SCYR Réunion de comité
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 26 mars 2003
¹ | 1525 |
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)) |
M. Leslie Nelson (coordonnateur communautaire, «BC Federation of Aboriginal Foster Parents») |
¹ | 1535 |
Le président |
¹ | 1540 |
Mme Cindy Blackstock (directrice exécutive, «First Nations Child and Family Caring Society of Canada») |
¹ | 1545 |
Le président |
Mme Virginia Blackplume (directrice administrative adjointe, «Mother Bear Consulting») |
¹ | 1550 |
Le président |
Mme Virginia Blackplume |
Le président |
Mme Virginia Blackplume |
Le président |
Mme Virginia Blackplume |
¹ | 1555 |
Le président |
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne) |
M. Leslie Nelson |
º | 1600 |
M. Larry Spencer |
M. Leslie Nelson |
M. Larry Spencer |
M. Leslie Nelson |
M. Larry Spencer |
º | 1605 |
M. Leslie Nelson |
Le président |
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD) |
Mme Cindy Blackstock |
º | 1610 |
Mme Wendy Lill |
Mme Cindy Blackstock |
Mme Wendy Lill |
Mme Cindy Blackstock |
º | 1615 |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Mme Wendy Lill |
M. Leslie Nelson |
Le président |
CANADA
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
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l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 26 mars 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1525)
[Traduction]
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Pour commencer, permettez-moi de dire que le temps nous presse, car il pourrait y avoir des votes... tout dépend de qui remportera le pari.
Quel est le montant de la mise, monsieur Spencer? Deux dollars, en effet. M. Spencer et moi-même avons parié sur la durée de la sonnerie d'appel, soit 30 minutes, et le cas échéant nous pourrons...
Une voix: C'est beaucoup.
Le président: ...ou 15 minutes. Je pense que nous pouvons compter sur l'éloquence de nos collègues à la Chambre. Comme ils n'en ont jamais manqué, nous pouvons espérer avoir plus de temps que prévu.
Les témoins ne semblent pas très nombreux. D'après ce que je vois, nous en avons un seul qui nous vient, ou du moins j'espère, d'Edmonton. Il s'agit de Tracey Stevens, de Mother Bear Consulting. Comme nous avons peu de temps, commençons tout de suite.
Permettez-moi de vous situer. Je sais que vous avez reçu une lettre du greffier. Le comité a décidé, il y a quelques temps, d'étudier les questions touchant les enfants autochtones. Notre mandat englobe toute la question des enfants et des jeunes à risque, mais nous avons aussi examiné d'autres questions. Il y a eu trois rapports, bien qu'à l'origine quatre étaient prévus.
Le premier concerne les enfants autochtones de zéro à six ans vivant dans les réserves. Ce rapport a été publié en juin. Il contient deux grandes recommandations. Elles ont été très bien accueillies, notamment de la part du gouvernement, et nous trouvons cela très encourageant.
Comme vous le savez sans doute, ce rapport provisoire concerne les enfants autochtones en milieu urbain, plus précisément depuis le moment de la conception jusqu'à l'âge de 12 ans. Nous avons un peu jonglé avec la question depuis la première fois où nous vous avons contacté. Nous nous sommes rendus compte qu'il s'agit d'un sujet énorme et que, pour bien faire les choses, nous devions nous concentrer, du moins initialement, sur les enfants autochtones vivant en milieu urbain.
Notre dernier rapport reviendra sans doute à al question des enfants de six à douze ans vivant des les réserves. Nous aborderons donc la question des enfants autochtones en milieu urbain en un volet.
D'ici juin, nous espérons être en mesure de produire une liste de recommandations. Même à l'étape actuelle—je crois que nous en sommes encore à recueillir l'information—nous sommes conscients que le gouvernement fédéral n'est pas le seul intervenant dans les villes canadiennes. Nous comptons sur vous pour nous suggérer des moyens d'être plus efficaces auprès d'autres partenaires.
Cela dit, je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Comme le nom de Leslie Nelson vient en premier, il pourrait peut-être commencer. Nous donnerons ensuite la parole à Mme Blackstock, et passerons ensuite aux questions, à condition que ceux de l'autre endroit nous en laissent le temps.
Monsieur Nelson, soyez le bienvenu.
M. Leslie Nelson (coordonnateur communautaire, «BC Federation of Aboriginal Foster Parents»): Merci beaucoup
Mon exposé porte sur les problèmes relatifs aux services aux enfants autochtones de zéro à 12 ans qui vivent à l'extérieur des réserves.
Le premier problème concerne un réseau de surveillance de quartier pour les enfants, lorsque les familles vont vivre à l'extérieur d'une réserve. Les enfants vivant à l'extérieur des réserves sont plus susceptibles d'être placés en foyer d'accueil. Ils sont davantage exposés à la discrimination. Les parents d'enfants vivant à l'extérieur des réserves ont de piètres compétences parentales et reçoivent moins d'aide pour les nouveaux-nés et les enfants d'âge préscolaire.
Les familles vivant à l'extérieur des réserves se retrouvent isolées, d'où une faible estime de soi, l'absence de but, la confusion de leur identité et de leur fierté culturelles, sans parler de la discrimination dont ces familles font souvent l'objet.
Il y a manque de services de santé mentale et de services de gestion de cas. Les services offerts le sont de façon irrégulière parce que les travailleurs sociaux qui les dispensent doivent se déplacer d'une région isolée à l'autre. Il y a également un manque de soutien aux parents biologiques, et lorsque ces derniers reçoivent de l'aide, on le fait souvent en pensant que si les enfants n'ont pas été placés, c'est que la famille se tire bien d'affaire. Les familles dont un enfant est ou risque d'être retiré ne reçoivent pas d'aide. Les organismes dispensent des services limités parce qu'ils n'ont pas suffisamment d'argent pour pouvoir élargir leur clientèle. Les service de défense de l'enfance font défaut. Le bureau de défense de l'enfance est fermé. Le ministère de l'enfance et du développement de la famille prétend fournir des services de défense de l'enfance, mais ce n'est pas vraiment possible puisque la plupart des questions et préoccupations concernent les propres travailleurs du ministère.
Les jeunes souffrant de problèmes de santé mentale n'ont accès à aucun service. Certains organismes font savoir aux parents nourriciers que les enfants qui leur sont confiés ne peuvent avoir accès à des services de counseling, peu importe l'évaluation dont ils font l'objet.
Il y a pénurie des ressources nécessaires pour résoudre les problèmes. Les services de soutien aux familles et de protection de l'enfance voient leurs budgets réduits. Dans la région de Port Alberni, les services ont subi des réductions de personnel, leur effectif passant de 30 à sept employés. En 2002, le ministère de l'enfance et du développement de la famille a subi des compressions budgétaires de 23 p. 100, et une autre réduction de 23 p. 100 est prévue en 2003.
