SCYR Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.
Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.
37e LÉGISLATURE, 2e SESSION
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 2 avril 2003
¹ | 1550 |
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)) |
M. Robert Harry (directeur exécutif, «BC Aboriginal Network on Disability Society») |
Le président |
M. Robert Harry |
¹ | 1555 |
º | 1600 |
Le président |
M. Michael Prince (professeur titulaire de la chaire Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria) |
Le président |
M. Michael Prince |
º | 1610 |
º | 1615 |
Le président |
M. Michael Prince |
Le président |
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne) |
º | 1620 |
M. Michael Prince |
M. Robert Harry |
M. Larry Spencer |
Le président |
M. Michael Prince |
º | 1625 |
Le président |
M. Michael Prince |
Le président |
M. Larry Spencer |
M. Michael Prince |
º | 1630 |
Le président |
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord) |
M. Robert Harry |
º | 1635 |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Robert Harry |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Robert Harry |
Mme Karen Kraft Sloan |
M. Robert Harry |
Mme June Wylie (directrice exécutive adjointe, «BC Aboriginal Network on Disability Society») |
Mme Karen Kraft Sloan |
º | 1640 |
Le président |
M. Robert Harry |
Le président |
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.) |
M. Robert Harry |
º | 1645 |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
M. Alan Tonks |
M. Robert Harry |
º | 1650 |
Le président |
º | 1655 |
M. Michael Prince |
» | 1700 |
Le président |
M. Michael Prince |
The Chair |
CANADA
Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées |
|
l |
|
l |
|
TÉMOIGNAGES
Le mercredi 2 avril 2003
[Enregistrement électronique]
¹ (1550)
[Traduction]
Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je déclare maintenant la séance officiellement ouverte. Vous assistez au plus bel exemple des stratagèmes parlementaires. Malgré la nature désordonnée de la Chambre—tout simplement typique—je pense que nous allons commencer. Les gens vont aller et venir, mais ce que vous allez dire va faire partie du compte rendu officiel puisque la séance est ouverte.
Passons à l'ordre du jour. Nous recevons deux témoins de Colombie-Britannique, dont l'un est ici en personne et l'autre virtuellement. Étant donné que vous ne vous connaissez pas, voici M. Harry, que vous voyez probablement à l'écran, monsieur Prince. Nous sommes ici pour relier des Canadiens, même ceux qui vivent les uns à côté des autres.
Pourquoi ne pas commencer par l'ordre du jour et céder la parole à Robert Harry qui est directeur de la B.C. Aboriginal Network on Disability Society.
À titre d'introduction, j'aimerais dire que le Comité permanent du développement des ressources humaines de la Chambre des communes a au moins deux sous-comités, dont l'un traite des enfants et jeunes à risque et l'autre, présidé par mon amie, Mme Carolyn Bennett, de la condition des personnes handicapées; nous avons déjà eu des réunions conjointes. Je crois bien que M. Prince est au courant de la situation, car nous l'avons déjà rencontré. Nous sommes constamment conscients du fait qu'il faut collaborer au sujet de ces questions et que, idéalement, il faudrait prévoir davantage de réunions conjointes. Je voulais simplement commencer la présente séance en disant que nous sommes particulièrement attentifs à cette question.
Monsieur Harry, je vous souhaite la bienvenue et c'est avec plaisir que nous allons vous entendre.
M. Robert Harry (directeur exécutif, «BC Aboriginal Network on Disability Society»): Merci.
Tout d'abord, j'aimerais vous remercier de me donner l'occasion de faire un exposé au nom de la B.C. Aboriginal Network on Disability Society, ou BCANDS.
Ensuite, j'aimerais remercier les peuples des Premières nations, puisque nous nous trouvons sur leur territoire traditionnel. C'est ainsi que je procède lorsque j'arrive dans des secteurs qui ne font pas partie de mon territoire.
On m'a demandé de mettre l'accent sur les défis, les besoins et les points forts des enfants hors réserve. Étant donné que je représente une organisation qui s'intéresse essentiellement aux Autochtones handicapés, mon mémoire fait état des défis, des besoins et des points forts, ainsi que des stratégies visant à améliorer les conditions, sans parler de plusieurs recommandations.
Si je comprends bien, le sous-comité met au point une série de quatre rapports sur les enfants et jeunes autochtones et le présent mémoire va contribuer aux conclusions du deuxième rapport sur les enfants autochtones hors réserve de zéro à six ans. Avec la collaboration de notre personnel et de notre conseil d'administration, je présente respectueusement au sous-comité des exemplaires de l'exposé de la BCANDS.
Je suis désolé de ne pas avoir la version française du mémoire; je n'ai tout simplement pas eu le temps de le faire traduire, mais je sais que vous pourrez vous en charger.
Les défis que posent les enfants qui vivent hors réserve sont triples. Pour bien profiter du temps dont je dispose, je vais être très bref, mais si vous voulez accélérer les choses, je pourrais peut-être passer tout de suite à la dernière partie de mon exposé.
Le président: Je propose que vous vous en teniez à plus ou moins dix minutes, que vous souligniez les points essentiels; pour les détails, nous lirons entre les lignes.
M. Robert Harry: D'accord, j'ai répété mon discours, il dure sept minutes et demie.
Tout d'abord, j'aimerais parler des défis fondamentaux qui sont triples. Les enfants autochtones atteints d'une incapacité, ainsi que les familles dans lesquelles ils se trouvent, font face à un triple défi, tout d'abord, en tant qu'Autochtones—ce qui est pratiquement un inconvénient, surtout s'ils vivent hors réserve. Le deuxième défi, c'est qu'ils sont handicapés, le troisième c'est que l'on parle de familles qui cherchent à relever ces défis. Il s'agit donc d'une épée à triple tranchant.
Parmi les défis fondamentaux, comme nous le savons tous, il faut parler de la pauvreté, des ressources, du logement, de la santé et des soins médicaux, des besoins alimentaires de base et particuliers. À mon avis, on oublie les besoins alimentaires particuliers des enfants autochtones. L'éducation englobe les besoins en matière d'argent, de tutorat, de livres, de fournitures, de frais de scolarité sans parler de la discrimination qui subsiste toujours, même si nous vivons dans une société moderne.
Parmi les défis particuliers auxquels font face les enfants autochtones handicapés, il faut parler du soutien et des services pour les troubles d'apprentissage et les besoins spéciaux, l'évaluation et les tests, les ressources familiales; par ailleurs, les bandes peuvent ne pas faire vivre l'enfant atteint d'une incapacité ou les familles de tels enfants, même si elles résident dans la réserve. Si elles partent de la réserve, elles en sont complètement coupées et ne peuvent pas non plus bénéficier d'un autre système, car les compétences sont différentes.
Le sentiment d'appartenance est un autre problème qui se pose. Si vous allez dans une collectivité composée de Blancs et que vous êtes Autochtone, que votre enfant est handicapé ou que vous l'êtes vous-même, vous êtes rejeté, non seulement par d'autres Autochtones, mais également par la population non autochtone.
L'appui nécessaire pour rendre visite à la famille élargie dans des collectivités d'origine ou vice versa est non existant—ou plutôt, il existe, mais pas comme il le faudrait. L'accès à sa propre culture en milieu urbain est une autre question qui se pose. Nous ne voulons pas que nos enfants perdent leur identité.
La mobilité et le départ de la réserve posent des problèmes. Les services et le soutien font défaut dans les régions éloignées. Parfois, si vous partez de la réserve pour améliorer votre situation et que vous avez un enfant atteint d'une incapacité, il va falloir que vous déménagiez de nouveau, car aucune ressource n'est prévue dans la région éloignée.
Le manque d'accès aux services dans les régions éloignées est un facteur à considérer. Alors que la réserve peut offrir des services médicaux, il n'y a pas suffisamment de routes et de trottoirs praticables dans les réserves si bien qu'un enfant autochtone handicapé ne peut pas véritablement fonctionner dans une réserve où il n'y a pas de rampes d'accès, de trottoirs ou d'ascenseurs pour lui permettre de rencontrer les chefs ou autres; cela n'existe tout simplement pas et c'est une des raisons pour lesquelles ces familles déménagent.
Il faut également parler du stress causé par un nouveau milieu et par des gens nouveaux que l'on rencontre. C'est toujours un stress. Je me trouve ici en ce moment et je suis un peu stressé face à vous, car vous êtes différents. Voyez-vous ce que je veux dire? C'est la réalité.
Déménager exacerbe également les questions de compétence, qui ont un effet sur la prestation des services aux personnes handicapées. Devoir respecter les règles et responsabilités de deux ordres de gouvernement crée des obstacles en matière de services, des retards, ainsi que le déplacement incessant d'enfants déjà défavorisés. Je veux en fait parler du bouleversement qu'un départ de la réserve peut créer pour un enfant autochtone handicapé qui va se retrouver dans une collectivité dont il sera probablement écarté. Tout cela a un impact sur sa santé et sur son éducation, ainsi que sur son état d'esprit.
