qu’un mécanisme administratif extrajudiciaire serait plus utile que le recours aux tribunaux.

Karen Mazurkewich est également favorable à la création de tribunaux spécialisés, a fait remarquer qu’il en existe déjà dans d’autres pays. Elle a aussi rappelé que ces tribunaux seraient plus en mesure d’aider les entreprises canadiennes par le biais du droit puisque les brevets servent de plus en plus « d’armes de litige massif[87] ». Mme Mazurkewich a ajouté qu’un grand nombre d’entrepreneurs appuient l’idée de laisser les intéressés contester une demande avant que le brevet ne soit délivré parce que « c’est une excellente façon d’éliminer les ‘pommes pourries’[88] ». Robert Guay (directeur, Propriété intellectuelle, Research in Motion) a fait valoir qu’il était bon de donner aux entreprises la possibilité de contester la validité de brevets après qu’ils ont été délivrés.

     d) La base de données de l’OPIC : accessibilité en ligne et expertise

Selon Robert Guay (directeur, Propriété intellectuelle, Research in Motion), l’infrastructure de la base de données de l’OPIC devrait être mise à niveau afin qu’elle offre la même qualité que ce que l’on trouve ailleurs. Quant à Karen Mazurkewich (directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada), elle estimait que la base de données de l’OPIC est « archaïque » et qu’il est grand temps de la mettre à jour pour faciliter les recherches sur Internet[89].

Robert Guay (directeur, Propriété intellectuelle, Research in Motion) a également fait remarquer que l’expertise en matière de brevets a une grande importance et il a félicité l’OPIC de ses efforts à cet égard tout en rappelant qu’il y a encore place pour de l’amélioration. La capacité de recherche de l’OPIC, notamment, est importante pour des entreprises comme Research in Motion, puisqu’elle garantit une meilleure qualité d’examen des brevets.

Gail Garland et Mark Eisen étaient tous deux d’avis que la procédure de demande de protection de la propriété intellectuelle au Canada est implacable et qu’il est possible de perdre des droits pour des raisons échappant au contrôle des candidats (par exemple des échéances manquées, des erreurs dans les paiements de frais, etc.). Gail Garland a expliqué que, si les renseignements sur les brevets et les historiques de dossier étaient accessibles en ligne, comme c’est le cas aux États-Unis et dans les pays de l’Union européenne, cela réduirait la probabilité de perte accidentelle de brevets.

B. Brevets de pratiques commerciales, brevets de logiciels et chasseurs de brevets

i. Les brevets de pratiques commerciales

La question de savoir si les pratiques commerciales peuvent faire l’objet de brevets est très controversée :

La décision rendue aux États-Unis en 1998 voulant que les pratiques commerciales soient brevetables a été suivie d’innombrables demandes de brevets. La question des brevets relatifs aux pratiques commerciales est controversée depuis. Bien des universitaires estiment que de tels brevets minent l’innovation dans les entreprises, et que, par conséquent les tribunaux ne devraient pas permettre l’octroi de brevets portant sur les pratiques commerciales[90].

Les témoins qui se sont exprimés à ce sujet n’ont pas pris de positions très marquées. Il est à noter, cependant, que les universitaires avaient des opinions opposées quant à savoir qui devrait décider si les pratiques commerciales sont brevetables. Selon Richard Gold (professeur, Faculté de droit de l’Université McGill), l’intervention du Parlement ou du gouvernement fédéral par le biais d’une législation ou d’une réglementation ne fait souvent qu’ajouter de la confusion dans le débat sur tel ou tel enjeu stratégique. M. Gold est d’avis que l’OPIC est mieux placé, notamment en raison de sa connaissance des systèmes en vigueur aux États-Unis, pour prendre ce genre de décision fondamentale et il a recommandé que l’OPIC soit doté de plus de pouvoir à cet égard. Par contre, Norman Siebrasse (professeur, Faculté de droit, Université du Nouveau‑Brunswick), qui s’est adressé au Comité à titre personnel, a déclaré que « c’est à la législature et non aux tribunaux, et certainement pas à l’office des brevets, que revient la tâche de décider si oui ou non les pratiques commerciales devraient faire l’objet de brevets[91] ». M. Siebrasse a ajouté qu’à l’heure actuelle, le droit n’est pas clair et que la question des objets brevetables doit être éclaircie par les gouvernements de telle sorte qu’on veille à encourager l’innovation dans certains secteurs comme la médecine personnalisée. Selon M. Siebrasse, les tribunaux ne sont pas outillés pour examiner des questions complexes comme celle de savoir si les brevets de pratiques commerciales sont une bonne chose pour l’innovation.

ii. Les brevets de logiciels

Tout comme la question des pratiques commerciales, celle des logiciels est très controversée. Les logiciels sont brevetables aux États-Unis, mais il n’y a pas consensus sur la question de savoir si l’on devrait permettre de breveter des logiciels au Canada. Les témoins ont fait remarquer que les brevets de logiciels ne servent pas nécessairement à alimenter l’innovation, mais plutôt les litiges. Par exemple, si l’entreprise A décide de poursuivre l’entreprise B pour violation de brevet et que cette dernière possède un nombre important de brevets de logiciels, l’entreprise B pourrait menacer de poursuivre l’entreprise A pour violation de brevet afin de décourager celle-ci de donner suite à la contestation judiciaire initiale. Cette stratégie peut servir, selon le cas, de moyen défensif ou offensif, et l’on voit mal en quoi elle joue un rôle dans l’innovation :

Les brevets peuvent servir à attaquer et à se défendre. Nous revenons à la métaphore de la destruction mutuelle. Un brevet permet de menacer un concurrent de poursuites ou de l’obligation de payer des redevances sur licence, s’il s’entête à poursuivre telle activité. Voilà pour l’attaque. Si, cependant, l’adversaire utilise la même tactique, nous pouvons lui répondre que nous allons l’actionner à notre tour pour contrefaçon de brevet. Un brevet canadien ne nous aurait été d’aucune utilité, parce que nous étions poursuivis aux États‑Unis.
[…] La position de la compagnie est que les brevets de méthodes logicielles en vue de faire des affaires n’aident pas à l’innovation. Ils servent plus aux guerres entre les entreprises qu’à vraiment protéger une innovation unique en son genre[92].

Quoique favorable à la délivrance de brevets pour les logiciels, Gordon Davies a concédé que l’émission de brevets pour les logiciels n’est pas nécessairement cruciale pour une entreprise comme OpenText, qui considère cette protection surtout comme un instrument défensif, bien plus qu’un moyen de favoriser l’innovation. Compte tenu du nombre de litiges civils aux États‑Unis, cette stratégie défensive est employée par des entreprises et des particuliers œuvrant sur le marché américain. Chris Tortorice (conseiller juridique d’entreprise chez Microsoft Canada Inc.) s’est également dit favorable aux brevets de logiciels, estimant que de nombreux exemples montrent que cela fonctionne bien : c’est le cas, par exemple, de différentes entreprises utilisant à la fois des éléments de logiciels de marque brevetés et des éléments issus de sources générales dans leurs activités de recherche et développement. Robert Guay (directeur, Propriété intellectuelle, Research in Motion) a expliqué que la délivrance de brevets pour des pratiques commerciales ou des logiciels est affaire de contexte et qu’il convient d’éviter les généralisations quant à savoir s’ils sont une bonne chose ou non.

iii. Les chasseurs de brevets

Les chasseurs de brevets peuvent être considérés comme une forme extrême de stratégie offensive en matière de propriété intellectuelle. Il s’agit d’entités qui possèdent des brevets, mais qui s’abstiennent de les utiliser et de les commercialiser. Le modus operandi des chasseurs de brevets consiste à laisser d’autres entreprises utiliser le produit ou le procédé breveté, puis à les poursuivre pour violation. Cette méthode permet aux chasseurs de brevets en fin de compte d’imposer des frais d’autorisation excessifs puisque le succès commercial immédiat de ces autres entreprises dépend souvent de l’utilisation du brevet. Norman Siebrasse a proposé l’illustration suivante du fonctionnement de ces entités :

Disons que vous voulez prendre votre retraite et que vous voulez vendre votre petit condo à Vancouver, prendre les 3 millions de dollars que vous en avez obtenus et acheter la propriété de vos rêves dans une région éloignée. Vous trouvez une propriété qui vous semble très bien, mais pour y accéder, vous devez traverser la propriété de quelqu’un d’autre. Vous négociez donc ce droit de passer par l’arrière de leur terrain en versant des frais de licence de 10 000 $. Maintenant, plutôt que de négocier ces frais de licence, disons que vous construisez votre maison de rêve d’un million de dollars, puis que vous allez voir le voisin après, pour lui dire que vous devez traverser sa propriété et que vous avez besoin d’un droit d’accès. Je vous assure que vous ne l’obtiendrez pas pour 10 000 $. Ce sera peut-être plutôt 100 000 $. Combien allez-vous payer? Votre maison y est déjà. Voilà ce que font les chasseurs de brevets. Ils n’obtiennent pas la licence dès le départ. Ils l’obtiennent une fois que l’entreprise est bien établie, et c’est alors qu’ils surgissent. Le titulaire du brevet a du mal à les repérer, puisqu’ils ne sont pas actifs sur le terrain[93].

