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Bonjour et bienvenue à la 40
e réunion du Comité permanent de l'industrie, des sciences et de la technologie.
Nous accueillons aujourd'hui divers témoins; certains sont en salle et d'autres comparaissent par téléconférence. Permettez-moi de les présenter.
De l'Association canadienne du médicament générique, nous accueillons M. Jim Keon, président, ainsi que M. Benjamin Gray, vice-président ainsi qu'avocat général pour le compte de Mylan Pharmaceuticals ULC.
Mme Gail Garland représente la Ontario Bioscience Innovation Organization, dont elle est présidente et première dirigeante.
Est également présent M. George Dixon, vice-président de la recherche à l'Université de Waterloo. Monsieur comparaît à titre personnel.
Enfin, nous accueillons par vidéoconférence M. Norman Siebrasse qui témoigne également à titre personnel. Monsieur est professeur à la faculté de droit de l'Université du Nouveau-Brunswick.
C'est M. Jim Keon qui va prendre la parole en premier.
Nous vous demanderions de vous en tenir à six minutes, étant donné qu'il y a cinq témoins.
Je demanderais également aux députés qui poseront des questions après les déclarations préliminaires des témoins de ne pas oublier qu'il y a quelqu'un qui comparaît par vidéoconférence. En effet, on a des fois tendance à accorder toute notre attention aux témoins qui sont présents et à oublier la personne qui comparaît par vidéoconférence. Ce qui ne plaira pas, j'en suis sûr, à M. Siebrasse.
Monsieur Keon, la parole est à vous.
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Merci, monsieur le président et honorables membres du comité de donner à l'industrie canadienne du médicament générique l'occasion de contribuer à votre étude de notre régime national de protection intellectuelle.
Comme vous l'avez déjà dit, je suis accompagné aujourd'hui de M. Ben Gray, vice-président et avocat général de la compagnie pharmaceutique Mylan Pharmaceuticals au Canada.
J'aimerais vous parler un peu de l'industrie canadienne du médicament générique. À notre avis, cette industrie est la grande réussite du secteur des sciences de la vie au Canada.
En effet, nous offrons un emploi à plus de 12 000 Canadiens et Canadiennes dans des postes hautement spécialisés de recherche, de développement et de fabrication et nous exportons nos produits à valeur ajoutée dans plus de 115 pays. L'industrie du médicament générique est un exportateur net de produits à valeur ajoutée qui apporte une contribution positive à la balance commerciale des produits pharmaceutiques.
Les producteurs canadiens de médicaments génériques exploitent les plus vastes entreprises du secteur des sciences de la vie en Ontario, au Québec et au Manitoba. Le principal investisseur en recherche et développement au Canada dans le secteur des sciences de la vie est le producteur de médicaments génériques Apotex, la plus grande compagnie pharmaceutique du Canada et également propriétaire de la plus importante entreprise biopharmaceutique au pays.
[Français]
Aujourd'hui, nous allons discuter de la propriété intellectuelle. À notre avis, il n'y a aucun lien entre un renforcement de la propriété intellectuelle et la recherche-développement pharmaceutique. Tout prétendu lien entre un renforcement de la protection de la propriété intellectuelle et une augmentation des investissements en recherche-développement pharmaceutique est pour le moins douteux.
Les brevets bénéficient d'un traitement national. Les pays doivent leur accorder une protection équitable, quel que ce soit le pays où la recherche est effectuée. Les décisions en matière de choix d'un pays où sera effectuée la recherche ne sont pas liées à la propriété intellectuelle. Actuellement, la majorité des investissements réalisés par les fabricants de médicaments brevetés sont dirigés vers des États abritant leurs propres sièges sociaux ou vers des pays émergents tels que ceux du BRIC, soit le Brésil, la Russie, l'Inde et la Chine, qui ne sont pas réputés pour la vigueur de leur protection de la propriété intellectuelle.
Compte tenu de ces faits en matière d'investissements, la vraie question est de savoir quel est le niveau adéquat de protection de la propriété intellectuelle apte à appuyer les innovations thérapeutiques effectuées pour la plupart dans d'autres pays.
[Traduction]
Le marché canadien des produits pharmaceutiques est restreint, il ne représente que 2,5 p. 100 du marché mondial. Malgré tout, le régime canadien de protection intellectuelle des brevets pharmaceutiques est très sévère. Dans son ensemble, ce régime est bien plus strict que celui de tout autre secteur d'activité au Canada et, sous bien des aspects, plus rigoureux que les régimes de propriété intellectuelle des pays de l'Union européenne et des États-Unis.
Par exemple, au Canada, les compagnies de médicaments brevetés bénéficient d'une unique injonction automatique de 24 mois contre la mise en marché d'un médicament générique. En général, il est possible de lancer deux poursuites judiciaires pour contrefaçon de brevet, portant sur les mêmes brevets, ce qui crée des incertitudes commerciales. Aux États-Unis, le régime de liaison, qui a servi de modèle au système canadien, ne permet pas de multiples poursuites judiciaires et assure de ce fait des certitudes commerciales.
Au Canada, contrairement aux États-Unis, il n'y a pas de mesures législatives qui inciteraient les fabricants de génériques à contester les brevets. Notre protection réglementaire des données est plus longue de quelques années que la moyenne internationale. Au Canada, les compagnies de médicaments brevetés peuvent obtenir des brevets protégeant de multiples aspects d'un médicament sans qu'aucun mécanisme ne permette à un fabricant de génériques de contester un brevet sans passer par une poursuite judiciaire.
En fait, et ceci est important, l'efficacité du système canadien repose sur les contestations de brevets émanant des fabricants de médicaments génériques. Bien que la question ne soit pas souvent abordée, un élément crucial d'une politique sur les brevets pharmaceutiques dans tous les pays développés est un mécanisme de contrôle efficace pour s'assurer que seules les inventions authentiques bénéficient d'un monopole commercial.