Passer d'une bande à une autre pose également un problème. Si vous n'appartenez pas à la bande dans laquelle vous arrivez, vous n'allez pas recevoir les services. Si un enfant est atteint d'une incapacité, il se retrouve tout seul.
Faire le tri des services en matière de droits et d'évaluation entraîne des délais. Les services sont offerts en fonction du processus et du progrès des négociations en matière d'autonomie gouvernementale au niveau de la bande ainsi qu'au niveau national. Ce que je veux dire ici, c'est que lorsque vous négociez votre traité et votre constitution, surtout en Colombie-Britannique, vous essayez d'y englober trop de choses. Sans vouloir dénigrer le gouvernement de C.-B., je dois dire qu'il a véritablement un problème en ce qui concerne la gouvernance et qu'il a du mal à en discuter—mais cela n'a rien à voir avec le sujet dont nous traitons ici. Je vais vous demander d'y aller pour m'aider.
¹ (1555)
Il faut également parler de la responsabilité en matière de services. Les fonds ne sont parfois pas gérés ni attribués comme il le faut par la bande et sont alors remis au gouvernement. Par conséquent, lorsque le gouvernement donne des fonds à un groupe des Premières nations qui ne sait pas vraiment comment les dépenser, des fonctionnaires devraient venir expliquer la bonne façon de dépenser les fonds, faute de quoi ceux-ci risquent de devoir être remis au gouvernement; ils sont ainsi perdus et ce sont les enfants atteints d'une incapacité qui en font les frais.
Les retards et les questions de compétence exacerbent les incapacités qui progressent inutilement, ce qui grève encore plus le système de services. Par conséquent, si ces enfants sont oubliés dès la petite enfance, le coût des soins qu'il faudra leur apporter quand ils seront plus âgés sera multiplié par dix. Si vous disposez de suffisamment de ressources pour leur offrir ces services maintenant et pour les préparer aux études, à une vie valable dans l'avenir... sinon, tout sera perdu.
Malgré ces problèmes, on retrouve quelques points forts au sein des collectivités comprenant des Autochtones handicapés. Il faut bien sûr parler des qualités des particuliers eux-mêmes, de la force et de l'amour des familles. Nos organisations et nos sociétés restent dévouées et nos structures sociales ainsi que nos peuples s'appuient sur des principes et sont animés de ténacité et d'espoir.
Enfin, la culture urbaine autochtone gagne en profondeur et vision, la connaissance des traditions et de la culture arrivant au premier plan. En milieu urbain, les enfants autochtones handicapés et leurs familles ont plus de possibilités même s'il y a toujours place à l'amélioration.
Je vous expose maintenant les stratégies de la BCANDS qui visent à améliorer la situation. Elles ont été élaborées par notre conseil d'administration, notre personnel et nos membres.
Mettre au point une stratégie de communication pour tous les intervenants : les familles d'enfants autochtones handicapés, les gouvernements autochtones, fédéral et provinciaux, ainsi que les fournisseurs et agences de services aux Autochtones.
La BCANDS pourrait aider les bandes et les Premières nations à créer des comités locaux sur les incapacités.
Coordonner un sommet annuel des chefs visant à faire part de l'information de tous les comités sur les incapacités.
Coordonner une assemblée générale annuelle des enfants handicapés, de leurs familles, de ceux qui défendent leurs intérêts ainsi que des travailleurs, avec des services et une programmation sur place.
Établir un centre général de services pour les enfants autochtones ou participer à son établissement. C'est vraiment ce que je veux vous souligner aujourd'hui. Nous en avons un centre de ce genre à Vancouver, à l'Hôpital pour enfants, sans parler du Canuck Place Children's Hospice. Si nous pouvions créer un centre général pour les enfants autochtones handicapés où ils pourraient faire ce qui s'impose en matière de réadaptation, je crois alors que ce serait très prometteur.
Les conseils tribaux et les bandes devraient ouvrir un bureau satellite pour les particuliers et les familles de clients handicapés; nous pouvons apporter notre aide à cet égard. Pour remplir pareille mission, nous avons ouvert à Abbotsford, en Colombie-Britannique, un bureau auxiliaire du bureau de Victoria. Nous avons l'expertise pour ce faire et pouvons probablement contribuer à instaurer ce genre de dialogue.
Pour conclure, voici nos recommandations—très importantes :
Premièrement, mettre au point un protocole ou un code entre les gouvernements fédéral, provinciaux et autochtones, et la BCANDS, pour orienter la politique, le dialogue, le financement et d'autres questions touchant les enfants autochtones handicapés et leurs familles.
Deuxièmement, élaborer une politique afin d'assurer la transparence des services et des droits qui reviennent aux enfants autochtones handicapés, qu'ils vivent dans la réserve ou en dehors de celle-ci. Il faut faire en sorte que lorsqu'un enfant quitte la réserve, il n'y ait pas interruption des services.
Troisièmement, dépolitiser les services et programmes offerts aux enfants autochtones atteints d'une incapacité. La question est si politique que seuls les politiciens bénéficient des fonds tandis que c'est l'enfant handicapé, ainsi que sa famille, qui en font les frais.
Quatrièmement, instaurer un processus de consultation et de dialogue avec les handicapés eux-mêmes en Colombie-Britannique.
Enfin, bâtir une infrastructure de services spécifiques pour les enfants autochtones handicapés dans un endroit central, tout en prévoyant de l'étendre dans tous les territoires de Colombie-Britannique ainsi qu'à l'échelle du Canada.
Ainsi se termine mon mémoire; je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de vous le présenter.
º (1600)
Le président: Merci beaucoup.
Avant de passer à M. Prince, je tiens à dire que je suis heureux que vous ayez non seulement souligné les points faibles, mais aussi les points forts. Lorsque nous nous penchons sur ces questions, nous nous concentrons parfois tellement sur les problèmes et les points faibles, que nous oublions les ressources et les points forts; je vous remercie donc de nous l'avoir rappelé.
Nous passons maintenant à Michael Prince, qui comparaît comme chaque année devant nous, pour ainsi dire. Si je ne me trompe, nous nous sommes vus pour la dernière fois en mars 2002; nous vous souhaitons la bienvenue.
Comme vous le savez, notre centre d'attention a changé.
Avant d'aller plus loin, monsieur Prince, permettez-moi de présenter deux personnes qui viennent d'arriver: Karen Kraft Sloan et Alan Tonks. Je tiens simplement à signaler leur présence, car vous ne pouvez pas les voir de Victoria.
Je suis sûr que vous avez une certaine vision de la situation et je vous invite à nous en faire part.
M. Michael Prince (professeur titulaire de la chaire Lansdowne en politique sociale, Faculté de développement social et humain, Université de Victoria): Merci, monsieur Godfrey, et merci, membres du comité. Je suis heureux d'être de nouveau parmi vous aujourd'hui. Sachez que je suis au centre-ville de Victoria et à côté de la Première nation de Songhees. Il est également bon de mentionner que je vous parle du territoire traditionnel du peuple Salish du littoral.
Comme vous l'avez dit, j'ai comparu devant vous en mars dernier lors d'une séance conjointe de votre sous-comité et de celui qui traite de la condition des personnes handicapées. Je suis ravi que M. Harry soit avec vous et qu'il ait de nouveau soulevé certaines de ces questions. J'ai hâte de lire son rapport complet ainsi que son mémoire.
J'aimerais également indiquer que c'est avec intérêt que j'ai lu votre rapport de juin 2002, « Miser sur le succès », qui porte sur la première phase de vos travaux. Je suis heureux de constater une harmonie entre certaines remarques que j'ai faites ce jour-là, le 19 mars 2002, et celles de mes collègues de la collectivité mohawk, et d'autres. Je tenais à le souligner et à vous féliciter pour votre excellent rapport de l'an passé.
J'ai été particulièrement heureux de constater que vous recommandez un cadre politique intégré en ce qui concerne le traitement accordé par les ministères fédéraux aux enfants autochtones dans les réserves, y compris une vision commune visant à orienter les ministères fédéraux de manière à ce qu'ils identifient les résultats ainsi que les objectifs recherchés et, fait très important, les mécanismes de reddition de compte qui s'imposent. Il s'agit à mon avis d'une recommandation très solide et positive et je voulais simplement indiquer officiellement que je l'appuie.
Le président: Merci beaucoup.
M. Michael Prince: Je vous encouragerais également à faire preuve d'un peu plus d'audace à l'occasion de la prochaine série de rapports, car j'ai remarqué que vous ne recommandez rien à propos d'une structure de coordination au niveau fédéral. C'est peut-être délibéré, ou peut-être un oubli, ou encore un point que vous avez l'intention d'aborder dans un rapport subséquent.
