SCYR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 21 octobre 2003
¹ | 1520 |
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)) |
Mme Deborah Jeffrey (coprésidente, Groupe de travail national sur l'éducation, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien) |
¹ | 1525 |
Le président |
Mme Pamela Hunter (coordonnatrice sociale des services à l'enfance et à la famille, Assemblée des Premières nations) |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
¹ | 1530 |
Le président |
Le chef Gibby Jacob (Nation Squamish, Groupe de travail technique d'évaluation environnementale des Premières nations) |
Le président |
Le chef Gibby Jacob |
¹ | 1535 |
¹ | 1540 |
Le président |
¹ | 1545 |
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne) |
Mme Deborah Jeffrey |
M. Larry Spencer |
Mme Deborah Jeffrey |
¹ | 1550 |
M. Larry Spencer |
Le président |
M. Larry Spencer |
Mme Pamela Hunter |
M. Larry Spencer |
Mme Pamela Hunter |
M. Larry Spencer |
Mme Pamela Hunter |
Le président |
¹ | 1555 |
M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.) |
Le président |
Mme Deborah Jeffrey |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
º | 1600 |
Le chef Gibby Jacob |
Le président |
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.) |
º | 1605 |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
º | 1610 |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Le président |
M. John Finlay (Oxford, Lib.) |
º | 1615 |
Mme Deborah Jeffrey |
M. John Finlay |
º | 1620 |
Mme Deborah Jeffrey |
M. John Finlay |
Le président |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Mme Anita Neville |
Mme Deborah Jeffrey |
Le président |
M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ) |
Le président |
M. Sébastien Gagnon |
Mme Deborah Jeffrey |
º | 1625 |
M. Sébastien Gagnon |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
º | 1630 |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
Le président |
Mme Pamela Hunter |
Le président |
Le chef Gibby Jacob |
º | 1635 |
Le président |
Le chef Gibby Jacob |
Le président |
M. Larry Spencer |
Mme Pamela Hunter |
º | 1640 |
M. Larry Spencer |
Mme Pamela Hunter |
Le président |
Mme Deborah Jeffrey |
M. Larry Spencer |
Mme Deborah Jeffrey |
Le président |
Le chef Gibby Jacob |
º | 1645 |
Le président |
CANADA
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mardi 21 octobre 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1520)
[Traduction]
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Bienvenue à tous, à commencer bien sûr par Amy, qui est adorable et qui, à cinq mois, semble vouloir exprimer son point de vue.
Comme de coutume au Parlement, les parlementaires viennent quand leurs horaires le leur permettent; vous verrez peut-être des gens arriver au cours de la séance, et nous espérons qu'ils vont rester. Mais nous n'aimons pas faire attendre les témoins et nous devons profiter du temps qui nous est alloué.
Je voudrais commencer par préciser certaines choses en guise d'introduction. Vous savez, comme nous l'avons expliqué dans la lettre que nous vous avons envoyée, que nous effectuons une série d'études sur les enfants autochtones. Nous avons commencé par les enfants de zéro à six ans vivant dans les réserves. Nous avons ensuite étudié les jeunes Autochtones de zéro à douze ans en milieu urbain. En passant, je signale aux membres du comité que le gouvernement doit donner sa réponse à ce rapport d'ici le 7 novembre au plus tard, parce qu'il doit la déposer dans un certain laps de temps. Vous allez donc avoir cette réponse bientôt.
Nous entreprenons maintenant la troisième et dernière étude de la série, qui porte sur les jeunes Autochtones de six à douze ans vivant dans les réserves. Nous avons essayé d'organiser notre travail de manière à mieux comprendre certaines choses qui se sont passées récemment, par exemple les travaux du Groupe de travail national sur l'éducation constitué par le ministre.
Nous sommes très heureux de recevoir la coprésidente du Groupe de travail national sur l'éducation—et, je dois dire, la mère d'Amy—, Deborah Jeffrey. S'il y a un comité qui doit se montrer accueillant envers les enfants, c'est bien celui-ci. Si nous ne pouvons pas le faire, nous ne devrions pas être ici.
Nous recevons également Mme Pamela Hunter, qui est coordonnatrice sociale des services à l'enfance et à la famille pour l'Assemblée des Premières nations, ainsi que le chef Gibby Jacob. Bienvenue à tous les trois.
Je suggère que nous entendions d'abord les présentations de chacun des témoins et que nous passions ensuite aux questions. Nous aurons ainsi une idée plus globale de ce que vous avez à nous dire.
Madame Jeffrey, voulez-vous commencer? Si vous êtes dérangée, nous comprendrons.
Mme Deborah Jeffrey (coprésidente, Groupe de travail national sur l'éducation, ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien): Bon après-midi, mesdames et messieurs, membres du comité et invités. Merci de nous avoir permis de vous rencontrer cet après-midi. Je m'appelle Deborah Jeffrey et j'ai coprésidé le Groupe de travail national sur l'éducation.
Notre groupe de travail a soumis au ministre Nault et au ministre Owen, en décembre dernier, son rapport intitulé Nos enfants—Gardiens du savoir sacré. Conformément à notre ordre de renvoi, notre mandat a pris fin une fois ce rapport terminé. Par conséquent, nous ne sommes pas vraiment au courant de ce qu'il est advenu de nos recommandations.
Je me ferai cependant un plaisir de vous faire part de mon point de vue sur les progrès de la mise en oeuvre des recommandations du Groupe de travail national sur l'éducation, à titre d'éducatrice des Premières nations en Colombie-Britannique. Je suis également présidente du Comité directeur de l'éducation des Premières nations, une organisation provinciale vouée à la promotion d'une éducation de qualité pour les apprenants des Premières nations.
Les recommandations contenues dans le rapport Nos enfants—Gardiens du savoir sacrése situent dans la même veine que celles qui figuraient dans une multitude de rapports et d'études antérieurs. Les faits saillants de la troisième enquête effectuée auprès des membres des Premières nations vivant dans des réserves montrent que l'éducation est un des principaux défis à relever pour les enfants et les adolescents autochtones. Près de la moitié des répondants à cette enquête ont également affirmé que l'éducation dispensée aux enfants et aux adolescents autochtones dans les réserves est de qualité inférieure à celle que reçoivent les autres Canadiens.
Les résultats de cette enquête, avec les autres indicateurs socioéconomiques, mettent en relief la nécessité de s'occuper proactivement de l'éducation des Premières nations en appliquant les recommandations sous la direction et le leadership des Premières nations. La prise en main de l'éducation de leurs membres par les Premières nations elles-mêmes est un thème qui revient constamment dans notre rapport, et elle est essentielle à une transformation de l'éducation des Premières nations.
Depuis la publication du rapport, je suis au courant de deux initiatives du MAINC qui se rattachent directement aux recommandations. Premièrement, une somme de 8 millions de dollars a été réservée à l'échelle nationale pour corriger les injustices relatives aux salaires versés aux enseignants des écoles des Premières nations. Et une somme de 2 millions, encore une fois à l'échelle nationale, permettra de soutenir la participation des parents à l'éducation.
En Colombie-Britannique, nous avons signé en juillet un protocole d'entente sur la compétence et les pouvoirs des Premières nations en matière d'éducation. Une des recommandations de notre rapport appuyait la négociation de cette entente.
Depuis que le rapport a été déposé, nous n'avons pas entendu grand-chose sur le suivi des recommandations qu'il contient. À titre de coprésidente, j'espère que ce rapport apportera des changements positifs dans l'éducation des Premières nations au niveau communautaire. Je pense surtout aux trois principales recommandations que nous avons faites au sujet du partage des compétences, de l'infrastructure et du financement, et qui devaient être mises en oeuvre simultanément. Il s'est fait beaucoup de travail en peu de temps. Il y a eu des recherches excellentes qui ont aidé à orienter les délibérations, ce que nous trouvons très utile en Colombie-Britannique.
Je voudrais également vous parler du rôle du MAINC dans l'éducation des Premières nations. Le ministère verra son rôle réduit dans ce domaine à mesure que les Premières nations en assumeront la responsabilité. Un rôle accru de sa part nuirait aux progrès dans le domaine de l'éducation des Premières nations. L'élaboration d'une stratégie globale doit se faire sous la direction et le leadership des Premières nations.
Comme on m'a demandé de limiter la durée de ma présentation, je vous remercie de m'avoir invitée à m'adresser à vous aujourd'hui. C'est en développant une éducation de qualité que nous allons bâtir des communautés saines et viables, dans lesquelles des jeunes ayant de grandes aptitudes culturelles et linguistiques pourront participer pleinement à la vie économique de leur communauté et de la société canadienne tout entière.
Nous devons tenir compte de la multitude de rapports et d'études dont les auteurs réclament des changements dans l'éducation des Premières nations. Ces changements doivent respecter la diversité qui existe entre les Premières nations du Canada. Autrement dit, il ne peut pas y avoir un seul modèle pour tout le monde.
¹ (1525)
Le président: Merci beaucoup, madame Jeffrey.
J'aimerais faire quelques présentations puisque nous avons maintenant quatre membres du comité dans la salle.
[Français]
la présence de M. Gagnon.
[Traduction]
Je pense que vous avez déjà rencontré M. Spencer, de l'Alliance canadienne, et Ovid Jackson, d'Owen Sound. Ce sont tous mes amis, en passant.
Qui va commencer? Le chef Jacob ou Mme Hunter? Est-ce que vous allez nous faire une présentation tous les deux? Qu'est-ce que vous avez convenu?
Mme Pamela Hunter (coordonnatrice sociale des services à l'enfance et à la famille, Assemblée des Premières nations): Je suis ici moi aussi pour faire passer un message au sujet de l'éducation. Le chef Jacob va vous parler de l'examen mixte national.
Le président: Parfait. Alors, voulez-vous commencer?
Mme Pamela Hunter: Certainement.
Le président: Nous laisserons ensuite la parole au chef Jacob.
