OGGO Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le jeudi 25 mars 2004
¿ | 0905 |
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)) |
M. C. E.S. Franks (professeur émérite de science politique, Université Queen's, À titre personnel) |
¿ | 0910 |
¿ | 0915 |
¿ | 0920 |
Le président |
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC) |
¿ | 0925 |
M. C. E.S. Franks |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0930 |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC) |
M. C. E.S. Franks |
M. Leon Benoit |
M. C. E.S. Franks |
M. Leon Benoit |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0935 |
Le président |
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ) |
M. C.E.S. Franks |
Le président |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0940 |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
M. C. E.S. Franks |
M. Gilles-A. Perron |
M. C.E.S. Franks |
Le président |
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.) |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0945 |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0950 |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
Le président |
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ) |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
M. Roger Gaudet |
M. C. E.S. Franks |
¿ | 0955 |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
M. C. E.S. Franks |
Mme Anita Neville |
M. C. E.S. Franks |
Mme Anita Neville |
M. C. E.S. Franks |
À | 1000 |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
M. C. E.S. Franks |
M. Alex Shepherd |
M. C. E.S. Franks |
M. Alex Shepherd |
M. C. E.S. Franks |
À | 1005 |
M. Alex Shepherd |
M. C. E.S. Franks |
M. Alex Shepherd |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
M. Paul Forseth |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. Gilles-A. Perron |
À | 1010 |
Le président |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.) |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
Le président |
M. Robert Lanctôt |
M. C. E.S. Franks |
À | 1015 |
Le président |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
Mr. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
M. C. E.S. Franks |
L'hon. Don Boudria |
Le président |
M. Alex Shepherd |
À | 1020 |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
M. C. E.S. Franks |
Le président |
CANADA
Comité permanent des opérations gouvernementales et des prévisions budgétaires |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le jeudi 25 mars 2004
[Enregistrement électronique]
¿ (0905)
[Traduction]
Le président (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Mesdames et messieurs, bonjour.
Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, nous examinons le budget du Bureau du gouverneur général.
Nous accueillons ce matin M. C.E.S. Franks, professeur émérite de science politique de l'Université Queen's, qui est une sommité en la matière.
Nous sommes ravis de vous accueillir ce matin. Je sais que vous avez préparé un mémoire, qui a été distribué aux membres du comité à l'avance. C'est donc à vous de décider si vous allez le lire. Quoi qu'il en soit, nous nous réjouissons d'entendre votre réflexion et vos conseils sur le poste de gouverneur général. Je suis sûr que les membres du comité vous réservent des questions.
Vous avez la parole.
M. C. E.S. Franks (professeur émérite de science politique, Université Queen's, À titre personnel): Merci, monsieur le président.
Je suis presque tenté de vous lire mon mémoire, car cela pourrait me prendre presque toute l'heure, ce qui m'éviterait d'avoir à répondre à vos questions. Mais je blague, car ce mémoire sert surtout de document de fond. En effet, lorsque j'ai voulu me préparer pour cette séance-ci, j'ai constaté qu'il n'y avait pas grand-chose d'écrit sur les fonctions modernes du poste, et j'ai pensé qu'il fallait combler cette lacune.
À mon avis, cette question est loin d'être résolue, et vous allez comprendre au fil de mes propos ce que je veux dire par là. Aujourd'hui, Son Excellence Adrienne Clarkson, la gouverneure générale actuelle, s'est révélée très active et elle s'est appliquée avec énergie à donner une plus grande visibilité à la charge de gouverneur général, beaucoup plus que les titulaires précédents, et ce, depuis plusieurs décennies. Bien sûr, cette activité accrue coûte cher, mais la plus grande visibilité suscite également des questions.
Au départ, je vais tenter de mon mieux de décrire le rôle et les fonctions de cette charge. Il est très important de réfléchir à cette charge, parce qu'elle s'est canadianisée de plus en plus au cours des 50 dernières années. La charge existe, mais on ne s'est pas encore penché sérieusement sur les fonctions qui s'y rattachent, ni sur la méthode de sélection du gouverneur général, ni sur le type de gouverneur général que le Canada souhaite avoir, et ce, depuis plus de 50 ans. Voilà pourquoi je me réjouis que le Parlement s'y intéresse.
Je vais décrire ici le rôle et les fonctions de la charge, sous trois angles : d'abord, le rôle constitutionnel du gouverneur général; ensuite, le rôle de chef d'État du gouverneur général au Canada; et enfin, le rôle représentationnel du gouverneur général, lors de ses diverses fonctions de représentation.
Le gouverneur général a un rôle constitutionnel officiel, puisqu'il incarne la Couronne dans le cadre des affaires parlementaires et de l'exercice du pouvoir exécutif du gouvernement. La Couronne est, avec la Chambre des communes et le Sénat, l'un des trois segments du Parlement. Les projets de loi ne peuvent avoir force de loi que lorsqu'ils reçoivent la sanction royale de la Couronne. La Couronne agit aussi à bien d'autres égards à titre de segment du Parlement, ou à titre de chef de l'exécutif, plus officiellement, soit dans les nominations par décret, qui sont les ordonnances du Conseil privé de la Reine. Ce sont là des ordonnances de la Couronne, tout comme les palais de justice au Canada sont les tribunaux de la Reine; si c'est le gouvernement qui poursuit, on parle de l'affaire de la Reine contre quelqu'un, par exemple. La Couronne est donc ici purement abstraite, mais elle est personnifiée par le gouverneur général.
Pour l'essentiel, le rôle du gouverneur général en est un de pure formalité. Le gouverneur général agit sur le conseil des ministres de la Couronne, qui sont les ministres du Cabinet, conseil qui s'exprime par les ordonnances du Bureau du Conseil privé, servant, autrement dit, à sanctionner les projets de loi. On ne refuse jamais de sanctionner ces derniers. Ces fonctions peuvent parfois être remplies par d'autres personnes : en effet, il arrive parfois que la sanction royale soit donnée par le juge-en-chef de la Cour suprême, au nom de la Couronne.
La deuxième fonction est une pure formalité : la Constitution, incarnée par le gouverneur général, doit s'assurer que le poste de premier ministre n'est jamais vacant. Autrement dit, dès lors qu'un premier ministre démissionne, le gouverneur général doit nommer immédiatement son remplaçant.
La nomination du premier ministre ne se fait pas sur les recommandations de l'extérieur. La nomination des ministres de la Couronne, à l'exception du poste de premier ministre, se fait sur recommandation du premier ministre; mais le premier ministre lui-même est nommé par le gouverneur général. En temps normal, ce n'est qu'une pure formalité, mais il arrive parfois que le rôle du gouverneur général aille plus loin.
À titre d'exemple, je vous cite le différend entre King et Byng en 1926 qui est illustré dans l'histoire du Canada. Je vous cite également le cas de l'Australie en 1975, sur lequel je pourrais revenir au cours de la période des questions, si vous le souhaitez.
Il est survenu également un cas intéressant en 1985, en Ontario, lorsque le gouvernement conservateur de Frank Miller a obtenu la minorité des sièges à l'Assemblée législative ontarienne, mais détenait plus de sièges que l'un et l'autre des partis d'opposition. Le premier ministre Miller s'est alors présenté devant l'Assemblée législative, mais les deux partis d'opposition s'étaient entendus pour ne pas défaire les libéraux, lorsqu'ils prendraient le pouvoir, pendant au moins deux ans. Le gouvernement du premier ministre Miller a ensuite été rapidement défait lors d'un vote de non-confiance à l'Assemblée législative. M. Miller semblait croire qu'il pouvait alors déclencher une nouvelle élection. Or, s'il avait opté pour cette voie, le lieutenant-gouverneur aurait été fondé de refuser et de voir si quelqu'un d'autre avait la confiance de l'Assemblée législative; le cas échéant, c'est le chef du Parti libéral qui aurait été choisi. Rien de tout cela ne s'est passé, car M. Miller a compris qu'il ne pouvait pas déclencher d'élections à sa guise. Il a donc démissionné, et les libéraux de M. Peterson ont ensuite formé le gouvernement.
Une situation comparable aurait également pu survenir à l'automne dernier, lorsque le premier ministre Chrétien a fait de son projet de loi sur le financement des élections une affaire de confiance. Si ce projet de loi avait été rejeté par un grand nombre de députés libéraux dans le cadre d'un vote de confiance et si le premier ministre Chrétien avait décidé de déclencher des élections, la gouverneure générale aurait été fondée de voir si quelqu'un d'autre était à même d'obtenir la confiance de la Chambre. Le cas échéant, des élections auraient pu être déclenchées. Nous avons fort heureusement évité une situation qui aurait été déplorable, à mon avis.
Le gouverneur général, en tant que chef de l'État canadien, remplit de nombreuses fonctions cérémoniales, comme présider divers événements d'État, prononcer le Discours du Trône au début d'une nouvelle législature, accueillir officiellement les dignitaires en visite, organiser des dîners officiels, recevoir des ambassadeurs d'autres pays, etc. En tant que chef de l'État, le gouverneur général est aussi le commandant en chef des Forces canadiennes.