Compte tenu toutefois de ce que l'on sait des rapports parlementaires dans ce domaine depuis 20 à 25 ans, je pense qu'il est absolument essentiel que les parlementaires—et votre rapport—y accordent une attention plus explicite. Je vous encourage donc à réfléchir davantage à ce sujet, monsieur Godfrey, ainsi que tous vos collègues de tous les partis. Je vous incite à envisager de recommander un genre de structure de coordination qui permettrait de garantir une approche efficace en matière de gestion qui, comme l'indique si bien votre rapport, est une question horizontale au sein du gouvernement fédéral.
Je souhaite également vous féliciter pour votre rapport de l'an dernier dans lequel vous préconisez des changements aux ententes de financement fédéral conclues avec les collectivités des Premières nations et où vous soulignez la nécessité d'accorder davantage de souplesse à ces collectivités pour qu'elles soient en mesure de gérer ces fonds, ainsi que la nécessité de faire en sorte que ces ententes de financement soient soutenues et pluriannuelles. Ainsi, elles seront un moyen de prestation plus efficace, tout en permettant de tenir compte des recommandations de « Rassembler nos forces » ainsi que de celles relatives à l'édification de la nation et à l'autodétermination. À mon avis, cela permet de faire avancer les idées de « Rassembler vos forces ».
Vous le savez fort bien, cette recommandation se rapporte au travail du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, qui, depuis quelques années, s'efforce de mettre sur pied ce que l'on appelle les ententes de financement global, les EFG.
La première étape consiste à regrouper et rationaliser les ententes de financement au sein du ministère. Les fonctionnaires travaillent également avec Santé Canada et d'autres ministères fédéraux, mais il me semble que le travail réalisé entre deux ministères fédéraux pour rationaliser et consolider l'enveloppe de financement est le succès le plus important enregistré jusqu'à présent—même s'il est modeste. Il faut, je crois, le souligner et l'encourager davantage et je demande aux parlementaires de surveiller de près la situation.
Dans mon exposé d'aujourd'hui, je me propose de mettre l'accent sur certains problèmes et défis. M. Harry en a souligné la plupart de façon fort compétente. J'aimerais parler de la question de la mobilité entre la réserve et l'extérieur de la réserve, qui semble intéresser particulièrement votre comité. J'aimerais également parler de certaines innovations et stratégies et, si j'en ai l'audace, proposer quelques idées supplémentaires en matière de réforme au comité.
J'en ai déjà parlé en mars dernier, si bien que je ne vais pas vraiment recommencer, monsieur Godfrey, mais votre comité est parfaitement au courant des problèmes.
Comme nous parlons aujourd'hui des peuples des Premières nations hors réserve, et non pas simplement des Indiens inscrits, mais aussi des Métis, des Inuits et des Autochtones non inscrits, ou de façon plus générale des peuples autochtones vivant en milieu urbain, il faut être conscient de l'incroyable diversité de cette population. Les nombres varient, mais nous pourrions parler de 600 000 à 800 000 Autochtones, voire même peut-être un million, selon la définition que l'on donne aux Autochtones hors réserve. En fait, peut-être que la majorité des Canadiens autochtones vivent hors réserve.
Ce que je viens de dire est litigieux en soi et peut susciter beaucoup de débat et de désaccord, mais je tiens essentiellement à ce que l'on ne perde pas de vue la diversité et, même si on recherche une vision commune en ce qui concerne le meilleur avenir possible pour les jeunes, qu'ils soient autochtones ou non, indépendamment de leur lieu de résidence au Canada, il faut également respecter les différences historiques des tribus, des régions du pays, des collectivités ainsi que de les écarts de taille et de capacités de celles-ci.
Il est également important de rattacher votre première étude à celle-ci et de ne pas oublier la nature limitée des services et des soutiens offerts dans les réserves. Tant que ce problème existera, il y aura toujours des tensions entre la prestation de services hors réserve et dans les réserves. Comme l'a indiqué M. Harry, le problème s'explique en partie par le fait qu'à partir du moment où des enfants autochtones—et souvent leur mère—quittent une réserve, ils ont de la difficulté à avoir accès aux services auxquels ils ont droit par l'entremise de leur conseil de bande. Cela s'explique en partie par le sous-financement et les exigences énormes exercées sur les conseils d'administration des bandes qui doivent s'en sortir avec ce dont ils disposent pour le territoire lui-même ou pour la collectivité.
J'aimerais aborder brièvement la question de la pertinence culturelle et je pense que vous avez bien conscience de cette réalité. La transférabilité des services est une question sur laquelle je vais revenir et que l'on peut qualifier d'imbroglio relatif aux compétences : quel ordre de gouvernement est responsable de la fourniture et du financement de quels services à quelles catégories d'Autochtones au Canada. C'est une façon maladroite de l'exprimer, mais il s'agit souvent des points litigieux du débat, comme vous le savez fort bien. Malheureusement, dans notre pays, les ordres de gouvernement se refilent effectivement la responsabilité les uns les autres en matière de financement et de fourniture de services aux enfants, jeunes, femmes et autres Autochtones vivant dans les villes. À mon avis, c'est un problème qu'il faut régler.
M. Harry a parlé du triple désavantage et il m'a rappelé une étude faite en Saskatchewan il y a quatre ou cinq ans portant sur les Autochtones handicapés vivant en milieu urbain. Souvent, comme il l'a dit, ils quittent les réserves pour avoir accès aux services de santé et sociaux dans les villes afin de répondre à leurs besoins particuliers en raison de leur incapacité ou celle de leurs enfants. Ils peuvent également quitter la réserve pour assurer leur sécurité et échapper à la violence ou aussi parce qu'ils disposent de soutiens familiaux ailleurs. Compte tenu des mariages mixtes au sein de tribus autochtones et également des mariages entre Autochtones et non-Autochtones, il se peut fort bien qu'ils recherchent d'autres soutiens familiaux et sociaux qui n'existent pas dans la réserve, mais ailleurs. Il se peut également fort bien qu'ils quittent la réserve pour des raisons d'études ou d'emploi. La mobilité doit être vue comme un processus fort complexe et c'est pour bien des raisons que les gens font des allées et venues entre la réserve et l'extérieur.
Ceci étant dit, l'Enquête auprès des peuples autochtones—je ne sais pas si elle a déjà été publiée—qui a été réalisée à la suite du recensement de 2001 va, je l'espère, éclairer la question. Je crains qu'elle ne nous donne pas autant d'informations ou de réponses que nous le souhaitons—peut-être s'agira-t-il des travaux futurs de votre comité, et d'autres—sur l'importance de la mobilité, les directions et la fréquence de celle-ci, ou les allées et venues. Je ne pense pas vraiment que nous soyons au courant de la situation; nous avons quelques données empiriques et certaines organisations autochtones pourraient nous éclairer davantage à ce sujet. Je crois toutefois que c'est un point qu'il vaut la peine d'examiner plus à fond.
º (1610)
Cela nous ramène à certaines des questions relatives aux stratégies fructueuses et aux innovations possibles. Comme vous le savez, des changements se produisent et, M. Harry, avec beaucoup de justesse à mon avis, a souligné certains des points forts et des progrès. J'en ai parlé de quelques-uns en mars dernier. Nous savons toutefois que les résultats sont inégaux. Des succès ont été enregistrés, mais nous avons connu également des revers. À mon avis, l'un des principaux ingrédients du succès, surtout dans le domaine des services à l'enfance et à la famille, c'est la question des économies d'échelle. Il faut également avoir un nombre suffisamment important de familles et d'enfants admissibles à des services efficaces pour pouvoir embaucher du personnel de façon non seulement rentable, mais aussi de manière à assurer l'édification d'une nation tout en respectant la culture, également dans le cadre de prestation des services à l'enfance et aux jeunes. Les conseils tribaux pourraient permettre de le faire.
En Colombie-Britannique, au début du processus des traités, nous avons malheureusement encouragé les bandes de très petite taille à entamer elles-mêmes leurs négociations. Nous avons encore plusieurs tables de négociations sur la gouvernance où sont représentés des groupes de Premières nations de moins de 100 personnes, voire même de moins de 200 personnes dans la réserve. Il n'est tout simplement pas possible d'assurer un service adéquat à l'enfance et à la famille de cette façon.
Le Yukon en a fait l'expérience il y a plusieurs années lorsque les 14 Premières nations de cette région ont négocié des ententes distinctes; ces dernières années toutefois, des Premières nations se regroupent, forment des consortiums ou des agences de services inter-tribus et inter-Premières nations.
Comme vous le savez, dans le cadre de la stratégie urbaine, de la politique urbaine, nous avons à Vancouver ce que nous appelons l'Accord de Vancouver qui permet une coopération intergouvernementale à trois niveaux. La même chose se produit dans d'autres villes du Canada comme par exemple, si je ne me trompe, à Winnipeg et ailleurs. Il s'agit à mon avis d'un modèle, d'un exemple possible qui pourrait être suivi dans l'esprit des observations de M. Harry au sujet des Autochtones en particulier.