Mme Pamela Hunter: Cette présentation a été préparée par notre service de l'éducation, à l'APN, sous la direction d'un comité de chefs et d'un comité technique.
Au sujet du Groupe de travail national sur l'éducation, l'APN se réjouit que le gouvernement fédéral accorde une haute priorité à l'éducation des Premières nations. Elle félicite également les membres du groupe pour leurs recherches, leur contribution et leurs recommandations au ministre.
Tout le monde s'entend pour dire qu'il faut agir immédiatement dans trois domaines : le transfert de la compétence de l'éducation aux Premières nations; la création d'une infrastructure pour l'éducation des Premières nations, soutenue par des mécanismes permettant aux Premières nations d'exercer leur compétence en matière d'éducation; et la révision des budgets d'éducation afin de refléter les véritables coûts du renouvellement et de la réforme de l'éducation des Premières nations.
Les recommandations n'avaient rien de nouveau pour les Premières nations. Elles reprenaient d'autres textes rédigés par les Premières nations dans le passé. Mais l'essentiel, c'est qu'elles soient mises en oeuvre. Le Canada doit s'engager à entamer des discussions sur le partage des compétences afin de soutenir l'infrastructure des Premières nations, et fournir des fonds suffisants pour répondre aux besoins des écoles et des enfants des Premières nations.
Les écoles des Premières nations offrent du soutien éducatif et culturel à leurs enfants et à leurs communautés, mais elles souffrent de sous-financement chroniquement depuis au moins dix ans. La qualité de l'éducation des Premières nations ne cesse de s'éroder à cause de ce manque de fonds. Les Premières nations doivent offrir des programmes et des services d'éducation comparables à ceux des provinces, avec beaucoup moins d'argent que tous les systèmes provinciaux.
Il existe deux poids, deux mesures pour le système scolaire des Premières nations et les systèmes scolaires provinciaux en raison des mécanismes de financement existants. Les budgets actuels sont insuffisants et ne répondent pas aux besoins réels. Et la segmentation des sommes consacrées aux programmes ne favorise pas le développement de l'infrastructure.
Les Premières nations estiment que l'éducation de leurs enfants est un outil fondamental pour développer et consolider le bien-être de ces enfants, de leurs familles et de leurs communautés. Elles veulent préparer leurs enfants à perpétuer leur culture en tant que citoyens productifs et épanouis.
Le droit à une éducation de qualité est un droit fondamental. L'éducation est indispensable pour garantir et protéger les autres droits fondamentaux. Elle fournit la base nécessaire pour la concrétisation du droit à la santé, à la liberté, à la sécurité, au bien-être économique et à la participation aux activités politiques et sociales. Lorsque le droit à une éducation de qualité est garanti, les gens peuvent plus facilement profiter de leurs autres droits, ils ont de meilleures chances dans la vie et la pauvreté diminue.
Le manque de fonds pour l'éducation spécialisée dans les écoles des Premières nations signifie souvent que les élèves de ces écoles qui ont des besoins spéciaux très coûteux doivent partir de chez eux pour fréquenter des écoles provinciales où ils pourront obtenir les services dont ils ont besoin. Lorsqu'on nie à un enfant ayant des besoins particuliers le droit de vivre une vie pleine et satisfaisante dans des conditions qui garantissent sa dignité, favorisent son autonomie et facilitent sa participation active à la vie de sa communauté, on contrevient à l'article 23 de la Convention des Nations Unies sur les droits de l'enfant. L'éducation des enfants des Premières nations qui ont des besoins particuliers doit bénéficier de ressources du gouvernement fédéral, comme partie intégrante du programme non discrétionnaire d'éducation des Premières nations.
Merci.
¹ (1530)
Le président: Merci.
Nous poursuivons l'examen que nous avons amorcé la semaine dernière sur deux voies parallèles, à savoir l'éducation et les services pour les enfants pris en charge, par exemple; nous allons donc changer de voie maintenant.
Nous vous souhaitons la bienvenue, chef Jacob, et nous vous invitons à faire votre présentation.
Le chef Gibby Jacob (Nation Squamish, Groupe de travail technique d'évaluation environnementale des Premières nations): Merci.
Bon après-midi, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité.
Mon nom ancestral est Kákeltn, et je suis un des chefs héréditaires de la nation squamish. Je voudrais vous présenter un de mes collègues, le chef Bill Williams, Telalsemkin siyam, qui est également un de nos chefs héréditaires.
Je suis heureux de vous annoncer que j'ai été nommé récemment au comité organisateur des Jeux olympiques et paralympiques d'hiver de 2010, et je suis fier de porter l'étendard au nom des Premières nations.
Le président: Je ne peux pas m'empêcher de vous demander si votre maison est sous l'eau. J'ai presque peur de vous poser la question.
Le chef Gibby Jacob: Heureusement, il y a un barrage en amont, mais trois de nos communautés ont été évacuées. Nous vivons une situation difficile, mais nos gens sont en sécurité. Nous nous en sommes assurés avant de partir. Merci de votre sollicitude.
Au nom de l'Assemblée des Premières nations, je tiens à vous remercier de votre invitation à m'exprimer devant vous aujourd'hui et aussi à vous faire part des regrets du chef national, Phil Fontaine, qui souhaitait vraiment être présent et espère avoir de nouveau l'occasion de vous rencontrer dans un proche avenir.
J'apprécie l'occasion qui m'est offerte d'être ici aujourd'hui pour aborder avec vous la question de l'examen de la politique nationale mixte sur les services à l'enfance et à la famille des Premières nations, les SEFPN. Ce projet a été conduit par les Premières nations. Les Premières nations ont insisté pour que des changements soient apportés aux politiques régissant les agences chargées de ces services. Nous voulions les améliorer, en accroître l'efficacité pour nos communautés, nos familles et nos enfants.
Le bien-être des enfants des Premières nations est une question qui fait partie intégrante des plans de l'Assemblée des Premières nations pour l'avenir et que le chef national Fontaine a abordée à plusieurs reprises en public depuis sa réélection au mois de juillet.
En tant que dirigeants des Premières nations, nous comprenons qu'il nous incombe, vis-à-vis des enfants et des familles qui nous ont accordé le mandat de les représenter, d'insister en leur nom pour que des changements surviennent. C'est une responsabilité que nous prenons très au sérieux, et nous continuerons de suivre cette question de près en vue d'atténuer les inégalités dont nos enfants sont victimes.
Les 17 recommandations auxquelles a donné lieu l'examen de la politique nationale mixte ont directement trait à des mesures qui doivent être mises en place par les Premières nations et le gouvernement du Canada en vue de réduire ces inégalités. La plupart de ces recommandations demeurent en suspens et n'ont pas eu de suite. Pour parler franchement, elles ont été mises de côté pendant que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien poursuivait son propre programme.
Il est important de noter que ces 17 recommandations ont été adoptées à l'unanimité par toutes les parties qui ont contribué à l'examen de la politique nationale mixte. Le rapport et ses conclusions ont reçu l'appui unanime des chefs en assemblée et ont été ratifiés par voie de résolution. Il est également important de noter que le rapport final sur l'examen de la politique nationale a été publié au moins de juin 2000, il y a donc trois ans et demi. Le fait est que très peu de progrès ont été réalisés en vue d'une quelconque amélioration sensible de la politique.
La principale recommandation, qui demeure sans suite, porte sur le besoin d'élaborer une nouvelle formule de financement pour le programme des services à l'enfance et à la famille des Premières nations. La suite à donner à cette recommandation a fait l'objet de nombreuses discussions, mais le fait demeure qu'elle doit immédiatement être mise en application. Il est plus que temps.
Le chef national Fontaine est bien conscient que le processus d'examen de la politique nationale a été mis en oeuvre pendant son précédent mandat à la tête de l'Assemblée des Premières nations. Il porte le plus grand intérêt à l'application des recommandations contenues dans le rapport final qui a été rédigé dans le cadre de cet examen. Le chef national et les dirigeants des Premières nations de partout au pays se rendent compte que la protection de l'enfance est un enjeu fondamental qui a une incidence profonde sur nos communautés. La formule de financement en vigueur actuellement est extrêmement limitée et restrictive pour les agences chargées des SEFPN.
Une des principales préoccupations des Premières nations est que les ressources sont inexistantes pour la prestation de services de prévention ciblés. Elles ne sont disponibles que lorsqu'un enfant a été pris en chargé et placé. Les agences chargées des SEFPN n'ont pas les moyens de faire de la prévention et de dispenser à domicile des services de soutien à la famille. Dans la plupart des provinces, pourtant, de tels services de prévention sont obligatoires, et les agences sont tenues de les assurer. Nos agences s'efforcent de se conformer à cette exigence. Dans bien des cas, elles se retrouvent en déficit parce qu'elles offrent certains types de services lorsque cela s'avère possible.
¹ (1535)
Ces agences sont chargées par les provinces et les territoires d'assurer des services de protection de l'enfance, mais elles sont financées par le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Le financement fédéral ne s'adapte pas aux changements apportés par les provinces à leur législation et à leurs normes. Il ne prévoit pas de ressources pour les services de soutien à la famille, même si un gouvernement provincial décide d'axer ses efforts sur la prévention plutôt que sur les services de protection. Que doivent faire les agences chargées des SEPFN? Que doivent faire les familles des Premières nations et leurs enfants?
Le MAINC soutient que, théoriquement, le financement pour la prévention est pris en compte dans la formule. Cependant, dans la pratique, il a reconnu à maintes reprises que les ressources faisaient défaut. L'enjeu décisif, pour les Premières nations, c'est que nous voulons être en mesure d'identifier et d'aider les familles à haut risque qui ont besoin de services de soutien avant qu'une crise ne survienne. Nous voulons intervenir avant qu'un enfant ne doive être retiré du foyer familial.
