Passer au contenu

SCYR Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mercredi 30 avril 2003




¹ 1525
V         Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.))
V         L'hon. Landon Pearson (conseillère pour les droits des enfants auprès du ministre des Affaires étrangères, Sénat)
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson

¹ 1530

¹ 1535

¹ 1540

¹ 1545
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne)
V         L'hon. Landon Pearson
V         Mme Andrea Khan (analyste et recherchiste en politiques, Bureau de l'honorable Landon Pearson, Sénat)
V         L'hon. Landon Pearson
V         M. Larry Spencer

¹ 1550
V         L'hon. Landon Pearson
V         M. Larry Spencer
V         L'hon. Landon Pearson
V         M. Larry Spencer
V         L'hon. Landon Pearson
V         M. Larry Spencer
V         L'hon. Landon Pearson

¹ 1555
V         Le président
V         M. Larry Spencer
V         Le président
V         M. Larry Spencer
V         Le président
V         Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD)
V         L'hon. Landon Pearson
V         Mme Wendy Lill
V         L'hon. Landon Pearson

º 1600
V         Mme Wendy Lill
V         L'hon. Landon Pearson
V         Mme Wendy Lill
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson

º 1605
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         L'hon. Landon Pearson
V         Le président
V         Mme Kelly Ostrowski (directrice, Marymound North)

º 1610

º 1615
V         Le président
V         Mme Nadine Egler-Wiome (cofacilitateur, Programme pour les jeunes parents, «Rainbow Youth Centre»)

º 1620
V         Mme Kim Wolbaum (coordonnatrice, Programme pour les jeunes parents, «Rainbow Youth Centre»)

º 1625
V         Le président

º 1630
V         M. Larry Spencer
V         Le président
V         M. Larry Spencer
V         Le président
V         M. Larry Spencer
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         M. Larry Spencer
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         M. Larry Spencer

º 1635
V         Mme Kim Wolbaum
V         M. Larry Spencer
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         M. Larry Spencer
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         M. Larry Spencer
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         Mme Kim Wolbaum

º 1640
V         M. Larry Spencer
V         Mme Kim Wolbaum
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         M. Larry Spencer
V         Mme Kelly Ostrowski
V         M. Larry Spencer
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Le président
V         M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ)
V         Le président
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         Mme Kim Wolbaum

º 1645
V         Le président
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Le président suppléant (M. Sébastien Gagnon)
V         Le président
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Nadine Egler-Wiome
V         Mme Wendy Lill

º 1650
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Mme Wendy Lill
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Le président

º 1655
V         Mme Kim Wolbaum
V         Le président
V         Mme Kim Wolbaum
V         Le président
V         Mme Kim Wolbaum
V         Le président
V         Mme Kelly Ostrowski

» 1700
V         Le président
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Le président
V         Mme Kelly Ostrowski
V         Mme Nadine Egler-Wiome

» 1705
V         Le président










CANADA

Sous-comité des enfants et jeunes à risque du Comité permanent du développement des ressources humaines et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 013 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 30 avril 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1525)  

[Traduction]

+

    Le président (M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.)): Je déclare la séance ouverte. Nous faisons un doublé aujourd'hui, mais les sujets concordent assez bien. Nous reviendrons à notre étude des enfants autochtones urbains de zéro à six ans après l'exposé de la sénatrice Pearson. Les témoins que nous entendrons à ce sujet seront les derniers avant que nous nous réunissions la semaine prochaine pour donner les instructions de rédaction.

[Français]

    Bienvenue, monsieur Gagnon. Bonjour.

[Traduction]

    Je pense qu'il est tout à fait approprié que nous commencions notre réunion d'aujourd'hui avec la sénatrice Landon Pearson, qui est une amie et une collègue, mais ce n'est pas la seule raison de sa présence.

    Landon Pearson a consacré sa vie à la défense des enfants. Nous l'avons rencontrée la première fois dans l'exercice de ses fonctions antérieures, lorsque moi-même je m'occupais de l'Institut canadien de recherches avancées. Elle travaillait alors sur la condition des enfants, et en particulier à l'échelle internationale, et ce depuis plusieurs années.

    Ce qui motive sa comparution d'aujourd'hui, c'est que la sénatrice Pearson est la représentante spéciale du premier ministre et du ministre des Affaires étrangères sur la condition des enfants, un mandant qu'elle exerce depuis, je crois, l'époque de M. Axworthy, et plusieurs ministres des Affaires étrangères ont défilé depuis.

    Dans ce contexte, je la laisserai nous expliquer le sujet qui nous rassemble aujourd'hui, soit le processus des Nations Unies, le Sommet des Nations Unies. Mais je voudrais simplement lui donner acte de la dette que le Canada a envers elle. Je ne sais pas ce que nous ferions si Landon Pearson n'était pas là pour défendre les enfants. Elle publie un merveilleux bulletin que je vous recommande. S'appelle-t-il Les enfants de la Colline?

+-

    L'hon. Landon Pearson (conseillère pour les droits des enfants auprès du ministre des Affaires étrangères, Sénat): Non, il est intitulé L'enfant et la Colline. C'est la garderie qui s'appelle Les enfants de la Colline.

+-

    Le président: Voilà qui explique ma méprise.

    Ce bulletin est un merveilleux résumé de la législation et de l'évolution des choses.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Vous le trouverez sur mon site Internet : www.sen.parl.gc.gc/lpearson.

+-

    Le président: D'accord. Nous souhaitons la bienvenue à L. Pearson.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Merci, J. Godfrey et merci de votre invitation.

    John et moi avons convenu qu'il serait utile que je vienne vous expliquer le plan d'action national pour les enfants et le processus dans lequel il s'inscrit. C'est très important et c'est une occasion pour moi de venir enrôler votre aide. Le Plan d'action national représente également une avenue importante pour le travail que vous effectuez ici, et j'ai donc une double raison de comparaître devant vous.

    Deux des membres du comité, John et M. Spencer, étaient à la session extraordinaire consacrée aux enfants...

+-

    Le président: Oui, et Karen Kraft Sloan y serait allée aussi si elle avait pu.

+-

    L'hon. Landon Pearson: C'est un processus continu.

    Je voulais juste vous donner quelques renseignements généraux sur le Plan d'action national pour les enfants. En mai dernier, lors de la Session extraordinaire consacrée aux enfants de l'Assemblée générale des Nations Unies, les chefs de gouvernement du monde entier se sont engagés à créer un monde meilleur pour les enfants.

    Ces engagements sont décrits en détail dans le rapport consécutif à cette session extraordinaire, qui est intitulé Un monde digne des enfants. Je vous en ai apporté des copies dans les deux langues. C'est un document très bien ficelé car il contient non seulement Un monde digne des enfants, qui était le rapport négocié suite à la Session extraordinaire consacrée aux enfants, mais aussi «Un monde digne de nous», soit la déclaration rédigée par les enfants eux-mêmes ayant participé aux travaux.

    On y énonce les objectifs de développement du millénaire dont nous devrions tous avoir connaissance, car le Canada s'y est engagé en 2000, en même temps que tous les autres pays. Il contient aussi la Convention relative aux droits de l'enfant et les deux protocoles optionnels. L'un d'eux intéresse les enfants touchés par la guerre et l'autre la prostitution juvénile et le trafic d'enfants. C'est donc un petit livret très utile.

    Pour les aider à tenir leurs promesses, c'est-à-dire les promesses que nous avons tous prises en signant... Je ne pense pas que M. Spencer, John ou moi-même étions présents à deux heures du matin lorsque le document a finalement été adopté. On est souvent amenés à siéger tard dans la nuit, mais ce texte a finalement été adopté par l'Assemblée générale lors d'une session extraordinaire, et ce à l'unanimité de tous les pays membres des Nations Unies. Le Canada prend ses engagements au sérieux. Ce n'est malheureusement pas le cas de tous les pays.

    Nous avons convenu d'élaborer:

des plans d'action nationaux comportant une série d'objectifs et de cibles spécifiques, assortis de délais, et mesurables... tenant compte de l'intérêt supérieur de l'enfant... et en conformité avec tous les droits de l'homme et les libertés fondamentales humaines.

    C'est le paragraphe 59 d'Un monde digne des enfants.

    Par la suite, le premier ministre du Canada a demandé à l'honorable Anne McLellan, ministre de la Santé, et à l'honorable James Stewart, ministre du Développement des ressources humaines, d'accepter conjointement la responsabilité de l'élaboration du Plan d'action national du Canada. Le premier ministre m'a demandé de diriger ce processus, en tant que son représentant personnel.

    Au cours des dernières semaines, j'ai organisé un certain nombre de dialogues sur la condition des enfants et d'autres sont prévus dans différentes régions du Canada.

    Une équipe de fonctionnaires, dont certains sont présents aujourd'hui, de représentants d'organisations non gouvernementales et principalement des jeunes—nous sommes ravis de la participation des jeunes—travaille à l'élaboration du Plan d'action national du Canada en se fondant sur ce que les interlocuteurs disent, écrivent et manifestent.

¹  +-(1530)  

    D'ici la fin de décembre 2003, notre Plan d'action national sera déposé aux Nations Unies et nous devrons ensuite rendre compte régulièrement de sa mise en oeuvre, à intervalles de quatre ou cinq ans.

    Il importe de savoir que le plan d'action est censé partir de ce qui a déjà été accompli et fixer des objectifs sur dix ans. Les objectifs énoncés dans Un monde digne de nous sont également progressistes et il y a donc concordance entre les deux.

    Si nous voulons que notre Plan d'action national fasse une réelle différence pour les enfants, il est essentiel que nous collaborions avec autant de Canadiens intéressés que possible. Nous devons donc écouter les divers paliers de gouvernement, les législateurs, les organisations non gouvernementales, les parents, toutes les personnes intéressées et surtout, les garçons et filles et adolescents.

    La question est de savoir à quoi ressemble, en gros, un monde et un Canada dignes des jeunes de moins de 18 ans. Nous cherchons à concrétiser cette description générique en une vision canadienne.

    Notre Plan d'action national, inspiré de la Convention relative aux droits de l'enfant, construira sur la fondation solide qui intègre déjà nos engagements relatifs à la condition enfantine. Je suis active dans ce domaine depuis longtemps et je peux vous dire que nous avons fait de gros progrès en 20 ans. Les choses ne sont pas encore idéales, mais la situation est considérablement meilleure qu'il y a 20 ans. Nous avons donc déjà une base de départ.

    Le plan se penchera également sur les enjeux émergents et envisagera l'avenir. Les Canadiens de tous âges ont maintenant la possibilité d'oeuvrer de concert pour protéger et promouvoir les droits des enfants tout en façonnant la vision du Canada pour l'enfance de la prochaine décennie.

    Un message important transmis lors de la session extraordinaire était que les enfants doivent avoir un rôle véritable dans l'élaboration des plans d'action nationaux. On a exhorté les gouvernements à faire participer les enfants à la planification, à la mise en oeuvre et au suivi des plans d'action. Nous-mêmes les consultons de près dans notre processus—je peux vous décrire par quels moyens plus tard, si cela vous intéresse—afin d'assurer que leurs voix soient entendues. Leur participation à tous les stades du processus est essentielle et oblige tout le monde à la sincérité.