Parmi les autres succès ou innovations, citons le cas des Nisga'as, bien sûr, avant même qu'ils ne bénéficient de leur traité, puisqu'ils ont géré une agence de services à l'enfance et à la famille très efficace pendant de nombreuses années dans la vallée du Nass dans la partie nord-ouest de la Colombie-Britannique. D'autres groupes en C.-B. fonctionnent également de la même façon. Au Manitoba et en Saskatchewan, on retrouve des districts scolaires gérés par des Premières nations, qui englobent à la fois les enfants dans les réserves et hors réserve.
Il existe donc plusieurs modèles de pratiques efficaces. Je n'irais pas jusqu'à dire qu'il s'agit de pratiques exemplaires, car je crois qu'elles sont culturellement nuancées, mais on peut trouver des exemples de succès.
Enfin, je me demande comment se sortir de cette impasse en matière de compétences, car ce ne va pas être chose facile. Ne serait-ce que pour lancer une idée audacieuse—et je ne suis pas sûr que cela relève de votre mandat—je crois qu'il va falloir en fin de compte examiner la question du fédéralisme fiscal, des relations financières entre les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux, et bien sûr, les gouvernements autochtones également.
Étant donné que l'on parle ici d'un partage de compétence entre les réserves et l'extérieur, qui ne sera pas réglé au cours de notre génération, j'aimerais proposer la possibilité d'un transfert de points d'impôt entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux; ces points seraient affectés ou réservés aux services offerts aux enfants et aux jeunes des peuples autochtones. Cela compléterait les paiements de transferts actuels ainsi que les dépenses des programmes fédéraux existants que vous avez détaillés dans vos rapports précédents.
Je pense que s'il existait un genre de collaboration et de volonté à cet égard... les compétences seraient respectées mais je ne vois pas comment les corrections mineures que nous avons apportées ces 10 ou 20 dernières années vont permettre d'aborder ce problème avec finesse.
C'est ainsi que se termine mon exposé, monsieur. Merci.
º (1615)
Le président: Merci pour un autre de vos fantastiques exposés. Merci de nous rappeler les points que vous avez soulignés en mars dernier et de reconnaître que nous les avons exploités à fond, que nous nous en sommes accordés le mérite; c'est d'ailleurs la façon dont nous fonctionnons ici.
M. Michael Prince: Effectivement.
Le président: Vous soulevez de nombreux points fort intéressants. Permettez-moi, avec l'indulgence du comité, de faire quelques observations qui me viennent à l'esprit à partir de votre exposé et qui pourraient être utiles pour notre rapport. Je passerai ensuite rapidement à M. Spencer.
Vous nous rappelez, à juste titre, les différences entre l'étude que nous avons faite précédemment—soit des services offerts dans les réserves aux enfants de zéro à 6 ans—et celle-ci. Je crois en effet que ces études varient sur deux aspects importants et nous voudrons peut-être l'indiquer dans notre préambule. Les structures des problèmes sont très différentes, car nous multiplions les variables de deux façons. Vous avez mis le doigt sur l'une d'entre elles, à savoir que nous multiplions le nombre de personnes dont nous parlons par rapport à des groupes. Nous ne parlons pas simplement des Indiens inscrits dans les réserves, mais d'une variété de personnes, qu'il s'agisse de Métis ou d'Inuits qui vivent dans les villes, ou d'Indiens inscrits ou non inscrits. Nous avons déjà donc plus de variables.
Par ailleurs, nous avons plus de variables du côté des services. Lorsque nous avons examiné la situation des réserves, nous nous sommes en fait occupés de nous-mêmes, c'est-à-dire du ministère des Affaires indiennes, de Santé Canada et de DRHC. Nous nous occupons maintenant des autorités provinciales, municipales et autochtones si bien que la multiplicité, la variabilité de notre problème, a augmenté de façon quasiment exponentielle. C'est beaucoup plus décourageant. Nous avons également doublé l'éventail de l'âge, puisque nous nous occupons maintenant des enfants de zéro à 12 ans.
Je tiens à souligner l'ampleur du défi que nous souhaitons relever alors que nous ne sommes qu'un petit vieux comité. Nous ne pouvons entraîner tout le processus.
Je voudrais revenir sur certains des points que vous avez soulevés ainsi que sur ceux de M. Harry, mais je cède tout d'abord la parole à Larry Spencer.
M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Harry et monsieur Prince.
Monsieur Prince, je suis très heureux de voir que vous souscrivez au principe d'harmonisation que nous avons proposé dans notre premier rapport. À notre avis, c'est probablement l'une des questions que se pose tout le monde et qu'il faut régler.
Lorsque vous en avez parlé, j'ai pris quelques notes et vous avez déjà répondu à quelques-unes de mes questions. Je voulais savoir s'il y avait une différence dans la prestation des services entre les réserves et hors réserve et dans quelle mesure les nombres ont un effet à cet égard; vous en avez parlé un peu plus tard. Vous avez aussi abordé la question de la mobilité, etc.
D'après vous, faudrait-il que les fournisseurs de services—et l'un ou l'autre peut répondre—envisagent d'assurer une représentation multi-groupe?
Permettez-moi de vous indiquer très rapidement ce que je veux dire. Je sais, par exemple, que dans ma ville, soit Regina, le groupe des Métis et le groupe qui s'identifie comme groupe des Premières nations se livrent concurrence en quelque sorte. Il semble que tout le pouvoir soit d'un côté ou de l'autre. Pensez-vous qu'un genre d'organisation cadre s'impose, permettant ainsi d'assurer la représentation des groupes autochtones variés que l'on retrouve dans cette collectivité en particulier? Envisage-t-on de le faire?
º (1620)
M. Michael Prince: Je vais laisser M. Harry répondre en premier, s'il le souhaite.
M. Robert Harry: J'ai un peu peur de répondre à ce genre de question. Je suis un Autochtone hors réserve qui tombe dans la catégorie des Premières nations. Un de mes employés est un Autochtone qui tombe dans la catégorie des Métis. Je ne sais pas comment cela fonctionne en Saskatchewan, mais en Colombie-Britannique, on dénombre près de 200 bandes, environ 34 conseils tribaux et je crois qu'il existe également de sept à huit grandes organisations métisses.
Pour ce qui est des Métis, ils ne tombent pas tous dans la catégorie de Métis. Lorsque vous parlez d'Autochtones, les conseils tribaux ont une vaste compétence et chapeautent deux énormes organisations en Colombie-Britannique. La première, c'est le Sommet des Premières nations, la seconde, l'Union of British Columbia Indian Chiefs, qui sont constamment en concurrence sans parler des Métis qui ont leurs propres politiques.
Je ne sais pas comment vous pouvez dominer... ou un seul groupe va se retrouver avec tout ce travail. Je n'ai pas de solution ni même d'idée à ce sujet. Je ne pense pas que quoi que ce soit puisse fonctionner actuellement à moins que le gouvernement du Canada, avec les gouvernements provinciaux, ne trouve un genre de modèle et commence à travailler avec eux. Dans le cas contraire, cela ne va pas marcher; par conséquent je ne sais pas quelle serait la réponse et je ne peux pas vraiment répondre à cette question.
M. Larry Spencer: Je pensais à des secteurs plus restreints, non à l'ensemble d'une province, mais peut-être à une région municipale, une région dans laquelle vous pourriez avoir un nombre limité de groupes. Régina, par exemple, a prévu quelque chose.
Il est intéressant que vous ayez ce problème parmi les peuples autochtones et il semble que vous soyez bien engagés sur la voie d'un gouvernement fédéral. C'est ainsi que fonctionnent nos agences fédérales : chacune travaille de son côté.
Le président: M. Prince voudrait peut-être intervenir; il a l'air de ronger son frein.
M. Michael Prince: Oui, monsieur Spencer, je vous remercie de poser cette question. M. Harry a repris un thème que j'ai proposé, soit la diversité des groupes. Je ne sais pas vraiment, mais peut-être pourriez-vous me le dire, si vous avez à Regina une agence métisse de services pour l'enfance et la famille. Je sais que dans plusieurs villes des Prairies, il en existe. Il y a bien sûr dans votre ville et dans d'autres des centres d'amitié autochtones qui sont au nombre de 115 ou 120 en tout.
Pour reprendre en partie l'une des observations de M. Harry, j'hésiterais à envisager une approche universelle. Étant donné que la Loi sur les Indiens et les programmes du gouvernement ont prévu diverses catégories pour les peuples autochtones ces 130 dernières années et compte tenu de l'histoire distincte des diverses tribus et nations dans le pays, j'imagine que l'on peut s'attendre à voir dans une ville de la taille de Regina ou dans d'autres, deux ou trois agences. Certaines peuvent offrir des services aux peuples autochtones en général, et c'est je pense ce que vous proposez, mais il est plus probable qu'il y en ait deux ou trois, ce qui soulève des problèmes de coordination et de chevauchement bien sûr.
