FINA Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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37e LÉGISLATURE, 3e SESSION
Comité permanent des finances
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mercredi 5 mai 2004
¹ | 1535 |
Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)) |
Mme Carmen Rivet (vice-présidente, Association canadienne des bijoutiers) |
M. Satya Poddar (ancien président, Association canadienne des bijoutiers) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Mme Carmen Rivet |
M. Steve Parker (ancien président, Association canadienne des bijoutiers) |
¹ | 1550 |
M. Mo Charania (vice-président, Association canadienne des bijoutiers) |
¹ | 1555 |
M. Neil Foster (vice-président, Association canadienne des bijoutiers) |
Mme Carmen Rivet |
Le président |
M. Werner Schmidt (Kelowna, PCC) |
º | 1600 |
M. Mo Charania |
M. Werner Schmidt |
M. Mo Charania |
M. Werner Schmidt |
M. Satya Poddar |
M. Werner Schmidt |
Mr. Satya Poddar |
M. Werner Schmidt |
Mme Carmen Rivet |
M. Werner Schmidt |
M. Steve Parker |
M. Werner Schmidt |
º | 1605 |
M. Steve Parker |
M. Werner Schmidt |
Mr. Steve Parker |
M. Werner Schmidt |
M. Steve Parker |
M. Werner Schmidt |
M. Steve Parker |
M. Werner Schmidt |
M. Steve Parker |
Le président |
M. Werner Schmidt |
Le président |
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ) |
Mme Carmen Rivet |
º | 1610 |
M. Pierre Paquette |
Mme Carmen Rivet |
M. Pierre Paquette |
Mme Carmen Rivet |
M. Pierre Paquette |
M. Satya Poddar |
M. Pierre Paquette |
Mme Carmen Rivet |
M. Mo Charania |
M. Steve Parker |
M. Mo Charania |
Mme Carmen Rivet |
Le président |
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.) |
º | 1615 |
M. Mo Charania |
M. Alex Shepherd |
M. Werner Schmidt |
M. Alex Shepherd |
M. Steve Parker |
M. Alex Shepherd |
M. Mo Charania |
M. Alex Shepherd |
M. Mo Charania |
M. Alex Shepherd |
M. Steve Parker |
M. Alex Shepherd |
M. Steve Parker |
M. Alex Shepherd |
M. Steve Parker |
M. Alex Shepherd |
M. Steve Parker |
M. Mo Charania |
º | 1620 |
M. Alex Shepherd |
Le président |
M. Mo Charania |
Le président |
M. Mo Charania |
M. Satya Poddar |
Le président |
M. Satya Poddar |
Le président |
M. Satya Poddar |
Le président |
M. Mo Charania |
M. Steve Parker |
Le président |
M. Steve Parker |
M. Mo Charania |
º | 1625 |
Le président |
M. Mo Charania |
Le président |
L'hon. John McKay (Scarborough-Est, Lib.) |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
º | 1630 |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Mo Charania |
L'hon. John McKay |
M. Neil Foster |
L'hon. John McKay |
Le président |
M. Satya Poddar |
L'hon. John McKay |
M. Satya Poddar |
Le président |
M. Werner Schmidt |
º | 1635 |
Mme Carmen Rivet |
M. Werner Schmidt |
Le président |
CANADA
Comité permanent des finances |
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l |
|
l |
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 5 mai 2004
[Enregistrement électronique]
¹ (1535)
[Traduction]
Le président (M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.)) : Nous pourrions peut-être commencer la séance. Je déclare la séance ouverte.
Nous sommes réunis ici aujourd'hui pour donner suite à un renvoi du ministre des Finances sur un certain nombre d'initiatives à l'intention des petites entreprises qui semblent avoir un certain bien-fondé, mais qui, de l'avis du ministre, auraient besoin d'être un peu remaniées. Le ministre a demandé à notre comité d'examiner la question précise de la taxe d'accise sur les bijoux, ainsi que quelques autres questions. C'est donc ce que nous ferons, pour ensuite faire rapport au ministre.
Je souhaite la bienvenue à tous les membres de l'Association canadienne des bijoutiers. Votre dossier n'est pas nouveau pour nous, mais nous sommes heureux de vous revoir. Aujourd'hui, nous accueillons Carmen Rivet, vice-présidente; Mo Charania, vice-président; Neil Foster, vice-président, Steve Parker, ancien président; Catherine Sproule, directrice administrative; Raj Rasalingam, qui n'est pas à la table présentement, et Satya Poddar.
Madame Rivet, je vous demanderai donc de commencer en nous présentant votre exposé en huit ou neuf minutes environ. Nous enchaînerons ensuite avec un échange de questions et de réponses.
Mme Carmen Rivet (vice-présidente, Association canadienne des bijoutiers): Nous tenterons d'être brefs.
Monsieur le président, membres du comité, bonjour. Je m'appelle Carmen Rivet et je suis la nouvelle présidente de l'Association canadienne des bijoutiers. L'ACB est l'association corporative nationale du secteur de la bijouterie. Je remercie le comité de nous avoir invités afin de donner suite à l'exposé que nous avons fait en novembre au Comité permanent des finances et de nous donner cette nouvelle occasion hautement appréciée d'exprimer nos points de vue sur l'abrogation de la taxe d'accise sur les bijoux.
Aujourd'hui, avant de présenter mes collègues, j'aimerais préciser que ce dossier fait toujours l'objet d'un appui unanime. Je suis accompagnée ici aujourd'hui par des membres du comité de direction de l'Association canadienne des bijoutiers, en l'occurrence : Steve Parker, notre ancien président, représentant la Colombie-Britannique, est un fabricant établi à Vancouver; Neil Foster, un détaillant indépendant de Lethbridge, représente les provinces des Prairies ; Mo Charania, qui représente l'Ontario, est un détaillant indépendant d'un réseau de petits magasins à succursales multiples et Satya Poddar est associé en fiscalité chez Ernst & Young.
Le secteur de la bijouterie au Canada regroupe quelque 5 000 entreprises. La vaste majorité sont de petites entreprises familiales. Par exemple, M. Foster est le fils d'un bijoutier et il travaille lui-même avec ses deux fils. Ces 5 000 entreprises sont impliquées activement dans tous les aspects de l'industrie de la bijouterie, de la fabrication à la vente au détail, en passant par l'évaluation et la conception, et elles fournissent un emploi à plein temps à plus de 40 000 Canadiens.
M. Satya Poddar a un point de vue professionnel sur la structure de la taxe et son impact sur la main-d'oeuvre et l'économie. En effet, pendant un certain temps, il a été l'homme que tous aimaient haïr, car il est l'un des responsables de l'existence de cette taxe. Pendant qu'il occupait ses anciennes fonctions à la Direction de la politique de l'impôt du ministère des Finances, il nous a rendu la vie difficile. Nous n'avons ménagé aucun effort pour le convertir. Je vous présente Satya Poddar.
M. Satya Poddar (ancien président, Association canadienne des bijoutiers): Merci, monsieur le président, de cette occasion de me joindre à vous.
La dernière fois que nous avons comparu devant le comité, nous avons parlé de questions relatives à l'impôt sur le capital, et nous vous sommes reconnaissants d'avoir compris et procédé à l'abolition de l'impôt sur le capital. J'espère que la taxe d'accise sur les bijoux recevra le même traitement.
En gros, la taxe d'accise sur les bijoux est une taxe qui viole tous les canons d'une bonne taxe. C'est une mauvaise politique fiscale, elle est néfaste sur le plan économique, c'est une mauvaise mesure politique, si je peux me permettre de le dire, et c'est se donner beaucoup de mal pour les maigres revenus qu'elle génère. En général, c'est une mauvaise taxe parce qu'elle est inefficace, injuste et complexe à gérer et à respecter. La perte de revenus qu'engendrerait l'abolition de la taxe serait amplement compensée par les avantages économiques découlant d'une économie efficace ainsi que par la croissance et les emplois générés dans le secteur des petites entreprises.
Pour résumer, en 1987, le ministère fédéral des Finances a publié ce livre qui identifiait toutes les mauvaises caractéristiques de la taxe de vente fédérale. Il serait possible d'écrire aujourd'hui le même livre au sujet de la taxe d'accise sur les bijoux, car il s'agit d'un relent de l'ancienne taxe de vente fédérale. Elle fonctionne exactement comme l'ancienne taxe de vente fédérale et elle souffre des mêmes lacunes, qui ont amené le gouvernement à la remplacer par la TPS.