    Ainsi, de nombreux Canadiens de tous âges nous ont déjà indiqué ce qui devrait être fait, d'après eux, et de quelle manière. En décembre dernier, j'ai adressé une lettre invitant tous ceux qui s'intéressent aux enfants et à la condition enfantine de s'exprimer. J'ai reçu une grande quantité de réponses extrêmement réfléchies. La qualité des réponses venant de tout le pays et de tous les milieux m'a beaucoup encouragée.

    Ces réactions préliminaires ont guidé le choix des thèmes ultérieurs à soumettre à la discussion. En effet, aux fins de l'établissement du Plan d'action national, nous cherchons à rassembler initialement des renseignements, à les exploiter, puis à soumettre de nouveau les résultats à la collectivité pour entendre les réactions, etc. Jusqu'à présent, ce système d'échanges aller-retour a assez bien marché.

    Parmi les priorités déjà identifiées, vous ne serez pas surpris de voir qu'il y a la qualité de l'éducation, bien entendu, des meilleurs soins de santé, l'éradication de la pauvreté, qui est jugée extrêmement importante, les enfants autochtones, naturellement—le sujet que vous étudiez vous-mêmes—, les enfants handicapés, naturellement— un autre sujet que vous avez étudié—, le développement de la petite enfance, la participation des enfants, la protection des enfants ainsi qu'un environnement propre. Ce sont tous là des thèmes parmi les plus souvent cités.

    Il est encourageant de voir une telle uniformité de vues, en ce sens que si nous élaborons un plan qui réagisse à ces problèmes, je pense que nous ne manquerons pas de personnes prêtes à travailler ensemble pour concrétiser ces mesures.

¹  +-(1535)  

    Notre Plan d'action national se concentre actuellement sur quatre thèmes, qui se fondent sur ce que les Canadiens ont exprimé et aussi sur nos engagements nationaux et internationaux envers les enfants.

    Vous vous souviendrez plus particulièrement des principes directeurs contenus dans le Programme d'action national pour les enfants adopté en 1999, je crois. Ces principes directeurs étaient que les enfants soient en santé sur les plans physique et affectif, réussissent leur apprentissage, vivent en sécurité, et soient socialement engagés et responsables. Voilà donc la base. Ce programme avait été accepté par les provinces et territoires et c'est donc un cadre de travail.

    Un autre élément déterminant du plan d'action est le contenu d'Un monde digne des enfants, qui est relativement précis. Dans l'ensemble, les principes directeurs sont l'intérêt supérieur de l'enfant, la non-discrimination, la survie et le développement et la participation. C'est là donc le cadre de notre action en faveur de l'enfance, adolescents compris.

    Il y eu pas mal de débats sur le terme «enfant». C'est un mot générique mais beaucoup de gens, en particulier les jeunes eux-mêmes, disent : «J'ai 17 ans et je ne me considère pas comme un enfant. Je suis un garçon» ou «je suis une fille». Nous avons donc pensé que «enfant» signifie tous les êtres humains de moins de 18 ans, au sens de la Convention relative aux droits de l'enfant. Mais, en réalité, cela recouvre les enfants, les filles et les adolescents. Les adolescents eux-mêmes n'aiment pas toujours être appelés adolescents, mais le préfèrent quand même au mot enfants. Vous voyez ce que je veux dire. Leurs problèmes sont différents et il ne faut pas les négliger non plus.

    Les quatre grands thèmes de notre Plan d'action national sont de promouvoir une vie saine, notamment en luttant contre le VIH/SIDA. Le SIDA constitue un thème à part dans Un monde digne de nous, mais les jeunes nous ont dit que si l'on va mener une action concernant le SIDA, il fallait mettre l'accent sur la santé reproductive et la sexualité. Voilà donc le premier thème.

    Le deuxième thème est de promouvoir une éducation de qualité. Le troisième est la protection contre la maltraitance, l'exploitation, la violence et la négligence. Le quatrième thème est de permettre la mobilisation sociale et la collaboration, qui recouvre donc l'inclusion, le partenariat, l'octroi de ressources, etc.

    Le document que nous rédigeons sera une réponse à Un monde digne des enfants et qui devra présenter une certaine cohérence avec les réponses des autres pays. Nous cherchons en effet à avoir un cadre relativement générique de façon à disposer d'un certain nombre de catégories communes aux différents pays à l'intérieur desquelles on pourra effectuer les évaluations dans dix ans sur les progrès réalisés depuis le sommet mondial.

    Notre PAN doit donc comprendre des objectifs spécifiques, assortis de délais et mesurables, élaborés au moyen d'un processus centré sur l'enfant, multisectoriel, concerté et axé sur le long terme. L'engagement du Canada envers les enfants, ainsi que la protection et la promotion de leurs droits, doit être examiné périodiquement et faire l'objet de rapports. Cette surveillance peut s'effectuer à de nombreux niveaux, tant par les gouvernements que par les organisations non gouvernementales.

    Nous mettons donc en place un processus de dialogue, auquel nous espérons que vous participerez, avant d'entamer la phase de rédaction, laquelle interviendra vers la fin juin. Les objectifs de ce processus sont de: fixer les priorités et déterminer les nouveaux enjeux ainsi que les possibilités d'action; créer ou renforcer des institutions ou mécanismes chargés de promouvoir et de protéger les droits des enfants, notamment par une meilleure sensibilisation à la Convention relative aux droits de l'enfant; mettre au point des mécanismes ou poursuivre les progrès et réévaluer les priorités; trouver des façons de mobiliser des ressources nouvelles et supplémentaires afin d'assurer que les droits de tous les enfants au Canada et à l'étranger sont promus et respectés; établir un modèle, pour les futurs processus d'élaboration des politiques relatives aux enfants, qui sera centré sur l'enfant, multisectoriel, concerté et axé sur le long terme.

¹  +-(1540)  

    Comme je l'ai déjà dit, le processus est déjà bien en train mais nous n'avons pas encore eu beaucoup de communications émanant de parlementaires ou de législateurs, et ce bien que j'aie pris contact avec les provinces et territoires. J'ai écrit au premier ministre et eu des réponses très positives. Ils ont désigné des personnes-contacts. Je pense donc que ce sera perçu comme une entreprise commune. Vous vous souviendrez, John et Larry, qu'il y avait à la session extraordinaire des représentants de quatre provinces, ce qui témoigne donc de l'intérêt des provinces elles-mêmes pour ce processus.

    Le fait que je n'aie pas reçu de communications d'un grand nombre de législateurs est en partie la raison pour laquelle je me présente devant vous aujourd'hui. Je voulais vous informer du processus actuellement en cours, mais surtout vous demander vos contributions, tant collectives à titre de comité qu'individuelles.

    Je pourrais vous donner d'autres détails, mais voilà une esquisse de ce que nous faisons. Nous envisageons de publier un document similaire à celui-ci. Il serait de même taille, mais bien sûr rouge et blanc. Je ne pense pas que nous l'appellerons nécessairement «Un Canada digne des enfants» mais il ira dans cette direction. Il contiendra et le plan et la Convention relative aux droits de l'enfant. Ce sera donc un volume parallèle à ce livret, d'un format pratique pour que les gens puissent s'y reporter constamment au cours des prochaines années et voir quels progrès nous réalisons dans tel ou tel domaine, etc.

    Je suis sûre que vous serez intéressés par certains des enjeux déjà identifiés, en particulier les enjeux émergents. Mais j'attends vos questions à cet égard.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Sur le plan technique, s'agissant de ce que le comité peut contribuer au processus, je ne sais pas comment vous pourriez incorporer le travail que nous avons déjà fait ou terminerons d'ici juin.

    Autrement dit, si vous portez un intérêt spécial aux enfants autochtones, comme vous l'avez indiqué, notre comité a publié un rapport sur les enfants de zéro à six ans dans les réserves, auquel le gouvernement a répondu à l'automne. Pouvons-nous tenir pour acquis que vous en êtes informée et que nous n'avons pas à vous le transmettre officiellement?

+-

    L'hon. Landon Pearson: Non, ce n'est pas nécessaire. Je demande réellement votre accord à ce que nous adoptions les recommandations et objectifs qui y sont énoncés.

    Si l'on remonte un peu plus en arrière, n'avez-vous pas aussi publié un rapport sur les enfants vulnérables?

+-

    Le président: Effectivement, et nous devrions peut-être vérifier nos propres archives pour voir quels rapports antérieurs pourraient vous intéresser. Certains traitaient de la petite enfance et ont été suivis d'effet. Nous y recommandions un congé parental prolongé et des prestations de maternité, etc.

    Si vous le voulez bien, Julie, faisons en sorte de passer en revue nos rapports antérieurs et de faire parvenir à la sénatrice Pearson tous ceux qui peuvent l'intéresser. Je suis sûr que nous n'avons pas changé d'avis depuis.

+-

    L'hon. Landon Pearson: C'est Mme Andrea Khan qui s'occupe de la rédaction dans mon bureau.

+-

    Le président: Très bien. Nous le ferons avec la permission du comité—je suppose que nous n'avons pas changé d'avis. Nous enverrons également notre rapport à la sortie des presses en juin, si ce n'est pas trop tard.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Il ne sera pas trop tard, car nous allons recueillir des avis jusqu'à la fin juin.

+-

    Le président: Ce rapport—c'est comme rédiger la bande annonce pour le film de Mme Ostrowski—portera sur les enfants autochtones en milieu urbain de zéro à 12 ans. Il y a là des dimensions intéressantes.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Comme vous le savez, le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, dont je suis membre, mène une étude sur les adolescents autochtones en milieu urbain. Ce n'est pas la même tranche d'âge, nous nous intéressons à la tranche d'âge supérieur. Donc, avec nos deux comités, je pense que nous aurons mis en lumière nombre des problèmes et esquissé quelques solutions.

+-

    Le président: Nous espérons nous mettre en rapport avec ce comité. D'ailleurs, nous avons essayé d'organiser—sans succès, malheureusement—une réunion conjointe de façon à pouvoir comparer nos notes. Mais nous continuerons d'essayer.

    Monsieur Spencer, vous avez eu un avant-goût hier soir à New York. Avez-vous des questions ou des commentaires pour la sénatrice Pearson?

+-

    M. Larry Spencer (Regina—Lumsden—Lake Centre, Alliance canadienne): Je n'ai pas beaucoup de questions. Il semble que vous suiviez une approche très organisée et minutieuse et c'est bien.

    Est-ce que ce plan va être présenté à la fin de l'année lors d'une session des Nations Unies? Est-ce là l'idée?

+-

    L'hon. Landon Pearson: Oui. Techniquement, le rapport ira au secrétaire général, qui l'ajoutera à la collection. Andrea connaît les modalités exactes. Peut-être cela passera-t-il par l'UNICEF.

+-

    Mme Andrea Khan (analyste et recherchiste en politiques, Bureau de l'honorable Landon Pearson, Sénat): Je pense que cela passera par l'UNICEF.

+-

    L'hon. Landon Pearson: L'UNICEF a été chargée du suivi de la session extraordinaire. Donc, le rapport ira probablement à l'UNICEF.