Le MEDF ne semble pas faire assez pour contrer le problème du SAF et des effets de l'alcoolisme foetal, et il n'applique pas efficacement son propre plan d'action. Les familles biologiques n'ont pas accès à des services de répit. Il n'existe pas de ressources pour empêcher les enfants de se retrouver en foyer ou de devenir des enfants à risque. Il y a un manque de fonds pour offrir des services de soutien aux parents biologiques et aux enfants autochtones. Les parents nourriciers reçoivent suffisamment d'argent pour prendre soin des enfants qui leur sont confiés, mais cette aide n'est pas accessible aux familles biologiques lorsque l'enfant y retourne. Le ministère refuse de reconnaître le syndrome d'alcoolisme foetal comme le fait l'Alberta. Il y a un manque de programmes de traitement pour les familles; il n'y a pas de véritables stratégie d'emploi axée sur les Autochtones; il n'y aucun service d'aide aux jeunes femmes à risque, notamment dans le cas des grossesses imprévues. Il y a un manque de logements pour les adolescentes enceintes ou mères, où on puisse les encourager à vivre sans alcool et sans drogue et les soutenir . Le centre des femmes a subi des compressions budgétaires qui l'empêchent d'offrir des programmes vraiment utiles.
Les services de santé mentale ne sont pas accessibles aux enfants chez qui on a diagnostiqué le SAF et les effets de l'alcoolisme foetal, le DTA, le THADA et le TOP. Cinquante pour cent des clients sont des enfants autochtones; 25 enfants autochtones sur 34 ont commencé à avoir accès aux services avant d'avoir atteint l'âge de 12 ans. La plupart des clients ont perdu le contact avec leur famille biologique dès l'âge de deux ans ou moins. La majorité des enfants traités par les services de santé mentale ont été placés dans plusieurs familles. Les problèmes les plus fréquents sont: le trouble réactionnel de l'attachement, des troubles cognitifs, l'impulsivité et l'absence de milieu familial régulier propice à un bon encadrement.
Les communautés isolées n'ont pas accès aux pédiatres ou à de bons médecins, ce qui met en danger le bien-être des nouveaux-nés. C'est particulièrement le cas des Haida Gwaii de Masset. Les familles biologiques doivent inscrire les enfants comme étant «à risque» avant de pouvoir avoir accès à des programmes d'aide à l'enfance subventionnés. La population du secteur est du centre-ville de Vancouver, identifiée d'après le code postal, accuse le revenu le plus bas au Canada. Le financement du programme Bon départ pour Autochtones, administré par la Native Health Society de Vancouver, a été carrément supprimé.
Le gouvernement doit s'attaquer à ces problèmes en augmentant sa contribution financière. Toute solution qui ne comportera pas de hausse budgétaire se révélera inefficace et les enfants et les familles autochtones à risque verront leur situation se détériorer encore davantage. Ces problèmes sont réels et ne pourront être réglés sans un financement plus généreux des programmes et des initiatives sociales, comme le logement, les programmes d'aide alimentaire dans les écoles, la formation des travailleurs sociaux et du personnel médical, et l'adoption d'un programme national d'aide à l'enfance, entre autres.
Le Canada se classe au sixième rang des pays du monde au chapitre de la pauvreté des enfants. On peut qualifier cette situation de négligence criminelle, et le problème est encore plus grave au sein des communautés autochtones.
Voici nos recommandations.
Accroître le financement des centres communautaires centralisés, comme les centres d'amitié autochtone, afin de développer et offrir des programmes adaptés aux besoins culturels des parents célibataires vivant hors réserve et des familles à faible revenu. Créer davantage de centres de traitement pour toxicomanie à l'intention des communautés autochtones où les familles autochtones sont concentrées. Financer le contrôle et l'exploitation, par les Autochtones, de centres de traitement pour toxicomanie qui appliquent une approche holistique du traitement, axée sur la culture et le patrimoine. Subventionner plus généreusement les services d'aide à l'enfance dispensés aux familles à faible revenu et aux parents célibataires. Des services de répit et d'aide sont nécessaires pour les parents célibataires et les familles qui ont des enfants chez qui on a diagnostiqué des déficiences. Il faudrait créer et financer un organisme d'aide aux familles qui cherchent des logements dans les régions rurales.
Assurer un soutien communautaire sous forme de services familiaux et, notamment dans les domaines suivants: formation d'auxiliaires familiaux et de travailleurs sociaux, acquisition de connaissances élémentaires à l'intention des Autochtones qui veulent accéder aux services sociaux; création d'un programme permettant de travailler avec les familles d'accueil et les familles biologiques afin de réunir les enfants, leurs frères et soeurs et leurs parents biologiques; services d'aide et de soutien aux enfants placés; services de défense et de soutien aux familles qui se sont fait retirer leurs enfants, en particulier auprès du ministère de l'enfance et du développement de la famille.
Définir une stratégie en vue d'offrir des services de counseling, en particulier à l'intention des enfants placés. Préciser, à l'intention des travailleurs sociaux, la teneur des programmes et services offerts aux enfants placés en famille d'accueil. Adopter un programme national d'aide à l'enfance et assurer l'accès à des logements décents et abordables aux familles à faible revenu et aux familles monoparentales.
Orientations des Réseaux canadiens de recherche en politiques publiques qui sont acceptées: formuler et adopter une politique reconnaissant expressément l'aide au rétablissement familial comme première mesure d'intervention. La pauvreté chez les enfants doit être reconnue comme un problème et perçue comme un problème qui peut être réglé. Créer un programme national de garderies comportant des subventions fondées sur le revenu familial. Élaborer une stratégie d'intervention flexible en santé mentale, qui reconnaisse le syndrome de l'alcoolisme foetal, les effets de l'alcoolisme foetal, le TDA, le THADA, le TOP et autres troubles d'apprentissage, en tant que maladies pouvant être guéries. Accroître le financement afin d'encourager la venue de personnel médical qualifié dans les communautés éloignées. Accroître le financement des services d'aide aux familles à faible revenu et aux familles ayant des enfants attardés, afin d'assurer leur transport jusqu'aux services et aux ressources.
Avoir de meilleurs médecins dans les communautés éloignées. Améliorer les lignes directrices afin de faciliter l'accès des familles à l'aide à l'enfance subventionnée. Les parents comptant des enfants qui ont des besoins spéciaux et les parents célibataires doivent avoir accès à des services de répit et d'aide. Il faudrait subventionner la médication et les diètes nutritionnelles pour les enfants ayant des besoins spéciaux; faciliter l'accès des familles à faible revenu à l'aide pédagogique; créer des programmes de soutien alimentaire à l'intention des enfants à l'école. Améliorer les programmes destinés aux enfants, notamment dans les sports, les arts, la musique, l'acquisition de connaissances élémentaires, les loisirs, l'informatique, etc.