Je vais prendre un instant pour expliquer pourquoi cette taxe est si mauvaise.
Premièrement, la taxe est contraire au principe de la neutralité. La neutralité est un synonyme d'efficacité économique. La taxe s'applique aux bijoux, mais pas aux biens de consommation de remplacement qui en sont exemptés, qu'il s'agisse de produits de luxe ou pas. Les bijoux sont les seuls articles de cette nature qui sont encore assujettis à cette taxe. Il n'y a aucune justification sociale ou économique à l'imposition d'une telle taxe de dissuasion sur les bijoux en particulier.
Le fardeau de cette taxe est très variable pour les divers produits de l'industrie des bijoux, selon les voies commerciales ou les canaux de distribution. La taxe fausse la concurrence du fait de son impact inégal. Surtout, la taxe favorise les importations, comme mon collègue se chargera de le démontrer plus tard. L'écart entre les taxes sur les bijoux importés et les bijoux canadiens est renversant.
C'est une taxe injuste. La plupart des gens pensent que la taxe sur les bijoux est payée par les riches qui ont les moyens de la payer, que c'est une taxe progressive sur les produits de luxe. En réalité, la plus grande partie des taxes prélevées sont tirées à même les profits des petites entreprises, en raison de la concurrence des importations et de l'économie souterraine. Lorsque les clients entrent dans un commerce, ils disent d'entrée de jeu qu'ils ne veulent pas payer les taxes. Comme les entreprises doivent observer les lois fiscales, elles finissent par la payer à même leurs profits. La taxe est donc un coup porté aux profits des petites entreprises et non pas aux consommateurs à revenus élevés.
C'est une taxe complexe. Comme je l'ai mentionné auparavant, la taxe comporte toutes les complexités qui accablaient la taxe de vente fédérale qui a été abolie en 1991. Normalement, il faut se poser trois questions avant de concevoir toute nouvelle taxe : Qu'est-ce qui est taxable? Qui est soumis à cette taxe? Comment la taxe est-elle appliquée? Il faudrait pratiquement une thèse de doctorat pour répondre à ces trois questions dans le cas de la taxe d'accise sur les bijoux.
Qui est soumis à cette taxe? Les bijoux sont taxables. Il est très compliqué d'établir quels genres de bijoux sont taxables.
Qui est taxable? Les gens qui sont taxables sont les fabricants, mais la définition d'un fabricant est très étrange. Normalement, les lois fiscales sont de nature lexicale à 90 p. 100, et ce dictionnaire a sa propre définition de ce qu'est un fabricant. D'autres membres de l'Association des bijoutiers pourront donner des exemples des problèmes auxquels ils ont fait face quant à la définition de ce qu'est un fabricant.
Comment la taxe est-elle appliquée? La taxe doit généralement être appliquée au prix de vente. Qu'est-ce que le prix de vente? Au niveau du manufacturier, il peut y avoir différents prix de vente. Au niveau du commerce de détail, le prix est plutôt bien défini. En effet, c'est le prix payé par le consommateur. Au niveau du fabricant, il y a un prix pour le grossiste, un prix pour le détaillant, un prix pour le consommateur. Il est très complexe d'établir sur lequel de ces prix la taxe doit être appliquée. Les exigences en matière de comptabilité et de conformité de cette taxe sont très coûteuses.
Comme la taxe est punitive de nature et excessive et qu'il est question d'objets de grande valeur, le fardeau fiscal par article peut être très lourd. Manifestement, cette taxe fait souvent l'objet d'évasion et d'évitement. Les gens d'affaires honnêtes qui ne veulent pas se livrer à l'évasion ou à l'évitement fiscal paient la taxe à même leurs profits.
Cette taxe est néfaste sur le plan économique, simplement parce qu'elle fausse la concurrence en favorisant les importations. C'est la raison pour laquelle elle fait disparaître des emplois. Au Canada, un grand nombre d'usines ferment leurs portes et déménagent leurs opérations à l'étranger, ce qui s'explique par les avantages fiscaux qu'elles en retirent. Les entreprises ne peuvent récupérer la taxe du consommateur et elles doivent la déduire de leurs profits. Leurs marges de profit sont très minces. Elles ont moins d'argent pour investir dans la main-d'oeuvre et les emplois au pays.
¹ (1540)
J’ai parlé d’une mauvaise politique. Pourquoi cette taxe est-elle une mauvaise politique? Ce n'est pas à moi de le dire. C'est plutôt à vous. Mais je peux simplement faire remarquer que toute taxe qui comporte des lacunes structurelles, qui est discriminatoire, injuste, complexe à administrer et à respecter et qui, par surcroît, est néfaste pour l'économie, devrait être considérée comme une mauvaise politique.
Enfin, il y a la question de la perte de recettes. Si je comprends bien, cette taxe rapporte environ 78 millions de dollars bruts. Ce sont là les recettes inscrites aux livres du gouvernement. Cependant, en tenant compte de l'argent perdu en raison de l'évasion fiscale, surtout qu'en cas d'évasion il y a également des pertes de TVP et de TPS ainsi que d'impôt sur le revenu, le revenu net n'est pas très élevé. Ce sont là les raisons pour lesquelles aucun pays industrialisé au monde n'applique une telle taxe. À cet égard, le Canada est vraiment unique. Le Canada aurait également dû abolir cette taxe au moment de la mise en oeuvre de la TPS, et même avant.
Merci.
¹ (1545)
Mme Carmen Rivet: Monsieur le président, permettez-moi de revenir sur certaines des questions soulevées par Satya Poddar dans son exposé.
Vous voyez ici un étalage d'articles qui, en vertu de l'interprétation de la taxe, sont considérés comme des biens de luxe. Tous ces bijoux sont assujettis à la taxe d'accise parce que leur prix est supérieur à 3 $.
Monsieur le président, le seuil utilisé pour la définition d'un « bijou taxable » est de 3 $ seulement. C'est un seuil qui a été établi il y a plusieurs dizaines d'années. Cette taxe est en soi aussi archaïque que ce seuil.
Ma fille de 10 ans a acheté une de ces populaires chaînes d'amitié pour offrir en cadeau d'anniversaire à une amie. Elle a payé 15,99 $. Elle a également payé une taxe de luxe sur ce bijou. La taxe s'applique à toute imitation, aux faux bijoux et aux bijoux de pacotille vendus chez Wal-Mart ou chez Zellers.
D'autre part, vous seriez porté à croire que cette bague, une alliance en or de 500 $, serait soumise à une taxe d'accise. Monsieur le président, j'ai une surprise pour vous. Mon frère a acheté cette alliance à l'occasion de son voyage de noces en Floride. À son retour au Canada, il a appris que cet anneau était en franchise de toutes taxes jusqu'à un montant maximum de 750 $ pour les résidents revenant au pays. Mon frère n'a donc enfreint aucune loi canadienne. Tout était parfaitement légal. S'il avait acheté cette bague au Canada, il aurait payé 100 $ de taxes. Il ne faut donc pas se surprendre si le couple qui apparaît sur cette affiche est toujours souriant. Ces gens ont dû faire la même chose que mon frère.
Enfin, qu'y a-t-il en un nom? Il n'y a évidemment aucune taxe de luxe sur ce sac à main de marque prestigieuse, dont le prix est supérieur à 1 000 $.
Cela étant dit, j'aimerais demander à Steve de nous faire part du point de vue du fabricant et à Neil et Mo de nous donner le point de vue des détaillants.
M. Steve Parker (ancien président, Association canadienne des bijoutiers): Monsieur le président, mon nom est Steve Parker et je suis un petit fabricant de bijoux établi à Vancouver. Mon entreprise est une entreprise familiale et je suis moi-même un bijoutier de la troisième génération. Notre société emploie 20 personnes à plein temps et fabrique une large gamme de produits de bijouterie, y compris des alliances, des bagues de famille, des boucles d'oreille et des colliers. Nous fabriquons également des bagues serties de diamants canadiens.
La taxe d'accise est une mauvaise taxe car elle entraîne une perte d'emplois pour tous les Canadiens, qu'ils soient arrivés récemment ou qu'ils soient établis de longue date. À l'époque où l'ancien système fédéral de taxe de vente, la TVF, était encore en vigueur, il est apparu que les bijoux fabriqués au Canada étaient assujettis à des taxes qui étaient 75 p. 100 plus élevées que dans le cas des bijoux importés. La TVF a été abolie en janvier 1991 car il était devenu évident qu'elle était néfaste pour le marché du travail canadien. La taxe d'accise est appliquée de la même façon que l'ancienne TVF.