Au Canada, il n'existe aucun mécanisme d'opposition à l'octroi d'un brevet. Les brevets sont étudiés et accordés uniquement en fonction des affirmations des demandeurs.
Dans le cas des produits pharmaceutiques, ces brevets sans opposition peuvent être inscrits dans le registre de Santé Canada et ensuite bloquer automatiquement toute autorisation de médicaments génériques pendant une période allant jusqu'à deux ans. Certains brevets sont réellement innovants et méritent une protection, mais ce n'est pas le cas d'un grand nombre d'entre eux.
C'est ici que l'industrie du médicament générique entre en jeu. Elle représente le seul agent disciplinaire en matière de faiblesse des brevets au Canada. Les fabricants de produits génériques contestent les brevets pharmaceutiques faibles devant les tribunaux canadiens afin de commercialiser leurs produits au Canada. Lorsqu'ils gagnent leur cause, ils ouvrent le marché à la concurrence des génériques, ce qui représente des économies importantes pour la population canadienne.
Par contre, il est clair que le système doit être réformé. Ces dernières années, des intervenants des secteurs public et privé, notamment des juges de la Cour fédérale canadienne, ont été de plus en plus nombreux à exprimer leur inquiétude devant la prolifération de causes complexes en matière de contestation de brevets pharmaceutiques. Plus d'une centaine de poursuites portant sur la propriété intellectuelle de brevets pharmaceutiques ont été intentées, chaque année, au cours des sept dernières années. Le système actuel surcharge les tribunaux et fait subir aux fabricants de médicaments génériques des risques financiers potentiellement graves lorsqu'ils lancent leurs produits sur le marché canadien.
Permettez-moi maintenant de vous parler brièvement de la complexité du système.
En vertu du régime de liaison, l'approbation octroyée par Santé Canada est interreliée au système de brevets. Il s'agit là d'un mécanisme extrêmement puissant pour un breveté. Au Canada, il bloque l'autorisation réglementaire d'un nouveau médicament générique par le biais d'une injonction automatique, sans que le breveté n'ait à fournir une preuve quelconque. Il est intéressant de savoir qu'un tel système de liaison est illégal selon les termes des lois de l'Union européenne sur la concurrence.
Au Canada, ce système de contestation des brevets pharmaceutiques ne comprend aucune mesure efficace propre à dissuader les compagnies de médicaments brevetés d'intenter des poursuites pour protéger des brevets faibles ou mal fondés. La Cour suprême du Canada a déjà qualifié ce système de « draconien » dans sa façon de traiter les fabricants de médicaments génériques. Au Canada, à l'heure actuelle, les parties lésées ne peuvent pas disposer de dommages-intérêts sur des injonctions, prévus dans les principes de la common law.
La complexité et l'iniquité de ce cadre juridique se sont aggravées depuis les modifications réglementaires apportées au mois d'octobre 2006. Celui-ci a sans doute permis des modifications positives en vue de réduire les cas de renouvellement à perpétuité des brevets par les compagnies de médicaments d'origine, mais il a fait apparaître une nouvelle tactique judiciaire par laquelle on poursuit systématiquement tout fabricant de médicaments génériques pour contrefaçon de brevets deux fois. Cela signifie que la plupart des médicaments génériques sont aujourd'hui commercialisés moyennant des risques financiers élevés. Ce double système de contestation est une particularité unique au Canada. Dans aucun autre pays, où que ce soit dans le monde, n'existe-t-il cette possibilité de contestation d'un brevet avant et après la mise en marché du produit. Le système est inefficace, il accroît les incertitudes commerciales et a un effet paralysant sur la mise en marché de médicaments génériques.
Nous avons élaboré des recommandations à l'intention d'Industrie Canada...
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Bonjour. Je m'appelle Gail Garland et je suis PDG de la Ontario Bioscience Innovation Organization, organisation associative du secteur privé qui a pour objectif de faciliter le développement et la commercialisation en Ontario de technologies émanant du secteur des sciences de la vie par le biais d'investissements, d'alliances stratégiques, de stratégies participatives, de leadership et de la promotion du secteur.
En prévision de mon témoignage, j'ai consulté les membres de notre organisation, des fabricants de produits thérapeutiques, de dispositifs divers et de technologies de diagnostic. J'ai donc décidé d'adopter leurs points de vue pour vous parler des changements qui, s'ils étaient apportés au régime de brevets au Canada, permettraient une meilleure commercialisation des technologies émanant des sciences de la vie en marge de ce que font les sociétés biotechnologiques et le monde universitaire, et qui faciliteraient de façon générale le processus de commercialisation au pays.
La première recommandation porte sur la diversité de ce qui est brevetable. Au Canada, les modifications récemment proposées aux lignes directrices relatives à l'examen effectué par l'OPIC a soulevé un certain nombre d'inquiétudes relativement aux critères utilisés par l'Office de la propriété intellectuelle du Canada afin de déterminer si une dite invention peut effectivement faire l'objet d'un brevet. C'est particulièrement troublant pour certaines méthodes diagnostiques et utilisations médicales, qui, en vertu des nouvelles lignes directrices, ne seraient pas brevetables.
Les experts juridiques travaillant pour les PME dans le secteur des biotechnologies au Canada estiment que ce n'est pas en restreignant la définition de ce qui constitue une invention et qui peut donc faire l'objet d'un brevet qu'on pourra assurer la qualité des brevets effectivement octroyés ni même encourager l'innovation. En Ontario, il y a une quarantaine de PME spécialisées en équipement diagnostique qui fabrique des dispositifs médicaux personnalisés qui auraient potentiellement plus de mal à obtenir des brevets si ces modifications étaient apportées.