Les enfants et les familles autochtones doivent avoir accès à des services de counseling axés sur le rétablissement. Les familles biologiques et les familles d'accueil devraient avoir accès à une aide financière égale. Il faudrait créer un programme d'aide à l'enfance universel. Des allocations alimentaires devraient être versées. Il faut rétablir le financement du programme Bon départ pour Autochtones, administré par la Native Health Society de Vancouver, dans secteur est du centre-ville de Vancouver. Accroître le financement du programme Bon départ du secteur est du centre-ville, de façon à y inclure un programme d'alimentation et d'acquisition de connaissances élémentaires à l'intention des jeunes, des familles à faible revenu et des familles monoparentales.
Créer une stratégie nationale permettant d'identifier les enfants atteints du SAF et des effets de l'alcoolisme foetal, et de leur offrir des services. Assurer une meilleure communication entre les programmes gouvernementaux et la communauté. L'emploi, dans le secteur de l'aide sociale à l'enfance, doit être rémunéré et non pas fondé sur le bénévolat, comme c'est le cas en Colombie-Britannique.
Ceci met un terme à mon exposé.
¹ (1535)
Le président: Merci beaucoup.
Voici une brève explication à l'intention des autres membres, puisque j'ai l'avantage d'avoir une partie de votre exposé. Au début, M. Nelson a dit un certain nombre de choses qui représentaient l'opinion de diverses personnes au sein de la communauté. S'il y a eu répétition, c'est parce qu'il faisait valoir les mêmes choses mais au nom de personnes différentes. Voilà qui éclaircira peut-être un peu les choses.
Je présume que les recommandations que vous avez lues provenaient des mêmes personnes, ce qui explique leur enchaînement. C'est pourquoi nous avons entendu, par exemple, deux recommandations en faveur d'un programme national d'aide à l'enfance. En passant, nous avons déjà fait, à cet égard, un premier pas modeste dans le dernier budget et par la signature récente d'un accord.
Je tiens aussi à souhaiter la bienvenue à Virginia Blackplume. Vous pouvez rester éloignée de M. Nelson ou vous asseoir à ses côtés. Faites comme il vous plaira. Bienvenue à la table. J'ignore si vous vous connaissez, ou si vous vous aimez, mais ça, c'est une autre question.
Nous entendrons maintenant Cindy Blackstock.
¹ (1540)
Mme Cindy Blackstock (directrice exécutive, «First Nations Child and Family Caring Society of Canada»): Merci, monsieur le président.
Je remercie les membres du comité de m'avoir invitée à comparaître devant cette importante commission.
Je voudrais tout d'abord vous rappeler certains des documents que nous avons distribués. Vous avez un exemplaire de l'étude de la politique nationale, signée par l'Assemblée des premières nations et le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Vous pouvez le consulter.
Mon exposé sera fondé sur les notes d'allocution dont le logo, en page frontispice, illustre un corbeau. Afin de gagner du temps, je passerai sous silence la mission et le mandat de notre organisation, et vous rappellerai simplement que notre organisation s'appelle First Nations Child and Family Caring Society of Canada. Nous représentons les 125 organismes d'aide à l'enfance des Premières nations qui sont situés un peu partout au pays et dispensent des services de recherche stratégique et un soutien de réseau aux communautés autochtones.
En examinant certains des problèmes auxquels les enfants et les jeunes sont confrontés, nous avions l'intention d'aborder la question dans le cadre de notre spécialisation, qui est l'enfant et la famille. Nous aimerions cependant dire qu'il existe, selon nous, un véritable besoin de réponse interdisciplinaire, puisque les répercussions de la colonisation comportent de nombreux aspects et touchent toutes les générations.
Afin de mettre en lumière certaines des préoccupations actuelles touchant le bien-être des enfants, quoiqu'il n'y ait pas uniformité des données à l'échelle des provinces et des territoires, de nombreux membres du comité savent probablement déjà que les provinces n'appliquent pas toutes les mêmes méthodes de collecte de données sur le bien-être des enfants et n'utilisent pas toutes les mêmes définitions. C'est pourquoi nous n'avons pas de données précises sur le nombre d'enfants autochtones qui sont actuellement pris en charge par les services d'aide à l'enfance.
D'après les meilleures estimations et les résultats d'entrevues avec des représentants provinciaux et territoriaux, nous croyons que 40 p. 100 des 65 000 enfants qui sont actuellement pris en charge au Canada sont d'origine autochtone. Dans des provinces comme le Manitoba, le taux est aussi élevé que 78 p. 100. Bien que les données sur les tendances ne soient pas disponibles en ce qui concerne les enfants vivant à l'extérieur des réserves, nous savons, grâce aux statistiques du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien concernant les enfants vivant dans des réserves qu'entre 1995 et 2001, le nombre de jeunes Indiens inscrits pris en charge par les services d'aide sociale à l'enfance a augmenté de 71,5 p. 100.
Je précise que nous parlons ici des organismes d'aide sociale à l'enfance. Par ailleurs, il y a aussi une représentation disproportionnée de jeunes Autochtones au sein du système carcéral canadien. Cela n'inclut pas ces chiffres.
Afin d'endiguer le nombre d'enfants pris en charge, nous croyons qu'il serait nécessaire d'avoir des services holistiques et culturellement interdépendants, conçus pour réduire les risques auxquels les enfants sont exposés et les maintenir dans leurs familles. En vertu de diverses lois provinciales sur le bien-être de l'enfance, ces services sont désignés comme des services de prévention ciblés visant à réduire au maximum les conséquences néfastes pour les enfants.
Un examen de ces ressources à la grandeur du pays montre que très peu de ces services de prévention ciblés destinés aux enfants et aux jeunes Autochtones sont adaptés à leur réalité culturelle, et cela en dépit du nombre disproportionné d'enfants et de jeunes Autochtones qui sont pris en charge.
Il est crucial que ces programmes soient conçus et administrés par des personnes qui comprennent les langues, les cultures et les traditions des personnes qu'ils aident. Malheureusement, le niveau de connaissances générales de l'histoire autochtone et de l'histoire canadienne au sein de la population canadienne est décevant. Sans une connaissance adéquate, il devient très difficile de répondre aux besoins des enfants et des jeunes des diverses communautés autochtones.
Les définitions d'inscrits et non-inscrits, comme vous l'avez entendu de la bouche d'autres témoins, et les distinctions établies par le gouvernement canadien selon qu'une personne vit à l'intérieur ou à l'extérieur d'une réserve continuent d'engendrer des restrictions et des obstacles inutiles en matière de prestation de services. Trop souvent, les services sont fournis en fonction du lieu de résidence de l'enfant plutôt qu'en fonction de son meilleur intérêt et de celui de sa famille.