Dans mon entreprise, je peux gérer et contrôler ma propre structure de coûts, mais il n'y a rien que je puisse faire devant le désavantage fiscal que je dois subir lorsque mes produits sont comparés aux produits importés. Je vais vous expliquer pourquoi.
Je dois payer une taxe d'accise de 10 p. 100 sur le prix de vente total des bijoux que je fabrique. Cela inclut les coûts de mise en marché, de distribution, de production bien entendu, et finalement mon profit. Si je décidais de déménager mon entreprise à l'étranger, en assumant que tous mes autres frais restent à leur niveau actuel, mes bijoux pourraient être vendus à un prix beaucoup moindre. Pourquoi? En vertu des lois fiscales canadiennes, je ne devrais alors payer la taxe que sur le prix franco dédouané. Par exemple, sur cette bague que je fabrique à Vancouver, nous payons une taxe d'accise de 50 $. Si je la fabriquais à l'extérieur des frontières canadiennes, je paierais moins de 30 $ de taxes.
Dans ma petite société, la taxe d'accise a limité le nombre de personnes que je peux employer. De plus, on me dit que deux des plus grands fabricants de bijoux canadiens sont récemment déménagés à l'extérieur du pays, ce qui a causé une perte définitive d'emplois au Canada. Je veux continuer à employer une main-d'oeuvre canadienne pour fabriquer mes bijoux, mais sans la pression et les obstacles engendrés par la taxe d'accise.
Monsieur le président, avant de conclure, j'aimerais porter à votre attention un communiqué de presse qui a été publié aujourd'hui par l'industrie minière relativement à la stratégie diamantaire canadienne. J'en cite un extrait :
En moins de 10 ans, le Canada est devenu une puissance dans le secteur des diamants. [...] Nous produisons déjà 15 p. 100 de l'approvisionnement mondial de diamants bruts en termes de valeur, tout en ayant le potentiel de produire encore plus dans les prochaines années. En fournissant une combinaison judicieuse de politiques fiscales et réglementaires, les gouvernements ont l'occasion de favoriser au maximum la contribution de l'industrie diamantaire du Canada, dans l'intérêt de tous les Canadiens. |
L'une des principales recommandations de ce communiqué de presse consiste à « abolir la taxe d'accise fédérale sur les bijoux ». Le potentiel de croissance de cette industrie, bien que conditionnel à l'application de mesures fiscales appropriées, est immense.
Ainsi, monsieur le président, le coût en pertes de recettes fiscales associé à l'abolition de la taxe d'accise est négligeable comparativement aux retombées économiques de l'exploitation diamantaire au Canada.
Je vous remercie.
¹ (1550)
M. Mo Charania (vice-président, Association canadienne des bijoutiers): Monsieur le président, membres du comité, mon nom est Mo Charania. Je suis un bijoutier de troisième génération établi à Ottawa. Je suis propriétaire de quatre magasins de détail et j'emploie plus de 50 personnes. Je suis ici pour partager mon expérience et démontrer qu'il est difficile et compliqué de comprendre et de gérer cette taxe.
En tant que bijoutiers traditionnels, nous vendons des bijoux, des montres et des articles-cadeau. Nous offrons également des services de réparation.
Mon histoire remonte à une vérification effectuée en 1999 qui portait sur la taxe d'accise des trois années précédentes. Bien que nous soyons une bijouterie de détail traditionnelle au sens des définitions en vigueur dans le secteur et aux yeux des consommateurs, nous avons été considérés comme un fabricant aux fins de la taxe d'accise. Il va sans dire que ce fut un choc lorsque le vérificateur nous l'a annoncé.
Selon le vérificateur, nous avons été considérés comme un fabricant parce que nous réparions ou restaurions les bijoux de nos clients, renfilions leurs perles, remplacions les pierres manquantes et faisions la pose d'un nouveau fermoir sur leurs colliers. Comme nous possédions cinq bijouteries à l'époque, nous avons franchi le seuil annuel maximum autorisé de 50 000 $ par détaillant, pour la fabrication.
Deuxièmement, en vendant comme un ensemble des diamants et des bagues dont la taxe d'accise avait pourtant été acquittée, nous étions considérés comme un fabricant et, en tant que tel, nous étions tenus de payer la taxe, telle qu'établie à partir du prix de vente et non pas du prix de revient, comme c'était le cas auparavant. En vendant les mêmes articles séparément, sans le montage - une valeur ajoutée de 2$ - nous aurions toujours été considérés comme un détaillant. Est-ce que cela est juste ou justifié?
On nous a d’abord demandé plus de 800 000 $ au titre de la taxe d'accise. J'ai alors tendu les clés de mon magasin au vérificateur; j'étais à toutes fins pratiques acculé à la faillite.
Grâce à nos comptables et à nos avocats, et à la suite de conversations avec d'autres détaillants, nous avons pu trouver des erreurs et différentes façons d'interpréter la taxe, ce qui a permis de réduire le montant initial à 340 000 $. Pour payer cette somme, il aurait encore fallu sacrifier deux magasins.
J'ai été très persévérant car je ne pouvais croire que d'autres commerces pouvaient opérer de la même façon sans faire l'objet d'une vérification. J'ai découvert, après bien d'autres recherches, l'existence des « valeurs établies et déterminées » , une politique administrative – et non une mesure législative - créée par les fonctionnaires des Finances et de l'ADRC pour régler de tels problèmes. Concrètement, cette disposition permet le paiement à rabais de la taxe d'accise pour de multiples unités d'un même article produit aux fins de vente au détail. Comme nous sommes une opération à succursales multiples, la valeur de nos achats nous rendait admissibles à ce statut.
En appliquant cette formule, c'était maintenant à moi qu'on devait verser un remboursement et non plus moi qui devais débourser 340 000 $. Cependant, comme il s'agissait d'une politique administrative seulement, je n'ai pu obtenir le remboursement du trop-payé.
Cela me permet de déceler les problèmes suivants. Que me serait-il arrivé si mon entreprise avait été celle d'un petit détaillant incapable d'acheter des articles multiples? Où en serais-je maintenant?
De plus, les interprétations des vérificateurs et des fonctionnaires de l'ADRC varient considérablement. Aucun d'entre eux n'arrivait systématiquement à la même définition.
Tous les responsables de l'ADRC qui ont interprété et compris les politiques et les exceptions tacites de la taxe d'accise sont maintenant partis à la retraite depuis longtemps. Qui maintenant est à même de comprendre cette taxe archaïque?
Je vous remercie.
¹ (1555)
M. Neil Foster (vice-président, Association canadienne des bijoutiers): Monsieur le président, mon nom est Neil Foster. Je suis un bijoutier détaillant de la troisième génération établi à Lethbridge.
J'aimerais illustrer certains aspects clés de la taxe d'accise et son impact sur les bijoutiers détaillants indépendants comme moi.
Au rythme où les entreprises évoluent, nous avons dû nous résoudre à accepter des situations nouvelles telles que les achats par Internet. Les clients sont friands d'information et fouillent l'Internet pour comparer la qualité et le prix des marchandises offertes par des fournisseurs qui ne sont pas limités par les frontières internationales. Ils se présentent ensuite à ma bijouterie armés de tous ces renseignements et exigent les mêmes caractéristiques.
À partir de ce moment-là, c'est impossible pour moi d'être concurrentiel. Si le client fait son achat sur Internet, il bénéficie d'un prix exempt de toutes taxes pour une bague qui lui sera livrée par un service de messagerie rapide qui ne percevra aucun des frais de douanes et des taxes qui, selon la loi, devraient être payés. En passant, beaucoup de mes collègues détaillants vous diraient que les ventes par Internet ont fait de ces services de courrier des contrebandiers involontaires qui font passer des bijoux au Canada.
Dans le bon vieux temps, les consommateurs n'étaient pas suffisamment informés sur les prix et c'était facile de camoufler les taxes dans le prix affiché. De nos jours, même une taxe furtive comme la taxe d'accise sur les bijoux est devenue très évidente et constitue un obstacle majeur pour les bijoutiers canadiens qui font des ventes au Canada.
La seule façon pour moi de vendre mes bijoux à ces consommateurs avertis c'est d'absorber la taxe à même mes profits. De ce fait, le consommateur n'est pas taxé, mais mes profits le sont. Ce n’était pas là l'intention du Parlement en 1918, lorsqu'il a adopté cette taxe.
