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SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 9 avril 2003




¹ 1530
V         Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.))
V         M. Alan Pence (directeur, Développement du jeune enfant, Université virtuelle; professeur, «School of Child and Youth Care», Université de Victoria)
V         Mme Jessica Ball (coordonnatrice, Programmes de partenariat des Premières nations; professeure, «School of Child and Youth Care», Université de Victoria)

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         Mme Phyllis Cardinal (directrice, «Amiskwaciy Academy»)

¹ 1550
V         Le président

¹ 1555
V         Mme Christa Williams (directrice exécutive, «First Nations Education Steering Committee»)

º 1600

º 1605
V         Le président
V         M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne)

º 1610
V         Mme Jessica Ball
V         M. Alan Pence

º 1615
V         M. Larry Spencer
V         M. Alan Pence
V         M. Larry Spencer
V         Mme Jessica Ball
V         M. Larry Spencer
V         Mme Jessica Ball
V         M. Larry Spencer
V         Mme Jessica Ball

º 1620
V         Le président
V         Mme Phyllis Cardinal
V         Le président
V         Mme Phyllis Cardinal
V         Le président
V         M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.)
V         Mme Jessica Ball

º 1625
V         M. Alan Tonks
V         Le président
V         M. Alan Tonks

º 1630
V         Le président
V         Mme Phyllis Cardinal
V         M. Alan Tonks
V         Mme Phyllis Cardinal
V         Le président
V         Mme Christa Williams
V         Le président
V         Mme Jessica Ball

º 1635
V         Le président

º 1640

º 1645
V         M. Alan Pence
V         Le président
V         Mme Jessica Ball

º 1650
V         Le président
V         Mme Jessica Ball
V         Le président
V         Mme Christa Williams
V         Le président
V         Mme Christa Williams
V         Le président
V         Mme Christa Williams
V         Le président

º 1655
V         Mme Phyllis Cardinal

» 1700
V         Le président










CANADA

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 012 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 9 avril 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1530)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je déclare la séance ouverte.

    Je souhaite la bienvenue à un groupe de jeunes membres du Forum pour les jeunes Canadiens. Souvent, ce sont les séances des comités comme celles que nous organisons aujourd'hui qui ont lieu dans la plus grande discrétion. Notre comité n'est pas témoin de grands affrontements. Notre comité se compose de bénévoles, de fait, car nous prenons en charge cette tâche, en sus de nos tâches ordinaires. Nous sommes unis par un intérêt commun, dans le cas qui nous occupe, la vie des enfants, ce qui sert nettement plus à nous unir que ne sauraient nous diviser les divergences sectaires habituelles. Vous pouvez rester aussi longtemps que vous le voulez. Si vous avez d'autres engagements, nous le comprendrons, mais nous nous réjouissons de votre présence : si un groupe de jeunes ne peut assister à une séance du Comité des enfants et jeunes à risque—même si vous n'en faites pas partie—alors qui peut le faire?

    Sur cette note, accueillons les témoins. Nous sommes très chanceux de pouvoir accueillir des témoins de l'ouest du Canada aujourd'hui. De l'Université de Victoria, nous accueillons Jessica Ball, coordonnatrice des Programmes de partenariat des Premières nations et professeure à la School of Child Care and Youth Care, et Alan Pence, directeur, Early Childhood Development Virtual University, et professeur à la School of Child and Youth Care. M. Pence et moi nous connaissons depuis longtemps, car nous faisons tous les deux partie d'un groupe que l'on pourrait qualifier d'AFM : les amis de Fraser Mustard. Nos chemins se sont donc croisés, nous avons échangé nos points de vue, et je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue, à tous, mais particulièrement à Alan.

    Dans quel ordre souhaitez-vous prendre la parole?

+-

    M. Alan Pence (directeur, Développement du jeune enfant, Université virtuelle; professeur, «School of Child and Youth Care», Université de Victoria): Je vais commencer. Si j'ai bien compris, nous n'avons que quelques minutes pour présenter des remarques préliminaires; les remarques que j'ai préparées sont donc assez brèves; après les avoir présentées, je céderai la parole à Mme Ball.

    Merci beaucoup de l'invitation que vous nous avez lancée. Vous nous avez invités, ma collègue, Mme Jessica Ball, et moi-même à vous présenter un exposé très succinct sur deux initiatives auxquelles nous participons. Nous croyons que les deux initiatives en question devraient être considérées comme faisant partie de la stratégie visant à mieux assurer le mieux-être des enfants autochtones, dans les réserves et en dehors de celles-ci. Le programme de partenariat des Premières nations, qui existe depuis 14 ans, a pu s'appliquer à ce jour à plus d'une cinquantaine de communautés autochtones. Mme Ball vous décrira les aspects de son travail. Le travail que je fais actuellement moi-même porte sur la nécessité de la promotion du leadership, du renforcement des capacités et de l'amélioration des réseaux, au nom des jeunes enfants sur le plan international. Les travaux sont actuellement basés dans dix pays en Afrique et cinq pays au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, mais, sur le plan conceptuel, il découle des travaux que j'ai réalisés moi-même auprès des communautés de Premières nations; or, le modèle est éminemment adaptable au contexte des communautés autochtones au Canada.

    L'Early Childhood Development Virtual University, ou ECDVU, est actuellement financée par l'UNICEF, la Banque mondiale, l'ACDI, la Fondation Aga Khan et la Fondation Bernard van Leer, ainsi que les gouvernements des Pays-Bas et de la Norvège. Et cette approche, par liaison Web et par rencontre personnelle, rassemble des leaders du domaine du DPE de toutes les régions de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Afrique du Nord en vue de l'édification concertée de politiques et de programmes régionaux et internationaux de chefs de file qui sont adaptés au contexte culturel des collectivités. L'approche adoptée sert à renforcer les échanges Sud-Sud ainsi qu'à promouvoir l'exploitation des réseaux et la constitution d'une expertise sur le plan régional. Si vous voulez avoir mon avis et celui des communautés autochtones avec qui je travaille, une telle approche s'impose aussi au Canada.

    Merci.

+-

    Mme Jessica Ball (coordonnatrice, Programmes de partenariat des Premières nations; professeure, «School of Child and Youth Care», Université de Victoria): Je tiens à remercier le sous-comité du privilège qui m'est offert : lui adresser aujourd'hui quelques observations.

    Je travaille dans ce domaine depuis mon retour au Canada en 1996, et je travaille auprès des communautés autochtones à des initiatives de renforcement de la capacité, comme Alan l'a mentionné, dans le cadre des programmes de partenariat des Premières nations, programme de formation, de développement de la petite enfance et de développement général de deux ans qui repose sur un modèle de programme d'études génératif spécial intégrant les connaissances des Autochtones. J'ai également pris part à une série d'études portant sur les moyens que les communautés autochtones ont mis en branle pour améliorer les conditions de développement de leurs enfants. J'aimerais vous faire part de certaines des observations que je tire de mon expérience du renforcement des capacités et de mes recherches. J'aimerais aussi que vous sachiez que, pour ce qui est des recommandations, je m'en remettrais à toute personne autochtone venue témoigner devant le comité. Une des choses dont on a souligné l'importance dans le huitième rapport du comité permanent, c'était la consultation des Autochtones et le respect du mouvement actuel qui a lieu au Canada en faveur du libre choix et de l'autonomie gouvernementale des Autochtones.

    Certaines de mes remarques visent à appuyer des observations déjà formulées dans le huitième rapport du comité permanent. Une des choses notées, c'est que les enfants autochtones forment une population importante sur le plan démographique. Or, nous savons que les caractéristiques démographiques des enfants et des adolescents autochtones sont très différentes de celles de la population canadienne dans son ensemble. C'est une population qui connaît une croissance rapide et qui présente des besoins très importants auxquels on ne répond pas.

    De nombreuses collectivités autochtones rurales affichent encore des déficits considérables sous presque tous les indicateurs de mieux-être individuel et collectif. Dans le cas des enfants, depuis la naissance jusqu'à l'arrivée de l'adolescence, certains facteurs sont une source particulière de préoccupations dans les régions urbaines aussi bien que rurales, soit le fait de vivre dans la pauvreté, avec notamment l'entassement dans les logis, le chauffage insuffisant et une mauvaise ventilation, et les effets que de telles conditions peuvent avoir sur la santé, les effets de la consommation d'alcool et d'autres substances, le manque d'accès à des aliments frais et les stress indus imposés aux mères seules qui vivent dans la pauvreté. La plupart des programmes sociaux sont conçus pour contrer des problèmes précis au sein des communautés autochtones ainsi que pour combler les déficits des enfants autochtones sur le plan de la santé et sur le plan social, mais ils ne prennent pas pour point de départ les points forts inhérents aux communautés autochtones et la réputation bien méritée qu'elles ont de pouvoir récupérer à la suite des épreuves de la vie. J'aimerais souligner à l'intention du comité l'importance de reconnaître les points forts des parents et des enfants autochtones au sein des communautés et d'explorer le potentiel que présentent ces points forts du point de vue du renforcement des capacités et de l'amélioration des conditions propres au développement.

    Certaines communautés autochtones ont pris des engagements importants en vue de renforcer leurs capacités collectives grâce à des programmes novateurs d'enseignement et de formation; et elles mettent en place certaines démarches prometteuses pour l'amélioration des conditions entourant le développement des jeunes enfants et des jeunes parents. Les modèles jugés particulièrement souhaitables, du point de vue de certaines communautés autochtones, commencent par des programmes de soins et de développement du jeune enfant, qui servent d'« accroche », pour inciter la collectivité à participer, pour devenir ensuite le point central de la prestation de services multisectoriels. Les programmes d'initiatives locales en question, à commencer par l'enseignement et la formation dans la collectivité même, avec incorporation des connaissances culturelles et des objectifs en faveur des enfants, portent sur toute une gamme d'objectifs sociaux, culturels et sanitaires définis par les Autochtones eux-mêmes. Ces modèles méritent l'attention des chercheurs à titre de projets pilotes, car ils nous informent sur les processus d'application, les défis et les possibilités, de même que sur la façon dont les programmes influencent les indicateurs essentiels du mieux-être des enfants autochtones.