Passons à la deuxième recommandation. Il s'agirait de permettre aux demandeurs canadiens de se dégager de la responsabilité d'énumérer toutes les formes que pourrait prendre leur invention. En effet, au Canada, le demandeur doit énumérer toutes les formes possibles de son invention dans le cadre d'une seule demande. Aux États-Unis, ils peuvent se dégager de cette responsabilité; c'est une façon de contrer l'argument contre la double brevetabilité. Les sociétés canadiennes qui se lancent dans le secteur des biotechnologies aimeraient dans certains cas, pour des raisons d'ordre commercial, obtenir un premier brevet rapidement, quitte à refaire une demande plus tard relativement aux autres formes ou aspects de leur invention. C'est possible aux États-Unis, mais pas au Canada où l'interdiction d'octroyer deux brevets veut qu'un demandeur énumère toutes les formes de son invention dans son unique demande. Par conséquent, dans certains cas, les brevets prennent longtemps à être octroyés parce que le processus visant à identifier toutes les formes possibles s'éternise, et ce sont les sociétés canadiennes qui en pâtissent. Il est vrai que les accords bilatéraux, comme l'autoroute du traitement des demandes de brevet rendent service aux PME parce qu'ils permettent d'accélérer le processus d'obtention de brevets sans que ça ne coûte plus cher. Plus on harmonisera le système d'octroi de brevets à l'échelle mondiale, plus les sociétés ontariennes du secteur des biosciences seront concurrentielles à l'échelle internationale.
Certains jugements récents vont à l'encontre de cette harmonisation planétaire et pourraient rendre le Canada moins attrayant aux yeux de demandeurs de brevet potentiels. En effet, des quantités impressionnantes de données sont exigées afin de prouver le bien-fondé des demandes, mesure de la « promesse du brevet ». Dans certains cas, on a même déterminé que des données sur la toxicité qui, normalement, ne seraient disponibles qu'après la commercialisation dudit produit, avaient été exigées dans le cadre d'une demande de brevet.
Pour l'heure, le phénomène reste marginal, mais il y a tout de même des sociétés qui décident de ne pas faire de demande au Canada parce qu'elles ont peur de ne pas disposer de suffisamment de données, sans parler des investisseurs qui boudent la commercialisation au Canada. Il serait notamment possible de régler ce problème en harmonisant notre système avec celui des États-Unis, où il est possible de déposer les données justificatives relatives à une assertion après le dépôt de la demande de brevet.
Je vous propose des façons faciles de réformer le régime de brevets. À l'heure actuelle, en vertu du système de propriété intellectuelle au Canada, même les demandeurs les mieux intentionnés n'ont pas droit à l'erreur. Vous savez, des fois, c'est parce qu'un courrier n'est jamais arrivé à destination ou parce que les droits n'ont pas été bien acquittés que les demandeurs ne peuvent pas respecter les dates butoirs. Comme il n'y a pas suffisamment de souplesse dans le système pour régler ces problèmes, les PME risquent de perdre leur brevet. Si les données relatives aux demandes de brevet, notamment les données historiques, étaient disponibles en ligne, il serait alors possible de se brancher pour s'assurer que les demandes sont complètes ou pour voir s'il y a une date butoir qui approche.
Contrairement au Canada, les Offices de brevet aux États-Unis et en Europe disposent de systèmes en ligne qui permettent au public d'avoir accès aux historiques de dossiers. De plus, s'il est vrai qu'en vertu du système actuel, on accorde des droits préférentiels aux PME, très peu de sociétés s'identifient comme étant des PME parce qu'elles ont peur qu'à un moment donné on remette en question leur statut de PME, ce qui se traduirait potentiellement par la perte de leur brevet.
Les règles devraient être remaniées pour accorder davantage de souplesse aux PME.
Il y a autre chose qui met les bâtons dans les roues des PME ontariennes qui désirent établir des partenariats technologiques: l'impossibilité de prolongation de la période de validité des brevets au Canada. Les PME américaines et européennes, elles, peuvent demander une prolongation allant jusqu'à cinq ans pour compenser les retards causés par la réglementation. Les investisseurs et les multinationales qui évaluent la propriété intellectuelle des PME ontariennes ajustent la valeur à la baisse pour refléter les pertes commerciales occasionnées par la courte durée de l'exclusivité du marché. Pour les multinationales, le marché canadien est déjà petit et, si on y ajoute cette exclusivité de marché restreinte, ça risque de se traduire par un manque d'intérêt quand il s'agit de commercialiser les nouvelles technologies au pays.
Pour que les PME s'épanouissent pleinement, le Canada doit mettre en place des normes de protection de propriété intellectuelle comparables à celles qui existent ailleurs. À cette fin, nous recommandons l'adoption de l'AECG, à savoir l'Accord économique et commercial global avec l'Union européenne. En adhérant à cet accord, le Canada deviendrait le seul pays au monde à bénéficier d'un statut commercial préférentiel auprès des États-Unis et de l'Union européenne. Il s'agit là d'un avantage concurrentiel dont nous avons bien besoin et que nous devons saisir sans hésiter.
En guise de conclusion, la réforme du régime de brevets canadiens doit passer par une harmonisation internationale de façon à octroyer des brevets de grande qualité sans que cela ne coûte trop cher. Les entreprises du secteur des biosciences désireuses de se tailler une place sur le marché international doivent pouvoir compter sur un régime de propriété intellectuelle concurrentielle prévisible, stable, souple et qui ressemble au régime de nos partenaires commerciaux.
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Merci, monsieur le président.
À la réunion du comité du 17 mai, vous avez accueilli M. Scott Inwood, qui est directeur de la commercialisation à l'Université de Waterloo. Il vous a parlé des politiques régissant la propriété intellectuelle à cette université. Il vous a également décrit les particularités de la région de Waterloo en ce qui a trait à la commercialisation. Je m'abstiendrai de répéter ces observations et de vous parler de ces activités, parce que M. Inwood vous en a déjà fait un bon résumé.