Le deuxième problème concerne la confusion quant au fait de savoir à qui je peux vendre des bijoux. Par exemple, si j'achète un diamant sur lequel la taxe d'accise a déjà été acquittée, puis une monture dont les taxes ont également été acquittées, et que je monte le diamant dans ma bijouterie, mesdames et messieurs, selon l'interprétation de la taxe d'accise, je cesse d'être un détaillant et je suis promu au statut de fabricant.
Comme je suis un amateur d'autos, je me permettrai la comparaison suivante. Si la GM fabrique un véhicule et que j'y installe moi-même les chapeaux de moyeu, selon cette interprétation, je serais considéré comme étant le fabricant.
Pour bien faire comprendre ce point, j'ajouterai que lorsque nous réparons des bijoux, nous devenons d'office des fabricants et la loi nous oblige à acquitter la taxe d'accise sur la valeur de la réparation. Il est absurde de penser que je suis pour autant devenu un fabricant. Les bijoux se brisent et doivent être réparés. À partir du moment où je suis considéré comme un fabricant, je dois dissocier mon inventaire de fabricant de mon inventaire de vente au détail proprement dite.
Monsieur le président, voilà tout un défi pour un simple détaillant comme moi.
Je planifie actuellement ma succession, comme beaucoup d'autres bijoutiers qui sont en train de transférer leur entreprise à la génération suivante. J'aimerais être en mesure de laisser à mes fils des perspectives d'avenir brillantes et durables, à l'abri de restrictions et de régimes fiscaux qui empêchent toute concurrence.
Je vous remercie.
[Français]
Mme Carmen Rivet: Je suis aussi propriétaire d'une petite entreprise sur la rive sud de Montréal qui compte cinq employés, dont moi-même. Mon commerce est situé à moins de 30 minutes de la frontière de Lacolle. Je voudrais vous raconter une histoire.
Récemment, à ma bijouterie, une cliente est venue se procurer une monture de bague. Elle venait d'acheter son diamant canadien sur Internet. La compagnie américaine qui lui a vendu ce diamant connaissait fort bien le mode d'application de toutes nos taxes. C'est cette compagnie américaine qui a informé la consommatrice de la façon de lui faire parvenir son diamant pour qu'elle n'ait pas à payer les taxes. Prépayé par carte de crédit, le diamant a été envoyé et acheminé par la poste ou par messagerie dans une enveloppe au sujet de laquelle on déclarait qu'elle contenait des documents. La facture et les certificats ont été envoyés dans une autre enveloppe.
Pourquoi nos consommateurs canadiens peuvent-ils payer un diamant d'origine canadienne à un coût moindre s'ils achètent du côté américain? Plus de 70 p. 100 de nos clients nous demandent combien cela leur coûtera s'ils paient comptant. Trop souvent, pour faire plaisir au client, le détaillant réduit sa marge bénéficiaire pour assumer le coût des taxes. Je suis certaine que vous avez tous compris les raisons pour lesquelles cette taxe d'accise doit être retirée sur tous les articles de bijouterie.
Nous sommes disposés à répondre à toutes vos questions.
[Traduction]
Au nom de l'Association canadienne des bijoutiers, je vous remercie encore une fois de l'occasion qui nous est offerte de présenter notre cause au comité.
Le président: Je vous remercie beaucoup, madame Rivet, ainsi que tous les témoins.
Nous allons maintenant procéder à une ronde de questions limitées à sept minutes chacune.
M. Schmidt a maintenant la parole.
M. Werner Schmidt (Kelowna, PCC): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président.
Merci beaucoup d'être venus. J'ai été très impressionné par vos présentations. J'ai apprécié la diversité de vos témoins et de leurs expériences.
Il y a quelques points que j'aimerais éclaircir pour m'assurer que j'ai bien compris l'exposé de M. Charania.
Est-il exact que la première vérification avait établi que vous deviez payer 800 000 $ et qu'après examen, ce montant a été réduit à 340 000 $, puis que la situation a été inversée, vous permettant même de demander un remboursement? Est-ce bien ainsi que les choses se sont passées?
º (1600)
M. Mo Charania: C'est exact.
M. Werner Schmidt: Et tout ça à cause de diverses interprétations de la taxe pour un même cas?
M. Mo Charania: Un grand nombre d'interprétations différentes de la part de différents vérificateurs et de différents responsables des appels, ainsi que de différents guides sur les politiques de l'ADRC.
M. Werner Schmidt: Je vois. C'est bien. Je voulais simplement vérifier que j'avais bien noté ces chiffres, car j'estime qu'ils sont plutôt surprenants.
Mon autre question porte sur le domaine économique en général. En réalité, combien rapporte cette taxe d'accise?
M. Satya Poddar: Je n'ai pas en main le chiffre exact en ce moment. J'ai fait quelques appels téléphoniques avant de venir, mais je n'ai pas réussi à obtenir les chiffres exacts.
J'ai l'impression que les recettes nettes de la taxe s'établissent à quelque 70 ou 80 millions de dollars par année.
M. Werner Schmidt: Bien. Je passe maintenant à ma question suivante. Je suis convaincu que vous avez une bonne idée de ce que je vais vous demander.
Quelles seraient les retombées économiques de l'abolition de cette taxe? En admettant qu'elle génère des recettes de 70 millions de dollars, à combien s'élèveraient les retombées générées par son abolition, compte tenu que les emplois créés produiraient alors de nouvelles recettes dont profiterait l'économie? D'une façon positive, quel serait l'impact suivant?
Mr. Satya Poddar: Je peux faire deux commentaires dès maintenant.
Tout d'abord, ces 70 à 80 millions de dollars correspondent aux recettes fiscales brutes générées par la taxe. En tenant compte des recettes perdues en raison de l'économie souterraine et du fait que celle-ci pourrait disparaître à la suite de l'abolition de la taxe, le gouvernement pourrait prélever la TPS, l'impôt sur le revenu et la taxe de vente provinciale, ce qui veut dire que la perte nette en termes de recettes fiscales serait inférieure à ces 70 à 80 millions de dollars. On peut prédire une remontée immédiate des recettes en raison de la disparition progressive de l'économie souterraine.
On pourrait donc dire que la perte de revenus nette s'établirait à quelque 40 ou 50 millions de dollars. Ce n'est qu'une hypothèse. On peut donc anticiper des pertes de recettes, mais certainement pas de l’ordre des 70 à 80 millions de dollars cités. À ce stade, vous profiterez des retombées économiques.
Les retombées économiques fluctuent énormément, d'un jour à l'autre. Comme Neil Foster l'a mentionné, dans le contexte économique actuel, les consommateurs sont devenus très conscients des taxes furtives et des taxes d'accise. Ils font beaucoup de recherches avant de se rendre au magasin. Le détournement des courants commerciaux prend donc de plus en plus d'ampleur. Ce n'est que de l'approximation de ma part, mais je pense que la différence se chiffrera en termes de petite monnaie compte tenu de l’importance de notre économie, à savoir 50 millions de dollars de perte nette de recettes en faisant abstraction des retombées économiques. En tenant compte de celles-ci, la perte serait essentiellement nulle.
M. Werner Schmidt: Cela est très intéressant, car j'ai l'impression d'avoir entendu un certain nombre de témoins de votre groupe indiquer que vous embaucheriez davantage de personnel.
Maintenant, dites-moi combien de personnes supplémentaires embaucheriez-vous si la taxe d'accise était abolie?
[Français]
Mme Carmen Rivet: Nous avons fait l'exercice de faire cette recherche. Lors de notre présentation du mois de novembre, nous avions calculé le nombre d'emplois qui pourraient être ajoutés advenant le retrait de la taxe d'accise. Je vous demande donc de vous référer à notre présentation de novembre. Je n'ai pas les chiffres exacts. Il est certain qu'il y aurait au minimum 5 000 emplois additionnels, mais nous avions estimé, me semble-t-il, qu'il y aurait 20 000 personnes de plus à tous les niveaux.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: D'accord, ce n'est qu'un aspect de la question. Vous chercheriez aussi probablement à prendre de l'expansion ou à développer de nouvelles dimensions à vos entreprises.
Avez-vous fait des recherches pour déterminer l'ampleur de ces retombées ou de votre participation économique dans ce secteur précis?
M. Steve Parker: Je ne peux vous fournir de détails précis, mais je peux tout de même vous donner quelques exemples de la façon dont le secteur de la bijouterie pourrait en être amélioré.