    Du point de vue de ce que nous faisons ici au Canada, nous espérons que ce rapport deviendra une politique gouvernementale. Ainsi, il fera l'objet d'un mécanisme propre en cabinet, ce genre de chose. Mais nous n'en sommes pas encore là.

+-

    M. Larry Spencer: Pensez-vous qu'il risque d'y avoir des recoupements ou avez-vous cherché à déterminer les recoupements qu'il pourrait y avoir avec la nouvelle Loi sur le divorce, ou la question de l'intérêt supérieur de l'enfant, comme dans votre plan et comme dans le document des Nations Unies? Ce projet de loi ne fait réellement état des droits des personnes—ni des parents ni de l'enfant. Il fait simplement mention de l'intérêt supérieur de l'enfant.

    Y a-t-il un problème de conformité de ce projet de loi avec certains de ces objectifs?

¹  +-(1550)  

+-

    L'hon. Landon Pearson: L'emploi du terme «intérêt supérieur» couvre le problème dans une certaine mesure. Mais avez-vous déjà commencé à étudier la Loi sur le divorce? Est-elle en comité?

+-

    M. Larry Spencer: Eh bien, on nous l'expédie. Je ne sais pas trop. Ils nous envoient des choses, on les voit passer, et nous ne savons pas où elles vont ensuite. C'est un peu comme un boomerang, cela nous revient tôt ou tard.

+-

    L'hon. Landon Pearson: C'est juste.

    J'aimerais vous faire part—je sais que cela vous intéressera, monsieur Spencer—de la résolution sur les droits de l'enfant qui vient d'être adoptée à la Commission des Nations Unies sur les droits de l'homme. Elle contient maintenant une nouvelle déclaration très ferme sur la famille.

+-

    M. Larry Spencer: Cela figure-t-il dans notre documentation?

+-

    L'hon. Landon Pearson: Non. Nous venons justement de mettre la main dessus, mais nous pouvons vous donner la référence. C'est daté du 22 avril, c'est donc tout nouveau. C'est la résolution qui vient d'être adoptée par la Commission des droits de l'homme à Genève, tout récemment. J'ai salué la déclaration suivante:

Reconnaissant que la famille constitue l'unité sociale fondamentale et à ce titre doit être renforcée; qu'elle a droit à tout l'éventail des mesures de protection et de soutien; que sur elle repose la responsabilité première de la protection, de l'éducation et du développement des enfants; que toutes les institutions de la société devraient respecter les droits des enfants, assurer leur bien-être et fournir l'assistance voulue aux parents, familles, tuteurs et autres responsables afin que les enfants puissent grandir et s'épanouir dans une atmosphère de bonheur, d'amour et de compréhension, étant entendu que différentes formes de familles peuvent exister dans différents contextes culturels, sociaux et politiques...

    Voilà donc une phrase qui figure maintenant dans la résolution annuelle sur les droits de l'enfant. Il y a aussi tout un passage sur les droits des enfants en cas de séparation des parents, etc., et nous pouvons laisser copie de ce texte au greffier pour qu'il vous le distribue.

    On y lit :

Prendre toutes les mesures appropriées, en particulier éducatives, pour promouvoir plus avant la responsabilité des deux parents à l'égard de l'éducation, du développement et du soin des enfants;

    Mais au-delà il y a les responsabilités communes des parents pour l'éducation et le développement de leurs enfants. Cela figure dans un chapitre intitulé «Identité, relations familiales et enregistrement de la naissance». Heureusement, l'enregistrement de la naissance n'est pas un problème dans ce pays.

+-

    M. Larry Spencer: Je considère que ce qui se passe dans notre pays au nom de la liberté individuelle est un problème général car on néglige de cette façon totalement l'intérêt supérieur des enfants concernés.

    Lorsqu'on parle des besoins des enfants, pensez-vous qu'il y a une faiblesse dans notre pays en ce qui concerne la détermination des responsabilités parentales, c'est-à-dire celle des personnes qui mettent les enfants au monde et qui en sont responsables, quelle que soit la définition que l'on donne de la famille?

+-

    L'hon. Landon Pearson: Je pense que l'une des recommandations les plus fermes qui aient surgi de nos consultations parle d'une meilleure préparation des parents et d'un plus grand soutien aux parents, particulièrement à ceux de jeunes enfants. On s'accorde à dire que les choses sont probablement plus difficiles pour les parents aujourd'hui que lorsque moi j'ai élevé de jeunes enfants et qu'il faut consacrer beaucoup plus de ressources pour aider les jeunes gens qui ont des enfants à reconnaître la responsabilité qu'ils assument. Ce point de vue semble être universellement partagé.

    Une organisation de Toronto du nom de Invest in Kids a mené une étude intéressante à l'échelle du pays sur les attitudes parentales. La bonne nouvelle est que les parents considèrent que le soin des jeunes enfants est ce qu'il y a de plus important. La mauvaise nouvelle est qu'ils ne savent pas comment s'y prendre. Ils ne savent pas ce qu'il faut faire.

¹  +-(1555)  

+-

    Le président: Je suis désolé de vous interrompre car c'est un merveilleux... ce n'est pas pour vous couper la parole, nous avons encore du temps.

    Mais j'aimerais mentionner que nos témoins suivants viennent de se joindre à nous. Vous êtes la bienvenue pour rester, bien entendu, sénatrice Pearson.

    Nous recevons donc Kim Wolbaum et Nadine Egler-Wiome, qui sont respectivement coordonnatrice et cofacilitatrice du programme pour les jeunes parents du Rainbow Youth Centre. Comment aimez-vous cela? Nous nous débrouillons bien, n'est-ce pas?

    Je les regardais hocher de la tête.

+-

    M. Larry Spencer: Vous étiez donc en train de m'avertir d'être prudent.

+-

    Le président: Pas du tout. Je ne faisais que renforcer les messages et je me sens en quelque sorte comme un entrepreneur ici.

    Nous pourrions peut-être poursuivre. Je ne voulais pas vous couper la parole, monsieur Spencer.

+-

    M. Larry Spencer: C'est bien. Nous avons d'autres personnes qui souhaitent intervenir.

+-

    Le président: Wendy Lill, avez-vous quelque chose à ajouter ou à demander?

+-

    Mme Wendy Lill (Dartmouth, NPD): Je voulais vous remercier de venir nous rencontrer. Il est question d'un document où il est question d'un Canada digne des enfants.

    Je prends comme point de départ la Convention des Nations Unies relative aux droits de l'enfant qui remonte à 1989. Je sais qu'il y a eu une résolution au Parlement fédéral adoptée à l'unanimité des partis et visant à éliminer la pauvreté des enfants d'ici l'an 2000. Il semble qu'aujourd'hui un enfant sur cinq vive dans la pauvreté, ce qui est réellement une honte et un scandale. Nous n'avons donc pas réussi dans cette entreprise.

    Je suis très préoccupée par tous les problèmes auxquels se heurtent les enfants aujourd'hui. Il y a beaucoup de problèmes de santé, tels que les cancers touchant les enfants, la leucémie, les tumeurs cérébrales, les problèmes de stérilité, l'augmentation de la fréquence de l'autisme et du syndrome d'alcoolisme foetal. Il y a 20 ans, nous ne connaissions pas réellement les problèmes de l'obésité et de l'inactivité.

+-

    L'hon. Landon Pearson: C'est juste. Cela a été signalé comme problème émergent.

+-

    Mme Wendy Lill: Il y a le problème qui a été amené par les énormes coupures opérées dans les programmes de soutien provinciaux, sur le plan des services sociaux, de l'éducation, de la santé. On voit les provinces amputer les soutiens pédagogiques aux enfants handicapés. Des milliers d'enfants handicapés languissent dans les salles de classe et sont pratiquement à l'abandon. Ils ne reçoivent pas le genre de soutien dont ils ont besoin pour vivre dans un pays digne d'eux, en dépit de la Charte des droits et libertés.

    Comme nous le savons, l'APN est à Ottawa à ce moment et tient un discours que l'on ne peut ignorer. Ce pays n'est pas digne des enfants autochtones—la situation du logement est déplorable, l'eau est insalubre. Des mères autochtones nous disent sans cesse que leurs enfants tombent malades. Vous savez, j'ai réellement honte de ce qui se passe. Si on remplissait un bulletin de notes pour nous, je ne pense pas que nous aurions une très bonne note pour notre action pour les enfants.

    Certains députés de la majorité essaient de faire bouger les choses et j'apprécie beaucoup leur action. Mais d'après ce que je puis voir, comme néo-démocrate, je m'inquiète beaucoup du manque de logements, du fait qu'un quart de nos enfants vivent dans la pauvreté et ont une qualité de vie si mauvaise que leur santé s'en ressent.

    Comment cela va-t-il être répercuté dans un joli petit livret comme celui-ci? Est-ce que l'on va faire état de cette situation? Sinon, ce n'est pas peine de gaspiller le papier. Il faudrait faire un bilan, montrer ce qui marche et ce qui ne marche pas.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Je pense que les difficultés seront très clairement énoncées car vous n'avez rien dit ici que d'autres Canadiens n'ont pas déploré aussi.

    C'est pour moi une occasion de dire que nous avons une double tâche. Nous avons d'une part une responsabilité intérieure et d'autre part une responsabilité internationale. Nous nous penchons également sur des problèmes tels que le trafic d'enfants, l'exploitation sexuelle des enfants, les enfants victimes de la guerre et nos programmes de protection de l'enfance.

    Je reviens de deux semaines au Mexique, où j'ai visité un centre de réadaptation des enfants. Je sais que l'on peut se sentir très découragé dans notre pays, mais mon Dieu, si vous étiez un parent mexicain d'un enfant handicapé, vous connaîtriez une situation très difficile.

    Je pense que le mieux que l'on puisse faire, c'est de continuer à identifier les problèmes et d'essayer d'avancer. Dans la lutte contre tous ces problèmes, on avance sur certains des aspects et on recule sur d'autres. Ce sera historiquement notre défi.

    Vous avez la pneumopathie aiguë qui tout d'un coup absorbe une énorme quantité de ressources. D'autres choses surviennent—la détérioration de l'environnement, qui n'est pas seulement de notre faute, etc. Il ne faut pas oublier que nous vivons dans un village global. Nous pouvons diffuser la vision de ce que nous voulons réaliser et espérer que d'autres suivront le mouvement.

º  +-(1600)  

+-

    Mme Wendy Lill: Je conviens avec vous que notre pays est considéré comme un modèle, à bien des égards, ce qui nous impose une grosse responsabilité. Nous devons faire plus d'efforts et avoir un comportement exemplaire.

    Nous savons que notre relation avec les Canadiens autochtones n'est pas bonne; cela se sait dans le monde entier. Je m'interroge sur une recommandation qui nous a été faite par un témoin, à savoir qu'un conseiller spécial chargé des enfants et adolescents autochtones soit nommé au cabinet du premier ministre, au Bureau du Conseil privé, afin d'avoir un champion qui fera ressortir chaque jour que les choses sur ce plan ne vont pas très bien.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Je suis partisane de ces idées.