J'aimerais faire trois observations. N'hésitez pas à me demander d'étoffer au besoin. Je pourrai d'ailleurs vous en dire davantage pendant la période de questions et réponses si cela vous intéresse. Cela fait environ 20 ans que je suis doyen des sciences à l'Université de Waterloo et vice-président de la recherche et que je m'intéresse de façon active à la commercialisation. J'aimerais vous dire comment, d'après moi, le Canada pourrait mieux tirer son épingle du jeu et davantage tirer profit de la recherche effectuée au pays et de la propriété intellectuelle en émanant.
Tout d'abord, il faut s'assurer qu'au sein du système universitaire on identifie les découvertes dignes de protection et de commercialisation. Ça vous semblera peut-être évident, mais sachez qu'au sein de l'université, il faut mettre en place une culture qui permette aux universitaires d'identifier ce qui mérite d'être divulgué et protégé. Il est important que ces derniers sachent vers qui se tourner pour le faire.
En dépit des nombreuses activités de sensibilisation et de réseautage organisées au sein de l'université, ce n'est vraiment pas évident d'inciter, par exemple un étudiant de premier cycle à présenter une idée en vue de la faire protéger.
À l'Université de Waterloo, nous sommes en général en mesure de détecter ces bonnes idées, mais nous devons continuellement mener des activités de repérage et de réseautage pour y arriver. Il y a quelque chose en particulier qui me préoccupe, même si je ne peux pas dire que ça m'empêche de dormir, parce que rien ne m'empêche de dormir. Il s'agit d'étudiants qui auraient une idée de génie, en particulier au premier cycle, mais qui ne savent pas par où commencer pour en parler. Nous consacrons beaucoup de temps à ce type d'activité.
Permettez-moi de vous parler également des investissements qui se font au stade embryonnaire. Dans le budget 2012, d'importantes ressources ont été débloquées sous forme de ce que j'appellerais financement providentiel tardif ou financement par capital-risque. À mon avis, c'est à l'étape de la précommercialisation qu'il est très important d'investir, c'est-à-dire à l'étape de la minimisation des risques et de la preuve du bien-fondé d'un concept, immanquablement associé aux toutes premières étapes de la commercialisation d'idées protégées par la propriété intellectuelle. Moi, j'appelle ça les investissements préprovidentiels. Ce sont les investissements qui doivent se faire avant que les investisseurs providentiels ne se manifestent.
Ce n'est pas qu'il n'y a aucun fonds du tout. Les scientifiques et ingénieurs travaillant en collaboration par le biais de FedDev en sont un très bon exemple. Pensez aussi au programme De l'idée à l'innovation du CRSNG. D'autres programmes relèvent des provinces. Dans tous les cas, les procédures de demande sont relativement complexes. Les décisions sont rendues dans un délai de six à 12 mois.
Je sais pertinemment qu'il faut que le processus suive son cours, mais s'il y a des étudiants de premier, de deuxième ou de troisième cycles qui désirent créer leur propre société, il faut que les décisions se fassent suffisamment rapidement pour que ces étudiants détenteurs de la propriété intellectuelle restent ensemble et fondent leur société. Après tout, il s'agit souvent de personnes très intelligentes qui sont extrêmement sollicitées par les employeurs, et elles ne peuvent pas se permettre, sans travailler, d'attendre de six à 12 mois avant d'obtenir une réponse.
La seule façon de résoudre le problème, c'est d'avoir recours au financement local, en combinant différents dons philanthropiques. Certains investisseurs en capital-risque seraient prêts à financer ce type d'activité, mais il faut que le tout soit géré à l'échelle locale pour que les décisions puissent se faire très rapidement.
À l'Université de Waterloo, nous avons un fonds philanthropique d'environ 2 millions de dollars. Nous accordons 25 000 $ à certains étudiants du premier cycle ou des cycles supérieurs qui veulent se diriger dans cette voie. Ça ne nous prend que trois semaines pour octroyer cet argent. Dans la région de Waterloo, en marge de l'université, il est clair que la demande est beaucoup plus importante que l'offre.
Enfin, parlons de la tolérance au risque du secteur privé relativement aux nouveaux produits et à l'innovation.
Je ne parle pas de la tolérance au risque en ce qui a trait aux investissements, mais plutôt à titre de premiers utilisateurs d'une nouvelle technologie ou d'un nouveau produit ou à titre de détenteurs de propriété intellectuelle.
Contrairement à ce que j'ai pu constater en Europe et aux États-Unis, les entreprises canadiennes n'aiment pas beaucoup le risque et hésitent à être les premières à utiliser un nouveau produit ou innovation. Je n'ai aucune solution à vous proposer à ce problème-là.
Si vous saviez combien de sociétés doivent vendre leurs produits à l'étranger pour en prouver l'efficacité avant de les vendre au Canada. Sachant que le gouvernement est un acheteur de taille au pays, peut-être que la solution pourrait se trouver à ce niveau-là. Il pourrait également y avoir des incitatifs fiscaux pour l'achat de nouvelles technologies.
Voilà mes trois observations. Je n'ai pas nécessairement de solutions à vous proposer. Je dirais que ce sont des observations émanant du terrain.
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Merci de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui. Je premier aspect que je désire apporter c'est les brevets portant sur les pratiques commerciales et, de façon plus générale, ce qui peut faire l'objet d'un brevet.
La décision rendue aux États-Unis en 1998 voulant que les pratiques commerciales soient brevetables a été suivie d'innombrables demandes de brevets. La question des brevets relatifs aux pratiques commerciales est controversée depuis cette époque. Bien des universitaires estiment que de tels brevets minent l'innovation dans les entreprises, et que, par conséquent les tribunaux ne devraient pas permettre l'octroi de brevets portant sur les pratiques commerciales.