Premièrement, du point de vue du détaillant, la taxe d'accise sur les bijoux en vitrine est déjà acquittée. Cela a pour effet de limiter grandement la quantité de produits qu'un détaillant a les moyens de mettre en étalage et donc de limiter ses ventes. Plus vous en avez à montrer, plus vous pouvez en vendre. C'est déjà un exemple.
M. Werner Schmidt: Bon. Puis-je vous interrompre? C'est là une information qui me manquait, monsieur le président. C'est très intéressant.
La taxe d'accise a déjà été acquittée sur les produits en inventaire. Elle n'est donc pas prélevée au moment de la vente.
º (1605)
M. Steve Parker: C’est exact. Cette taxe est prélevée de la même façon que l'ancienne TVF. L'un des problèmes de cette vieille taxe était qu'elle était prélevée au niveau du fabricant et que les taxes sur les marchandises étaient payées avant que ces dernières ne soient vendues.
M. Werner Schmidt: Et vous êtes dans la même situation?
Mr. Steve Parker: Oui.
M. Werner Schmidt: Vous pouvez passer à votre deuxième point.
M. Steve Parker: Nous avons déjà perdu deux de nos plus gros fabricants de bijoux qui ont déménagé leur production à l'étranger. La taxe d'accise est l'un des facteurs expliquant ce déménagement. Ces emplois sont disparus à jamais.
M. Werner Schmidt: De combien d'emplois est-il question dans ce cas?
M. Steve Parker: Je dirais des centaines. Nous ne voulons pas assister à une nouvelle érosion de la main-d'oeuvre. Nous sommes plutôt confiants que, compte tenu de l'émergence de l'industrie diamantaire au Canada, un grand nombre de nouveaux emplois seront créés dans notre industrie. L'abolition de la taxe d'accise encouragerait l'industrie secondaire et permettrait une croissance importante de la vente au détail au cours des prochaines années. On prévoit que d'ici 2009, le Canada sera devenu le premier producteur diamantaire en valeur à l'échelle mondiale.
M. Werner Schmidt: Vous n'avez pas à répondre à ma prochaine question, mais je vous saurais gré de le faire. En plus de toutes ces retombées économiques, que retirerait votre entreprise en termes de profits de l'abolition de la taxe d'accise?
M. Steve Parker: Nous sommes de petits fabricants. Notre croissance souffre de la difficulté que nous éprouvons à informatiser nos systèmes. Par exemple, la taxe d'accise n'est pas basée sur la loi mais sur une interprétation, et il est impossible d'acquérir un système informatique capable en soi de traiter ces interprétations. Chaque vérificateur a son interprétation personnelle. Cela nous bloque. Nous ne pouvons pour l'instant mettre en oeuvre la technologie utilisée à l'étranger par nos concurrents. Cette efficacité est hors de notre portée.
Le président: Je vous remercie, monsieur Schmidt. Nous reviendrons à vous pendant une autre ronde de questions, si vous le désirez.
M. Werner Schmidt: Merci.
Le président: M. Paquette a la parole.
[Français]
M. Pierre Paquette (Joliette, BQ): Je vous remercie de votre présentation et je réitère que nous appuyons votre demande. J'aurais cependant aimé que vous expliquiez certaines choses. Je pense qu'un des principaux problèmes du ministre des Finances--celui-ci comme ceux qui l'ont précédé--est que quand on parle de bijoux, les gens ont l'impression qu'on parle d'objets luxueux qui sont destinés à une minorité. Donc, sur le plan politique, c'est difficile à vendre, et j'imagine que cela permettrait à certains démagogues--il y en a malheureusement dans la presse--de dire que le gouvernement fédéral a enlevé la taxe d'accise sur les bijoux.
Ce qui m'a beaucoup frappé, c'est le fait que la taxe s'applique à partir de 3 $. Vous parlez ici d'imitations de bijoux. J'ai entendu dire, et je ne sais pas si vous pouvez me le confirmer, que la Chine exportait des imitations de bijoux, mais sous le vocable « jouets ». Dans ce contexte, évidemment, ils sont exemptés de la taxe d'accise puisque ces choses ne sont pas fabriquées ici. J'aimerais que vous nous confirmiez ou pas l'existence de cela.
J'ai parlé tout à l'heure de cela avec Mme Rivet. Si on impose la taxe d'accise sur les bijoux accessibles à la classe moyenne, aux gens dont les revenus sont moins importants, on peut dire qu'on taxe les consommateurs pour des objets qui ne sont quand même pas si luxueux. Serait-il envisageable d'imposer une taxe qui, comme celle qui s'appliquait autrefois aux vêtements, s'appliquerait aux bijoux dont le prix serait plus élevé que tel montant? La concurrence étant ce qu'elle est, est-ce que cela ne réglerait pas le problème de l'industrie? J'aimerais que vous clarifiiez cela pour qu'on puisse bien saisir la portée de la taxe et de son abolition.
Mme Carmen Rivet: La Chine est un gros pays qui manufacture des quantités incroyables de ce qu'on appelle des bijoux, qui sont quand même inclus dans la catégorie des produits de luxe ici. Bien sûr, la Chine a compris aussi notre système de taxation. Bien souvent, ils envoient des quantités d'objets qui sont facturés à 1 $, 2 $, 3 $ ou 2,95 $, mais ils envoient en parallèle des factures pour la recherche et développement, pour la fabrication de matrices, etc., évitant ainsi le paiement de la taxe d'accise.
º (1610)
M. Pierre Paquette: [Note de la rédaction: inaudible]
Mme Carmen Rivet: Un manufacturier canadien qui facture des produits de ce type ne peut pas faire une chose comme celle-là: il ne peut pas envoyer des factures en parallèle. Dans la région d'Ottawa, on avait un confrère qui fabriquait des écussons, des choses de compagnies, des épinglettes pour les cravates ou les vestons, etc. Parmi les compagnies qui lui faisaient la concurrence il y a 20 ans, il y en a plus d'une dizaine qui sont disparues.
M. Pierre Paquette: Que répondez-vous à la question d'avoir une taxe qui s'appliquerait à partir d'un certain montant?
Mme Carmen Rivet: On sait que Wal-Mart est le plus gros vendeur de bijoux au monde. On a fait une étude et on sait que les foyers canadiens dépensent en moyenne 130 $ par année pour l'achat d'un bijou. Est-ce vraiment un produit de luxe ou s'il ne s'agit pas souvent d'une marchandise comme les autres? On peut vouloir acheter un jonc de mariage ou un bijou d'enfant pour une première communion ou pour une autre occasion. Ce n'est pas beaucoup, 130 $ par foyer. C'est le prix moyen qui est payé. C'est sûr que si le montant de 3 $ était porté à 1 000 $, on pourrait dire que cela s'applique à un produit de luxe.
M. Pierre Paquette: Je n'ai pas bien compris la réponse que vous avez donnée à M. Schmidt concernant ce que rapportait cette taxe. Vous parlez aussi d'une taxe au net. Comme c'est une taxe qui semble assez difficile à percevoir, combien cette taxe au net rapporterait-elle au gouvernement? Avez-vous fait cette évaluation? Je n'ai pas compris la réponse que vous avez donnée tout à l'heure.
[Traduction]
M. Satya Poddar: Les recettes qui figurent dans les rapports financiers du gouvernement sont de l'ordre de 70 à 80 millions de dollars, en excluant les recettes que le gouvernement fédéral a perdues sous forme d'impôts sur le revenu et de TPS. Les gouvernements provinciaux ont perdu des recettes provenant de la taxe de vente provinciale, du fait de l'économie souterraine.
Les recettes nettes que le gouvernement recueille aujourd'hui représentent moins de 70 millions de dollars. Cela ne tient pas compte des pertes; les pertes apparaîtront comme une réduction des recettes provenant de l'impôt sur le revenu et de la TPS. C'est pourquoi les recettes nettes pourraient être de l'ordre de 40 à 50 millions de dollars sans tenir compte des retombées économiques.
[Français]
M. Pierre Paquette: Je voudrais m'excuser auprès de nos témoins. J'avais annoncé au président que je devais quitter vers 16 h 15.
Merci.
Mme Carmen Rivet: Mo voudrait vous donner des précisions au sujet des coûts d'administration de cette taxe.
[Traduction]
M. Mo Charania: On entend souvent dire qu'il en coûte de 7 à 14 millions de dollars pour gérer la taxe, procéder aux vérifications, etc. Nous n’avons pas de chiffres précis, mais c'est ce que nous pouvons déduire en parlant à divers interlocuteurs. Je ne sais pas s'il est tenu compte de ce facteur dans l'équation, mais j'en doute.