Nous avons besoin de services de transition mieux adaptés aux besoins des familles lorsqu'elles arrivent sur une réserve ou qu'elles la quittent. Il faut assurer la qualité et l'équité des services, indépendamment de l'endroit où habitent les Premières nations ou un Autochtone. Ce serait évidemment conforme à l'engagement pris par le Canada en vertu de la déclaration intitulée «Un monde digne des enfants».
L'un des derniers sujets qui nous intéressent concerne les organismes bénévoles. Les recherches démontrent que ces organismes fournissent des services de soutien cruciaux aux enfants, aux jeunes et aux familles au Canada. Les documents de recherche que nous avons examinés jusqu'à maintenant indiquent cependant que ces services sont très rarement dispensés aux communautés autochtones.
Le groupe témoin autochtone visé par l'initiative du secteur bénévole a demandé une meilleure reconnaissance, de la part du gouvernement et des milieux philanthropiques, des formes traditionnelles d'engagement civique. Il a également réclamé une collaboration accrue entre les organismes bénévoles qui servent les enfants, les jeunes et les familles, et ceux qui dispensent des services aux Premières nations et aux enfants et familles autochtones.
Je souligne qu'il s'agit de soutenir de façon très réelle la capacité des Autochtones de s'occuper de leurs enfants, où qu'ils résident. Il faut mettre en oeuvre les recommandations de la Commission royale sur les peuples autochtones, et les recommandations concernant les enfants.
Si nous persistons à tenter de résoudre les problèmes des enfants et des jeunes Autochtones en nous contentant de leur offrir des services qui gèrent les symptômes plutôt que de s'attaquer aux causes étiologiques, nous serons encore ici dans 30 ans à discuter de ces statistiques tragiques.
J'invite les membres de la commission à recommander l'application de cette stratégie globale, afin que toutes les provinces et tous les territoires ainsi que les Premières nations et les responsables autochtones de l'aide à l'enfance tiennent des données précises et fiables sur le nombre d'enfants autochtones visés.
Les services devraient être conçus et administrés conformément à un cadre de développement communautaire qui soit conçus et mis en oeuvre par les Autochtones, de façon à prendre en compte les répercussions multidimensionnelles et multigénérationnelles de la colonisation.
Le gouvernement du Canada doit s'engager à mettre en oeuvre les recommandations de fond formulées par la Commission royale sur les peuples autochtones, car l'absence actuelle de progrès a des répercussions sur les jeunes et les enfants autochtones.
Il est nécessaire d'investir de façon ciblée et soutenue dans le soutien des concepts autochtones d'engagement civique, tout en acquérant les outils et la connaissance nécessaires pour promouvoir la collaboration entre les organismes bénévoles et les communautés autochtones.
La reconnaissance de la compétence des dispensateurs de services aux enfants et aux familles autochtones est un fait acquis. Je m'entretenais, à Kamloops, avec un représentant d'un organisme de services aux enfants et aux familles autochtones; il me faisait remarquer que depuis 44 ans que la province offre des services d'aide sociale à l'enfance dans cette région, elle n'avait créé que deux foyers nourriciers pour Autochtones. Or, dans les trois ans qui ont suivi sa création, l'organisme d'aide sociale à l'enfance des Premières nations a réussi à créer au-delà de 100 foyers nourriciers. C'est dire les résultats qu'on peut obtenir en transférant aux Autochtones la gestion de leurs affaires.
Il faudrait également ajouter à l'ensemble des programmes universels un certain nombre de programmes qui ciblent les enfants et les jeunes Autochtones. Les programmes sont trop souvent conçus pour répondre aux besoins de tous les enfants canadiens, mais cette situation engendre des injustices et ne tient pas compte du contexte culturel propre aux enfants et aux jeunes Autochtones. Le traitement égalitaire de personnes inégales engendre des injustices.
Notre septième recommandation vise à aider le gouvernement dans l'application du processus décisionnel. Nous recommandons de nommer un conseiller spécial sur les enfants et les jeunes Autochtones, afin de soutenir les remarquables efforts du sénateur Landon Pearson auprès du cabinet du premier ministre et du bureau du Conseil privé en vue d'obtenir des recommandations progressistes et adaptées de la part du gouvernement.
Ceci met un terme à mon exposé. Merci, monsieur le président.
¹ (1545)
Le président: Je vous remercie beaucoup de ces recommandations très utiles et détaillées.
Nous passons maintenant à Virginia Blackplume, et nous souhaitons la bienvenue à Mme Lill.
Virginia Blackplume représente Mother Bear Consulting. Je me sens un peu comme papa ours. Mme Blackplume est directrice exécutive adjointe.
Je précise à mesdames Lill et Blackplume, qui viennent d'arriver, qu'un vote doit avoir lieu, mais que nous ne savons pas exactement quand. Tout dépendant si vous pariez avec Spencer ou Godfrey, nous aurons une sonnerie de 15 minutes ou de 30 minutes. Comme je suis optimiste, je parie sur 30 minutes. Si nous écourtons les questions, vous saurez pourquoi.
Je vous souhaite la bienvenue et je suis heureux de vous accueillir.
Mme Virginia Blackplume (directrice administrative adjointe, «Mother Bear Consulting»): Comme vous le savez, je représente Mother Bear, dont le siège se trouve à Edmonton, en Alberta. Notre organisme est un centre de placement pour enfants autochtones provenant des Premières nations et de communautés métis, en particulier des réserves et localités du nord de l'Alberta. Les enfants qui nous sont confiés relèvent tous des services d'aide à l'enfance. Nous exploitons un certain nombre de foyers de groupe et nous accordons beaucoup d'importance aux besoins culturels des enfants.
Je voudrais vous parler aujourd'hui des besoins fondamentaux, de la façon de combler ces besoins et de leur importance pour les enfants de ce groupe d'âge et, en fait, pour tous les enfants. Comme vous le savez, le nombre d'enfants vivant à l'extérieur des réserves qui relèvent des services d'aide à la jeunesse est extrêmement élevé. En 2000, à Edmonton, plus de 60 p. 100 des nouveaux dossiers d'enfants confiés à l'aide à la jeunesse concernaient des Autochtones, dont beaucoup sont sous tutelle permanente.
La difficulté que soulève la question des besoins fondamentaux tient sans doute à la définition qu'on en donne. Il y a une différence dans la façon dont les gouvernements provinciaux répondent aux besoins fondamentaux des enfants, selon qu'ils sont placés en famille d'accueil ou vivent dans leur propre famille. Les besoins fondamentaux sont le logement, la nourriture et le vêtement. Les sommes versées mensuellement aux familles prestataires de l'aide sociale ne leur permettent pas de combler tous leurs besoins. Une famille monoparentale comptant deux enfants reçoit moins de 1 000 $ par mois.