M. Siebrasse a ajouté que les chasseurs de brevets ne sont pas particulièrement actifs au Canada et que, pour l’instant, ils ne sont donc pas un enjeu urgent pour le gouvernement fédéral. Il n’en reste pas moins, a‑t‑il précisé, qu’il pourrait être utile que le Canada adopte le principe que les chasseurs de brevets ne puissent pas obtenir d’injonction judiciaire et que, par conséquent, ils ne puissent pas stopper les activités commerciales d’une entreprise.

C. La collaboration internationale

Les témoins ont été très nombreux à estimer que la protection des DPI suppose une plus grande collaboration et une meilleure harmonisation entre les pays. La question de l’harmonisation renvoie à la question de savoir si le système canadien de protection de la propriété intellectuelle doit converger vers un autre modèle (par exemple, le modèle américain) ou si d’autres modèles devraient converger vers celui du Canada. À cet égard, l’OPIC avait ceci à dire du système américain de délivrance de brevets :

J’estime que le Canada dispose en fait de mesures auxquelles les États-Unis aspirent. Ils prendront donc les quatre à cinq prochaines années pour mettre en œuvre cette nouvelle loi America Invents Act et, ainsi, adopter un cadre juridique qui se rapproche de celui du Canada. Or le Canada se rapproche également du reste du monde, de sorte que les États-Unis s’approchent par le fait même du reste de la communauté internationale. Je ne dis pas que rien dans leur cadre juridique ne pourrait nous être utile, mais de façon générale, d’un point de vue d’ensemble, ils essaient un peu de se rattraper[94].

Cela dit, le représentant d’OpenText a appelé de ses vœux une meilleure harmonisation internationale des lois et des systèmes de poursuites en matière de protection des brevets. Cette harmonisation permettrait de simplifier le système canadien et de le rendre plus efficace. Le témoin a évoqué l’harmonisation des demandes de brevets et celle des lois définissant la notion d’invention brevetable à titre d’exemples de mesures qui permettraient de réduire le degré d’incertitude ainsi que les coûts liés à la conformité. Ce genre d’harmonisation permettrait également de réduire les frais de demande de brevet pour les compagnies qui veulent breveter leur invention dans plusieurs pays.

Diane Lank (avocate générale, Desire2Learn Incorporated) a fait remarquer que, dans un monde idéal, le système serait harmonisé à l’échelle globale, mais que, puisque ce n’est pas possible, il importe que le Canada et ses partenaires commerciaux communiquent entre eux et collaborent plus étroitement (notamment avec les deux centrales de propriété intellectuelle — du point de vue de la taille du marché — que sont les États‑Unis et l’Union européenne). Mme Lank a donné un exemple précis à cet égard :

Nous aimerions également que les autorités américaines soient mieux informées des dommages à allouer dans les causes de brevet. En effet, bien que le brevet pour lequel nous avons été poursuivis avait (sic) très peu de lien avec notre produit dans son ensemble, Blackboard exigeait à l’origine des droits de 45 p. 100 sur toutes nos recettes. Il doit y avoir un lien entre la valeur de la technologie brevetée et le produit dans son intégralité[95].

Richard Gold a déclaré de son côté qu’en général, le Canada remplit ses obligations internationales. Le témoin a estimé que, comparativement aux autres pays, le Canada se place dans le peloton central du point de vue des protections accordées par son système de DPI. M. Gold a par ailleurs fait valoir que, dans le cas des brevets, le degré de protection garanti par le système canadien aux titulaires de DPI est le plus souvent supérieur à ce qui se passe dans d’autres pays, notamment aux États‑Unis.

Rappelons que la question de savoir si le Canada remplit toutes ses obligations internationales en matière de protection des DPI fait débat. L’échange entre Richard Gold et Chris Tortorice l’illustre bien :

Richard Gold (professeur, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel) : Juridiquement parlant, et je crois que M. Tortorice sera d’accord avec moi, le Canada satisfait aux accords internationaux qu’il a ratifiés. À mon avis, M. Tortorice veut dire que le Canada a signé certains traités de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle, qui incluent des mesures de protection technologiques, entre autres, mais qu’il ne les a pas encore ratifiés. Il voudrait que l’on respecte ces traités, même si nous ne les avons pas encore ratifiés.
Nous sommes conformes au droit international sur la propriété intellectuelle. Cependant, en ratifiant ces traités sans y apporter de changements, nos lois ne seraient plus conformes. Mais, il y a beaucoup de façons différentes de mettre en œuvre ces traités.
Chris Tortorice (conseiller juridique d’entreprise, Microsoft Canada Inc.) : Il y a peut-être une nuance dans ces propos que je n’arrive pas à saisir. J’espère que le Canada est prêt à respecter les traités qu’il signe, même s’il ne les a pas mis en œuvre ou ratifiés ou peu importe le terme utilisé. Je crois que c’est ce à quoi nos partenaires commerciaux s’attendent.
Le droit d’auteur est un exemple parfait. Le dossier n’est pas clos, mais ça ne saurait tarder. Tous les intervenants sont heureux des progrès réalisés. Nous devons faire ce qu’il faut pour que le Canada puisse satisfaire à ses obligations. À mon avis, dès qu’il signe ces traités, le Canada doit respecter les normes internationales concernées, comme tous les autres pays signataires[96].

D. Les super marques de commerce

Robert Currie (professeur agrégé de l’École de droit Schulich et directeur de l’Institut de droit et de technologie à l’Université Dalhousie), qui s’est adressé au Comité à titre personnel, a parlé des marques de commerce officielles (parfois appelées super marques de commerce), qui sont une sorte de marque « permet[tant] aux pouvoirs publics de se mêler du marché et d’exercer un contrôle presque impénétrable sur les mots, les phrases et les choses[97] ». Selon le témoin, ces marques renvoient à une logique de bonne gouvernance : il s’agit de protéger d’importants symboles nationaux contre leur usage par des entités commerciales qui s’en serviraient pour promouvoir leurs produits. Cela dit, le professeur a expliqué que les gouvernements ont parfois abusé de leur pouvoir à cet égard au point d’entraver l’innovation et de perturber les marchés :

es pouvoirs publics se servent quelquefois de ces marques non pas exclusivement à des fins publiques, mais pour obtenir des recettes commerciales au détriment des contribuables et de la petite entreprise[98].

M. Currie a recommandé que les dispositions de la Loi sur les marques de commerce ayant trait aux marques officielles soient abrogées ou considérablement modifiées de façon à en limiter la portée. À cet égard, Sylvain Laporte a souligné également que les marques de commerce sont utilisées à l’occasion par les pouvoirs publics (ou des entités appartenant à l’État) plus comme des outils commerciaux que comme un moyen de protection d’importants symboles de l’État.

CHAPITRE V — LA LUTTE CONTRE LA CONTREFAÇON ET LE PIRATAGE

1. Généralités

La violation des droits de propriété intellectuelle (DPI) — le piratage des droits d’auteur et la contrefaçon de marques de commerce — est un phénomène croissant à l’échelle internationale[99]. Par « contrefaçon », on entend la falsification, la reproduction ou l’imitation de quelque chose sans le droit exprès de le faire et dans le but de tromper ou d’escroquer des consommateurs ou des entreprises[100]. Le plus souvent, quelqu’un appose une marque de commerce très connue sur un produit d’imitation dans le but de tromper des consommateurs ou des entreprises. Par « piratage », on entend la reproduction et la vente d’un produit authentique sans l’autorisation du propriétaire. Il s’agit généralement de la production d’une copie non autorisée d’un film, d’un enregistrement sonore ou d’un logiciel informatique[101].

Les vêtements, les chaussures, les sacs à main et les montres sont probablement les produits de consommation les plus connus visés par les faussaires, mais, selon la Gendarmerie royale du Canada (ci-après appelé « GRC »), on trouve maintenant aussi sur le marché canadien des pièces de véhicules automobiles et des produits électriques, pharmaceutiques et alimentaires contrefaits. Par ailleurs, contrairement à ce qui se passait auparavant, les consommateurs canadiens ne se rendent plus compte qu’ils achètent des produits contrefaits, car certains de ceux‑ci sont difficiles à distinguer des originaux. Comme les faussaires ne dépensent rien en recherche‑développement, marketing, taxes ou contrôle de la qualité, ils profitent d’énormes marges bénéficiaires et peuvent donc se permettre d’offrir leurs produits à des prix « d’aubaine »[102].