Les agences chargées des SEFPN veulent disposer de la capacité de dispenser des services de soutien à la famille. Nous voulons mettre un terme à la pratique selon laquelle un enfant doit être pris en charge pour bénéficier de services à la famille. Des enfants sont pris en charge inutilement parce que les ressources ne sont pas disponibles en première ligne. Pour ce faire, nous avons besoin de soutien et de ressources au sein de nos agences chargées des SEFPN.
Le gouvernement fédéral a affirmé à plusieurs reprises qu'il voulait faire en sorte que les programmes et services soient accessibles et qu'ils profitent à tous les enfants et à toutes les familles, de sorte qu'aucun enfant ne soit oublié. Les Premières nations s'attendent à ce que le gouvernement fédéral se conforme à ses engagements.
En raison des inégalités en matière de financement du programme des SEPFN, les enfants et les familles des Premières nations ne bénéficient pas de services comparables à ceux qui sont régulièrement dispensés aux familles et aux enfants hors réserve. Il s'agit d'une pratique discriminatoire, qui doit cesser.
Les Premières nations ont attendu assez longtemps que des changements notables soient apportés à la politique relative aux SEFPN. La phase d'examen de la politique nationale a débuté voilà bientôt cinq ans, et le gouvernement fédéral a reconnu à plusieurs reprises cet écart dans le financement des agences chargées des SEFPN. Le temps des paroles est révolu, il faut maintenant agir et apporter des changements substantiels.
En outre, il est impératif que l'assise d'une nouvelle formule permettant d'injecter des sommes additionnelles soit dès maintenant élaborée par le MAINC et les Premières nations, de concert avec le Cabinet et le Conseil du Trésor. Les investissements en matière de protection de l'enfance ne sont pas exempts de coûts, et le fait d'améliorer le système ainsi que la façon d'appliquer les politiques nécessite des mises de fonds substantielles dont les effets se feront sentir à long terme. Le gouvernement fédéral dans son ensemble et le MAINC en particulier doivent démontrer leur volonté politique d'apporter les changements nécessaires en vue de modifier la politique et de garantir les ressources nécessaires pour que ces changements soient adéquats.
Dans l'attente qu'une nouvelle formule puisse être élaborée et approuvée par le gouvernement, les Premières nations réclament le rétablissement immédiat du rajustement de vie chère pour les agences chargées des SEFPN. Cette clause particulière de la politique actuelle du MAINC fait l'objet d'un gel depuis 1994-1995, et les agences en ont été privées. Son rétablissement est une décision qui peut être prise au sein du MAINC; cependant, la volonté politique nécessaire pour déterminer et attribuer les ressources a fait défaut. Il s'agit d'une mesure provisoire qui pourrait atténuer une partie des contraintes budgétaires auxquelles font face les agences chargées des SEFPN.
De telles mesures peuvent être mises en place dès maintenant. Il s'agit d'établir des priorités et de déterminer quelles sont celles qui doivent avoir préséance, et pourquoi.
Je tiens à souligner que nous avons étudié le rapport intitulé Bâtir un avenir meilleur pour les enfants autochtones en milieu urbain, que votre sous-comité a déposé en juillet 2003. Je vous félicite d'avoir inclus une recommandation ayant trait à celles qui ont découlé de l'examen de la politique nationale mixte. Nous apprécions votre soutien, et je veux encourager les membres de votre sous-comité à appuyer les Premières nations dans leurs efforts en vue d'élaborer une nouvelle formule de financement pour le programme des SEFPN.
Tous les efforts que nous avons déployés visent à bâtir un avenir meilleur pour nos enfants. De nombreuses études ont révélé que la grande majorité des enfants pris en charge sont autochtones et viennent des Premières nations. Leur nombre est estimé à environ 22 000 dans tout le Canada. Ce chiffre est troublant et inquiétant.
¹ (1540)
Les dirigeants des Premières nations sont résolus à enrayer ce cycle. Les membres de nos communautés nous disent qu'il s'agit d'une question cruciale. Nos familles sont le socle de nos communautés. Si leur santé laisse à désirer, celle de nos communautés s'en ressent. La santé de nos familles a une incidence sur chacun des aspects de la vie communautaire, y compris la prospérité future de nos nations. Les gens des Premières nations veulent ce que tout le monde souhaite pour ses enfants : un bon départ dans la vie, de l'aide quand ils en ont besoin et des possibilités qui leur permettent d'exploiter tout leur potentiel.
En tant que dirigeants des Premières nations, et sous l'impulsion de l'Assemblée des Premières nations, nous continuerons de prôner le changement chaque fois que l'occasion s'en présentera afin d'aider les travailleurs et travailleuses de nos communautés à avoir accès aux outils et aux ressources nécessaires pour atteindre cet objectif.
En terminant, je tiens à affirmer que la mise en oeuvre des recommandations découlant de l'examen de la politique nationale mixte est cruciale pour les Premières nations. Toutefois, notre objectif ultime est d'en arriver à ce que la protection des enfants des Premières nations relève de notre compétence absolue. Nous n'aurons de cesse d'atteindre cet objectif, en étant conscients que cela nécessitera du temps et un dialogue approfondi avec le gouvernement fédéral.
Je remercie à nouveau les membres du sous-comité de m'avoir donné l'occasion d'être ici aujourd'hui et de pouvoir aborder les questions relatives à la protection des enfants des Premières nations, notamment l'examen de la politique nationale mixte sur les SEFPN. Je me ferai un plaisir d'en discuter avec vous plus en détail et de répondre à toute question que vous pourriez soulever.
Merci.
Le président: Merci beaucoup, chef Jacob. C'est extrêmement utile.
Ce sera une surprise pour les deux députés qui viennent de se joindre à nous. Voici Mme Neville, et voici Amy avec sa mère. M. Finlay vient d'arriver.
J'avais organisé la séance de manière à ce que nous nous penchions sur la question des enfants pris en charge à votre retour, mais vous étiez là pendant tout ce temps. Alors, c'est parfait.
Nous poursuivons les travaux que nous avons amorcés la semaine dernière sur deux voies : d'abord l'éducation, et ensuite les services de protection de l'enfance et les enfants pris en charge. Nous avons entendu la semaine dernière une présentation des gens du ministère, et nous continuons avec les gens qui se sont occupés de l'enquête sur l'éducation, ce qui était la responsabilité de l'APN, et avec ceux qui s'occupent de protection de l'enfance.
Vous pouvez poser des questions et faire des interventions sur l'un ou l'autre de ces aspects. J'invite Larry Spencer à commencer.
¹ (1545)
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président, et merci à vous tous pour votre contribution d'aujourd'hui.
Chaque fois que nous rencontrons un groupe de témoins comme celui-ci, la question est toujours tellement complexe qu'il est très difficile de savoir par où commencer. Je vais suivre l'ordre des témoignages et poser quelques questions à chacun des témoins.
Pour commencer, Deborah, vous avez mentionné que le leadership des Premières nations était très important pour le système d'éducation. Est-ce que vous voulez parler du leadership administratif ou des enseignants également? Y a-t-il suffisamment d'enseignants des Premières nations ou est-ce qu'il y a un problème là aussi?
Mme Deborah Jeffrey: Je suis heureuse de pouvoir répondre à votre question.
Il est crucial, pour les membres de la communauté, que les Premières nations prennent en main leur éducation parce que c'est ce qui permet à une société de se perpétuer. Donc, pour que notre culture puisse survivre à long terme, nous devons être les principaux décideurs dans ce domaine.
Pour ce qui est du leadership administratif qui s'exerce en Colombie-Britannique, il existe depuis une dizaine d'années une organisation dirigée par les communautés. Ce sont les communautés qui soutiennent cette infrastructure—le Comité directeur de l'éducation des Premières nations—et qui décident de ce qu'il faut faire en termes de recherche et d'examen de la politique, par exemple. Cette organisation bénéficie de nombreux appuis parce qu'elle est dirigée par la communauté, et que les Premières nations y participent et en orientent les initiatives.
Quant au nombre d'enseignants des Premières nations au Canada, je dirais qu'il est loin d'être satisfaisant. Notre groupe de travail a examiné un rapport national à ce sujet-là. En Colombie-Britannique, par exemple, je pense que 1,3 p. 100 des enseignants viennent des Premières nations, alors que c'est le cas de près de 8 p. 100 des élèves des écoles publiques. Il y a donc un déséquilibre flagrant. Nous avons vraiment besoin de nombreux enseignants des Premières nations. Mais en attendant, le travail en partenariat serait également utile, tout comme la mise en place d'un certain nombre de variables dans la formation des enseignants, pour qu'ils soient mieux en mesure de s'occuper des élèves des Premières nations.
En Colombie-Britannique, nous avons créé un consortium pour la formation des enseignants autochtones; il se compose de représentants des programmes conférant des diplômes et a pour mandat d'établir des stratégies qui permettront d'augmenter le nombre d'enseignants des Premières nations. Ce consortium fonctionne bien, et il bénéficie d'un appui de 420 000 $ du ministère.
Nous pouvons donc agir sur divers plans, mais je ne pense pas qu'il soit nécessaire d'attendre l'arrivée de ces enseignants. Nous devons prendre dès maintenant des décisions cruciales au sujet de l'éducation des Premières nations.
M. Larry Spencer: Je me suis installé à Regina en 1974. Une des premières familles dont j'ai fait la connaissance et avec qui je me suis lié d'amitié était une famille des Premières nations. À cette époque-là, le jeune homme de cette famille venait de se marier. Il est maintenant vice-président de la First Nations University à Regina. Il s'agit de la famille Stevenson, que vous connaissez peut-être.
Cette université occupe des locaux magnifiques là-bas. Comment pourrait-elle aider à préparer des enseignants, à votre avis? Est-ce que vous la connaissez?
Mme Deborah Jeffrey: Je pense que nous devons travailler avec toutes les organisations existantes pour former plus d'enseignants des Premières nations et régler la question du recrutement. Nous devons également soutenir la création d'établissements d'enseignement postsecondaire des Premières nations. Il y en a très peu, dans tout le pays, qui sont accrédités et qui peuvent former plus d'enseignants, non seulement pour les communautés des Premières nations, mais pour l'ensemble du système public. Nous devons donc avoir recours à tous les organismes existants pour qu'ils nous aident à faire avancer les choses.