M. Steve Parker: Puis-je parler de la notion même de taxe de luxe? Je crois qu'aujourd'hui, au Canada, cette notion est obsolète. Aucun autre bien de consommation n'est assujetti à une taxe de luxe; notre secteur est le seul qui n'ait pas fait l'objet d'un bon nettoyage. Prenez par exemple ce petit sac à main qui coûte 750 $. Il est absurde que cet article ne soit pas considéré un luxe alors que les bijoux pour enfants le sont; c'est absurde.
M. Mo Charania: Je vais répondre à votre question sur l'augmentation du prix seuil. Certains pays, à l'heure actuelle, abaissent leurs taux. L'Australie et la Russie ont éliminé leur taxe d'accise sur les bijoux au cours des dernières années. Ces pays ont constaté un bénéfice net dans leur secteur de la bijouterie, qui s'est concrétisé par une rentabilité accrue ainsi que par l'augmentation du nombre des nouvelles entreprises, des exportations et de la production. Ils ont connu un véritable boom. Ce sont des pays producteurs de diamants et il est navrant de constater que des pays comme la Russie puissent être plus avant-gardistes que le Canada.
[Français]
Mme Carmen Rivet: Comme je vous l'expliquais tout à l'heure, si vous voulez dépenser 750 000 $ pour un bijou, il vaut peut-être la peine d'aller le chercher à l'étranger, là où les bijoux sont exempts de taxes.
[Traduction]
Le président: Merci. Merci beaucoup, monsieur Paquette.
Je donne maintenant la parole à M. Shepherd.
M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Je me sens un peu en situation de conflit d'intérêts. Mon épouse vient de me dire que le diamant de son alliance s'était détaché et je vais donc devoir suivre ce processus.
Voici ma première question. J'ai entendu parler de cette taxe; elle existe depuis une éternité. Ma question s'adresse plus précisément aux gens des Finances. Quelle est l'histoire de cette taxe? Depuis quand est-elle en vigueur?
º (1615)
M. Mo Charania: Cette taxe a été adoptée en 1918, après la Première Guerre mondiale, en même temps qu'une foule d'autres articles. Il s'agissait à l'époque d'une taxe qui s'appliquait aux tabatières, aux briquets, à la porcelaine de Chine...
M. Alex Shepherd: On concevait donc à cette époque que les bijoux étaient un luxe, mais je comprends ce que vous voulez dire. Nous avons maintenant la télévision dans nos foyers, nous avons des Cadillac qui circulent dans nos rues et nous avons des manteaux de fourrure dans nos placards. Cela n'a pas beaucoup de sens, selon moi. Je pense que la vraie raison, c’est que nous ne voulons pas perdre 70 millions de dollars.
Une voix: Êtes-vous propriétaire d'une Cadillac Alex?
M. Werner Schmidt: Alex roule en Cadillac.
Des voix: Oh, oh!
M. Alex Shepherd: Je relève tout de même quelques subtilités dans cette question. Je suppose que les importations sont assujetties à une forme quelconque de taxe d'accise à leur entrée au pays, bien que vous affirmiez que ce n’est pas équitable. Je suppose qu'en abolissant la taxe d'accise, nous abolirions aussi la taxe sur les importations, et j'ignore l'impact que cela aurait sur votre secteur. Je sais que les marchandises importées au Canada seraient également moins chères, de même que vos propres produits.
M. Steve Parker: Cette mesure n'abolirait pas les droits qui sont prélevés sur les bijoux importés. Cependant, nous sommes prêts à soutenir la concurrence sur un tel un pied d'égalité. Le problème à l'heure actuelle c'est que, selon les propres chiffres du gouvernement, la taxe à laquelle nous sommes soumis est de 75 p. 100 plus élevée que celle que paient les importateurs.
M. Alex Shepherd: Nous avons mentionné le coût et nous avons parlé de quelque 70 millions de dollars qui figurent dans nos rapports financiers. Vous avez examiné la possibilité d'un autre montant de 7 ou 14 millions de dollars au titre de la perception et je suppose que vous vous placiez alors dans une perspective administrative... de notre côté de la comptabilité. Cependant, je suppose qu'il y a un montant semblable dont il faut tenir compte du point de vue du secteur privé car les entreprises doivent tenir des livres comptables et des registres et toutes sortes d’autres paperasses. J'ignore s'il existe une sorte de projection de coûts à cet égard.
M. Mo Charania: Il y a bien entendu un coût qui se rattache à tout cela. Nous estimons que, dans mon entreprise, il me coûte 2 p. 100 de plus pour administrer certaines de ces choses. Il y a également une perte en capital. J'ai en effet un capital important qui est immobilisé dans la taxe d'accise et pour lequel je paie des assurances. Cela m'empêche d'engager des gens.
Si je pouvais rentrer en possession de ces 10 p. 100 qui sont présentement immobilisés en taxe d'accise, je formerais du personnel, j'envisagerais quelque chose comme la fabrication... Je suis un détaillant, mais je pourrais peut-être fabriquer quelque chose. Je pourrais me lancer dans la taille de diamants pour attirer les gens et créer un commerce unique. Je ne peux rien faire de tout cela parce que je serais alors considéré comme un fabricant à part entière et, même si je suis essentiellement un détaillant, je serais assujetti aux règles qui s'appliquent aux fabricants. Cela rend les choses beaucoup plus difficiles.
M. Alex Shepherd: En fin de compte, la question qu'il faut se poser est celle-ci. S'ils abolissent cette taxe, allez-vous en faire profiter le consommateur ou en profiterez-vous plutôt pour remplir vos poches?
M. Mo Charania: Actuellement, les détaillants en absorbent une grande partie. Ces quatre ou cinq dernières années, la rentabilité de mon entreprise a été très mauvaise, et je ne parle pas de la perte de revenu, mais seulement de la rentabilité.
À mesure que les ventes par Internet prennent de l'ampleur, les gens commencent à apprendre le prix des choses. Notre économie est mondiale; nous devons vraiment livrer une concurrence à l'échelle mondiale. Nous avons commencé à le faire à l'échelle régionale, puis d'un océan à l'autre. Maintenant, la concurrence se joue à l'échelle mondiale. C'est très facile de fureter sur Internet pour trouver le prix d'un diamant et c'est honteux de constater que des diamants canadiens coûtent plus cher au Canada que n'importe où ailleurs dans le monde.
M. Alex Shepherd: Cela étant dit, l'abolition de la taxe d'accise vous encouragerait-elle à faire de l'exportation? Vous parlez de l'économie mondiale, mais nos discussions portent surtout sur le partage du marché domestique. L'abolition de la taxe d'accise aurait-elle pour effet d'inciter les fabricants canadiens à exporter leurs produits?
M. Steve Parker: Plus les fabricants seront forts sur le marché domestique, plus ils seront capables de faire face à la concurrence mondiale.
M. Alex Shepherd: Serait-il juste d'affirmer que c'est quelque chose que nous ne faisons pas beaucoup?
M. Steve Parker: Bon, je pense que nous devons d'abord développer notre potentiel au Canada et y devenir des fabricants plus prospères. De là, nous pourrons nous attaquer au marché mondial.
M. Alex Shepherd: En faisant abstraction de la taxe d'accise, est-ce que vos coûts de fabrication ne sont pas plus élevés qu’ailleurs? Ces coûts continueront d'être plus élevés que ceux des autres pays.
M. Steve Parker: Ils le sont, mais nous produisons au Canada des biens de consommation qui sont peut-être différents de ceux qui sont produits dans d'autres pays; nous en tenons compte.
M. Alex Shepherd: C'est en quelque sorte un créneau.
M. Steve Parker: En effet, nous capitalisons sur nos forces.
M. Mo Charania: Prenons l'exemple de l'industrie de la taille des diamants. Nous avons à Vancouver une installation de taille de diamants qui est peut-être la plus automatisée et la plus sophistiquée au monde. Prenez la technologie, par exemple. Nous avons besoin de la financer. Nous pourrions le faire nous-mêmes si nous n'avions pas à porter le fardeau de la taxe d'accise. L'installation de Vancouver est en mesure de tailler des diamants, au Canada, avec une efficacité avec laquelle les Chinois ne peuvent rivaliser. Ce sont des robots qui y travaillent : 24 heures sur 24, sept jours par semaine, pas de pause, pas de RPC, pas d'AE, rien. Cela fait toute une différence.