Les témoins ont expliqué qu’Internet facilite grandement la recherche et l’importation de produits contrefaits. Ces produits étaient jusqu’ici le plus souvent importés en grandes quantités, puis distribués sur les marchés internes par des réseaux illicites. Mais l’avènement du commerce électronique permet désormais à chacun d’acheter et d’importer des produits contrefaits et de les faire livrer directement chez soi. Et les importations individuelles sont beaucoup plus difficiles à enrayer.

Les dommages causés par les produits contrefaits sont très nombreux :

  • Il y a des risques pour la santé et la sécurité.
  • Le fabricant n’assume pas la responsabilité de ses produits.
  • Les propriétaires de marques licites perdent des ventes.
  • Il y a perte d’achalandage associée aux produits authentiques.
  • Des emplois sont perdus.
  • Il y a perte de profits pour les entreprises qui doivent engager des dépenses pour lutter contre la contrefaçon de leurs produits.
  • Il y a perte de recettes fiscales pour les gouvernements.
  • Les réseaux de crime organisé prennent de l’expansion[103].

Il est difficile de se faire une idée précise du marché des produits contrefaits ou piratés au Canada. À ce problème s’ajoute le fait que les entreprises hésitent souvent à signaler que leurs produits ont été contrefaits, car cela pourrait avoir des conséquences négatives sur leur image de marque et, donc, sur leurs ventes[104].

Selon les renseignements d’INTERPOL, la commercialisation des produits piratés et contrefaits est associée au crime organisé et au terrorisme.[105] Au Canada, la GRC, l’Agence des services frontaliers du Canada (ci-après appelé « ASFC ») et d’autres organismes d’application de la loi sont chargés de repérer et de poursuivre les coupables de violation de DPI. Aux termes de la Loi sur le droit d’auteur, la fabrication, l’importation ou la distribution non autorisée de produits protégés par le droit d’auteur donnent lieu à « une amende maximale d’un million de dollars et un emprisonnement maximal de cinq ans, ou l’une de ces peines[106] ».

Un certain nombre de témoins ont rappelé l’importance de la protection du droit d’auteur et des marques de commerce pour encourager l’innovation et attirer les investissements :

En procurant aux titulaires de droits les outils dont ils ont besoin pour protéger leurs droits et poursuivre ceux qui facilitent le piratage, un régime de PI robuste permet aux créateurs et aux entreprises de choisir eux-mêmes la meilleure façon de commercialiser leurs produits sur le marché. On stimule ainsi les investissements dans les nouveaux produits et services et les nouvelles méthodes de distribution, et on ouvre la voie à de nouveaux modèles d'affaires novateurs et variés, qui à leur tour favorisent une concurrence légitime, un choix varié, et en fin de compte, de meilleurs prix pour les clients[107].

En règle générale, les témoins ont indiqué que la Loi sur la modernisation du droit d’auteur est un pas dans la bonne direction, mais ils ont également fait remarquer qu’il faudrait modifier la loi sur les marques de commerce en fonction des problèmes de contrefaçon. Des témoins ont parlé de ce qu’ils estiment être les lacunes du système d’application de la loi au Canada et suggéré que les douaniers et autres agents aux frontières soient habilités à confisquer les marchandises qu’ils pensent être des produits contrefaits. Ils ont rappelé que ces lacunes existent depuis déjà un certain temps et qu’elles ont été signalées dans des rapports et études antérieurs[108].

2. Un pouvoir d’office pour les agents des douanes

Selon beaucoup de témoins, l’ASFC devrait avoir d’office le droit de confisquer les produits contrefaits lorsqu’on en découvre aux points d’entrée du Canada. Les agents des douanes pourraient alors confisquer de leur propre initiative des produits soupçonnés d’être contrefaits au moment où ceux-ci entrent au Canada. Wayne Edwards (président du Réseau anti-contrefaçon canadien et vice-président d'Électro-Fédération Canada) et Terry Hunter (gestionnaire, Anti-contrefaçon et contrôle d'application de propriété intellectuelle, Association canadienne de normalisation) ont plus particulièrement recommandé que les agents de l’ASFC soient dotés du « pouvoir exprès de rechercher, de confisquer, de saisir et de détruire […] des biens contrefaits ou piratés[109] ». Actuellement, il faut obtenir une ordonnance judiciaire pour confisquer des marchandises contrefaites, et cette procédure est, selon des témoins, à la fois fastidieuse et peu efficace :

À l’heure actuelle, les agents des douanes ne peuvent pas, de leur propre initiative, saisir des articles dont ils reconnaissent ou soupçonnent la contrefaçon ou le piratage. Ils ne peuvent le faire que s’ils ont en leur possession une ordonnance d’un tribunal, qu’un titulaire de droit d’auteur comme moi est en mesure d’obtenir — si, par magie, je m’aperçois qu’on s’apprête à introduire clandestinement au Canada des produits contrefaits et que je sais quand cela aura lieu —, ou si la GRC leur a demandé de détenir quelqu’un[110].

Certains ont ajouté que ce pouvoir d’office des douaniers et autres agents aux frontières est chose courante dans d’autres pays. Un représentant de Canada Goose (fabricant de vêtements d’extérieur) a comparé la façon dont son entreprise collabore avec l’unité britannique de lutte contre la violation des DPI et la manière dont cela se passe avec les fonctionnaires canadiens :

D'abord, nous collaborons avec l'unité britannique qui s'occupe des infractions à la PI et qui nous aide à mieux informer les patrouilles frontalières dans tous les pays européens. Avec notre aide, cette unité saisit et détruit les produits de contrefaçon, pratiquement sans coûts. En effet, elle nous avise lorsqu'elle met la main sur des produits et nous en payons la destruction. Nous ne pouvons pas le faire au Canada parce que les patrouilles frontalières n'ont pas le droit de saisir des produits de contrefaçon, alors que cela nous serait utile[111].

Citant l’Organisation mondiale du commerce, Chris Tortorice a rappelé que les douaniers sont souvent les seuls à savoir à quel moment des produits contrefaits sont transportés. Il a ajouté que l’une des conditions d’un contrôle efficace aux frontières est que les agents des douanes puissent agir de leur propre initiative et stopper les cargaisons susceptibles de contenir des produits contrefaits. Il a donc appelé de ses vœux l’adoption de nouvelles dispositions législatives conférant aux douaniers le pouvoir d’office de confisquer les marchandises contrefaites. Par ailleurs, M. Tortorice a dit estimer que ces modifications législatives devraient permettre la transmission de renseignements et d’échantillons de produits suspects aux titulaires des droits et interdire explicitement l’importation de produits contrefaits. Dale Ptycia (premier responsable, Octroi de licences, Hockey Canada) a, lui aussi, appuyé l’idée de modifier la réglementation pour donner plus de pouvoirs au personnel de première ligne de l’ASFC.

L’octroi d’un pouvoir d’office aux agents des douanes soulève la question de savoir ce qu’il convient de faire lorsque les produits saisis se révèlent authentiques. À cet égard, Jason Kee (Association canadienne du logiciel de divertissement) s’est dit d’avis que la collaboration entre les organismes d’application de la loi et les titulaires de droits est indispensable puisque les premiers devront compter sur les seconds pour déterminer s’il y a violation. Comme pour tout ce qui concerne les DPI, Mark Eisen (président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada) a rappelé l’importance d’une perspective équilibrée et suggéré que la confiscation d’importations licites à la frontière fasse l’objet d’une forme d’indemnisation :

En mettant en œuvre des recommandations, nous mettons une pression sur un secteur — par exemple sur les produits de marque —, et cette pression doit être neutralisée par la capacité de faire preuve de retenue. Par exemple, lorsqu’il y a une saisie à tort de biens, il y a l’attribution des dépens. Sans cela, on crée une situation très déséquilibrée. Je crois donc que les recommandations sont valides, mais il faut les voir comme un numéro d’équilibriste; il ne faut pas les voir seulement comme une aide directe sans tenir compte du revers de la médaille[112].

3. Recours civils et pénaux en matière de contrefaçon

Selon plusieurs témoins, il faudrait inclure dans la Loi sur les marques de commerce des dispositions pénales et également des dispositions civiles prévoyant des dommages‑intérêts. Daniel Drapeau (avocat à la cour, conseiller, agent de marques de commerce) a expliqué que la GRC et les procureurs de la Couronne ne se servent que de la Loi sur le droit d’auteur parce que celle‑ci comprend des dispositions pénales. Il a précisé que les dispositions pénales concernant les violations des marques de commerce figurent dans le Code criminel, ce qui soulève une question de compétence. Selon Chris Tortorice, « [l]e Code criminel, la Loi sur le droit d'auteur et la Loi sur les marques de commerce ne s'entendent pas en ce qui a trait aux infractions. Il faudra harmoniser ces lois si on veut que les régimes fonctionnent[113] ».