¹ (1550)
M. Larry Spencer: D'accord, combien de temps me reste-t-il?
Le président: Je suis généreux.
M. Larry Spencer: Vous êtes généreux? D'accord, alors je vais poser une question à Pamela avant d'aller plus loin. Je vais ensuite prendre quelqu'un d'autre dans ma mire—pas littéralement, bien sûr, parce que nous n'avons pas d'armes à feu enregistrées au comité.
Pamela, vous avez mentionné qu'il fallait notamment un engagement à tenir des discussions sur le partage des compétences. Que voulez-vous dire par là? Comment voyez-vous les choses?
Mme Pamela Hunter: Je m'excuse, mais je ne peux pas vous parler en détail du Groupe de travail national sur l'éducation. Je m'occupe surtout du dossier des services à l'enfance et à la famille. Je vous transmets en fait cette information de la part de mes homologues qui s'occupent d'éducation.
M. Larry Spencer: D'accord, alors permettez-moi de vous poser une autre question à laquelle vous devriez pouvoir répondre, il me semble.
Vous avez également mentionné le manque de fonds pour l'éducation des Premières nations. Nous en avons déjà parlé. Le chef Jacob a soulevé la question lui aussi, mais comment ce manque de fonds est-il le plus visible pour vous, qui vous occupez de l'éducation des Premières nations?
Mme Pamela Hunter: La première chose qui me vient à l'esprit, c'est le manque de fonds pour les élèves des écoles des Premières nations qui ont des besoins particuliers. C'est un problème qui persiste depuis un certain temps. Je sais qu'il n'y a pas assez d'argent dans le système d'éducation pour fournir ce genre de services dans les écoles des Premières nations. Les organismes d'aide à l'enfance et le système d'éducation se renvoient la balle et s'en chargent quand ils peuvent trouver les fonds nécessaire. Mais nous pensons que les écoles des Premières nations devraient disposer des budgets nécessaires.
M. Larry Spencer: Vous êtes certainement consciente du fait que c'est un problème très difficile, qui n'est pas propre aux Premières nations. Ma femme vient de prendre sa retraite de l'enseignement, et il est arrivé à l'occasion, au fil des années, que des enfants ayant des besoins particuliers soient placés dans sa classe. Quand les besoins de ces enfants étaient assez criants, elle avait de l'aide spécialisée. On s'inquiète toujours au sujet des enfants comme ceux-là, surtout quand on est un parent.
Mais ma femme, qui enseignait à ces enfants-là, arrivait parfois à la maison le coeur brisé au cours de l'année parce qu'elle avait six, sept ou huit enfants dans sa classe qui étaient bien près de réussir, mais qui ne réussissaient pas tout à fait. Elle savait qu'un jour ou l'autre, peut-être avant l'école secondaire et en tout cas avant l'université, ces élèves seraient éliminés parce qu'ils ne réussiraient pas assez bien. Mais si ces six enfants avaient eu de l'aide, il aurait été possible de sauver six vies.
Il est très difficile de savoir combien d'argent consacrer à ces enfants-là, et quand, plutôt qu'à l'ensemble des élèves. Je ne sais pas si vous avez réfléchi à la question, mais c'est certainement un problème.
Mme Pamela Hunter: En effet. Je sais que c'est un problème aussi dans les autres écoles. Je pense que tout le monde est au courant des statistiques sur les taux de décrochage scolaire des Premières nations, et du nombre d'enfants qui ont une déficience ou des besoins particuliers. Les chiffres sont effarants. C'est une situation qui influe vraiment sur le nombre de jeunes des Premières nations qui poursuivent leurs études, et c'est un gros problème. Comme vous l'avez dit, si nous pouvons offrir ce service, nous pourrons peut-être amener ces enfants-là à terminer leurs études plutôt que de les perdre en route.
Le président: Merci, monsieur Spencer.
Il y a autour de la table une foule d'enseignants, d'anciens enseignants ou de gens mariés à des enseignants. Il vont vous parler une dizaine de minutes—et moi aussi, bien sûr.
Puisqu'il est question d'enseignants et d'anciens enseignants, justement, avez-vous des questions, monsieur Jackson?
¹ (1555)
M. Ovid Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.): Merci, monsieur le président. Bienvenue à nos invités. Je suis absolument convaincu que nos communautés autochtones possèdent un riche patrimoine. Nous pouvons beaucoup apprendre d'elles, et elles ont de quoi être fières de leurs oeuvres d'art et de leur mosaïque culturelle. Je suis sûr que leur population est fière de tout ce qu'elles veulent faire. Nous allons nous occuper des matières de base, mais sur le plan culturel, si elles peuvent s'orienter dans cette direction, cela leur permettrait certainement de centrer leur action.
Nous avons un plan de mise en oeuvre, et ainsi de suite, mais quels sont les obstacles? Pourquoi ne progressons-nous pas? Nos invités pourront peut-être nous guider dans la bonne direction.
Le président: Je ne suis pas le témoin, Dieu merci.
Vous avez tous mentionné le fait que les choses ne semblent pas progresser alors que ces rapports existent et qu'ils contiennent des recommandations. Je pense que vous avez tout à fait le droit de vous poser des questions sur ces dossiers et d'analyser la situation. Mais permettez-moi d'ajouter mon grain de sel.
On nous a dit, la semaine dernière, qu'un des obstacles rencontrés, en particulier par les services à l'enfance et à la famille, est précisément cette décision de tenir des tables régionales de manière à faciliter les communications entre le ministère, l'Assemblée des Premières nations et les divers directeurs d'organismes de service. Ces tables ont connu divers degrés de succès et ont plus ou moins disparu. Ce serait peut-être une raison suffisante pour justifier les retards, mais les points de vue divergent à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous vous invitons à réfléchir à ces questions et à répondre soit au rapport sur l'éducation, soit au rapport sur les services à l'enfance et à la famille.
Mme Deborah Jeffrey: C'est un domaine complexe et les fondements de tous nos mouvements en tant que Premières nations sont les droits et titres ancestraux auxquels nous sommes profondément attachés. Les agences avec lesquelles nous traitons de manière régulière dans le domaine de l'éducation ou d'autres domaines, n'aiment pas beaucoup cette notion ou n'y adhèrent pas vraiment et nous opposent un certain nombre d'obstacles.
Par exemple, parmi les 27 recommandations contenues dans le rapport que vous avez déposé, trois concernent le racisme—les obstacles auxquels se heurtent certaines des initiatives que nous proposons. Lorsque nous présentons nos initiatives, je pense que nous nous heurtons à l'idée implicite que les gens des Premières nations seront toujours différents et que leurs droits sont protégés par la Constitution. C'est vraiment dommage car nous devons progresser dans le domaine de l'éducation des Premières nations ainsi que dans d'autres domaines afin de pouvoir bâtir des collectivités saines pour notre peuple et également pour l'ensemble de la population canadienne.
Je vous dis ceci en pensant à l'opinion manifestée par le Comité des droits de l'homme des Nations Unies en 1999 selon lequel la question la plus pressante qui se pose de nos jours aux Canadiens est celle de la situation des peuples autochtones. Mais là encore, ce point de vue a été laissé de côté dans de nombreux domaines. Souvent, les gens n'aiment pas se pencher sur les affaires litigieuses susceptibles de modifier le statu quo, comme l'incapacité des Canadiens à faire face à la pauvreté et au sort des sans-abri. Ce sont des questions très complexes qui nécessitent un changement fondamental dans la façon dont nous traitons la population.
À mon avis, nombreux sont les gens qui refusent d'adopter les notions de droits et titres ancestraux qui sont le fondement même de notre mouvement et n'en perçoivent pas la signification. Ces notions exigent une redistribution du pouvoir et du contrôle qui est très difficile à obtenir. Cependant, nous sommes décidés à y parvenir à long terme.
J'espère que cela répond à votre question.
Le président: Votre réponse est très utile et je me demande si d'autres témoins ont des commentaires à formuler.
Mme Pamela Hunter: J'aimerais répondre. Je partage le point de vue de Deborah. Par ailleurs, au sujet de l'examen de la politique nationale, je pense que le ministère des Affaires indiennes fait preuve d'un manque de volonté politique pour la mise en oeuvre de certaines recommandations, en particulier celles qui concernent la création des tables régionales dont vous avez parlé. En 2001-2002, le ministère avait prévu le financement de ces tables. Or, en 2002-2003... Une fois que notre budget a été établi, on s'est aperçu que les tables ne seront pas financées cette année non plus. Alors, c'est bien sûr que ces tables n'ont pas grand succès, puisque nous n'avons pas les ressources nécessaires pour organiser les réunions. Les moyens existent et certaines personnes ont le pouvoir de réaliser de telles choses.
D'autre part, il y a la question du rétablissement de l'indemnité de vie chère dont le chef Jacob a parlé. C'est une décision qui peut être prise à l'interne au ministère, mais pour certaines raisons, rien ne se passe. Ce sont des obstacles que nous essayons de contourner afin de concrétiser certaines des recommandations.
º (1600)
Le chef Gibby Jacob: Merci.
Ce que les Autochtones remarquent, c'est que l'on assiste à une sorte de délestage ou à une réduction des effectifs dans les ministères. Si je me replace dans une perspective historique, en tant que chef élu de ma collectivité depuis 22 ans, je peux dire que je connais la fluctuation des crédits fédéraux. Certaines années, on atteint un sommet et deux ou trois ans plus tard, on recule à nouveau. J'ignore si cela est lié à la situation économique de notre pays ou non, mais c'est une question qui nous préoccupe beaucoup.