¹  +-(1535)  

    Ayant travaillé auprès des communautés et ayant vu l'instauration de programmes de formation importants pour les soins à la petite enfance et le développement des jeunes enfants, je peux vous dire que ces communautés ont édifié d'impressionnants programmes de prestation de services multisectoriels dont la population canadienne en général pourrait tirer de riches enseignements. Le huitième rapport du comité permanent recommande le renouvellement du financement d'un projet pilote, pour que nous puissions jauger l'impact à long terme de ces initiatives, et voilà une recommandation que j'appuie certainement.

    Dans le contexte du travail que nous avons fait auprès des communautés autochtones, les dirigeants autochtones ont souligné quelques obstacles majeurs susceptibles d'entraver la réussite des programmes intégrés de soins développementaux, d'intervention précoce et d'appui à la famille. Cela comprend un financement trop faible pour permettre un enseignement et une formation échelonnés adaptés à la communauté; une fragmentation des services entre les disciplines et les zones de compétence; et une trop grande sévérité des conditions préalables à l'obtention de fonds. J'insisterais là-dessus, car notre travail suppose une interaction avec de très petites communautés qui, au départ, ont peu de capacité pour ce qui est, par exemple, de rédiger des demandes de subvention et de demander des fonds, de montrer qu'elles disposent de toute l'infrastructure nécessaire pour répondre aux exigences importantes liées au financement versé, du point de vue des rapports et de la reddition de comptes. Par conséquent, l'incapacité est en quelque sorte enracinée de ce fait dans les petites communautés moins aptes. Les règles de reddition de comptes trop sévères représentent un phénomène bien connu. Puis, il y a l'insuffisance des délais d'exécution des programmes; l'instabilité des fonds; la cessation prématurée des appuis financiers aux projets pilotes; et une répartition des fonds au prorata de la population, ce qui réduit l'éventail des solutions qui permettraient aux très petites communautés d'échafauder des projets importants en faveur de leurs jeunes enfants.

    Une convergence des rapports produits ces quelques dernières années laisse voir plusieurs thèmes communs : la consolidation des fonds, sinon, tout au moins, une très étroite collaboration entre les organismes de financement; la nécessité d'assurer une coordination inter-compétences qui permet une prestation des services multisectoriels; un allégement des modalités de financement; un allégement de la surveillance et de la reddition de comptes; un assouplissement des exigences qui permet des modèles de programme adaptés aux communautés; et la nécessité d'accorder la priorité à la santé et au bien-être des jeunes enfants.

    J'ai noté quelque part dans la documentation que j'ai remise au comité le fait que je participe à un programme de recherche visant à dégager les impacts à long terme des projets de renforcement des capacités, de même que les projets auxquels mon collègue Alan Pence et moi-même avons pris part, par l'entremise de partenariats avec plusieurs communautés autochtones, dans l'ouest du Canada. Nous regardons, trois ans ou plus après qu'une cohorte de la collectivité a été formée en vue de l'obtention d'un diplôme en soins à la petite enfance et en développement des enfants, le genre de programmes que les gens ont échafaudés, l'expérience qu'ils ont vécue au moment de demander des fonds et d'élaborer des programmes, et les impacts de cela sur le bien-être des enfants. Les constatations préliminaires permettent d'observer des pratiques prometteuses, qui comportent la réalisation de programmes de soins et de développement de la petite enfance en tant que « point central » local, autour duquel peuvent prospérer de nombreux autres services pour particuliers, programmes culturels et activités de soutien social.

    Certains membres des communautés autochtones en question ont fait remarquer qu'un programme de prestation de services multisectoriels instauré en milieu urbain peut profiter aussi aux enfants des régions rurales, du fait de la très grande mobilité des enfants et des familles autochtones—entre le milieu rural et le milieu urbain. Tout de même, l'avantage qui peut être tiré de la situation dépendrait d'un assouplissement des critères d'admissibilité aux services en question. Par exemple, à Fort St. James, dans la partie centre nord de la Colombie-Britannique, certaines familles ont élu domicile dans la réserve afin d'obtenir, au profit de leurs jeunes enfants, certains services. Certaines familles ont quitté la réserve afin d'obtenir des services qui sont offerts en milieu urbain. Quand elles se déplacent ainsi, elles sont admissibles à certains services sans être admissibles à d'autres, suivant l'endroit où elles se trouvent à vivre à un moment donné. Si les critères d'admissibilité aux services étaient plus généraux, les centres de services multisectoriels dans les centres urbains, grands et petits, pourraient également profiter aux collectivités éloignées.

¹  +-(1540)  

    De même, le rapport du comité permanent et d'autres rapports encore laissent voir une insistance accrue sur la nécessité de la transparence et de la reddition de comptes, ainsi que sur l'évaluation des résultats des initiatives au sein des communautés autochtones; or, j'aimerais commenter cette question. Je crois qu'il est très important pour nous de prêter attention à ce que des communautés autochtones particulières cherchent à voir se produire chez leurs jeunes enfants. Les priorités de diverses communautés à l'égard des enfants sont variables. Certaines communautés présentent des conditions de développement supérieures à celles d'autres communautés, en ce qui concerne les enfants. Je crois qu'il nous faut donc être souples pour ce qui est du genre de résultat que nous souhaitons imposer comme comptes à rendre et permettre aux communautés de définir elles-mêmes les résultats qu'elles jugent prioritaires et les indicateurs qui, selon elles, sont pertinents étant donné le contexte culturel et la situation. Par exemple, dans certaines réserves, le seul fait d'avoir un centre de la petite enfance est considéré comme une priorité, en raison de la sécurité que le programme ainsi instauré peut procurer le jour aux jeunes enfants, et le taux de blessures des enfants nettement inférieur serait considéré comme un résultat très souhaitable. Dans d'autres communautés, on pourrait dire que la sécurité n'est pas tant un enjeu; ce serait plutôt le développement cognitif et la préparation à l'école qui seraient au premier rang. Les responsables de certaines communautés ont affirmé que les programmes pour la petite enfance permettent de déceler rapidement les problèmes liés à la langue et de faciliter l'assimilation de la langue anglaise, avant que les enfants ne fréquentent l'école, alors qu'ailleurs, la connaissance de l'anglais est considérée comme étant d'une importance secondaire, alors que l'apprentissage de la langue ancestrale est jugé prioritaire. Nous devons donc prévoir une certaine marge de manoeuvre, pour que les communautés puissent établir elles-mêmes les résultats culturellement adaptés à l'égard desquels elles aimeraient rendre des comptes.

    Voilà quelques points clés de l'histoire, et je serai heureuse de répondre à toute question que vous voudrez poser à propos du programme de formation et de notre expérience en ce qui concerne le renforcement des capacités.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je suis sûr que des questions très nombreuses sont prêtes à fuser, mais, selon notre démarche habituelle, nous demandons à tous les témoins de présenter d'abord leur exposé, puis nous passons à la période de questions. Je vais donc donner la parole à Mme Cardinal, de l'Alberta. Nous sommes très heureux de vous souhaiter la bienvenue, et nous vous invitons à présenter vos remarques préliminaires.

+-

    Mme Phyllis Cardinal (directrice, «Amiskwaciy Academy»): C'est un honneur pour moi aussi de venir ici et de vous présenter un exposé.

    Je crois que je fais valoir une perspective différente : j'ai vécu la majeure partie de ma vie dans la réserve; ce n'est que récemment que j'ai accepté un poste dans un conseil scolaire à Edmonton. Je l'ai fait pour plusieurs raisons, mais particulièrement parce que j'ai regardé la question de l'enseignement dispensé aux enfants autochtones. Je me suis attaquée au défi qui consiste à mettre sur pied un programme pour les jeunes autochtones au niveau secondaire. Les enfants, quel que soit l'âge qu'ils ont, doivent relever des défis semblables, sinon pareils à ceux de leurs aînés.

    À notre école, dans la ville d'Edmonton, nous avons affaire à des familles et à des questions familiales, quel que soit l'âge des enfants qui fréquentent l'école, qu'ils soient des élèves du secondaire ou de l'élémentaire, sinon de petits enfants. Ces gens font face à de graves problèmes du point de vue du logement. Ils font également face à une discrimination et à un racisme institutionnalisés. Ajoutez à cela une des plus grandes préoccupations auxquelles nous faisons face : le caractère transférable des droits issus traités. Les enfants dont je m'occupe sont surtout des enfants des Premières nations. Dans mon école, quelque 85 p. 100 des jeunes proviennent de Premières nations, et le nombre est à la hausse. Avec cela on se soucie du fait qu'ils puissent, oui ou non, acquitter les droits scolaires, se payer une carte d'autobus, trouver un endroit où vivre ou se trouver de quoi se mettre sous la dent au prochain repas. Les études elles-mêmes, si on tient compte de l'histoire et de leur expérience personnelle, manquent pour eux de signification et d'importance. Comment motiver et concevoir un système qui crée ce sentiment d'importance et cette exaltation devant la perspective d'étudier?

    J'ai lu votre lettre; le deuxième des trois points mentionnés était le service. À notre école et dans le district où je travaille, il s'agit de fournir un service uniforme à ces jeunes, ce qui comprend un milieu où il faut encourager les jeunes et faire preuve de compassion. Enseignante formée à l'université, je peux vous dire que l'on n'y enseigne pas l'art d'encourager et d'être compatissant. C'est une chose qui se vit et se respire. Être capable de toucher la vie de ses enfants est important. Comment le faisons-nous? C'est par l'entremise du travail que nous faisons auprès de nos aînés.

    Je manquerais à mon devoir si je ne parlais pas de mon école, car c'est sur cela que se fonde la chose, notre travail auprès des aînés au sein de la communauté. Nous nous sommes fondés sur trois principes directeurs. Nous avons préconisé la collaboration, le travail avec tous les éléments de la communauté, le monde des affaires, les ordres de gouvernement, fédéral, provincial et municipal, et nos familles. De même, nous avons imaginé l'avenir. Nos gens ont besoin d'une vision d'avenir, ils ont besoin d'un objectif vers lequel tendre, et ils ont besoin de le situer dans une perspective autochtone.

    Sur le plan historique, si on regarde ce qui nous est arrivé en tant qu'Autochtones, on constate les effets à long terme de la colonisation et tout ce qui fait aussi partie de ce jargon. Par contre, je crois que le moment est venu, et nos aînés nous ont orientés à cet égard, d'étudier la notion de responsabilité, le fait pour nous d'assumer la responsabilité de notre vie et d'enseigner à nos jeunes cet aspect particulier des choses, car cela est ancré dans nos lois naturelles, dans notre nature en tant que peuple.