Il n’y a pas non plus de dispositions prévoyant des dommages–intérêts préétablis dans la Loi sur les marques de commerce, alors que c’est le cas dans la Loi sur le droit d’auteur[114]. Daniel Drapeau a expliqué qu’il s’agit de « dommages–intérêts pour lesquels vous n'avez pas besoin de faire la preuve d'une perte réelle. C'est un montant forfaitaire fixé par la loi, que le plaignant peut obtenir si le défendeur est reconnu coupable d'avoir violé le droit d'auteur[115] ». Selon Chris Tortorice, les dommages‑intérêts préétablis devraient être au moins équivalents aux dommages‑intérêts actuellement accordés par les tribunaux canadiens dans les cas de contrefaçon de marque de commerce.

Martin Lavoie (directeur des politiques, Productivité et innovation, Manufacturiers et Exportateurs du Canada) a, quant à lui, rappelé que, en matière de contrefaçon, l’Accord de l’Organisation mondiale du commerce sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce et l’Accord de libre‑échange nord‑américain (ci‑après appelé « ALÉNA ») prévoient des mesures d’application de la loi d’ordre pénal. Il a également cité un rapport du gouvernement américain invitant le Canada à imposer des peines plus sévères aux personnes coupables de violations de DPI.

4. Sensibilisation, coordination, vérification et application de la loi

Outre les modifications législatives, il existe, selon les témoins, d’autres moyens de faciliter la lutte contre la contrefaçon et le piratage au Canada. On peut les regrouper sous la rubrique « Sensibilisation, coordination, vérification et application de la loi ». Les sections qui suivent sont une description de chacun de ces moyens.

A. Sensibilisation

Comme nous l’avons vu dans la première section de ce chapitre, les dommages causés par la contrefaçon et le piratage sont très nombreux, des risques pour la santé et la sécurité aux pertes d’emploi. Voici comment Kevin Spreekmeester décrit les versions contrefaites des produits de son entreprise :

[N]ous avons fait analyser trois anoraks par les laboratoires de Feather Industries Canada. Dans deux d'entre eux, il n'y avait aucune trace de duvet, seulement des plumes d'oiseaux de toutes sortes, des déchets d'usine sans doute, couvertes de moisissures, de bactéries, de matières fécales, enfin tout ce qu'ils avaient sous la main, et ces produits étaient entrés au Canada[116].

Plusieurs témoins étaient d’avis qu’il faut sensibiliser la population aux dommages causés par les produits contrefaits et piratés. Dale Ptycia (premier responsable, Octroi de licences, Hockey Canada) a souligné la nécessité d’un partenariat entre l’industrie et le gouvernement pour mieux sensibiliser la population. Jason Kee a rappelé que l’OPIC a pour mandat de sensibiliser les Canadiens aux DPI, mais il n’était pas sûr que ses programmes soient suffisants. Wayne Edwards a mentionné que l’achat de produits contrefaits est généralement considéré comme contraire à l’éthique, mais aussi comme un crime sans victimes, et c’est ce point de vue, selon lui, qui doit être changé grâce à des mesures de sensibilisation. Il a notamment attiré l’attention sur l’éducation des jeunes, afin que ceux‑ci modifient leurs comportements et attitudes à l’égard des téléchargements illicites et des produits piratés. Il faut, selon lui, mettre largement l’accent sur les risques pour la santé et la sécurité liés à l’usage de produits contrefaits non certifiés, notamment de produits électriques.

Selon Chris Tortorice, les consommateurs sont sensibles à l’argument que « si le prix est trop beau pour être vrai, c’est probablement le cas ». Cela dit, a‑t‑il rappelé, le prix des produits contrefaits est désormais proche du prix des produits authentiques, de sorte qu’il est plus difficile de distinguer les uns des autres. Selon lui, « le gouvernement doit souligner clairement et fréquemment l'importance que la propriété intellectuelle joue dans l'instauration d'économies du savoir et la capacité de notre pays d'être concurrentiel sur la scène mondiale[117] ».

B. Coordination

Les témoins ont rappelé l’importance de la coordination des mesures prises par le secteur privé et par le gouvernement si l’on veut circonscrire et stopper l’afflux et la diffusion de produits contrefaits. Il y a notamment peu de contact, à l’heure actuelle, entre les entreprises et l’ASFC :

Je vais vous donner un exemple du nombre de communications que j'ai reçues de l'ASFC au cours de mes trois dernières années à la CSA. Des agents des douanes américaines communiquent avec moi de deux à huit fois par jour pour faire vérifier des marques de certification. Par contre, l'ASFC a communiqué avec moi une fois en trois ans[118].

Dans le même ordre d’idées, Jason Kee a cité l’exemple des États‑Unis, où il existe ce qu’on appelle un coordonnateur de l’application des DPI :

[…] un nouveau bureau à la Maison‑Blanche, le Bureau du coordonnateur de l'application des droits de propriété intellectuelle. Son rôle est d'assurer une liaison avec les différents départements, qui ont tous une part de responsabilité à l'égard de la PI, et en veillant à ce qu'ils communiquent entre eux et trouvent ensemble des moyens de mieux faire appliquer les lois à l'aide des ressources disponibles[119].

M. Kee a également fait remarquer qu’il existe actuellement au Canada un groupe officieux composé de représentants de la GRC, de l’ASFC et de groupes de titulaires de droits. Il serait utile, selon lui, d’officialiser ce groupe sous la forme d’un groupe de travail sur la violation des DPI. Chris Tortorice (conseiller juridique d’entreprise chez Microsoft Canada Inc.) a fait une remarque dans le même sens, précisant que l’arrangement officieux actuel est tel que les voies de communication entre les parties (entreprises, ASFC et GRC) varient beaucoup en fonction de l’endroit où l’on se trouve. Il a également appelé de ses vœux la création d’une unité centralisée de lutte contre la violation des DPI.

Enfin, Daniel Drapeau (avocat à la cour, conseiller, agent de marques de commerce) a insisté sur le fait que le manque de communications entre les autorités gouvernementales et les titulaires de DPI est tel que, bien souvent, ces derniers ne peuvent pas obtenir les renseignements dont ils auraient besoin pour intenter des poursuites au civil afin d’obtenir réparation.

C. Vérification

Certains témoins ont proposé de créer un système d’enregistrement permettant d’instaurer un mode de vérification plus officiel de l’authenticité des produits acheminés à nos frontières. Selon Daniel Drapeau, ce genre de système remplacerait la méthode ponctuelle actuelle et offrirait un instrument supplémentaire aux agents des douanes :

Un régime d'enregistrement à la frontière n'est pas compliqué à administrer. Au Canada, on a déjà un registre des marques de commerce et un registre des droits d'auteur, il suffit de créer un régime d'enregistrement à la frontière; ainsi, les douaniers auront au moins les noms des titulaires de droits[120].

Encadré 1 — Système américain d’enregistrement des marques de commerce (Extrait — Bureau des brevets et des marques de commerce des États-Unis)

Enregistrement de marques de commerce auprès de CBP (Customs and Border Protection)

Veuillez noter que CBP (Customs & Border Protection), service relevant du ministère américain de la Sécurité intérieure (Department of Homeland Security), est chargé d’entretenir un système d’enregistrement des marques de commerce pour les marques enregistrées auprès du Bureau des brevets et des marques de commerce des États Unis (United States Patent and Trademark Office). Les parties qui font inscrire leurs marques de commerce dans le Registre principal peuvent les enregistrer auprès de CBP pour faciliter la prévention de l’importation de marchandises contrefaites. La base de données d’enregistrement comprend des renseignements sur toutes les marques enregistrées, dont des images. Les agents de CBP surveillent les importations pour éviter l’entrée de marchandises portant des imitations de marque et ils ont accès à la base de données à chacun des 317 points d’entrée du pays.

En octobre 2005, CBP a officialisé le système d’enregistrement électronique des droits de propriété intellectuelle (Intellectual Property Rights e-Recordation ou IPRR). Le nouveau système permet aux titulaires de droits de demander une inscription au registre par voie électronique, ce qui réduit considérablement les temps de traitement. Il présente également certains avantages nouveaux :

  • Les demandes et documents justificatifs sur papier sont éliminés.
  • Les exemplaires du certificat délivré par l’organisme d’enregistrement (le Bureau des brevets et des marques de commerce des États Unis ou le Bureau du droit d’auteur) sont conservés par le titulaire des droits et n’ont pas à être soumis au CBP.
  • Les paiements peuvent être effectués par carte de crédit (de préférence), chèque ou mandat.
  • Il est possible de télécharger des images de l’œuvre ou de la marque de commerce protégée, ce qui évite d’avoir à en envoyer des exemplaires à CBP.
  • Le délai entre le dépôt de la demande et l’application de la réglementation par le personnel de terrain est raccourci.

M. Drapeau et Terry Hunter (gestionnaire, Anti-contrefaçon et contrôle d'application de propriété intellectuelle, Association canadienne de normalisation) ont expliqué que les États‑Unis sont dotés d’un système d’enregistrement des marques de commerce (voir l’encadré 1). Terry Hunter a fait remarquer que les titulaires de DPI sont tenus de verser des droits modestes pour s’inscrire dans le système.