+-

    Mme Wendy Lill: Vous recommanderiez cela.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Il faut quelqu'un qui revienne constamment à la charge, qui comprenne toutes les dimensions multiples de la problématique et qui se préoccupe de l'intérêt supérieur des enfants et qui peut suivre toutes ces choses.

    J'ai travaillé avec Mary Simon à une fondation pour les enfants de l'Arctique, et c'est un peu la même chose. Il faut des institutions spécialisées qui se concentrent sur l'intérêt des enfants et ne se laissent détourner par rien d'autre.

    Les enfants seront en difficulté aussi longtemps que sévira la pauvreté, mais on sait que même si on éliminait cette dernière, tous les problèmes ne seraient pas réglés. Les enfants des riches eux aussi ont des difficultés. Il faut donc réellement chercher à déterminer les facteurs fondamentaux qui permettent aux enfants d'être forts, sains, responsables, participatifs et artistiques. Ce dernier point est un autre aspect dont je n'ai pas parlé, mais qu'il faudrait étudier.

    Je sais que vous voulez changer de sujet.

+-

    Le président: Permettez-moi de poser quelques questions. La première est de savoir ce que vous ferez dans la réponse, dans le petit livret, au sujet des besoins particuliers des enfants autochtones, qu'ils vivent en réserve ou en dehors. Beaucoup dépendra de la façon dont vous vous y prendrez.

    Un autre élément—j'aime le paradoxe et je dois avouer que c'est l'oeuvre de Julie, là-bas—intéresse le fait qu'une certaine sénatrice Pearson a soumis une proposition en vue de créer un poste de Commissaire aux enfants au Canada. Si cet organe avait existé—je ne sais pas si vous auriez eu le poste ou non—cela aurait facilité la coordination des stratégies en réponse àUn monde digne des enfants.

    Ma question est un peu irrévérencieuse. Allez-vous recommander cela à titre de mécanisme de coordination? Ce serait un pas audacieux, mais logique.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Eh bien, c'est prévu. L'une des recommandations dans Un monde digne des enfants est justement que les pays se dotent de mécanismes pour protéger les droits des enfants. Certains pays ont un médiateur, d'autres uns commissaire.

    Quel mécanisme sera le mieux adapté à la fédération canadienne? Il se pourrait que ce soit un conseil plutôt qu'un commissaire, mais l'idée est partagée par beaucoup. Beaucoup de gens nous ont écrit pour dire qu'il faudrait un point focal pour les enfants au niveau national.

    Voilà donc votre réponse. Nous espérons que l'idée s'imposera au point que nous pourrons en faire la recommandation.

    Pour ce qui est des approches concernant les enfants autochtones, j'ai été très intéressée par tout ce que nous avons appris sur les adolescents autochtones en milieu urbain dans notre comité sénatorial. Nous avons constaté que nombre d'entre eux sont pleins d'imagination, d'esprit d'entreprise et de créativité. Ils sont en quête d'une façon différente d'être autochtone de celle de leurs aînés.

    Étant donné la qualité de l'enseignement et certains des programmes imaginatifs que nous avons vus à Edmonton et ailleurs, je suis relativement optimiste en ce qui les concerne. Il y a tellement de potentiel dans la population autochtone adolescente que notre cadre, je pense, va devoir chercher davantage dans cette direction. Quelles sont les choses qui fonctionnent et comment pouvons-nous les promouvoir? Comment éliminer les modes de financement inefficaces, etc., et mettre en place d'autres qui ouvrent les portes, au lieu que l'on passe son temps à remplir...? Je vois que vous comprenez ce que je veux dire.

    Voilà le genre de choses que nous allons considérer. Nous partirons du principe que les Autochtones représentent un atout formidable et il s'agira de voir comment en tirer le meilleur parti à l'avenir.

º  +-(1605)  

+-

    Le président: Sur cette excellente note, nous allons clore cette partie de la réunion.

    Je sais que vous avez de nombreuses obligations mais nous vous invitons à rester aussi longtemps que vous le voudrez, vous serez parfaitement la bienvenue.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Andrea va rester. Ce ne vous dérange pas, Andrea?

+-

    Le président: C'est parfaitement approprié car le sujet dont nous traitons aujourd'hui sont les enfants autochtones en milieu urbain âgés de zéro à 12 ans nés de mères adolescentes. C'est là un thème autour duquel nos deux comités se retrouvent de la façon la plus appropriée.

    Nous vous sommes reconnaissants d'être venus, Landon. C'est toujours agréable et c'est un plaisir de travailler avec vous.

+-

    L'hon. Landon Pearson: Merci.

    Si vous voulez me contacter, je serai toujours ravie de m'entretenir individuellement avec l'un ou l'autre d'entre vous.

+-

    Le président: Merci.

    Changeons de vitesse et accueillons nos trois prochains témoins. Pourquoi ne pas procéder dans l'ordre indiqué dans l'ordre du jour? Nous commencerons avec Kelly, si possible. Bienvenue.

    Vous pouvez voir comme tout se tient. Parlez-nous donc un peu de vous-même, de Marymound North, et du travail que vous faites.

+-

    Mme Kelly Ostrowski (directrice, Marymound North) Merci.

    C'est une excellente transition. Je suis allée chercher la documentation sur l'Internet et je l'ai lue dans l'avion pendant le voyage qui m'a amenée de Thompson, au Manitoba. J'ai pris toutes sortes de notes et je pense pouvoir répondre à certaines des questions que vous posez.

    J'aimerais tout d'abord vous remercier de votre invitation à comparaître aujourd'hui. J'applaudis à votre demande de réfléchir aux points forts, aux défis et aux besoins, car je pense que ce sont les termes qu'il faut utiliser au lieu de toujours parler de problèmes.

    Les besoins sont beaucoup plus universels, s'agissant des parents adolescents autochtones et de leurs enfants vivant en milieu urbain. Cela fait une vingtaine d'années que je m'occupe de cette population cible particulière—vous voyez que je ne suis pas des plus jeunes.

    Je suis la directrice de Marymound North, à Thompson, au Manitoba. Marymound est un organisme privé sans but lucratif qui offre une gamme de services thérapeutiques et éducatifs à des personnes et à leurs familles. Nous sommes parrainés par les Soeurs du Bon-Pasteur. Les Soeurs du Bon-Pasteur sont présentes dans la plupart des pays du monde et sont représentées par quelque 600 organismes différents.

    La clientèle de Marymound compte une très forte population de jeunes Autochtones qui se débattent pour surmonter des difficultés personnelles, dont la maltraitance, la dépression, des problèmes familiaux et des besoins éducatifs spéciaux.

    À Thompson, où nous sommes implantés depuis 1984, nous avons un établissement polyvalent pour les enfants âgés de zéro à 17 ans. Ils couvrent toute la gamme depuis les services d'urgence jusqu'à des services de transition à court terme pour les enfants et leurs familles. Nous envisagions ces derniers temps de nous doter de ressources plus spécialisées.

    En 1994, Marymound, de concert avec trois autres organisations, a présenté une demande de financement au titre de l'Initiative Grandir ensemble annoncée par Santé Canada dans le cadre de son programme d'action communautaire pour les enfants. Nous avons ainsi monté un projet que nous appelons Futures, dont je vais vous dire quelques mots.

    Il s'agit d'un projet à sites multiples qui vise à aider les adolescentes enceintes à faire des choix et à assumer les conséquences. Heureusement, on vient de nous annoncer le 1er avril dernier le renouvellement de nos crédits pour trois ans encore.

    C'est un projet très singulier en ce sens qu'il est mené à bien en partenariat avec deux autres organisations. Auparavant, nous en avions trois autres et nous sommes à la recherche d'un troisième partenaire. Bien que Marymound, en tant que commanditaire, soit l'organisme directeur, le projet intègre les valeurs et principes de chacun des partenaires. Les décisions prises en matière de dépenses et de ce genre de chose sont paritaires. Je pense que c'est réellement là la clé, un ingrédient essentiel et la raison pour laquelle le projet continue à marcher si bien.

    L'approche de la prestation de services à la population cible privilégie la proximité, un autre facteur essentiel. J'aimerais dire qu'outre le budget que nous recevons de Santé Canada, on nous fournit également des contributions en nature. Cela montre à quel point il s'agit d'un partenariat. Ainsi, si on nous verse 204 000 dollars pour administrer le programme chaque année, le coût réel en est le double.

    Je suis sûre que vous aurez des questions plus précises à poser sur le fonctionnement interne du projet. J'aimerais dire quelques mots sur les atouts et succès du programme, s'agissant de joindre la population cible avec laquelle nous travaillons.

    Futures s'adresse aux participants qui connaissent des facteurs de risque multiple. Parmi la clientèle, 88 % sont des jeunes Autochtones vivant hors réserve, 75 % appartiennent à des familles à faible revenu ou dépendantes de l'aide sociale et 100 % des participantes courent le risque de tomber enceinte, sont enceintes ou sont parents d'enfants de moins de six ans. Il y a certes des enfants au-dessus de cet âge, mais c'est là notre mandat au titre du financement PACE.

º  +-(1610)  

    Le fondement même des programmes et services de proximité suppose que la personne noue avec les participants des rapports confiants et sincères. C'est fondamental. Il ne s'agit pas d'adopter une attitude de supériorité, de celui qui sait. Les programmes et les groupes sont largement déterminés par les participants: «qu'est-ce qui est important pour vous», «qu'est-ce qui vous sera utile», «quels sont vos atouts», comment les mettre à profit? Voilà la clé, à mon sens.

    D'autres éléments de réussite sont les sites multiples, soit les sites satellites des partenaires. Ainsi, à Marymound, nous avons un site satellite et un site propre. Nous avons un site dans le bureau de chaque partenaire et cela accroît notre taux de couverture de la collectivité.

    Les visites à domicile et rencontres dans des lieux informels sont bénéfiques. Nous rencontrons les participantes là où elles se sentent le plus à l'aise. L'étendue du partenariat est également un atout. Le partenariat a évolué et s'est étendu au fil des ans. Un bon partenariat exige beaucoup de travail, un peu comme un bon mariage, je trouve.

    Le soutien de la collectivité au projet est très large et impressionnant. La collaboration avec les organismes municipaux a également été utile, avec la conclusion de nombre d'accords de réciprocité. Il se peut que nous organisions une session traitant des besoins des jeunes gens dans le centre de crise, si bien que les participants des organismes municipaux viennent y assister avec leurs moniteurs—ce genre de chose. Il y a beaucoup de soutien et d'accords réciproques.

    Pour ce qui est de la formation du personnel, Futures opte pour le perfectionnement du personnel par le moyen de l'apprentissage continu.

    Pour ce qui est du recours à l'approche «santé de la population» et le fait que nous soyons évalués sur cette base, nous vous exhortons à conserver ces notions. Elles se sont répandues au cours des 15 dernières années, à l'échelle fédérale, mais pas encore assez au niveau provincial. Ses 12 déterminants portent réellement sur les facteurs qui font que nous restons en santé. C'est sur cette base que l'on nous évalue et c'est bien ainsi.

