CC38 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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38e LÉGISLATURE, 1re SESSION
Comité législatif chargé du projet de loi C-38
TÉMOIGNAGES
TABLE DES MATIÈRES
Le mardi 14 juin 2005
¹ | 1530 |
Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)) |
M. Stanley Hartt (à titre personnel) |
¹ | 1535 |
Le président |
M. Iain Benson (directeur général, Centre for Cultural Renewal) |
¹ | 1540 |
¹ | 1545 |
Le président |
M. David Mainse (fondateur, Crossroads Christian Communications) |
M. Ian Purvis (avocat, Crossroads Christian Communications) |
¹ | 1550 |
M. David Mainse |
¹ | 1555 |
Le président |
M. David Mainse |
Le président |
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC) |
º | 1600 |
M. Stanley Hartt |
M. Rob Moore |
M. Iain Benson |
º | 1605 |
M. Rob Moore |
Le président |
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ) |
M. Stanley Hartt |
º | 1610 |
M. Richard Marceau |
M. David Mainse |
º | 1615 |
Le président |
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD) |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
º | 1620 |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. Stanley Hartt |
M. Bill Siksay |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.) |
º | 1625 |
M. Iain Benson |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. David Mainse |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. David Mainse |
º | 1630 |
Le président |
M. Iain Benson |
Le président |
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC) |
M. Iain Benson |
º | 1635 |
M. Brian Jean |
M. Stanley Hartt |
M. Brian Jean |
M. Iain Benson |
M. Brian Jean |
M. Iain Benson |
M. Brian Jean |
M. Iain Benson |
M. Brian Jean |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
º | 1640 |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.) |
M. Michael Savage |
M. David Mainse |
M. Michael Savage |
º | 1645 |
M. David Mainse |
M. Michael Savage |
Le président |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Richard Marceau |
M. Iain Benson |
º | 1650 |
M. Richard Marceau |
M. David Mainse |
M. Ian Purvis |
M. Richard Marceau |
Le président |
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.) |
º | 1655 |
M. Stanley Hartt |
» | 1700 |
M. Iain Benson |
Le président |
M. Bill Siksay |
» | 1705 |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
M. David Mainse |
M. Bill Siksay |
» | 1710 |
M. Iain Benson |
M. Bill Siksay |
M. Iain Benson |
M. Bill Siksay |
Le président |
M. Iain Benson |
M. Bill Siksay |
M. Iain Benson |
Le président |
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.) |
M. Stanley Hartt |
L'hon. Don Boudria |
M. Stanley Hartt |
L'hon. Don Boudria |
M. Stanley Hartt |
» | 1715 |
L'hon. Don Boudria |
M. David Mainse |
Le président |
M. Mark Warawa (Langley) |
» | 1720 |
M. Iain Benson |
M. Ian Purvis |
» | 1725 |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
M. Stanley Hartt |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
M. Vic Toews (Provencher, PCC) |
Le président |
M. Vic Toews |
Le président |
L'hon. Paul Harold Macklin |
Le président |
CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-38 |
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TÉMOIGNAGES
Le mardi 14 juin 2005
[Enregistrement électronique]
* * *
¹ (1530)
[Français]
Le président (M. Marcel Proulx (Hull—Aylmer, Lib.)): Bon après-midi, mesdames et messieurs.
[Traduction]
Bonjour, mesdames et messieurs.
[Français]
Bienvenue au Comité législatif chargé du projet de loi C-38.
[Traduction]
Nous accueillons parmi nous cet après-midi trois groupes de témoins. Nous avons, tout d'abord, des représentants de Crossroads Christian Communications. Puis, nous entendrons un représentant du Centre for Cultural Renewal, et ce sera ensuite au tour de M. Hartt, qui comparaît à titre personnel. Bienvenue aux témoins.
Je suis certain que l'on vous aura déjà expliqué la chose, mais je vais confirmer le mode de fonctionnement du comité. Chaque témoin ou groupe de témoins disposera de dix minutes pour faire une déclaration liminaire. Nous passerons ensuite aux questions, commentaires et réponses, avec des tours de sept minutes chacun dans la première ronde, et de cinq minutes chacun dans les rondes subséquentes.
Nous allons entendre les exposés dans l'ordre dans lequel vous êtes assis à la table : nous entendrons donc d'abord M. Hartt, puis M. Benson, et ce sera ensuite au tour des représentants de Crossroads Christian Communications.
Bienvenue, monsieur Hartt. Vous disposez de dix minutes, monsieur.
M. Stanley Hartt (à titre personnel): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité. Merci beaucoup de l'occasion qui m'est ici donnée de comparaître devant vous et de traiter de cette question fort importante dans le cadre de votre examen des différents articles du projet de loi dont vous êtes saisis.
Je comparais ici à titre personnel et je devine que c'est à cause de l'essai que j'ai écrit, qui a été publié dans le numéro du 12 avril de la revue Maclean's, et qui, pour quelque raison, a paru sous le titre « Grits and red herrings », alors que lorsque je l'ai soumis à Maclean's il était intitulé « Paul Martin, the boy who cried notwithstanding ». Cela vous donne une idée du contexte dans lequel j'aborde cette question. C'est que je crois que cette question a amené de profondes divisions dans la société canadienne, mais je crois que l'on aurait pu organiser les choses autrement, de façon à établir un fort consensus national.
La raison pour laquelle je trouve que le projet de loi a semé la division est que le gouvernement maintient, ce qui est insoutenable, qu'il agit du fait d'un impératif constitutionnel de modification de la définition traditionnelle du mariage pour inclure les couples de même sexe comme seule façon d'assurer le respect des droits à l'égalité des personnes homosexuelles en vertu de la Charte canadienne des droits et libertés. J'estime que cette thèse est insoutenable, car je ne pense pas qu'il soit vrai que la modification de la définition du mariage pour englober les couples de même sexe soit nécessaire pour être conforme aux exigences en matière d'égalité de la Charte.
Nous en sommes arrivés ici parce que lorsque des litigants—un couple de personnes de même sexe désireuses de se marier alors que les lois de la province dans laquelle elles vivent ne les autorisent pas à se marier—se présentent au tribunal, ils cherchent un recours en vertu des dispositions en matière d'égalité de la Charte. La Cour a une option binaire. La Cour peut ou dire que les règles existantes sont constitutionnelles et qu'il n'est pas nécessaire d'étendre l'égalité aux couples de personnes de même sexe, ou leur offrir le mariage. La Cour n'a pas le pouvoir d'esquisser une troisième option, d'être originale, d'expliquer comment, en fait, sans modifier la définition du mariage, les exigences de la Charte pourraient être satisfaites.
Mais lorsqu'on a demandé expressément à la Cour suprême, dans la question 4 portant sur le mariage entre personnes de même sexe, « l'exigence qu'il y ait une personne du sexe opposé pour le mariage à des fins civiles... cadre-t-elle avec la Charte canadienne des droits et libertés? », la Cour a refusé de répondre à la question.
La cour a dit :
[...] Le fait de répondre à la question 4 risquerait de compromettre le but exprès du gouvernement d'uniformiser le droit en matière de mariage civil dans l'ensemble du Canada. Certes, une certaine uniformité serait crée si la réponse était « non ». Mais, à l'opposé, un « oui » créerait la confusion sur le plan juridique. Les décisions des juridictions inférieures dans les dossiers à l'origine du présent renvoi ont force obligatoire dans les provinces où elles ont été rendues. Elles seraient mises en doute si l'avis exprimé les contredisait, même s'il ne peut les infirmer. |
Cela me donne l'impression que la Cour ne tentait pas de répondre à cette question par un « non » retentissant. Voilà la deuxième raison pour laquelle je considère ce débat comme étant inutilement fractionnel dans la société canadienne. Il est présenté comme étant un débat sur nos droits constitutionnels, mais il s'agit en fait d'un débat politique autour d'un mot. J'aurais de beaucoup préféré voir cela couché en ces termes, ce qui nous aurait épargné tout l'aspect théâtral accompagnant de fausses allusions au spectre de l'invocation de la clause nonobstant.
Si un régime d'union civile, dont découlait chacune des conséquences civiles du mariage, était adopté, une institution équivalente sur absolument tous les plans, exception faite du nom mariage, la question serait alors celle de savoir si le terme « mariage » ne fait pas lui-même partie du statut, de telle sorte que le refus du terme équivaudrait au refus d'un accès égal et violerait la dignité humaine des couples homosexuels—comme ce que prétend le préambule du projet de loi—ou, si le concept même de mariage homosexuel était considéré comme étant un oxymoron terminologique, exigerait que l'on trouve un autre terme pour décrire les unions entre personnes de même sexe, mais sans incidence sur leurs droits à l'égalité.
D'importants segments de la population, monsieur le président, considèrent la définition traditionnelle du mariage comme étant une pierre angulaire fondamentale de la société. Ils considèrent que le terme représente un statut social particulier autour duquel ils ont bâti leur vie, souvent dans le contexte d'un système de croyances. Ils n'apprécient pas qu'on les dépeigne comme étant des réacs ou des idéologues ou des personnes qui s'opposent au progrès social du fait d'épouser leurs opinions, et ils rejettent l'idée que de tels progrès doivent être réalisés à leurs dépens.
¹ (1535)
Bien que ne niant pas l'intérêt de la société à l'égard de relations stables, aimantes, exclusives et permanentes entre homosexuels, les opposants au projet de loi ne comprennent pas pourquoi leur propre adoption de normes communales devrait être diminuée par la généralisation de la signification du mot « mariage » pour inclure d'autres groupes jusqu'ici pas inclus dans le sens généralement donné au terme.
Je vous demande donc, simplement, en bref, pourquoi le progrès social éclairé doit-il être fait sur le dos des citoyens dont le seul crime est de croire profondément en des normes et des institutions sociales héritées? Qu'y aurait-il de mal dans le régime d'unions civiles que je viens de décrire? Nous pourrions alors progresser avec un très large consensus en faveur d'un régime conforme à la Charte, au lieu de laisser un groupe de la société se monter contre un autre. Alors dans cette bataille pour le mot, pourquoi ne pas trancher en faveur de la définition traditionnelle? Les deux régimes sont tout aussi constitutionnels l'un que l'autre, mais il n'y en a qu'un seul qui saura calmer les tensions sociales.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je sais très bien que l'opinion de la Cour suprême est que du fait que la compétence du gouvernement fédéral soit limitée, aux termes de l'article 92.26 de la Loi constitutionnelle, au mariage et au divorce, l'établissement d'un régime énonçant les conséquences civiles d'une union entre personnes du même sexe relèverait des provinces au titre de l'article 92.13, droits de propriété et droits civils. Je ne suis pas de l'avis de ceux qui pensent que cela constituerait un obstacle insurmontable à la réalisation d'un régime social uniforme d'union civile à l'échelle du Canada. Le principe constitutionnel serait simple : équivalence à tous égards, sans exception, dans toutes les provinces, avec, au titre de la loi, les conséquences qui, dans chaque province, découlent de sa loi en matière de mariage.
Pourquoi cela reviendrait-il au seul gouvernement fédéral de résoudre les lacunes constitutionnelles? L'on devrait s'attendre des provinces qu'elles agissent en la matière, si à quelque date future un renvoi différent était fait à la Cour suprême sur cette question, par un gouvernement qui a une intention politique et législative très différente, et à ce que la Cour suprême décide, comme je m'y attendrais pleinement, que la définition traditionnelle du mariage est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés.
Merci, monsieur le président.
Le président: Merci, monsieur Hartt.
Nous allons maintenant entendre le représentant du Centre for Cultural Renewal, M. Benson. Vous disposez de dix minutes, monsieur.
M. Iain Benson (directeur général, Centre for Cultural Renewal): Je tiens à remercier le comité de l'occasion qui m'est ici donnée de vous dire ici quelques mots aujourd'hui.
[Français]
Vous avez seulement la recommandation. Je n'ai pas été en mesure de vous fournir la traduction de ma présentation parce que j'ai été invité au dernier moment. J'en suis désolé, mais je vous l'enverrai dès que possible.
[Traduction]
Les questions dont vous êtes saisis ne doivent pas être bousculées dans l'intérêt d'un échéancier politique alors que l'effet de votre travail influencera des générations de Canadiens. Il serait bon de ralentir un peu les choses et de faire un examen objectif serein, avant que ces questions ne soient renvoyées à la Chambre haute. Ces choses ont avancé à un rythme effréné au cours des dernières années. Les conditions d'une société plus juste et inclusive ne pourront pas être obtenues par des moyens injustes et exclusifs. C'est avec grand soin qu'il faut s'attaquer à la tâche difficile de l'établissement d'un équilibre entre des intérêts et des croyances en concurrence les uns avec les autres.
Ceux qui sont, comme on dit, « sortis du placard » et qui revendiquent aujourd'hui l'acceptation publique et la reconnaissance sociale sont perçus par beaucoup comme cherchant à pousser ceux qui n'acceptent pas leur comportement dans le placard qu'ils n'ont que tout récemment quitté.
Les opinions des deux groupes sont tout simplement irréconciliables et les deux sont également valides. La loi autorise et la défense et la critique du comportement homosexuel, mais il y a des signes clairs d'attaques contre des personnes et des groupes religieux dans la société canadienne d'aujourd'hui. Vous avez entendu nombre de soumissions du genre et j'en ai lu certaines.
Accorder à un camp dans le débat sur la nature du mariage un droit fabriqué n'est pas une recette pour la paix civique, l'harmonie multiculturelle, voire même l'acceptation et la reconnaissance sociale. Ce qui est brandi comme étant la raison d'être même de tout le projet ne pourra pas être réalisé par les moyens qui ont été retenus, car cela amène trop de divisions. Si nous voulons avoir une harmonie multiculturelle dans une société pluraliste, le genre de société qu'envisage le Canada pour lui-même, alors il nous faudra aller au-delà de ce genre d'analyse qui a été employée au Canada à ce jour.