D. Application de la loi

Il arrive que les problèmes que posent la contrefaçon et le piratage ne soient pas attribuables au manque de pouvoir des agents de l’ASFC ni à l’absence de recours civils ou pénaux, mais au fait que la réglementation actuelle n’est pas appliquée. Selon Jason Kee (directeur, Politique et affaires juridiques, Association canadienne du logiciel de divertissement), il y a une nette amélioration depuis que la GRC a fait de la violation des DPI l’une de ses priorités, mais il y aurait encore beaucoup à faire du côté des procureurs de la Couronne :

Même en présence d'un vrai criminel, qui cadre avec les dispositions en question, des poursuites ne sont pas nécessairement intentées contre lui, et si c'est le cas, les procureurs finissent généralement par y renoncer[121].

Pour remédier à ce problème, il faudrait, d’après M. Kee, attribuer plus de ressources à la lutte contre la violation des DPI, notamment par le biais d’un programme de sensibilisation interne destiné aux agents d’application de la loi et aux procureurs de la Couronne.

CHAPITRE VI — L’ACCORD ÉCONOMIQUE ET COMMERCIAL GLOBAL (AECG) ET LA PROTECTION DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DANS L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE CANADIENNE

Dans l’industrie pharmaceutique, les fabricants doivent assumer des coûts fixes très élevés (ils ont notamment d’importantes dépenses en immobilisations au titre de la R-D) et financer de longues périodes de développement avant de pouvoir commercialiser leurs produits. L’industrie pharmaceutique fournit donc la parfaite illustration de l’importance des droits de propriété intellectuelle dans la recherche et l’innovation :

Cette industrie [l’industrie pharmaceutique] se penche sur l'innovation de portée très restreinte fondée sur la recherche, puisque l'invention peut quelquefois porter sur une seule molécule. En l'occurrence, la durée de la protection des droits intellectuels est cruciale, parce que la commercialisation d'un nouveau médicament est extrêmement coûteuse et se fait selon un processus réglementaire de longue durée sur lequel l'entreprise n'a que très peu de contrôle. Celle-ci a donc besoin de l'exclusivité pendant suffisamment de temps pour pouvoir récupérer le coût de la commercialisation et faire un profit qui lui permettra de financer la découverte de nouveaux produits[122][...]

Les témoins s’entendaient généralement sur le rôle stratégique des brevets dans le processus d’innovation dans l’industrie pharmaceutique, mais les avis sont partagés quant à la durée et au type de la protection que les brevets devraient conférer.

1. L’Accord économique et commercial global et la position des fabricants de médicaments d’origine

La négociation de l’Accord économique et commercial global (ci-après appelé « AECG ») avec l’Union européenne a mis en relief la question de la protection de la propriété intellectuelle dans l’industrie pharmaceutique. En fait, l’Union européenne presse le Canada de renforcer la protection de la propriété intellectuelle à l’égard des produits pharmaceutiques sur trois plans. Pour leur part, les fabricants de médicaments d’origine souscrivent sans réserve à ces exigences, car ils font valoir depuis longtemps que la protection de la propriété intellectuelle au Canada ne répond pas aux besoins de leur secteur :

Actuellement, le Canada a une occasion unique de conclure un Accord économique et commercial global — ou AECG — avec l’Union européenne et d'apporter les améliorations nécessaires pour harmoniser notre régime de PI dans les sciences de la vie à celui des pays européens.
Plus précisément, nous croyons que le gouvernement fédéral devrait, d'abord, créer un droit d’appel efficace pour les innovateurs dans les procédures d'invalidité d'un brevet — c'est une simple question d’équité. Deuxièmement, il faut améliorer les règles de protection des données pour les étendre de 8 à 10 ans, un changement important, mais progressif. Troisièmement, il faut mettre en œuvre le rétablissement de la durée des brevets, ce qui existe dans tous les pays de l’OCDE sauf en Nouvelle-Zélande, au Mexique et au Canada.
Ces améliorations rendraient le régime de PI du Canada plus stable et prévisible[123].

Declan Hamill (conseiller au président et vice-président, Affaires juridiques, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada) a précisé la notion d’allongement compensatoire de la durée des brevets :

Il permet aux innovateurs de réclamer une partie du temps qu'ils ont perdu — pas l'intégralité — en attendant l'approbation réglementaire, dont les délais peuvent être assez longs au Canada et dans d'autres pays. Cela leur permet de présenter une demande pour qu'on rétablisse une partie du temps perdu à la fin de la durée d'un brevet[124].

Gail Garland souscrit elle aussi à l’adoption de l’AECG, notant que, par la conclusion de cet accord, « le Canada deviendrait le seul pays au monde à bénéficier d'un statut commercial préférentiel auprès des États‑Unis et de l'Union européenne[125] ». Mme Garland a signalé que l’absence de prolongation de la durée des brevets nuisait aux PME canadiennes parce que chaque année d’exclusivité perdue fait baisser les revenus globaux sur le cycle de vie des produits. Mme Garland fait remarquer qu’aux États-Unis et dans l’Union européenne, la durée d’application des brevets peut être prolongée d’une période pouvant aller jusqu’à cinq ans pour compenser les retards de mise en marché causés par la réglementation.

À ceux qui affirment que l’amélioration de la protection de la propriété intellectuelle risque de faire augmenter les prix des médicaments et donc d’avoir des conséquences sur les budgets provinciaux pour ce qui est des médicaments, Brigitte Nolet (Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada) a fait valoir que les gouvernements provinciaux ne manquaient pas de moyens de maîtriser ces coûts. Elle a ajouté par ailleurs qu’il est singulier de vouloir modifier la protection de la propriété intellectuelle pour réduire les coûts du système de santé, car ces deux questions selon elle ne vont habituellement pas de pair.

2. Position des fabricants de médicaments génériques

S’ils souscrivent à la conclusion d’un accord commercial entre le Canada et l’Union européenne, les fabricants de médicaments génériques du Canada sont vivement opposés aux exigences de l’Union européenne au sujet de la protection de la propriété intellectuelle. Ils estiment en effet que le régime canadien est déjà bien plus strict à de nombreux égards que ceux de l’Union européenne et des États-Unis. Jim Keon (président, Association canadienne du médicament générique) a exprimé ce point de vue :

Dans son ensemble, ce régime est bien plus strict que celui de tout autre secteur d'activité au Canada et, sous bien des aspects, plus rigoureux que les régimes de propriété intellectuelle des pays de l'Union européenne et des États-Unis. Par exemple, au Canada, les compagnies de médicaments brevetés bénéficient d'une unique injonction automatique de 24 mois contre la mise en marché d'un médicament générique […]
Au Canada, contrairement aux États-Unis, il n'y a pas de mesures législatives qui inciteraient les fabricants de génériques à contester les brevets. Notre protection réglementaire des données est plus longue de quelques années que la moyenne internationale. Au Canada, les compagnies de médicaments brevetés peuvent obtenir des brevets protégeant de multiples aspects d'un médicament sans qu'aucun mécanisme ne permette à un fabricant de génériques de contester un brevet sans passer par une poursuite judiciaire[126].

Les fabricants de médicaments génériques contestent vivement le système canadien où la délivrance d’un avis de conformité est liée aux brevets. D’après l’Association canadienne du médicament générique, ce système revient à offrir aux titulaires de brevet un mécanisme de protection supplémentaire parce que l’approbation d’un nouveau médicament générique sur le plan de la santé et de la sécurité peut être bloquée par une injonction automatique « sans que le breveté n'ait à fournir une preuve quelconque[127] ». M. Keon a signalé que les lois sur la concurrence de l’Union européenne interdisent ce type de système, et a aussi qualifié les fabricants de médicaments génériques d’« agents disciplinaires » du fait que le système canadien compte sur ceux-ci pour contester les brevets de mauvaise qualité devant les tribunaux[128]. C. Benjamin Gray (vice-président, Droit et avocat général, Mylan Pharmaceuticals ULC, Association canadienne du médicament générique) a affirmé que le fait de consentir des prolongations de la durée des brevets causerait beaucoup de tort à l’industrie du médicament générique.

3. Le point de vue des universitaires

Des universitaires se sont prononcés sur la protection de la PI dans l’industrie pharmaceutique dans le contexte de la négociation de l’AECG. Richard Gold (professeur, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel) ne croit pas que le fait de céder aux exigences de l’Union européenne stimulera l’innovation au Canada :

On ne peut pas nier que les États-Unis et l'Europe nous incitent tous les deux à prolonger les droits de brevet, surtout au sein de l'industrie pharmaceutique. Or, rien ne prouve que cela favorise l'innovation canadienne. Nous devrons plutôt en payer le prix.
[…] Mais vous me demandez s'il est justifié de prolonger la propriété intellectuelle au Canada, et la réponse est non[129].