    L'éducation est l'un de ces déterminants et nous menons une action à cet égard, avec une salle de classe alternative pour les élèves de neuvième année à notre site principal. C'est une salle de classe hors campus et la plupart des étudiants qui la fréquentent sont des parents eux-mêmes et tous sont considérés comme présentant un risque élevé de devenir parents adolescents.

    Les parents adolescents qui suivent notre programme se voient reconnaître un crédit par notre école secondaire locale, suite à la campagne que nous avons menée en ce sens. Ainsi, les jeunes obtiennent un crédit pour les cours de soutien et d'aptitudes parentales qu'ils ont suivis et ce genre de chose.

    Je suis réellement impatiente de voir ce que vous avez à dire. J'espère que nous pourrons faire un peu de réseautage tout à l'heure.

    L'achèvement des études secondaires est considéré comme un objectif prioritaire s'agissant de travailler avec les adolescentes enceintes ou risquant de le devenir ou mères. Un mode de vie sain, les aptitudes parentales et l'accès aux ressources sont des conditions essentielles de la vie de ces jeunes et certainement de leurs enfants.

    J'ai indiqué sous forme lapidaire certains des défis. Je ne sais pas si vous souhaitez que je...

º  +-(1615)  

+-

    Le président: Je suggère d'aborder cela lors de la discussion, aussi détendez-vous. Je pense que nous allons passer rapidement de Thompson à Regina et donner la parole à nos autres invités.

    Soyez les bienvenues toutes deux et je vous invite à faire quelques remarques liminaires. Nous pourrons ensuite avoir une discussion générale.

    Est-ce que vous vous connaissez? Non. C'est pourquoi nous sommes ici—pour vous rassembler vous tous et toutes, qui venez de partout au Canada. Pourquoi il faut faire cela à Ottawa, je ne sais pas. Quoi qu'il en soit, vous avez la parole.

    Je vous souhaite la bienvenue à toutes deux.

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome (cofacilitateur, Programme pour les jeunes parents, «Rainbow Youth Centre»): Bon après-midi, monsieur le président, membres du comité, collègues et observateurs.

    Un pays n'a pas de ressource plus précieuse que ses enfants. Chaque génération apporte des idées nouvelles et approches créatives de la satisfaction des besoins du moment et de la réalisation des objectifs pour l'avenir. Cependant, la pandémie de grossesses et d'accouchements d'adolescentes au Canada expose de nombreux enfants à de hauts risques.

    Les familles qui manquent de la stabilité et du soutien nécessaires à la survie dans notre société en mutation élèvent souvent des enfants vulnérables et exposés aux périls. Néanmoins, la grossesse adolescente n'est pas un phénomène nouveau, ni un problème critique. Le problème critique aujourd'hui est d'être un parent à un moment et dans un lieu donnés.

    Je suis Nadine Egler-Wiome et à côté de moi se trouve Kim Wolbaum. Nous coordonnons ensemble le programme pour jeunes parents du Rainbow Youth Centre à Regina, en Saskatchewan. Vous nous avez invitées aujourd'hui à traiter des atouts, des difficultés et besoins des enfants autochtones hors réserve.

    Nous allons aborder le sujet par le biais des principes et croyances de notre programme, lequel est fondé sur la notion que la santé et le bien-être des enfants passent le plus souvent, mais pas toujours, par la santé et le bien-être des parents. Ainsi, s'intéresser aux enfants exige en réalité de s'intéresser aux parents.

    Nous venons vous parler aujourd'hui non seulement à titre de travailleuses sociales de première ligne, mais surtout comme porte-parole des participants à notre programme pour jeunes parents—des jeunes parents autochtones qui aspirent à l'épanouissement et au changement, pour eux-mêmes et leurs enfants. En préparant notre exposé, nous nous sommes assises avec eux et leur avons demandé: «Quels problèmes vous-mêmes et vos enfants rencontrez-vous en tant que jeunes parents autochtones vivant en milieu urbain?» Leurs réponses étaient intéressantes et réfléchies. Malheureusement, elles ont aussi confirmé ce que nous savions déjà.

    Nous savons que vous êtes déjà familiers de nombre des problèmes que rencontrent les jeunes d'aujourd'hui et c'est pourquoi nous avons décidé dans les minutes qui viennent de nous concentrer sur les pensées et préoccupations les moins prévisibles et sur les idées de développement et de changement au Canada.

    Les participants ont parlé du fait que les jeunes Autochtones urbains mènent «la vie qu'ils connaissent». Ils élèvent leurs enfants comme ils ont eux-mêmes été élevés, font face à la vie de la même manière que leurs parents et répondent aux besoins financiers de la même façon que le font leurs parents. Ainsi, toutes ces choses sont répercutées de génération en génération et les jeunes parents autochtones en ville connaissent la pauvreté, l'isolement, la difficulté de se loger, des systèmes de soutien réduits, la toxicomanie, la violence, la déculturation et la dévalorisation personnelle.

    Ces facteurs les placent souvent dans l'incapacité financière et psychologique de répondre aux besoins multiples de leurs enfants en bas âge. Face à l'exemple des parents, pour ces enfants le mode de survie devient le mode de vie normal.

    En parlant avec ces jeunes parents, le thème qui revient toujours, en corollaire de presque toutes les autres difficultés, c'est l'isolement. Les parents autochtones adolescents doivent souvent subsister avec très peu de soutien, un concept qui est étranger à la culture autochtone. Lorsqu'on travaille avec les parents autochtones, on entend souvent dire qu'il faut une communauté pour élever un enfant. C'est une merveilleuse petite phrase, mais malheureusement trop de jeunes gens n'ont pas autour d'eux cette communauté ou même de famille étendue, en milieu urbain. Les membres de leur famille et leur sentiment d'appartenance à une communauté, tout cela se trouve dans la réserve, dont ils sont tenus éloignés par la pauvreté. Ils n'ont pas de véhicule, ni même d'accès à un téléphone, pour garder le contact avec leur réseau de soutien.

    On pourrait penser que les familles en milieu urbain disposent de quantité de soutiens autour d'eux et que l'isolement n'est pas un problème en ville. Or, il existe de nombreux obstacles à l'accès au système de soutien dans les villes, notamment le manque d'information et de moyens de transport, les frais d'inscription et de garde des enfants.

    Il peut souvent être plus difficile que nous le pensons de contacter les ressources communautaires. Savoir où s'adresser exige souvent un degré d'aptitude que ne possèdent pas ces personnes peu alphabétisées et instruites. Le sentiment de dévalorisation s'avère également une barrière majeure qui va de pair avec le manque d'instruction, car ces personnes se sentent souvent dépourvues et incapables d'opérer des changements positifs dans leur vie. Les participants parlent d'un sentiment d'isolement qui accompagne le désespoir et l'impotence lorsqu'on ne sait pas comment placer ses enfants en garderie ou même comment se mettre à la recherche d'un travail.

    L'isolement peut également être un problème même chez les jeunes qui connaissent les services d'aide communautaire. Le recours à ces services cause souvent des stigmates. Certains pensent que les services communautaires ne s'adressent qu'aux jeunes Autochtones pauvres et incapables de fonctionner sans l'intervention d'un service social. Il y a aussi la notion que les cours sur l'aptitude parentale existe uniquement pour les gens à faible revenu: c'est la notion qu'être pauvre signifie qu'on ne peut être un bon parent. Alors que ce sont là des mythes, ils dissuadent beaucoup de jeunes gens d'accéder à des services de soutien utiles.

º  +-(1620)  

    Lorsqu'on dit que ces jeunes «mènent la vie qu'ils connaissent», il faut reconnaître aussi les exigences considérables qui sont imposées aux jeunes aujourd'hui. Au Rainbow Youth Centre, nous voyons souvent des enfants dont on attend qu'ils assument des responsabilités généralement réservées aux adultes. Souvent, des jeunes de 11 et 12 ans nous arrivent au centre ayant à la remorque des frères et soeurs, des nièces, neveux ou cousins plus jeunes qu'eux. Lorsqu'on leur parle, on se rend compte qu'ils gardent en fait ces autres enfants pendant des périodes prolongées.

    La société se demande souvent pourquoi la grossesse adolescente reste une telle épidémie chez les jeunes Autochtones. Se pourrait-il que ce soit là une autre façon de mener la vie qu'ils connaissent? Ce pourrait-il qu'elles aient des bébés pour se sentir moins seules? On dit qu'être aimé et donner de l'amour en retour est un besoin. On nous dit que c'est parfois pour se sentir important et utile. Peut-être est-ce une façon pour elles d'avoir quelque chose qui leur appartienne véritablement.

    À ce stade, je voudrais aussi donner aux jeunes parents qui fréquent le Rainbow Youth Centre acte de leur force. Nous apprécions le souci véritable qu'ils ont de leur famille et de leurs enfants. Nous sommes émerveillées par leur détermination lorsqu'ils se débattent au milieu des formalités qu'il faut souvent accomplir pour obtenir les services qu'ils recherchent. Nous reconnaissons leur courage lorsqu'ils demandent d'être guidés et soutenus, en dépit des stigmates souvent associés à ces services.

    Mais surtout, nous admirons leur capacité à envisager un meilleur avenir pour eux-mêmes, leurs familles et leurs enfants.

    Là-dessus, j'aimerais donner la parole à Kim.

+-

    Mme Kim Wolbaum (coordonnatrice, Programme pour les jeunes parents, «Rainbow Youth Centre»): Merci, Nadine.

    Maintenant que vous avez eu un bref survol des problèmes que connaissent les jeunes parents autochtones et leurs enfants qui vivent en milieu urbain, j'aimerais vous parler un peu de notre programme pour jeunes parents et de ce que nous faisons pour les aider. J'aimerais également vous faire part de certaines des recommandations formulées par nos participants, nos collègues, Nadine et moi-même en vue d'aider les jeunes parents autochtones urbains à créer un foyer plus sain pour eux-mêmes et leurs familles.

    Le programme a commencé suite aux besoins déterminés par les jeunes parents eux-mêmes qui fréquentaient le Rainbow Youth Centre. Ils se sont dits intéressés par un programme d'appui et d'éducation des jeunes parents. Ce programme est destiné aux jeunes parents qui désirent un changement ou un épanouissement pour eux-mêmes et leurs enfants. Nous nous concentrons sur l'habilitation des parents, au moyen d'exercices de groupe, de réseautage, de résolution de problèmes et de cours de perfectionnement des compétences parentales.

    En partant de l'acquis qu'ils possèdent déjà, les parents peuvent acquérir confiance et assurance au moyen d'exercices pratiques et l'exemple de modèles. Nous cherchons à surmonter nombre des barrières que rencontrent les jeunes parents lorsqu'ils demandent des soutiens communautaires. Et c'est pourquoi nous offrons à ceux qui veulent suivre nos cours un service de garde d'enfants et de transport.

    Une autre caractéristique de notre programme est que nous accueillons les pères et les encourageons à participer. Il est bon pour un enfant d'être entouré des deux parents. Il semble régner l'idée erronée que les jeunes pères autochtones ne s'intéressent pas à la vie de leurs enfants. Notre programme prouve le contraire.