Le problème central, comme je l'ai dit, dans ce débat sur le mariage, est qu'il se trouve à la base deux visions irréconciliables. La première est que le mariage est un phénomène naturel. La deuxième est qu'il s'agit d'une construction sociale. Ces deux navires se croisent dans la nuit et ne peuvent pas avoir de terrain d'entente.
Je pense néanmoins que ce pourrait être utile d'examiner la façon dont l'État a historiquement traité d'autres problèmes. Comment cette société a-t-elle traité des débats historiques au sujet de la religion, par exemple, lorsque les gens n'étaient pas d'accord sur les dogmes religieux? Il nous faut réexaminer la façon dont ces questions fondamentales dans d'autres contextes ont été traitées dans la société canadienne, afin de voir comment traiter de façon appropriée de cette question de mariage.
Il nous faut comparer les dogmes et l'endoctrinement religieux aux dogmes et endoctrinement sexuels, car à la base de cette conception différente du mariage est une compréhension différente de la sexualité entre homme et femme, homme et homme, et femme et femme. La racine du débat sur le mariage est la question du comportement sexuel, et c'est cela qui échauffe le débat dans la société canadienne. Il est si ironique que ce débat soit si rarement discuté.
Voici maintenant une petite remarque, que je fais presque entre parenthèses. J'étais conseiller de la Coalition interéglises en Colombie-Britannique et en Ontario, alors j'ai une certaine expérience de cette question devant les tribunaux. J'ai constaté que les tribunaux n'ont pas traité de ces questions plus profondes avec tout le respect qui leur était dû. Ils ont eu tendance à écarter tout cela et à laisser la chose au soin de l'esprit du siècle. Je pense qu'il nous faut aller au-delà de cela si nous voulons bâtir une société stable et véritablement ouverte.
Je proposerais que nous nous attachions à examiner le respect dû à la diversité au Canada en ne donnant pas un droit décisif à un côté. Il nous faut commencer à poser des questions quant à savoir si l'approche que nous suivons à l'heure actuelle ne passe pas à côté d'une réponse tout à fait évidente. Il se peut qu'il nous faille envisager d'écarter l'État de toute la question du mariage.
Cela n'a jamais été analysé comme il se doit par la Commission de réforme du droit. Cela n'a pas été analysé par le premier ministre dans ses remarques lors du dépôt du projet de loi dont vous êtes saisis. Cela n' a pas été analysé par un quelconque secteur de la société canadienne, et nous en sommes presque arrivés à l'étape de la troisième lecture d'un projet de loi qui ne traite pas non plus de cette question.
Je vais maintenant passer rapidement à mes recommandations, que vous avez en anglais et en français, et qui sont donc tout ce que vous avez devant vous.
Il nous faut avoir dans le projet de loi une disposition stipulant que personne ne sera privé de tout avantage en vertu d'une loi fédérale du fait qu'elle définit le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme et que personne ne sera assujetti à un quelconque fardeau en vertu d'une loi fédérale du fait qu'elle définit le mariage comme l'union d'un homme et d'une femme.
¹ (1540)
Deuxièmement, il nous faut protéger les membres de groupes religieux et les autorités religieuses. Je vous demande de bien vouloir noter qu'il y a un illogisme entre le préambule et l'article 3. Le préambule parle de membres d'institutions religieuses et d'autorités religieuses, mais l'article de fond, l'article 3, ne fait état que des autorités religieuses. Cela n'assure pas une protection suffisante aux membres de groupes religieux pris individuellement.
La recommandation suivante est qu'il nous faut protéger la conscience ainsi que les croyances religieuses. Pourquoi? Parce que c'est ce que dit l'article 2 de la Charte. L'expression est conjonctive : « conscience et religion ». Pour quelque raison, le projet de loi ne s'intéresse qu'à la religion.
Recommandation quatre : Il nous faut protéger le statut d'oeuvre de charité de groupes dans la société—pas juste de groupes religieux mais d'autres groupes qui veulent prendre position sur le mariage et qui craignent que, ce faisant, ils se trouvent confrontés au genre de litige que l'on ne cesse de voir ces jours-ci au pays.
Recommandation cinq : Il nous faut nous demander pourquoi les relations sexuelles sont le critère pour la reconnaissance légale par l'administration fédérale. Il n'est pas nécessaire qu'il en soit ainsi. Les avantages, devoirs et obligations du fédéral peuvent être fondés sur autre chose que le sexe. Ils peuvent être axés sur l'interdépendance, sur des relations de soignant. Nous pourrions examiner la situation qui existe ailleurs, comme par exemple à Hawaï, où ils se sont penchés sur des bénéficiaires réciproques. Nous pourrions regarder du côté de la Scandinavie, où ils ont des partenariats domestiques enregistrés, etc. Nous pouvons donc faire preuve de plus de créativité au lieu de nous enfoncer dans l'approche du genre roi du château et droits péremptoires qui semblent dominer au Canada.
En passant, pour ce faire, pour pouvoir examiner la reconnaissance légale fédérale d'autres choses que le sexe, il vous va falloir supprimer tous les articles « attendu que » erronés, les numéros 4 et 5, dans le projet de loi, car ceux-ci sont fondés sur l'hypothèse voulant que toutes les autres possibilités ont été examinées, alors que ce n'est pas le cas.
Le comité devrait recommander au préalable, et en tant que solution de rechange à l'adoption du projet de loi, l'examen de la possibilité de l'établissement d'un régime envisageant une collaboration fédérale-provinciale relativement aux relations, à l'aliénation de biens, aux droits civils, etc., non pas sur la base d'un marqueur sexualisé mais qui soit accessible à tout couple de personnes, qu'elles soient liées ou non par une relation sexuelle. Cela supposerait bien sûr supprimer le projet de loi que vous avez devant vous avec ses nombreuses références au mariage.
Je pense que le temps dont je disposais est écoulé. Je vous remercie de votre attention et envisage avec plaisir d'autres échanges avec vous.
¹ (1545)
Le président: Merci, monsieur Benson.
Nous allons maintenant entendre le représentant du groupe Crossroads Christian Communications, M. Mainse ou M. Purvis. Vous disposez de dix minutes.
M. David Mainse (fondateur, Crossroads Christian Communications): Merci beaucoup, Mr. Chairman.
J'aimerais vous présenter mon ami, Ian Purvis, QC, Woodstock, Nouveau-Brunswick. Il est militant du Parti libéral. Ne lui en tenez pas rigueur. C'est un homme bien et nous venons tout juste de voyager ensemble pendant deux semaines en Turquie et en Grèce, et nous voici ici réunis devant vous. Je pensais accorder une minute ou deux au début de mes dix minutes à Ian, si vous le voulez bien.
M. Ian Purvis (avocat, Crossroads Christian Communications): Merci, monsieur le président, et merci, David.
Je suis heureux de l'occasion qui m'est ici donnée de prendre la parole devant le comité. David va vous faire un exposé beaucoup plus long que le mien; il a trois ou quatre décennies d'expérience en la matière un petit peu partout dans le monde. Je pense qu'il va livrer au comité des propos dont celui-ci devrait tenir compte.
J'aimerais cependant traiter brièvement de quelques textes de loi qui se trouvent en quelque sorte à l'origine de ce pour quoi nous sommes tous ici, il me faut dire. Lorsque je regarde la Loi constitutionnelle de 1982, je suis toujours intrigué par la quinzaine de mots du début et que voici, « Attendu que le Canada est fondé sur des principes qui reconnaissent la suprématie de Dieu et la primauté du droit ». Je ne pense pas que ce soit sans importance que ces mots figurent ici dans la Constitution elle-même.
Et cela m'amène au projet de loi C-38 et à son préambule, qui est lui aussi intriguant parce qu'il est quelque peu plus long que la loi. La dernière disposition est, je pense, la raison pour laquelle les personnes qui agissent pour le compte d'organisations chrétiennes, d'organisations religieuses, interviennent auprès du comité. Je vous en lis le texte :
ET ATTENDU QUE, dans l'esprit de la Charte canadienne des droits et libertés et des valeurs de tolérance, de respect et d'égalité, la législation devrait reconnaître aux couples de même sexe la possibilité de se marier civilement. |
Si je fais état de cela c'est à cause de la question de la tolérance et de l'égalité, en vertu de laquelle je pense que la plupart des organisations chrétiennes sont prêtes à reconnaître le statut légal que l'on souhaite accorder aux unions de personnes de même sexe. Cependant, elles demandent la même chose que ce que demandent les couples homosexuels : la tolérance et l'égalité s'agissant de leurs droits. Je pense que c'est là une chose compatible qui pourrait être réalisée avec une loi rédigée comme il se doit, mais ce n'est pas vraiment cela que nous avons ici.
M. Mainse va faire des remarques qui s'inscrivent davantage dans une perspective chrétienne, mais c'est là la base de ses remarques. Elles découlent de ces phrases qui figurent dans la loi dont nous traitons.
Je vais conclure avec une citation, et je vous en donnerai la source à la fin. Je peux vous dire que cela est tiré d'un livre écrit par M. Mainse, alors je suppose que j'ai ici un bon maître.
Il est bon pour les Canadiens de célébrer la grandeur de l'histoire et de l'héritage spirituel de notre pays. Il est bon de s'arrêter de temps en temps et d'être reconnaissant du privilège que nous avons de vivre ici ensemble dans cette terre riche et libre. C'est pourquoi je félicite le révérend David Mainse et les organisateurs de cet hommage « Salute to Canada » de nous avoir tous invités à réfléchir à la dette que nous devons à la foi de nos pères et à l'héritage spirituel qui se trouve exprimé d'innombrables façons dans nos vies quotidiennes [...] |
La source de la citation est le très honorable Pierre Trudeau, ancien premier ministre du Canada.
C'est là-dessus que je termine mon intervention. Merci, monsieur le président.
¹ (1550)
M. David Mainse: Merci beaucoup, Ian.
Je vous montre ici un journal pour personnes du troisième âge. Le gros titre est fort éloquent : « A Clash of Values » (Conflit de valeurs). Svend et moi-même sommes séparés par ces mots « Confronté à des changements sociétaux étourdissants, les Canadiens du troisième âge se trouvent souvent écartés du courant dominant de la société d'aujourd'hui. Et voici qu'arrive maintenant le mariage entre personnes de même sexe ».
J'aimerais dire quelque chose de positif au sujet de l'ancien député. Svend était un homme qui avait le courage de ses convictions à la Chambre. Ses convictions étaient tout à l'opposé de mes valeurs, avec des initiatives visant à faire adopter par le Canada la philosophie hollandaise en matière d'euthanasie, le mariage gai et d'autres initiatives qui seraient venues déconstruire des milliers d'années de normes sociales.
Dans le journal de la ville natale de Ian, Woodstock, au Nouveau-Brunswick, The Bugle—et j'ai vu des articles du genre dans de nombreux journaux—a fait paraître le gros titre que voici : « One Step Too Far » (un pas de trop). J'avais suivi la visite de Svend dans une école secondaire de Woodstock une semaine plus tard. Dans sa rubrique, le journaliste avait écrit « Bien que les opinions de Mainse et de Robinson soient tout à fait opposées, les deux partagent une caractéristique commune. Chacun a manifesté une capacité incroyable d'exprimer des convictions profondes au sujet d'une question très controversée et très chargée d'émotion tout en demeurant respectueux des autres ».
Revenons maintenant au reportage en première page. Les autres mots ici dans le gros titre sur la première page de The Bugle de Woodstock sont « Du 100 Huntley Street à la rue principale de Woodstock—l'hôte d'une émission de télévision chrétienne craint que le débat sur le mariage gai ne vienne réduire encore le respect de la société pour le mariage ».
Permettez que je dise ici que je crois que Svend a été tout à fait logique avec lui-même lorsqu'il a déposé un projet de loi d'initiative parlementaire à la Chambre en vue de l'élimination de la mention de Dieu dans le préambule de la Constitution. Nombre de ceux qui ont ces derniers temps cité la parole de Moïse, de Jésus et de Paul et qui l'ont bafouée, ces mots qu'ils ont prononcés au sujet du fait que le mariage doit être entre un homme et une femme—et ils l'ont tous dit—des mots qu'ils ont prononcés au sujet de certaines choses qui sont clairement, en termes bibliques, dans tout ce que nous faisons relativement à Dieu et au péché... Et nous sommes tous des pécheurs. Je ne me mets pas à part. Si nous disons que nous ne portons pas le péché, St-Jean a écrit que nous sommes des menteurs et que la vérité n'est pas en nous. Nous sommes donc des pécheurs, et nous acceptons cela. Mais nous ne parlons pas de respecter une personne en tant qu'individu—c'est là une donnée de départ—nous parlons d'une chose qui est une institution depuis le tout début de l'histoire humaine écrite.
Mes craintes, soit dit en passant, et que j'ai exprimées dans le journal de Woodstock, ont été confirmées. J'ai fait deux voyages en Europe pour étudier des pays où les gouvernements ont laissé les tribunaux les guider, les trois pays scandinaves et les deux pays, soit la Hollande et la Belgique, où le gouvernement a en fait redéfini le mariage. J'ai envoyé à tous les députés un rapport de cinq professeurs de sociologie hollandais qui ont rapporté une hausse marquée du nombre d'enfants nés hors mariage depuis l'adoption dans les trois pays scandinaves de lois sur les relations homosexuelles en 1987, 1989 et 1991.
Le coût du maintien du filet de sécurité sociale est terrifiant. Terrifiant. Lorsque nous n'avons pas la norme, si vous voulez, d'un père et d'une mère—et c'est toujours la norme—ils publient toutes ces statistiques et cela est toujours trompeur. Si vous dites que 40 p. 100 des mariages se soldent par un divorce, c'est simplement en l'espace d'un an. Si 1 000 personnes se sont mariées et que 400 et quelque ont divorcé, cela ne correspond qu'à une année. Il nous faut suivre les statistiques en matière de divorce sur 50 ou 60 ans. C'est comme ce que disait Mark Twain au sujet du fait que les statistiques étaient des mensonges.