Permettez-moi de dire deux choses à cet égard. D'abord, c'est à la législature et non aux tribunaux, et certainement pas à l'office des brevets, que revient la tâche de décider si oui ou non les pratiques commerciales devraient faire l'objet de brevets. De façon générale, ce qui est brevetable et ce qui ne l'est pas doit être clarifié de façon à encourager l'innovation dans les secteurs cruciaux que sont par exemple la médecine personnalisée. Ensuite, la décision n'a pas d'effet uniquement sur les pratiques commerciales, bien au contraire, puisqu'elle influe sur des secteurs émergents importants comme la médecine personnalisée.
La question de la brevetabilité des pratiques commerciales a récemment été soulevée dans le contexte d'un litige canadien relatif à la demande faite par Amazon.com visant à obtenir un brevet pour sa méthode de magasinage en un clic. La demande a été rejetée par l'office des brevets, selon lequel les pratiques commerciales ne peuvent pas faire l'objet de brevets au Canada. Amazon.com a fait appel en Cour fédérale, selon laquelle les pratiques commerciales sont brevetables. L'office des brevets s'est alors tourné vers la Cour d'appel, qui a décrété que ça dépendait.
Je m'abstiendrai de vous expliquer de quoi ça dépend, pas parce que ça relève d'un domaine juridique très technique, mais plutôt parce que je ne comprends pas la teneur de la décision. À mon avis, la décision est incohérente à tout égard.
La Cour d'appel a renvoyé la demande à l'office des brevets, lequel a octroyé le brevet demandé. Ce n'est pas le bureau des brevets qui établit les lois; il s'en tient à appliquer la loi élaborée par les législateurs et selon la jurisprudence. Résultat: l'affaire Amazon.com s'est retrouvée jusque devant la Cour d'appel, et le brevet a été octroyé mais nous ne savons toujours pas s'il est valide ou non.
J'ai rédigé un article sur cette question, où je démontre qu'un examen de la législation en cours au Canada aujourd'hui laisse à croire que les pratiques commerciales sont effectivement brevetables. Ce que j'entends par là, c'est que si un cas semblable se retrouvait devant la Cour suprême, cette dernière confirmerait la validité du brevet, mais peut-être que je me trompe. En fin de compte, ce dont on peut être sûr, c'est qu'il y a beaucoup d'incertitude.
D'autre part, on peut tenter de déterminer d'une part si les pratiques commerciales sont brevetables en vertu de la législation canadienne actuelle et aussi se demander si elles devraient l'être, mais il ne faut pas faire la confusion entre les deux. Pour ma part, je suis d'avis qu'elles sont brevetables en vertu de la loi, mais ne suis pas nécessairement convaincu du bien-fondé de la chose. Ces brevets incitent-ils les entreprises à être novatrices? C'est une question empirique à laquelle il est très difficile de répondre. Les données empiriques ne permettent pas de tirer de conclusions claires.
Ce qui est sûr, c'est que l'innovation dans les secteurs pharmaceutiques et chimiques dépendent dans une large mesure des brevets. D'autre part, l'importance des brevets varie beaucoup d'un secteur à l'autre. Pour l'ensemble des industries, exception faite des secteurs pharmaceutiques et chimiques, on ne sait pas trop dans quelle mesure les brevets sont importants. La meilleure généralisation serait de dire que les brevets sont importants dans les secteurs de fabrication de produits différenciés, où une seule innovation sous-tend la valeur d'un produit. Dans les secteurs de produits complexes, où un grand nombre d'innovations contribuent, pour une petite part, à la valeur d'un produit en particulier, les brevets en général jouent un rôle moins important.
Les pratiques commerciales relèvent clairement du secteur des produits complexes, ce qui nous porterait à croire que dans leurs cas, les brevets ne revêtent pas une importance primordiale. Cela ne veut pas dire qu'ils ne sont pas importants du tout. Je me contenterais de reprendre les propos du professeur Bronwyn Hall chercheur empirique éminent du domaine qui a dit que la seule vraie conclusion qu'on pouvait tirer c'est qu'en rendant brevetables les pratiques commerciales il y aurait de plus en plus de pratiques commerciales qui seraient brevetées.
En raison du traitement de la cause par la Cour d'appel, la décision rendue va bien au-delà des pratiques commerciales. Dans une ébauche d'avis rédigée en réaction à la décision dans l'affaire Amazone.com, le bureau des brevets a précisé que les inventions relevant de la médecine personnalisée ne pouvaient pas faire l'objet de brevets. À mon avis, cette prise de position est très troublante car la médecine personnalisée est l'exemple par excellence d'un produit différencié et nous savons que pour ces produits-là les brevets sont essentiels à l'innovation. En tout état de cause, ce qu'il y a de sûr, c'est que ce n'est pas au bureau des brevets de décider si oui ou non la médecine personnalisée est brevetable.
En guide de résumé, et la loi et les politiques sont empreintes d'incertitude. Les tribunaux ne sont pas en mesure de venir à bout de la complexité des facteurs qui permettent de dire si le fait de breveter des pratiques commerciales encourage l'innovation. Les choses doivent être clarifiées pour encourager l'innovation dans les secteurs cruciaux, des pratiques commerciales à la médecine personnalisée.
J'aimerais maintenant aborder deux autres sujets. D'abord, les brevets pharmaceutiques. Comme je l'ai dit, tout le monde est d'accord pour dire que dans le secteur pharmaceutique de façon générale l'innovation dépend dans une large mesure des brevets. En général, le système fonctionne bien, mais en raison de l'importance du régime de brevets, il y a des écarts importants.
L'on a déjà entendu parler des affaires hautement médiatisées, comme la prolongation de la durée des brevets, la protection des données, les renonciations de terme et les questions portant sur le processus d'approbation des médicaments.
J'aimerais souligner que les questions de droit détaillées sont également importantes. Les tribunaux se sont penchés sur certaines questions de droit dernièrement et cela a eu pour conséquence de rendre le droit canadien — du moins en ce qui concerne ces questions précises — moins favorable à l'endroit des brevets pharmaceutiques que ne l'est le droit américain ou européen. Cela ne veut pas dire pour autant que notre système en soi n'y est pas favorable. Mais, en ce qui concerne ces aspects-là, cela pourrait avoir des incidences importantes sur certains brevets bien précis.