    Nous avons été à de nombreuses reprises en contact avec des hommes qui cherchent un soutien et de l'information sur le rôle parental. Malheureusement, il n'existe pas de programme spécialement conçu pour les pères chez nous. De fait, nous sommes l'un des très rares centres à inviter les hommes dans les groupes de formation aux compétences parentales.

    En même temps que nous encourageons le concept de co-parenté, nous construisons des systèmes de soutien et aidons à réduire les barrières de l'isolement. Néanmoins le programme pour jeunes parents connaît ses propres difficultés. Nous menons une lutte constante pour trouver du temps, de l'argent et des ressources. Nous sommes très enthousiastes devant le nombre croissant des participants, mais cela signifie également qu'il y a une liste d'attente et que nous avons besoin de crédits supplémentaires.

    Seul, le programme pour jeunes parents ne peut répondre à tous les intérêts et besoins de ceux qui veulent le suivre. À cet égard, nous aimerions vous faire part de certaines recommandations visant à répondre plus avant aux besoins des jeunes parents autochtones et de leurs familles en milieu urbain.

    Notre première recommandation consiste à créer davantage de programmes d'éducation des parents et de soutien dans les collectivités urbaines. De nombreux jeunes parents n'ont pas eu l'occasion d'acquérir de bonnes aptitudes de parents auprès d'adultes équilibrés. Nous considérons cela comme une occasion de rompre le cycle qui se perpétue de génération à génération. C'est ainsi que nous connaissons bien depuis déjà quelque temps le fait que les gens vivent la vie telle qu'ils la connaissent.

    Notre deuxième recommandation consiste à établir davantage de programmes expressément conçus pour répondre aux besoins des jeunes pères. Il est impératif de créer des groupes d'éducation des parents qui se concentrent sur les problèmes de la paternité.

    Notre troisième recommandation consiste à mettre en place davantage de programmes de transition vers travail. Le Rainbow Youth Centre offre un programme de facilitation de l'emploi qui marche très bien et est intitulé «Sur le chemin de l'emploi». Ce programme s'est avéré faire une grosse différence dans la vie des jeunes et de leur famille en dispensant des compétences et une formation qui leur seraient autrement inaccessibles. Ce type de programme aide les jeunes à surmonter les facteurs qui souvent font obstacle à la santé et au bien-être.

    Notre quatrième recommandation préconise davantage de programmes de soutien à domicile pour assurer que les jeunes familles disposent d'un appui régulier et suivi, surtout dans les cas où l'isolement est un problème. Nous pensons qu'en consacrant davantage de fonds aux programmes de soutien familial, on aura besoin de dépenser moins pour les services de protection de l'enfance et les placements en foyers d'accueil, lesquels ne seront alors plus qu'une intervention de dernier recours.

    Notre cinquième recommandation serait de créer davantage de places pour des services de relève dans les garderies pour les enfants de zéro à trois ans. Le développement d'un enfant entre zéro et cinq ans représente un apprentissage déterminant pour le reste de sa vie. Lorsque les enfants atteignent l'âge de trois ans, ils deviennent admissibles à de nombreux programmes offerts par la collectivité. Mais jusqu'à l'âge de trois ans, de nombreux enfants de parents à risque ne jouissent pas du type de stimulation nécessaire à la croissance et au développement optimal de l'enfant. En offrant des places en garderie pour ces services de relève, on éviterait de perdre ces années critiques.

    Notre sixième et dernière recommandation, telle qu'exprimée par les participants à notre programme pour jeunes parents, est que les Autochtones soient encouragés à utiliser les centres multiculturels comme le Rainbow Youth Centre. Un participant a parlé de la valeur et de l'intérêt particulier qu'il y a à suivre des programmes dans un environnement multiculturel. Ils sont incroyablement bénéfiques car ces centres enseignent le respect culturel en suscitant la compréhension et l'acceptation. Ils ont parlé de la valeur qu'il y a à suivre des programmes qui ne sont pas racistes ou empreints de préjugés et qui leur donnent contact avec des personnes ayant des valeurs et expériences différentes.

º  +-(1625)  

    Au nom du Rainbow Youth Centre, nous voulons remercier le sous-comité de nous avoir invitées et permis de traiter de certains des problèmes que rencontrent les jeunes Autochtones ainsi que des changements requis dans les collectivités urbaines.

    En songeant aux générations futures, nous espérons qu'un jour, lorsque les jeunes parleront de mener la vie telle qu'ils la connaissent, ils parleront d'une vie véritablement saine et heureuse.

    Nous espérons que nos réflexions et idées vous seront utiles dans vos recherches.

    Merci.

+-

    Le président: Je tiens à vous remercier infiniment toutes les trois. Cela a été très utile et il est bon d'entendre deux perspectives différentes. Le thème est le même, mais les deux derniers témoins ont apporté une dimension différente. Nous vous sommes également reconnaissants du travail préparatoire que vous avez fait en amenant les jeunes gens à s'exprimer directement. Je pense que cela nous est extrêmement utile.

    Permettez-moi donc de donner la parole sans tarder à quiconque veut poser des questions. Comme vous pouvez le voir, nous ne faisons pas beaucoup de chichis ici, et n'importe qui peut intervenir.

    Voudriez-vous commencer, monsieur Spencer?

º  +-(1630)  

+-

    M. Larry Spencer: Certainement, je vais commencer.

    Merci à Kelly. Elle peut se détendre maintenant. Aucun des témoins ayant comparu à notre comité n'a encore trépassé. Tous ont survécu et vous pouvez donc vous attendre à sortir d'ici en vie.

    Wendy est probablement mieux au courant de la façon dont les choses se passent ici. Je suis très heureux de rencontrer des gens de Regina, comme moi. Je suis fier de vous et de vos exposés. Vous avez dit des choses originales que peu de gens ont encore mentionnées. Je suis très heureux d'avoir entendu cela de votre bouche.

+-

    Le président: Avez-vous jamais visité leur centre?

+-

    M. Larry Spencer: Non.

+-

    Le président: C'était ma question suivante. Évidemment, cela va être votre mission.

+-

    M. Larry Spencer: Je ne manquerai pas de le faire. Je me demande aussi si Kim est apparentée au grand Wolbaum qui était dans l'équipe de football du collège Thom avec mon cadet. Mais nous parlerons de cela en privé.

    J'ai été réellement impressionné par la compréhension dont vous avez témoigné de l'utilité du rôle paternel, car je vois bien comment les choses se passent souvent. Cela me paraît être un aspect extrêmement important. Une des clés du renforcement de toute société et de toutes les institutions fondées sur la famille consiste à rendre aux pères la responsabilité qui est la leur et qu'ils doivent assumer.

    Je suis curieux de savoir comment vous vous y prenez à cet égard. Dites-m'en un peu plus sur votre programme pour les pères et comment vous les encouragez.

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Dès le tout premier contact avec les jeunes mères, nous les invitons à rentrer chez elles et à essayer de faire venir leur partenaire. Souvent, il ne vient pas le premier jour, mais les fois suivantes le père se joint à la mère.

    Nous les encourageons, de façon générale en disant : «Les choses seront plus faciles si vous êtes tous les deux sur la même page. Vous serez de meilleurs parents. Vous aurez moins de conflits entre vous si votre partenaire vient également car vous n'aurez pas à lui expliquer pourquoi vous faites les choses d'une certaine façon ni comment le père doit s'y prendre».

    Mais tous les pères ne sont pas à l'aise. Il nous est arrivé à plusieurs reprises au cours des derniers mois que les pères nous appellent et demandent un soutien et des ressources, mais séparément de leur compagne. Il y a souvent des problèmes de garde ou quelque chose du genre, qui font qu'ils demandent un soutien en tant que père seul. Il n'y a réellement rien à ce niveau et le niveau de confort est souvent absent.

    C'est pourquoi Kim a mentionné la nécessité de programmes spécialement conçus pour eux afin qu'ils aient cette espèce de confort où ils peuvent simplement être avec d'autres pères pour parler de leurs problèmes.

+-

    M. Larry Spencer: Avez-vous des pères plus âgés ou d'autres hommes qui vous aident à instruire ces jeunes hommes?

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Pas à l'heure actuelle.

+-

    M. Larry Spencer: Nous devrons en parler.

    Il est extrêmement important de rompre le cycle de vie qu'ils connaissent. C'est pourquoi j'ai investi pratiquement les 30 dernières années de ma vie dans les gens, en général. Il est trop facile de se laisser prendre au piège de sa situation et de penser qu'il n'y a aucun moyen d'en sortir.

    Quelle est votre approche principale s'agissant de les extraire de cette situation? Est-ce que vous travaillez principalement sur les attitudes, ou bien cherchez-vous à les amener à des actions concrètes? Je suppose que c'est une combinaison, mais quel est le canevas général?

º  +-(1635)  

+-

    Mme Kim Wolbaum: Nous mettons l'accent sur les aptitudes à la vie quotidienne, l'habilitation, leur donner les moyens de transformer leur vie. Ils ignorent souvent comment faire les choses les plus élémentaires, telles que trouver un logement convenable. Ils sont piégés. Ils ne savent pas comment s'y prendre. Nous les habilitons et leur donnons les ressources et méthodes.

    Nous travaillons également beaucoup sur l'estime de soi, car souvent ils se sentent très peu valorisés. Il est difficile de progresser et de changer lorsqu'on se sent dévalorisé.

+-

    M. Larry Spencer: Pour ce qui est de vos besoins de financement, est-ce que les crédits vous viennent du même fournisseur de services à Regina qui s'occupe de la petite enfance...?

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Voulez-vous parler du centre d'apprentissage précoce?

+-

    M. Larry Spencer: Oui. Êtes-vous obligés de présenter vos demandes de crédit par le biais de ce groupe?

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Oui, au titre du PACE.

+-

    M. Larry Spencer: Vous êtes quelque peu limités.

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Nous sommes très limités.

+-

    Mme Kim Wolbaum: Notre programme a une liste d'attente. Nous avons des cours d'aptitude parentale deux fois par semaine et il y a les visites au bureau et à domicile—tout le soutien qui est requis. Il est très difficile de remplir les besoins de ces jeunes parents avec une employée et demie.

º  +-(1640)  

+-

    M. Larry Spencer: Avec combien de jeunes parents traitez-vous et de combien est votre liste d'attente?

+-

    Mme Kim Wolbaum: Actuellement, nous travaillons avec 42 parents et leurs enfants. Nous avons des gens qui nous appellent chaque jour pour demander à s'inscrire mais nous n'avons pas assez de places. Si nous en acceptions trop, nous ne pourrions plus faire le counselling personnel, qui est très nécessaire, en sus du groupe d'éducation familiale. Nous sommes toujours à la limite de nos capacités.

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: C'est très triste car beaucoup de clients nous sont envoyés par les services sociaux, les tribunaux, les services de protection. C'est même encore plus difficile lorsque les jeunes parents nous appellent de leur propre initiative. Par exemple, j'avais une jeune mère au téléphone qui m'a dit : «J'ai beaucoup de mal à contrôler mon humeur. Je me mets très en colère contre mon petit de trois ans. Je ne sais pas comment m'en empêcher. J'ai besoin de votre aide».