¹ (1555)
Mais il vous faut examiner les choses de la bonne façon. Oui, il y a des problèmes avec le mariage. Oui, nous tenons à y faire quelque chose, de façon positive, dans notre pays, et là-dessus je peux parler au nom des églises. Je pense en effet pouvoir parler au nom des églises.
J'ai également été l'hôte d'un événement marquant 2 000 ans de christianisme. Cela a eu lieu à Nathan Phillips Square et le cardinal catholique y participait, ainsi que les archevêques et les évêques de plusieurs églises. À la fin de l'événement, j'ai demandé à l'organisateur, « Pourquoi donc m'avez-vous choisi pour présider cet événement? » Et le président du comité a répondu : « C'est facile. C'est vous, du fait que tout ce que vous avez fait à la télévision au fil des ans nous représentait tous ».
Le président: Une minute, monsieur.
M. David Mainse: Très bien. Il me faut accélérer.
J'ai ici un document qui cite un imam et un rabbin juif. Je vais vous lire ce que le Dr Mohan Ragbeer, médecin et professeur à la Faculté de santé de l'Université McMaster, a dit au sujet de sa religion hindoue. Il a écrit, « De par sa nature même, ce sacrement ne peut être qu'une union hétérosexuelle ».
Le Dr Ragbeer est un exemple de la détresse extrême que suscite chez de nombreux immigrants le projet de loi C-38, et je tiens à dire que les immigrants souffrent terriblement. J'ai entendu parler de la douleur d'un si grand nombre d'entre eux. Ils y voient la trahison de ce qu'ils croyaient être le Canada lorsqu'ils sont arrivés ici.
Je vous demande donc, à vous les députés, si des millions de Canadiens ne méritent pas le droit à un mot qui signifie un homme et une femme unis ensemble? Ce Parlement va-t-il nous voler le seul mot que nous ayons qui décrive l'union entre un homme et une femme? Nous n'avons pas d'autre mot. N'avons-nous pas des droits nous aussi?
Je vous demande, je vous supplie, de ne pas adopter le projet de loi C-38.
Merci.
Le président: Merci.
Nous allons maintenant faire le premier tour de questions. Nous allons commencer avec le Parti conservateur.
Monsieur Moore, vous disposez de sept minutes, monsieur.
M. Rob Moore (Fundy Royal, PCC): Merci, monsieur le président.
Et merci à tous les témoins d'être venus ici aujourd'hui.
Monsieur Hartt, vous avez mentionné deux choses qui m'ont vraiment touché, car je suis certainement d'accord avec vous sur deux des choses que vous avez dites. Tout d'abord, cette question a semé la division, et peut-être que l'approche prise par le gouvernement pour changer ce que signifie le mot « mariage » a été l'approche la plus fractionnelle possible face à cette question.
L'autre chose que vous avez dite est qu'en dépit de cela, en tant qu'élus nous sommes parfois obligés de faire des choix difficiles, mais c'était sans doute ici la façon la plus fractionnelle de procéder compte tenu du fait que les deux tiers des Canadiens ne sont pas en faveur d'un changement au sens donné au terme « mariage », convaincus qu'ils sont que cela a une solide base historique, et nous croyons que cela pourrait avoir une incidence sur différentes libertés—liberté d'expression et liberté de religion.
En dépit de tout cela, du fait que ce soit si fractionnel, vous dites qu'il n'est pas nécessaire de modifier cette définition du mariage, et je suis d'accord avec vous. La Cour suprême a refusé de répondre à cette question. Il n'en a jamais été appelé de cette décision devant la Cour suprême, ce à quoi l'on aurait pu s'attendre avec une décision de cour d'appel voulant que le gouvernement lutte de notre côté, prétendant faire de son mieux pour maintenir la loi canadienne, puis il perd et baisse complètement les bras et commence ensuite à se battre de l'autre côté contre ceux qui s'efforcent de maintenir la définition du mariage.
J'aimerais donc entendre vos réactions à ce qu'a dit la Cour suprême en réponse à la quatrième question, celle de savoir si la définition traditionnelle de mariage est anticonstitutionnelle.
Vous avez également mentionné que ce changement n'est pas nécessaire et c'est peut-être ici, monsieur Benson, que vous pourriez nous éclairer. Qu'ont fait d'autres gouvernements pour traiter de questions d'égalité? D'après ce que j'ai compris, nous nous trouvons ici en gros en terrain vierge. Quelques gouvernement au monde ont choisi cette voie, et tout le monde semble en traiter différemment, alors je vous invite tous les deux à vous prononcer sur cet aspect-là.
º (1600)
M. Stanley Hartt: Merci beaucoup.
C'est intéressant. Je pense fondamentalement que ce débat est inutilement fractionnel, que ce choix difficile n'était pas nécessaire, mais les faits ont été étalés de façon à placer la cour dans une situation où elle devait décider—la Cour suprême, dans l'affaire du renvoi—ou de faire preuve de déférence à l'égard du gouvernement et de sa politique ou de prendre sur elle la responsabilité de traiter après coup avec un certain nombre de personnes qui, comptant sur les jugements finaux intervenus dans différents territoires et provinces, s'étaient prévalu du droit de se marier.
En d'autres termes, si quelqu'un avait tout de suite commencé par chercher la bonne réponse ici, au lieu d'étayer des faits en décidant de ne pas faire appel, en décidant du renvoi à la cour avec la question 4, qui renferme une question piège... Si vous êtes juge à la Cour suprême, vous tenez beaucoup à faire montre de déférence pour le Parlement. Vous avez entendu à répétition que les tribunaux ne devraient pas faire la loi; que les tribunaux devraient laisser les parlementaires faire la loi; que les tribunaux devraient interpréter la loi. Le gouvernement a fait un énoncé de politique, a expédié un projet de loi en tant que renvoi et la seule façon dont la cour aurait pu répondre à la question 4 aurait été de commencer à postuler des faits hypothétiques.
Par exemple, elle aurait pu dire, « Oui, la réponse à la question 4 pourrait être 'oui', mais seulement s'il existe dans chaque province un régime d'union civile reflétant le régime qu'a la province pour ce qu'a le mariage, sans exception », car dès lors qu'il y a ne serait-ce qu'une exception, il n'y a plus égalité. Elle aurait pu bâtir une maison hypothétique du genre. Mais voici qu'elle était aux prises avec des jugements finaux, avec une question qui exigeait d'elle qu'elle aille au-delà d'une simple manifestation de déférence, pour commencer à inventer des lois sur lesquelles personne ne l'avait invitée à se prononcer. Alors il me semble que la question n'a jamais été posée franchement et directement dans un contexte légal.
Quant à l'opinion populaire, vous avez raison de dire que les deux tiers des Canadiens s'opposent à ce que le Canada se propose aujourd'hui de faire. Mais c'est très intéressant—le sondage auquel je me reporte est un sondage COMPAS, et Maclean's m'a obligé à le lui fournir avant que de publier mon essai—que ceux qui s'opposent au changement de la définition de mariage se retournent et forment une vaste majorité lorsque vous parlez d'un régime d'union civile. Dès que vous parlez « union civile » et réservez le terme pour ceux pour qui cela signifie quelque chose de fondamental, sur la base de leur mode de vie, de leurs valeurs héritées, de leurs traditions et, comme je le dis, de leur système de croyances, bien souvent, alors les gens ne disent pas qu'ils ne veulent toujours pas que les gais et les lesbiennes aient un accès aux droits conférés par la Charte. En conséquence, face à toute cette bonne volonté de la population canadienne, il me semble que ce que devrait faire le Parlement c'est dire, « Merci de cette bonne volonté, nous allons agir conformément à ce que vous nous recommandez ».
M. Rob Moore: Merci, monsieur Hartt.
Monsieur Benson, si vous le pouviez, je vous inviterai à vous prononcer là-dessus, soit la réalisation de ce que disent certaines personnes s'agissant de cette égalité de droits, d'avantages, d'obligations, etc. Convenez-vous qu'il y a une autre façon de faire cela sans modifier la définition du mariage? Qu'ont fait d'autres gouvernements?
M. Iain Benson: Cela ne figure pas dans mon mémoire. Il ne s'agit pas là de l'une des questions sur lesquelles j'ai choisi de me prononcer, mais c'est un fait bien connu que différents gouvernements ont adopté différentes approches. La Nouvelle-Zélande, par exemple, ne suit pas l'approche proposée ici. Ce n'est pas le cas non plus de la Scandinavie, ni de la France, ni, clairement, des États-Unis—qui vivent une effervescence massive et typiquement américaine en vue de trancher la question État par État.
Il y a de nombreuses façons d'aborder la chose, mais j'aimerais suggérer qu'un pays devrait l'aborder sur la base de sa maturité intellectuelle et historique, et je ne pense pas que le Canada l'aborde d'une façon très mûre.
Pourquoi dis-je cela? En gros, pour répondre directement à votre question, le mariage, le mariage homme-femme, fait tant partie de notre colle civique que nous ne le voyons même plus. Cela est partagé par toutes les communautés ethniques, toutes les grandes religions, dans toutes les communautés du pays. D'aucuns disent que l'inclusion des relations de personnes de même sexe est un simple ajout. Eh bien, ce n'est pas un ajout, car cela ne fait pas partie de cette colle civique. C'est un solvant civique. Cela vient dissoudre cette conception virtuelle, partagée, de ce qu'est le mariage. Chose ironique, une tyrannie de la minorité repousse jusque dans la frange l'opinion majoritaire dans quantité de domaines. Et la plus récente nouveauté, rapportée dans l'Ottawa Citizen du 12 juin, concerne la contestation du statut d'organisme de bienfaisance pour les organisations religieuses qu'avaient prévue de nombreuses personnes. Est-ce là ce que nous voulons pour le Canada, une situation dans laquelle chaque organisme de bienfaisance aura à craindre pour son existence même? Je ne pense pas que cela soit juste ou équitable.
º (1605)
M. Rob Moore: Merci.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Moore.
C'est au tour du Bloc québécois. Monsieur Marceau, vous disposez de sept minutes.
M. Richard Marceau (Charlesbourg—Haute-Saint-Charles, BQ): Je vous remercie beaucoup, monsieur le président. Merci beaucoup aux témoins d'être venus nous donner leurs points de vue fort intéressants. J'ai quelques commentaires à faire et quelques questions à poser.
Voici mon premier commentaire. J'ai l'impression, et je l'ai dit à d'autres organisations qui vous ont précédés ici, que les groupes religieux qui viennent nous voir se sentent attaqués, persécutés pratiquement par la société en général. Pour eux, ces attaques sont attribuables à une certaine mesquinerie ou à une certaine intolérance de la société dans son ensemble.
Dans une démocratie, lorsqu'il y a un débat d'idées sur la place de la religion ou des religions dans la société, il y a des gens qui n'ont pas nécessairement le même point de vue que vous. Tout à l'heure, M. Mainse faisait allusion au débat qu'il a eu avec Svend Robinson. Je ne vous sens pas persécutés, je vous sens bien actifs dans un débat d'idées et je ne vous crois pas désavantagés. Vous avez des porte-parole crédibles, éloquents, qui se présentent bien, et vous avez des organisations sur le terrain. Lorsque vous participez à un débat d'idées, il y a nécessairement des attaques: vous allez en faire et vous allez en recevoir. Cela fait partie du débat démocratique.
Le deuxième point sera une affirmation et une question en même temps. M. Hartt a mentionné que l'union civile n'était pas de compétence fédérale. Au paragraphe 33 de sa décision, la Cour suprême du Canada dit bien:
L'union civile ne constitue pas tout à fait un mariage et est donc régie par la province. |
Pour nous, la question est de savoir si nous faisons en sorte que les conjoints de même sexe aient accès à une institution qui est régie par le Parlement fédéral ou non. On a beau être créatifs, il n'y a pas d'autres solutions qui relèvent de la compétence du Parlement fédéral.
Mettons cela de côté et admettons que cela soit possible. Les cours ont dit clairement qu'il y avait un problème de compétence, mais supposons que ce problème n'existe pas pour que nous ayons, vous et moi, le plaisir d'avoir une discussion respectueuse. Monsieur Hart, si l'union civile que vous évoquez a le même goût que le mariage, sent la même chose, ressemble comme deux gouttes d'eau au mariage, expliquez-moi pourquoi nous n'appellerions pas un chat un chat. Si c'est exactement la même chose, pourquoi n'utiliserait-on pas le terme?
Monsieur Hartt, je voudrais vous entendre, parce que j'ai de la difficulté à comprendre la raison de ce blocage précis.
M. Stanley Hartt: Pour moi, le blocage se situe au niveau de la paix sociale. Il s'agit d'un groupe majoritaire de la société qui s'oppose fortement à ce que le mot qui décrit leur relation soit adopté, manipulé, changé, amendé par le Parlement afin qu'il signifie autre chose qu'auparavant.
Étant donné qu'il est possible d'établir un régime d'union civile — avec difficulté, je l'admets —, je me demande pourquoi on ne le fait pas. Comme je l'ai dit dans mes remarques, pourquoi est-il nécessaire que ce soit au seul gouvernement fédéral d'apporter une solution à chaque problème constitutionnel?
º (1610)
M. Richard Marceau: Je vais devoir passer à une autre question, parce que j'en ai beaucoup.
C'est un peu particulier d'entendre que les droits d'une minorité ou les droits de quelqu'un doivent être en corrélation avec le nombre de personnes de ce groupe. Vous vous demandez pourquoi changer une définition alors que la majorité... Je ne suis pas sûr que ce soit les deux tiers de la population, surtout pas au Québec, mais je ne vois pas en quoi le nombre de personnes a un rôle à jouer dans la définition du terme.
Je vais passer à M. Mainse. Je m'excuse, mais on a très peu de temps. D'abord, il me fait plaisir de vous rencontrer. Il me semble que vous avez une conception assez statique du mariage. N'êtes-vous pas d'avis que le mariage est une institution qui a évolué?
Vous avez utilisé les termes suivants:
[Traduction]
c'est une institution depuis le tout début de l'histoire humaine.