Il y a aussi le revers de la médaille. En 1993, les crédits ont été gelés et l'indemnité de vie chère qui venait s'ajouter au financement, a été supprimée. Ce que l'on propose maintenant sous la forme de services à l'enfance et à la famille, ce sont des dollars dévalués de moitié—si vous voyez ce que je veux dire. Pour fonctionner et rattraper le niveau de 1993, il faudrait augmenter considérablement les fonds qui nous sont accordés.
Je ne peux m'exprimer qu'au nom de ma collectivité, mais nous avons beaucoup d'enfants à charge. Nous avons conclu des ententes déléguées avec le gouvernement provincial. Vous avez peut-être entendu parler aux nouvelles du cas des deux enfants que nous essayons de récupérer à Toronto. Ils avaient été placés ici et nous essayons de les ramener dans leur famille élargie. Ils ont beaucoup de parents chez nous.
Nos collectivités tentent de faire progresser les choses et d'offrir les meilleurs services pour leur population. J'ai des cousins qui sont revenus chez eux après avoir été adoptés il y a 30 ans. Ils étaient revenus nous voir quand ils avaient 19 ans et ils étaient très amers. Nous leur avions dit qu'ils étaient importants pour notre communauté et ils nous ont traités de menteurs. Ils disaient : « Pourquoi ne nous avez-vous pas recherchés? » D'autres témoins vous ont peut-être parlé de cas semblables, mais j'en ai fait moi-même l'expérience dans ma propre communauté. Ils avaient l'impression d'avoir perdu leur identité. Ils ne se sentaient pas à l'aise dans le monde extérieur. Quand ils sont revenus chez eux, ils ne connaissaient rien de leur propre peuple. C'est une des raisons principales pour lesquelles nous voulons garder nos enfants chez nous. Merci.
Le président: Madame Neville ou monsieur Finlay.
[Français]
M. Gagnon a passé son tour.
[Traduction]
Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous prie d'excuser mon retard. J'avais une autre réunion et je suis désolée d'avoir manqué tous les exposés.
Tout ce débat m'intéresse beaucoup, mais surtout les questions qui concernent l'éducation. Je viens de Winnipeg. Je me suis engagée dans la collectivité au sujet de l'éducation autochtone sous plusieurs angles. J'aimerais savoir comment le gouvernement fédéral et les collectivités peuvent d'après vous, et compte tenu des compétences que nous devons respecter, prendre part au système éducatif en milieu urbain. J'ai beaucoup de questions, mais j'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet.
Ne vous inquiétez pas pour le bébé, il est adorable. C'est pour cela que nous sommes ici.
º (1605)
Mme Deborah Jeffrey: Merci de votre patience.
Je dirais qu'en Colombie-Britannique, nous avons encore beaucoup de chemin à faire, même si nous avons nettement amélioré la situation en matière de consolidation des relations. Il y a quelques années, nous avons élaboré et signé un protocole d'entente s'adressant à tous les intervenants du domaine de l'éducation en Colombie-Britannique : les syndics, le syndicat des enseignants et l'institut pédagogique. Les neuf signataires se sont engagés à améliorer le succès scolaire des élèves autochtones. Nous continuons à nous rencontrer tous les trimestres.
Nous avons défini les priorités et les plans d'action pour appliquer notre programme, mais, de mon point de vue d'enseignante, la publication des données sur les élèves autochtones a été l'un des facteurs les plus décisifs. Actuellement, on publie pour tous les districts scolaires les taux d'obtention de diplôme, les niveaux d'inscription dans les écoles pour élèves spéciaux et les établissements de transition. Beaucoup de données sont publiées et ces données jouent un rôle de catalyseur pour inciter les districts à communiquer plus facilement avec nous.
En Colombie-Britannique, nous nous dirigeons également vers l'utilisation d'une entente d'amélioration qui amènera chaque district scolaire à rencontrer les représentants des Premières nations pour définir les buts et les priorités afin d'améliorer l'éducation autochtone. Par ailleurs, tous les districts scolaires sont désormais tenus de préparer un contrat de responsabilité qui inclura une entente d'amélioration.
Par conséquent, il existe un certain nombre de facteurs de responsabilité qui contribuent à faire progresser le débat et à nous aider à mettre en place de meilleures stratégies. Notre taux d'obtention de diplôme reste faible puisque 43 p. 100 des élèves n'obtiennent pas leur diplôme par rapport à la moyenne nationale d'environ 30 p. 100. Cependant, la situation s'améliore. Je suis convaincue que ces mesures de responsabilité qui ont reçu l'appui de nos partenaires et assurément celui des politiques provinciales ont été d'une grande aide.
Mme Anita Neville: Je sais que la Colombie-Britannique a une formule de financement différente ou tout au moins une administration fiscale que je ne connais pas bien. Je ne peux pas me prononcer pour les autres régions. Comment se fait le financement? D'où provient l'argent?
Mme Deborah Jeffrey: C'est une question complexe...
Mme Anita Neville: Je sais.
Mme Deborah Jeffrey: ... tout dépend de ce que vous voulez savoir. Mais je partage le point de vue de ma collègue Pamela et j'estime que les Premières nations sont nettement sous-financées par rapport aux écoles provinciales. Je considère que c'est honteux. Nos enfants devraient être placés sur un pied d'égalité avec les autres enfants de Colombie-Britannique.
Si vous voulez parler des 75 millions qui ont été transférés à la Colombie-Britannique, ils ont fait l'objet d'une décision judiciaire il y a un an et demi. Cette décision a supprimé l'option de frais directs de scolarité, si bien que les districts scolaires ne doivent plus communiquer avec les Premières nations afin de négocier une entente locale d'éducation, parce que les fonds sont versés directement au ministère, puis au district scolaire.
Actuellement, grâce aux autres options que nous mettons en place, nous réclamons que le gouvernement provincial modifie sa politique sur les ententes locales d'éducation et l'inclue dans la loi sur les établissements scolaires, de façon à ce que les districts scolaires soient tenus de communiquer avec les Premières nations. La seule façon d'améliorer l'éducation des Premières nations consiste à établir cette relation. Nous avons parfois besoin d'un peu plus de soutien pour établir ces relations.
Mme Anita Neville: Quand vous parlez des Premières nations et des districts scolaires locaux, est-ce qu'il s'agit d'Autochtones qui habitent dans le périmètre du district scolaire ou d'enfants qui proviennent d'autres collectivités pour fréquenter les établissements du district scolaire local?
Mme Deborah Jeffrey: Nous avons les deux. En Colombie-Britannique, environ deux tiers de nos élèves fréquentent les écoles provinciales. Nous avons dans les réserves des écoles provinciales, mais elles ne vont que jusqu'à la dixième année. Les élèves de onzième et douzième année doivent aller à l'école en ville. Par conséquent, il y a différentes options.
Mme Anita Neville: Très bien.
Je lisais le résumé que nous avons reçu au sujet du document sur l'éducation et je suis frappée par les similitudes avec le document produit par la division scolaire de Winnipeg en 1990. C'est ce que je connais le mieux. Mais je sais que tous les changements apportés en matière d'éducation autochtone—et il y en a eu beaucoup—ont été financés par les contribuables locaux, non pas par des subventions provinciales ou des crédits provenant des collectivités des Premières nations.
J'aimerais tout simplement savoir comment on peut s'y prendre pour améliorer les perspectives scolaires des enfants autochtones en milieu urbain et d'où provient le financement.
Mme Deborah Jeffrey: Je pense que cela exige un engagement continu de la part des éducateurs...
Mme Anita Neville: Oui, évidemment.
Mme Deborah Jeffrey: ... parce que j'ai entendu une fois un professeur dire que l'on peut juger de la qualité d'un système d'éducation par la façon dont il traite le plus humble des citoyens. Nous ne sommes pas les plus humbles des citoyens, mais nous sommes certainement les moins bien traités en matière de services de soutien.
Dans les années 60, le rapport Hawthorne révélait que les enseignants avaient des attentes limitées à l'égard des élèves autochtones et cette attitude est encore très présente partout au pays. Par conséquent, ce serait pratiquement miraculeux de pouvoir sensibiliser les éducateurs afin de souligner la diversité qui existe et de se réjouir d'avoir des élèves autochtones dans notre système scolaire.
À l'heure actuelle, je dirais que mes collègues du système provincial estiment pour la plupart que c'est un handicap d'être d'ascendance autochtone. C'est une perception injuste qui doit être changée. À mon avis, c'est un reliquat de l'héritage colonial qui perdure jusqu'à nos jours. L'attitude des enseignants qui souhaitent nous cultiver et nous faire oublier ce que nous sommes est malheureusement encore bien vivante.
Nous devons donc faire face à la réalité. Le racisme existe bel et bien sous forme institutionnelle et systémique et il faut s'y attaquer de manière proactive afin de l'éradiquer totalement. En tant qu'éducatrice, je crois que nous recherchons toujours la conformité. Nous devons réfléchir à notre façon d'éduquer les enfants et agir de manière un peu plus proactive.
º (1610)
Mme Anita Neville: Comment envisagez-vous un rôle plus actif du gouvernement fédéral dans ce domaine?
Mme Deborah Jeffrey: Je ne pense pas que le gouvernement fédéral devrait intervenir plus dans l'éducation des Autochtones. Il y a des éducateurs comme moi qui sont très engagés dans leurs collectivités et qui souhaitent travailler pour leur bien-être. Je parle de la situation en Colombie-Britannique.
Nous avons un conseil composé de 55 éducateurs et techniciens et nous prenons des décisions sur la politique et l'éducation des Autochtones. Je suis présidente de l'organisation et nous animons des séances régionales afin de vérifier le point de vue des collectivités sur la façon dont les priorités doivent être déterminées et sur les options que nous allons choisir.
Nous entretenons de bonnes relations de travail avec le ministère de la Colombie-Britannique. Il appuie les initiatives que nous avons définies, parce qu'il sait que nous sommes en position de force puisque les collectivités nous appuient et qu'elles sont à l'origine des objectifs que nous poursuivons.