    Heureusement, dans son cas, nous avons pu l'admettre. Mais d'autres ont trouvé en eux le courage de tendre la main et nous devons leur opposer un refus, par manque de places.

+-

    M. Larry Spencer: J'ai une question pour Kelly. Vous avez fait état de 104 000 dollars pour un programme dont l'administration coûte en fait le double. Je n'ai pas très bien saisi les deux chiffres.

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Nous recevons environ 204 000 dollars par an pour administrer le programme Futures. Chaque année, lorsque nous regardons les contributions en nature, les locaux, la supervision, peut-être mon temps, nous constatons que le coût d'administration du programme représente en fait le double de la contribution que l'on y verse.

    Ma partenaire de la Burntwood Regional Health Authority est une infirmière qui offre aussi des programmes très similaires. Mais les gens viennent chez nous, et ils n'iront jamais demander les soins prénatals dans un dispensaire. Elles n'y vont pas, mais elles viendront chez nous, à cause des relations qui ont été établies.

    Nous avions une jeune personne qui n'acceptait de venir pour les visites prénatales que dans le bureau de l'assistante du programme Futures, dans le local où se trouve aussi mon bureau. C'est une enfant qui a grandi dans le système et se rendre dans l'autre bâtiment était beaucoup trop douloureux pour elle.

    Mais pour en revenir à votre question, il y a toutes sortes de coûts administratifs, de frais de locaux, de contributions en nature qui font partie du coût du programme lui-même et qui font que le coût réel est presque le double de la subvention.

+-

    M. Larry Spencer: Et d'où viennent ces contributions?

+-

    Mme Kelly Ostrowski: C'est en nature... Ce qui fait la particularité de ce partenariat est que différentes autres organisations reconnaissent qu'ils ont une employée qui peut faire une partie de ce travail dans chaque centre individuel, mais en s'adressant très spécifiquement à la population cible imposée par le PACE.

    C'est sur la base d'un accord et c'est ainsi que cela s'est fait peu à peu. Nul n'avait planifié que les choses se feraient ainsi au départ.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Gagnon.

+-

    M. Sébastien Gagnon (Lac-Saint-Jean—Saguenay, BQ): Bonjour. Merci beaucoup pour votre présence. Le fait que vous vous soyez déplacés est très important pour nous, afin que nous comprenions bien la problématique. Je vais tenter de parler lentement parce que chez moi, on a l'habitude de parler rapidement.

    Il arrive souvent que certains groupes communautaires aient de la difficulté à rejoindre une clientèle. J'ai cru comprendre que dans votre cas, la demande est plus grande que ce que vous pouvez offrir. Quelle est la proportion, par exemple, de gens qui ont une problématique et qui ne sont pas rejoints? Lors des différentes audiences, on a souvent constaté qu'on avait de la difficulté à déceler certaines clientèles, par exemple dans les milieux urbains.

[Traduction]

+-

    Le président: La question porte sur les besoins qui restent insatisfaits.

    Qui aimerait commencer?

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Comme Kim l'a mentionné, nous avons environ 42 participantes à notre programme à l'heure actuelle. La clientèle que nous servons est très nombreuse. Malheureusement, nous n'avons pas de statistiques ici aujourd'hui, car on nous avait dit que vous aviez assez de statistiques et n'en aviez pas besoin de plus.

    Sachant que nous recevons environ 40 participantes, et vu le nombre de gens que nous voyons dans les rues et ceux qui viennent au centre rien que pour le programme de repas avec leurs enfants, je vais me lancer et dire que nous joignons environ 5 à 10 % des personnes qui auraient besoin de nous, et c'est dû à cause de tous les problèmes d'isolement que j'ai mentionnés.

    Diriez-vous que ce chiffre est à peu près exact?

+-

    Mme Kim Wolbaum: Je dirais que le pourcentage est un peu supérieur, d'environ 20 % de la collectivité.

    Nous sommes bien connus dans la ville. Nous sommes un centre populaire. Nous avons une grande diversité de programmes et il n'est pas réellement nécessaire pour nous d'aller à leur rencontre car tout le monde nous connaît et nous fait confiance. Certaines de ces jeunes femmes viennent chez nous pour le dîner depuis l'âge de cinq ans. Elles ont aujourd'hui 19 ans et elles sont enceintes. Nous sommes souvent comme leur famille.

    C'est un environnement familial et elles viennent nous voir spontanément. Nous pourrions faire davantage de travail d'extension, mais nous sommes déjà surchargés.

º  +-(1645)  

+-

    Le président: Kelly, comment réagissez-vous à la question?

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Nous aussi sommes débordés. Beaucoup de gens connaissent notre programme, mais s'agissant de joindre les personnes marginalisées, il y en a énormément que nous ne joignons pas. Absolument.

    Il y a des problèmes de mobilité. Si vous avez une mère de plusieurs enfants encore jeunes mais que sa propre fille adolescente est en péril, il est difficile de pouvoir se rendre jusque chez elle. Il y a énormément de pauvreté. C'est un problème absolument énorme et il existe un grand nombre de gens marginalisés que nous ne joignons pas.

    Si nous le pouvions, nous ferions les mêmes constats. Nous pourrions multiplier par deux nos programmes et le nombre de participants, et cela ne suffirait toujours pas.

[Français]

+-

    Le président suppléant (M. Sébastien Gagnon): Merci de votre réponse.

    Vous savez, c'est souvent le cas dans les groupes communautaires, dans les groupes comme le vôtre, justement: il y a des ressources, mais elles sont souvent insuffisantes. Il est aussi important que vous puissiez faire les représentations nécessaires pour le démontrer. Je suis content que vous apportiez cette précision.

    Je vais peut-être donner une information un peu partisane, mais il y a quand même certains surplus qui sont dégagés année après année au sein du gouvernement. Je pense, à titre de député, qu'il est important pour vous que vous puissiez, en tant que représentants, nous exprimer ces besoins mais aussi que vous fassiez des représentations pour aller chercher ces ressources nécessaires. Je pense que c'est notre rôle à nous, députés, outre la partisanerie, de comprendre les problématiques et d'affecter les ressources nécessaires.

    Je vous invite à poursuivre dans la bonne direction puisque vous avez des résultats qui sont concluants. Mais n'hésitez pas à faires les représentations nécessaires pour augmenter ces ressources financières dont vous avez besoin.

+-

    Le président: Vous aurez l'appui non seulement des députés de l'opposition mais aussi des députés du gouvernement, qui se trouvent parfois à s'opposer à leur propre gouvernement.

    Mais ça, c'est une autre histoire.

[Traduction]

    Wendy Lill.

+-

    Mme Wendy Lill: Merci.

    Il est réellement merveilleux de vous avoir ici toutes les trois. On dirait que vous vous occupez de la même population, dans une certaine mesure.

    Les mots qui reviennent sans cesse sont isolement, manque de soutien, désespoir. L'un des constats de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes était que 21 % des Autochtones hors réserve disaient avoir vécu une profonde dépression au cours de l'année précédente. Nous parlons là de mères adolescentes qui sont isolées et déprimées. Comme vous dites, elles ont souvent connu la maltraitance.

    Que pensez-vous des services disponibles pour les personnes souffrant de troubles mentaux? Ces services sont-ils culturellement adaptés? Que se passe-t-il sur le terrain sur le plan des services de santé mentale pour les jeunes Autochtones dans votre ville?

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: S'agissant des personnes qui viennent suivre notre programme et souffrent de troubles mentaux, ce n'est pas un aspect dont nous nous occupons. Malheureusement, de façon générale, les services sociaux les dirigent vers un établissement de soins psychiatriques, mais la plupart sont réticents d'y aller. Beaucoup n'obtiennent pas l'aide dont ils ont besoin tout simplement parce qu'ils sont intimidés par ce bâtiment.

+-

    Mme Wendy Lill: La dépression n'est pas nécessairement une invalidité identifiable—eh bien, elle pourrait l'être; ce pourrait être un trouble bipolaire. Vous dites qu'ils ont peur de l'établissement où ils pourraient être soignés et refusent d'y aller?

    J'ai constaté moi-même, chez moi, que la seule façon de garantir des soins psychiatriques est lorsque les gens sont dans le système judiciaire. Il n'y a que là qu'il y a des services disponibles pour eux. Ils ne peuvent voir de psychiatre tant qu'ils n'ont pas déclenché quelque épisode violent, auquel cas ils seront peut-être vus. Mais c'est une véritable crise, manifestement, sur le plan des services de santé mentale pour les jeunes femmes autochtones et...

º  +-(1650)  

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Il serait certainement bénéfique d'avoir plus de dépistage des troubles mentaux. Je pense qu'il faudrait davantage d'interventions au niveau des écoles et davantage de ressources pour les enfants de sept à douze ans.

    À l'heure actuelle, nous connaissons à Thompson deux fillettes enceintes de 12 ans. Le personnel nous dit que les adolescentes commencent les relations sexuelles à 13 ans et qu'il est alors déjà trop tard. Il faudrait réellement examiner les ressources que l'on pourrait déployer dans les écoles pour les filles de 7 à 12 ans. Parallèlement à cela, il faut un meilleur dépistage des troubles mentaux.

    Des enfants abandonnent l'école dès la quatrième année et n'y retournent jamais, parce qu'il n'y a aucun suivi. Ajoutez donc à la pauvreté tous les problèmes associés au manque d'instruction. Je pense que l'on commence à faire davantage chez nous sur le plan de l'enseignement hors école et ce genre de chose. Mais il faudrait multiplier les ressources disponibles.

+-

    Mme Wendy Lill: Je suis intéressée par ces contributions en nature dont vous bénéficiez. La fragilité de vos deux centres m'inquiète, car il arrive que les priorités changent et que des coupures interviennent.

    Vous dites que vous êtes très dépendants du soutien de toutes sortes de groupes. Que se passe-t-il si tout d'un coup certains d'entre eux ne peuvent plus contribuer? Êtes-vous satisfaits de l'aide que vous obtenez du gouvernement fédéral? Pensez-vous que ces moyens seront toujours à votre disposition? Sont-ils menacés?

    J'aimerais savoir aussi ce que vous pensez toutes deux du programme d'action communautaire pour les enfants, le PACE. Répond-il à vos besoins, compte tenu du travail que vous cherchez à faire? Comment aimeriez-vous le renforcer? Ce seront là mes deux dernières questions pour vous.

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Dans mon rôle de commanditaire, l'autre organisme pour lequel je travaille est l'aide sociale à l'enfance. Les enfants qui sont placés là ont besoin de protection et de cette sorte de chose, et je travaille donc de très près avec ces enfants et ces familles. Comme organisation commanditaire, il y a une équipe de personnes qui travaillent sur le projet lui-même et un site. Donc, le financement de Marymound n'est pas menacé. Si le PACE n'existait pas, nous fonctionnerions quand même.

    Nous avons une base de valeurs qui s'imbrique bien. Toutes les jeunes personnes dans le système d'aide à l'enfance, et certainement celles que nous voyons dans notre région, risquent de tomber enceintes, et c'est pourquoi nous avons un service satellite dans notre bureau.