[Français]
À mon avis, le mariage est une institution qui a changé, et je voudrais avoir votre commentaire là-dessus. Par exemple, dans votre livre sacré, la Bible, j'ai trouvé 27 citations dans lesquelles on dit que le mariage est l'union d'un homme et d'une ou plusieurs femmes. J'ai aussi trouvé sept citations où il est dit que rien n'empêche un homme de prendre des concubines en plus de la ou des femmes qu'il a déjà. Dans le domaine civil, celui qui nous intéresse, il y a 50 ans, entre autres au Québec, une femme qui se mariait perdait son statut juridique de personne majeure et devenait la responsabilité de son mari, comme elle était auparavant la responsabilité de son père. N'est-il pas dangereux d'avoir une conception statique du mariage, puisque le mariage signifiait quelque chose il y a 3000 ans, signifiait autre chose il y a 300 ans, signifiait encore autre chose il y a 50 ans, et pourrait très bien signifier autre chose maintenant ?
[Traduction]
M. David Mainse: En ce qui concerne la question des coutumes maritales, il faut remonter jusque dans l'antiquité. M. Paul Maier est professeur d'histoire ancienne à la Western Michigan University, il a fait un doctoral à Harvard sur les langues sémitiques, et ainsi de suite. Je l'ai invité à se prononcer précisément sur cette question, sur les différents modes d'union, si vous voulez. Il en a dressé toute une liste. Il a dit qu'il y a eu des pratiques homosexuelles marginales en Mésopotamie, en Égypte et dans les terres entre les deux, mais que celles-ci n'ont jamais été honorées du titre de « mariage ». Les pratiques ont varié—monogamie, polygamie, mariage matriarcal, mariage patriarcal, exogamie, endogamie, mariage par enlèvement, mariage par achat, mariage par contrat, et ainsi de suite—mais cela a toujours été l'affaire d'un homme et d'une femme.
Il y a par exemple Moïse qui a été le premier à faire une déclaration sur le mariage intéressant un homme et une femme. Jésus a dit de Moïse qu'il autorisait le divorce à cause de la dureté du coeur des gens. En d'autres termes, il y avait un idéal. Il y avait là un idéal, un idéal d'un homme et d'une femme, et à cause de la dureté du coeur des gens, cet idéal n'a pas été réalisé. L'idéal du mariage est parmi nous depuis toujours, dans toutes les langues et dans toutes les cultures, et pourquoi, par suite d'une étude très limitée...?
J'ai entendu parler d'un comité parlementaire chargé d'aller à Amsterdam pour étudier la prostitution légale avec pour ce faire une allocation de 200 000 $, mais il n'y a pas la moindre indication que quelqu'un du Parlement soit allé dans les pays d'Europe où ils ont endossé cela pour voir ce qui se passe, pour constater la déconstruction sociale qui s'y opère. L'on n'est donc pas en train de travailler de façon rationnelle. L'on travaille sur la base d'émotions et non pas sur la base de la raison. Il nous faut étudier la question.
J'ai une offre d'une université hollandaise pour qu'un étudiant de troisième cycle, si je peux trouver le bon candidat, aille faire son doctorat sur toute cette question des ramifications sociales du mariage homosexuel en Europe.
Pourquoi cette bousculade inconvenable? La question n'a pas été étudiée comme il se doit. Nous sommes en train de renverser la plus vieille institution humaine, qui était là avant les gouvernements, avant les lois. Nous la renversons sur un caprice, semble-t-il, et ce n'est tout simplement pas bien.
º (1615)
Le président: Merci.
Nous allons maintenant passer au Nouveau Parti démocratique. Monsieur Siksay, vous avez sept minutes.
M. Bill Siksay (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, monsieur le président.
Merci à tous les témoins pour leurs présentations de cet après-midi.
Je tiens à m'excuser auprès de M. Hartt d'être arrivé en retard et au beau milieu de son exposé. Je m'en excuse, monsieur.
Monsieur Mainse, Svend vous serait très reconnaissant. Je suis son successeur à Burnaby-Douglas. Je sais qu'il apprécierait beaucoup l'hommage que vous lui avez rendu cet après-midi et le fait qu'il semble toujours exercer une certaine influence sur nos débats ici à la Chambre, compte tenu de vos commentaires. Je suis certain que cela lui procurera beaucoup de joie de savoir que vous gardez un bon souvenir de lui, d'après ce que vous dites, et qu'il continue d'exercer une influence à distance.
Il me faut cependant corriger une chose que vous avez dite au sujet de Svend. Vous avez dit qu'il avait déposé un projet de loi d'initiative parlementaire visant à rayer la mention de Dieu de la Constitution, mais ce n'est pas vrai, malheureusement. Tout ce que Svend a fait à l'époque c'était déposer à la Chambre des communes une pétition signée par des électeurs, et en fait par des gens de partout au Canada, demandant que le Parlement se penche sur cette possibilité.
M. David Mainse: Et c'est pourquoi son parti l'avait relégué à l'arrière-banc.
M. Bill Siksay: Oui, apparemment, et ce n'est pas une chose à laquelle j'aurais été favorable à l'époque—et je n'étais pas d'accord à ce moment-là—mais c'est tout ce que Svend a fait. Les députés font cela tous les jours à la Chambre; nous déposons souvent des pétitions que nous n'appuyons pas personnellement mais c'est là notre travail en tant que députés. En ce qui me concerne, j'envisage avec plaisir le jour où je déposerai une pétition que je n'appuierai pas forcément moi-même. Je n'a pas encore eu à le faire, mais mon tour viendra, car c'est une chose que nous faisons pour nos électeurs. C'est leur droit de voir leurs opinions exposées devant le Parlement.
C'est ce que Svend faisait dans le cas que vous avez évoqué. Je pense que dire que c'était quelque initiative personnelle est une fausse représentation de ce qu'il faisait véritablement. Je tiens à ce que les gens comprennent qu'il faisait simplement ce jour-là à la Chambre son travail de député, en dépit de la controverse qui est venue plus tard.
Monsieur Mainse, j'aimerais vous demander ceci. Je sais que dans le cadre de votre ministère et de Crossroads Christian Communications vous vous êtes occupé de nombreux dossiers sociaux au Canada. Avez-vous jamais eu des raisons de croire que votre capacité de faire ce travail était menacée par les actes du gouvernement fédéral, des tribunaux? Existe-t-il un exemple de situation du genre? Avez-vous, au cours de vos nombreuses années de travail dans votre ministère, constaté la moindre lacune s'agissant de la protection de la liberté religieuse au Canada dans le contexte fédéral?
M. David Mainse: Eh bien, pas particulièrement dans le contexte fédéral. Je me souviens du type qui a cité Moïse dans le journal de Saskatoon et qui s'était vu imposer une amende par la Commission des droits de la personne... l'imprimeur à Toronto qui a dit que sa conscience lui interdisait de publier certaines choses...
M. Bill Siksay: Non, je parle de ce qui relève de la compétence fédérale. Ces questions-là sont du ressort des provinces.
M. David Mainse: Le gouvernement fédéral ne s'était jusqu'ici pas mêlé de cette histoire, alors non, je n'en connais pas d'exemple.
M. Bill Siksay: Mais il y a eu de nombreuses autres questions, questions sociales, auxquelles le gouvernement fédéral s'est intéressé et sur lesquelles vous n'étiez sans doute pas d'accord, et que vous avez, je devine, contestées ouvertement par le passé. En tant que radiodiffuseur—
M. David Mainse: Non, pas vraiment.
M. Bill Siksay: ... vous traitez beaucoup avec les autorités fédérales en matière de communications. Vous n'avez pas été confronté à des problèmes sur le plan de...
M. David Mainse: Non.
J'ai cependant reçu une lettre une fois, du palier fédéral, me disant qu'il me faudrait éviter de faire état de certains passages de la Bible traitant d'activités homosexuelles, sans quoi je pourrais me trouver en difficulté. J'ai répondu en disant, écoutez, je quitterai les ondes avant de refuser de citer ce que dit la Bible. Je ne vais pas en faire un dada, mais je serai conséquent et y mettrai le même accent que celui donné dans la Bible elle-même.
M. Bill Siksay: De quel ministère vous est venu cette lettre?
M. David Mainse: Je préférerais ne pas le dire.
M. Bill Siksay: Était-ce un ministère du gouvernement fédéral?
M. David Mainse: Oui, cela faisait partie de la scène fédérale.
M. Bill Siksay: Mais aucune enquête n'a été lancée? Vous n'avez pas été obligé de changer de pratique ou autre?
º (1620)
M. David Mainse: Non. En fait, c'était une mise en garde, comme cette histoire qui est sortie du cabinet du premier ministre disant au ministre à Peggys Cove de ne pas utiliser le nom de Jésus. Pouvez-vous vous imaginer pareille chose dans une quelconque autre religion—l'interdiction d'utiliser le nom de Jésus dans leur prière ou autre lors du service commémoratif pour les victimes du désastre de la Swiss Air?
M. Bill Siksay: Oui, je comprends votre préoccupation à cet égard.
M. David Mainse: Cela est sorti dans tous les journaux, et j'estime que ce genre de chose est tout à fait inacceptable.
M. Bill Siksay: Mais, encore une fois, vous n'avez aucune expérience personnelle, pas plus que votre organisation n'a d'expérience directe de conflit avec le gouvernement fédéral ou les tribunaux...
M. David Mainse: Pierre Trudeau a participé en tant qu'invité à l'émission 100 Huntley Street.
M. Bill Siksay: Et il vous a donné une bonne citation, si j'ai bien compris.
M. David Mainse: En effet, et cela a été le cas de plusieurs participants aussi, c'est vrai.
Mais ceci est nouveau. Cette question-ci est nouvelle, et c'est pourquoi il nous a fallu prendre position. Je n'ai jamais pris position que sur la seule question du mariage. Le mot « mariage » est sacré. C'est un sacrement.
M. Bill Siksay: Pensez-vous qu'il y ait une place au Canada pour le mariage civil? Ce n'est pas tout le monde...
M. David Mainse: Absolument.
M. Bill Siksay: ... qui a une compréhension sacrementale ou religieuse du mariage.
M. David Mainse: C'est vrai. Les gouvernements ne se sont même jamais préoccupés du mariage jusqu'à il y a quelques centaines d'années, et c'est le cas un petit peu partout dans le monde. Dans certains pays, l'État n'intervient toujours pas de quelque façon que ce soit dans le mariage.
M. Bill Siksay: Mais ici au Canada, nous avons le mariage civil.
M. David Mainse: C'est une chose récente. Toute l'intervention du gouvernement dans le mariage est une chose récente.
M. Bill Siksay: Et est-ce une chose au sujet de laquelle le gouvernement devrait intervenir, à votre...?
M. David Mainse: Eh bien, je commence à penser que peut-être pas. J'ai entendu d'excellentes présentations ici. Je sais que si le projet de loi C-38 est adopté mon intention est d'écrire sur mon certificat m'autorisant à célébrer le mariage « annulé ». J'enverrai cela au gouvernement de l'Ontario—c'est l'Ontario—mais le porte-étendard, le principal enseignant dans tout cela, c'est le gouvernement fédéral, ainsi que les juges qui ont été nommés au cours d'appel par le bureau du premier ministre. Je leur enverrai cela à tous et je célébrerai un mariage chrétien si quelqu'un m'en fait la demande, mais il leur faudra se rendre à la mairie s'ils veulent le faire inscrire.
M. Bill Siksay: Êtes-vous en faveur de la possibilité pour tous les couples qui ont un mariage civil d'être mariés? Satisfont-ils vos normes actuelles?
M. David Mainse: Le mot « marié » est un mot sacré qui ne vise que les unions entre un homme et une femme, et c'est là que je tire le trait. Voilà quelle est ma position.
M. Bill Siksay: Monsieur Hartt, vous avez mentionné le mot « mariage » dans la définition et l'interprétation du mot « mariage ». Pensez-vous que les couples de gais et de lesbiennes qui ont cherché à obtenir le droit d'être mariés au Canada ont une interprétation différente de l'institution du mariage ou des responsabilités, engagements et valeurs du mariage comparativement aux autres gens?
M. Stanley Hartt: Non, je pense en vérité que ce débat doit son origine au fait que, dans leur esprit, ce n'est qu'une question de mots. Comme vous le savez, par le biais de décisions judiciaires, de décisions de tribunal des droits de la personne et d'autres mesures prises au fil des ans, les couples homosexuels en sont arrivés à bénéficier non pas de toutes les conséquences du mariage mais bien d'une très large proportion d'entre elles, et je pense que ce qui vous amène à vous réunir tous ici et ce qui amène le reste de vos collègues au Parlement à envisager de changer la définition traditionnelle par voie de texte de loi est le fait que pour eux le mot est important.
Je reconnais cela. Ce que j'essaie de vous dire c'est que pour les autres aussi le mot est important, et c'est ce qui nous ramène à ce que disait M. Marceau.
Ce n'est pas parce que vous comptez des nez lorsque vous décidez de la façon dont les droits civils sont déterminés par les cours, surtout en vertu de la Charte, mais j'arguerais que vous faites cela lorsque ce n'est pas nécessaire.
Je ne pense pas que ce soit nécessaire. Vous pourriez accorder aux couples homosexuels tous les droits d'adopter des enfants, d'obtenir la dissolution de leur union, de chercher à obtenir un soutien élémentaire, de chercher à obtenir la garde, d'hériter, même lorsqu'il n'y a pas de testament, d'être la personne qui donne le contentement ou qui refuse le consentement pour soins médicaux lorsque l'intéressé n'est pas en mesure d'agir. Tous les droits, sans exception, qui découlent de l'état matrimonial pourraient leur être conférés sans ce mot, et l'on aurait ainsi une paix sociale, alors que vous êtes en train de créer des divisions au sein de la société—et tout cela inutilement, et c'est là tout l'objet de mon propos.