º (1620)
M. Alex Shepherd: Je dois dire que j'appuie toute annulation des hausses d'impôts.
Des voix: Oh, oh!
Le président: Je vous remercie.
Je tiens à poser une question pour m'assurer que j'ai bien tout compris. Je comprends vos arguments sur l'économie souterraine, la contrebande et les factures fictives ou bidon, etc., mais disons qu'un chargement de bijoux de l'étranger arrive dans un port canadien un prix déclaré raisonnable, un juste prix. Il y a probablement différents types de bijoux, mais quelle serait la fourchette des droits imposés? Êtes-vous en train de me dire que si ces marchandises entraient au pays sur une telle base, il n'y aurait plus de taxe d'accise?
M. Mo Charania: D'ordinaire, les bijoux importés de certains pays sont assujettis à des droits de 8 p. 100 et de 5 p. 100 pour les montres. Cela s'applique aux produits qui ne satisfont pas aux exigences de l'accord de la Zone de libre-échange des Amériques, ou ALENA. Les produits qui satisfont à ces exigences entrent essentiellement au pays en franchise de droits et nous devons payer une taxe d'accise. Cette taxe d’accise est différente des droits que nous devons acquitter sur tous les produits. Nous avons l'impression que l'abolition de la taxe d'accise nous placerait sur un pied d'égalité qui nous permettrait de fabriquer ces produits au Canada.
Steve Parker vous a donné l'exemple des coûts supplémentaires qui se rattachent à la fabrication au Canada. Si je peux me permettre, je vais expliquer cela plus en détail. Si nous...
Le président: Je suis désolé. Je veux seulement m'assurer que tout est clair pour moi. Une montre arrive de Taïwan ou d'ailleurs, ce qui n'a aucune importance. Quels droits devraient s'appliquer dans ce cas ou quel type de taxe d'accise?
M. Mo Charania: Je pense que Taïwan pourrait être exempté de droits; certains pays le sont, par exemple les pays en développement. Cependant, dans le cas de la Suisse, par exemple, il faut payer des droits de 5 p. 100 sur le même produit, auxquels s'ajoute ensuite une taxe d'accise de 10 p. 100.
M. Satya Poddar: Même si le taux de la taxe d'accise est de 10 p. 100, la valeur sur laquelle elle est prélevée est beaucoup moindre pour les marchandises importées que pour les marchandises vendues et fabriquées au Canada. Les fabricants du marché intérieur paient la taxe sur le prix de vente. Dans le cas de marchandises importées, la taxe est applicable à la valeur à l'acquitté. Cette valeur, par rapport au prix de vente des produits fabriqués au pays, n'est que de la moitié environ, peut-être bien de 60 p. 100. C'est de là que vient l'écart. Le taux est le même, mais il est appliqué à deux valeurs différentes.
Le président: J'avais de la difficulté à comprendre pourquoi nous prélevons une taxe d'accise sur les produits fabriqués au pays alors que nous n'en prélevons pas une sur les importations. Ce que vous venez de dire, c'est que tout est fonction de la valeur.
M. Satya Poddar: Par exemple, dans le rapport produit en 1987 par le ministère des Finances, la taxe de vente fédérale prélevée sur les bijoux importés était de 9 p. 100, mais elle correspondait à 2,6 p. 100 pour les importations et à 4,7 p. 100 pour les produits canadiens, à cause de la différence de valeur et malgré un même taux.
Le président: Je suppose que la TPS serait également prélevée.
M. Satya Poddar: Mais la TPS s'applique au niveau de la vente au détail; ainsi elle ne fait aucune différence.
Le président: Monsieur Charania, est-ce que vous souhaitez conclure avant que je donne la parole à M. Parker?
M. Mo Charania: Je vais laisser Steve terminer. Je pense que nous partageons le même avis sur cette question.
M. Steve Parker: Je suis un fabricant de Vancouver, mais mon entreprise importe également des bijoux fabriqués en Italie. La taxe que j'acquitte sur les produits importés est minime par rapport à celle que je dois payer sur la marchandise que je produis au Canada. Par exemple, lorsque je fabrique le produit ici, je dois payer la taxe d'accise sur la commission de mes vendeurs. Je paie la taxe d'accise sur tous mes frais canadiens, sur les coûts salariaux, sur mes profits. Je peux importer ce produit et acquitter la taxe à la frontière. Dans ce cas, mes profits ne sont pas assujettis à la taxe d'accise, pas plus que les commissions que je verse. Cela fait une différence substantielle.
Le président: Quelle quantité de bijoux, selon vous, entre illégalement au Canada pour échapper à cet assujettissement à la taxe? Pouvez-vous me donner un estimé?
M. Steve Parker: Je ne dispose pas d'un tel estimé. Je crois cependant qu'avec Internet cette quantité augmente chaque jour.
M. Mo Charania: En ce qui concerne les bijoux, l'année dernière, ce marché se chiffrait à 6 milliards de dollars, et il croît rapidement, de 50 à 60 p. 100 par année. Ces produits peuvent très facilement être expédiés au Canada dans une enveloppe d'un service de messagerie. Des millions de colis traversent la frontière. S'ils sont adressés à une entreprise, ils sont probablement interceptés; s'ils sont adressés à des personnes, je ne crois pas que le service des douanes ait le temps ou la capacité d'intercepter et de vérifier tous ces colis.
º (1625)
Le président: Pensez-vous que ce type d'opérations ait simplement pour but d'échapper à la taxe d'accise ou que le phénomène pourrait aussi s'expliquer par une multitude d'autres raisons?
M. Mo Charania: C'est un facteur important. En tant que détaillant, j'observe ce phénomène tous les jours. Ottawa, toutes proportions gardées, est la ville canadienne où l'on utilise le plus Internet. Il arrive fréquemment que des clients m'apportent un diamant et qu'ils me demandent de le monter. Je dois donc le monter sur une bague qui représente mon unique profit, alors que j'aurais également pu faire un profit sur le diamant. Ils n'ont pas d'objection à payer la TPS et la taxe de vente provinciale. Ils ne comprennent tout simplement pas pourquoi il y a encore une différence de prix, et lorsque vous essayez de leur expliquer, ils se contentent de vous dire carrément que vous mentez et que vous êtes simplement en train de mousser votre profit.
Sans ce handicap, je pourrais être plus concurrentiel. Je pourrais peut-être sacrifier une petite partie de ma marge de profit et conclure la vente, mais peut-être que le consommateur n'achèterait pas plus. Je ne tiens pas à devenir un contrebandier et à faire entrer ces produits au pays; je ne prendrai pas le risque, mais une économie de 25 p. 100 est alléchante et certains pourraient penser que le risque en vaut la chandelle.
Le président: Merci.
Monsieur McKay.
L'hon. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Si j'ai bien compris, l'association pense qu'il n'y a aucun remède pour cette taxe d'accise, qu'il n'y rien que vous puissiez faire à ce sujet. Elle est mal conçue et mal appliquée. Il est même impossible d'en modifier les seuils.
Votre association s'est-elle intéressée au bénéfice net réalisé par le gouvernement? Des recettes brutes de 80 millions de dollars ont été mentionnées à plusieurs reprises. Il faut habituellement tenir compte des frais administratifs. Vous avez parlé de 10 à 12 millions de dollars. J'en conclus que ces montants correspondent au coût des avocats et des comptables qui administrent cette taxe pour vous. Est-ce exact?
M. Mo Charania: C'est un chiffre qui a été mentionné lors de réunions avec les Finances. Nous avons demandé à combien s'élevaient les frais administratifs, mais nous n'avons jamais eu droit à une réponse précise. J'ai entendu dire qu'ils ne seraient que de 7 millions de dollars. Selon l'ADRC, ils s'élèveraient plutôt à 14 millions de dollars.
L'hon. John McKay: Il s'agit bien des coûts assumés par le gouvernement.
M. Mo Charania: Oui.
L'hon. John McKay: On peut donc dire que le gouvernement retire de cette taxe un bénéfice net de 60 à 65 millions de dollars. Cela revient à peu près à cela.
Avez-vous établi le coût des ventes que vous perdez vraiment en raison de cette taxe?