Au fil des siècles en Grande-Bretagne, et plus récemment au Canada, on a assisté à une évolution graduelle de la charge de gouverneur général ou de représentant de la Couronne—le Roi et la Reine en Angleterre—qui est passée de pratique à constitutionnelle. Comme l'expliquait Bagehot, la charge est graduellement passée d'effective à honorifique. Aujourd'hui, le poste de gouverneur général du Canada est plus honorifique qu'effectif, et il en va de même pour tous les chefs d'État de pays du Commonwealth dont le modèle se fonde sur celui de Westminster. Mais il demeure que le gouverneur général doit à de rares exceptions près agir sur les recommandations de ses ministres.
Passons maintenant au rôle de chef d'État du gouverneur général au Canada : ici, les charges de chef d'État et de chef de gouvernement sont distinctes. Or, cette distinction est importante même si elle est souvent méconnue. La meilleure façon d'illustrer cette distinction est de comparer le Canada à son voisin du Sud : aux États-Unis, la charge de président combine les fonctions de chef de l'État et de chef du gouvernement. Autrement dit, lorsque le président Bush, ou n'importe quel autre président, prend la parole officiellement, il ne parle pas à titre personnel, ni même à titre de chef de parti élu, ni même à titre de chef du gouvernement, mais plutôt à titre de représentant en chef de son pays.
¿ (0910)
Dans les monarchies constitutionnelles, et dans les gouvernements parlementaires comme le nôtre, les fonctions de chef d'État sont distinctes de celles de l'Assemblée législative dans ses travaux quotidiens. Le gouvernement est donc tout à fait distinct de l'État dans son sens officiel, c'est-à-dire de la Couronne, incarnée par le gouverneur général.
Il est donc aisé de voir la différence entre les deux systèmes dans leur fonctionnement quotidien. Dans le système canadien, le premier ministre, qui est le chef du gouvernement, doit quotidiennement faire face à un barrage de questions à la Chambre des communes lorsque le Parlement siège, et doit y répondre.
La période de questions joue de nombreux rôles. Elle incarne avant tout la concurrence vive à laquelle se livre les partis politiques, c'est-à-dire l'attaque à laquelle se livre l'opposition à l'égard du gouvernement. Cet affrontement permet à l'opposition de ramener le premier ministre et son gouvernement à l'échelle humaine, ce qu'elle fait parfois de façon très efficace, comme nous l'avons tous constaté. Par ailleurs, le premier ministre doit tenter de défendre le dossier de son gouvernement de même que ses projets, et en surmontant cette attaque parlementaire, il démontre non seulement qu'il a de l'endurance mais aussi qu'il a les meilleurs arguments, ce qui lui permet ensuite de déclencher des élections.
Cette façon de faire donne une saveur plus terre à terre à la politique parlementaire au Canada. On n'y trouve aucunement le formalisme de l'aura d'un chef d'État. Cela offre donc un contraste saisissant avec les États-Unis, puisque lorsque le président s'adresse au Congrès, c'est un événement officiel pour l'État. Le président prononce alors un discours officiel, clôturé par des applaudissements polis, à la suite desquels il repart. Il ne fait face à aucun débat, ne répond à aucune question et n'est pas ramené à l'échelle humaine. Il n'y a rien de pratique dans ce président qui incarne l'État.
J'avoue préférer le régime politique canadien. Je préfère la distinction entre les deux rôles de chef d'État et de chef de gouvernement à l'unification des deux rôles incarnés par une seule personne. Cela donne toute la saveur particulière à la politique canadienne, qui est souvent malheureusement mal jugée.
Quant au rôle représentationnel du gouverneur général, il oblige ce dernier à assister à divers événements et à visiter les diverses régions du Canada. Récemment, on a vu la gouverneure générale rendre visite aux troupes canadiennes en Afghanistan. Ce rôle inclut également des fonctions officielles de représentant de l'État, à la résidence du gouverneur général, pour y accueillir des Canadiens de partout au pays.
Mais le rôle représentationnel ne se limite pas à cela. Il consiste aussi à conférer des honneurs et des récompenses à des Canadiens, comme décerner l'Ordre du Canada ou les médailles du gouverneur général aux Canadiens qui se sont illustrés au chapitre des arts ou de la bravoure ou dans toutes sortes d'autres sphères de la vie publique. Ce système de récompenses sert à reconnaître les réalisations exceptionnelles des Canadiens. Lorsqu'il souligne ainsi diverses réalisations, le gouverneur général représente le Canada tout entier, et agit et parle en son nom.
Bien que les avantages liés à ce genre d'activité soient intangibles, ils sont beaucoup plus que symboliques. Il importe, pour les personnes qui reçoivent les récompenses en question, de savoir que leur contribution à la vie du Canada a été reconnue, et il importe pour ceux et celles qui oeuvrent dans le domaine des arts, du développement social et de la recherche, ou au sein de l'industrie, d'organismes caritatifs et des innombrables autres secteurs qui composent une société moderne complexe, de savoir que l'ensemble de la nation apprécie ouvertement et officiellement leur dévouement et leur engagement. Cela illustre un aspect très important de la vie publique du Canada.
Un autre aspect du rôle représentationnel du gouverneur général consiste à représenter le Canada auprès d'autres pays à titre de chef d'État. C'est un rôle très important mais souvent méconnu et parfois négligé. Mais j'imagine que c'est ce genre d'activité qui a attiré l'attention de tous sur le rôle et sur les fonctions de gouverneur général.
Mais je n'en dirai pas plus, car il y aura sans doute des questions à ce sujet.
¿ (0915)
Il y a également un autre aspect souvent méconnu du rôle représentationnel du gouverneur général. En effet, le premier ministre peut rencontrer en privé le gouverneur général. Je n'ai rien trouvé d'écrit au sujet de ces consultations, mais il est certain qu'elles ont lieu. Le gouverneur général peut donner au premier ministre une rétroaction très utile, puisqu'il est à l'écart de la scène politique. Parce qu'il rencontre les Canadiens et visite le Canada, et parce qu'il forge des liens tout au long de ses activités officielles, notamment, il finit par être parfaitement au courant des enjeux au Canada et à bien les comprendre, ce qui peut être très utile lors de ces consultations. Même si le gouverneur général et le premier ministre représentent deux partis différents, il est certain que ces consultations ont lieu.
Toujours selon Baghot, le souverain britannique a trois droits : « Le droit d'être consulté, le droit d'encourager et le droit de mettre en garde ». Le gouverneur général du Canada jouit aussi de ces trois droits qui, vous le voyez, sont très modérés. Personne ne prétendra que le gouverneur général a le droit de refuser des projets de loi ou le droit de dissoudre le Parlement à sa guise, ou de faire autre chose du genre. Ses fonctions, qui semblent être celles du monarque du point de vue constitutionnel, sont des fonctions qui échoient au conseiller du monarque; mais il ne faut pas sous-estimer la relation qui existe entre le gouverneur général, à titre personnel, et le premier ministre.
Je vais terminer avec deux commentaires. D'abord, bien que la charge de gouverneur général se soit canadianisée, je ne crois pas que cette évolution s'arrêtera là. Je ne crois pas que nous ayons la meilleure méthode qui soit pour choisir le gouverneur général. L'Inde s'est dotée, à mon avis, d'une meilleure méthode pour choisir son président : dans ce pays, le président est choisi par voie d'élection par tous les membres des deux Chambres du Parlement et tous les membres de l'Assemblée législative. Les présidents choisis de cette façon, et dont la charge est équivalente à celle de gouverneur général, se sont avérés des personnes exceptionnelles. Les Indiens respectent considérablement cette charge qui, compte tenu du processus de sélection utilisé, jouit d'une légitimité et d'un prestige peu commun.
La méthode de sélection choisie au Canada rejoint, à mon avis, la méthode suivie pour nommer les juges, les sénateurs ou les membres de commissions, et nécessiterait, à mon avis, d'être revue.
Voilà mon premier commentaire sur la légitimité et le choix d'un processus de sélection. Mon dernier commentaire, ce sont des réflexions qui me sont venues lorsque je préparais ma venue devant le comité. Je me suis mis à réfléchir aux pays que j'admire et que je respecte pour leurs politiques sociales, pour leur développement économique et pour leur qualité de vie. J'ai donc fait une liste des quatre pays qui me semblaient exceptionnels, et ce sont la Suède, le Danemark, la Norvège et la Hollande. Puis, je me suis rendu compte que dans chaque cas, on y trouvait une monarchie constitutionnelle.
Chacun de ces pays allie d'une part une ancienne institution conservatrice ou féodale comme la monarchie et, d'autre part, un État moderne très progressiste, ce qui s'explique d'une certaine façon. Cela s'explique, à mon avis, en termes philosophiques puisque la monarchie incarne un lien entre le passé, le présent et l'avenir et témoigne d'un souci pour l'avenir de même que d'un respect actuel pour le passé.