¹  +-(1550)  

    Qu'avons-nous fait, entre autres? Nous avons instauré certains programmes novateurs qui privilégient une perspective autochtone. Grâce à la consultation et à la collaboration, nous avons inclus toutes les parties en cause. Nous avons travaillé en vue de nous assurer d'obtenir les fonds appropriés. Cela a été quelque peu nébuleux, du fait des disputes de compétences entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales. Et les jeunes finissent par hériter des préoccupations de ce genre, qui constituent quelque peu, à mon avis, un obstacle. Quand ils ont l'impression qu'ils ne peuvent acquitter leurs frais de scolarité ou se payer une carte d'autobus, c'est souvent pour eux un facteur de dissuasion, et c'est une préoccupation énorme, non seulement à mon école, mais aussi, je crois, dans les grands centres urbains.

    Nous avons également travaillé en vue d'appuyer les jeunes pour qu'ils puissent terminer leurs études, depuis les premières années jusqu'à l'école secondaire, et cela comprend une orientation professionnelle appropriée. Cela comprendrait la participation des aînés au moment où les enfants fréquentent l'école et l'inclusion de programmes adaptés au contexte culturel. La langue était certainement une question très prioritaire, selon les aînés. Et il y a eu le renouvellement de la formation des enseignants, pour que ceux-ci sachent comment cultiver des liens, et il n'y a pas de cadre de type institutionnalisé à l'école.

    Une des choses que nous faisons, c'est faire en sorte que nos enfants s'engagent activement dans leurs propres études. Le Club Rotary et autres organismes du genre collaborent avec nous à titre de partenaires, et c'est quelque chose de constant qui grandit, qui fournit du leadership et une vision de ce que le leadership autochtone culturel est vraiment, et non pas un type structurel de hiérarchie, mais plutôt une organisation «horizontale». Et c'est grâce aux aînés que chacun constitue un élément du puzzle—nous ne faisons pas partie du problème, nous faisons partie de la solution.

    Je terminerai mon exposé là-dessus.

+-

    Le président: C'est merveilleux. Je dois dire qu'il est bien d'entendre ce thème commun : il faut insister sur les points forts et non pas sur les déficits. Il me semble que cela nous donne une perspective très différente.

    Et maintenant, voici Mme Williams, qui, patiemment, attend son tour à l'autre bout. On me dit que votre liaison vidéo est un peu instable. Cela ne représente en rien un reflet de votre personnalité; c'est peut-être un reflet de la nôtre. Si, pour quelque raison que ce soit, si nous nous énervons trop ou je ne sais quoi, la liaison vidéo défaille, j'imagine que nous avons une solution de rechange, c'est-à-dire la conférence téléphonique. Tout de même, tirons parti de la liaison vidéo pour vous souhaiter la bienvenue et vous inviter à formuler quelques remarques préliminaires.

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Christa Williams (directrice exécutive, «First Nations Education Steering Committee»): Bonjour. J'aimerais aussi vous remercier de l'occasion qui m'est offerte de vous présenter un exposé cet après-midi. Avec mon fils de six ans, j'aimerais vous remercier particulièrement de la possibilité de faire cela par vidéo conférence, plutôt que de me rendre à Ottawa.

    Je suis actuellement directrice exécutive au B.C. First Nations Educations Steering Committee. Je suis également membre de la Première nation de Lytton, qui se trouve à trois heures environ au nord de Vancouver, le long de la vallée du Fraser. Je travaille pour le FNESC depuis environ neuf ans. Le FNESC a été mis sur pied en mai 1992, à l'occasion d'une conférence provinciale des membres des Premières nations de toutes les régions de la Colombie-Britannique, des techniciens en éducation. Ceux-ci souhaitaient s'organiser et créer une voix éclairée pour les Premières nations, à l'échelle tant provinciale que nationale, en ce qui concerne l'éducation des Premières nations en Colombie-Britannique. Aujourd'hui, nous comptons 55 directeurs nommés par leur communauté au conseil d'administration du FNESC. Nous nous engageons à appuyer les efforts que déploient les Premières nations pour promouvoir une éducation de qualité au profit de tous les élèves et étudiants des premières Nations. Le FNESC évolue sous la direction des communautés de Premières nations, et il fonctionne à l'échelle provinciale en vue de fournir des services en matière de recherche, de communication, de diffusion de l'information et d'exploitation de réseaux. Par ailleurs, nous travaillons en vue de recueillir et de diffuser des renseignements à jour sur les programmes, les politiques et initiatives gouvernementales disponibles ainsi que les questions locales, provinciales et nationales qui ont une incidence sur les élèves et étudiants des Premières nations en Colombie-Britannique.

    En Colombie-Britannique, le tiers environ des étudiants autochtones fréquentent une école dans une réserve, dans leur propre communauté, et les deux tiers fréquentent une école du réseau provincial. Le FNESC appuie les étudiants des deux réseaux, mais aux fins de notre discussion aujourd'hui, je vais me concentrer sur le travail qui touche d'abord et avant tout le réseau provincial. Je dois m'excuser tout de suite, car, comme j'évolue dans le domaine de l'éducation, je fais partie de ceux pour qui l'éducation, de manière générale, constitue le centre de l'univers; nous sommes vraiment d'accord avec l'idée qu'il existe un lien entre le succès scolaire et l'amélioration de la santé et du bien-être en termes généraux. C'est donc armée de ce préjugé que je viens discuter avec vous aujourd'hui.

    Je remarque que vous souhaitez vous renseigner sur les points forts, les défis et les besoins en ce qui concerne les enfants autochtones en dehors des réserves. En fait, sur mon invitation, on avait seulement indiqué le cas des enfants «de six à douze ans»; je me suis donc concentrée sur ce groupe d'âge, ayant lu votre rapport sur l'intervalle allant de la période prénatale à l'âge de six ans. J'espère ne pas avoir passé à côté de quelque chose de trop important.

    Au premier stade de votre étude, qui porte sur l'état des enfants en dehors des réserves, depuis la période prénatale jusqu'à l'âge de six ans, vous avez obtenu des résultats avec lesquels je suis très d'accord. De même, je confirmerai qu'il existe de nombreuses similitudes en ce qui concerne les conflits de compétences, question à laquelle Mme Cardinal a fait allusion, le manque de coordination entre les ministères chargés des programmes et la nécessité de faire participer les Autochtones à l'élaboration de stratégies globales favorables à des programmes de qualité en ce qui concerne le groupe d'âge en question.

    Pendant des années, suivant les observations que nous avons pu faire, nous savions que les jeunes autochtones n'avaient pas de succès dans leurs études; puis, en 1998, le ministère de l'Éducation a commencé à publier des données qui ont servi à confirmer nos hypothèses et il les a rendues publiques en Colombie-Britannique. C'est en soi l'effort le plus important qui ait été déployé pour attirer l'attention sur les défis auxquels font face les jeunes en milieu urbain ainsi qu'en région rurale. Pour la plus grande part, les données ont concerné les «produits finaux», les taux de diplômation, mais maintenant nous envisageons des indicateurs touchant une période nettement plus antérieure, pour voir à quel moment et où les résultats, chez les élèves autochtones, commencent à être compromis.

    En ce moment, les données les plus révélatrices proviennent des épreuves administrées tous les ans par le ministère provincial de l'Éducation pour jauger les habiletés fondamentales des élèves de quatrième, de septième et de dixième années. J'ai inclus dans la documentation que nous avons fait transmettre les résultats obtenus pour 1999 à 2002, pour que vous puissiez comparer les années. Pour l'instant, j'aimerais simplement attirer votre attention sur les résultats en lecture des élèves de quatrième et de septième années, qui ont neuf et douze ans. En 2002, 53 p. 100 seulement des élèves autochtones de quatrième année répondaient aux exigences établies, et seulement 48 p. 100, en septième année. Presque la moitié des élèves de quatrième et de septième années ne répondent pas aux critères en ce qui concerne la lecture. Il y a quelques mois, j'ai fait à la télévision une entrevue avec un reporter, qui m'a demandé quelle était la statistique la plus révélatrice, parmi toutes les données recueillies jusqu'à maintenant, et j'ai répondu que ces chiffres sur l'absence de succès en lecture des jeunes de quatrième année étaient les plus révélateurs, car ce sont des facteurs de prédiction des taux de diplômation qui sont établis cinq à huit ans plus tard. À l'heure actuelle, le taux de diplômation des étudiants autochtones en Colombie-Britannique s'élève à 42 p. 100, par opposition à 78 p. 100 chez les autres. Il y a donc cet écart énorme qu'il faut essayer de combler. Nous savons également qu'en l'absence d'une bonne base en lecture, les élèves ne pourront réussir de quelque manière que ce soit à l'école.

º  +-(1600)  

    De nombreux facteurs expliquent le manque de succès à l'école des élèves autochtones en milieu urbain. Les statistiques qui suivent concernent le profil démographique usuel des écoles des quartiers déshérités de Vancouver, selon l'étude de 2001 de Fillipoff. Plus de 80 p. 100 des élèves et de leur famille sont pauvres—vous en avez déjà entendu parler, durant les interventions de Mme Ball et de Phyllis Cardinal. La plupart des enfants proviennent d'une famille monoparentale. Quelque 40 p. 100 des enfants ont des besoins particuliers, et 30 p. 100 vivent en foyers d'accueil. Voila un aspect qui nous préoccupe de plus en plus. Les enfants autochtones sont trop nombreux à être placés ainsi sous la responsabilité d'autrui, là où la première question est celle de la sécurité et non pas de l'éducation. Nous étudions donc les façons de soutenir le réseau des foyers d'adoption et de mieux appuyer les enfants placés à l'école. Il y a également des enfants qui souffrent du syndrome d'alcoolisme ou de toxicomanie foetal, c'est-à-dire 8 p. 100 de la population. Les écoles affichent un taux élevé d'absentéisme et de «roulement», avec une population stable de seulement 30 p. 100. Encore une fois, cela fait voir la grande mobilité dont d'autres ont parlé avant moi. Et 52 p. 100 des enfants dans les écoles des quartiers déshérités de Vancouver sont d'origine autochtone.