En vertu de la Loi sur le bien-être des enfants, si un parent est incapable ou refuse de combler les besoins fondamentaux de son enfant, cela constitue une raison suffisante pour retirer l'enfant de sa famille et le placer dans un foyer. Lorsqu'un enfant est placé dans un foyer, le montant accordé pour répondre à ses besoins fondamentaux, à l'exclusion du logement, est considérablement plus élevé. En Alberta, le montant de l'indemnité, qui est calculé sur une base quotidienne, est d'environ 483 $ par enfant âgé de 0 à 6 ans, et ce montant n'inclut pas le logement; il concerne uniquement la nourriture et le vêtement.
¹ (1550)
Le président: Excusez-moi; j'aimerais avoir une précision: comment le montant est-il établi?
Mme Virginia Blackplume: Il s'agit d'un montant mensuel par enfant.
Dans le cas d'un enfant de 0 à 6 ans, le montant est d'environ 16,10 $ par jour, et la famille reçoit environ 483 $ par mois.
Le président: Excusez-moi; 483 $ par mois comparativement à combien par mois?
Mme Virginia Blackplume: Dans le cas d'une famille monoparentale comptant deux enfants, le montant est d'environ 800 $, qui sert à loger l'enfant, le nourrir et le vêtir.
Le président: D'accord. C'est très bien.
Mme Virginia Blackplume: En ce qui concerne le montant mensuel, je présume que le problème est que la définition des besoins fondamentaux varie. Lorsqu'un enfant est placé dans un foyer, ses besoins fondamentaux sont définis différemment que s'il vivait avec ses parents. Ainsi, les enfants autochtones vivant à l'extérieur des réserves risquent plus que les enfants non autochtones d'être retirés de leur famille pour des raisons socioéconomiques. Nous nous demandons pourquoi un foyer d'accueil reçoit plus pour les besoins fondamentaux, sauf le logement, que les parents naturels de l'enfant?
D'autre part, la mère d'une famille d'accueil est encouragée à rester à la maison pour assurer un environnement stable et sûr à l'enfant, alors que la mère biologique est encouragée à chercher un emploi ou à poursuivre des études à l'extérieur de la maison. Si cette dernière se trouve incapable de trouver de l'emploi ou de poursuivre des études, elle est perçue comme non motivée ou désireuse de demeurer dépendante de l'aide, même si elle reste à la maison pour prendre soin de ses enfants et leur offrir un foyer et un milieu familial.
La qualité de vie d'un enfant en foyer est grandement améliorée parce que le gouvernement ou les services d'aide à l'enfance pourvoient à ses besoins récréatifs et psychologiques, alors que l'enfant qui vit avec ses parents ne bénéficie pas de cette aide.
L'autre aspect concernant les besoins fondamentaux et le nombre des familles d'accueil, c'est qu'on cherche beaucoup à placer les enfants dans leur famille élargie. En Alberta, le programme Caring Family s'adresse aux membres de la famille élargie qui pourraient prendre un enfant ayant besoin d'une famille d'accueil. Toutefois, comme les taux diffèrent aussi pour ce programme, ceux-ci ne peuvent pas prendre un enfant de leur propre famille élargie parce qu'ils ne reçoivent pas suffisamment d'argent pour s'occuper de cet enfant. La somme prévue par Caring Family, en Alberta, est de 320 $. On s'attend à ce que la famille offre à l'enfant qu'on leur confie les mêmes soins qu'est tenue de le faire une famille d'accueil qui reçoit une formation. Le désavantage pour la famille élargie, au niveau de la somme prévue pour satisfaire les besoins fondamentaux de l'enfant, excède donc les avantages pour l'enfant. Comme vous pouvez le constater, les sommes visant à satisfaire les besoins fondamentaux de l'enfant varient.
Beaucoup de ces enfants aboutissent donc dans le réseau des familles d'accueil non autochtones. Ils sont retirés de leur milieu culturel et de leur famille, et certains trouvent très difficile de retourner dans leur communauté, voire parmi les leurs, que ce soit à l'extérieur ou à l'extérieur d'une réserve.
Lorsqu'ils cherchent des familles où placer des enfants, les travailleurs sociaux sont aussi confrontés au défi que constitue la compétence en matière de financement. Lorsqu'il faut placer un enfant et que des membres de la famille élargie vivant dans la réserve peuvent prendre l'enfant, le problème de l'argent qu'il faut pour satisfaire aux besoins fondamentaux de cet enfant se pose. Les provinces n'ont aucun moyen de permettre le transfert d'argent à la réserve, car cela relève des Affaires indiennes. Ce problème de compétence existe donc toujours lorsqu'on n'arrive pas à trouver une famille pour un enfant parce que l'argent ne peut pas aller dans la réserve. La réserve ne voudra pas s'occuper du dossier parce qu'elle ne reçoit aucun argent des systèmes provinciaux. Il s'ensuit que, à cause d'un problème de financement, l'enfant est condamné à rester à l'extérieur de la réserve et cela, même si une famille pouvait le prendre.
Ce qu'il faut, notamment, c'est que les systèmes provincial et fédéral s'entendent sur la façon de transférer de l'argent pour répondre aux besoins des enfants, surtout lorsqu'il s'agit d'enfants autochtones qu'on a sortis de leur réserve et qui peuvent retourner dans leur communauté.
Compte tenu de la nature de notre organisation, nous reconnaissons qu'il existe un besoin de placement spécialisé. Comme vous le savez, beaucoup de nos enfants autochtones présentent quelque malformation congénitale liée à l'alcool et un taux élevé de troubles d'apprentissage. Nous disposons notamment de ce que nous appelons un foyer de l'alcoolisme foetal, où nous formons le personnel et recueillons des connaissances dans ce domaine afin d'offrir de meilleurs services aux enfants ayant des besoins spéciaux. Beaucoup des enfants autochtones qui nous sont confiés ont d'énormes besoins et une majorité d'entre eux souffrent du syndrome d'alcoolisme foetal. Nous essayons donc de répondre à leurs besoins en développant des ressources. Mais, je le répète, nous avons aussi besoin de financement pour répondre à d'autres besoins spécialisés.
Je vous remercie de votre attention. Mon exposé est terminé.
¹ (1555)
Le président: Merci, non seulement à vous, mais à tous les membres de votre groupe et à ceux qui sont venus de loin. Nous vous en sommes reconnaissants.
Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): J'apprends des choses troublantes.
Je vais commencer par le début avec M. Nelson. Vous avez dressé une liste fort longue et détaillée de besoins de financement, qui auraient pu être couverts par la somme de 17 milliards de dollars que nous avons adoptée hier soir à la Chambre. Vous et moi savons, bien sûr, que l'argent ne résout pas tous les problèmes, mais nous savons aussi que le manque d'argent crée beaucoup de problèmes.