Comme je l'ai indiqué dans mon exposé, nous ne pensons pas que AINC devrait avoir un rôle accru; nous pensons au contraire que son rôle devrait diminuer. Par contre, nous voulons obtenir un appui adéquat des collectivités. Nous avons présenté au bureau régional de Colombie-Britannique des études qui démontrent que nous sommes gravement sous-financés. Cela nous a permis de faire quelques progrès dans ce domaine, mais nous devons nous attaquer à l'insuffisance du financement national actuel.
En comparaison, les districts scolaires ont des centres de ressources, il y a les ministères de l'Éducation et des millions de dollars pour les niveaux secondaires et tertiaires de l'infrastructure afin d'aider les apprenants. Le système éducatif des Premières nations ne dispose pas d'organes semblables ni du financement nécessaire pour en créer.
Voilà le type d'inégalité flagrante auquel il faut remédier pour nous permettre de progresser.
Mme Anita Neville: Merci.
Le président: Monsieur Finlay, avez-vous des questions?
M. John Finlay (Oxford, Lib.): Merci, monsieur le président.
Je tiens moi aussi à remercier les témoins et à m'excuser d'être un peu en retard. J'avais un invité de ma circonscription. Nous ne nous sommes pas rencontrés au point de presse après la période des questions depuis quelque temps, mais nous nous sommes rendus jusqu'ici. Je suis désolé d'avoir manqué vos exposés, madame Jeffrey et madame Hunter. Chef, c'est un plaisir de vous revoir.
Ayant travaillé pendant 36 ans dans l'éducation, j'ai beaucoup de questions. J'aimerais essayer de comprendre pourquoi la situation est différente pour les Autochtones et pour les autres élèves. Nous avons eu des échanges de personnel entre les écoles de Grand Valley et les Six Nations—un enseignant de là-bas siégeait à notre conseil et nous avions des initiatives conjointes—ce n'était pas grand-chose et je pense que ce n'était pas assez.
Ma question fait référence au commentaire de Mme Neville. Je me demande si l'un d'entre vous pourrait me résumer votre point de vue. Vous l'avez peut-être exposé dans votre documentation—je ne vous cache pas que je ne l'ai pas lue en entier.
D'après vous, que devraient savoir les enseignants autochtones et quelle formation devraient-ils recevoir pour briser, comme vous l'avez dit, ces barrières ou cette discrimination? Je serais incapable d'enseigner le mohawk, parce que c'est une langue que je ne connais pas. Pourtant, d'après ce que j'entends dire, l'anglais, ou le français—je ne suis pas sûr—est la langue principale d'enseignement dans les écoles autochtones. Il me semble que la barrière de la langue a une certaine importance.
º (1615)
Mme Deborah Jeffrey: Tout d'abord, la responsabilité de l'éducation des Autochtones n'incombe pas uniquement aux apprenants autochtones. En tant qu'éducateurs et en tant que société et nation bien respectée dans le monde, il nous incombe à tous de faire en sorte que l'éducation soit équilibrée et complète.
Or, on enseigne encore, en 2003, aux élèves de dixième année que les Français et les Anglais ont fondé le Canada. Voilà, à mon avis, un mensonge flagrant. Les fondateurs de notre pays sont les Autochtones et pourtant, les manuels d'histoire continuent à enseigner ce mensonge.
Voilà le genre de choses que nous devons, en tant qu'éducateurs, commencer à dénoncer. Comme l'a indiqué le chef Jacob dans son exposé, ce que les familles des Premières nations veulent pour leurs enfants n'est pas différent de ce que veulent les familles des autres enfants. Nous voulons leur offrir des options et des possibilités. Nous voulons qu'ils soient compétents sur le plan linguistique et culturel. Mais il faut également qu'ils aient les compétences nécessaires pour pouvoir réussir dans des établissements comme McGill et l'Université de Colombie-Britannique.
Par conséquent, nous devons nous pencher à long terme sur la façon dont nous éduquons les enseignants, afin de mieux les préparer à la société que nous avons au Canada, et en particulier en ce qui a trait aux besoins des élèves autochtones. Les enseignants autochtones ne devraient pas enseigner seulement aux élèves autochtones. Nous autres les éducateurs, nous devons intervenir dans tous les secteurs du système d'éducation publique de manière à lui permettre de répondre aux besoins de tous les apprenants et pas seulement à ceux de nos élèves. Par exemple, sur 40 000 enseignants en Colombie-Britannique, nous sommes environ 400 dans le système public et sur ces 400, je suis prête à parier que les salaires de 300 d'entre nous, comme le mien, proviennent des crédits destinés aux Premières nations.
D'après moi, cela en dit long sur l'inclusion et le respect. Parfois, nous sommes engagés uniquement pour les programmes liés à la culture autochtone, alors que nous avons les mêmes compétences que les autres enseignants. On devrait pouvoir m'engager pour enseigner en septième année à Prince George ou en quatrième année à Kelowna. Voilà des questions beaucoup plus importantes auxquelles nous devons encore nous atteler.
Je vais vous donner quelques détails sur mes antécédents. J'ai été coprésidente du groupe de travail de la B.C. Teachers' Federation sur l'éducation des Autochtones pendant deux ans. Par ailleurs, je suis présidente du comité directeur depuis cinq ans. J'ai siégé au Comité national de la Fédération canadienne des enseignantes et des enseignants, en plus de coprésider le groupe de travail national. Par conséquent, le point de vue que j'exprime s'appuie sur mes expériences dans ces domaines, ainsi que sur de nombreuses expériences au niveau local dans les écoles de Premières nations de ma collectivité d'origine.
M. John Finlay: Merci, monsieur le président. C'est bon à savoir.
J'ai moi aussi une petite expérience personnelle à vous rapporter brièvement. Cela s'est passé dans le nord de l'Ontario. Je faisais un voyage en canot sur la rivière Albany avec trois amis. Nous avons embarqué sur la rivière Kabinakagami, juste au nord de Hearst et nous nous sommes rendus jusqu'à la Baie James. Cela nous a pris sept ou huit jours.
J'étais censé prendre l'avion à Fort Albany, sur la rivière Albany, pour me rendre à Winnipeg afin d'assister au caucus national—cela se passait il y a deux ans. Comme nous ne sommes pas arrivés assez tôt à Fort Albany, nous nous sommes rendus à Kashechewan, à l'estuaire de l'Albany dans la Baie James. J'ai débarqué pour aller voir ce qu'on pouvait faire, parce que je devais téléphoner à ma femme pour la rassurer et lui dire que je ne m'étais pas noyé.
C'est ainsi que nous avons rencontré des enseignants. L'année scolaire venait tout juste de commencer et à peu près la moitié des enseignants de l'école élémentaire et de l'école secondaire venaient du Québec, de l'Ontario, de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick, et un de l'Île-du-Prince-Édouard. Ils faisaient là-bas leurs premières armes d'enseignants et ils avaient reçu leur formation dans le réseau scolaire des Maritimes. L'école secondaire et l'école élémentaire étaient dirigées par des Autochtones et environ la moitié des enseignants étaient eux aussi des Autochtones.
Il me semble que ce genre d'expérience et de situation contribuerait énormément à régler certains problèmes que nous avons évoqués. Ces jeunes gens étaient intéressants et c'était un plaisir de parler avec eux et de passer quelques heures à les écouter parler de leurs projets.
Je suppose que la situation est différente en Colombie-Britannique.
º (1620)
Mme Deborah Jeffrey: C'est vrai dans une certaine mesure, mais je crois pouvoir dire sans me tromper que parmi tous les éducateurs, y compris le personnel de soutien et les cadres de l'administration, nous sommes moins de 2 p. 100 d'Autochtones dans le conseil scolaire. Nous n'avons pas de surintendant autochtone et il y a très peu d'administrateurs autochtones, tout au moins dans le secteur public. Cependant, je crois que nous faisons d'énormes progrès grâce à diverses initiatives.
M. John Finlay: Merci, monsieur le président.
Le président: Madame Neville, avez-vous une question de suivi?
Mme Anita Neville: Que doit-on faire pour faire appliquer les recommandations émanant du groupe de travail sur l'éducation? Comment les mettre en application? Où en est la situation?
Mme Deborah Jeffrey: Pour faire avancer les recommandations, il faudrait avoir des rencontres avec les Premières nations des diverses régions du pays afin de déterminer une marche à suivre. Je pense que la plus grande erreur serait d'imposer une méthode. En Colombie-Britannique, nous avons une infrastructure provinciale, mais elle a été créée par la communauté et fondée sur la communauté. Ce serait une erreur d'imposer une structure aux autres régions. Nous devons réunir les électeurs de la région concernée afin de déterminer comment ils souhaitent procéder.
Je pense que tous les gens qui ont lu le rapport, les éducateurs avec qui j'ai parlé, appuient le plus souvent les recommandations. Il n'y a rien de nouveau. Il suffirait d'une volonté politique avec l'injection de crédits pour le financement équitable des questions d'éducation.
Mme Anita Neville: Où en sommes-nous actuellement et quels seraient les montants nécessaires?
Mme Deborah Jeffrey: Comme je l'ai indiqué dans mon rapport, le mandat de notre groupe de travail a pris fin au moment du dépôt du rapport. En tant que coprésidente du groupe de travail, je n'ai jamais été contactée au sujet de l'évolution des recommandations. Mais mon travail d'éducatrice et mon engagement au niveau de l'éducation des Autochtones sur le plan provincial m'ont permis de me tenir au courant de certaines initiatives. C'est au ministère de vous donner cette réponse.
[Français]
Le président: C'est à votre tour, monsieur Gagnon. Je ne sais pas si vous avez des questions pour le chef Jacob, mais il va certainement revenir.
M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Non, mes questions seront pour Mme Jeffrey.
Le président: Allez-y, monsieur Gagnon.