    Les chercheurs ont découvert que nombre des obstacles auxquels font face les élèves des écoles des quartiers défavorisés et leurs parents, et particulièrement les élèves et les familles autochtones en milieu urbain, peuvent être aplanis au moins en partie au moyen de ressources supplémentaires permettant aux écoles d'ajouter programmes et services. Wang et Kovach, en 1996, ont affirmé que la communauté urbaine recelait nombre de ressources inexploitées qui, si elles étaient mobilisées, pourraient servir à améliorer sensiblement la prestation des services d'éducation dans les centres urbains. Les auteurs signalent également que, au terme de leurs recherches approfondies, ils ont vu clairement que, pour combler l'écart dont il est question dans les écoles urbaines, un élément clé consisterait à «nouer un lien plus étroit entre l'école, d'une part, et les familles et la collectivité, d'autre part, pour encourager la persévérance et l'apprentissage». J'étais très heureuse d'entendre Mme Ball parler de résistance aux épreuves de la vie, car c'est de ce sujet que je voudrais parler maintenant.

    Il nous arrive si souvent de ne parler que des aspects négatifs de la vie des Premières nations, au point d'oublier les côtés positifs. Je suis d'accord moi aussi pour dire qu'une des grandes forces de nos communautés, que ce soit en milieu urbain ou rural, est la capacité de résistance des gens des Premières nations, la faculté d'adhérer à la croyance selon laquelle nous sommes les premiers peuples sur cette terre avec des droits distincts et un rapport unique avec les autres Canadiens, malgré les lois, les politiques et les pratiques qui ont servi à diminuer notre identité. Cette capacité de résistance est une force qu'il faut cultiver et canaliser au profit d'efforts permettant de contrer les nombreuses tentatives déployées pour éliminer notre identité.

    Une façon de mettre à profit cette capacité de résistance serait d'inviter les Premières nations en milieu urbain à s'asseoir avec les décideurs en vue d'élaborer des programmes et des services qui répondent le mieux possible aux besoins de leur communauté particulière. En ce moment, il est très difficile d'y arriver, étant donné le sous-financement, l'excès de formalités administratives et la trop grande insistance sur les exigences de rapport et les cadres de responsabilisation, ainsi que les mentalités bien ancrées selon lesquelles l'équité, en fait de programmes, est synonyme d'uniformité, qui constituent des obstacles à la créativité. Ce que j'entends par là, c'est que nous pouvons travailler à l'intérieur des paramètres établis en vue d'élaborer des approches nouvelles et novatrices. De même, nous pouvons tout à fait rendre compte des sommes d'argent qui nous sont remises, mais il faut une marge de manoeuvre pour que se dessinent les solutions créatrices, pour que les solutions adoptées dans la région de Vancouver ne soient pas les mêmes que celles qui valent pour la région de Prince George ou la région de Prince Rupert ou d'autres milieux urbains en Colombie-Britannique.

    De même, je suis heureuse de dire que, malgré ces obstacles et ces défis, il existe de nombreux exemples d'ingéniosité en milieu urbain. Nous croyons que l'école où travaille Phyllis Cardinal est un modèle très correct que nous aimerions étudier sous plusieurs aspects, de manière à pouvoir en reproduire les avantages dans des écoles semblables en Colombie-Britannique. Le mouvement des écoles communautaires en est un qui obtient une attention notable et rallie bien des appuis. Les écoles communautaires insistent sur le soutien de la famille, prêtent assistance aux parents par divers moyens—information, emploi, logements et services sanitaires, repas subventionnés à l'école et éducation des adultes. En intégrant de tels mécanismes de soutien et de telles occasions à la responsabilité décisionnelle partagée à l'école, les parents et les écoles peuvent, aux côtés des fournisseurs de services, se sentir davantage engagés dans les affaires de leur école.

º  +-(1605)  

    À l'heure actuelle, il existe un nombre important de programmes destinés aux enfants jusqu'à l'âge de six ans—le programme Bon départ, l'initiative Grandir ensemble et la stratégie associée à la prestation nationale pour enfants et ils comportaient une dimension pluriministérielle. Une fois atteint l'âge de six ans, cela semble tomber. Dans certains cas, nous avons soigneusement préparé les enfants pour qu'ils puissent bien fréquenter l'école. Nous avons appuyé leurs parents et leur avons fourni des occasions de s'engager dans leur milieu scolaire, mais une fois atteint l'âge de six ans, en première année et en arrivant en deuxième, cela semble tomber. C'est pourquoi nous disons que les écoles communautaires pourraient combler ce vide, si nous collaborons à l'effort concerté. En Colombie-Britannique, nous avons encore un certain espoir : nous croyons être bien placés pour appuyer les écoles communautaires, car nous entretenons actuellement des relations de travail positives avec tous les groupes du milieu de l'éducation de la province. Cela comprend la B.C. Teachers Federation, la School Trustees Association, les directeurs d'école, les directeurs adjoints, le College of Teachers et la B.C. Schools Superintendents Association, de même que le ministère de l'Éducation et le ministère des Affaires indiennes. Nous sommes très fiers de la relation de travail que nous avons créée. Il nous a fallu trois ou quatre ans pour en arriver au point où notre programme d'action en est rendu où il en est.

    Pour l'instant, nous nous sommes entendus pour nous attaquer à trois grandes questions : élaborer des stratégies pour accroître le nombre d'enseignants autochtones dans le réseau, contrer le racisme systémique et instaurer dans le réseau des politiques d'équité en emploi qui serviront à accroître le nombre de modèles de comportement autochtones dans les écoles. Ce qu'il nous faut maintenant, c'est un effort soutenu et l'appui de tous les membres des groupes partenaires du milieu de l'éducation. Nous sommes heureux de dire que nous avons signé un protocole d'entente en février 1999, qui ne faisait que deux lignes, et qui disait, essentiellement, que les signataires reconnaissent le manque de succès des étudiants autochtones dans les réseaux d'éducation et qu'ils s'engagent collectivement et individuellement (à l'intérieur des organisations) à collaborer en vue d'améliorer le succès des étudiants autochtones. Le document porte la signature du président de chacune des organisations en cause, mais la seule personne qui fait encore partie du groupe de travail, du fait que les présidents ont cédé leur place dans toutes les autres organisations, c'est le chef Nathan Matthew, qui a signé au nom du First Nations Education Steering Committee. Si tous ces présidents ont changé, et que deux et même trois personnes leur ont succédé dans certains cas, depuis la conclusion de l'entente en 1999, l'engagement contracté par les organisations demeure; les gens sont toujours à la table. Nous y voyons un symbole de succès.

    J'apprécie certainement le défi que vous devez relever, soit de recueillir ces renseignements et de produire un rapport complet et équilibré. Si nous pouvons vous fournir d'autres renseignements ou d'autres appuis tandis que vous entreprenez cette tâche considérable, n'hésitez pas à communiquer avec notre bureau.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup. Nous avons toujours beaucoup à apprendre de nos témoins. Aujourd'hui, les enjeux sont clairs. Il y a un élément additionnel lié à l'éducation.

    Nous disons au revoir au Forum pour jeunes Canadiens. J'espère que ça vous a plus. Je vous remercie. Soyez prudents.

    Au moment où nous nous apprêtons à passer au stade de l'analyse et de l'ébauche d'un rapport, je veux, pendant que la pensée est fraîche à mon esprit, souligner l'évidence, c'est-à-dire que, même si nous n'allons produire qu'un seul rapport, nous faisons face à une situation très différente chez les 0 à 6 ans, c'est-à-dire les enfants d'âge préscolaire, pour lesquels il existe un ensemble d'institutions, et les enfants de 6 à 12 ans, le monde de l'éducation, qui, de façon incommode, d'un point de vue constitutionnel, ne relève pas de la compétence du gouvernement, sauf dans les réserves. Dans notre rapport, nous allons donc devoir tenir compte de cette réalité et profiter des actifs dont nous disposons, sans nous enliser dans les déficits. Sur le plan structurel, nous allons formuler, je crois, des recommandations relativement différentes, dans certains cas, selon qu'on a affaire au groupe des 0 à 6 ans ou au groupe de 6 à 12 ans.

    Sur ces mots, je vais céder la parole à M. Spencer.

+-

    M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Il s'agit toujours d'une question très complexe comportant de multiples facettes à prendre en considération. Vous voudrez bien nous excuser de mettre l'accent sur ce que vous auriez peut-être préféré que nous évitions. Parfois, nous ne savons pas exactement vers où nous diriger.

    Mme Ball a mentionné que l'engagement communautaire était extrêmement important pour les programmes d'éducation et de formation. Je crois comprendre que vous parlez de la collectivité autochtone ou des Premières nations en tant que telles, à des membres de la collectivité des Premières nations. Comment fait-on la promotion des programmes de formation au sein de cette collectivité? Comment les fait-on connaître auprès d'elle et ainsi de suite?

º  +-(1610)  

+-

    Mme Jessica Ball: Il s'agit d'un programme né à la suite d'une demande du conseil tribal de Meadow Lake. Le soutien du développement du jeune enfant est un volet clé de la vision du développement communautaire général du conseil tribal. On a mis au point le programme, et on a défini l'approche fondée sur le modèle génératif qui suppose l'intégration des connaissances autochtones. Par la suite, nous avons conclu un partenariat avec dix autres groupes communautaires dans des réserves. Chacun de ces groupes avait communiqué avec nous pour nous demander si nous serions intéressés à l'idée de conclure un partenariat pour l'exécution du programme dans sa collectivité. Ils avaient entendu parler du programme par divers canaux. Pour une bonne part, la communication s'est faite de bouche à oreille; en ce qui concerne les cinq premiers partenariats tout au moins, une collectivité en mettait une autre au courant.

    Après les cinq premiers partenariats, certaines collectivités ont communiqué avec nous pour nous dire que nous devions mettre au point une véritable campagne de promotion du programme parce que bon nombre de collectivités des Premières nations pourraient se montrer intéressées. Suivant leur conseil, nous avons demandé et obtenu des fonds de la Vancouver Foundation et de la Lawson Foundation pour mettre au point une trousse d'information décrivant le programme de même que pour préparer cinq documentaires vidéos illustrant divers volets du programme, par exemple l'approche fondée sur la communauté d'apprenants, l'intégration des connaissances autochtones grâce à la coformation des aînés, et ainsi de suite. Nous avons donc en main cette trousse d'information et ces documentaires vidéos que, en partenariat avec des membres des collectivités ayant déjà exécuté le programme, nous avons depuis présentés à l'occasion de nombreuses conférences sur l'éducation, la garde des enfants et la santé, organisées par des Premières nations, et ainsi de suite.