Je sais que si cela sent le canard, marche comme un canard, fait coin-coin comme un canard, ou autre... C'est un vieil argument. Mais lorsque j'étais petit, on répondait aux gens qui disaient des choses du genre, « Si ma grand-mère avait des roues, elle serait un bus ». En d'autres termes, ce concept de mariage homosexuel est un oxymoron terminologique, et cela compte pour un nombre énorme de gens dans ce pays.
M. Bill Siksay: Merci.
Le président: Merci, monsieur Siksay.
Nous passons maintenant du côté des Libéraux, avec M. Macklin, le secrétaire parlementaire.
L'hon. Paul Harold Macklin (Northumberland—Quinte West, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins d'être des nôtres aujourd'hui.
J'aimerais revenir un petit peu sur ce qu'a soulevé M.Siksay à un moment donné—c'est-à-dire le concept de mariage civil—car, inutile de dire que nous sommes confrontés à une tâche très difficile et nous entendons beaucoup parler de personnes ou de groupes qui estiment qu'un terme leur appartient et n'appartient pas à l'État.
Permettez que je me reporte à la décision de la Cour suprême, paragraphe 22, où elle parle de l'histoire du mariage dans la common law et renvoie à l'affaire classique Hyde c. Hyde comme étant la base de notre mariage civil en common law.
Voici ce qu'elle y dit :
L'arrêt Hyde s'adresse à une société aux valeurs sociales communes dans laquelle le mariage et la religion étaient perçus comme indissociables. Tel n'est plus le cas. La société canadienne est une société pluraliste. Du point de vue de l'État, le mariage est une institution civile. Le raisonnement fondé sur l'existence de « concepts figés » va à l'encontre de l'un des principes les plus fondamentaux d'interprétation de la Constitution canadienne : notre Constitution est un arbre vivant qui, grâce à une interprétation progressiste, s'adapte et répond aux réalités de la vie moderne. |
Cela étant, nous sommes confrontés au processus d'essayer d'établir une définition du mariage civil qui permette de satisfaire les désirs et espoirs d'une société pluraliste. Vous, par exemple, monsieur Mainse, comparaissez devant nous et dites, veuillez s'il vous plaît accepter notre définition religieuse du mariage telle que nous l'entendons et utilisez cela comme norme civile. Or, de l'autre côté, il y a l'Église unie du Canada qui comparaît devant nous et qui dit, nous aimerions, dans notre interprétation, élargir la définition du mariage afin qu'elle soit inclusive et englobe tous ceux, y compris les couples homosexuels, dont nous croyons qu'ils devraient avoir droit à cette institution.
Vous voyez, nous avons en conséquence énormément de difficulté à faire un tri, si nous allons devoir choisir dans une perspective religieuse le genre d'institution que serait ce mariage civil. Pourriez-vous nous aider à comprendre pourquoi nous devrions, par exemple, accepter votre définition plutôt que celle que nous offre pour acceptation l'Église unie?
º (1625)
M. Iain Benson: Votre question s'adresse-t-elle à l'un d'entre nous en particulier?
L'hon. Paul Harold Macklin: Peut-être à David Mainse, mais je vous invite tous à y répondre si vous le voulez.
M. David Mainse: D'après mon expérience, l'Église unie à Toronto a un groupe de titulaires de postes permanents qui s'auto-perpétuent et qui, par le biais des documents de gouvernance de l'Église, peuvent contourner la base. Je rencontre partout des ministres de l'Église unie qui sont absolument bouleversés. Je rencontre des membres de l'Église unie qui sont complètement bouleversés et qui disent que cela ne les représente pas. J'ai discuté ce matin avec un ancien de l'Église unie et qui en est absolument malade.
J'ai ici, avec la documentation que je vais distribuer, une lettre qui nous vient de l'Église unie qui est, je pense, la plus fréquentée dans les Maritimes, St. Paul's United Church, à Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et qui s'oppose farouchement à ce qui est proposé. Les énoncés officiels émanant de l'administration centrale de l'Église unie du Canada ne les représentent d'aucune façon ni sous aucune forme.
Comment déterminer cela? Les gens veulent être loyaux envers leur église, et il est important d'être loyal à son culte, mais cela n'empêche pas les gens de me dire partout : « Cette déclaration émanant de l'administration centrale de l'Église unie ne me représente pas ». Peut-être que c'est parce que les personnes avec lesquelles j'ai des contacts ont une perspective plus traditionnelle de la question.
L'hon. Paul Harold Macklin: Mais j'imagine que la question est la suivante : Pourquoi devrions-nous accepter votre définition plutôt que la leur? Est-ce simplement parce que vous dites qu'ils ne représentent pas leurs paroissiens?
M. David Mainse: Du point de vue de l'histoire, lorsque le mouvement protestant a été lancé, sola scriptura, ici je me tiens, et l'interprétation théologique moderne a balayé tout le poids des Écritures saintes. Les Protestants ont bien sûr également jeté par-dessus bord le poids de la tradition. Les fondements mêmes de notre foi ont donc été ébranlés par certains. Je ne pense pas que les congrégations rétrécissantes représentent l'église. Je pense qu'elles représentent un segment à l'intérieur de leur propre église, et c'est tout.
Pour ce qui est du post-modernisme, je suppose que « si cela fait du bien, alors il faut le faire ». J'ignore si vous avez lu l'article dans Ideals. Je vous recommande à tous d'obtenir copie de cet article écrit par l'ancien rédacteur d'une importante revue gaie. C'est très intéressant.
Je pense qu'il y a des normes que respectent la majorité des croyants de toutes les religions. Les grandes sociétés athées de la planète n'ont jamais joué avec le mariage. Mais voici que nous sommes ici en train de courir sur cette voie et de voler à des millions d'entre nous le terme que nous avons pour décrire la relation la plus importante dans nos vies : un homme, une femme.
º (1630)
Le président: Monsieur Benson.
M. Iain Benson: Je vais tenter de rattacher votre question à une remarque qu'a faite Bill Siksay.
Sur quoi porte tout le débat sur le mariage? Sur la question de la reconnaissance sociale. Cela revient à dire « reconnaissez-moi ». J'ai dit dans mes remarques tout à l'heure que, pour la toute première fois, ce « reconnaissez-moi » dans la revendication du mariage gai s'est vu greffer une revendication primaire de reconnaissance de comportement sexuel. Il est très important de reconnaître que cela se trouve enfoui dans la revendication du mariage et que c'est là le paratonnerre du débat tout entier.
Cela se trouve aujourd'hui entremêlé, d'après la cour, avec l'essence même de la dignité humaine. En d'autres termes, si vous ne respectez pas ma revendication du mariage homosexuel, alors vous rejetez ma dignité en tant que personne. Avez-vous compris? La revendication devant la cour est qu'il vous faut accepter mon comportement homosexuel pour accepter ma dignité. C'est faux. Pourquoi est-ce faux? Une autre personne peut-elle dire qu'il vous faut accepter mes croyances religieuses afin que j'aie la dignité de citoyen? Non. Nous n'accepterions pas cette revendication car nous reconnaissons qu'il y a une distinction entre certaines croyances et la dignité humaine. Le refus d'une croyance n'est pas le refus de la dignité.
L'essence même de la revendication maritale homosexuelle est fondamentalement erronée. Elle mêle le comportement aux croyances et à la dignité. Il vous faut voir à travers cette erreur pour comprendre comme il se doit à quel point cela est fondamentalement menaçant à l'égard des communautés religieuses. C'est menaçant pour elles car on leur dit que la nouvelle norme constitutionnelle va dorénavant être sexo-comportemento-spécifique.
Pour en revenir à l'origine de votre question, les affaires Hyde c. Hyde et Woodmansee s'appuyaient sur la reconnaissance en common law depuis des temps immémoriaux. Le mariage a été reconnu dans toute la chrétienté comme étant une reconnaissance par la loi et non pas une création de la loi.
Dans mon mémoire, vous verrez, lorsque vous finirez par en avoir la traduction en français, que j'ai tenté d'établir deux énormes différences entre la reconnaissance d'une chose qui émerge de la nature, avant l'État et avant le droit, et l'utilisation de la loi pour renvoyer à la culture une définition changée.
La raison pour laquelle les groupes religieux savent que ceci est une menace pour eux est qu'ils n'acceptent pas le comportement qui est au coeur du mariage. Et c'est précisément cela que veut publiquement réifier la communauté homosexuelle. Il y a une revendication fondamentale qui veut que l'on accepte le comportement sexuel à l'intérieur du mariage homosexuel, et cela offense profondément énormément de gens.
L'erreur n'est pas dans les chiffres. Elle n'est pas dans l'aspect majoritaire de la question. C'est tout simplement qu'un groupe de personnes tente d'imposer ses croyances aux autres. Si vous substituez le terme « croyance religieuse » à mariage gai, et refaites le même débat dans votre tête, je vous soumets que vous vous retrouverez ailleurs.
Le président: Nous allons maintenant revenir au Parti conservateur. Nous entamons les tours de cinq minutes.
Monsieur Jean, s'il vous plaît.
M. Brian Jean (Fort McMurray—Athabasca, PCC): Merci, monsieur le président.
Merci à nos invités.
Je pense qu'il est clair, en tout cas pour moi, qu'il peut y avoir des droits identiques en vertu de la Charte avec l'utilisation de deux termes différents.
J'aimerais poursuivre un petit peu la conversation. Certains des témoins qui ont comparu devant nous ont employé des expressions du genre « droits symboliques » et « légitimisation ».
Monsieur Benson, j'aimerais entendre vos commentaires là-dessus. Si j'ai bien compris ces témoins, ce qu'ils disent c'est que bien qu'ils puissent avoir des droits identiques en vertu de la Charte ou des droits identiques découlant de ces deux mots, en gros, ils ne peuvent pas jouir des mêmes droits symboliques que ceux qui reviennent à l'heure actuelle aux couples mariés.
J'aimerais entendre vos réactions à cela, monsieur Benson, ainsi que ceux de M. Hartt, si cela est possible.
M. Iain Benson: Absolument. Lorsque ce que je revendique c'est une chose que je pense de moi-même et que je veux voir avancée socialement par d'autres aussi, en d'autres termes, lorsqu'il me faut être reconnu par vous d'une certaine façon, alors je suis en train de vous soumettre une revendication très agressive.
Normalement, dans la société civile, nous prévoirons un certain cordon sanitaire au sujet de la question de ce qu'il vous faut affirmer à mon sujet. Cela s'appelle la liberté de ne pas être d'accord.
Dans la société civile, nous laissons les gens être en désaccord sur différentes choses, toujours dans le respect. C'est là la clé. Ce qui se passe dans ce cas-ci, c'est que la revendication s'étend au-delà du respect, pour aller jusqu'à l'affirmation. Nous ne voulons pas simplement l'acceptation, nous voulons un accueil chaleureux. L'on voit souvent cela dans la littérature.
Il s'agit d'un sérieux problème. Il arrive bien habillé et bien emballé, mais lorsque vous le faites passer par la matrice de toutes les revendications légales enchevêtrées qui se trouvent à l'intérieur d'une société civile, alors cela crée d'immenses problèmes. Je vous soumets que dans le contexte d'une théorie de compréhension, cela ne peut pas fonctionner dans une société libre et démocratique. Une partie du problème concerne la distinction de ce qui devrait être privé, et le comportement sexuel a toujours été considéré comme étant privé. Et maintenant cette revendication privée est devenue une revendication publique.
Une conférencière dans la série Massey Lectures de 1994, dans un livre publié ensuite sous le titre Democracy on Trial, réserve tout un chapitre intitulé « Public and Private » qui traite magnifiquement du problème des revendications en matière de mariage gai dans le contexte et du public et du privé.
º (1635)
M. Brian Jean: Merci.
M. Stanley Hartt: Vous m'avez demandé d'intervenir là-dessus également. Cela ne vous aura pas échappé que je suis le seul témoin aujourd'hui qui n'appuie pas ses arguments sur des principes religieux. Pour moi, c'est une question de droit.
Je suis offensé par le préambule et ses affirmations, sur la base des faits établis. Je crois néanmoins que les gens ont droit au respect de leurs croyances religieuses. Cela m'a toujours frappé que des politiciens participent à des séances photo, la Bible familiale sous le bras au sortir de l'église, serrant la main du ministre en espérant se faire prendre en photo, car cela montre que vous êtes une bonne personne. Mais nous ne voulons pas et nous ne nous attendons pas à ce qu'ils croient vraiment tout cela.
À mon avis, les personnes dont les opinions sont fondées sur des croyances religieuses fondamentales ont droit au respect non seulement de la part de la société, mais également de leur Parlement, et dans la mesure où il est inutile—c'est là tout le fondement de mon argumentation—d'adopter ce projet de loi, alors je pense que le Parlement devrait s'abstenir. La Cour suprême doit une certaine déférence au Parlement, mais le Parlement doit à son tour une certaine déférence à la société.
Une voix : Très juste.
M. Brian Jean: Auriez-vous quelque chose à ajouter, monsieur Benson?
M. Iain Benson: Je pense que ce dernier point est très juste en ce sens qu'il est très important que l'État reconnaisse ses propres compétences. Nous ne voulons pas que le droit et que la politique contrôlent tous les aspects de la vie humaine. L'un des problèmes que nous voyons en cette ère contemporaine est que les associations se font écraser. Plus vous gouvernez, moins vous vous autogouvernez. Il y a beaucoup de vérité là-dedans.
M. Brian Jean: Ma dernière question est en vérité quelque peu unique. Parlant de compétence, j'aimerais savoir si vous avez réfléchi, monsieur Benson, étant donné vos antécédents en droit, à l'utilisation par le gouvernement fédéral de la Loi sur le divorce en tant que mécanisme, en fait, pour contrôler le mariage?
M. Iain Benson: Pourriez-vous expliquer comment cela fonctionnerait?
M. Brian Jean: La Loi sur le divorce relève clairement du fédéral. L'on ne supposerait pas au préalable que les gens se marient pour pouvoir divorcer, mais cela semble être une réalité aujourd'hui. Par le biais de la Loi sur le divorce, le gouvernement fédéral pourrait établir dans la loi qui peut en fait divorcer, ce qui est en quelque sorte une approche détournée. Mais je me demande si cela ne pourrait pas être utilisé pour encourager la Cour suprême à accorder au gouvernement fédéral juridiction en la matière en vertu de la Constitution.