Je ne sais pas si c'est le Parlement qui doit répondre à ces questions, puisque les tribunaux vont peut-être la résoudre, mais je pense à tout le moins que le comité devrait le garder en tête.
Enfin, j'aimerais brièvement parler des chasseurs de brevets. À ma connaissance, les chasseurs de brevets n'ont pas été très actifs au Canada. De plus, à court et à moyen terme, les tribunaux ont des outils pour composer avec les durées de brevets. L'on pourrait dire que, à l'heure actuelle, il n'existe pas de besoin urgent qui ferait en sorte que le gouvernement doive s'atteler immédiatement à ce problème. En revanche, je pense qu'il est important que le gouvernement ne prenne pas des mesures qui pourraient empirer le tout.
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J'expliquerais les choses comme suit. Je n'aurais peut-être pas dû soulever la question si l'on pensait que je pouvais y répondre.
J'ai parlé des tous premiers stades d'investissements. Les seules véritables sources d'investissements en temps opportun proviennent d'habitude du financement à vocation philanthropique qui a été jumelé avec un capital-risque de démarrage qui est disponible dans le marché.
Un des programmes qui répond à cela est notamment celui De l'idée à l'innovation, que j'ai déjà mentionné plus tôt. Il s'agit probablement de la meilleure et plus ancienne source de financement du programme de démonstration des principes.
Je ne suis pas convaincu que j'envisagerais un investissement direct de la part du gouvernement dans ce domaine. Je m'attendrais à ce que le financement du gouvernement soit mis de côté afin d'encourager les développements à un stade ultérieur. Je ne songe donc pas à un investissement direct, mais plutôt à une mesure fiscale bonifiée qui encouragerait les gens à investir dans ce type d'activité.
Soyons francs: il s'agit d'un exercice risqué. Dans les faits, seulement 25 à 30 p. 100 du financement de ce domaine portera réellement fruit. Lorsqu'on élabore un concept ou encore un prototype, cela s'arrête souvent là parce que les choses n'ont pas fonctionné comme l'on s'y attendait. Il faudrait faire en sorte que les gens soient au courant de cela, tout particulièrement dans le secteur privé. De les encourager à investir dans le domaine me semblerait opportun.
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Nous le faisons de bon nombre de façons. Je ne vais pas passer en revue tout l'exercice, mais j'aimerais vous parler d'une chose qui a été particulièrement efficace pour tous nos étudiants de co-op. Nous plaçons 17 000 étudiants en co-op chaque année.
Les étudiants doivent prendre plusieurs cours précis afin de savoir comment travailler dans un milieu de travail. On leur offre ces cours avant qu'ils ne fassent leur premier stage de co-op. On leur offre notamment un module sur les TI. Nous avons connu énormément de succès en matière de sensibilisation des étudiants de premier cycle par le biais de ce module offert aux étudiants de co-op. À mon avis, il s'agit là d'une pratique exemplaire.
J'aimerais également vous parler de ce que les Australiens font. Cela permet de comprendre les divers degrés d'enracinement de la commercialisation et des universités. Les Australiens ont enlevé toutes les activités de commercialisation des universités et les ont refilés à un tierce parti. La commercialisation était si loin de l'université que plus personne n'avait assez confiance pour aller les voir et divulguer. À mon avis, un bureau de commercialisation dans une université pourrait travailler sur le terrain de manière continue en faisant du réseautage, en rencontrant des gens, en ayant des séminaires avec les étudiants de cycle supérieur, avec les membres des facultés ou encore en ayant un contact individuel avec les gens. Cela ferait en sorte que les communications sont ouvertes et, lorsque quelqu'un veut divulguer quelque chose, il vous l'apporte.
Peu importe si cela est commercialisé par le biais de l'université ou si l'étudiant le fait de manière indépendante, comme ils peuvent le faire à Waterloo, ce qui compte c'est que ce soit fait.
J'ai maintenant une question pour M. Dixon.
Je me trompe peut-être, mais voici ce que je pense. À ce comité-ci et ailleurs, nous avons eu des discussions sur la commercialisation. Moi, j'ai l'impression que, dans les universités au Canada, y compris celles que ma fille fréquente — elle est étudiante au baccalauréat en commerce à l'Université d'Ottawa — on n'enseigne pas comment prendre des risques. On enseigne la gestion...
Une voix: Oui.
M. Mike Wallace: ... ce qui est très bien, mais est-ce aussi un problème à l'Université de Waterloo?
Soyons honnêtes. L'Université de Waterloo a une excellente réputation pour ce qui est de concevoir de nouveaux produits. Sa réputation n'est plus à faire en science et en génie, mais ses diplômés se contenteront-ils de breveter ces produits? Ils ne seront pas ceux qui prendront le risque de les commercialiser dans 80 autres pays; il semble que personne ne veuille prendre les risques du point de vue commercial. Ils attendent tout simplement que quelqu'un d'autre le fasse.
N'incombe-t-il pas à nos établissements d'enseignement, y compris les universités, de produire de meilleurs entrepreneurs, des gens prêts à prendre des risques?
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L'argument qu'on avance en faveur de la prolongation de la durée du brevet est assez simple. La durée du brevet commence dès que la demande de brevet est déposée. Il y a alors un délai, qui peut aller jusqu'à trois ans, avant que le brevet ne soit accordé. Dans bien des secteurs, avant que le produit ne soit commercialisé et sur le marché, la durée du brevet n'est plus que de 17 ans.