+-

    M. Alan Pence: Quand il a d'abord communiqué avec moi en 1989-1990, le conseil tribal de Meadow Lake avait une vision de son développement culturel et économique au sein de laquelle le développement du petit enfant jouait un rôle primordial. Il ne voyait pas comment on pouvait bâtir des collectivités saines sans des enfants en santé. Il faisait donc le lien entre le bien-être économique et le bien-être culturel. Il avait posé des questions à un certain nombre d'institutions sur un éventuel programme de formation rendant compte du point de vue de des collectivités. Ce qu'il a compris au contact des institutions offrant un programme de formation, c'est qu'on proposait une sorte de courtepointe autochtone, un peu de cri, un peu de micmac, un peu de salish. À l'examen des documents, il s'est rendu compte que les programmes en question ne lui ressemblaient pas, ne ressemblaient pas aux communautés. Les collectivités étaient cries et dénés, cultures absentes des programmes de formation.

    Le partenariat axé sur la coopération qui a alors pris naissance, le modèle de programme génératif, fait directement appel aux voix communautaires, aux connaissances communautaires, aux aînés et à ceux qui étaient respectés en raison de leurs connaissances pertinentes. Nous avons ici affaire à un programme qui a été co-construit. On y retrouve des notions de développement et des notions propres à la collectivité concernant ce qui est important pour la santé des enfants typiquement occidentales. Dans ce contexte, ces notions sont traitées comme si elles étaient aussi importantes.

    Permettez-moi d'aller un peu plus loin dans le même ordre d'idées. Dix ans plus tard, lorsque nous sommes revenus sur l'efficacité du programme dans les sept organisations tribales différentes qui faisaient appel au modèle génératif, nous nous sommes rendu compte non seulement que la participation de la communauté et des aînés à la vie en général des collectivités, grâce au rôle qu'ils jouaient dans l'éducation, s'était accrue, mais aussi que les participants obtenaient un diplôme à un taux de pourcentage phénoménal pour les Premières nations. Quelque 86 p. 100 des personnes inscrites au programme avaient terminé la première année du certificat, 77 p. 100 d'entre elles avaient terminé les deux années complètes d'études—il s'agit d'un programme d'une durée de deux ans. Il s'agit d'un pourcentage plus de deux fois supérieur à celui qu'on observe pour la plupart des programmes d'éducation postsecondaire destinés aux Autochtones vivant en réserve.

    Là où je veux en venir, à propos du travail effectué en Afrique et de tout le reste, c'est que, à mon avis, le monde de l'éducation postsecondaire n'a pas fait preuve d'assez de créativité, tant s'en faut, dans son approche des questions relatives à la mise en valeur du potentiel. En fait, l'éducation postsecondaire a été plus souvent qu'autrement responsable en partie de l'érosion et de l'appauvrissement du potentiel des collectivités. Des gens ont beau obtenir des diplômes, on les sort de leur collectivité. Ils ne reviennent pas. À leur retour, le cas échéant, ils ne bénéficient pas du soutien de la collectivité. Pour que l'éducation postsecondaire fasse partie de la solution et non du problème, je pense qu'il est très important que nous, à titre de représentants des universités et des collèges, faisions preuve de beaucoup plus de créativité dans nos rapports avec les Autochtones et d'autres collectivités du monde. Le problème est le même en Afrique. Certains des cerveaux africains les plus éminents ne sont pas en Afrique; ils sont plutôt en Europe, en Amérique du Nord. Ils ne participent pas à l'édification de l'Afrique. On a appauvri le potentiel, au lieu de l'enrichir.

    Cela s'applique aux collectivités dans les réserves, mais aussi aux collectivités hors réserve. Tant et aussi longtemps qu'on ne sera pas à l'écoute des voix de la collectivité, qu'on n'exploitera pas et qu'on ne respectera pas ses connaissances, nous n'allons pas obtenir le genre de taux d'achèvement essentiel à la mise en valeur du potentiel.

º  +-(1615)  

+-

    M. Larry Spencer: Je comprend donc que vous n'êtes pas partisan de Shakespeare et de quelques autres éléments non pertinents dans ces programmes, autant d'éléments que je ne jugeais pas pertinents lorsque je fréquentais l'école et qui l'étaient probablement.

+-

    M. Alan Pence: Je ne voudrais pas vous donner l'impression que tout est axé sur la collectivité. Il y a aussi des enseignements occidentaux. Nous étudions un peu Shakespeare.

+-

    M. Larry Spencer: Mais vous mettez l'accent sur les besoins de la collectivité, plutôt que sur un programme d'éducation qui a été arrêté et dont on fait la promotion année après année. Je pense que c'est très important.

    Vous avez évoqué le fait de donner une vision aux collectivités. J'ai d'abord pensé qu'il s'agissait de programmes gouvernementaux, puis je me suis rendu compte qu'il s'agit d'une initiative d'une université. Ai-je raison?

+-

    Mme Jessica Ball: Une université et dix groupes issus de collectivités des Premières nations. En fait, ce sont eux qui ont réuni les fonds pour tous ces programmes.

+-

    M. Larry Spencer: Il n'y a pas eu de fonds gouvernementaux, sinon indirectement par l'intermédiaire de...

+-

    Mme Jessica Ball: Ils ont peut-être obtenu des fonds gouvernementaux par leurs propres moyens pour financer les programmes.

+-

    M. Larry Spencer: Mais cela ne fait pas partie de la liste que nous avons des programmes financés par le gouvernement. C'est bien, c'est intéressant. Il y a donc une autre façon de faire, n'est-ce pas?

    Lorsque vous êtes en pourparlers avec une collectivité qui songe à conclure un partenariat avec vous et à s'associer au programme, quels sont les avantages que vous faites miroiter? Lui laissez-vous plutôt le soin de définir cette vision?

+-

    Mme Jessica Ball: J'aimerais m'en remettre à Phyllis parce qu'elle a indiqué que l'élaboration d'une vision revêt de l'importance pour une collectivité des Premières nations. Nous ne cherchons pas à le faire pour une collectivité. Nos programmes sont tous conçus pour répondre à l'intérêt d'une collectivité qui a défini sa propre vision du développement communautaire. Les collectivités qui ont conclu un partenariat avec nous ont toutes agi pour des motifs différents. Certaines ont dit s'intéresser au programme de formation parce qu'elles souhaitaient améliorer les conditions du développement et de la santé des jeunes enfants, le bien-être venant en tête de leur liste de priorités. D'autres ont affirmé vouloir s'associer au programme parce que l'éducation, la formation et les possibilités de guérison des adultes de la collectivité étaient leurs priorités; pour que les adultes de la collectivité puissent poursuivre leur éducation et leur formation, s'engager dans les processus de guérison, et ainsi de suite, ils avaient besoin d'un lieu sûr pour leurs enfants. À Meadow Lake, la revitalisation culturelle revêtait une très grande importance. Des collectivités différentes avaient à l'origine une vision différente des partenariats.

º  +-(1620)  

+-

    Le président: Madame Cardinal, vous avez quelque chose à ajouter?

+-

    Mme Phyllis Cardinal: Je vais vous parler de la création de l'école secondaire. Mon école secondaire s'appelait l'Amiskwaciy Academy.

+-

    Le président: S'agit-il d'une école secondaire physique ou virtuelle?

+-

    Mme Phyllis Cardinal: C'est une école secondaire physique. Si vous connaissez Edmonton et le vieil aéroport municipal, celui où les avions se posaient—c'est là que nous sommes. Nous avons rénové toute l'école, et nous en sommes à notre troisième année d'activité.

    Lorsque nous avons commencé à étudier la possibilité de créer l'école, nous nous sommes laissés guider par les trois principes directeurs que j'ai évoqués. Dans un premier temps, nous avons consulté et mobilisé la collectivité autochtone, à laquelle nous avons demandé de nous faire part de ses réflexions et de ses idées pour les jeunes. Après, parce que je travaillais avec différentes parties à l'époque, pas avec le gouvernement fédéral, mais avec le gouvernement provincial, la Ville d'Edmonton, nos collectivités, nos aînés et les administrateurs du conseil scolaire public d'Edmonton, j'a pris la peine de réunir les intéressés pour les inviter à faire part de leurs commentaires au sujet de la vision et du programme. Nous sommes alors passés à l'étape suivante. Grâce au protocole pour la consultation des aînés, nous avons obtenu les commentaires de ces derniers et compris ce qu'ils souhaitaient pour les jeunes. En dernier lieu, nous sommes revenus devant les administrateurs pour faire approuver le projet. Voilà comment on a procédé. Le projet s'est effectué étape par étape, mais le résultat final traduisait un effort de collaboration.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Tonks.

+-

    M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je suis heureux que Phyllis ait précisé ce qu'il y au 1, chemin Airport. Lorsque je vivais à Edmonton, l'aéroport était là, et je suppose que vous avez rénové l'ancien terminal.

    Dans le mémoire écrit de Mme Ball, j'ai observé que 98 p. 100 des étudiants inscrits au programme de partenariat étaient des femmes, dont l'âge variait de 18 à 55 ans. Mon intention n'est certes pas de revenir sur le fait que des femmes soient intéressées et habilitées à participer à la vie de leur collectivité, je pense que cela est extrêmement louable et admirable, mais qu'en est-il des hommes? Si l'objectif principal, à supposer que ce soit bien le cas, consiste à habiliter les femmes, je pense que nous pouvons dire, en gros, qu'il est généralement admis que nous habilitons la collectivité tout entière, y compris les hommes, à participer au genre de programme d'approche dans le domaine de l'éducation auquel Alan a fait référence. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?

+-

    Mme Jessica Ball: Il est intéressant de constater que, effectivement, 98 p. 100 de nos étudiants étaient des femmes. Avec tout le respect que je vous dois, nous ne sommes pas en mesure d'habiliter qui que ce soit. Les collectivités en question ont déjà des pouvoirs, et elles les exercent. Les collectivités établissent une cohorte d'étudiants pour les programmes en question, et nous discutons de cette cohorte avec la collectivité, chacun tenant à ce que les candidats soient susceptibles de réussir. Personne, en effet, ne tient à ajouter à la litanie des échecs liés à l'éducation dans les collectivités des Premières nations. Pour le reste, ce n'est pas nous qui décidons quels étudiants la collectivité inscrit au programme.