M. Iain Benson: Le problème que cela soulève immédiatement pour moi, sur le plan légal, est que les revendications sont des revendications d'accès, car elles concernent la reconnaissance, alors ces revendications ne seraient pas réglées, et toute la question de la reconnaissance sociale resterait en plan dans ce que vous proposez.
Il y a un poème de G.K Chesterton qui dit « ceux qui ne sont pas mariés exigent d'être divorcés ». Vous trouverez peut-être cela pertinent dans votre réflexion.
M. Brian Jean: Merci, monsieur.
[Français]
Le président: Merci.
Nous passons maintenant au Bloc québécois. Monsieur Marceau, vous disposez de cinq minutes.
M. Richard Marceau: Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Je m'excuse, monsieur Marceau, mais je dois aller du côté libéral. Ce sera bientôt à vous.
º (1640)
M. Richard Marceau: Dans un esprit de fraternité universelle, cela me fait plaisir de partager.
Le président: Oui, mais il faut qu'il y ait un suivi après la journée d'aujourd'hui, voyez-vous? Je m'excuse.
M. Richard Marceau: Il n'y a pas de problème, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Je m'excuse. Nous retournons du côté des Libéraux.
Monsieur Savage, allez-y, je vous prie. Vous avez cinq minutes.
M. Michael Savage (Dartmouth—Cole Harbour, Lib.): Merci, monsieur le président. Et, monsieur Marceau, merci de votre collaboration. Je suis certain que cela se poursuivra jusqu'aux votes de ce soir. Nous envisageons cela avec plaisir.
Des voix : Oh! Oh!
M. Michael Savage: Ma question est pour M. Mainse.
L'un des grands privilèges que nous avons en siégeant à ce comité est celui de rencontrer des personnes qui sont des dirigeants de groupes confessionnels. C'est tout un plaisir. Je saisis toutes les occasions qui se présentent à moi de parler avec des personnes qui sont prêtes à parler de leur foi, et je suis très ouvert à cela.
Pendant que je me préparais à revenir à Ottawa dimanche soir, je mettais mes enfants au lit. Mon épouse s'en occupait un petit peu plus que moi. Quelqu'un a sonné à la porte : c'étaient des représentants de l'Église de Jésus-Christ des saints des derniers jours, et ils voulaient causer. La plupart des gens ne leur donnent pas beaucoup de leur temps, mais moi, ça me plaît. J'aime beaucoup échanger avec des personnes croyantes.
Nous avons accueilli au comité beaucoup de gens, des leaders et leurs groupes confessionnels, certains pour et certains contre. Vous avez mentionné l'Église unie, la Unitarian Church. Nous avons eu des rabbins. Nous avons eu des représentants de la religion sikhe et d'autres groupes confessionnels. Vous avez mentionné la division au sein de l'Église unie. Là où j'habite, l'Église unie est plus solidement en faveur de cette loi, mais certains fidèles s'y opposent. Un grand nombre de membres de mon groupe confessionnel, un grand nombre de catholiques, sont préoccupés par l'opposition catholique. En d'autres termes, un grand nombre de catholiques appuient le projet de loi C-38 et la position de leur église les inquiète. Mais nous vivons dans une société dans laquelle nous avons la possibilité de discuter de ces positions et d'en discuter civilement, tout comme je devine que vous- même et Svend avez pu le faire.
Ma question concerne un commentaire que vous avez fait au sujet de l'érosion accrue du mariage. Il me semble en effet que le mariage se soit peut-être érodé au fil du temps. Nous affichons, certes, des taux de divorce élevés. Il y a également des problèmes de maltraitance d'enfants, de violence conjugale, d'enfants abandonnés—et clairement, la plupart de ces problèmes concernent des couples hétérosexuels.
Lorsque vous voyez un groupe—les gais et les lesbiennes—qui lutte pour avoir la possibilité de se marier et de s'appeler marié, dans des relations aimantes et engagées, et nombre de ces personnes sont profondément spirituelles et fréquentent leur église et croient qu'elles devraient avoir le même droit de s'appeler marié que les hétérosexuels, pourquoi ne serait-ce pas une bonne chose?
M. David Mainse: C'est justement cela que je suis allé étudier par deux fois en Europe et j'y ai constaté que l'effondrement du respect du mariage, surtout de la part d'hommes hétérosexuels, est littéralement une épidémie.
Après l'annonce faite à la télévision par l'ancien premier ministre Jean Chrétien que le gouvernement était prêt à changer la définition du mot « mariage », j'ai tenu des groupes de discussion très non scientifiques dans des garages locaux. Avec la permission des propriétaires et des travailleurs, je rencontrais les gens pour en discuter avec eux lors de pause-café ou de pause-repas. Au début, les gens ont parlé de leur propre mariage et ainsi de suite. Ce sont des mécaniciens. Leur langue première n'est pas forcément l'anglais ou le français. Ce sont des gars qui travaillent dans le garage. Invariablement, l'un d'entre eux prenait la parole et disait plus ou moins « J'imagine que le mariage ne veut plus rien dire ». Ce sont des hommes qui travaillent fort pour maintenir leur mariage et ils y voient le dénigrement d'un engagement qu'ils ont pris à l'autel de leur église.
Les ramifications sociales de cela, en dehors de tout ce que peuvent dire les Écritures saintes, sont énormes—absolument énormes. Je prédis que d'ici 20 à 30 ans nous aurons quelque chose d'horrible. Comme l'a dit le prophète de l'Ancien testament, « Lorsqu'on sème le vent, on récolte la tempête ».
Il n'y a eu aucune étude. Le comité s'est, comme je l'ai dit, fait couper l'herbe sous le pied. Aucune étude, ou presque pas; on n'a jamais entendu en la matière le rapport du comité parlementaire. Je veux dire, à quoi cela va-t-il mener? Pourquoi cette bousculade effrénée? Cela va-t-il nuire aux gens que l'on attende encore une année ou deux en attendant que quelqu'un étudie quelque chose?
M. Michael Savage: J'ai parlé de cette question à beaucoup de gens; je pense que c'est le cas de nous tous, et nous nous sommes efforcés d'être aussi ouverts que possible dans nos discussions avec les gens.
S'il est une chose que je n'ai jamais comprise, c'est ceci. La seule personne qui puisse dénigrer mon mariage c'est mon épouse ou moi-même. Personne d'autre. Et si des meurtriers, des violeurs et des gens qui maltraitent les enfants peuvent se marier et que cela n'a pas d'incidence sur mon mariage, alors pourquoi cela aurait-il une incidence sur mon mariage que deux personnes gaies ou lesbiennes, qui sont profondément engagées l'une envers l'autre, souhaitent elles aussi se marier? Je ne comprends pas cela, et peut-être que vous pourrez...
º (1645)
M. David Mainse: C'est la vision à long terme qui m'intéresse, et la vision à long terme est un manque de respect toujours croissant. Lorsque mes enfants étaient à l'école secondaire, le mot à la mode était « écoeurant ». Savez-vous quel terme ils utilisent maintenant pour signifier « écoeurant »? C'est « gai ». Voilà ce qu'ils disent dans les écoles secondaires, en tout cas là où j'habite—Toronto, Burlington, etc.
Il y a tout un groupe d'homosexuels qui pensent que c'est un pas de trop et que cela va amener un contrecoup, que personne ne veut voir, d'ici 20 à 30 ans. Nous ne voulons pas retourner en arrière.
Je ne me suis jamais opposé à une quelconque autre mesure. Je n'ai jamais pris la parole contre une quelconque autre mesure prise—réalisée par ce Parlement—pour reconnaître les droits légaux et ainsi de suite. C'est le mot « mariage » qui est le noeud du problème. C'est le manque de respect que cela amènera par la suite, et je le pense.
M. Michael Savage: J'apprécie votre opinion, mais je pense que le dénigrement du mariage est davantage dû à ce qu'ont fait des couples hétérosexuels qu'à ce qui pourrait être fait par des mariages homosexuels potentiels.
Merci, monsieur le président.
[Français]
Le président: Thank you.
Monsieur Marceau, bonne nouvelle: c'est vraiment votre tour. Vous disposez de cinq minutes.
M. Richard Marceau: Monsieur le président, vous voulez dire que c'est une bonne nouvelle pour les gens qui nous écoutent, n'est-ce pas?
Le président: Je m'adressais à vous, monsieur Marceau.
M. Richard Marceau: Merci, monsieur le président.
J'ai beaucoup hésité avant de poser la question que je m'apprête à poser, mais je crois que je n'ai pas le choix. M. Benson a dit tout à l'heure que les gens qui appuient C-38 seem to try to force their beliefs on others. C'est ce que j'ai noté.
M. Purvis et le Dr Mainse ont commencé leur présentation en demandant la tolérance pour les chrétiens. Dans une réponse à mon collègue Macklin, docteur Mainse, avec les superbes talents de communicateur qui sont les vôtres, vous avez ridiculisé de façon assez sévère les dirigeants d'une Église établie au Canada qui est la plus importante dénomination protestante de ce pays.
Mes convictions religieuses me permettent d'accepter et même d'embrasser l'idée du mariage de conjoints de même sexe. Celui que je considère comme mon conseiller spirituel, lorsque je me pose des questions spirituelles, est venu devant le Comité de la justice il y a deux ans pour appuyer le mariage des conjoints de même sexe.
J'ai l'impression que vous nous demandez de ne pas avoir des vues autres que les vôtres. Vous me demandez de m'imposer à moi-même, en tant qu'élu, votre conception du mariage. Je présume que c'est une des raisons essentielles pour lesquelles le gouvernement a décidé que le projet de loi n'aurait trait qu'au mariage civil. En quoi une distinction entre le mariage civil et le mariage religieux constitue-t-elle une imposition pour vous? Si on permet le divorce dans la société civile, en quoi impose-t-on quelque chose à l'Église catholique, qui ne permet pas le divorce? Si on permet le mariage entre un juif et un non-juif dans la société générale, en quoi impose-t-on quelque chose aux groupes religieux juifs qui n'acceptent pas le mariage exogame? Expliquez-moi en termes précis en quoi le fait qu'il y ait une distinction entre la conception de l'État du mariage et la vôtre, que je respecte mais que je ne veux pas qu'on impose à ma communauté religieuse, à ma famille et à mes amis, est pour vous une menace.
Monsieur Benson, répondez-moi d'abord, puis je demanderai au Dr Mainse de le faire.
M. Iain Benson: Vous avez posé une bonne question.
º (1650)
[Traduction]
Mais il vous faut comprendre la nature de la société laïque. La société laïque n'est pas une société coupée de la religion. Nous vivons tous dans cette société laïque. Nous vivons tous dans le monde civil.
Dans votre question, vous établissez en tant que supposition préalable une distinction, comme vous dites, entre votre conception et celle de l'État. Ce n'est pas cette interprétation de la nature de l'État qui est celle qui prévaut au Canada. Nous n'avons pas une séparation aussi marquée, aussi fondamentale entre différentes communautés de croyance et l'État. L'État est l'instrument qui nous gouverne tous par le biais de lois et de politiques. Il englobe des personnes religieuses ainsi que des croyants qui sont athées et agnostiques. Chaque citoyen est un croyant. La question est de savoir dans quoi.
Dans votre hypothèse préalable à la question, vous supposez que l'instrument du pouvoir est contrôlé par les croyants qui sont des athées et des agnostiques. Cela a été complètement rejeté par la Cour suprême du Canada dans sa décision de 2002 dans l'affaire Chamberlain c. la Surrey District School Board, dans laquelle elle conclut que le laïc doit englober les croyants religieux, sans quoi le laïc et les principes laïques sont dominés par l'athéisme et l'agnosticisme.
Voilà ce que je répondrais à votre question.
[Français]
M. Richard Marceau: Docteur Mainse.
[Traduction]
M. David Mainse: Dans le cas tout particulier de l'Église unie du Canada, je pensais devoir être une voix—aux côtés de cette seule lettre que je vais distribuer, et je pourrais en avoir beaucoup d'autres—pour les membres de l'Église unie du Canada qui ont le sentiment d'être privés de leurs droits de représentation lorsque l'administration centrale fait une déclaration donnée. Je ne suis pas en train de dénigrer l'Église unie du Canada, je dis simplement que je n'ai entendu personne prendre la parole au nom des milliers de membres de l'Église unie qui tiennent à ce que le mariage soit maintenu tel quel.
Ian, auriez-vous quelque chose à dire?
M. Ian Purvis: En fait, oui.
Je jouissais de mon anonymat, personne ne me posant de questions, puis mon nom a été cité dans votre question car j'ai en effet mentionné l'aspect tolérance.
J'apprécie une chose qui a été dite par M. Hartt. En fait, pour aller au coeur même de la question, j'ai soumis à plusieurs personnes que la solution face au problème d'égalité est un petit peu différente d'un simple jeu entourant le mot « mariage ».
Le mariage est un processus de réunion de parties. Le résultat est que deux personnes sont chacune le conjoint de l'autre. Si vous regardez toutes les lois que nous avons, tous les droits et privilèges liés au mariage découlent du fait que la personne devienne un conjoint.
Chose intéressante, même la loi habilitante qu'est le projet de loi C-38 passe par là, de façon douloureuse, et tente de modifier la définition du résultat. Le mot « conjugal » est changé, et le mot « personne » est changé, si vous parcourez les autres articles. Ma position a toujours été que si vous changez la définition du mot « conjoint », par exemple, comme partie de la solution, pour inclure les parties ayant vécu une cérémonie de mariage appelée mariage ou union civile, la question des droits disparaît alors, car ces personnes ont toutes les mêmes droits que les parties dont la relation est appelée mariage. En conséquence, ce n'est plus une question de droits, d'égalité; c'est une question d'ordre sémantique tournant autour du terme « mariage ».