En politique, on dit souvent qu'une semaine, c'est bien long. On peut même parfois dire la même chose d'une journée, comme on le voit à la Chambre des communes. Or, la monarchie, comme institution, opère dans un autre cadre temporel. Il faut fonctionner dans cet autre cadre temporel pour pouvoir régler les problèmes actuels du monde et pour pouvoir laisser à nos enfants et à la prochaine génération, de même qu'à leurs enfants, un pays meilleur, un monde meilleur et un environnement meilleur. Avec une institution monarchique, on peut instaurer des politiques sociales qui feront que l'actuelle génération de Canadiens et les générations à venir auront les droits, programmes et privilèges que nous estimons nécessaires pour eux.
¿ (0920)
Je pense qu'il existe un curieux mélange entre le respect pour le futur et le passé, tel qu'incarné par la monarchie, et la politique au jour le jour, extrêmement séculaire.
Et c'est sur cette réflexion que je conclus mes remarques. Merci.
Le président: Merci beaucoup, monsieur Franks.
Je pense que nous allons passer directement aux questions. Je suis sûr qu'elles ne manqueront pas.
La parole à M. Forseth, pour commencer.
M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, PCC): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Franks, bienvenue devant le comité.
Avec vos remarques de conclusion, vous avez anticipé la question que j'allais poser. Tout d'abord, je voulais savoir ce qui était véritablement codifié en ce qui concerne le processus de nomination au Canada, quand il s'agit de décider qui va être gouverneur général, la durée du mandat, etc. Vous avez parlé d'élections, dans d'autres pays, mais dites-nous un peu ce que nous avons chez nous. Je sais qu'il existe bon nombre de travaux de recherche et d'opinions sur ce qui est communément accepté, mais qu'est-ce qui est véritablement par écrit?
¿ (0925)
M. C. E.S. Franks: Bonne question. Je crois que la fonction de gouverneur général est mentionnée dans législation sur le gouvernement du Canada, que j'avoue ne pas avoir consulté en préparant mes remarques; sinon, il n'y a pas grand-chose. Je crois qu'on parle, toutefois, du salaire du gouverneur général. Il est statutaire, bien qu'il change avec le coût de la vie. Je crois qu'il s'élève à un peu de 100 000 $ par an actuellement.
En ce qui concerne la durée du mandat, je ne sais pas vraiment. C'est six ans, normalement. Oh cinq ans? Merci.
Quand à la méthode de nomination, elle est relativement claire. Elle découle en partie du Statut de Westminster, qui remonte à très longtemps, et en partie des réformes des années 40 permettant au premier ministre de présenter la candidature d'un gouverneur général à la Couronne britannique, qui effectue ensuite la nomination.
M. Paul Forseth: C'est intéressant. C'est ainsi que les choses se font, mais il est intéressant de savoir que nous fonctionnions plutôt par convention qu'en vertu de textes écrits.
Et puisqu'on parle de convention, à moins qu'il s'agisse d'une autre spécificité juridique, mentionnons le rôle du gouverneur général comme chef officiel ou symbolique des forces armées. Imagineriez-vous une situation où le gouverneur général, selon les prérogatives de sa fonction, refuserait de mettre les forces armées à la disposition d'un gouvernement voyou dans le contexte canadien?
M. C. E.S. Franks: Je pense que cela entraînerait l'abolition de la fonction, et c'est hautement improbable. C'est le type de chose qui relève de la politique au jour le jour. Cela renvoie à des statuts britanniques importés et intégrés à la Constitution de 1867, ainsi qu'à une masse de conventions constitutionnelles auxquelles les tribunaux accorderaient le même poids qu'à notre Constitution écrite. Bref, la réponse au bout du compte serait non.
Toutefois, il y a eu en Australie, en 1975, une impasse entre la Chambre des représentants et le Sénat, deux chambres élues, sur une question budgétaire. Le gouvernement allait manquer de fonds et le Sénat ne s'entendait avec la Chambre, la Chambre ne tombait pas d'accord avec le Sénat. Le gouverneur général est alors intervenu. Plutôt que de laisser les choses aller, il a congédié le premier ministre et nommé le chef de l'opposition premier ministre, qui a immédiatement déclenché des élections.
C'est que, selon la Constitution australienne, contrairement à la Constitution canadienne, un gouverneur général ne peut déclencher des élections que sur avis du premier ministre. C'est pour cela qu'il a agi ainsi et le chef de l'opposition a remporté les élections.
Je suppose qu'on pourrait imaginer que quelque chose d'aussi curieux se produise au Canada. Mais l'occasion ne s'est pas présentée depuis Mackenzie King et Arthur Meighen en 1926.
Le président: Presque chacun d'entre nous a une question à poser, si bien qu'il va falloir les poser rapidement et y répondre de même, si l'on veut tous avoir la chance d'intervenir.
M. Paul Forseth: Existe-t-il quelque chose d'écrit, de codifier, au-delà de recherches universitaires, quant aux règles de conduite s'appliquant effectivement à un gouverneur général, par exemple, un commentaire sur les affaires politiques de sa part ou d'autres règles sur ce qui relève ou non de sa fonction? Je sais, bien sûr, qu'énormément de choses se font par convention, à la suite d'ententes conclues avec des générations de parlementaires, mais quand il s'agit d'une description officielle de la fonction, qu'est-ce qui existe?
M. C. E.S. Franks: Il n'y a vraiment pas grand-chose. Les recherches universitaires sur la fonction de gouverneur, son rôle et ses attributions sont si peu nombreuses qu'elles sont pratiquement inutiles. La dernière chose intéressante que j'ai lue sur la question, écrite par Eugene Forsey, remonte maintenant à un bien longtemps. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai amorcé une réflexion et écrit les notes que vous avez, en réponse à un besoin manifeste, pour essayer de combler cette lacune.
¿ (0930)
M. Paul Forseth: Je note la lacune que vous constatez. Merci.
M. C. E.S. Franks: Oui.
Le président: Monsieur Benoit.
M. Leon Benoit (Lakeland, PCC): Merci, monsieur le président.
Et merci d'être venu. J'ai des questions dans deux domaines. Tout d'abord au sujet du processus de sélection du gouverneur général et ensuite au sujet du budget.
En ce qui concerne le processus de sélection, si on veut un gouverneur général qui rend compte de ses dépenses, il me semble qu'une nomination n'est pas un processus idéal et que l'élection, plutôt, comme pour le président en Inde, serait sûrement une meilleure façon de permettre aux Canadiens de demander des comptes au gouverneur général. Qu'en dites-vous?
M. C. E.S. Franks: J'avoue que les questions budgétaires ne me passionnent guère. Affirmer une telle chose revient peut-être à agiter un tissu rouge devant un taureau. Mais il y a un budget pour la résidence du gouverneur proprement dite, il y a un budget pour le gouverneur général, disons, qui couvre toute une gamme d'activités cérémoniales et honorifiques, de représentation, etc., bref des activités de chef d'État dont j'ai parlé. Le reste du budget provient en bonne part d'autres ministères pour des fonctions qui doivent être effectuées de toute façon.
Il me semble que ce qui est important, c'est que les Canadiens entament une véritable discussion sur le poste et le rôle du gouverneur général, sur ce que nous en attendons. Mes remarques s'inscrivent dans un contexte particulier : celui de la gouverneure générale actuelle, une femme qui travaille plus fort, qui est plus active et plus dans la mire du public que ses prédécesseurs, aussi loin qu'on se rappelle. Or, la visibilité accrue est à l'origine des questions qui se posent.
Il est tout à fait légitime que, nous en tant que Canadiens et vous en tant que parlementaires, ensemble nous nous posions la question de savoir ce que le Canada attend d'un chef d'État. Autant que je sache, c'est une question qui ne s'est jamais posée et à laquelle on n'a jamais apporté de réponse.
M. Leon Benoit: J'ai tendance à être d'accord avec vous à ce sujet.
Si notre comité diminuait le budget du gouverneur général, cela soulèverait un problème majeur : celui d'une ingérence dans les responsabilités du gouverneur général. Toutefois, vous dites que ces responsabilités sont loin d'être spécifiées correctement. Peut-être, alors, ne devrions-nous pas nous en préoccuper outre-mesure, que nous décidions de fixer un budget d'ensemble auquel le gouverneur général devrait se tenir ou d'éliminer certaines dépenses parce que nous estimons qu'elles sont superflues.
Qu'en pensez-vous?
M. C. E.S. Franks: C'est une question intéressante. Je suppose qu'on pourrait avoir un gouverneur général pour qui nous louerions une résidence et qui s'acquitterait de ses fonctions officielles au Parlement, et n'aurait pratiquement rien d'autre. Entre cette option et celle d'une monarchie en bonne et due forme, la question est de savoir ce que l'on veut. Or, comme je l'ai dit, c'est une question qu'on a pas vraiment posée au Canada et à laquelle on n'a pas apporté de réponse.
À mon sens, mieux vaut que le comité amorce une discussion sur la fonction du gouverneur général et sur la façon de la légitimer aux yeux des Canadiens que d'isoler certains détails budgétaires. En effet, j'ai jeté un coup d'oeil au budget et aux questions afférentes et je ne pense pas avoir constaté de gaspillage. Le problème est très différent : c'est que les dépenses sont engagées pour des fonctions que l'on n'approuve pas nécessairement.