La Commission royale sur les peuples autochtones propose quelques idées intéressantes au sujet d'éventuels modèles. On retrouve bien sûr dans votre province quelques exemples intéressants de prestation de services à partir de la réserve à destination d'Autochtones hors réserve, sans compter les soutiens financiers dans les villes et zones urbaines de la province. Nous pourrions nous en inspirer, je pense. Les autres pourraient suivre l'exemple de la Saskatchewan et du Manitoba, notamment, à cet égard. Je pense en particulier au peuple Awasis dans le nord du Manitoba ainsi qu'aux problèmes auxquels sont confrontées les collectivités rurales et éloignées dont nous n'avons pas encore beaucoup parlé.
Je crois que les centres d'amitié autochtones offrent de grandes possibilités en matière de prestation de services dans les villes. Nous en avons tout un réseau. Si l'on assure le renforcement des capacités et que l'on apporte un certain soutien, ces centres pourraient faire le lien avec un grand nombre d'Autochtones, pas tous, mais je crois qu'ils nous permettraient de progresser dans ce domaine.
J'aimerais également savoir si vous avez reçu une réponse du gouvernement à votre rapport de juin 2002. Je suis curieux de connaître le genre d'accueil que les bureaucrates fédéraux ont réservé à ces recommandations. Nous sommes d'accord, je crois, en ce qui concerne l'esprit et l'orientation, mais je me demande simplement quel genre de réponse vous avez reçue de la part du gouvernement.
º (1625)
Le président: Permettez-moi simplement d'intervenir et de demander si peut-être l'attaché de recherche ou la greffière pourrait vous en envoyer copie, peut-être par voie électronique, ce qui serait le mieux.
En fait, nous avons reçu une réponse très positive, non pas simplement un accord de principe, mais un accord précis quant aux deux aspects de nos propositions, soit la coordination à Ottawa et la coordination proposée au plan des collectivités dans le but d'accroître le renforcement des capacités. Nous avons également proposé, je crois, cinq ou six projets pilotes, et tout cela a été accepté. Non seulement avons-nous reçu une réponse officielle, mais aussi l'annonce de certains programmes; nous allons vous les faire parvenir.
M. Michael Prince: Je suis heureux de l'apprendre, merci.
Le président: Monsieur Spencer.
M. Larry Spencer: Je vais simplement continuer à vous exposer nos vues à ce sujet—ce qui est préférable, la représentation multiple au sein d'un seul groupe ou plusieurs groupes? Il me semble que nous nous contredisons quelque peu quand nous parlons de fédéralisme fiscal, c'est-à-dire que nous prônons un gouvernement fédéral fort et central, mais que, sur le terrain, nous souhaitons le diviser en fonction de toutes ces catégories différentes au sujet desquelles nul ne semble capable vraiment de s'entendre.
À Regina, nous avons un centre d'amitié. J'ignore qui au juste est en charge de ce centre particulier. Le centre de services à l'enfance et à la jeunesse, qui s'occupe du programme Bon départ, de certains programmes destinés aux femmes et d'autres programmes de formation, est sous la responsabilité d'un groupe métis, si j'ai bien compris. Ce sont des membres des Premières nations qui se plaignent et me disent qu'ils veulent y participer.
Votre idée d'avoir l'aide de la bande, de la réserve, plutôt que de la ville leur plaît beaucoup. Ils estiment que leur émigration vers la ville les a coupés de ces fonds. Avez-vous des suggestions qui pourraient aider dans une pareille situation?
M. Michael Prince: Comme le sait M. Godfrey, je travaille également dans le domaine de la politique relative aux incapacités.
J'aurais deux choses à dire, monsieur Spencer. Primo, il est malheureux que le problème sévisse au sein d'autres groupes très vulnérables comme les Canadiens handicapés. Les organismes qui représentent les personnes ayant une incapacité physique rivalisent entre eux et ne coopèrent pas avec ceux qui représentent les personnes ayant des déficiences développementales ou mentales, et les groupes de revendication ne travaillent pas avec certains fournisseurs de services. Il y a beaucoup de travail à faire à cet égard également alors qu'on aurait pu croire à un front uni par la cause commune.
La politique joue. Cela fait peut-être partie de la nature humaine, mais je déplore que des personnes si désavantagées, vulnérables et marginalisées aient en plus à se préoccuper de politique. Ce que nous tentons de faire, c'est de renforcer les capacités et de rassembler les groupes. Dans ce cas-ci, ce serait les Métis, les Premières nations, les Inuits et ainsi de suite qui aplaniraient les différences, qui tenteraient de trouver la cause commune tout en respectant les différences de chacun.
Quant à votre second point, nous avons aussi abordé la question du financement individualisé dans le domaine de l'incapacité. Nous aimerions que les dollars suivent l'enfant ou la famille, plutôt que l'organisme, la bureaucratie, les thérapeutes professionnels ou les travailleurs de la réadaptation. Cela semble se rapprocher énormément de la notion d'habiliter la famille, de lui donner le pouvoir et, en réalité, de la laisser se gouverner elle-même—avec certains appuis, bien sûr. Il faudra que les Premières nations se penchent sur cette question. Si l'on n'y prend pas garde, une pareille mesure pourrait être perçue comme un moyen d'incapaciter le gouvernement d'une Première nation et de privilégier le particulier.
Tout tourne autour de l'idée de savoir si l'argent est destiné à l'organisme ou à la personne. Tant qu'il est destiné à l'organisme, il y aura toujours ce problème de mobilité et, comme vous dites, quand des personnes quitteront la réserve, elles perdront presque instantanément leur droit aux fonds. Il faut que les Premières nations puissent avoir accès à des services d'approche. Soit que les dollars suivent la famille qui quitte la réserve—habituellement, la mère et l'enfant—, soit que les Premières nations trouvent des moyens de collaborer avec d'autres organismes situés en milieu urbain ou qu'elles créent leurs propres organismes et qu'elles collaborent avec les municipalités, la province et le gouvernement fédéral et font en sorte qu'il y a un suivi à l'extérieur de la réserve, en milieu urbain.
Donc, deux ou trois choix s'offrent à nous, mais chacun d'entre eux s'appuie sur le principe de rattacher les fonds à la personne plutôt... ce que certains dirigeants autochtones pourraient voir comme un moyen de saper ou d'affaiblir la gouvernance des Premières nations.
Je vais m'arrêter là.
º (1630)
Le président: Je vous remercie.
Je vais demander à Mme Kraft Sloan si elle a des questions.
Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord): Merci beaucoup, monsieur le président.
Monsieur Larry, je m'excuse, mais j'ai été retardée sur la Colline.
J'aimerais vous poser une question au sujet d'un point que vous avez fait valoir à la page trois, là où il est question des stratégies visant à améliorer les conditions. Je m'excuse d'avance si je vous demande de vous répéter. Dans un des points, vous proposez qu'il y ait une réunion annuelle des enfants handicapés, des familles, de ceux qui défendent leurs intérêts et des travailleurs, avec services et programmation sur place, et je me demande simplement si vous pouvez nous parler de certaines ressources dont vous pourriez avoir besoin pour réaliser cet objectif.
M. Robert Harry: Je vais répondre à votre question. Par la suite, avec votre permission, j'aimerais répondre à ce qu'a dit M. Spencer.
En Colombie-Britannique, nous tenons une assemblée générale chaque année. Nous comptons environ 3 000 membres actuellement, et ce nombre est à la hausse. L'idée était de regrouper les gens pour qu'ils puissent voir qu'ils ne sont pas seuls dans la vie et d'inviter des gens qui ont une spécialisation et de la formation en matière d'incapacité—pas seulement des Autochtones, mais tout le monde. Toutefois, l'accent sera mis sur les enfants autochtones handicapés. Il est question de rassembler nos forces. C'est là une expression très à la mode actuellement.
Il y a tant de gens qui sont sur le pavé et qui n'ont pas de services. Ils ne peuvent rien faire. Leurs incapacités physiques sont telles qu'ils peuvent à peine bouger. C'est vraiment triste à voir. Toutefois, il faut aussi voir avec quelle énergie ils travaillent pour accomplir des choses.
Je fais partie de cet organisme depuis trois mois environ. Je suis tout nouveau, mais je suis très touché par ceux qui en font partie. Moi-même, je sens que j'ai le pouvoir d'agir. C'est la raison de ma présence ici aujourd'hui. Leur façon de faire me donne l'impression que j'ai le pouvoir d'agir. Le règlement constitutif du conseil d'administration de BCANDS énonce très clairement qu'il faut que sept des huit membres du conseil soient handicapés.