    Même dans le monde non autochtone en général, le développement du petit enfant, la garde des enfants et l'éducation sont dominés par les femmes, c'est un fait. Le même phénomène s'observe donc dans les collectivités autochtones. Sur les scènes internationale et nationale, les femmes ont aussi un taux d'achèvement plus élevé dans le domaine de l'éducation, et elles tendent à être plus persistantes en tant qu'étudiantes. Je crois qu'il en va de même dans les collectivités autochtones. Plus de femmes s'inscrivent au programme de formation et, de façon générale, plus de femmes le terminent. Nous savons aussi que les femmes sont de plus en plus nombreuses à occuper des postes de leader au sein de ces collectivités, et ce programme de formation en puériculture et en développement du petit enfant est certes une avenue grâce à laquelle les femmes autochtones affirment leur leadership dans les collectivités et jouent un rôle clé dans la formation de la prochaine génération.

    Certaines collectivités se sont inquiétées du fait que, au moment de la mise en place du programme, elles semblent beaucoup investir dans l'éducation des femmes. À titre d'exemple, la nation tl'azt'en a entrevu un problème et mis au point un programme de formation en ébénisterie qui a attiré presque exclusivement des hommes. Les deux programmes de formation étaient donc coexistants. La Première nation de Mount Currie a, en même temps qu'un autre collège, organisé un programme de formation en foresterie au moment du lancement du programme de formation, pour assurer un équilibre dans la collectivité et une répartition égale des investissements entre les sexes. Mais il est très difficile d'intéresser les hommes aux programmes de développement du jeune enfant de même qu'à d'autres programmes d'éducation et de développement.

º  +-(1625)  

+-

    M. Alan Tonks: J'allais vous demander si vous y voyiez un problème. Vous avez déjà répondu.

    Je suis enseignant de formation. J'ai commencé dans le réseau élémentaire. Je me souviens de l'époque où le même problème se posait, c'est-à-dire où il n'y avait pas d'enseignants de sexe masculin pour le niveau primaire. Une sorte de stigmate se rattachait à cette profession. Il a fallu beaucoup travailler, au niveau professionnel et communautaire, pour modifier la situation. Le système en est venu à la conclusion qu'il était souhaitable, pour diverses raisons, d'intéresser les hommes, sinon à l'éducation du petit enfant, au moins à l'éducation primaire. Ce que je veux dire, c'est qu'il s'agit d'un enjeu qui pose problème, mais je pense, pour des raisons évidentes, que les hommes devraient être associés à cette démarche, qu'ils ont quelque chose à apporter à toute collectivité préoccupée par l'éducation des petits enfants.

    La deuxième question que je veux poser—et peut-être tous nos invités pourront-ils y répondre—concerne les huit projets pilotes recommandés par le comité. On va les retrouver dans des villes et villages du...

+-

    Le président: Il s'agit de la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain et des 17 millions de dollars qui se sont dépensés en deux ans.

+-

    M. Alan Tonks: Oui.

    Avez-vous eu la possibilité d'examiner ces programmes pilotes? Avez-vous des commentaires à faire sur ce qui pourrait compléter ces programmes, compte tenu du fait qu'il s'agit d'une tentative de mobiliser les organismes municipaux et communautaires de même que les organismes qui représentent les Autochtones, par exemple les centres d'amitié? Il s'agit d'une tentative de créer un système plus holistique, général et intégré. Avez-vous des suggestions à faire sur le contenu éducatif de ces projets pilotes et le moyen d'évaluer leur efficacité?

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Madame Cardinal.

+-

    Mme Phyllis Cardinal: Selon mon expérience, les programmes destinés aux enfants autochtones ou aux Autochtones en général ont été, pour l'essentiel, des programmes à court terme et ne tiennent aucun compte des besoins réels. Dans ce cas, il s'agit des besoins des jeunes. Je suis en communication avec ces organismes, et je ne laisse pas entendre qu'ils ne fournissent pas de services, mais, pour l'essentiel, les services en question ne sont pas directement liés à un système d'éducation, par exemple. S'ils s'occupent d'alimentation, de logement ou d'autre chose, leur travail s'effectue souvent de façon isolée, sans nécessairement de liens avec les écoles. À la pensée de tous les jeunes qui n'ont pas accès aux programmes offerts pour une raison ou pour un autre, la mobilité, l'absence d'information ou de sensibilisation à ce qu'on leur propose, c'est donc une recommandation que je formulerais.

+-

    M. Alan Tonks: Avez-vous été invité à participer à ces huit projets pilotes?

+-

    Mme Phyllis Cardinal: Non.

+-

    Le président: Madame Williams, avez-vous quelque chose à ajouter? Avez-vous entendu parler des collectivités de la fameuse Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain faisant l'objet de projets pilotes? Avez-vous été invitée à y participer?

+-

    Mme Christa Williams: Je n'en ai pas entendu parler. J'ai lu la suggestion dans votre rapport. Je n'ai pas reçu d'invitation. Je reprendrai à mon compte certaines des mises en garde de Mme Cardinal. Dans le cadre d'un projet pilote, on supprime certains des obstacles institutionnels parce qu'on se dit qu'il s'agit seulement d'un projet pilote : dans ce cas, on peut faire preuve de créativité et chercher des solutions originales. On le fera, puis le programme s'interrompra, et l'idée que d'autres programmes pourraient faire le même genre de chose n'a pas été institutionnalisé. Relativement aux projets pilotes, il faut donc être prudents.

    Au cours des deux ou trois dernières années, en Colombie-Britannique, nous avons tenu deux conférences sur l'intégration des services : nous y avons invité des travailleurs de la santé, des travailleurs sociaux, des éducateurs et des travailleuses en garderie à se réunir et à parler des moyens d'assurer, au niveau communautaire, une meilleure collaboration horizontale dans les collectivités. Nous espérons que les renseignements qui en sont issus remonteront jusqu'au groupe ministériel concerné. Nous avons créé, avec chacun de ces ministères, DRHC, Affaires indiennes Canada et Santé Canada, un groupe de travail interministériel auquel appartiennent les directeurs généraux régionaux de chacune des organisations, lesquels ont accepté en principe l'idée d'intégration des services dans, disons, le système scolaire. Malheureusement, lorsqu'on s'éloigne de la table à laquelle siègent les directeurs généraux régionaux, on constate que la direction n'a pas rejoint les personnes chargées de l'exécution des programmes, celles qui versent directement les fonds aux collectivités. Il existe donc toujours des silos, les intéressés ne se montrant pas intéressés à s'intégrer à leurs collègues d'autres ministères ni à coopérer avec eux.

    À l'heure actuelle, nous avons le sentiment de bénéficier de l'appui du niveau communautaire et des cadres de la haute direction, mais pas de celui des intermédiaires grâce auxquels tout pourrait se matérialiser. Je recommande donc que nous nous intéressions à l'institutionnalisation de la créativité.

+-

    Le président: Ce que vous dites s'applique à bien des milieux, à commencer peut-être par le Parlement.

    Madame Ball.

+-

    Mme Jessica Ball: Je suis d'accord avec ce que mes collègues ont dit et j'aimerais à mon tour souligner quelques points. Je pense, pour reprendre les mots de quelqu'un de Meadow Lake, qu'il est important que les projets soient fondés sur la collectivité et évoluent au rythme de la collectivité; cette dernière devrait définir sa propre vision et avancer à son propre rythme, compte tenu de ce qu'elle est capable et désireuse de soutenir. Ainsi, je pense que les programmes peuvent être de conception très souples et tenir compte des points forts plutôt que des carences. Notre expérience, c'est que les programmes sont plus utiles lorsqu'on tente de façon très délibérée d'y intégrer les connaissances culturelles et à caractère multidisciplinaire, de manière que les intéressés soient disposés à faire l'essai d'un éventail d'approches du développement communautaire.

    Je pense qu'il est important qu'une formation favorisant les programmes pilotes comprenne des mécanismes facilitant l'amélioration des réseaux, par exemple des expériences d'alternance travail-études multidisciplinaires pratiques auxquelles on inviterait un éventail de personnes-ressources communautaire à participer. De plus, on examinerait divers types de modèles de programme, en plus de créer des liens.

    Il importe également que les exigences de ces programmes ne soient pas accablantes du point de vue de la reddition de comptes et qu'on prévoie de nombreuses occasions de reconnaissance des réussites du programme, de façon à créer un sentiment d'appui méta-systémique en cours de route.

    Je suis de plus en plus convaincue que les collectivités autochtones sont tout à fait prêtes à se mobiliser autour de l'idée du bien-être des enfants de 0 à 12 ans. Les programmes centrés sur le bien-être des enfants constituent des véhicules efficaces pour la prestation de services multisectoriels. Les programmes comme Bon départ, à l'intention des Autochtones, constituent de bons éléments de base, et le modèle des écoles communautaires, au niveau des 6 à 12 ans et au-delà, réussit brillamment à mobiliser la collectivité. Je pense que les stratégies de mobilisation de la collectivité revêtent une importance cruciale.

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Avec votre permission, je vais intervenir ici.

    Je l'ai dit, nous en sommes à l'étape de nos audiences où nous commençons à élaborer un certain nombre d'hypothèses. Il est bien de pouvoir compter sur des témoins ayant vos antécédents, votre éducation et votre expérience capables de réagir aux hypothèses parce que cela nous aide à les façonner au fur et à mesure de nos travaux.