M. Leon Benoit: Qu'est-ce qui vous permet de dire qu'il n'y a pas de gaspillage? Vous devez avoir des raisons.
M. C. E.S. Franks: Je comprends votre question.
Il y a une semaine, j'ai eu le plaisir de participer à une émission radiophonique au sujet du gouverneur général, à Calgary, en Alberta. L'émission invitait des appels des auditeurs. Parmi ceux-ci, tous sauf un étaient plutôt hostiles. Mais les critiques ressemblaient à celles que je lis dans la presse. On accusait le gouverneur général de dépassement de budget, ce qui, autant que je sache, est inexact.
On accuse le gouverneur général de gaspiller de l'argent sur Rideau Hall et son parc, alors que l'un et l'autre relèvent de la Commission de la capitale nationale, qui les entretient pour le plaisir des Canadiens et des Canadiennes. Les serres fournissent de la verdure et des fleurs à toute la Commission de la capitale nationale, aux résidences officielles, etc.
Je me souviens notamment d'une critique : ayant entendu l'estimation de Hugh Winsor, selon laquelle la fonction de gouverneur général coûtait 1,31 $ à chaque Canadien, un homme disait que, pour cette somme, il aurait préféré se payer une tasse de café chez Tim Hortons—c'est sa prérogative. Une autre auditrice affirmait, quant à elle, être fortement opposée au voyage circumpolaire, parce que Maurice Strong faisait partie de la délégation et qu'il était en faveur de l'accord de Kyoto, infâme abomination.
Bref, tout dépend d'où on vient et de l'opinion qu'on a. Comme je l'ai dit, la politique... on n'aurait pas de politique si tout le monde était d'accord. La politique est l'art de résoudre les désaccords.
D'après ce que j'ai lu dans les journaux, d'après mes discussions avec des gens d'Ottawa et d'après d'autres choses de ce genre, j'estime donc que les dépenses sont raisonnables. La question est plutôt de savoir à quoi on veut les consacrer.
¿ (0935)
Le président: Monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron (Rivière-des-Mille-Îles, BQ): Bonjour, monsieur le président. J'espère que les réponses vont être plus courtes, parce que j'aimerais poser plusieurs questions en rafale.
Votre discours laisse à penser que vous êtes favorable aux monarchies. Vous avez, entre autres, mentionné celle de la Suède. Je ne vous apprends donc rien de nouveau ce matin en vous disant que vous devriez être très favorable au type d'organisation politique de ce pays puisqu'il est le seul, sinon un des seuls au monde, à être représenté par deux reines: Sa Majesté la reine Elizabeth II, Reine du Canada, et Son Excellence Adrienne Ière, notre reine canadienne. Il y a une légère différence entre « du Canada » et « canadienne », mais c'est dans le même style.
Ayant commencé sur cette note humoristique, j'aimerais maintenant savoir si le Canada a les moyens d'avoir une reine canadienne, en l'occurrence Adrienne Ière, et des lieutenants-gouverneurs dans toutes les provinces, alors que certains enfants de mon comté n'ont pas d'argent pour se payer à déjeuner avant d'aller à l'école, d'autant plus, comme vous l'avez dit devant ce comité, que le rôle d'Adrienne Ière est simplement honorifique.
M. C.E.S. Franks: Elle a aussi un rôle constitutionnel et un rôle de représentation.
[Traduction]
Excusez-moi si je réponds en anglais. Je n'ai pas le vocabulaire voulue en français.
C'est une question très intéressante. J'espère que vous me pardonnerez de ne pas donner une réponse en deux mots, monsieur le président.
Le président: On pourrait parler de la question pendant des jours.
M. C. E.S. Franks: Je m'efforcerai d'être bref.
Le président: Oui, il faut trouver un moyen terme entre une réponse de deux mots et la réponse détaillée qui serait nécessaire.
M. C. E.S. Franks: Je serai bref.
Dans un de ses livres, Dostoïevski se demande comment Dieu pourrait permettre la souffrance d'un seul enfant. Or, c'est une question à laquelle il n'existe pas de réponse. Je pourrais dire que les repas des écoliers relèvent des provinces, mais ce n'est pas une réponse. J'estime cependant qu'une société moderne pleinement développée a besoin de toute une gamme de choses, des activités élitistes aux programmes sociaux pour chacun.
Je pourrais m'inspirer de ce que disait un ancien premier ministre du Québec, M. Bernard Landry, dans un excellent éloge de la bohème. Selon lui, il existe un indice de bohème; la prospérité, l'innovation et la créativité d'une ville dépendent de la qualité des arts et des activités artistiques qu'on y trouve. C'est un point de vue avec lequel je suis d'accord; à mon sens, les institutions élitistes sont aussi importantes que les programmes sociaux.
¿ (0940)
Le président: Très bien.
Monsieur Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Dans votre présentation, vous laissez entendre que la reine canadienne, Adrienne Ière, a un rôle--plus ou moins respectable--à jouer à l'égard de la gouvernance de ce pays. J'en conclus donc ce matin--et je m'excuse auprès de mes collègues d'en face--que ce pays est gouverné par un monstre à deux têtes et qu'on pourrait faire tomber une des deux, en l'occurrence celle d'Adrienne Ière.
Je continue dans la même veine que mon ami Benoit. Ce qui me préoccupe également est le fait que vous disiez ne pas croire que la reine canadienne Adrienne Ière dépense inutilement des fonds. Je pense que vous êtes mal placé pour affirmer cela étant donné qu'on ne connaît pas vraiment le budget de la Gouverneure générale.
On y participe, de même que le ministre des Affaires internationales et la Gendarmerie royale. Il s'agit d'un montant dans un pot. Or, ce matin, je me demande si le Fonds Unité canadienne contribue au fonds consacré aux dépenses générales de la Gouverneure générale.
À mon avis, il faudrait que des vérifications sérieuses soient effectuées concernant la manière dont la Gouverneure générale administre ses fonds. On ne sait pas de combien elle dispose.
[Traduction]
M. C. E.S. Franks: Il nous faut aborder une question. Je n'ai pas très clairement établi la distinction, mais il y a en fait deux problèmes. L'un d'eux est le gaspillage administratif, l'autre le gaspillage au plan des politiques. Les gouvernements, en général, gaspillent beaucoup plus d'argent par l'adoption de mauvaises politiques que par une mauvaise administration.
En ce qui concerne la gouverneure générale—et c'est là un avis personnel, que vous n'êtes pas obligé de partager, monsieur Perron—je ne crois pas qu'il s'agisse de gaspillage administratif. Le problème tient plutôt à la question de savoir si nous voulons que ces fonctions soient assumées par quelqu'un et si nous voulons qu'existent ces politiques pour les activités et le rôle du gouverneur général.
À mon sens, cela est entièrement différent des questions auxquelles d'autres comités, celui des comptes publics, par exemple, sont actuellement confrontés. C'est pourquoi je dis qu'il serait passionnant d'avoir une discussion sérieuse sur ce que nous, les Canadiens, attendons de l'institution qu'est la Couronne.
M. Gilles-A. Perron: Combien d'argent nous voulons y mettre?
[Français]
M. C.E.S. Franks: Oui, absolument.
[Traduction]
Le président: Monsieur Boudria, à vous.
[Français]
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): J'aimerais d'abord remercier le professeur Franks d'être des nôtres. Comme vous le savez, monsieur le président, je ne suis pas un membre régulier de ce comité. Toutefois, étant donné la disponibilité de cet excellent témoin, j'ai cru bon venir faire un tour. Je me réjouis de la qualité de sa présence et de son document.
[Traduction]
Jusqu'à tout récemment, et à mon grand regret ce n'est plus le cas, j'étais membre du conseil des ministres et, plus particulièrement, j'étais leader parlementaire du gouvernement à la Chambre.
J'ai fait un voyage en Australie pour y examiner certaines procédures parlementaires, mais la question que nous étudions aujourd'hui n'était pas d'actualité à l'époque. Je n'ai jamais demandé comment l'Australie ou la Nouvelle-Zélande choisisse leur gouverneur général. Le Parlement australien a adopté un bon nombre d'innovations, tels que la chambre parallèle et d'autres mesures de cet ordre, qui ont d'ailleurs été reproduites à Westminster. Nous nous sommes penchés sur cette idée avec intérêt pendant un certain temps. Les Australiens ont créé des institutions novatrices. Savez-vous, monsieur Franks, s'ils ont fait quoi que ce soit dans le domaine de la nomination du gouverneur général? Ont-ils un genre de collège électoral, si l'on peut ainsi décrire ce qu'il y a en Inde?
M. C. E.S. Franks: Je ne crois pas, mais je ne suis pas sûr. Je ferai une recherche, si vous voulez, mais nous pourrions demander à l'attaché de recherche de vous fournir la réponse.