Nous demandons donc que les gens soient tolérants quant au respect que nous avons pour le mot « mariage ». Nous sommes tolérants du fait qu'ils devraient jouir de ces droits dans le cadre de leurs relations. Ce que nous disons c'est que nous sommes prêts à leur accorder tous ces droits.
[Français]
M. Richard Marceau: Il n'y a jamais assez de temps.
[Traduction]
Le président: Thank you, Mr. Marceau.
Nous retournons maintenant aux Libéraux.
Monsieur St. Amand.
M. Lloyd St. Amand (Brant, Lib.): Merci, monsieur le président.
J'aimerais faire quelques commentaires, après quoi j'aurai une question.
En ce qui concerne votre exposé, monsieur Hartt, il a été pertinent et convaincant, jusqu'à un certain point.
Vous me corrigerez si j'ai tort, mais le juge McMurtry, dans la décision de la Cour d'appel de l'Ontario, a rejeté expressément la notion d'appeler une relation entre conjoints de même sexe une union civile en disant plus précisément que « séparé mais non pas égal » n'est pas au programme au Canada. Je vais vous demander si vous avez quelque chose à dire en réaction à cela mais cela, pour moi, en résumé, élimine pour nous l'option d'appeler une relation entre personnes du même sexe une union civile. Cela n'a pas été jugé acceptable par la Cour d'appel de l'Ontario.
J'ai de la difficulté avec l'exposé de M. Benson—encore une fois, tranquillement passionné autrement, et ainsi de suite. Mais compte tenu du nombre de couples homosexuels qui se sont mariés jusqu'ici, dans une collectivité de 115 000, seuls 11 couples homosexuels se sont mariés. Comment la présence de 11 couples homosexuels dans une collectivité de 115 000 peut de quelque façon diluer ou dénigrer les droits des couples hétérosexuels mariés m'échappe totalement, étant donné surtout que les couples hétérosexuels, exception faite de certaines congrégations, se sont réservés le droit exclusif de célébrer le sacrement du mariage. Si donc nous parlons sémantique, ce projet de loi parle de mariage civil, tandis que les églises traitent du mariage religieux, ce qui est tout à fait autre chose.
Cela étant dit, ma question pour vous tous est la suivante. Disons, aux fins de la discussion, que vous êtes les parents de x enfants—mettons que vous avez deux enfants, deux filles, dont l'une est lesbienne et l'autre hétérosexuelle. Elles sont toutes deux aimantes et bonnes et vous en êtes extrêmement fiers. Chacune vit dans une relation aimante, à long terme, formidable. Une fille est lesbienne pour des raisons génétiques, chromosomiques. L'autre fille est hétérosexuelle. En tant que Canadien tolérant et généreux, ce que vous êtes, dans quelle mesure vous sentiriez-vous à l'aise de dire à votre fille lesbienne de 21 ans, « Tu sais, tu as des droits dans ta relation, relativement à ta relation, mais tu ne jouiras jamais dans le cadre de ta relation du même statut que ta soeur hétérosexuelle; on te refusera le statut qui a été accordé, par exemple, à Karla Homolka et Paul Bernardo? » Dans quelle mesure seriez-vous à l'aise en tant que parent face à une telle distinction entre vos deux filles du simple fait de leur préférence sexuelle prédéterminée?
º (1655)
M. Stanley Hartt: J'ai un grand respect pour le juge McMurtry, mais je soulignerais deux choses. Premièrement, il n'avait pas devant lui pour examen un régime d'union civile conçu en fonction des exigences constitutionnelles. Il avait devant lui un vide. Il avait une phrase que quelqu'un lui avait lancée : si deux personnes cherchent à se marier et que la loi crée des obstacles au mariage, alors la loi n'est pas conforme à la Constitution. Lorsque le juge en chef McMurtry aura devant lui un jour futur un régime d'union civile bien conçu, je ne pense pas qu'il dira la même chose. Il ne pouvait pas en inventer un, et il n'y en avait aucun devant lui. Au mieux, sa remarque est un exemple extrême d'obiter dictum.
Deuxièmement, il n'est pas la Cour suprême. Au vu de la question 4, l'on comprend tout de suite pourquoi la cour n'y répondrait pas. Elle aurait été obligée, ce qui est tout mon propos, de dire, « Eh bien, les seuls mots « union civile » ne suffiront pas. Dites-moi, quelles sont les conditions de cette union civile? Comment cela fonctionnerait-il? Serait-ce la même chose dans toutes les provinces, ou bien le régime serait-il identique aux règles régissant le mariage dans chacune des provinces? » Lorsque vous aurez cela, alors vous pourrez répondre aux questions.
Quant à la situation d'un parent, je reviendrai à ce qu'a dit M. Benson. Vous avez déjà apposé des étiquettes sur mes deux filles dans votre situation hypothétique. L'une est lesbienne, et l'autre est hétérosexuelle. Le mariage est une étiquette. Vous voulez clairement enlever le contexte de l'étiquette « mariage ». Mais n'essayez pas d'enlever le contexte aux étiquettes « lesbienne » ou « hétérosexuelle ». Ce sont là des mots et ces mots ont un sens. Ce que je dirais à mes deux filles, me faisant l'écho de M. Benson, ce serait ceci : « Je vous aime et je suis heureux que vous ayez ces relations stables, aimantes, permanentes et exclusives. Elles sont tout simplement désignées par des termes différents, et cela ne devrait pas vous ennuyer ». Mais si la société et le Parlement leur dit que cela devrait les ennuyer, alors ce serait peut-être le cas. Je vous demande de faire en sorte que cela ne les ennuie pas.
» (1700)
M. Iain Benson: Il y a deux choses que j'aimerais dire en réponse à vos questions. Premièrement, l'idée que cela ne touche que quelques personnes et que cela ne touche pas la communauté dans son entier est, je pense, fausse, et il y a à cela plusieurs raisons. La revendication est juste—et vous avez raison de dire que c'est là la revendication, et que nous ne faisons qu'ajouter quelques gouttes d'eau dans un sceau d'huile. Ces gouttes d'eau resteront là et ne changeront rien du tout.
Mais la meilleure métaphore pour expliquer ce qui se passe en vérité serait d'ajouter du colorant alimentaire à un sceau d'eau. La raison à cela se trouve dans la nature des relations qui nous lient les uns aux autres. Il serait extrêmement naïf de ne pas voir que la revendication de la reconnaissance des relations homosexuelles va s'appliquer à tous les aspects de la société. Prenons un seul exemple : les programmes scolaires utilisés dans le système d'éducation publique qui, vous pouvez mettre votre main au feu, auront une incidence sur vous-mêmes et vos enfants et tous les enfants de votre communauté. C'est l'accès à la norme constitutionnelle qui est recherchée, dans le but exprès de changer la façon de penser de la société, et si vous n'avez pas encore compris cela dans le contexte du débat au Canada, alors c'est que vous n'avez pas écouté.
L'objet de tout ce projet est de changer la façon dont la société canadienne perçoit fondamentalement les gais et les lesbiennes, et il se trouve au coeur de cela, très clairement, une attaque contre ce qui s'appelle l'hétéronormativité, l'hétérosexisme, qui est le maintien de l'idée que l'hétérosexualité est normative. Et j'ai très soigneusement choisi d'utiliser le terme « attaque ». Je justifie mon choix de terme dans mon mémoire, que vous allez recevoir, en citant un article de 2004 écrit par un grand théoricien qui dit, il nous faut attaquer—c'est le terme qu'il a choisi—le mariage et la famille parce que ce sont les bastions de l'hétéronormativité. Ce que nous constatons—et nous n'aimons pas cette terminologie ici au nord du 49e parallèle—est en un sens une guerre culturelle, une guerre entre différents cadres idéologiques, différents cadres épistémiologiques. Cela ne nous plaît pas de le reconnaître, mais c'est ce qui se passe.
En ce qui concerne votre question suivante, au sujet du « distinct mais égal », je vous en supplie—la distinction entre« distinct mais égal » et le débat au sujet du mariage gai est aussi évident que l'est le nez au milieu de ma figure. La doctrine du « distinct mais égal » dans Brown c. Board of Education concernait le racisme. Le racisme est le rejet total d'une personne. Le rejet du comportement homosexuel relativement aux couples de même sexe ne relève pas du racisme. Il s'agit de tout à fait autre chose, ce que j'ai expliqué dans ma première intervention et que je vais répéter. Il est extrêmement important que vous compreniez ceci.
Au coeur même de la revendication du mariage pour les couples de même sexe est la revendication de la reconnaissance sexuelle des couples de même sexe—leur acceptabilité. C'est cela qui est revendiqué. Et ce n'est pas du racisme, car vous pouvez respecter une personne gaie et lui dire, « Écoutez, je n'ai pas à accepter votre comportement sexuel, mais je vous accepte toujours en tant qu'ami ». J'ai des amis gais—j'ai plus de relations personnelles que cela avec des personnes gaies, dont je ne veux pas discuter en public—mais je peux vous dire ceci : il n'y a pas une seule personne dans ce pays qui ait un vaste cercle d'amis et qui ne soit pas en contact avec des gais et des lesbiennes. Et si une personne ne peut pas respecter les gais et les lesbiennes, voire même les aimer, sans forcément accepter ce qu'ils pratiquent, alors cette personne n'est pas très mûre en tant qu'adulte.
Pour renverser les choses, si je connais un gai ou une lesbienne qui ne peut pas me respecter du fait que je sois catholique, alors il ou elle n'est pas très mûr. Voilà la genre de maturité qu'il nous faut atteindre, et non pas ces envolées rhétoriques du genre « distinct mais égal », qui ne s'appliquent pas en l'espèce.
Le président: Monsieur St. Amand, vous avez malheureusement doublé votre temps, alors vous n'en avez plus.
Nous retournons au Nouveau Parti Démocratique, avec M. Siksay, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
M. Bill Siksay: Merci, monsieur le président, et bravo, Lloyd, d'avoir doublé votre temps. Je ne pense pas que quiconque d'autre ait réussi cela jusqu'ici.
Monsieur Mainse, j'aimerais vous donner encore un autre exemple. Vous avez parlé de votre sondage informel auprès de mécaniciens. Permettez-vous de vous donner un exemple anecdotique d'un autre genre d'incident. Vous avez remué en moi des souvenirs du temps où j'ai travaillé pour Svend. C'est un exemple qui remonte à l'an dernier lorsque des gens manifestaient à l'extérieur des bureaux de députés dont on pensait qu'ils pourraient appuyer le mariage égal. Une manifestation avait été organisée à l'extérieur du bureau de Svend à Burnaby. Votre organisation y a peut-être participé. Il s'y était présenté une assez grosse foule, peut-être trop grosse pour le trottoir en face du bureau de Svend, alors elle a traversé la rue pour organiser son rallye dans le stationnement du supermarché. Svend, fidèle à lui-même, a décidé d'aller voir les gens et de s'entretenir avec eux, et ils ont invité Svend à prendre la parole. Ils étaient sans doute environ 200 personnes. Pendant son discours, Svend a demandé aux gens, qui étaient tous très montés contre le mariage pour les conjoints de même sexe, s'il y en avait parmi eux qui pensaient que son mariage, sa relation avec son conjoint Max, mettrait en cause leur engagement envers leur propre conjoint. Il a demandé que quiconque dans le groupe le pensait lève la main. Personne ne l'a fait. Personne parmi ce groupe de gens très motivés dans leur opposition au mariage gai n'a pensé que le fait que Svend puisse épouser son conjoint aurait la moindre incidence sur leur relation ou sur leur respect à l'égard de l'institution du mariage.
Je trouve très instructif ce moment qui nous a été livré par les gens de Burnaby-Douglas, et je tenais à partager cela avec vous. En fait, Svend est retourné à son bureau par la suite et un couple qui avait participé à la manifestation parce qu'il s'opposait au mariage gai est passé le voir avec du café et des beignes. Le couple voulait faire savoir à Svend qu'il leur avait fait changer d'avis et qu'il souhaitait maintenant que les couples de gais et de lesbiennes puissent se marier au Canada.
C'est juste là une petite anecdote. Il y en a un million d'autres, et c'est une histoire qui est quelque peu différente de votre expérience.
J'aimerais maintenant revenir à un exemple que vous avez utilisé. Je pense que vous avez dit que c'étaient vos enfants qui à l'école avaient dit que l'expression « si gai » était...
» (1705)
M. David Mainse: J'en ai entendu plusieurs l'utiliser. Lorsque mes enfants étaient à l'école, ils disaient « écoeurant ». Maintenant, les étudiants de niveau secondaire utilisent le terme « gai ».
M. Bill Siksay: Comprenez-vous cette expression? Quel conseil donneriez-vous aux gens qui ont entendu cette expression employée?
M. David Mainse: Je pense qu'ils devraient reprendre leurs enfants. Cependant, l'histoire nous a appris que c'est un phénomène récurrent. Cela arrive toutes les trois ou quatre générations. C'est pourquoi je maintiens qu'on a fait un pas de trop.
M. Bill Siksay: Vous pensez donc que cette expression n'a surgi qu'à cause des progrès réalisés du côté de l'égalité des droits pour les gais et les lesbiennes?
M. David Mainse: Oui, cela en fait partie. Lorsque Pierre Trudeau a dit que l'État n'avait rien à voir avec ce qui se passait dans les chambres à coucher de la nation, j'étais d'accord. Mais j'ai dit à l'époque que ma crainte était que les chambres à coucher ne restent pas les chambres à coucher, et c'est exactement ce qui s'est passé.
M. Bill Siksay: Vous ne pensez donc pas qu'avant la décriminalisation de l'homosexualité il y avait des attaques et des insultes homophobes?
M. David Mainse: Bien sûr que si. Mais écoutez, si vous voulez prendre un groupe, regardez le gros titre sur la page couverture de la revue Maclean's au sujet de Stockwell Day : « How Scary Is He? » Vous voulez parler d'attaques. On l'attaque à cause de sa religion et de sa foi pentecôtistes. Tout à fait anti-canadien. Tout à fait anti-pluraliste. Cela est certainement arrivé à de nombreux groupes au fil des années.