Norman Siebrasse est, quant à lui, pour l’idée d’une prolongation compensatoire de la durée d’application des brevets soutenant qu’il s’agit d’indemniser les fabricants pour les retards que cause le processus réglementaire dans l’industrie pharmaceutique de manière que celle-ci jouisse d’une durée de brevet effective analogue à celle des autres industries. Pour M. Siebrasse, les objections formulées contre cette idée tiennent à des questions de principe ou à des considérations d’ordre pragmatique :

Le principal argument avancé contre cette idée, ce que j'appelle l'argument de principe, c'est qu'il faut tenir compte du temps dont on a réellement besoin[...] Or, nous ne savons pas si 17 ans, c'est une durée optimale. Peut-être que cinq ans seraient suffisants. Je ne crois pas, toutefois, qu'une année suffise. Mais peut-être qu'il faudrait 30 ans, nous l'ignorons. C'est une question empirique à laquelle il est difficile de répondre[...] Voilà l'objection de principe.
L'objection pragmatique à la prolongation de la durée du brevet est celle qui fait valoir qu'on obtiendra les fruits de ces investissements de toute façon[130].

M. Siebrasse estime pour sa part qu’il est temps de revoir le système qui lie les avis de conformité aux brevets. Il presse les législateurs de revoir l’ensemble du système de brevets dans l’industrie pharmaceutique et pas seulement certains points de détail comme le demandent les partenaires commerciaux du Canada.

Marc-André Gagnon (professeur adjoint, École d'administration et de politiques publiques, Université Carleton) est pour la prolongation compensatoire de la durée d’application des brevets, à une réserve près :

Enfin, si nous souhaitons rétablir la durée des brevets — par exemple, le délai d’approbation — afin de prolonger la protection conférée par ceux-ci, cela ne pose pas de problèmes, car il s’agit d’un brevet, et non d’un droit. C’est un privilège accordé par l’État qui peut comporter certaines conditions. L’idée consisterait à obliger les entreprises à réinvestir au Canada une part importante des revenus supplémentaires ainsi générés. Je pense que cela créerait vraiment une économie du savoir[131].

En ce qui concerne la prolongation de la période de protection des données, Marc-André Gagnon a fait remarquer que l'extension de la protection des données vise à encourager les entreprises à faire de la recherche et des essais cliniques sur des médicaments déjà existants afin de voir s'ils ne pourraient pas avoir d’autres utilisations thérapeutiques intéressantes. Selon lui, il pourrait être utile de prolonger la période de protection des données, mais il faut se garder de confondre « protection des données » et « secret des données »; la protection des données est logique dans le contexte des droits de propriété intellectuelle, mais le « secret des données » (souvent exigé par Santé Canada) est inadmissible, car il empêche les autres chercheurs d'avoir accès aux données cliniques. M. Gagnon estime que le règlement liant la délivrance des avis de conformité aux brevets est coûteux et inefficace et il en recommande l’abrogation. Il reproche par ailleurs au système de délivrance des brevets canadiens un excès de laxisme, disant que l’on « part du principe que les entreprises génériques iront en cour pour contester le brevet[132] ».

CHAPITRE VII — CONCLUSION ET RECOMMANDATIONS

Après examen des témoignages présentés, le Comité fait les recommandations suivantes au gouvernement du Canada (regroupées en fonction des grands thèmes examinés au cours de l'étude).

AU SUJET DE L’OFFICE DE LA PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE DU CANADA ET DES POLITIQUES ET PROGRAMMES DU GOUVERNEMENT DU CANADA

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les pratiques exemplaires internationales pour recueillir un ensemble de données à l’appui du processus décisionnel stratégique en matière de propriété intellectuelle et savoir de quelle manière celle-ci contribue à la performance de l’économie canadienne.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada (et plus spécifiquement, l’Office de la propriété intellectuelle du Canada) discute activement avec les entreprises canadiennes afin de les sensibiliser davantage aux droits de propriété intellectuelle et d’accroître le soutien aux entreprises qui souhaitent protéger leur propriété intellectuelle.
  3. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada (afin de soutenir les entreprises canadiennes sur la scène mondiale et pour assurer une gestion simplifiée et compatible au plan international du régime de propriété intellectuelle) ratifie certains accords internationaux importants : le Traité sur les droits des brevets, le Protocole de Madrid et le Traité de Singapour sur les marques, et l’Arrangement de La Haye sur les dessins industriels.
  4. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada étudie des façons de faire croître les sociétés innovatrices canadiennes afin de maintenir des propriétés intellectuelles de valeur au Canada et de combler notre retard de productivité par rapport à nos concurrents.
  5. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada prenne des mesures afin de faire prendre conscience de l’importance de la PI parmi les chercheurs et les PME, ainsi que l’élaboration de programmes de formation qui aideront à renforcer la gestion stratégique des actifs de PI.
  6. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada élabore, pour l’industrie canadienne de l’aérospatiale, des politiques de PI communes à tous les ministères, et qu’il simplifie les restrictions applicables à l’utilisation de la PI; qu’il assouplisse les politiques de programmes tels que l’ISAD afin de faciliter la collaboration avec des organisations étrangères; et qu’il consolide les politiques sur l’approvisionnement en aéronefs en négociant des droits de PI lors de l’achat d’aéronefs à l’étranger.

AU SUJET DE LA SIMPLIFICATION DE LA PROCÉDURE DE PROPRIÉTÉ INTELLECTUELLE AU CANADA

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les obstacles financiers et temporels, qui empêchent les PME d’enregistrer, d’affirmer ou de défendre leurs droits de propriété intellectuelle.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine le cadre national et les cadres internationaux régissant les brevets pour déterminer si le Canada a atteint un juste équilibre entre l’incitation à l’innovation et la stimulation de la concurrence sur le marché. Ce faisant, le gouvernement devrait trouver les moyens :
  • de renforcer la qualité des brevets;
  • d’améliorer la divulgation du brevet;
  • d’accroître l’efficacité du système pour faire respecter les droits de brevet.
  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada envisage d’élargir la brevetabilité à un nouvel objet seulement lorsqu’il existe une preuve claire et concrète d’un avantage pour les Canadiens et la concurrence.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada explore des options permettant de simplifier les demandes de brevets pour les petites entreprises et de fournir un meilleur soutien et de la formation.
  3. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada collabore avec l’Office de la propriété intellectuelle du Canada afin de mettre en place une loi et un règlement qui permettront d’accélérer l’octroi de droits de PI, de sorte que le Canada se compare à d’autres pays à cet égard.
  4. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine la distribution géographique des agents enregistrés de brevets à travers le Canada.

AU SUJET DES PARTENARIATS UNIVERSITÉ-GOUVERNEMENT-INDUSTRIE

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada encourage les universités à travailler de concert à l'élaboration de modèles d’accord pour chaque secteur qui offrent plus de certitude aux entreprises qui concluent des partenariats avec des chercheurs universitaires. Les laboratoires publics devraient s’employer à établir des modèles d’accord semblables.

AU SUJET DU PIRATAGE/CONTREFAÇON/MARQUES DE COMMERCE/DROIT D’AUTEUR

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada renforce la protection des droits de propriété intellectuelle en présentant des mesures législatives permettant de mieux lutter contre la contrefaçon et le piratage à la frontière, notamment en :
  • octroyant des pouvoirs d’office aux agents des douanes;
  • autorisant des recours civils et pénaux dans les cas de contrefaçon de marques de commerce;
  • permettant aux agents des douanes de communiquer aux titulaires des droits l’information sur les biens suspects.
  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada examine les pratiques exemplaires internationales dans le domaine des marques interdites pour déterminer s’il faut modifier la Loi sur les marques de commerce.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada inclue les groupes de consommateurs, en plus des groupes de l’industrie, dans ses efforts d’éducation et de coordination visant à lutter contre le piratage et la contrefaçon.
  3. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada veille à ce que la GRC et les douaniers soient dotés de l’autorité nécessaire pour faire leur travail, tout en garantissant le respect des libertés civiles et l’application régulière de la loi. Cela peut vouloir dire qu’une compensation sera nécessaire dans les cas où la saisie des biens n’était pas justifiée.
  4. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada veille à que des recours au criminel soient disponibles dans les cas où la contrefaçon de marques et le piratage de droit d’auteur sont volontaires et menés à l’échelle commerciale. Toutefois, les consommateurs eux-mêmes ont souvent de la difficulté à distinguer entre les produits légitimes et les produits contrefaits, ce qui fait en sorte que donner des amendes excessives aux consommateurs qui n’agissent pas délibérément est inapproprié.
  5. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada présente un projet de loi modifiant les dispositions de la Loi sur les marques de commerce qui ont trait aux marques officielles afin de limiter la portée des marques officielles aux symboles nationaux d’importance et de restreindre la définition d’« autorité publique », l’objectif étant d’éviter de nuire à l’innovation et de perturber les marchés.