M. Sébastien Gagnon: Merci pour votre présence aujourd'hui. Je vous félicite, madame Jeffrey, car c'est tout un exploit que de répondre à nos questions avec un petit bébé. Étant moi-même père d'un bébé de 14 mois, j'ai dû, à quelques reprises, faire des allocutions avec un bébé. Alors, je sais ce que c'est.
Cela étant dit, je voudrais bien saisir le message que vous nous avez transmis, madame Jeffrey, mais aussi sensibiliser mes collègues aux politiques et aux programmes mur à mur. Le Québec a toujours protégé ses acquis en matière d'éducation panquébécoise, par rapport à l'implication du gouvernement fédéral dans cette dynamique. Tout au long des rencontres qu'on a eues, divers panélistes nous ont parlé, effectivement, du manque de flexibilité et de la flexibilité que le gouvernement fédéral pourrait donner à des communautés comme la vôtre, entre autres, ce qui pourrait faire en sorte de répondre un peu plus aux besoins de la communauté et favoriser la passation des connaissances par l'intermédiaire de l'enseignement que vous pouvez donner.
Pourriez-vous nous éclairer sur cette flexibilité dans les programmes qui vous permettrait, en tant qu'enseignante, de répondre plus spécifiquement aux besoins de la communauté par rapport à cela?
[Traduction]
Mme Deborah Jeffrey: En tant qu'éducatrice, je dirais que nous devons aller de l'avant avec la mise en oeuvre des recommandations contenues dans le rapport. Mais je dois également préciser que le Québec défend jalousement sa compétence en matière d'éducation et nous autres les Premières nations défendons jalousement nos compétences dans tous les domaines, soit encore une fois les enjeux relevant des droits et titres ancestraux.
Il faut disposer d'une certaine flexibilité pour mettre en place les initiatives réclamées dans le rapport—flexibilité qui nécessite de la part des établissements postsecondaires une plus grande ouverture d'esprit pour repenser leurs programmes de formation des enseignants. Ils devraient proposer au moins un cours, comme l'a recommandé la Commission royale sur les peuples autochtones, qui s'intéresse à l'histoire et à la culture des Premières nations afin que nous puissions, dans une certaine mesure, améliorer le climat qui règne au sein de l'éducation autochtone et mieux répondre aux besoins de notre communauté.
Pour mettre en place ces recommandations, il faut une volonté politique qui a fait défaut jusqu'à présent. Le résultat de tout cela dépendra bien entendu des ministères et organismes gouvernementaux concernés. En Colombie-Britannique, au moins, depuis que nous avons signé notre protocole d'entente, nous avons progressé dans la négociation des compétences qui sont provisoires, jusqu'à ce que les Premières nations concluent des traités ou des ententes d'autonomie gouvernementale. Au cours de nos négociations, nous avons noté, tout au moins du côté du gouvernement fédéral, une meilleure disposition à appuyer notre programme.
º (1625)
[Français]
M. Sébastien Gagnon: Ce que je dis, monsieur le président, c'est qu'il serait important, lors de la rédaction du rapport, de noter cette flexibilité. Je prendrais aussi exemple sur le Québec, qui, dans ses relations avec les autochtones, donne une bonne marge de manoeuvre aux groupes autochtones, et ce, à plusieurs égards.
Merci.
[Traduction]
Le président: J'aimerais dire avant tout combien je suis impressionné par le nombre de personnes ici présentes qui savent s'occuper des enfants. Cette petite fille sera certainement très bien adaptée socialement, vu sa capacité à interagir avec les différents adultes. C'est extraordinaire.
J'ai l'impression, chef Jacob, que vous avez l'habitude de vous occuper des bébés.
J'aimerais poser deux questions. Tout d'abord, je crois que l'on peut voir les choses sous un autre angle dans le domaine des services à l'enfance et à la famille pour les Premières nations et dans le domaine de l'éducation, car je suis toujours intéressé par les collectivités qui parviennent à surmonter les obstacles et à atteindre leurs objectifs malgré tous les problèmes que leur pose le système. J'aimerais savoir si vous avez connaissance de certaines Premières nations qui réalisent des choses extraordinaires dans l'un ou l'autre de ces secteurs et parviennent à de bons résultats malgré tous les obstacles qu'elles peuvent rencontrer. J'aimerais comprendre un peu mieux comment elles s'y prennent pour réussir, si c'est le cas.
Je ne sais pas si vous avez quelque chose à dire à ce sujet.
Mme Pamela Hunter: Je peux vous citer plusieurs exemples à brûle-pourpoint. Une de nos plus belles réalisations est celle de la West Yellowhead Child and Family Services Authority, juste à l'extérieur d'Edmonton. On a parlé de moi aux nouvelles il y a quelques mois, parce qu'il y avait des problèmes de financement touchant la province, le ministère des Affaires indiennes et l'agence. Malgré tout cela, cette agence a lancé un projet pilote qui a donné naissance à un des meilleurs programmes d'adoption selon les principes de la coutume autochtone.
Ce programme est essentiellement parvenu à trouver, pour une trentaine d'enfants autochtones, des foyers d'adoption dans les collectivités de la zone qu'il dessert. Ce programme applique les principes traditionnels de la famille—la véritable adoption selon la coutume amérindienne. Le projet pilote lui a donné la flexibilité nécessaire pour y parvenir—puisqu'il disposait des crédits nécessaires pour le faire.
º (1630)
Le président: En passant, d'où proviennent ces crédits?
Mme Pamela Hunter: Je crois que les coûts sont partagés entre la province de l'Alberta et le ministère.
Le président: Le MAINC?
Mme Pamela Hunter: Oui.
Les Services à l'enfant et à la famille de la région de l'Ouest, au Manitoba, ont eux aussi obtenu d'excellents résultats. Ils ont lancé un projet pilote en vue d'instaurer une formule de financement global qui leur accordera essentiellement une plus grande souplesse pour mettre en place des programmes parallèles de soutien à la famille que les autres agences ne peuvent pas proposer parce qu'elles ne disposent pas d'un financement global.
Conséquence positive d'une récente décision du Cabinet, les Affaires indiennes ont proposé récemment au Cabinet d'offrir le financement global comme option aux agences. Nous ne savons pas encore comment cela se présentera, puisque le Conseil du Trésor n'a pas encore terminé la rédaction des conditions. Mais certaines agences sont très heureuses.
Le président: Je pense qu'on devrait se pencher sur de tels exemples, parce que nous ne voyons souvent que l'autre côté des choses.
Chef Jacob, vous avez beaucoup d'expérience et je me demande si vous souhaitez présenter votre point de vue sur ce sujet.
Le chef Gibby Jacob: J'ai beaucoup d'expérience en effet, mais pas nécessairement dans ces deux domaines. Dans le secteur des services à l'enfance et à la famille, nous proposons à nos membres un programme depuis plus de dix ans. Le nom traditionnel que porte notre groupe est Ays Men Men, ce qui signifie prendre soin de nos enfants et de nos familles.
Nous avons plusieurs programmes qui fonctionnent très bien. Nous avons des programmes de nutrition. Comme dans beaucoup d'autres collectivités des Premières nations, nous avons beaucoup de jeunes parents qui sont à peine sortis de l'adolescence. Nous offrons des programmes de prévention. Les enfants doivent être élevés par leurs parents et non pas placés en foyer d'adoption ni élevés par leurs grands-parents, leurs tantes ou leurs oncles . Nous obtenons de bons résultats dans ce domaine et je suis assez fier du personnel qui gère ces programmes.
Comme je l'ai déjà mentionné, nous avons quelques enfants placés dans des foyers, mais ils vivent dans des familles élargies, dans des foyers qui sont situés en général dans la réserve. Ma soeur défunte et son mari nous ont laissé une maison qui nous permet d'accueillir les enfants dont nous avons la charge et que l'on ne peut pas placer dans leurs familles élargies.
Sur le plan de l'éducation, j'ai fréquenté une école catholique jusqu'à la huitième année et je n'avais pas vraiment de contacts avec des non-Autochtones, même s'il y en avait partout autour de nous. Nous vivions dans notre collectivité et ils vivaient dans la leur. Lorsque je suis allé à l'école publique, les valeurs étaient totalement différentes de celles auxquelles j'avais été habitué. Le changement fut radical.
Aujourd'hui, j'ai 52 ans et sur le groupe d'une cinquantaine d'élèves avec qui j'ai commencé l'école, je crois que trois ou quatre d'entre nous avons obtenu un diplôme. Le taux d'obtention de diplôme s'est un peu amélioré, mais cela n'a pas beaucoup changé. Je mentionne ceci parce que nous avons attendu longtemps pour obtenir des écoles maternelles pour nos enfants. Les locaux existaient, mais c'était de vieilles caravanes en mauvais état. Nous avons établi avec succès les modalités de financement avec le ministère des Affaires indiennes et la nouvelle école ouvrira ses portes en janvier. Elle accueillera les élèves du préscolaire à la cinquième année. Les enfants qui pourront fréquenter cette école seront pour commencer immergés dans notre culture. Tout comme Deborah, je pense que la culture est la planche de salut de notre peuple.
Beaucoup de collectivités du pays ont perdu leur langue et leur mode de vie traditionnel qui ont tout simplement disparu sans qu'elles y soient pour quelque chose. Notre culture s'effrite comme le granite. Nous espérons pouvoir offrir une initiation culturelle aux enfants du préscolaire à la cinquième année. et chaque professeur n'aura pas 50 élèves, mais peut-être une quinzaine. Les jeunes pourront donc apprendre à lire, à écrire et à compter dans un contexte culturel pertinent. Voilà comment il faut procéder.
Tous les gens de mon âge se sont contentés d'apprendre à lire, à écrire et à compter, mais maintenant, il y a toutes sortes de nouveautés, des thèmes d'études. À notre époque, il n'y avait pas ce genre de choses, mais il faut dire que ça remonte assez loin.
Pour ce qui est des réussites, je ne peux parler que de ma collectivité, et je suis assez fier de nos réalisations. Nous injectons une bonne partie de nos propres recettes dans ces deux programmes. Je n'en connais pas le pourcentage exact, mais nous consacrons 75 p. 100 des recettes de notre nation aux 130 programmes que nous administrons pour le compte de nos membres.