    Dans notre rapport antérieur, qui portait sur les enfants de 0 à 6 ans dans les réserves, on retrouvait un certain nombre de principes. En vertu de l'un d'eux, nous n'avons formulé des recommandations qu'à l'intention des personnes sur lesquelles nous avons une certaine influence, notamment les ministères fédéraux. Nous n'avons pas formulé ces recommandations dans le vide. En fait, nous avons dit à d'autres personnes comment elles devaient fonctionner, mais pas aux collectivités des Premières nations. Ce que nous avons dit, essentiellement, c'est que, dans les collectivités où le gouvernement fédéral a un rôle assez considérable à jouer, par l'intermédiaire de Santé Canada, de DRHC et du MAINC, ce n'est pas trop demander aux fonctionnaires d'Ottawa que de se concerter et, au lieu de faire appel à des silos distincts, de coordonner leurs efforts, notamment au niveau communautaire, au lieu de tripler le fardeau administratif de la reddition de comptes. C'est ce qui se produit, par exemple, lorsqu'un programme de garde d'enfants destiné aux Autochtones de DRHC fait appel à un ensemble de critères, tandis que le programme Bon départ de Santé Canada, est offert dans la même collectivité sur la foi d'autres critères—ce sont les mêmes parents et les mêmes enfants, mais les exigences sont totalement différentes, ce qui représente un véritable cauchemar administratif, du point de vue de tous les intéressés. Nous croyions être en mesure de le faire.

    C'est dans cet esprit que nous avons plaidé en faveur de la création de certains projets pilotes, mais nous avons aussi dit que ces projets pilotes devaient avoir une certaine marge de manoeuvre, un financement suffisant pour que nous puissions à tout le moins institutionnaliser la créativité, pour emprunter l'expression de Mme Williams; il fallait agir avec détermination et prendre pour point de départ les endroits qui avaient du potentiel. Le modèle, bien entendu, vise à permettre aux intéressés à prendre leurs propres décisions et d'allouer leurs ressources en fonction de leurs propres besoins et de leurs propres exigences culturelles, mais d'une façon dont nous pouvons nous inspirer. Il ne s'agit pas simplement de virer des fonds; nous attendons une forme de réciprocité dans l'apprentissage. Nous ne l'avons pas dit expressément dans le rapport, mais je suppose que, au lieu d'imposer un modèle venu d'en haut comme dans la Loi sur la gouvernance des Premières nations—qui a dit ça?—nous devons plutôt faire le contraire et partir des points forts pour ensuite chercher des moyens d'exporter ces points forts vers d'autres collectivités, de façon que cette capacité puisse être, en un sens, institutionnalisée et transmise à d'autres, que nous puissions tirer des enseignements des pratiques exemplaires. Je pense que c'est plus ou moins le modèle dont j'entends parler.

    En ce qui concerne le présent rapport, le défi vient du fait que notre influence s'exerce sur un moins grand nombre de convertis. C'est le premier défi. Deuxièmement, nous avons affaire, comme je l'ai dit plus tôt, à deux groupes distincts d'enfants, les 0 à 6 ans et les 6 à 12 ans, de même qu'à des points centraux théoriques différents, si vous voulez, même à des «accroches» théoriques différentes, pendant qu'on y est—soit dit en passant, j'aime bien l'image des points centraux et des «accroches». La première constatation, c'est qu'on ne peut rien ordonner à personne. Personne n'aime se faire dire quoi faire, ni les collectivités des Premières nations, ni les gouvernements provinciaux, ni les administrations municipales, où M. Tonks s'est illustré. En milieu urbain, nous sommes toutefois confrontés à cette absence criante de leadership, où chacun se refile la responsabilité. Il y a quelqu'un qu'on appelle l'interlocuteur fédéral, le ministre Goodale en l'occurrence. Du côté fédéral, on dit ne s'occuper que des réserves; c'est pour cette raison que les provinces sont là : c'est elles qui s'en chargent. Ces dernières répondent : non, non, non. Il y a beaucoup d'arguments échangés de part et d'autre : il est facile dans ces conditions, d'embrouiller la situation. Nous avons vu des personnes qui ont dû aller hors réserve pour obtenir des soins, faute de pouvoir obtenir de tels services pour leur enfant handicapé—je veux parler de cette distorsion absurde et obscène qui fait que personne n'est disposé à assumer le leadership moral. Qu'importe ce que dit la Constitution. Il faudrait au moins qu'une partie convoque une réunion et qu'on vienne investir des ressources dans ce domaine; on doit se retirer du secteur.

º  +-(1640)  

    L'idée avec laquelle nous avons jonglé—il faut du front, mais nous en avons—, c'est profiter du fait qu'il y a un montant, annoncé dans le dernier budget, de 17 millions de dollars répartis sur deux ans destiné à la Stratégie pour les Autochtones vivant en milieu urbain. Nous connaissons les collectivités qui ont été choisies. Nous savons que l'éducation fait partie de l'équation. Nous devons obtenir plus d'informations sur les réflexions préliminaires et savoir, à supposer que tout soit ne soit pas déjà convenu, si nous pouvons nous saisir de l'occasion et en tirer avantage.

    Ce qui m'impressionne, c'est que, peu importe où on commence, le développement de la petite enfance ou le milieu scolaire, réserver une place centrale—comme, je crois, vous l'avez fait au début de vos exposés, monsieur Pence et madame Ball—au défi consistant à bâtir une société qui habilite la famille, à comprendre que l'enfant ne fonctionne pas en vase clos et qu'il bénéficie d'un entourage, lequel ne se limite pas aux parents biologiques, mais comprend les oncles, les grands-parents et les cousins, et si nous utilisons ce paramètre pour déterminer comment nous nous en sortons en tant que société—et je pense qu'il est utile de nous rappeler que l'enjeu concerne non seulement le bien-être des enfants, mais aussi celui de l'économie—alors nous pouvons aller dans d'autres secteurs pour venir en aide aux familles, favoriser le logement, l'aide à la recherche d'emploi, la formation, l'éducation ou je ne sais trop quoi. Si nous nous demandons comment une famille peut mieux fonctionner de façon, par exemple, que moins d'enfants aient besoin de soins particuliers, nous avons affaire, me semble-t-il, à un résultat mesurable. Lorsque les enfants ont besoin de soins particuliers, c'est surtout le système qui a échoué. C'est la solution qui vient au deuxième rang. Nous avons donc une idée du moyen de mobiliser les éléments de compétence de tout un chacun. Je suis en fervent partisan de l'école comme moyen d'approche. L'école a l'avantage d'étendre ses tentacules jusqu'au préscolaire, parce qu'on peut offrir un programme préscolaire à l'école, aider les enfants et les parents à se faire à l'idée de la fréquentation de l'école.

    Après cette diatribe, j'aimerais vous demander votre aide. Si nous sommes parvenus à obtenir certains de ces projets pilotes d'aide, à propos desquels nous savons trop peu de choses, et à comprendre que nous ne pouvons cibler étroitement les enfants, mais que nous devons utiliser les enfants comme «accroche» et point central, qu'ils soient âgés de 0 à 6 ans ou de 6 à 12 ans, monsieur Pence et madame Ball, certaines des collectivités auxquelles vous avez eu affaire étaient-elles non pas des Premières nations en ce sens, mais bien des collectivités urbaines autochtones? Les défis me semblent entièrement différents, mais tel est le mandat qu'on nous a confié.

    Deuxièmement, nous ne sommes qu'un petit sous-comité, et nous ne pouvons pas régler le problème de tous les Autochtones en milieu urbain, c'est évident, mais nous cherchons à trouver le moyen d'obtenir certaines réussites. Nous savons, par exemple, que le programme Bon départ a produit de remarquables avantages indirects dans les réserves, lesquelles ont procuré des avantages supplémentaires aux femmes, aux travailleurs de garderie ou à ne je sais trop qui, et il s'agit d'un énorme effet indirect que nous ne pouvons passer sous silence. On met les enfants au centre, mais on continue de bâtir sur les réussites. Avez-vous effectué du travail dans des villes du Canada?

    De façon plus générale, peut-être, pourriez-vous réagir à la façon dont j'espère que le rapport pourra progresser?

º  +-(1645)  

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    M. Alan Pence: La réponse brève et rapide est probablement que non, pas de la façon dont vous le présentez, mais une des collectivités très enchâssées et fluides est sans doute celle de Duncan où vivent des tribus cowichan. En réalité, il y a des effets sur Duncan et des effets sur les tribus cowichan. Il s'agit d'une petite ville, où l'intégration est réelle. C'est Malaspina qu'on a utilisé comme campus pour l'éducation et la formation. La ville se trouve sur la terre des Cowichan, et il y a donc beaucoup de va-et-vient et d'interactions sur le plan des stages, entre autres. C'est probablement l'expérience se rapprochant le plus du milieu urbain que nous avons vue.

    Au fil des ans, nous avons également eu des discussions avec un certain nombre d'organisations représentant les Autochtones vivant en milieu urbain souhaitant s'orienter en ce sens. À Winnipeg, les discussions sont allées relativement loin. On a eu bon nombre de discussions au centre d'amitié autochtone.

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    Le président: Madame Ball, pensez-vous que nous nous orientons dans un sens qui, sur le plan intuitif, vous semble bon, à supposer que vous puissiez trouver une orientation dans ce que je viens de dire?

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    Mme Jessica Ball: Les intentions me semblent bonnes, et pas seulement sur le plan intuitif. J'aimerais mentionner le cas de la Première nation de Mount Currie. Ce n'est pas un milieu urbain, mais, en tout cas, tout a commencé par le programme de développement de la petite enfance en tant que point central et on y a ajouté des programmes d'éducation parentale, des programmes de soins prénataux, des programmes de perfectionnement linguistique, des programmes sur la carie dentaire, des programmes de soins pour les bébés, et on commence tout juste à offrir des programmes de service social, et on espère ajouter certains programmes de traitement de l'alcoolisme et des toxicomanies. Ce que nous avons constaté dans les recherches que j'effectue, c'est que certains des enfants qui ont été confiés au service de protection de l'enfance et confiés, à titre temporaire ou indéfini, à des maisons d'accueil hors réserve ont pu demeurer dans la collectivité en raison du continuum de service grâce à l'amélioration d'un modèle de développement de la petite enfance utilisé comme point central. Les enfants peuvent donc demeurer dans le programme ou fréquenter l'école et demeurer inscrits au programme qui prend le relais de l'école. Le parent ou les parents peuvent obtenir un certain nombre de services et une aide familiale grâce à ce service multisectoriel en train de se créer dans cette collectivité. Il s'agit d'un modèle si spectaculaire que, à mon avis, tout le Canada aurait intérêt à étudier le cas de cette collectivité.

º  +-(1650)  

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    Le président: Pourriez-vous nous faire parvenir de l'information à ce sujet? En trouve-t-on dans votre site Web?