M. Mo Charania: Je peux parler de mon cas personnel, en tant que détaillant. J'estime que je perds quelque 20 p. 100 de mon volume en termes monétaires, et non pas sur la base du nombre d'articles vendus. On tend généralement à éviter la taxe sur les articles les plus chers. Personne ne va faire entrer en contrebande un article d'une valeur de 30 $. Par contre, pour un article de 1 000 $ ou de 10 000 $, la tentation est grande.
L'hon. John McKay: Vos pertes représentent donc entre 10 et 20 p. 100 de l'ensemble de vos ventes brutes. Est-ce la même chose dans l'ensemble de l'industrie?
M. Mo Charania: Je suis porté à le croire. En parlant avec la plupart des détaillants, c'est ce chiffre qui est mentionné. Certains pensent qu'il est encore plus élevé, en particulier ceux qui sont établis dans les villes frontalières.
L'hon. John McKay: Quelles sont les recettes brutes de l'ensemble de l'industrie?
M. Mo Charania: Il y a environ deux ans, il s'élevait à 1,2 milliard de dollars.
L'hon. John McKay: Cela veut dire que vous pourriez compter sur une augmentation de vos ventes à hauteur de 120 millions de dollars, soit 10 p. 100 de 1,2 milliard.
M. Mo Charania: Cela semble logique.
De plus, il y a les autres retombées sur les plans de l'emploi, des investissements et de la croissance de l'ensemble du secteur. Une poussée de croissance de cette industrie nous enchanterait. Des mines de diamants font présentement leur apparition au nord. C'est donc une occasion en or d'aller de l'avant et de continuer de développer le secteur secondaire plutôt que de nous limiter au secteur minier. Je pense que les retombées se feraient sentir à la grandeur du Canada.
L'hon. John McKay: Ce sont là les propos d'un entrepreneur, mais, en assumant que l'industrie se maintienne au niveau actuel et que rien de cela ne se réalise vraiment, vous pourriez toujours compter sur une augmentation de vos ventes brutes de l'ordre de 120 millions de dollars.
º (1630)
M. Mo Charania: Nous devrions effectivement bénéficier d'une augmentation d'environ 10 p. 100 de nos ventes brutes. Je pense également que nos entreprises jouiraient d'une augmentation de leur rentabilité et des investissements internes. D'autre part, n'oubliez pas que nous devons parfois absorber la taxe, ce qui fait diminuer les profits, les impôts sur les sociétés, etc.
L'hon. John McKay: A priori, les ventes augmenteraient de 120 millions de dollars. Il y a également la TPS, qui s'établirait à quelque 9,6 millions de dollars. Une partie de la perte de recettes serait ainsi récupérée, ce qui aurait pour effet de ramener les pertes du gouvernement à environ 50 millions de dollars.
M. Mo Charania: C'est exact. Je continue de croire que beaucoup d'autres facteurs connexes contribueraient à réduire encore davantage ce montant.
L'hon. John McKay: En présumant que les bénéfices de vos sociétés augmentent, on pourrait donc s'attendre à ce que les impôts prélevés augmentent également, et ainsi de suite.
M. Mo Charania: Il est pratiquement certain que nous aurions à embaucher davantage de personnel. À l'heure actuelle, nous n'employons que le minimum nécessaire.
L'hon. John McKay: Je suis bien conscient que tout cela est de nature très spéculative. Est-ce qu'une étude fiable à été faite à cet égard?
M. Neil Foster: Non.
Comme je viens de l'Alberta, je bénéficie d'un avantage de 7 p. 100. Il arrive très souvent que je fasse en toute légalité des ventes à l'extérieur des limites de ma province, qui permettent aux clients d'économiser 7 p. 100 de taxe de vente provinciale. Si les gens prennent le temps de trouver de petits bijoutiers dans un petit marché restreint afin de réaliser des économies, cela veut dire qu'ils sont plutôt futés. Ils connaissent les façons d'économiser et ils savent comment faire de l'argent. Si vous comparez le marché albertain à celui d'autres bassins de population de grandeur équivalente dans d'autres provinces, vous constaterez qu'il se vend beaucoup plus de bijoux en Alberta que dans les autres provinces.
Aucune étude n'a été réalisée, mais il est possible de le vérifier.
L'hon. John McKay: Vous avez probablement raison, mais, dans un tel cas, le ministère des Finances s'efforce en général de considérer le pour et le contre, les gains et les pertes. Il est conscient des recettes qu'il perdrait.
En assumant que l'on reconnaisse, comme vous le dites, que cette taxe est mal appliquée et mal conçue, il n'en faut pas moins se demander par quoi elle sera remplacée une fois qu'elle aura été abolie. Comment remplacer les recettes perdues, et comment remplacer les recettes au sein même de cette industrie?
Vous faites cette observation en passant. je ne suis d'accord avec vous, mais cela ne permet pas de payer les factures.
Le président: Monsieur Poddar, aviez-vous quelque chose à ajouter?
M. Satya Poddar: Ernst & Young a réalisé deux études sur l'industrie de la bijouterie. L'une avait été commandée par le ministère des Finances, en fait, pour déterminer l'étendue de l'économie souterraine. L'autre avait pour mandat d'évaluer les pertes d'emplois et de bénéfices causées par la taxe.
L'hon. John McKay: Dans votre industrie?
M. Satya Poddar: Dans l'industrie de la bijouterie.
Je n'ai présentement pas en main cette information, mais, par définition, l'économie souterraine est très difficile à évaluer, car, si vous pouvez l'évaluer, vous pouvez donc la voir, ce qui implique par le fait même qu'elle ne soit plus souterraine. La conclusion générale était qu'un tiers de toutes les ventes sont perdues ou ont été faites dans l'économie souterraine. Combien de ces ventes vont devenir légitimes après l'abolition de la taxe? On ne peut qu'essayer de deviner car il est possible que ceux qui font des affaires dans l'économie souterraine ne veulent pas en sortir. Certains vont remonter à la surface. C'est une question de jugement, mais je pense que le chiffre de 100 millions de dollars est assez juste.
La deuxième question a trait à l'emploi. Il s'agit encore une fois d'une petite industrie, bien qu'elle soit une source importante d'emplois. Compte tenu de la taille de l'économie, des ventes de 1,2 milliard de dollars ne représentent qu'une infime fraction de l'ensemble de l'économie canadienne. On comprend donc la difficulté d'obtenir des chiffres exacts, compte tenu de l'incertitude entourant l'application de la taxe.
L'autre point qu'il faut noter, si la taxe doit être maintenue, c'est qu'à l'époque où existait la taxe de vente fédérale, le Canada ou l'ADRC avaient la capacité d'en comprendre l'application. Ils pouvaient consacrer des ressources aux interprétations, aux ajustements, aux décisions et à toutes ces formalités. Aujourd'hui, il est impossible d'amener l'ADRC à rendre une décision. Vous leur écrivez et il leur faut de trois à six mois pour répondre car il n'y a plus personne chez eux qui soit en mesure de répondre à une question.
C'est la situation aujourd'hui, environ 15 ans après l'abolition de la TVF. Deux ou trois ans encore et il n'en restera plus rien. Vous vous retrouverez donc face au néant; où pourrez-vous obtenir des réponses.
Le président: C'est bien, je vous remercie.
Monsieur Schmidt, avez-vous une autre question à poser? Nous ferons brièvement un autre tour.
M. Werner Schmidt: Oui, j'aurais une question très, très courte.
J'aimerais en fait que vous nous fassiez part de votre expérience préalable au comité. Je pense que vous avez déjà témoigné, mais comment cela s'est-il déroulé?
º (1635)
[Français]
Mme Carmen Rivet: J'ai rencontré à un moment donné un député qui siège à ce comité depuis plusieurs années et je pense que c'est la cinquième fois que nous sommes ici. Je pense que le comité a recommandé au moins trois fois le retrait de la taxe d'accise. Je suis certaine qu'il l'a fait deux fois, mais je pense qu'il l'a fait trois fois.
[Traduction]
M. Werner Schmidt: D'accord. Elle a donc bénéficié d'un appui auparavant.
Mon autre question a déjà été posée par d'autres membres, donc ce sera tout. Merci.
Le président: D'accord.
Je remercie beaucoup l'Association canadienne des bijoutiers de son excellente présentation. Nous avons eu une discussion intéressante. Je vous remercie beaucoup de vous être déplacés.
Nous allons maintenant ajourner et siéger à huis clos pour discuter de la suite de nos activités. Je vous demanderais donc de quitter la salle de façon ordonnée avant que nous poursuivions nos travaux.
Encore une fois, je vous remercie d'être venus.
[Les travaux se poursuivent à huis clos]