La différence avec l'Australie, et je n'en ai pas parlé dans mon texte, c'est que ce pays a débattu de l'idée de devenir une république et d'éliminer la monarchie. Nous n'avons pas fait cela au Canada, mais je crois que le mode de nomination du gouverneur général est semblable au nôtre.
¿ (0945)
L'hon. Don Boudria: Je voudrais passer à une question qui a été soulevée un peu plus tôt. Le gouverneur général a-t-il le droit, en quelque sorte, d'empêcher le gouvernement d'assumer le commandement de l'armée ou de diriger d'autres activités? L'Acte d'établissement n'a-t-il pas établi, il y a bien longtemps, que le monarque règne, mais qu'il ne dirige plus, et qu'en fait cette intervention du monarque ne peut plus se produire?
M. C. E.S. Franks: Cela a conforté le principe.
Dans l'histoire de la monarchie britannique...
L'hon. Don Boudria: C'est de cela que je parle.
M. C. E.S. Franks: Oui, je comprends.
En 1867, Bagehot écrivait que les seuls pouvoirs personnels du monarque étaient, comme je l'ai dit, les droits d'encourager, d'avertir et d'être consultés. Des historiens ultérieurs, examinant les dossiers personnels de la reine Victoria et d'autres archives, ont constaté qu'elle était intervenue beaucoup plus activement dans les affaires de l'État que le rôle que j'ai décrit ne l'y autorisait. L'Acte d'établissement a été une loi décisive en ce qui concerne la relation entre le Parlement et la Couronne. En fait, le Parlement a créé la Couronne à l'époque, mais...
L'hon. Don Boudria: Après la Révolution anglaise.
M. C. E.S. Franks: Oui, mais il y a eu une longue et lente évolution depuis. Il a fallu attendre une centaine d'années avant que le monarque cesse d'être présent aux réunions du Cabinet.
¿ (0950)
L'hon. Don Boudria: En ce qui concerne le coût, contrairement à certains de mes collègues, je ne me préoccupe pas beaucoup de cette question, parce que non seulement cette gouverneur générale-ci s'est montrée prête à faire plus de travail, comme vous l'avez vous-même reconnu, mais aussi parce que, comme elle s'est rendue disponible pour travailler, le gouvernement lui a donné plus de travail. Il ne s'agit donc pas uniquement d'un travail qu'elle entreprend de faire de son propre chef.
Le meilleur exemple de cela, selon moi, c'est le fait que nous sommes peut-être proches d'une élection, selon certains, et que les ministres sont très occupés. Une terrible tragédie s'est produite en Espagne, et qui avons-nous jugé bon d'envoyer sur place? Comme nous ne voulons pas envoyer des politiques, parce qu'ils sont tous bien trop occupés à faire des choses ici, telles que des budgets, entre autres, nous envoyons la gouverneure générale.
Je suis sûr qu'elle ne s'est pas réveillée un beau matin en disant : « J'ai une très bonne idée, pourquoi n'irais-je pas en Espagne aujourd'hui? » Ce n'est probablement pas ainsi que cela s'est produit. C'est probablement le gouvernement qui l'y a envoyée. Comme je l'ai dit, je ne siège plus au conseil des ministres, et je peux donc parler de ces questions plus librement, parce que je ne suis pas directement informé, mais il me semble que c'est ainsi que les choses ont dû se passer, sachant comment d'autres choses semblables se sont passées auparavant.
Et maintenant nous allons commencer à calculer le nombre de gallons de carburant qu'il faut pour qu'un avion l'amène là et à obtenir toutes sortes de renseignements aussi précieux. En qualité de citoyen d'un pays membre du G-7, je n'arrive pas à imaginer, si l'on veut établir des comparaisons avec d'autres pays membres, que des parlementaires américains commencent à calculer le nombre de gallons d'essence utilisés par les deux ou trois versions différentes de Air Force One qui s'envolent chaque fois que le président des États-Unis se rend quelque part, sans compter les sept hélicoptères, dont six servent de leurres.
M. C. E.S. Franks: J'ai dit à la même émission de radio, à Calgary, que si on faisait les mêmes calculs budgétaires qu'on fait pour parvenir au chiffre de 41 millions de dollars pour la gouverneure générale, on dépasserait considérablement ce chiffre dans le cas du premier ministre, et que si on faisait ces calculs pour le président des États-Unis, on dépasserait sans doute largement la somme de un milliard de dollars.
J'ai également précisé dans mes observations écrites, et je ne l'ai pas répété verbalement, que la gouverneure générale et son époux sont présents à des centaines d'événements par année, et peut-être même plus qu'à des centaines, et qu'ils vont assister et participer à toutes sortes d'activités, y compris pour représenter l'État d'une façon ou d'une autre. S'ils ne sont pas présents à ces événements, les politiques ne peuvent pas y être non plus, car vous êtes tous des gens très occupés, et vous ne représentez pas l'ensemble du Canada, vous représentez la Chambre des communes ou la circonscription ou encore la région ou un parti, et ces activités de représentation n'auraient simplement pas lieu.
À ce même sujet, et pour avoir parlé à des ressortissants d'autres pays et à des Canadiens qui vont à l'étranger comme membres de délégations et qui profitent de l'hospitalité d'autres pays, à l'échelle mondiale, nous sommes raisonnablement économes dans notre utilisation des deniers publics pour l'accueil des dignitaires en visite et pour l'envoi de nos représentants à l'étranger. Nous avons tendance à en faire moins que la plupart des autres pays qui sont aussi riches que nous.
L'hon. Don Boudria: Quelqu'un m'a rappelé l'autre jour que, lorsque le président de l'Allemagne est venu au Canada, il a amené un tas de gens dans son avion, y compris un orchestre complet.
M. C. E.S. Franks: Oui, c'était l'orchestre philharmonique de Berlin, je crois. C'est l'un des orchestres les plus grands et les plus réputés du monde. Il a fait une tournée du Canada.
Le roi de Norvège, lorsqu'il est venu ici—et la Norvège est un bien plus petit pays que le Canada...
L'hon. Don Boudria: Je vous signale que j'étais le ministre qui l'a reçu, lorsqu'il est venu.
M. C. E.S. Franks: Il était accompagné de 80 personnes, d'après ce que j'en sais. C'est ainsi qu'il fait les choses.
L'hon. Don Boudria: Merci.
[Français]
Le président: Monsieur Gaudet.
M. Roger Gaudet (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président.
Bonjour, monsieur Franks.
Disons que je ne suis pas d'accord sur tous vos propos, notamment lorsque vous nous dites qu'il en coûte juste 1,31 $ à chaque Canadien pour le budget de la Reine. L'unité nationale lui aurait coûté seulement 16 $. Si on parle du budget au complet, cela lui a coûté 6 000 $. Je ne suis pas sûr si le moment était bien choisi pour dire qu'il en coûtait seulement 1,31 $, ou le prix d'un café, à chaque Canadien. Il n'y a pas seulement la question du prix, mais aussi l'idée au complet. Mais cela n'a pas d'allure, selon moi. Si on dépense 30 millions de dollars, on va dire que cela va coûter 1 $ à chaque Canadien. Il ne faut pas exagérer parce qu'on n'en finira plus. Personnellement, je n'ai pas beaucoup aimé votre exposé.
J'aimerais revenir au voyage en Espagne, pour poursuivre dans la foulée de M. Boudria. Nous avons une vice-première ministre ainsi qu'un premier ministre. Je suis bien content qu'il soit allé en Alberta pour annoncer un milliard de dollars pour les producteurs de boeuf, mais un des deux aurait pu aller au service, n'est-ce pas? Qu'en pensez-vous?
Présentement, il y a 301 députés à la Chambre des communes, dont le Président qui a été élu par la Chambre des communes, qui fait du bon travail et que tout le monde respecte. Pour quelle raison la Chambre des communes ne pourrait-elle pas nommer le Gouverneur général ou la Gouverneure générale du Canada? J'aimerais avoir votre opinion là-dessus.
Une voix: Mais il a dit ça.
M. Roger Gaudet: Non, il ne l'a pas dit. En tout cas, ce que j'ai entendu ne me satisfait pas. S'il l'a dit, j'aimerais qu'il me le répète, et je lui poserai des questions.
L'hon. Don Boudria: C'est ce qu'il vient de dire.
[Traduction]
M. C. E.S. Franks: C'est une question à laquelle j'ai beaucoup de mal à répondre. J'ai constaté que le système canadien fonctionnait bien, et je ne pense pas qu'il y ait quelque volet que ce soit du gouvernement qui nous fasse dépenser trop d'argent, de sorte que ce que nous faisons me laisse parfaitement à l'aise. J'ignore si cela répond directement à votre question.
Je ne voudrais pas que nous rejetions certains éléments de notre Constitution qui ont une très longue histoire et qui ont aussi beaucoup de signification en raison de leur valeur symbolique pour les relations de certaines parties du pays, et cela pour la simple raison qu'il y a l'une ou l'autre petite chose qui nous remue.
Je ne sais pas si cela répond bien à votre question.