Vous parlez de réductions du financement. Je voudrais savoir qui au juste a imposé ces réductions. Le gouvernement provincial ou le gouvernement fédéral? De quelles réductions parlez-vous au juste?
M. Leslie Nelson: Nous savons que, au ministère des Enfants et de la Famille, le gouvernement provincial a réduit de 23 p. 100 le budget des enfants, de l'aide sociale à l'enfance, l'an dernier, soit en 2002, et qu'il le réduira encore de 23 p. 100 en 2003, soit au cours de l'exercice débutant le 1er avril.
º (1600)
M. Larry Spencer: C'est donc plus le fait du gouvernement provincial que du gouvernement fédéral. Les grandes difficultés financières que vous éprouvez à Vancouver viennent-elles du fait que vous avez un nombre élevé d'Autochtones et que vous obtenez un plus petit pourcentage du financement par habitant que ce qui est fourni à l'extérieur de Vancouver? Serait-il juste de dire cela?
M. Leslie Nelson: Non, je ne dirais pas cela maintenant. Je crois que les réductions ont frappé l'ensemble du ministère de l'aide sociale à l'enfance.
J'ai ici un document qui parle du financement par Santé Canada des activités de la Division de l'enfance et de l'adolescence et des activités de la Direction de la santé publique concernant les enfants autochtones vivant à l'extérieur des réserves et leur famille. Il est dit ici que le budget annuel du programme est de 35 millions de dollars, y compris l'ajout récent de 12,5 millions de dollars dans le cadre de la Stratégie de développement de la petite enfance pour les enfants des Premières nations et les autres enfants autochtones.
C'est là qu'on a réduit le financement du programme Bon départ dans le centre-est. C'est dans ce ministère, qui est un ministère fédéral.
M. Larry Spencer: Vous parlez aussi de programmes de rétablissement des familles. Pourriez-vous nous dire de but en blanc, comme cela, quels programmes de rétablissement des familles vous voudriez voir élargis ou accrus ou établis?
M. Leslie Nelson: Le programme de rétablissement des familles est un élément extrêmement important que nous reconnaissons comme essentiel pour les Autochtones. Du point de vue des Autochtones, le rétablissement est holistique et englobe tous les aspects de la personne: émotionnel, intellectuel, spirituel et physique.
Nous songeons à des programmes de rétablissement, dans les centres de traitement des alcooliques et des toxicomanes, qui insisteraient sur la culture et le patrimoine. Nous songeons aussi à un rétablissement holistique dans les cas de SAF/EAF, TDA, THADA, TOP et d'autres troubles d'apprentissage.
Pour avoir personnellement examiné beaucoup de données différentes et pour avoir entendu parler de beaucoup de personnes qui ont abouti dans le système pénitentiaire, je peux dire que nombre d'entre elles avaient été confiées dans leur enfance à des organismes de protection de la jeunesse. Je n'ai pas ces nombres ici, mais je puis vous dire qu'ils sont très élevés, et je ne crois pas qu'on ait jamais mené une étude sur le nombre d'enfants de la protection de la jeunesse qui finissent par aboutir en prison.
Toutefois, beaucoup d'enfants finissent par éprouver de graves problèmes sociaux et économiques qui les amènent éventuellement en prison.
M. Larry Spencer: Croyez-vous qu'une partie de ce programme élargi de rétablissement des familles verrait à la formation de travailleurs sociaux autochtones dont vous avez parlé? Es-ce que vous songez à une espèce de formation spécialisée conçue spécialement pour la communauté autochtone plutôt que pour les universités et les collègues ouverts à tout le monde, un peu comme les cours spéciaux qui sont offerts aux charpentiers et aux mécaniciens, par exemple? Voulez-vous dire qu'il faudrait envisager un autre niveau de formation pour les travailleurs sociaux autochtones?
º (1605)
M. Leslie Nelson: Je dirais que les communautés doivent participer à l'établissement des cours, car on ne peut pas prévoir un programme qui convienne à toutes les communautés autochtones du Canada. Chez les Premières nations de la côte Ouest, les pratiques culturelles diffèrent d'une nation à l'autre et d'une région à l'autre. Les Indiens des Plaines de l'Alberta ont aussi leurs pratiques culturelles propres. C'est la communauté qui devrait en décider. Les tribus de la côte ont généralement des maisons de rondins où peut se faire le rétablissement holistique, alors que d'autres nations ont des cabanes à suer et d'autres cérémonies qui seraient incluses dans une formation de ce genre.
Le président: Merci.
[Français]
Pour l'instant, M. Gagnon passe son tour.
Madame Lill.
[Traduction]
Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Merci.
Excusez mon retard, mais je devais prononcer une allocution à la Chambre des communes. J'aurai la chance de lire vos mémoires et le compte-rendu de vos exposés devant le comité.
C'est tout à la fois avec plaisir et avec inquiétude que nous avons entendu divers témoignages sur la situation des enfants autochtones vivant en milieu urbain. Les statistiques et les conditions qu'on nous rapporte sont stupéfiantes et très préoccupantes.
Je veux seulement vous poser quelques questions au sujet du syndrome d'alcoolisation fœtale et des effets de l'alcool sur le fœtus. On nous a dit ici, et j'ai moi-même entendu ailleurs, que les femmes autochtones—toutes les femmes, en fait, mais surtout les femmes autochtones—ont, pour bien des raisons, vraiment beaucoup de mal à obtenir l'aide dont elles ont besoin lorsqu'elles attendent un enfant. Elle ont peut-être peur que les services d'aide à l'enfance leur enlèvent leur enfant si elles demandent de l'aide pour des problèmes d'alcoolisme, ou qu'il n'y ait pas de traitement ni de ressources disponibles pour les aider. Je voudrais seulement que vous me disiez votre sentiment à cet égard.
Est-ce un problème que vous avez à résoudre? C'est manifestement là que se trouve la source du problème et qu'il faut agir, et je sais que les femmes veulent faire quelque chose. Je me demande si vous pourriez m'éclairer là-dessus.
Mme Cindy Blackstock: Je vais me contenter de citer deux cas exemplaires. Dans le premier, des organismes d'aide à l'enfance et à la famille du Nouveau-Brunswick, en collaboration avec les autorités et les hauts-fonctionnaires de la Santé, ont mis au point une approche holistique et globale à l'égard du syndrome d'alcoolisation fœtale, y compris de nouveaux outils pour évaluer et combattre le syndrome d'alcoolisation fœtale. Tout ce que je recommande aux membres du comité, c'est d'examiner cela comme un modèle.