Il s'en dégage une aura, une force. Nous pouvons les mettre en contact avec les personnes voulues pour leur donner de l'information en diététique. Ils n'ont pas de bon régime alimentaire. Ils ne savent pas comment dépenser et acheter. Voilà ce que j'aimerais leur montrer.
Ils peuvent venir assister à une réunion de trois ou de quatre jours, peu importe la durée. Connaissez-vous le processus de groupe forum ouvert? Quiconque assiste à la réunion peut proposer des points à débattre. Ce sont eux qui président la rencontre. On y retrouve des personnes de tous âges. On discute de points, puis on s'entend sur la manière d'y faire face. Les problèmes ne sont jamais réglés; rien n'est jamais réglé. C'est là une grande entreprise qui coûte tout un bras. Vous m'excuserez de m'exprimer ainsi, mais pendant une minute, je me suis senti trop libre. Cela vous donne le courage de vous sortir de l'impasse où vous vous trouvez et d'aller de l'avant. À long terme, ceux qui en profitent sont ceux qui paient les services, parce que la demande baissera. Voilà ce que nous recherchons.
º (1635)
Mme Karen Kraft Sloan: Donc, vous parlez d'une assemblée qui servirait de table de discussion de certains des problèmes et des enjeux. Dans ce que vous dites, j'entends aussi qu'il y aurait moyen de s'informer et de partager les différentes façons de faire. Il y a donc un volet pratique et un volet culturel.
M. Robert Harry: Tout à fait. Comme je l'ai dit dans mon rapport, il y a le volet traditionnel. Quand vous déplacez un enfant du contexte de la réserve à un milieu urbain, vous l'extirpez d'une culture qui existe depuis des milliers d'années. Il la perd. Ce genre d'assemblée fournit l'occasion à ceux qui ont des valeurs traditionnelles et de la formation ainsi qu'à nos chanteurs et danseurs de pouvoir raconter leurs histoires et exécuter leurs danses traditionnelles devant les enfants handicapés, qui n'en ont probablement jamais vues auparavant. Ils en sont émerveillés.
Une fois qu'on a éveillé votre curiosité au sujet de votre propre culture, de vos propres passions et de tout le reste, vous avez plus d'assurance. Cela peut aider à vous remonter le moral et à vous convaincre de faire quelque chose, même si vous souhaitez devenir danseur. Il y a, dans notre bureau, un très beau tableau qui nous a été donné et qui représente, à la façon autochtone de la côte Ouest, une personne assise dans un fauteuil roulant. C'est un merveilleux tableau, qui dégage beaucoup de force. Cela en fait partie. Il y a tant de choses qui peuvent se produire dans un tel contexte.
Mme Karen Kraft Sloan: Qu'en est-il de l'attitude culturelle à l'égard des membres handicapés de la collectivité et comment les autres interagissent-ils avec eux au sein de la collectivité?
M. Robert Harry: Il ne semble pas y avoir d'attitude défavorable. Parfois, quand vous quittez la réserve, peu importe où vous vous trouvez, si vous êtes Autochtone, que vous soyez handicapé ou pas, votre départ suscite de l'amertume—pourquoi nous quittez-vous? Puis, quand vous y retournez, il y a du ressentiment. Il importe peu que vous soyez Autochtone, handicapé ou pas, on vous reproche votre retour. À mon avis, c'est la seule chose négative. Toutefois, vous perdez votre culture.
Le problème que pose le départ de la réserve de la personne handicapée—c'est le seul point qui me pose problème et il figure dans mon rapport—est l'interruption des services. Ces services sont interrompus pour un mois et demi ou deux, parce que vous passez de la sphère de compétence fédérale à la sphère de compétence provinciale. C'est le temps qu'il faut pour réintégrer le système. Parfois, une personne a le temps de mourir, et c'est ce qui est effrayant.
Mme Karen Kraft Sloan: Qu'en est-il des aspects positifs de l'attitude culturelle à l'égard des personnes handicapées?
M. Robert Harry: Comme je l'ai déjà mentionné, il ne faut pas perdre de vue le grand tableau. Il existe beaucoup de malentendus. Si vous examinez... je ne sais pas si vous avez la photographie. Pouvez-vous comprendre ce qu'évoque la photographie? C'est une personne dans un fauteuil roulant.
June, pouvez-vous nous expliquer celle-ci?
La chose noire que vous voyez là, c'est un fauteuil roulant. Il s'agit d'une personne handicapée.
Mme June Wylie (directrice exécutive adjointe, «BC Aboriginal Network on Disability Society»): Bonjour. Je m'appelle June Wylie et je suis la directrice exécutive adjointe de l'organisme. Celui qui a conçu ce dessin était membre de l'organisme quand il a ouvert ses portes, il y a dix ans. Il est quadriplégique. Le logo comprend un aigle, qui représente la force, et la base de la partie en noir ressemble à un fauteuil roulant, parce qu'il circulait en fauteuil roulant.
Mme Karen Kraft Sloan: Monsieur le président, j'ai une autre question, mais M. Harry préférerait peut-être répondre à celle de M. Spencer. J'ai d'autres points que j'aimerais...
º (1640)
Le président: Il faudrait peut-être ensuite que M. Tonks puisse également poser des questions.
Monsieur Harry, allez-y. Vous souhaitiez répondre à M. Spencer.
M. Robert Harry: Vous avez fait valoir des préoccupations très valables, et j'ai cru, comme Michael Prince de Victoria... Il y a cinq ans environ, le ministère des Affaires indiennes a versé à des organismes autochtones d'un peu partout au pays des fonds pour qu'ils s'attaquent aux problèmes des Autochtones handicapés. La seule province qui a vraiment accompli quelque chose, selon moi—et je ne crois pas me tromper—est la Colombie-Britannique, parce que les fonds sont allés à un organisme à but non lucratif, c'est-à-dire au BCANDS. Ce groupe s'est taillé toute une réputation en Colombie-Britannique en tant qu'organisme auquel on peut faire confiance. Tout l'argent que nous avons reçu, chaque cent, est allé aux Autochtones handicapés.
Donc, nous nous représentons nous-mêmes, nous représentons les 3 000 membres du BCANDS. Il s'agit d'un programme de services à intervention directe. Les services ne sont pas offerts seulement dans la réserve, mais à l'extérieur de celle-ci également.
Par « Autochtones », nous entendons les Premières nations, les Inuits, les Métis et les Indiens non inscrits. C'est bien la définition que vous, le gouvernement, donnez au terme « Autochtones », n'est-ce pas? Je ne fais que reprendre les mots que vous utilisez.
Il y a aussi les Ententes sur le développement des ressources humaines autochtones, les EDRHA, que vous avez établies par l'intermédiaire de Développement des ressources humaines Canada en vue de rejoindre les Autochtones. Je crois qu'il y a 10 ententes de ce genre en Colombie-Britannique. L'une a rapport avec les Métis, une autre, avec les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves, et les huit autres concernent les populations des réserves. Une entente est, à défaut d'un mot plus juste, contrôlée par les Métis, une autre, au niveau urbain et les huit autres, par les chefs.
Ce qui s'est produit à Abbotsford, dans le cadre de l'EDRHA des Sto:los, c'est qu'ils nous ont fait suffisamment confiance pour nous remettre les fonds qu'ils avaient obtenus pour les personnes handicapées de sorte que nous avons pu revenir à Abbotsford y administrer les fonds et engager les gens pour faire le travail auprès des personnes handicapées.
Un des problèmes que nous éprouvons survient lorsque des personnes obtiennent des fonds pour régler les problèmes des personnes handicapées. Elles ne savent pas comment les dépenser. Elles ne savent pas quoi en faire. Les Sto:los ont eu la sagesse de faire appel à nous. Nous avons ouvert un bureau, nous avons offert des ateliers sur le syndrome d'alcoolisation foetale et sur d'autres sujets.
Donc, pour en revenir à votre concept, on en voie le début en Colombie-Britannique, surtout auprès des autorités en matière de santé. M. Prince en saura plus que moi à cet égard. Je crois qu'il y en a cinq en Colombie-Britannique, et chaque entente comporte un volet autochtone pour traiter des questions de santé de chaque district.
C'est un début, mais il est régionalisé. Il n'est pas vraiment géré par tout le monde. Il comporte plutôt un volet autochtone. L'EDRHA en est un autre. Elle commence à s'implanter en Colombie-Britannique et elle commence à bien fonctionner dans certaines petites localités.
J'ai oublié de vous en parler. C'est pourquoi je tenais tant à vous répondre.
Le président: Merci, monsieur Harry.
La parole est maintenant à M. Tonks.
M. Alan Tonks (York-Sud—Weston, Lib.): Merci, monsieur le président, et je remercie les deux témoins d'être présents—physiquement et virtuellement.