[Français]
M. Roger Gaudet: Pour vous répondre indirectement, je dirai qu'il y a 110 000 électeurs dans mon comté et que je réponds à 110 000 personnes. Donc, si les 110 000 personnes me disent que la Gouverneure générale du Canada coûte cher, je suis obligé de leur répondre que c'est un fait. Que voulez-vous que je leur réponde? Je ne vais pas leur répondre qu'elle leur coûte seulement 1,31 $ chacun, comme vous le disiez tout à l'heure. En tout cas, je n'ai pas aimé ce que vous avez dit au sujet du coût de la Gouverneure générale du Canada.
[Traduction]
M. C. E.S. Franks: S'il fallait choisir une province qui réussit mieux que toutes les autres à aider les arts, les sports, les athlètes amateurs, et aussi à reconnaître les contributions de ces citoyens, à leur donner une très bonne qualité de vie au niveau des cérémonies d'État, c'est le Québec. Le Québec fait cela beaucoup mieux que n'importe quelle autre province. D'ailleurs, le Québec est toujours beaucoup mieux représenté dans nos équipes sportives à l'étranger, notamment aux Jeux olympiques, que le pourcentage de la population canadienne qu'il représente. Et cela, c'est parce que cette province y consacre davantage d'argent. Le système universitaire québécois est l'un des mieux financés au Canada.
Si vous voulez interroger le gouverneur général, pourquoi ne lui posez-vous pas également la question au sujet de toutes ces autres activités, qui n'ont pas nécessairement une utilité directe, en lui disant : « Voilà ce qui m'intéresse, ce qui m'intéresse ce sont les gens d'aujourd'hui, et non pas les autres... ».
¿ (0955)
Le président: Merci beaucoup.
Madame Neville, puis monsieur Shepherd.
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci beaucoup.
Vous avez déjà répondu en partie à ma question. Ce que j'essaie de comprendre, c'est la façon dont le mandat du gouverneur général est défini. Vous nous avez passé en revue ses différents rôles et, comme vous, j'ai la conviction qu'il y a un rôle pour l'élitisme, mais ce qui a déclenché la discussion, comme vous le savez fort bien, c'est ce voyage qu'a effectué la gouverneure générale.
Le gouverneur général a un rôle de représentation, et ce rôle pourrait être défini. Le gouverneur général a également une fonction de relations publiques à un certain niveau, aussi bien au Canada qu'à l'étranger, mais qui circonscrit ce rôle? Qui définit ce rôle? Comment faudrait-il le définir et de quelle façon faudrait-il quantifier les coûts d'une façon correspondante?
M. C. E.S. Franks: Ce sont effectivement des questions fondamentales. Je vais vous répondre comme je l'ai déjà fait. Cette charge de gouverneur général n'a pas fait l'objet d'un débat au Canada. Le gouverneur général n'a pas de mandat en tant que tel. C'est pour cette raison que j'appelle cela : « ces rôles et ces fonctions », parce que cela, je peux le trouver quelque part. Mais un mandat, dans le sens de ce que nous, Canadiens, voudrions qu'il ou elle fasse, il n'y en a pas.
Mme Anita Neville: Mais c'est presque une question de niveau de détail en ce qui concerne ce voyage—et j'ai parlé à des gens qui en étaient, et qui m'ont dit que c'était un voyage extrêmement réussi—mais il n'empêche que 59 personnes l'ont accompagnée. Aurait-elle pu se contenter de 19? Aurait-elle pu se contenter d'un personnel plus restreint? Elle a beaucoup voyagé au Canada et, pour moi, c'est cela sa fonction de « relations publiques » par opposition à sa fonction de représentante officielle du gouvernement, même s'il y a ici un peu de flou. Comment réconcilier tout cela? Comment fixer des balises?
M. C. E.S. Franks: Là encore, vous pourriez faire des comparaisons avec d'autres pays. Comment se comportent d'autres chefs d'État? La réponse serait que lorsque les Canadiens font ces choses-là, ils font plus ou moins ce que font les autres États, ou plutôt ils en font moins. Nous avons tendance à en faire moins que les autres.
L'autre réponse que je peux vous donner à ce sujet, et qui m'a frappé lorsque je réfléchissais à ce que j'allais vous dire aujourd'hui, c'est que nous voyons là un organisme qui essaie de se redéfinir après être pratiquement tombé en désuétude. Ce n'est pas seulement que la tradition d'une présence très active du gouverneur général s'est effritée au fil des ans, mais aussi le fait que ce que l'on pourrait appeler la connaissance patrimoniale de la façon de faire ces choses s'est évaporée, les anciens étant partis et les nouveaux n'ayant pas vraiment les connaissances antérieures et se trouvant dans l'obligation de réinventer leur rôle. Je n'adresse de reproches à personne. Je dis simplement que telle est la situation. Toutefois, cela contribue au problème : on est obligé d'inventer une tradition plutôt que de tirer des leçons des expériences des dernières années.
Mme Anita Neville: Lorsque vous dites que l'organisme essaie de se redéfinir, quel rôle peuvent jouer d'autres secteurs du gouvernement pour l'aider à redéfinir son rôle? Je ne veux pas faire de remarque désobligeante, mais faut-il que cela se fasse un peu au cas par cas? Peut-être que cela ne se fait pas au cas par cas, mais, aux yeux de certains, c'est bien ce qui semble se produire.
M. C. E.S. Franks: Je trouve qu'au Canada, parfois, nous ne sommes pas très habiles lorsqu'il s'agit de réfléchir sur nos propres situations. Par exemple, les questions dont est saisi le Comité des comptes publics portent directement sur les enjeux de la responsabilité ministérielle et du rôle de la fonction publique. Nous n'avons jamais eu de débat public là-dessus. Les seuls documents officiels sur ces questions proviennent du Bureau du Conseil privé. Le Parlement n'a jamais exprimé d'opinion à ce sujet.
Dans ce cas-ci, nous examinons le Bureau du gouverneur général et je crois que ni le Conseil privé ni le Parlement n'ont exprimé d'opinion sur le rôle du gouverneur général. Ce comité-ci pourrait peut-être se considérer chargé de pousser la réflexion plus loin en identifiant les questions auxquelles, selon lui, le Canada devrait réfléchir.
À (1000)
Le président: Monsieur Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je suis désolé d'être arrivé en retard et de n'avoir pas entendu votre exposé.
Je vous écoute et je me dis que ce débat est vraiment stérile. Je comprends la relation que vous voyez entre la question de l'élitisme et celle de la volonté de la gouverneure générale de rejoindre la communauté internationale. Je crois que vous avez également parlé du mandat. Cela dit, le problème véritable, bien sûr, selon moi, c'est que la gouverneure générale est inconnue dans son pays, qu'elle n'est pas respectée par la population canadienne. Je peux vous affirmer que, dans n'importe quelle école dans ma circonscription, si je demande le nom de la gouverneure générale, il y aura probablement moins de 20 p. 100 des gens qui connaîtront la réponse. C'est à cela que sont confrontés les jeunes de ce pays.
Le problème véritable est donc que voici une institution qui dépense un montant donné. Ce débat-ci nous fait passer à côté de l'essentiel. Peut-être serez-vous d'accord avec moi, peut-être non, mais la question véritable ne devrait-elle pas être de savoir qui est la gouverneure générale et comment elle représente la population du Canada?
M. C. E.S. Franks: Cela fait partie du problème. Quel est le pourcentage de jeunes qui, dans votre école, pourraient identifier le premier ministre? Serait-ce 25 p. 100?
M. Alex Shepherd: Ce serait supérieur à 50 p. 100.
M. C. E.S. Franks: Eh bien, vous réussissez donc mieux sur ce front-là.
M. Alex Shepherd: Oui.
M. C. E.S. Franks: Je crois qu'il y a un problème. J'ai énormément de respect pour l'actuelle gouverneure générale et ses efforts pour rendre sa charge plus utile. Certains de ces efforts peuvent avoir été mal orientés, mais lorsqu'on tâche de se trouver un rôle là où il n'en existait aucun, on ne fait pas toujours ce qu'il faut faire. J'ai donc le plus grand respect pour ses efforts, pour son travail.
Selon moi, le problème véritable tient au fait que nous n'avons pas achevé le processus de canadianisation de l'institution de chef d'État. Comme je l'ai dit, j'éprouve certaines réticences quant au mode de nomination. Ensuite, en ce qui concerne la question dont vous vous occupez, le mandat, je crois qu'il n'existe pas un seul document gouvernemental qui définisse ce mandat. En tout cas, il n'y a aucun document public. Ce que nous avons plutôt, ce sont des déclarations sur les postes et sur certaines des fonctions qui lui sont attribuées, mais il n'existe pas vraiment de texte qui dise voici la fonction et voici ce qu'elle signifie en pratique.
À (1005)
M. Alex Shepherd: C'est l'attitude canadienne du laisser-aller. Plutôt que de régler un problème, nous le faisons durer. Toutefois, ce problème-ci nous accompagne depuis près d'un siècle.