AU SUJET DE L’INDUSTRIE PHARMACEUTIQUE CANADIENNE

  1. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada veille à ce que le régime de protection de la propriété intellectuelle pharmaceutique établisse un équilibre entre l’incitation à l’investissement dans le développement de nouveaux médicaments innovateurs et l’assurance que les Canadiens ont accès à des médicaments à prix abordable.
  2. Le Comité recommande que le gouvernement du Canada mène un examen indépendant fondé sur des preuves sur les défis que rencontre le secteur des médicaments de marque au Canada afin de déterminer les solutions appropriées et les mesures à adopter.

[1]              Cette motion a été modifiée par le Comité les 3 mai et 7 juin 2012.

[2]              Voir, par exemple, Innovation Canada : Le pouvoir d'agir, Examen du soutien fédéral de la recherche-développement.

[3]              Conference Board du Canada, Centre for Business Innovation, Innovation Defined. [traduction]

[4]              Rob Annan, directeur, Politiques, recherché et évaluations, Mitacs, Témoignages, 19 juin 2012, 0910.

[5]               Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d’Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 1005.

[6]               Office de la propriété intellectuelle du Canada, Renseignez-vous sur la PI, http://www.OPIC.ic.gc.ca/eic/site/OPICinternet-internetopic.nsf/fra/h_wr00011.html.

[7]               Ibid.

[8]             Osler, Hoskin and Harcourt LLP, Protecting Intellectual Property in Canada, p. 63, http://www.osler.com/ uploadedFiles/News_and_Resources/Publications/Guides/Doing_Business_in_Canada_-_2011/DBIC-Chapter13.pdf.

[9]               Ibid.

[10]           Gerard Peets, directeur principal, Direction de la planification et de la stratégie, Secteur de la politique stratégique, Industrie Canada, Témoignages, 10 mai 2012, 0850.

[11]           Ibid.

[12]           On trouvera plus loin une explication de ce que l’on entend par ces expressions.

[13]           Commission des oppositions des marques de commerce, http://www.ic.gc.ca/eic/site/OPICinternet-     internetopic.nsf/fra/h_wr00120.html

[15]           Sylvain Laporte, commissaire aux brevets, registraire des marques de commerce et président, Office de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 10 mai 2012, 0850.

[16]           Ibid.

[17]           Ibid.

[18]           Industrie Canada, « Réponse écrite à des questions posées au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU) », 5 février 2013.

[19]           Ibid.

[20]           Cette section est fondée sur l’information fournie au Comité par Industrie Canada dans le document “« Réponse écrite à des questions posées au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU) », 5 février 2013.

[21]           Il existe toutefois des exceptions particulières dans la Loi où des sanctions pénales pourraient s’appliquer.

[22]           Industrie Canada, “« Réponse écrite à des questions posées au Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie (INDU) », 5 février 2013.

[23]           Ibid.

[24]           Gerard Peets, directeur principal, Direction de la planification et de la stratégie, Secteur de la politique stratégique, Industrie Canada, Témoignages, 10 mai 2012, 0900.

[25]           Gail Garland, présidente et première dirigeante, Ontario Bioscience Innovation Organization, Témoignages, 4 octobre 2012,1140.

[26]           Ruth Corbin, directrice et première dirigeante, CorbinPartners Inc., à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0900.

[27]           Mark Eisen, président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 15 mai 2012, 0900.

[28]           Tom Brzustowski, professeur retraité, École de gestion Telfer, Université d'Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 6 novembre 2012, 1205.

[29]           Ibid.

[30]           Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel,    Témoignages,15 mai 2012, 0905.

[31]           Ian Hargreaves, professeur, Économie numérique, Université de Cardiff, à titre personnel, Témoignages, 12 juin 2012, 0900.

[32]           Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d'Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0905.

[33]           Mark Eisen, président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 15 mai 2012, 0855.

[34]           Morgan Elliott, directeur, Relations gouvernementales, Research In Motion, Témoignages,      23 octobre 2012, 1230.

[35]           Avvey Peters, vice-présidente, Relations extérieures, Communitech, Témoignages, 19 juin 2012, 0855.

[36]           Ruth Corbin, associée directrice et première dirigeante, CorbinPartners Inc., à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0900.

[37]           Mark Eisen, président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 15 mai 15 2012, 0855.

[38]           Rami Abielmona, vice-président, Recherche et ingénierie, Larus Technologies Corporation, Témoignages, 1er novembre 2012, 1100.

[39]           Ibid.

[40]           Dave Waters, conseiller, Conseil consultatif ‒ Gouvernement, Industrie et Universités, Startup Canada, Témoignages, 25 octobre 2012, 1145.

[41]           Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d’Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0925.

[42]           Karen Mazurkewhich, directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1145. Voir aussi Conseil international du Canada, Rights and Rents: Why Canada Must Harness It’s Intellectual Property Resources, p.16.

[43]           Ruth Corbin, associée directrice et première dirigeante, CorbinPartners Inc., à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 1015.

[44]           Gay Yuyitung, gestionnaire du développement, Bureau de liaison avec l'industrie de l`Université McMaster, Université McMaster, Témoignages, 17 mai 2012, 0845.

[45]           Ibid.

[46]           Avvey Peters, vice-présidente, Relations extérieures, Communitech, Témoignages, 19 juin 2012, 0855.

[47]           Douglas Barber, professeur distingué en résidence, Université McMaster, à titre personnel, Témoignages, 25 octobre 2012, 1200.

[48]           David Harris Kolada, vice-président, Développement organisationnel et commercial, Technologies du développement durable Canada (TDDC), Témoignages, 19 juin 2012, 0905.

[49]           Scott Inwood, directeur, Commercialisation, Université de Waterloo, Témoignages, 17 mai 2012, 0850.

[50]           Ibid.

[51]           Digvir Jayas, vice-président, Recherche et relations internationales, Université du Manitoba, Témoignages, 17 mai 2012, 0945.

[52]           Catherine Beaudry, professeure agrégée, Département de mathématiques et de génie industriel, École Polytechnique de Montréal, à titre personnel, Témoignages, 17 mai 2012, 0935.

[53]           Karen Mazurkewich, directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1125.

[54]           Erica Fraser, gestionnaire, Commercialisation de la technologie, Facultés de génie et de sciences, Bureau de la liaison avec l’industrie et de l’innovation, Université Dalhousie, Témoignages, 12 juin 2012, 0945.

[55]           Rob Annan, directeur, Politiques, recherche et évaluations, Mitacs, Témoignages, 19 juin 2012, 0910. Pour d’autres renseignements au sujet du mandat, de la structure, des programmes et du financement du Mitacs, cliquez sur http://www.mitacs.ca/fr.

[56]           Ibid.

[57]           Nobina Robinson, directrice générale, Polytechnics Canada, Témoignages, 6 novembre 2012, 1150.

[58]           Ibid.

[59]           Avvey Peters, vice-présidente, Relations extérieures, Communitech, Témoignages, 19 juin 2012, 0935.

[60]           Clément Fortin, président-directeur général, Consortium de recherche et d’innovation en aérospatiale au Québec, Témoignages, 19 juin 2012, 0900.

[61]           Chris Lumb, président-directeur général, TEC Edmonton, Témoignages, 23 octobre 2012, 1105.

[62]           Pierre Meulien, président et chef de la direction, Génome Canada, Témoignages, 23 octobre 2012, 1115.

[64]           Karen Mazurkewich, directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1100.

[65]           Lianne Ing, vice-présidente, Bubble Technology Industries Inc., Témoignages, 12 juin 2012, 0930.

[66]           Tony Stajcer, vice-président, Recherche et développement, COM DEV International Ltd., Témoignages 2 octobre 2012, 1150.

[67]           Ibid.

[68]           Lianne Ing, vice-présidente, Bubble Technology Industries Inc., Témoignages, 12 juin 2012, 0930.

[69]           Morgan Elliott, directeur, Relations gouvernementales, Research In Motion, Témoignages, 23 octobre 2012, 1120.

[70]           Tony Stajcer, vice-président, Recherche et développement, COM DEV International Ltd., Témoignages, 2 octobre 2012, 1120.

[71]           Lucie Boily, vice-présidente, Politiques et compétitivité, et Maryse Harvey, vice-présidente, Affaires publiques, Association des industries aérospatiales du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1110.

[72]           Lucie Boily, vice-présidente, Politiques et compétitivité, Association des industries aérospatiales du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1110.

[73]           Ibid., 1135, et Maryse Harvey, vice-présidente, Affaires publiques, Association des industries aérospatiales du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1220.

[74]           Douglas W. Allen, professeur d’économie, Université Simon Fraser, « What are Transaction Costs », Research in law and economics, vol. 14, p. 1-18, (1991) (http://encyclo.findlaw.com/0740book.pdf) [traduction].

[75]           Karna Gupta, président et directeur général, Association canadienne de la technologie de l’information, Témoignages, 1er novembre 2012, 1220.

[76]           Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d’Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0910.

[77]           Douglas Barber, professeur distingué en résidence, Université McMaster, à titre personnel, Témoignages, 23 octobre 2012, 1155.