Monsieur Harry, vos propos et ceux de M. Spencer semblent converger en ce qui concerne les questions de compétence. J'aimerais simplement mieux comprendre.
Dans votre exposé, à la page 2, vous parlez de faire le tri des droits et services des familles qui se déplacent d'une bande à l'autre. Vous avez aussi fait allusion au fait que les services sont interrompus. Sur le plan juridictionnel, qui prend la décision de faire le tri? Vous avez dit qu'il faut souvent des mois pour le faire. Comment se fait-il?
M. Robert Harry: Si vous habitez dans la réserve, tous vos services médicaux sont fournis par le gouvernement fédéral. Dès que vous quittez la réserve, vous relevez du gouvernement provincial. En Colombie-Britannique, on a pondu un questionnaire de quelque 21 pages qu'il faut remplir. C'est un véritable casse-tête, et bien des personnes refusent de le remplir parce qu'elles ne comprennent même pas les questions. Donc, elles oublient en quelque sorte de le faire. Ni le gouvernement provincial ni le gouvernement fédéral n'offre de soutien pour faire la transition. Il n'y a pas de transition, parce que les gens ne comprennent pas ce qu'ils signent et qu'ils sont effrayés.
Il faudrait, dans ce domaine, simplifier les faits, ne pas tellement politiser les programmes que seuls les élus politiques s'y retrouvent, si vous saisissez ce que je veux dire. Vous ne parlez pas le même langage que nous. Les membres de la base n'utilisent pas, par exemple, le mot « circonvolution » ou d'autres mots du genre comme vous. Moi-même, j'ai eu du mal à comprendre. Comprenez-vous de quoi je parle? Nous ne parlons vraiment pas le même langage.
Il n'existe pas de régime de soutien pour ces personnes. Parfois, deux ou trois mois plus tard, elles deviennent si désespérées qu'elles aboutissent à l'hôpital. Tout à coup, le milieu hospitalier doit effectuer le transfert du gouvernement fédéral au gouvernement provincial. À ce stade, elles pourraient avoir perdu beaucoup...
º (1645)
M. Alan Tonks: Je comprends cela, mais ce que je ne comprends pas, c'est l'idée, et je cite votre exposé, que, lorsqu'un membre de la bande passe d'une bande à l'autre, les services sont interrompus. Si vous vous installez dans un milieu urbain, celui-ci n'appartient pas comme tel à la bande. Ai-je mal compris?
M. Robert Harry: Me parlez-vous de passer d'une bande à une autre?
M. Alan Tonks: Oui.
M. Robert Harry: D'accord. Je vais vous donner quelques exemples. Ainsi, supposons que vous déménagez de Sliammon à Homalco, deux nations différentes en Colombie-Britannique, et que notre nom ne figure pas sur la liste de bande. Pour obtenir des fonds du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, il faut que vous soyez inscrit sur la liste. Les fonds qui sont versés à une bande précise sont destinés aux membres de cette bande. Donc, si vous emménagez dans la réserve, mais que vous n'êtes pas membre de la bande, vous n'avez pas droit aux services.
M. Alan Tonks: D'accord.
La personne qui déménage à Vancouver ne peut-elle pas obtenir des services de soutien de la province? Faut-il qu'elle passe par le même processus?
M. Robert Harry: Elle doit se soumettre à un processus. Comme je l'ai dit, il y a un questionnaire de 21 ou 22 pages...
M. Alan Tonks: Elle doit quand même le remplir.
M. Robert Harry: Il faut qu'elle le remplisse pour avoir droit aux services médicaux et à tout le reste. C'est une véritable histoire d'horreur. Je crois que le gouvernement fédéral, par l'intermédiaire du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, tente actuellement d'appliquer le même régime aux réserves. Quant à savoir si ce sera bon ou mauvais, nous le découvrirons assez vite, je suppose.
M. Alan Tonks: Contribuez-vous à ce que devrait être ce régime?
M. Robert Harry: Le processus a été amorcé il n'y a pas longtemps. Certains de nos membres nous ont demandé de quoi il s'agissait et comment remplir le questionnaire. Nous avons aussi rencontré des représentants de Santé Canada à Nanaimo. Ils ont dit qu'ils allaient le réviser et le simplifier, mais j'ignore s'ils l'ont fait.
M. Alan Tonks: Ma seconde question porte sur les centres d'amitié. Le comité tente de trouver un modèle intégré, et j'ai été impressionné par le concept, l'architecture, le principe—appelez-le comme vous le voulez—des centres d'amitié, qui ont vraiment une base communautaire et offrent divers services non seulement en matière de santé et de soins médicaux, mais aussi en matière d'emploi, de logement, de garderie, de tous ces genres de services de soutien.
En ce qui concerne la Colombie-Britannique et dans le contexte de cette province, BCANDS travaille-t-elle seule ou de concert avec les centres d'amitié? Pourriez-vous en dire un peu plus au comité à ce sujet?
M. Robert Harry: Pour l'instant, nous faisons vraiment bande à part. Nous avons nos propres membres. Parmi ceux qui font partie du conseil d'administration, sept ou huit sont handicapés. Si vous vous reportez aux recommandations faites dans la conclusion, les centres d'amitié ont, ce que nous n'avons pas, des ententes de principe, le genre d'arrangement qu'il faut pour être une entité dont on tient compte.
BCANDS tire beaucoup de sa force de sa réputation, de son personnel, du conseil d'administration et de ses membres. Pour lui donner encore plus de force et plus de présence auprès du gouvernement, nous avons besoin de protocoles, de rédacteurs de politiques, de toutes ces choses qui permettent d'employer les bons mots à juste escient, de manière à être compris par les personnes compétentes.
J'ai travaillé pour le centre d'amitié autochtone de Vancouver pendant six ans en tant que directeur exécutif. Je connais donc bien les centres d'amitié. J'ai d'ailleurs travaillé à la B.C. Association of Friendship Centres pendant longtemps. L'organisme est de nature plus politique, même si ce n'est pas ce qu'il souhaite. Nous essayons de nous tenir loin de la politique.
L'UNN a essayé de nous convaincre de se joindre à elle. L'UNN est un bras du CAP, c'est-à-dire du Council of Aboriginal People. C'est ce qui nous a incités à refuser. Nous ne souhaitions pas devenir un organisme politique. Nous souhaitons plutôt travailler avec les gens de la base.
Nous ne participons donc pas à beaucoup de projets avec les centres d'amitié—ou avec qui que ce soit, en réalité. Nous sommes une entité distincte et nous souhaitons le demeurer pour l'instant, jusqu'à ce que nous ayons les bonnes personnes en place pour examiner les questions de protocole et rédiger une orientation comme il convient. Nous y parviendrons, avec un peu de chance, et une des recommandations dont nous avons besoin est d'avoir quelque chose de cette nature dans notre société.
º (1650)
Le président: Merci.
Il nous reste à peu près 10 minutes et je veux regrouper certaines choses. En outre, à titre d'information seulement, je vais peut-être simplement profiter de ce moment pour régler une question de procédure étant donné que j'ai sous la main tous les membres du comité.
Je suis désolé d'interrompre notre échange, messieurs, mais si je ne le fais pas, les membres du comité vont se disperser.
Vous avez reçu remis un plan de travail que je vous demanderais d'examiner. Si vous avez des problèmes ou des suggestions, nous allons au moins en faire part au greffier. Vous constaterez qu'il s'agit d'un plan de travail révisé. Il y a deux ou trois éléments que je veux signaler—une fois de plus je prie les témoins de m'excuser pour cette digression.
Nous avons reçu une demande, qui se trouve à la page 2 et qui nous provient du sénateur Landon Pearson. Elle demande à venir nous entretenir de son travail portant sur la déclaration des Nations Unies intitulée «Un monde digne des enfants» et il s'agit de la réponse canadienne. Comme ce que nous accomplissons au sein de ce comité cadrerait dans une réponse gouvernementale à «Un monde digne des enfants», je crois qu'il est opportun d'entendre le sénateur Pearson.
Nous avons pensé à autre chose—mais cela doit être confirmé. Comme on le dit en caractères gras, puisque le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se penche sur la question des adolescents, nous aimerions, il me semble, partager des connaissances avant de déposer nos deux rapports. Il serait logique de collaborer avec les membres du comité. Nous travaillons donc à l'organisation de cette séance et, si vous êtes d'accord, nous allons aller de l'avant.
Je me rends compte que je vous fais part de ceci sans trop de préavis mais, si vous avez des suggestions, faites-nous en part et nous pourrons en discuter la semaine prochaine. Je vous expose simplement la situation.
Je pense que c'est tout pour l'instant.
Permettez-moi maintenant de reprendre l'examen de la question qui nous intéresse et de faire deux ou trois observations. La première s'adresse au professeur—toujours connu sous le nom de «Prince» pourriez-vous dire.