J'ai une pièce de monnaie sous les yeux. Je peux vous dire que, pour la population du Canada, cette image ne représente pas son chef d'État. C'est une situation à laquelle je suis confronté quotidiennement. Vous vous en doutez probablement, je suis un grand républicain. Je crois que nous devrions faire évoluer cette institution de façon à ce qu'elle soit le reflet des intérêts... Je crois en l'institution, mais j'estime que nous devons la faire évoluer de sorte que les gens puissent s'identifier à elle. Nous avons actuellement des gens qui viennent au Canada de tous les coins du monde. La tradition monarchique et tout ce qui l'entoure appartient à moins de 22 p. 100 des habitants de ce pays, c'est-à-dire à ceux qui peuvent vraiment établir un lien ancestral avec elle. Pourtant, nous dépensons 40 millions de dollars par année pour cette institution. Évidemment que les gens vont demander « Mais pourquoi diable fait-on cela? Cela ne me concerne pas, n'est pas rentable pour moi et ce n'est pas une manifestation à laquelle j'adhère ».
N'est-ce pas cela, le vrai problème?
M. C. E.S. Franks: Pour vous, peut-être, mais pas tant pour moi.
Sans vouloir le moindrement exprimer mon opinion personnelle, je maintiens qu'à l'intérieur de la culture politique canadienne, il existe un vieil élément conservateur. Cet élément existe autant dans la tradition française que dans la tradition anglaise, et peut-être même plus dans la tradition française. En vertu de ce vieil élément conservateur, nous reconnaissons les obligations que nous avons les uns à l'endroit des autres, au sein de la société, et nous exigeons—comme l'a dit M. Perron lorsqu'il a invoqué les enfants qui ont faim—que chacun assume cette responsabilité. Ce vieil élément conservateur—et vous me direz peut-être que je suis un romantique inguérissable—se trouve exprimé dans l'idée de la Couronne. Cela peut se manifester d'autres façons, comme cela se produit au Canada français, mais c'est une partie très importante de nos traditions et c'est ce qui, en partie, nous pousse vers les programmes sociaux que nous adoptons.
M. Alex Shepherd: Oui, mais je crois que nous pouvons convenir, vous et moi, qu'il ne s'agit pas d'abolir une tradition. Il s'agit de bâtir sur nos traditions et de faire évoluer nos principes politiques de façon qu'ils témoignent des valeurs canadiennes. Voilà peut-être ce que vous devriez proposer au comité de faire.
M. C. E.S. Franks: Oui, il s'agit là d'une entreprise beaucoup plus fructueuse que de s'inquiéter du détail des dépenses, parce que je crois qu'à ce chapitre vous êtes bien renseignés. La difficulté véritable, c'est de savoir comment rendre ces fonctions et ce poste plus canadiens, plus significatifs pour la plupart des Canadiens.
Le président: Merci.
Je retourne à M. Forseth, qui sera suivi de M. Perron, Mme Neville et M. Lanctôt. Nous avons quatre autres interventions. Vous pouvez poursuivre.
M. Paul Forseth: Monsieur le président, je serai bref. Je ne vais poser qu'une seule question cette fois-ci.
À quelle fréquence la gouverneure générale du Canada envoie-t-elle habituellement des rapports à la Reine? Vous avez parlé de consultations, d'encouragements et d'avertissements. Vous pourriez peut-être nous parler un peu plus de la relation entre la gouverneure générale et la Reine.
M. C. E.S. Franks: Je crois que cela ne se fait plus. J'ai peut-être tort, et je m'exprime sous toute réserve, mais je crois comprendre que cette pratique est disparue depuis des décennies et que, depuis longtemps, les gouverneurs généraux n'envoient plus de rapports à la Reine. C'est ce que je crois savoir, mais j'ai peut-être tort.
M. Paul Forseth: Pouvez-vous nous en dire un peu plus long sur cette relation?
M. C. E.S. Franks: Disons plutôt qu'il n'existe aucune relation sauf une relation officielle : le gouverneur général est nommé par la Reine sur la recommandation du premier ministre du Canada. Le gouverneur général agit comme représentant de la Reine au Canada et de la Couronne sous forme de personne au Canada.
M. Paul Forseth: Je n'ai qu'une question supplémentaire. Je me souviens qu'un ancien ministre m'avait dit, en décrivant le genre de relations entre le Canada et la royauté en Angleterre, qu'une réunion avait été organisée—je pense que c'était à Rideau Hall—parce que le Canada devait donner sa permission et apposer sa signature afin que le prince Charles puisse épouser Diana. Et la relation est donc peut-être plus grande que ce que vous dites. Vous souvenez-vous de cela?
M. C. E.S. Franks: Non.
Je peux vous dire une chose qui vous sera peut-être utile, je peux peut-être vous parler de la dernière fois que la Reine d'Angleterre a vraiment participé directement aux affaires canadiennes. Je pense que jusqu'en 1970, les ambassadeurs canadiens dans d'autres pays étaient nommés par la Cour de Saint James—en d'autres mots, il fallait la signature de la Reine. J'ai toujours pensé que cela plaisait énormément aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères.
Le président: Merci.
Nous allons revenir à M. Perron.
[Français]
M. Gilles-A. Perron: Monsieur Franks, vous devenez un peu mon ami quand vous louangez la manière dont le Québec fait les choses. En fait, vous le comparez presque à la Suède, à la Norvège et au Danemark, trois monarchies que vous semblez admirer grandement. Ainsi, ces trois monarchies, de même que le Québec, ont à coeur de maintenir un filet de sécurité sociale.
Je veux que les choses soient claires. Je n'ai rien contre Adrienne Ière. Par contre, je ne suis pas d'accord sur ces frais de 1,31 $ par habitant. Envoyez donc cet argent au Québec et, tous gouvernements confondus, qu'ils soient libéraux ou péquistes, on va en faire bon usage. Bien entendu, je préfère la manière dont les péquistes travaillent, mais il reste qu'au Québec, c'est la sécurité sociale qui importe.
Vous dites que le Québec dépense plus en matière de culture, de sports, de loisirs et de santé. À mon avis, c'est faux. À preuve, le budget sera présenté mardi prochain, et tous les gens des domaines de la culture, de la santé et des sports veulent obtenir plus de sous de la part du gouvernement québécois. Je pense que ce dernier, indépendamment des couleurs, administre mieux avec moins. Autrement dit, il peut faire plus avec moins d'argent. À mon avis, c'est primordial.
La question à laquelle je reviens est la suivante: pourquoi dépenser 1,31 $ par habitant lorsqu'on a tant besoin d'argent pour la santé, les affaires sociales, les garderies à 5 $, les maternelles, les politiques familiales, bref pour toutes les politiques de base du Québec et du reste du Canada?
À (1010)
[Traduction]
Le président: Bonne question.
Monsieur Franks.
M. C. E.S. Franks: Je ne peux vous répondre. Nous sommes tout simplement en désaccord. Je vous ai fait part de ce que je pense, et voilà.
Le président: Je dois retourner à M. Lanctôt.
Monsieur Shepherd, vouliez-vous poser une dernière question? Non?
Nous allons céder la parole à M. Lanctôt et ensuite j'aurai moi-même une petite question. Je pense qu'après ce sera tout. Nous avons autre chose à discuter, chers collègues.
[Français]
M. Robert Lanctôt (Châteauguay, Lib.): Merci, monsieur le président.
Un des problèmes qu'on doit aborder ces temps-ci est bien entendu celui des nominations, que ce soit celle de la Gouverneure générale ou d'autres personnes nommées par le gouvernement. Dans le cas présent, le problème est que cette institution est constitutionnelle. Sommes-nous prêts à faire des démarches et des changements constitutionnels? Chacun de nous autour de cette table doit se poser la question. Ce dossier pourrait s'avérer très important.
On s'est d'abord penchés sur la façon de faire les prévisions budgétaires. Or, il ne faut pas oublier pourquoi on a abordé ces questions. Il s'agit de questions que j'ai moi-même posées au début à la directrice ou chef de cabinet. Elle a affirmé que les dépenses représentaient 16 millions de dollars. Or, on s'est rendu compte que le total était plus que deux fois supérieur à cette somme du fait que d'autres ministères y contribuaient.
Il est certain que pour ma part, j'ai été choqué par le fait qu'on ait publiquement déclaré que la somme était de 16 millions de dollars, alors qu'il s'agissait en réalité de plus de 30 millions de dollars. Plusieurs Canadiens, Canadiennes, Québécois et Québécoises ont eu la même réaction et ont critiqué le manque de transparence.
C'est maintenant au comité d'orienter le débat. Il faut décider si on parle uniquement des problèmes de dépenses. Comme vous le dites, cette question est peut-être beaucoup plus du domaine politique. Chaque gouverneur général décide, selon son bon vouloir, s'il veut beaucoup travailler, et donc encourir ce genre de dépenses, ou peu travailler. On a tout un problème à résoudre. Une seule personne décide si elle dépensera les 30 millions de dollars ou si elle n'en dépensera que 10 millions.
D'après notre recherche, nous parlions, pour les années précédentes, de 78 p. 100. C'est important, monsieur le président, de savoir quel genre de travail on veut faire au comité.