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    Mme Jessica Ball: Mount Currie a son propre site Web, et nous commençons tout juste à documenter cette question, je vais coucher le modèle par écrit et faire suivre le document au comité.

    En fait, un de mes diplômés autochtones en soins aux enfants et aux jeunes à l'Université de Victoria dirige un modèle de soins du jeune enfant comme point central au centre-ville de Victoria, dans les locaux du centre d'amitié autochtone. Cette initiative, appelée «Surrounded by Cedars Program» commence par un volet axé sur les soins du très jeune enfant, mais on propose également un certain nombre d'autres programmes d'aide à la famille, de formation professionnelle, d'emploi, de formation générale, de traitement de l'alcoolisme et des toxicomanies, des services financiers, etc. Il s'agit peut-être d'un modèle des plus intéressants à étudier.

    J'inclus également un programme de recherche que je mène avec l'aide de fonds du CRSH, soit l'étude du programme Bon départ à Comox sur l'île de Vancouver, qui est un petit centre urbain. Au départ, il s'agissait assurément d'un modèle multisectoriel utilisant le développement du jeune enfant comme point central. C'est une autre possibilité qu'il serait intéressant d'étudier.

    Sur le plan longitudinal, on lance à Terrace un programme Bon départ à l'intention des Autochtones appelé Kermode, conçu dès le départ comme un programme multisectoriel ayant le développement du jeune enfant comme point central. On pourrait en profiter pour étudier l'élaboration de l'un de ces programmes sur le plan longitudinal.

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    Le président: Mon Dieu qu'il est excitant d'entendre parler de tous ces programmes. Vous nous fournissez des informations très utiles.

    Ce que j'aimerais faire maintenant, c'est pousser plus loin dans la même veine. D'autres de nos invités, à commencer peut-être par Mme Williams, voudront peut-être réfléchir un peu à la possibilité pour nous d'utiliser l'école comme point central étant donné que le gouvernement fédéral est toujours confronté à un problème, en ce sens qu'il ne peut intervenir directement dans les écoles, mais nous aimerions pouvoir tirer avantage de leur existence tout en respectant la Constitution.

    Madame Williams, vous pouvez réagir et, si vous le voulez, tuer dans l'oeuf la théorie que j'ai avancée.

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    Mme Christa Williams: Non, j'y serais assurément favorable. C'est généralement ce que nous avons recommandé pour un modèle d'école communautaire incluant le développement du jeune enfant de même que l'éducation élémentaire et secondaire, sans oublier des services relatifs au développement du jeune enfant et le réseau de la maternelle à la 12e année, les éléments relatifs à la santé et aux services dentaires dont il a été question, les services sociaux, les tentatives de règlement des problèmes avant qu'ils n'éclatent, de façon qu'on puisse intervenir avant que les choses n'aillent trop loin et n'entraînent l'éclatement des familles. Nous sommes donc favorables à ce que vous proposez, tout en étant conscients des défis.

    Comme je l'ai dit, nous avons réuni tous nos partenaires de l'éducation, le ministère de l'Éducation, toutes les institutions hors-réserve, le collège des enseignants, la fédération des enseignants, les commissaires scolaires, etc. Ce faisant, nous nous heurtons à un grand nombre de difficultés touchant les compétences respectives, mais, grâce à la volonté de faire bouger les choses, nous sommes parvenus à surmonter un grand nombre d'entre elles. Ce qu'il faut produire, c'est un partenariat positif entre les ministères fédéraux et provinciaux concernés à la table où nous nous réunissons avec les directeurs généraux régionaux et où siègent aussi des représentants du ministère de l'Enfance et de la Famille et du ministère des Enfants et des Femmes autochtones, du moins je crois que c'est ainsi qu'on les appelle—en Colombie-Britannique, ils ont tous de nouveaux noms—sans oublier le ministère de la Santé...

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    Le président: Ce que je crois comprendre, c'est qu'ils ont de nouveaux noms et moins d'argent. Est-ce le portrait général de la situation?

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    Mme Christa Williams: Oui, c'est à peu près ce qu'on observe ici.

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    Le président: D'une certaine façon, je suppose, on utilise le nom au lieu de l'argent.

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    Mme Christa Williams: On avait besoin de nouvelles cartes de visite, je suppose, ou d'un nouveau papier à en-tête. On a donc utilisé une partie de l'argent.

    Là, il faut améliorer les communications. Je pense que l'un des obstacles, une fois de plus, tient au problème d'attitude qu'ont des gens, c'est-à-dire la capacité d'examiner la situation et de se dire que la coopération est possible, sans que l'un cherche à imposer quoi que ce soit à l'autre. Voilà ce que nous cherchons à clarifier à la table. Cette question était le premier point à l'ordre du jour. Nous ne demandons à personne d'assumer plus de responsabilités que celles qui relèvent de leur mandat par le truchement des champs de compétences ou de faire quelque chose de neuf. Tout ce que nous leur demandons, c'est de faire les choses différemment : travailler différemment, mais pas plus fort. Cela prend du temps, mais je pense que nous allons y parvenir.

    Réunir tous ces services et soutenir les familles, plutôt que d'obliger les enfants à s'adresser à gauche et à droite pour obtenir divers services, constitue donc une évolution positive.

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    Le président: Merci beaucoup. C'est encourageant. Je pense que nous nous orientons dans la même direction.

    Je vais peut-être donner le dernier mot à Mme Cardinal, qui a un véritable centre dont l'assise géographique se trouve «au vieil aéroport», un centre communautaire.

º  +-(1655)  

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    Mme Phyllis Cardinal: On m'a interrogée à de nombreuses reprises sur la population de l'Amiskwaciy Academy. En Alberta, on dénombre 44 Premières nations, et 42 d'entre elles sont représentées à mon école. En outre, il y a huit établissements métis, et six d'entre eux sont représentés. Enfin, nous avons des élèves qui viennent d'aussi loin que le Labrador. On retrouve donc de nombreuses nations réunies sous un même toit. Mon école offre des services à ces jeunes d'une manière respectueuse pour chacun.

    Lorsque la Ville d'Edmonton s'est lancée dans cette aventure et m'a invitée à en faire partie, je ne savais pas trop dans quoi je m'embarquais, en particulier du point de vue de la fréquentation de tous ces jeunes d'horizons différents. En me familiarisant avec eux, le système et les problèmes auxquels les élèves sont confrontés, je me suis rendu compte que bon nombre d'entre eux, à leur arrivée, étaient aux prises avec de graves problèmes, en particulier l'analphabétisme. Au moment même où ils franchissaient la porte, ils étaient voués à l'échec, selon les statistiques : s'ils accusaient au moins deux années de retard, ils n'allaient pas terminer leur programme d'études secondaires. J'oserais dire que, malgré ce fait, ce n'est pas ce qui va arriver. Au cours de la première année d'activité—et nous en sommes à la troisième—, 72 p. 100 des élèves inscrits en 12e année ont obtenu leur diplôme. L'année dernière, la proportion a été de 100 p. 100, et je m'attends à la même chose cette année. Il a été difficile de recueillir des appuis, que ce soit au niveau fédéral, provincial ou municipal, pour venir en aide à ces jeunes.

    L'automne dernier, un de vos collègues, le ministre Nault, m'a invitée à siéger à un groupe de travail. À l'occasion de notre première rencontre, il nous a demandés de réfléchir à des moyens novateurs de venir en aide aux jeunes des quatre coins du Canada. Nous lui avons présenté un rapport préliminaire, et il nous a dit que ce n'était pas mal, mais qu'il tenait à ce que notre réflexion sorte des sentiers battus. L'une des principales recommandations issues du rapport était la prise en compte des Indiens inscrits vivant hors réserve. En fait, il nous a fortement recommandé d'en faire une partie majeure de notre rapport en raison du mouvement de nos gens vers les grands centres urbains.

    Plus récemment, on m'a invitée à étudier la possibilité d'offrir un programme avant l'école secondaire, au niveau élémentaire en dernière analyse. Au cours de la prochaine année environ, le visage de l'Amiskwaciy Academy va donc changer. L'initiative vise à répondre à ces préoccupations et à mettre au point un programme qui va enrichir ces enfants et même inciter des parents à fréquenter l'école. Les propos d'un des parents m'ont vraiment frappée. L'un de mes collègues, un non-Autochtone, a demandé à cette dame pourquoi elle ne venait pas à l'école, et elle a rétorqué : qu'arrive-t-il à la mouche prisonnière d'une pièce où il fait chaud? Il ne comprenait pas ce qu'elle voulait dire. Eh bien, elle reste sur le mur : à l'école, c'est comme ça que je me sens, comme une mouche dans une pièce où il fait chaud. Je reste donc sur le mur, où je ne suis pas la bienvenue. C'était donc le défi : travailler avec les parents, faire en sorte qu'ils se sentent les bienvenus, les inviter et nous éloigner, non sans mal, de l'attitude institutionnalisée.

    Si j'avais une suggestion à faire, ce serait la suivante : donnez-moi l'argent, et je vais m'en occuper. Mais je sais qu'il y a de nombreux projets valables partout au Canada, lesquels doivent être soulignés et soutenus, sur le plan fédéral et provincial. Je sais que le gouvernement fédéral est tenu d'obéir à la Constitution. Dans le rapport du groupe de travail, on mentionnait que, au regard de la Constitution, les droits issus de traités sont transférables et que les jeunes en question ont droit aux mêmes services hors des réserves que dans les réserves, même si bon nombre d'entre eux en sont privés. À l'école, c'est nous qui assumons les contrecoups de cette situation. Je ne veux pas que des enfants essuient un refus ou aient le sentiment de ne pas appartenir au système scolaire simplement parce que les écoles n'ont pas les ressources nécessaires pour les aider dans cette transition.

»  -(1700)  

    Dans le cadre des projets existants pour les Autochtones, je suis donc d'avis que les sommes et les projets devraient être le prolongement d'une école et entretenir des liens avec les enfants, puisque ce sont eux qui sont l'objet de notre attention.

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    Le président: Sur cette conclusion, tout à fait appropriée, je tiens à vous remercier de nous avoir aidés à apporter une autre dimension à notre étude, d'avoir réagi à nos réflexions initiales sur le rapport, d'avoir brossé le portrait de la situation et de nous avoir fourni certains conceptions à étoffer. Nous avons tous eu un après-midi très riche et stimulant, et je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous voir.

    La séance est levée.