L'autre cas est celui des Services à l'enfant et à la famille de la région de l'Ouest, au Manitoba. Ceux-ci ont cherché le moyen de renverser la marée du syndrome d'alcoolisation fœtale en informant les femmes de la communauté sur les moyens de prévention et en leur ouvrant l'accès à des services. Lorsqu'ils se sont réunis en comité, ils se sont vite rendu compte qu'il ne suffirait pas d'offrir de l'information sur le syndrome d'alcoolisation fœtale aux membres de la communauté. Pourquoi? Parce que, pour parler du syndrome d'alcoolisation fœtale, il faut parler d'alcoolisme et de toxicomanie. Et pour parler d'alcoolisme et de toxicomanie, il faut parler de l'affliction qui est causée par la colonisation et qui se transmet de génération en génération.
Ils ont plutôt décidé de mettre au point un programme à partir d'une façon autochtone de raconter une histoire qui s'appelle le bâton de vie. En bref, on a disposé des branches de saule et diverses choses sur une table et on a demandé à des femmes de raconter chacune sa vie par sa façon de décorer une branche de saule. Chacune a choisi une branche qui la frappait pour une raison ou pour une autre et a raconté l'histoire de sa vie en la décorant d'une extrémité à l'autre au moyen de diverses choses disposées sur la table.
Pour beaucoup de ces femmes, c'était la première fois qu'elles pouvaient réunir les divers éléments de leur vie. C'était la première fois qu'elles pouvaient partager des choses et échanger tout en racontant leur vie. Mais c'est elles qui décidaient de révéler ou non leur histoire.
Les femmes ont participé à fond à cet exercice. Elles l'ont trouvé profondément satisfaisant et, au bout de deux jours, on leur a demandé de révéler ce qu'elles voulaient au sujet de leur bâton de vie. Ce qui a été ahurissant dans la région de l'Ouest, c'est que beaucoup des femmes qui ont décidé de raconter leur histoire pour la première fois avaient déjà été réfractaires à tout autre forme d'intervention.
Une femme, dont l'histoire est vraiment horrible, s'est levée et a dit ceci au groupe: «Vous savez, cette partie sombre de mon bâton de vie, eh bien, je ne suis pas capable de la partager, mais cette partie jaune, ici, c'est le jour où ma fille est née et je voudrais vous parler de ce jour-là.» C'est là qu'elle a finalement décidé de se prendre en mains et de profiter des services d'aide aux alcooliques et aux toxicomanes. Après cela, on a offert aux femmes du counselling sur l'alcoolisme et les toxicomanies et de l'information sur le syndrome d'alcoolisation fœtale et les soins prénatals, notamment, et celles-ci se sont alors montrées très réceptives.
Ces cas exemplaires montrent que, avant de fournir de l'information, il faut s'assurer que les membres de la communauté sont en mesure de la recevoir et qu'ils se sentent suffisamment en confiance pour en bénéficier et pour vraiment empêcher que des enfants souffrent de ce syndrome.
º (1610)
Mme Wendy Lill: C'est tout simplement incroyable et merveilleux! Nous n'oublierons pas votre façon très éloquente de parler de «l'affliction qui est causée par la colonisation et qui se transmet de génération en génération».
Le programme de bâton de vie dans la région de l'Ouest est enthousiasmant. Ce que je voudrais savoir, notamment, c'est si l'on a les moyens d'employer ce modèle dans tout le Canada. Je crois qu'on dispose de nouveaux fonds à l'heure actuelle. Je crois que le gouvernement fédéral a investi de nouvelles sommes d'argent dans la lutte contre le syndrome d'alcoolisation fœtale et les effets de l'alcool sur le fœtus, mais comment seront-elles employées? Croyez-vous qu'elles serviront à des programmes aussi imaginatifs et efficaces que celui-ci? Comment pourrions-nous nous en assurer?
Mme Cindy Blackstock: Tout dépend notamment des critères qui présideront à l'utilisation de cet argent. Si l'on permet à la communauté de concevoir et de mettre en oeuvre des programmes, on obtiendra des résultats aussi enthousiasmants que ceux du Nouveau-Brunswick et des Services à l'enfant et à la famille de la région de l'Ouest.
Si, toutefois, il faut répondre à un nombre important de normes ou de préalables sur ce que doit être un bon programme, en termes d'objectifs à atteindre et de dépliants à publier, par exemple, on n'obtiendra pas les résultats escomptés.
Il faudrait songer aussi à la façon dont l'argent sera versé. Nombre d'entre vous n'ignorez pas, par exemple, que beaucoup des paiements de transfert aux provinces vont dans les recettes générales. Nous espérons tous que cet argent servira à offrir des services ciblés aux Autochtones. Toutefois, le gouvernement fédéral ne demande pas qu'on lui rende des comptes sur l'utilisation d'une grande partie de cet argent. Je préférerais que ces fonds aillent directement à la communauté autochtone plutôt que de passer par un système fédéral de paiement de transfert aux provinces.
Mme Wendy Lill: Il importe beaucoup que nous sachions en tout temps quels règlement et règles régissent le programme et les initiatives que le gouvernement a annoncés. En outre, la façon de verser l'argent constitue toujours un énorme problème et un casse-tête.
J'ai une autre question à poser, si vous le permettez. Je siège aussi au comité des personnes handicapées et j'ai entendu dire que les femmes qui vivent dans des régions éloignées ou dans des réserves et qui donnent naissance à des enfants handicapés n'ont d'autre choix que de quitter leur milieu. Pour obtenir les services dont elles ont besoin, elles doivent quitter leur communauté et leur foyer pour la ville. Je voudrais que vous me parliez de cela.
Les gens qui ont un enfant handicapé sont doublement pénalisés. Cela n'est pas en soi négatif à mes yeux, mais ces gens-là doivent à bien des égards quitter leur communauté et leur réseau de soutien pour un endroit absolument inconnu où il leur faudra défendre les droits d'un proche qui est vulnérable. Auriez-vous l'obligeance de me donner votre sentiment là-dessus?
Mme Cindy Blackstock: Tout d'abord, comme nous allons mener une étude sur les enfants handicapés dont s'occupent les organismes d'aide à l'enfance des Premières nations, j'ai dépouillé une vaste documentation sur le sujet.
Vous avez malheureusement raison de croire que beaucoup de gens quittent les réserves pour avoir accès à des services. Dans bien des cas, il s'agit de choses aussi fondamentales que des rues pavées. Comme les rues de nombreuses réserves ne sont pas pavées, les personnes en fauteuil roulant ou qui ont du mal à marcher sont pénalisées.
Il y a le cas d'une jeune femme qui vit dans une communauté près de l'île Vancouver, qui n'est accessible que par traversier et par avion, et qui doit monter les marches de sa maison sur les mains parce qu'elle est paraplégique. Elle n'a pas de quoi s'acheter un élévateur pour fauteuils roulants et cela fait 19 ans qu'elle monte ainsi l'escalier qui mène à sa chambre.