    Nous avons d'excellents rapports avec les consultants de Santé Canada. Ils sont éloignés de 500 milles et font leur travail au moyen de visites de sites, et il est donc très important d'avoir une bonne relation avec eux. Ce qui est regrettable, c'est que le financement est accordé pour des périodes triennales. Les membres du personnel de Futures ignoraient s'ils allaient conserver leur emploi jusqu'en février, le moment où nous avons obtenu confirmation. Nous avions une assez bonne idée, mais il y a toujours cet élément d'incertitude qui plane où le personnel ne sait pas si leur emploi va être maintenu et si nous pourrons continuer à servir nos participants au-delà des trois années.

    Il a manifestement fallu de nombreuses années de recherches pour en arriver en premier lieu à l'Initiative Grandir ensemble. Mais je ne demande pas d'alléger les contraintes de rapports ou les évaluations, au niveau micro ou macro. Gardez tout cela, mais accordez le financement pour des périodes plus longues que trois ans.

+-

    Le président: Je vais invoquer la prérogative du président et poser moi-même la dernière série de questions.

    Ce que j'ai apprécié dans vos exposés était la complexité. Habituellement, lorsqu'on donne des réponses simples, c'est que quelque chose ne va pas. J'ai été particulièrement frappé par l'accent que vous avez mis sur le fait de prendre la vie telle qu'elle est menée et de casser le cycle, de le rendre positif.

    On ne peut fermer les yeux sur le fait que nous avons des mères adolescentes. Il ne sert à rien de leur dire: «Tu n'aurais pas dû faire cela». C'est un peu tard. Le défi, c'est de partir de cette expérience pour avancer et essayer d'en faire quelque chose de positif.

    J'imagine que la réaction immédiate consiste à dire: «Dieu, elle avait déjà suffisamment d'ennuis et maintenant c'est encore pire car elle est responsable en plus d'un enfant». Mais comme vous l'avez dit, l'une des raisons pour lesquelles elle a un enfant c'est peut-être une recherche de compagnie, d'amour, tout ce que vous voudrez—rompre l'isolement. Et vous avez parlé aussi des jeunes pères.

    J'essaie de construire un scénario où la personne renverserait la situation pour dire : «Vais-je devenir une personne plus responsable parce que je suis parent?» Peut-on prendre la situation et dire : «Je veux faire ce qu'il faut pour cet enfant et en faire une expérience positive»? En outre, pourrait-on ajouter : «Je vais essayer d'emmener avec moi le partenaire car nous voulons que cet enfant ait deux parents, dans toute la mesure du possible, et en faire une expérience positive»?

    Cela revient à se montrer un peu normatif. C'est un peu comme dire qu'il vaut mieux avoir deux parents qu'un seul et qu'il vaut mieux que les deux soient présents.

    Se produit-il effectivement des cas où les gens s'en sont sortis parce qu'ils ont vécu cette expérience, où ils ont dû grandir vite, mais l'ont fait d'une manière qui était positive pour eux et positive pour leur avenir? Comment faire pour que cela arrive?

    Comment réagissez-vous à tout cela? C'est une observation très vague.

º  +-(1655)  

+-

    Mme Kim Wolbaum: Puis-je vous donner un exemple?

+-

    Le président: Certainement.

+-

    Mme Kim Wolbaum: Lorsque j'ai commencé à travailler sur ce programme, il y avait là une participante de 19 ans qui était enceinte. Le père de l'enfant était en prison parce qu'il l'a traînée hors de la maison, l'a battue et poignardée, alors qu'elle était déjà enceinte. Elle a failli perdre le bébé. Elle vivait dans un logement horrible, où il y avait des prostituées devant chez elle tous les soirs. Elle buvait et se droguait et voulait se faire avorter ou donner l'enfant en adoption.

    Lorsque j'ai commencé à la voir, elle était enceinte d'environ cinq mois. Nous l'avons fait participer au programme de soutien parental et nous l'avons aidée. Finalement, elle a arrêté de se droguer et de boire pendant ce qui restait de grossesse. Elle a eu son enfant.

+-

    Le président: L'enfant était-il bien?

+-

    Mme Kim Wolbaum: Oui, l'enfant était en bonne santé. Il n'a aucune séquelle jusqu'à présent, à notre connaissance—pas de SAF ni rien d'autre.

    Elle vit maintenant dans un environnement sain, dans un logement salubre, sans prostituées aux alentours. Elle travaille dans la fonction publique et gagne plus que nous. Elle est en bonne santé. Elle vient également parler à d'autres mères de mauvais traitements, de la vie dans ce genre de situation, pour leur conseiller de s'en extraire.

    Ce n'est pas nous qui l'avons sauvée. Nous l'avons simplement aidée à réaliser ses objectifs et à prendre sa vie en main. Avant de travailler dans la fonction publique, nous l'avons employée ici à Rainbow. Nous l'avons engagée, et ensuite elle a trouvé un travail mieux rémunéré.

    Voilà donc comment elle s'en est sortie. Nous ne sommes pas des magiciens. Nous n'arrangeons pas les choses, mais nous habilitons les gens, nous partons de leurs points forts, nous leur donnons le courage et le soutien dont ils ont besoin et leur offrons les ressources quand il le faut. Cette femme est étonnante.

+-

    Le président: C'est réellement transformer pour le mieux une très mauvaise situation. Autant nous aimerions éliminer le syndrome d'alcoolisme foetal, absolument—c'est la maladie la plus facile du monde à prévenir—je suppose qu'une fois que ces jeunes femmes arrivent chez vous, elles sont déjà enceintes.

    Mais que peut-on faire auparavant, sachant que cela n'améliore probablement pas leurs chances dans la vie de tomber enceintes si jeunes, pour joindre cette population et adopter l'approche préventive, dont nous savons qu'elle donne des résultats avec le plus grand nombre? Quelles leçons faut-il enseigner plutôt?

    Kelly.

+-

    Mme Kelly Ostrowski: C'est une question assez chargée. Je pense que des programmes comme le nôtre ont pour effet de retarder les grossesses ultérieures et de produire des bébés en meilleure santé, des bébés ne portant pas des séquelles telles que le SAF, etc.

    Il est donc utile de considérer les leçons apprises au moment d'examiner les programmes réguliers et d'approuver les crédits, car ce ne sont pas des résultats réellement statistiques. Ce sont des histoires positives et nos consultants sont très intéressés à entendre ce genre de choses, un peu comme l'histoire que vous avez racontée—les leçons apprises, les histoires de réussites, etc. Il s'agit réellement de construire sur les points forts.

    Je ne sais si je réponds réellement à votre question.

»  +-(1700)  

+-

    Le président: Il est intéressant que nous ayons examiné divers programmes précédemment, par exemple le programme Bon départ, qui fonctionne aussi bien dans les réserves qu'en dehors.

    Nous savons, d'après la littérature sur les programmes Bon départ en général—pas celui-ci car il n'existe pas depuis assez longtemps—que lorsqu'on fait une étude longitudinale et que l'on suit le groupe qui a connu les taux d'intervention élevés, on constate une baisse des taux de grossesses adolescentes, une baisse des taux de décrochage scolaire. Ces jeunes s'en tirent mieux dans la vie parce qu'on les a rejoints à un stade précoce. Bien entendu, il s'agit toujours d'aider les gens, chaque fois qu'ils sont en difficulté, mais il semble sûr que plus on intervient précocement et mieux cela vaut.

    Vous êtes les derniers témoins que nous entendons avant de nous asseoir et d'essayer d'y voir clair dans tout cela. Une des choses qu'un témoin précédent nous a dites la dernière fois, je crois que c'était il y a deux semaines, était qu'il serait bon de prendre les services familiaux, la garde d'enfants, ou les cours de soutien parental comme un moyen d'attirer les gens en difficulté dans un environnement où on peut les aider et les encadrer, et aussi comme plate-forme pour d'autres services. Il me semble que vous avez dit la même chose aujourd'hui. C'est une façon de placer l'enfant et le parent au centre, tout en sachant qu'il faudra aussi les aider d'autres façons, avec un bon logement, dans l'exemple que vous avez donné, Kim.

    Nous essayons de réunir tous ces éléments épars en une recommandation, pour essayer d'arriver à une certaine cohérence dans les villes. Donc, si on pouvait placer la famille et l'enfant au centre et forger autour un environnement propice à la famille, en quelque sorte, on pourrait à partir de là agir au niveau de l'emploi, de la formation, des services de relève et tout le reste.

    Nous encourageriez-vous à aller dans ce sens, à titre de principe organisateur?

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Absolument, sans aucun doute.

+-

    Le président: C'est ainsi que l'on pourrait arriver à ce consortium de services auxquels on pourrait envoyer les gens et il n'y aurait alors pas—

+-

    Mme Kelly Ostrowski: Je travaille dans le domaine de l'aide sociale à l'enfance depuis presque 22 ans et ce n'est pas un système très habilitant—la perception est qu'il ne l'est pas. Aussi, beaucoup de jeunes gens n'iront pas frapper à la porte de ce service car ils ont bien trop peur qu'on leur enlève leurs enfants. Beaucoup d'entre eux ont été élevés eux-mêmes dans ce système, alors pourquoi auraient-ils confiance?

    À long terme, ce qui va faire la différence, ce sont les organisations bénévoles de la base, là où existe cet élément de confiance et où peuvent être nouées des relations véritables, cette sorte de chose.

    Si j'utilise l'exemple de l'établissement où je travaille, j'ai double personnel 24 heures sur 24 et des enfants qui vivent là quelques jours, quelques heures, plusieurs mois, et parfois plusieurs années. Certains des employés nouent des relations plus durables avec ces enfants parce qu'ils les poussent davantage à mettre à profit leurs atouts et s'intéressent davantage à la famille.

    Lorsqu'on a des relations individuelles, on voit les gens changer, grandir et se développer. Nous le constatons. Cela ne se traduit pas dans des statistiques, mais nous savons ce qui marche bien: des approches véritables axées sur la famille.

+-

    Mme Nadine Egler-Wiome: Je pense que l'approche qui fonctionne est celle où l'on met l'accent sur l'habilitation, celle où l'on prend les gens là où ils se trouvent et où on les aide à acquérir de l'amour-propre, afin qu'ils puissent faire les choses par eux-mêmes, où on leur montre qu'ils ont assez de ressort en eux pour s'en sortir.

    Il ne s'agit pas tant de les entourer de services, que de les guider et de les soutenir afin qu'ils trouvent eux-mêmes une façon de construire un avenir et de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants et de leurs familles. Il ne s'agit pas de leur donner une béquille dont ils vont continuellement dépendre, mais plutôt de leur apprendre à marcher et de s'en sortir par eux-mêmes.

»  -(1705)  

-

    Le président: Il y a une distinction linguistique très utile entre permettre, qui suggère la dépendance, et habiliter.

    Je dois dire que cela été une excellente après-midi en votre présence. Je pense que nous avons très bien commencé avec la sénatrice Pearson, ce qui nous a permis d'aller du général au particulier.

    Merci de votre participation.

    Membres du comité, nous allons commencer à réfléchir à la signification de tout cela la semaine prochaine. Merci beaucoup.

    La séance est levée.