[78]           Diane Lank, avocate générale, Desire2Learn Incorporated, Témoignages, 18 octobre 2012, 1105.

[79]           Gordon Davies, chef du contentieux et secrétaire général, OpenText Corporation, Témoignages, 1er novembre 2012, 1110.

[80]           Sylvain Laporte a également souligné que la suppression des délais prescrits (laissant au commissaire le soin de déterminer quel délai est raisonnable selon les circonstances) constitue une option à examiner.

[81]           L’Autoroute du traitement des demandes de brevet est définie comme suit sur le site Web de l’OPIC : « […] une initiative qui fournit un moyen d’établir par ordre de priorité l’examen des demandes de brevet, sous certaines conditions, lorsqu’une indication d’objet brevetable, ou de caractère de nouveauté, d’activité inventive et de possibilité d’application industrielle (en phase internationale), a été faite. Quand ces exigences et toutes les autres sont satisfaites, le demandeur peut présenter à l’OPIC, ou à l’un des offices partenaires de l’OPIC dans le cadre de l’ATDB, une demande d’examen accéléré d’une demande correspondante. Les demandes de brevet canadiennes seront examinées conformément à la Loi sur les brevets et aux Règles sur les brevets ainsi qu’aux pratiques du Bureau des brevets de l’Office de la propriété intellectuelle du Canada (OPIC). » Voir : http://www.OPIC.ic.gc.ca/eic/site/OPICinternet-internetopic.nsf/fra/h_wr02160.html.

[82]           Gordon Davies, chef du contentieux et secrétaire général, OpenText Corporation, Témoignages, 1er novembre 2012, 1115.

[83]           Gail Garland, présidente et première dirigeante, Ontario Bioscience Innovation Organization, Témoignages, 4 octobre 2012, 1230.

[84]           Scott Inwood, directeur, Commercialisation, Université de Waterloo, Témoignages, 17 mai 2012, 0915.

[85]           Gay Yuyitung, gestionnaire du développement, Bureau de liaison avec l'industrie de l`Université McMaster, Université McMaster, Témoignages, 17 mai 2012, 0915. Erica Fraser de l`Université Dalhousie a fait des observations dans le même sens.

[86]           Jeremy de Beer, professeur agrégé, Faculté de droit, Université d’Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 15 mai 2012, 0915.

[87]           Karen Mazurkewich, directrice, Propriété intellectuelle, Conseil international du Canada, Témoignages, 2 octobre 2012, 1100.

[88]           Ibid., 1245.

[89]           Ibid.

[90]           Norman Siebrasse, professeur, Faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel, Témoignages, 4 octobre 2012, 1120.

[91]           Ibid.

[92]           Diane Lank, avocate générale, Desire2Learn Incorporated, Témoignages, 18 octobre 2012, 1125.

[93]           Norman Siebrasse, professeur, Faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel, Témoignages, 4 octobre 2012, 1230.

[94]           Sylvain Laporte, commissaire aux brevets, registraire des marques de commerce et président, Office de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 10 mai 2012, 1030.

[95]           Diane Lank, avocate générale, Desire2Learn Incorporated, Témoignages, 18 octobre 2012, 1105.

[96]           Richard Gold, professeur, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel, et Chris Tortorice, conseiller juridique d’entreprise, Microsoft Canada Inc., Témoignages, 7 juin 2012, 1000.

[97]           Robert Currie, professeur agrégé de l’École de droit Schulich et directeur de l’Institut de droit et de technologie à l’Université Dalhousie, à titre personnel, Témoignages, 6 novembre 2012, 1210.

[98]           Ibid.

[100]         Baker & McKenzie, Canadian Anti-Counterfeiting Laws & Practice: A case for change, p. 1‑2, http://www.cacn.ca/publications/Canadian%20Anti-Counterfeiting%20Laws%20&%20Practice_WP85744v2.pdf.

[101]         Ibid.

[104]         Le président du Réseau anti‑contrefaçon canadien a expliqué ceci : « [...] les entreprises n'aiment pas voir leur nom associé à des produits contrefaits, car cela nuit à leur marché. Elles hésitent donc beaucoup à en parler à la presse ou à le publier, car les gens vont dire que l'entreprise XYZ a un produit contrefait, et personne ne voudra plus l'acheter. Elles font très attention, et c'est pourquoi il est difficile de le savoir. » Wayne Edwards, président du Réseau anti-contrefaçon canadien et vice-président d'Électro-Fédération Canada, Témoignages, 30 octobre 2012, 1145.

[105]         Connu officiellement sous « O.I.P.C.-INTERPOL » (Organisation internationale de police criminelle), INTERPOL « est l’organisation internationale de police la plus importante au monde, avec 190 pays membres ». Voir le site web d’INTERPOL: http://www.interpol.int/fr/Internet/À-propos-d'INTERPOL/Présentation.

[106]         Loi sur le droit d’auteur, paragraphe 42(1), http://laws-lois.justice.gc.ca/fra/lois/C-42/page-33.html.

[107]         Jason Kee, directeur, Politique et affaires juridiques, Association canadienne du logiciel de divertissement, Témoignages, 18 octobre 2012, 1115.

[108]         Par exemple : « La contrefaçon et le piratage : copier, c’est voler », rapport du Comité permanent de l’industrie, des sciences et de la technologie, juin 2007, et « La contrefaçon sur le marché canadien: comment arrêter ce fléau? », Conseil canadien de la propriété intellectuelle, juin 2012.

[109]         Wayne Edwards, président du Réseau anti-contrefaçon canadien et vice-président d'Électro-Fédération Canada, Témoignages, 30 octobre 2012, 1110. Terry Hunter, gestionnaire, Anti-contrefaçon et contrôle d'application de propriété intellectuelle, Association canadienne de normalisation, Témoignages, 30 octobre 2012, 1115.

[110]         Jason Kee, directeur, Politique et affaires juridiques, Association canadienne du logiciel de divertissement, Témoignages, 18 octobre 2012, 1220.

[111]         Kevin Spreekmeester, vice-président, Marketing global, Canada Goose Inc., Témoignages, 25 octobre 2012, 1150.

[112]         Mark Eisen, président, Institut de la propriété intellectuelle du Canada, Témoignages, 15 mai 2012, 1020.

[113]         Chris Tortorice, conseiller juridique d’entreprise, Microsoft Canada Inc., Témoignages, 7 juin 2012, 0945.

[114]         Daniel Drapeau, avocat à la cour, conseiller, agent de marques de commerce, DrapeauLex Inc., à titre personnel, Témoignages, 25 octobre 2012, 1210.

[115]         Ibid.

[116]         Kevin Spreekmeester, vice‑président, Marketing global, Canada Goose Inc., Témoignages, 25 octobre 2012, 1150.

[117]         Chris Tortorice, conseiller juridique d’entreprise, Microsoft Canada Inc., Témoignages, 7 juin 2012, 0905.

[118]         Terry Hunter, gestionnaire, Anti-contrefaçon et contrôle d'application de propriété intellectuelle, Association canadienne de normalisation, Témoignages, 30 octobre 2012, 1115.

[119]         Jason Kee, directeur, Politique et affaires juridiques, Association canadienne du logiciel de divertissement, Témoignages, 18 octobre 2012, 1150.

[120]         Daniel Drapeau, avocat à la cour, conseiller, agent de marques de commerce, DrapeauLex inc., à titre personnel, Témoignages, 25 octobre 2012, 1205.

[121]         Jason Kee, directeur, Politique et affaires juridiques, Association canadienne du logiciel de divertissement, Témoignages, 18 octobre 2012, 1150.

[122]         Tom Brzustowski, professeur retraité, École de gestion Telfer, Université d'Ottawa, à titre personnel, Témoignages, 6 novembre 2012, 1205.

[123]         Brigitte Nolet, Relations gouvernementales et politiques en matière de santé, Division des soins spécialisés, Hoffmann-La Roche Limitée, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, Témoignages, 23 octobre 2012, 1100.

[124]         Declan Hamill, conseiller au président et vice-président, Affaires juridiques, Les compagnies de recherche pharmaceutique du Canada, Témoignages, 23 octobre 2012, 1150.

[125]         Gail Garland, présidente et première dirigeante, Ontario Bioscience Innovation Organization, Témoignages, 4 octobre 2012, 1115.

[126]         Jim Keon, président, Association canadienne du médicament générique, Témoignages, 4 octobre 2012, 1105.

[127]         Ibid.

[128]         Ibid.

[129]         Richard Gold, professeur, Faculté de droit, Université McGill, à titre personnel, Témoignages, 7 juin 2012 0930.

[130]         Norman Siebrasse, professeur, Faculté de droit, Université du Nouveau-Brunswick, à titre personnel, Témoignages, 4 octobre 2012, 1210.

[131]         Marc-André Gagnon, professeur adjoint, École d'administration et de politiques publiques, Université Carleton, à titre personnel, Témoignages, 12 juin 2012, 0940.

[132]         Ibid., 0950.