Dans le secteur pharmaceutique, le dépôt du brevet se fait bien avant les essais cliniques et l'autorisation de commercialisation, laquelle peut prendre bien des années. Par conséquent, la véritable durée du brevet dans le secteur pharmaceutique est beaucoup moins de 17 ans. Je n'ai pas les statistiques sous les yeux, mais c'est autour de huit ans, parfois cinq ans, selon le brevet.
On fait donc valoir que, pour compenser le délai qu'entraîne le processus réglementaire, le secteur pharmaceutique a besoin d'une prolongation de la durée du brevet pour qu'elle soit, dans les faits, la même que dans les autres secteurs. Voilà le principal argument plaidant pour la prolongation de la durée du brevet. Le principal argument avancé contre cette idée, ce que j'appelle l'argument de principe, c'est qu'il faut tenir compte du temps dont on a réellement besoin. Le brevet a une durée de 20 ans à partir du dépôt et de 17 ans à partir de l'octroi parce que c'est le temps qu'il fallait à l'époque, en Angleterre, pour former deux apprentis.
Or, nous ne savons pas si 17 ans, c'est une durée optimale. Peut-être que cinq ans seraient suffisants. Je ne crois pas, toutefois, qu'une année suffise. Mais peut-être qu'il faudrait 30 ans, nous l'ignorons. C'est une question empirique à laquelle il est difficile de répondre, nous n'avons pas de bonne réponse. Tout ce que nous savons, c'est que, dans un secteur, la durée réelle du brevet est moindre que dans les autres, mais personne n'a besoin de 17 ans, et cinq ans, ça suffit. Voilà l'objection de principe.
L'objection pragmatique à la prolongation de la durée du brevet est celle qui fait valoir qu'on obtiendra les fruits de ces investissements de toute façon. Les États-Unis et l'Europe sont de grands marchés. On innovera pour desservir ces marchés et, si on obtient une prolongation de la durée des brevets, on innovera encore plus et on en profitera encore plus. En revanche, certains répliquent que c'est du parasitisme et que cela risque de déclencher une guerre commerciale.
Toutefois, si chaque secteur estime qu'il ne devrait pas avoir à demander des brevets mais que les autres secteurs, eux, devraient avoir cette obligation, il n'y aura plus de brevets et la situation sera bien pire. De plus, il pourrait y avoir une guerre commerciale si les autres pays voient cela comme du parasitisme.
Pour ma part, j'estime que, fondamentalement, il faut éviter le parasitisme. D'un point de vue moral, exploiter sans contrepartie les investissements que font les autres dans la conception de nouveaux médicaments est une position qu'on peut défendre dans un pays du tiers monde, mais nous ne sommes pas un pays du tiers monde et je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas assumer notre juste part des coûts.
Selon moi, la meilleure façon d'envisager toutes ces questions est de demander...
Mais avant, je tiens à dire que les allusions de parasitisme dans le secteur pharmaceutique canadien sont complètement fausses.
Nous avons un régime de brevets très solide — un régime d'exclusivité des données très solide. Les données sont protégées pendant huit ans au Canada, soit beaucoup plus longtemps qu'aux États-Unis. Contrairement aux pratiques américaines, nous n'encourageons pas la commercialisation des médicaments génériques pour ensuite contester les brevets. Aux États-Unis, le premier fabricant de médicaments génériques à contester un brevet obtient six mois d'exclusivité. Selon les lois américaines, les fabricants de médicaments génériques devraient contester les brevets pour garantir que seuls les brevets valides protègent la concurrence et maintiennent les prix élevés.
En dernier lieu, les brevets ne sont pas rattachés à des pays, mais en raison de la nature du traitement national, on obtient le même type de protection au Canada, que la recherche ait été effectuée à Mumbai, à Munich, à New York ou au New Jersey. Ça n'incite personne à réaliser la recherche à Montréal, Toronto ou Vancouver. On constate au Canada une diminution de la R-D. Le Canada pourrait adopter des mesures pour en attirer davantage. Si on ne fait que renforcer la protection des brevets, les profits des compagnies qui font leur recherche à l'étranger vont augmenter. Il s'agira là de la première répercussion.
J'ai une deuxième question.
Mme Garland a proposé que nous nous inspirions du modèle de brevet américain. Par contre, les témoignages nous ont révélé des faits contradictoires. Un de vos collègues, M. Scott Inwood, de Waterloo, a mentionné que les Américains commencent à parler de la loi Bayh-Dole qui ne répond peut-être plus à son objectif et de la possibilité de s'inspirer du système canadien.
Sylvain Laporte, le président de l'Office de la propriété intellectuelle du Canada, nous a dit que les Américains s'intéressent à certains aspects du système de brevets actuel du Canada.
La loi sur l'investissement aux États-Unis sera peut-être adaptée pour davantage ressembler au modèle d'investissement canadien. Ça me semble étrange que nous nous rapprochions du modèle américain alors que nos voisins du Sud se rapprochent du nôtre, et que nous interchangions nos formules.
J'aimerais que vous m'aidiez à comprendre la situation.
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Au cours des cinq dernières années, on a constaté une chute marquée des prix au Canada. La réglementation du marché est de compétence provinciale.
Prenons l'exemple de l'Ontario, puisque c'est la plus grande province. Auparavant, les prix des médicaments génériques étaient fixés à 63 p. 100 du prix du médicament de marque. Les choses ont changé en 2008. Présentement, en Ontario, si vous voulez vous retrouver sur la liste des médicaments assurés, le prix de votre produit doit correspondre à 25 p. 100 du prix du médicament de marque.
Compte tenu de ces nouveaux plafonds, nos prix sont essentiellement comparables à ceux à l'étranger. Par le passé, quand les prix étaient plus élevés — des études réalisées entre autres par le Bureau de la concurrence l'ont démontré —, cet argent était en grande partie destiné au milieu de la pharmacie en appui aux services pharmaceutiques, et ce, au détriment de l'avantage concurrentiel. Le secteur canadien de la pharmacie est très solide. Les gouvernements provinciaux ont décidé de diminuer le prix des médicaments génériques et, en retour, essaient de trouver d'autres façons de financer le milieu de la pharmacie.