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Le président: Vous vivez sur le territoire des Squamish; normalement, quand il n'est pas inondé, c'est un secteur relativement prospère. Donc, j'imagine que les perspectives d'emploi y sont assez bonnes, en partie en raison de l'endroit.
Le chef Gibby Jacob: En fait, nous vivons à Vancouver-Nord. Nous sommes à l'extrémité nord du pont Lion's Gate, pour ceux qui savent où il se trouve.
Le président: C'est un bon endroit.
L'autre question—que Mme Jeffrey a soulevée, d'ailleurs—, c'est de comprendre le rapport entre l'universel et le spécifique. D'un côté, pour réussir, il faut respecter les spécificités culturelles du point de vue de la langue, des traditions, et ainsi de suite. De l'autre, il faut reconnaître en même temps les besoins universels de tous les enfants de cinq mois, qui qu'ils soient et où qu'ils soient nés. En un sens, certains des arguments les plus convaincants qu'on nous a présentés cet après-midi reposent tout simplement sur le fait que tous les enfants, quelle que soit leur origine, doivent avoir accès à des ressources de niveau similaire. C'est un de leurs droits universels; cela leur revient de droit en tant que Canadiens.
Dans les rapports très complexes que les Canadiens entretiennent avec les gens des Premières nations, nous devons toujours être en mesure de savoir dans quels cas nous pouvons avancer dans les domaines qui font l'unanimité, plutôt que de nous laisser paralyser par tous les différends qui nous opposent par ailleurs. Je pense que nous pouvons tous nous entendre sur l'importance des enfants et la nécessité de faire ce qu'il faut pour eux. Cela va au-delà du spécifique; c'est universel.
Quelqu'un d'autre a-t-il des commentaires à faire ou des questions à poser?
Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer: Le chef Jacob et les autres témoins ont mentionné que la formule de financement était un des principaux éléments à améliorer et à modifier; j'ai donc une question à poser au sujet de la formule elle-même. Je vois que, dans les recommandations, il y a neuf catégories sous cette rubrique.
Soyons clairs. Quand j'entends les mots « formule de financement », je pense inévitablement aux gouvernements fédéral, provinciaux, municipaux, et ainsi de suite—vous savez, un plus un plus un font trois, et c'est une formule pour le montant d'argent qui est versé. Est-ce que vous voulez parler de cet aspect-là de la formule, de ce que vous devez faire de votre côté pour recevoir des fonds, ou du montant des fonds?
Mme Pamela Hunter: Je peux répondre.
Nous voulons parler du montant des fonds, mais le financement du programme des services à l'enfance et à la famille comporte deux volets. Le premier, c'est l'entretien, c'est-à-dire les sommes nécessaires pour répondre aux besoins des enfants pris en charge. L'autre volet, ce sont les opérations, ce qui inclut tout l'argent nécessaire pour administrer une agence, par exemple pour payer les salaires et les déplacements. Une dépense qui ne peut pas être considérée comme une dépense d'entretien d'un enfant pris en charge doit être automatiquement couverte par le budget des opérations.
Les éléments de la formule actuelle concernant les opérations ne sont pas réalistes; ils n'incluent pas les véritables coûts d'administration des agences. Par exemple, il y a des coûts juridiques énormes pour les enfants pris en charge, par exemple pour se présenter devant les tribunaux, payer les avocats des agences, et ainsi de suite, mais ces coûts sont toujours contestés. À l'heure actuelle, le ministère juge que cela relève des opérations. Il n'y a pas de provision suffisante à cet égard parce qu'il est impossible de dire s'il y aura, pendant une année donnée, cinq causes qui vont traîner pendant des mois, une seule cause ou quoi encore? L'argument qu'avancent les Premières nations, c'est que cela devrait relever des budgets d'entretien parce que cela se rattache à l'entretien des enfants pris en charge. À l'heure actuelle, la composante des opérations est tout à fait irréaliste, et c'est un des éléments qu'il faudrait retravailler.
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M. Larry Spencer: Alors, vous avez besoin de paramètres plus réalistes pour les fonds de chaque catégorie, ou au moins d'une plus grande souplesse.
Mme Pamela Hunter: La formule relative aux opérations est fondée sur la population des enfants de zéro à 18 ans vivant dans les réserves, ce qui ne répond pas à nos besoins. Il faudrait tenir compte des besoins plutôt que du nombre d'enfants vivant dans les réserves au 31 décembre de chaque année. C'est difficile à établir.
La formule ne tient pas compte non plus des familles des réserves dont les enfants n'appartiennent pas à une Première nation, mais auxquelles les agences ont quand même le mandat de fournir des services dans les réserves.
Le président: Donc, vous dites que les chiffres réels sont plus élevés.
Mme Deborah Jeffrey: En Colombie-Britannique, nous avons réalisé une étude conjointe avec Bill Postl, le ministère des Affaires indiennes et le ministère provincial de l'Éducation, et nous avons constaté que les écoles des Premières nations étaient nettement sous-financées par rapport aux écoles provinciales. D'après mon expérience au sein du groupe de travail national, la situation est sensiblement la même partout au pays.
Le gouvernement fédéral paie à peu près ce que le gouvernement provincial lui demande de payer, mais les écoles des Premières nations sont sérieusement sous-financées par comparaison. Non seulement nous ne sommes pas payés de manière à couvrir nos coûts réels, mais nous ne recevons même pas la même chose que les systèmes provinciaux. Nos systèmes ne reçoivent pas les mêmes montants. Donc, il y a un réel déséquilibre dans le financement, et il faudra examiner cela de plus près.
M. Larry Spencer: Si vous recevez ces fonds, voulez-vous laisser entendre que votre conseil scolaire, ou votre organisme chargé de l'administration des écoles des Premières nations, est trop handicapé pour pouvoir décider où l'argent est nécessaire? Est-ce que vous devez trouver la bonne catégorie, sinon les fonds ne viennent pas du tout? Êtes-vous très limités dans votre capacité d'administrer ces fonds en fonction des besoins de votre district scolaire?
Mme Deborah Jeffrey: C'est seulement depuis l'annonce des sommes additionnelles consacrées à l'éducation spécialisée que nous recevons de l'argent à cette fin. Dans notre district scolaire, par exemple, les services à l'enfance en difficulté bénéficient de 6 500 $ de plus. Dans une école des Premières nations, avant l'annonce relative au versement de 65 millions de dollars sur deux ans et demi, pour l'ensemble du pays, nous étions loin de recevoir cette somme. Donc, quand Pamela a dit que nos enfants devaient quitter leur communauté pour avoir accès... Nous n'avions même pas obtenu de fonds pour un élève aveugle avant l'annonce de cet argent neuf.
Je parle toujours de la Colombie-Britannique parce que c'est là que je travaille et que j'habite, et parce que nous nous préparons depuis des années à recevoir ces sommes pour l'enfance en difficulté. En collaboration avec l'association regroupant les écoles des Premières nations et le Comité directeur de l'éducation des Premières nations, nous allons nous mettre au travail rapidement dès que nous recevrons cet argent. Nous avons déjà tout préparé. Nous travaillons en partenariat avec des établissements postsecondaires pour offrir une formation supplémentaire.
Une fois que ces sommes supplémentaires seront à notre disposition, nous pourrons faire le nécessaire pour apporter des améliorations importantes dans l'application des programmes d'éducation au niveau communautaire. Il est certain que tout le monde veut améliorer les choses. Nous avons lancé, par l'intermédiaire de notre association des écoles des Premières nations, de nouvelles initiatives qui amélioreront considérablement nos façons de faire.
Le président: Chef Jacob.
Le chef Gibby Jacob: Merci.
Nos services de l'éducation et du développement social nous ont dit que beaucoup de jeunes sont considérés comme des élèves en difficulté. Ils doivent subir une évaluation—les enseignants le savent probablement—pour voir où ils en sont, quelles sont leurs aptitudes et comment ils fonctionnent, sur le plan émotif et sur le plan physique.
Ces évaluations ont révélé que certains de ces enfants n'avaient pas de difficultés d'apprentissage particulières. Le problème était en partie lié à l'alimentation. Ces enfants se présentent à l'école l'estomac vide. Et ils n'ont rien à manger le midi. Tout le monde sait qu'il faut nourrir le corps pour pouvoir participer à ce qui se passe à l'école.
Une des choses que notre service d'éducation demande à notre conseil, c'est un financement accru pour l'évaluation de nos enfants. C'est un autre élément qu'il ne faut pas perdre de vue dans ce genre de débat : l'évaluation de nos jeunes, de nos apprenants. C'est aussi un aspect essentiel.
Merci.
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Le président: Au nom du sous-comité, je tiens à vous dire que nous avons beaucoup apprécié vos interventions. Il est toujours bon de faire le lien entre les politiques et les humains... Je veux parler du genre d'histoires comme celle que le chef Jacob vient de nous raconter, sur le mauvais diagnostic posé au sujet des enfants qui ont faim, alors qu'on pensait qu'ils avaient des difficultés d'apprentissage. J'en aurais moi aussi si j'étais affamé.
Je trouve tout à fait approprié qu'Amy ait pu se joindre à nous. Nous sommes très heureux que vous l'ayez emmenée avec vous parce que cela nous rappelle concrètement sur quoi porte notre étude. Il s'agit de l'avenir d'Amy, et de notre avenir à tous, en réalité.
Donc, en notre nom à tous, je vous remercie d'être venus et de nous avoir fait part non seulement de vos réponses officielles, mais de vos réponses en tant qu'êtres humains et des histoires sur vos communautés. En définitive, si nous voulons trouver un terrain d'entente et faire preuve de bonne volonté, nous devons travailler sur le plan humain tout autant que sur le plan politique ou théorique. Alors, merci d'être venus.
La séance est levée.