Vous avez fait une proposition radicale pour se dépêtrer de l'imbroglio constitutionnel. Vous avez utilisé des mots que nous ne prononçons jamais au niveau fédéral—des mots comme «transfert fiscal» ou «points fiscaux aux provinces».
Cependant, vous voudrez peut-être réfléchir à une solution de rechange. Un moment intéressant pointe à l'horizon. Nous sommes sur le point de faire une distinction, l'année prochaine, entre le transfert relatif à la santé et le transfert social. Le transfert relatif à la santé est assez bien défini par une certaine infrastructure au moyen de l'accord sur la santé. Le transfert social n'est pour ainsi dire qu'à l'état d'ébauche pour l'instant, sauf que nous savons qu'il comporte deux éléments : l'initiative en ce qui a trait au développement de la petite enfance et le nouvel accord multilatéral, peu importe le nom qu'il porte, portant sur la garde des enfants. Ces initiatives seront donc amorcées. D'aucuns pourraient penser que l'argent affecté aux Autochtones vivant en dehors des réserves est également affecté là et d'aucuns voudraient aussi se demander comment nous garantissons la transparence, l'obligation de rendre compte, la mesure, les résultats, tout ce que nous annonçons au sujet des soins de santé.
Par conséquent votre tâche, monsieur Prince, si j'ose vous donner un devoir, c'est que si vous pensez que c'est une idée qu'il vaut la peine d'examiner, faites-le, je vous en prie, et penchez-vous sur l'aspect de la santé parce que je crois que cela permettra de donner de la couleur à ce que nous allons faire du côté du transfert social.
Deuxièmement—et ceci s'adresse vraiment autant au comité alors que nous commençons à réfléchir à notre rapport— tout le monde a demandé qui est en charge ou comment nous évitons de refiler la responsabilité à quelqu'un d'autre, surtout au palier fédéral? Il me semble que pour réussir dans la vie il faut entre autres bien faire comprendre à qui l'on veut confier la responsabilité de quelque chose.
En ce qui a trait à la population autochtone vivant en milieu urbain, il me semble qu'il n'y a que la réponse fédérale pour l'instant, c'est-à-dire l'interlocuteur fédéral. Peu importe les lacunes de ce poste, il s'agit de la personne désignée dont nous avons reconnue la responsabilité. Je crois donc que la tâche de ce comité consiste en partie à habiliter cette personne à faire le travail que nous aimerions qu'elle fasse et que tout le monde aimerait qu'elle fasse. Si nous diffusons nos recommandations, quelqu'un devrait, quelque part, accomplir quelque chose au sujet des Autochtones vivant dans les villes. Vous savez où cela va mener—nulle part. Je veux donc mettre à profit l'interlocuteur urbain qui se cache derrière ce drôle de nom.
º (1655)
Je veux aussi insister sur le fait que dans notre rapport certains des points qui ont été soulevés poseront vraiment de multiples problèmes, mais il nous faudra les examiner lorsque nous réfléchirons à nos recommandations. Bien sûr, la question de la mobilité, pas simplement la mobilité physique comme l'absence de trottoirs dans les réserves, mais la mobilité entre les réserves et les allées et venues entre les communautés urbaines est un sujet qu'il va nous falloir mettre en évidence.
Monsieur Prince, en ce qui concerne votre suggestion, à savoir que nous devrions essayer d'examiner soigneusement cet équilibre délicat entre l'argent qui suit la famille et l'argent qui est versé aux autorités, nous sommes presque dans un domaine de droits qui se font concurrence—droits individuels et droits collectifs. Je crois que nous devons faire face à cela; je ne pense pas que nous puissions simplement prétendre que cela ne pose pas un problème. Je crois toutefois qu'il existe probablement une solution.
Cela m'amène à vous poser une courte question parce que le temps file rapidement. Vous avez mentionné, je crois, l'accord de Vancouver. Vous avez dit qu'il était tripartite et qu'il y en avait d'autres.
Je viens tout juste de vérifier auprès de l'attaché de recherche. Je crois qu'il en a été question à une seule reprise au cours des témoignages que nous avons entendus. Il serait important, je crois, que vous nous donniez un bref aperçu des trois parties en cause, de son fonctionnement et de son application et que vous nous disiez dans quelle mesure d'autres pourraient s'en inspirer un peu.
Vous croyez qu'il est efficace, je crois?
M. Michael Prince: Je pense qu'il vaut la peine d'y jeter un coup d'oeil. Bien avant que la politique urbaine soit redécouverte à Ottawa et redevienne un sujet brûlant—qui promet de l'être plus encore au cours des prochaines années—ces choses étaient tranquillement négociées et mises en oeuvre dans trois ou quatre centres urbains principaux. C'est l'accord de Vancouver que je connais le mieux parce qu'il s'applique dans ma province. Il s'agit d'un accord trilatéral, c'est-à-dire fédéral, provincial et municipal. Par conséquent, la ville de Vancouver en est partie prenante de même que la province de la Colombie-Britannique et le gouvernement fédéral.
L'une des astuces, ou peut être des avantages, c'est qu'il n'a mis en cause aucun investissement supplémentaire. On l'a vu entre autres au départ comme un outil qui permettrait de dépenser l'argent plus intelligemment et pourrait améliorer la collaboration et la coopération entre les trois niveaux.
Plus particulièrement, le secteur Est du centre-ville de Vancouver a été ciblé comme secteur où des ressources considérables provenant de trois niveaux sont déversées dans un très petit secteur, assez peu peuplé—très nécessiteux, bien sûr. On s'est demandé comment l'exercice pourrait être plus efficace. Pour être honnête ave vous, je n'ai pas suivi de près la situation au cours des quelque 12 derniers mois.
Permettez-moi une petite observation. Il y a autre chose d'autre à surveiller, quelque chose de trop nouveau pour que votre comité y jette déjà un coup d'oeil. La Colombie-Britannique se lance dans un programme de régionalisation, et je ne parle pas seulement des autorités de la santé, comme l'a mentionné M. Harry, mais de nos services à l'enfant et à la famille, ce qui cadre directement avec votre mandat.
À l'instar des autorités sanitaires, nous établissons cinq ou six administrations régionales pour les services à l'enfant et à la famille et il s'agit d'un système parallèle. Il y aura des administrations autochtones et non autochtones, communes à ces frontières régionales. C'est très prometteur. L'initiative est très bien reçue par la plupart—pas tous, mais la plupart—des chefs autochtones de la province. L'ennui, toutefois, c'est que cela coïncide aux compressions de 23 p. 100 qu'effectue la province et que la tâche ne sera pas facile. Je ne sais pas trop quoi en penser. Ce sera le triomphe de la forme sur la substance, je crois, en termes de ressourcement.
J'ai aimé votre observation au sujet de l'interlocuteur. J'avais oublié ce poste.
En ce qui concerne le transfert social du Canada, si vous relisez Double Vision: The Inside Story of the Liberals in Power des auteurs Edward Greenspon et Anthony Wilson-Smith, je crains que soit déposée une fois de plus ce printemps une loi d'exécution du budget clôturera tout le débat qui a cours au Canada au sujet du transfert social et que ce canevas vide que vous avez mentionné restera vide et bloqué dans la mesure législative.
J'espérerais que vienne le temps pour le milieu de la politique sociale—les Ken Battles et autres que vous et moi connaissons bien—et pour d'autres groupes d'avoir la chance de s'entretenir avec les autorités qui régissent le transfert social canadien parce que je crois que vous avez raison lorsque vous dites qu'il s'agit d'un véhicule très important, très attrayant et très prometteur pour les Canadiens qui veulent parler de l'avenir de leurs enfants, de la famille et des services sociaux.
» (1700)
Le président: Je vous remercie et, sur ce, permettez-moi de vous dire que le transfert social canadien à ce que nous sachions sera en place dans treize mois. Nous disposons donc d'un bon délai. C'est un vaisseau vide qui attend qu'on lui donne un sens.
Je vous remercie également de vos réponses. Soit dit en passant, je me rends compte que si nous devons réfléchir à l'accord de Vancouver de quelque manière que ce soit, nous devrions vraiment l'envisager à quatre paliers, à proprement parler, parce que de toute évidence nous voulons incorporer dans notre structure de gouvernance les communautés autochtones, ce qui ajoutera au défi.
M. Michael Prince: Tout à fait.
The Chair: Nous pourrions de toute évidence continuer. Je sais que nous aimerions poser d'autres questions. Malheureusement, nous essayons de respecter le temps qui nous est alloué et quelqu'un risque de s'attaquer à votre satellite en moins de deux. J'ose espérer qu'il s'agira d'un tir ami.
Merci beaucoup d'avoir participé, monsieur Prince et à vous monsieur Harry, d'avoir comparu sus place. Nous nous rencontrerons de nouveau, j'espère bien!
Merci beaucoup. La séance est levée.