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J'espérais que quelqu'un reviendrait là-dessus.
Il est plutôt difficile de définir les chasseurs de brevets. En gros, un chasseur de brevets est une entité qui ne commercialise pas une invention, ni ne la met pas en oeuvre, mais qui en a plutôt acquis le brevet pour en tirer des frais excessifs.
La raison pour laquelle il est difficile de définir ce terme, c'est qu'il s'agit d'une forme de comportement exagéré que l'on retrouve souvent chez de nombreux titulaires de brevets, si je puis m'exprimer ainsi.
Que pouvons-nous éviter de faire? Je lisais le rapport du Conseil international du Canada et j'écoutais le témoignage de Mme Mazurkewich, mardi, et je dois dire que leur chapitre 4 me porte à croire qu'il veulent établir une pratique de chasse aux brevets financée par le gouvernement, ce qui me semble une bien mauvaise idée. Plutôt que l'exclusion des termes, ils disent souhaiter que l'accès soit meilleur, que les grandes sociétés — les grandes sociétés de gestion de fonds — paient les taux du marché en fonction d'une échelle mobile.
Les chasseurs de brevets ne veulent pas exclure d'entreprises. Les vrais inventeurs — les vrais innovateurs — excluent d'autres entreprises, parce qu'ils travaillent à commercialiser leur propre innovation. Si les chasseurs de brevets excluent quelqu'un, ce quelqu'un ne leur paie pas de loyer.
Évidemment, ils utilisent une échelle mobile pour imposer leurs frais, puisqu'ils font payer le prix que le marché est disposé à accepter. D'après eux, le fonds pourrait récupérer la TI lorsque les entreprises de haute technologie font faillite, et fournir du capital aux entrepreneurs à court d'argent qui peuvent offrir en contrepartie des droits de licence. Voilà comment les chasseurs obtiennent leurs brevets. Ils les obtiennent d'entreprises en faillite, puis font valoir leurs droits de brevets à l'encontre d'autres entités qui pratiquent. Je ne veux pas consacrer tout mon temps à entrer dans tous les détails.
Il y a peut-être quelque chose qui m'échappe, mais d'après tout ce que j'ai lu dans ce rapport et tout ce que j'ai entendu mardi, il me semble qu'elle est en train de proposer l'établissement d'une chasse aux brevets financée par le gouvernement. Allez-vous chasser les brevets des entreprises canadiennes? C'est une bien mauvaise idée. Allez-vous chasser les brevets des entreprises américaines? Ça me semble une bien mauvaise idée.
Voilà ce que nous devrions éviter de faire. Et que pouvons-nous faire pour aborder le problème de ces chasseurs?
À court terme, une bonne partie de cette pratique de chasse aux brevets se produit lorsque quelqu'un cherche à mettre fin à une entreprise.
Je vous explique cela rapidement. Disons que vous voulez prendre votre retraite et que vous voulez vendre votre petit condo à Vancouver, prendre les 3 millions de dollars que vous en avez obtenus et acheter la propriété de vos rêves dans une région éloignée. Vous trouvez une propriété qui vous semble très bien, mais pour y accéder, vous devez traverser la propriété de quelqu'un d'autre. Vous négociez donc cet accès sur-le-champ en achetant le droit d'entrer à l'arrière du domaine moyennant des frais de licence de 10 000 $. Maintenant, plutôt que de négocier ces frais de licence, disons que vous construisez votre maison de rêve d'un million de dollars, puis que vous allez voir le voisin après, pour lui dire qu'il vous faut traverser sa propriété et que vous avez besoin d'un droit d'accès. Je vous assure que vous ne l'obtiendrez pas pour 10 000 $. Ce sera peut-être plutôt 100 000 $. Qu'allez-vous payer? Votre maison y est déjà.
Voilà ce que font les chasseurs de brevets. Ils n'obtiennent pas la licence dès le départ. Ils obtiennent la licence une fois que l'entreprise est bien établie, et c'est alors qu'ils surgissent. Le titulaire du brevet a du mal à les repérer, puisqu'ils ne sont pas en train de pratiquer.
C'est ce qui est arrivé à RIM. Quelqu'un a surgi. C'est sûr que l'idée était bonne, et personne ne dit que RIM a pris l'idée de NTP ou du titulaire de brevet auprès duquel NTP l'a acquis. Il s'agit d'un aspect du système de brevets. La création indépendante ne constitue pas une justification. RIM développe une idée. Ils prennent l'idée, qui est en soi précieuse, et investissent une fortune à la commercialiser. RIM devient une grosse entreprise, et puis tout à coup, quelqu'un affirme avoir besoin d'accès.
Il y a des raisons qui expliquent pourquoi cela se produit parfois: vous avez tenté de commercialiser votre idée et n'avez pas pu le faire, ou peut-être que quelqu'un vous a volé l'idée. Les aspects du système de brevets qui vous permettent de faire cela ne sont pas forcément mauvais. Ils peuvent être bons dans le contexte approprié, mais il est aussi possible d'en abuser. Les brevets peuvent alors comporter des risques à cet égard.
La réponse la plus directe que nous avons vue aux États-Unis, qui d'après moi serait appropriée au Canada, est de dire au chasseur qu'il ne peut pas obtenir d'injonction, et qu'il ne peut pas empêcher la personne d'exploiter son entreprise. RIM a dû payer 25 millions de dollars en dommages-intérêts. Cela représente la valeur du brevet. Ils avaient réglé pour la somme de 623 millions de dollars. C'est la valeur de leur entreprise. Dire que vous ne pouvez pas fermer une entreprise et que tout ce que vous recevrez, ce sont vos 23 millions de dollars en dommages-intérêts serait un pas dans la bonne direction.
Faute de temps, je m'arrêterai là-dessus.