[Traduction]
Le président: Voilà une question à laquelle nous devrons répondre à l'avenir.
[Français]
M. Robert Lanctôt: Eh bien, le comité doit déterminer ce qu'il veut faire de ce dossier. Il pourrait s'agir de questions très importantes.
[Traduction]
Le président: En Chambre, vous pouvez poser des questions et faire des commentaires; ici, il s'agit plutôt de questions.
[Français]
M. Robert Lanctôt: La question est de savoir si, dans une démocratie comme la nôtre, nous serions prêts à faire des changements d'ordre constitutionnel et à décider si la Gouverneure générale est toujours la bienvenue. On pourrait alors choisir une république et des représentants du Canada plutôt qu'une monarchie.
[Traduction]
M. C. E.S. Franks: Il y a de nombreuses réponses. Il y a la réponse constitutionnelle, si vous voulez éliminer la poste de gouverneur général, il faut un changement constitutionnel. Et si l'on veut se défaire de la Couronne comme concept en politique canadienne—comme entité légale—c'est une question constitutionnelle. Si l'on veut redéfinir le rôle du gouverneur général, la Chambre des communes a le pouvoir de le faire en adoptant une loi à cet effet, en se fondant sur le droit constitutionnel actuel. Si vous voulez changer le budget, la Chambre des communes a le pouvoir de le faire. À ma connaissance, la seule dépense prévue par la loi—et encore une fois, j'ai peut-être tort—c'est le salaire du gouverneur général. Le salaire du gouverneur général est inférieur à celui d'un député.
Je ne sais pas.
À (1015)
Le président: Nous allons céder la parole à M. Boudria pour une question rapide et ensuite à M. Shepherd rapidement, et je poserai moi-même une brève question et ce sera tout.
L'hon. Don Boudria: Puis-je revenir à la question du—puis-je l'appeler le « collège électoral »—système que vous préconisez, monsieur? Si nous avions un collège électoral de ce genre pour choisir le successeur de la gouverneure générale du Canada—je dis bien « si »—préconisez-vous de le faire sur le modèle indien? C'est-à-dire si je vous ai bien compris, les députés de la Chambre, les sénateurs et les membres de chacune des assemblées législatives provinciales et territoriales votent sur la question un jour prévu d'avance. Si c'est l'idée, qui met les candidats en nomination? Recommandez-vous que le gouverneur en conseil avance deux ou trois noms? Sinon, comment proposez-vous de procéder?
J'aurais du mal, par exemple, si c'était les divers partis qui mettaient de l'avant des candidats. Ce serait un peu trop républicain à mon avis, bien que j'aime votre idée. Quelle structure préconisez-vous?
M. C. E.S. Franks: Monsieur Boudria, vous touchez là à une de mes faiblesses.
L'hon. Don Boudria: Désolé, ce n'est pas intentionnel.
Mr. C. E.S. Franks: Non, vous ne m'offensez pas, je ne suis pas si sensible. Je tiens simplement à préciser que je me livrais simplement à des spéculations. J'ai évoqué une autre idée, dont on a parlé, à savoir que les Compagnons de l'Ordre du Canada élisent le gouverneur général. Il doit d'ailleurs y avoir d'autres façons de faire cela, mais je ne peux pas m'appesantir sur tous les détails.
J'ai déjà examiné une thèse doctorale en Inde sur la fonction ou le rôle du président de l'Inde, mais j'ai fait cela il y a environ 25 ans. En fait, j'ai oublié les détails touchant le processus électoral, et je n'avais pas réfléchi à la façon d'appliquer certaines de ces idées au Canada.
Toutes les questions que vous soulevez sont valables. Cela ne fonctionnerait pas si, par exemple, on élisait le gouverneur général comme on élit le Président de la Chambre des communes, c'est-à-dire qu'on inscrit sur la liste quiconque est candidat et qu'on retire un candidat à la fois. Avec cette méthode, je crois qu'on ne finirait jamais par avoir un gouverneur général.
Je ne peux donc simplement pas vous répondre. Il faut que l'idée soit étudiée plus amplement et que la procédure soit établie de façon plus précise.
L'hon. Don Boudria: Mon opinion là-dessus, et elle vaut ce qu'elle vaut, c'est que si nous procédons de cette façon, en excluant les députés de la Chambre des communes—en se servant, par exemple, des membres de l'Ordre du Canada—je ne crois pas que cela rendrait la situation meilleure. D'un point de vue politique, ce serait probablement semblable à ce que nous avons actuellement, et peut-être pire. Je crois que les députés se sentiraient plus responsabilisés par une participation au choix que si l'on disait que désormais ce n'est plus le premier ministre—qui est bien sûr appuyé par au moins la moitié des députés—qui choisit, mais un groupe de personnes qui n'ont probablement aucun appui à la Chambre des communes.
Je ne vois pas donc comment cela rendrait les choses meilleures, et c'est la difficulté que je trouve à choisir une méthode qui exclurait les députés.
M. C. E.S. Franks: J'ai des préoccupations relatives à presque tous les aspects de la question. Je crois que c'est ce qui explique, entre autres choses, que nous nous soyons retrouvés, au Canada, avec tant de nominations relevant de la prérogative du premier ministre. Nous n'arrivions pas à nous accorder sur une meilleure façon de faire les choses.
L'hon. Don Boudria: Ce n'est pas faux.
Le président: Monsieur Shepherd, à vous.
M. Alex Shepherd: Merci, monsieur le président.
M. Boudria a abordé beaucoup des questions dont je voulais discuter. J'ai toujours cru que le fait d'avoir une super majorité à la Chambre des communes offre au moins un avantage pratique, parce que lorsqu'il y a une super majorité, on peut supposer que les partis d'opposition vont devoir faire un choix politique et se concentrer sur une seule personne. Cela dit, j'imagine que l'autre aspect de la question c'est qu'il faut définir tout d'abord le rôle du gouverneur général, et je crois que c'est précisément là l'essentiel de votre propos.
Vous proposez, en guise d'évolution vers la réforme du rôle du gouverneur général, que nous fassions un certain nombre de choses sans pour autant modifier la Constitution pour l'instant. Je suppose donc que le conseil que vous donnez c'est de lancer le mouvement, de tâcher de trouver un moyen de modifier le rôle, au moins dans un premier temps, et ensuite, éventuellement, de pousser un peu plus loin du côté des changements constitutionnels, à mesure que la situation évolue.
À (1020)
M. C. E.S. Franks: Monsieur Shepherd, le meilleur conseil que je puisse donner au comité, si vous permettez au témoin que je suis de s'exprimer ainsi, ce serait d'essayer de lancer une discussion nationale sur cette question, parce que je crois que c'est cela qu'il nous faut.
Le président: Je pense que vous venez de répondre à une question que je voulais vous poser. En fait, nous en avons d'ailleurs déjà parlé, monsieur Franks, il ne semble pas y avoir beaucoup de références bibliographiques concernant l'évolution de la charge de gouverneur général et sa canadianisation, pour reprendre votre terme, et j'espère que notre rapport préconisera une recherche documentaire à ce sujet, et peut-être plus encore. Nous pourrions mettre dans notre rapport certaines des choses qui se sont dégagées des questions posées par les membres du comité, le processus de sélection, par exemple, ce qui montrerait que selon nous, ces éléments méritent d'être discutés plus avant.
Au fur et à mesure de notre examen, alors que de plus en plus la charge de gouverneur général commençait à appeler l'attention, il est devenu évident que si les gens s'interrogeaient, c'était pour une foule de raisons, ce qui est parfaitement compréhensible. J'imagine que si Roméo LeBlanc avait été gouverneur général ces quatre dernières années, les préoccupations et les questions n'auraient pas du tout été les mêmes, et peut-être n'y en aurait-il même pas eues. Cela est fort intéressant également, je pense, sous l'angle de l'analyse sociale. Je me souviens d'ailleurs avoir dit à l'une de nos réunions que lorsqu'on doit travailler ainsi en si grand apparat, il est extrêmement difficile de faire preuve de modération.
Nous avons donc du travail à faire, et je pense que vous nous avez énormément aidé à circonscrire certaines des questions dont nous devrions faire état dans un rapport succinct mais très constructif au sujet de cette charge publique, de son rôle et de son fonctionnement. Je pense que l'essentiel de ce qui a été dit à ce sujet l'a été en raison d'une information insuffisante plutôt que d'une information bien présente, et peut-être pourrions-nous combler un peu le fossé en disant qu'il y a encore beaucoup de travail à faire avant que la charge de gouverneur général mette tout un chacun suffisamment à l'aise.
Je vous remercie. Je suis sûr que notre attaché de recherche voudra vous en reparler à mesure que nous avancerons dans nos travaux. Merci énormément.
M. C. E.S. Franks: Monsieur le président, je vous remercie de m'avoir donné cette occasion et je reste à votre entière disposition.
Le président: Merci beaucoup.
Je vais suspendre nos travaux pendant quelques instants. Nous devons nous réunir brièvement à huis clos pour parler des travaux du comité.
[La séance se poursuit à huis clos.]