Il faudra répondre à diverses questions. Premièrement, dans quelle mesure offre-t-on aux personnes handicapées des services adaptés à leur culture? Deuxièmement, quels sont les problèmes d'accessibilité? Beaucoup de nos services à l'enfance et à la famille des Premières nations nous disent que des membres de la communauté vivant en région éloignée—je sais que ce n'est pas ce qui compte ici—doivent faire de l'auto-stop pour aller chercher des services parce que beaucoup de nos familles sont trop pauvres pour posséder une voiture. Troisièmement, quel est l'éventail des handicaps et quelles sont les notions traditionnelles de handicap et comment pourrions-nous renforcer les services aux personnes handicapées et l'accès des personnes handicapées aux services?
Je me ferai un plaisir de vous fournir au besoin les extraits de nos travaux qui concernent votre question.
º (1615)
Mme Wendy Lill: Ce serait formidable.
M. Leslie Nelson: Je voudrais parler de choses que nous avons observées en Colombie-Britannique. Le gouvernement provincial a mis en oeuvre une politique voulant que toutes les personnes handicapées présentent à nouveau une demande de prestations prouvant qu'elles sont handicapées. Le document compte plus de 20 pages. Et les personnes handicapées doivent remplir ce formulaire pour demander à nouveau des prestations d'invalidité qu'elles ne touchent plus entre-temps.
Mme Wendy Lill: Dites-moi, s'agit-il du crédit d'impôt pour personne handicapée ou de quelque chose d'autre?
M. Leslie Nelson: Il s'agit des prestations d'invalidité et non d'avantages fiscaux.
Mme Wendy Lill: Où cela se passe-t-il, encore?
M. Leslie Nelson: En Colombie-Britannique.
Mme Wendy Lill: Toutes les personnes handicapées de la Colombie-Britannique doivent se soumettre à cela?
M. Leslie Nelson: À une réévaluation de leur condition de personnes handicapées.
Mme Wendy Lill: D'accord. C'est incroyable!
M. Leslie Nelson: En effet.
Mme Wendy Lill: Tout bonnement incroyable!
M. Leslie Nelson: Aussi incroyable que ce soit, c'est un fait.
Le président: Je crains de devoir intervenir.
J'ai deux mauvaises nouvelles à annoncer. D'abord, je regrette de devoir le reconnaître, mais M. Spencer avait raison: il ne nous reste plus que 15 minutes.
Si vous regardez derrière vous, vous aurez l'impression étrange que les lumières clignotent, et elles clignotent effectivement. Cela signifie qu'un vote aura lieu à 16 h 30 environ. Vous n'avez pas d'hallucination et il ne s'agit pas d'un problème d'éclairage.
C'est très frustrant pour nous de devoir courir voter, d'autant plus que cela prendra du temps. Si vous le voulez bien, je vais essayer de rassembler quelques idées, tout simplement parce qu'il est important que nous retenions ce que vous nous avez dit.
Parmi les questions que vous nous inspirez—et dont vous voudrez peut-être nous envoyer les réponses par écrit—il y a celle-ci: dans quelle mesure les situations que vous décrivez sont-elles propres aux Autochtones et dans quelle mesure sont-elles communes à tous les Canadiens? Autrement dit, pour ce qui concerne les enfants pris en charge et les enfants dont s'occupent les services familiaux, qu'est-ce qui décourage les familles de soutien ou qui encourage les familles d'accueil, et autres choses du genre? Je suppose qu'il s'agit d'un problème général qui se trouve aggravé par les défis socio-économiques spécifiques à beaucoup de membres des Premières nations. Je le suppose.
Le défi sera pour nous—et M. Nelson nous a donné une longue liste de sujets de réflexion—de cerner dans tout cela...vous savez, comme le veut cette vieille prière, que Dieu nous donne le courage d'accepter ce que nous ne pouvons pas changer, la volonté de changer ce que nous pouvons changer, et la sagesse de faire la différence entre les deux. Voilà pour les relations fédérales-provinciales.
Nous ne pouvons pas empêcher le gouvernement de la Colombie-Britannique de faire toutes sortes de folies pour réduire ses dépenses de 23 p. 100 cette année et de 23 p. 100 encore l'an prochain. Et nous ne devrions pas l'indemniser pour cela. Ce serait récompenser une mauvaise conduite. C'est un des défis que nous avons à relever dans toutes nos stratégies d'aide aux familles et aux enfants, à savoir récompenser la bonne conduite et non renflouer des gouvernements qui se conduisent mal, si je puis me permettre de le dire aussi franchement. Nous éprouverons donc des difficultés.
Les exemples que nous a donnés Mme Blackstock de ce qui peut être fait seront très utiles. Je soupçonne qu'un petit comité comme le nôtre ne pourra pas faire que le gouvernement fédéral donne suite aux recommandations de la commission royale ou résolve les problèmes de logement au Canada, notamment. Ce que nous pouvons faire, c'est signaler des lacunes manifestes qui font que des programmes fédéraux vont à l'encontre des intérêts supérieurs des gens qu'ils visent à aider ou s'annulent les uns les autres, comme cela arrive dans les réserves. Nous pouvons faire cela.
Nous arriverons peut-être aussi à encourager—et je voudrais que vous y réfléchissiez—comme nous l'avons fait dans notre rapport sur les enfants de 0 a 6 ans vivant dans les réserves... Nous avons d'abord enjoint le gouvernement fédéral de se décider et d'essayer de s'entendre avec tous les autres intervenants, qui sont nombreux d'ailleurs. Dans le cas des enfants autochtones vivant en milieu urbain, il y a la communauté autochtone elle-même, les municipalités, les provinces et nous-mêmes. Comme personne ne veut faire preuve d'autorité à cet égard, la situation est beaucoup plus délicate que celle qui prévaut dans les réserves et qui est déjà fort problématique.
On a dit aussi qu'il fallait établir des...je ne dirai pas des communautés modèles ni les meilleures pratiques, mais des programmes pilotes qui nous donneraient une idée de ce qui peut être fait. J'aime les belles histoires. Il est extrêmement important que nous nous souvenions des histoires tristes, mais cela nous rendrait fous si nous nous limitions à cela. Nous devons donc rester en contact avec vous, vous faire mieux comprendre ce que nous pouvons faire, avec un peu d'imagination et en servant de catalyseur, pour amener les intervenants à coordonner leurs efforts—étant donné que nous ne pouvons finalement pas dicter leur conduite aux gouvernements provinciaux. Nous ferons ce que nous pourrons.
En espérant que j'ai réussi à résumer, de mon point de vue du moins, l'essence de votre témoignage et que nous resterons en contact, et en nous excusant de devoir filer à une vitesse record à la Chambre des communes pour y voter, nous vous remercions d'être venus et nous nous excusons de ce que nous n'avons pas le pouvoir de changer.
Merci beaucoup.