M. Bill Siksay: Mais cela est quelque peu différent du fait de lancer des injures.
M. David Mainse: Oh, croyez-moi, on lui a lancé toutes sortes d'injures du fait qu'il était pentecôtiste.
M. Bill Siksay: Je ne pense pas que quiconque ait envoyé, « Espèce de pentecôtiste » comme certains lancent, « C'est si gai ». Je ne pense pas que l'expression, « C'est si pentecôtiste » soit arrivée au Parlement du Canada, n'est-ce pas? De la même façon?
M. David Mainse: Des gens ont été persécutés pour toutes sortes de choses. J'ai ici quelque chose qu'a écrit l'honorable William Henderson, et que j'aimerais vous lire. Il a perdu ses deux jambes à la guerre, en Italie. Il a fini major dans l'armée canadienne, chargé d'établir la structure légale en Hollande après le départ des Allemands. Voici ce qu'il a écrit :
La Charte ne mentionne jamais la dignité et les droits à l'égalité. Jamais. Alors comment cela peut-il être utilisé pour élargir l'application de la Charte? En fait, la Charte des droits et libertés protège de la même façon tous les Canadiens. Lorsque les homosexuels revendiquent l'égalité en vertu de la Charte, ils demandent en fait qu'on leur accorde des droits spéciaux. |
Réfléchissez un petit peu à cela.
M. Bill Siksay: Je ne comprends pas. Il vous faudra m'expliquer.
M. David Mainse: Ce qu'il dit c'est que la Charte protège les droits de tout le monde. Je vais vous remettre une copie de sa lettre.
M. Bill Siksay: Monsieur Mainse, je m'efforcerai de comprendre cela plus tard.
Monsieur Benson, je voulais vous poser une question. Lorsque vous avez parlé du fait que l'absence d'égalité soit un affront à la dignité des gais et lesbiennes, je voulais comprendre ce que vous entendez par homosexualité dans le contexte de la sexualité humaine. Est-ce uniquement une question de comportement? Est-ce le fait que ce soit acceptable d'être gai, mais qu'il ne faut pas pratiquer son homosexualité? Vous semblez faire ce genre de double distinction. Pour moi, c'est quelque chose de très difficile. Je pense également qu'il est différent de persécuter une personne pour ses croyances et de persécuter une personne sur la base de notre interprétation de son être et de ses valeurs en tant qu'être humain, et une chose qui est essentielle à ce qu'elle est et qui fait partie intégrante de son identité en tant que personne, comme par exemple la race. Je considérerais l'orientation sexuelle comme étant une partie fondamentale de mon être.
» (1710)
M. Iain Benson: Et vous ne considéreriez pas les croyances de la même façon?
M. Bill Siksay: Je pense que les croyances changent au fil du temps, et elles peuvent changer au fil du temps, mais je ne pense pas qu'elles soient dans la même catégorie que la race, le sexe, l'orientation sexuelle. Je ne dis pas que je ne pense pas qu'elles méritent toutes les protections que peut conférer notre société, mais je considère la sexualité comme étant un élément intrinsèque et fondamental de l'être, et c'est pourquoi je verrais les choses différemment. J'aimerais bien que vous me disiez quelle est votre compréhension de l'homosexualité dans ce contexte-là.
M. Iain Benson: C'est là un point important. Et c'est pourquoi il faut manier avec grand soin le terme « homosexualité ». L'homosexualité est un état d'être qui admet une distinction entre pratiques et désir, orientation, de la même façon que nous reconnaissons une distinction entre désir et pratique dans quantités de volets de la vie humaine.
M. Bill Siksay: Faites-vous cette distinction en ce qui concerne l'hétérosexualité? Expliquez-moi cela dans le contexte de l'hétérosexualité.
Le président: Monsieur Siksay...
M. Iain Benson: C'est un bon exemple. Mon discours va peut-être devenir quelque peu ésotérique, mais en gros, dans tout genre de traitement moral du comportement sexuel humain, il y a une distinction à faire entre désir et comportement. Dans le contexte de l'hétérosexualité, c'est un choix qui est fait en permanence relativement à l'adultère. Nous comprenons que ce n'est pas parce qu'une personne a un désir donné qu'elle a le droit moral de l'assouvir. Voilà la distinction.
M. Bill Siksay: Vous dites que c'est général en ce qui concerne l'homosexualité, mais que c'est très spécifique en ce qui concerne l'hétérosexualité. Voilà la différence.
M. Iain Benson: Ce n'est pas ce que je dis. Ce sont les manuels en matière de moralité qui font cette distinction.
Le président: Merci.
Nous retournons maintenant du côté des Libéraux, avec M. Boudria.
[Français]
L'hon. Don Boudria (Glengarry—Prescott—Russell, Lib.): Ma première question s'adresse à M. Hartt.
Je pense que vous avez parlé dans votre présentation du dérangement social — social disruption en anglais — qui résulterait du changement de la définition du mariage dans la loi. Est-ce exact?
M. Stanley Hartt: Oui.
L'hon. Don Boudria: D'accord.
Comme vous le savez, dans sept provinces et un territoire, notamment en Ontario, au Québec et en Colombie-Britannique, les gens homosexuels se marient déjà. Quel dérangement social s'est manifesté depuis que ces gens se marient?
M. Stanley Hartt: Je pense que vous avez les résultats dans les sondages d'opinion publique que vous voyez chaque semaine. Depuis au-delà de deux ans, les chiffres sont restés stables: les deux tiers de la population s'opposent au mariage homosexuel. Je ne parlais pas d'une révolution ou de manifestations dans les rues. Nous sommes après tout des Canadiens. Les Canadiens ne manifestent pas beaucoup, mais ils ont des opinions solides et fortes qui sont révélées sondage après sondage.
L'hon. Don Boudria: Oui, mais sauf votre respect, ce n'était pas ma question. Vous disiez qu'il y aurait un dérangement social si on changeait la loi. Comme 90 p. 100 d'entre eux ont déjà accès au mariage, il y a sans doute eu un dérangement social, selon votre théorie. Vous me dites que le dérangement social réside dans le fait que l'opposition est demeurée constante. Si elle est constante, il n'y a pas eu de dérangement. Je n'accepte pas cette mesure de dérangement social, mais même si je l'acceptais, je conclurais de votre remarque que ce dérangement n'a pas eu lieu. C'est bien ce que vous nous dites, n'est-ce pas? Non?
M. Stanley Hartt: Monsieur Boudria, je dis tout simplement qu'il n'y a pas eu de manifestations. Cependant, les émotions ont été affectées et continuent de l'être. Je vous dis carrément que pour la plupart des Canadiens qui sont contre le mariage homosexuel, la question n'est pas encore réglée. Ils considèrent que ce débat au Parlement du Canada n'est pas encore terminé. Ils considèrent que la question n'est pas résolue même si le Parlement agit.
Dans ma déclaration, j'ai fait allusion à ce qui pourrait arriver avec un gouvernement ultérieur et une politique différente. Ce gouvernement pourrait poser à la Cour suprême du Canada une question beaucoup plus exacte et directe, et la réponse de la Cour suprême pourrait être différente. Si nous tous ainsi que d'autres témoins sommes venus vous voir ici, c'est parce que la question n'est pas encore réglée.
Je ne vous menace pas de manifestations dans les rues. Après tout, nous sommes des Canadiens et ce n'est pas notre style ni notre habitude. Je pense cependant qu'une action subite de la part de ce Parlement aurait des conséquences, ne serait-ce que dans les boîtes de scrutin aux prochaines élections.
» (1715)
L'hon. Don Boudria: Je ne pense pas qu'on puisse défendre les droits des minorités en se basant sur un sondage, si telle est votre position.
[Traduction]
Monsieur Mainse, je pense que vous disiez que l'institution du mariage serait amoindrie, dévalorisée—excusez-moi, je ne veux pas vous attribuer des propos que vous n'avez pas tenus—entamée en quelque sorte, vous ai-je, je pense, entendu dire, du fait que les homosexuels puissent se marier. Étant donné qu'ils se marient depuis maintenant près de deux ans, dans quelle mesure croyez-vous que l'institution a été entamée depuis, conformément à la théorie que vous épousez?
M. David Mainse: Les seuls commentaires que je peux faire sont ceux que j'ai déjà évoqués, et qui n'ont pas de base scientifique. C'est pourquoi j'aimerais tant avoir le temps de m'occuper de cette thèse doctorale en Hollande, pays qui m'a invité à y envoyer un étudiant de troisième cycle. Je pense qu'il nous faut aller dans ces pays d'Europe pour constater les ramifications sociales. Ici, nous ne les verrons que dans bien des années.
Je songe aux commentaires que j'ai entendus d'hommes hétérosexuels selon lesquels leur jugement évident—bien que très rapidement rendu—serait tel que cela diminuerait le respect de l'institution du mariage. Et certains d'entre eux se démènent déjà pour assurer la survie de leur propre mariage. Les leurs ne sont pas comme les mariages formidables qu'on présume que tout le monde ici autour de cette table connaît. Ils s'efforcent de les maintenir, ils y travaillent. Mais ceci est un dur coup pour eux, du simple fait de leur prédisposition relativement à leur sexualité et aux homosexuels.
J'ajouterais également en réponse, si vous me le permettez, que mon exposé est complété par un DVD qui traite, je pense, en des termes très clairs, de cette question. Alors je vais vous fournir cela également, en espérant que vous trouviez le temps de l'écouter pendant que vous êtes au volant de votre voiture ou autre.
[Français]
Le président: Merci, monsieur Boudria.
[Traduction]
Nous retournons maintenant du côté des Conservateurs, avec M. Warawa, pour cinq minutes, s'il vous plaît.
M. Mark Warawa (Langley): Merci, monsieur le président et merci à chacun des témoins d'être venu ici aujourd'hui. J'ai trouvé vos commentaires utiles, instructifs et également respectueux.
Mes questions vont porter sur deux aspects, le premier étant la résistance à l'acceptation d'unions civiles en tant qu'option, et le deuxième étant ce sur quoi ceci va déboucher d'ici 10 ou 20 ans.
Je viens d'une communauté à Langley, en Colombie-Britannique. J'ai sondé les résidents et voici ce que cela a donné : 96 p. 100 des gens ont dit exactement ce que vous nous avez dit aujourd'hui, soit que nous devrions conserver la définition du mariage comme étant l'union d'un homme et d'une femme; que nous devrions offrir aux couples de personnes de même sexe l'option d'union civile; que nous devrions accorder à ces unions exactement les mêmes avantages et droits; et que les libertés religieuses devraient être protégées.
Cela fait plusieurs fois que je demande à des gens de m'expliquer en quoi une union civile est pour eux inférieure, et j'attends toujours une réponse. Qu'y a-t-il d'inférieur dans une union civile si exactement les mêmes droits et avantages sont accordés en vertu de la définition? Sur quoi repose la résistance à cela? Nous avons également vu des cas de commissaires de mariage qui ont perdu leur emploi, des gens comme l'évêque Fred Henry et un enseignant à Quesnel, en Colombie-Britannique, qui ont perdu leur poste.
Si le projet de loi C-38 est adopté—et il y a un mouvement visant à voir cela se réaliser le plus rapidement possible—sans amendement aucun, quelle sera d'après vous la situation au Canada d'ici 10 à 20 ans? Les églises vont-elles perdre leur statut d'organisme de bienfaisance? Les écoles privées religieuses vont-elles pouvoir continuer d'enseigner?
Peut-être que chacun d'entre vous pourrait nous livrer sa perspective quant à la résistance, puis ce que vous envisagez pour l'avenir. Merci.
» (1720)
M. Iain Benson: M. Hartt m'a gentiment cédé son droit de parole là-dessus.
En 1994, j'ai eu le privilège de me trouver aux côtés de Peter Jervis comme intervenant dans l'affaire Egan devant la Cour suprême du Canada. Nous avions été retenus par un ensemble de groupes religieux, y compris l'Alliance évangélique du Canada, les évêques canadiens, et d'autres, et ils étaient là à cause de la définition de conjoint dans la Loi sur la sécurité de la vieillesse de 1994—ce n'est donc pas très vieux, dans l'histoire de notre pays.
Qu'est-ce qui a changé depuis cette époque-là? C'est assez extraordinaire, en l'espace de 11 ans. À l'époque, l'un des arguments que nous défendions était qu'un changement à la définition de conjoint, parce qu'il s'agissait d'un terme marital, pourrait exercer des pressions sur le mariage.
La conseillère juridique pour Égale avait dit—je pense qu'elle représentait à l'époque Égale—qu'il n'y avait aucune suggestion quelle qu'elle soit que les homosexuels et les lesbiennes voulaient le mariage. Si l'affaire était devant la cour, ce n'était pas pour une question de mariage, mais pour une question d'avantages sociaux.
Avançons dans le temps. Dans la décision dans l'affaire Egan, la cour a insisté pour dire—certains des juges—que ce n'était pas une question de mariage, mais bien une question d'avantages sociaux. Dans cette affaire, elle n'a pas accordé les avantages—par un vote de cinq contre quatre—mais dans des affaires subséquentes, elle a commencé à accorder des prestations. Dans chaque affaire, M. c. H. étant un exemple, elle a insisté pour dire que ce n'était pas une question de mariage.
Alors, pour commencer, c'est une question d'avantages et non pas de mariage. Les groupes religieux qui étaient tous là à l'époque disaient que cela allait finir par être une question de mariage. Ce projet de loi l'accepte. Ceci concerne le mariage civil, mais pas le mariage au sens large.
Mo,i je dis que c'est absurde. La raison pour laquelle cela concerne le mariage au sens large est que ce qui est revendiqué d'un bout à l'autre c'est la reconnaissance sociale. La réponse qu'auraient dû vous donner les personnes que vous avez interrogées au sujet des unions civiles—et je vais répondre comme elles répondraient—est qu'elles veulent le mariage et non pas l'union civile car cela ne leur conférerait pas la même reconnaissance publique que le mariage, tout comme dans le cas des hétérosexuels. Voilà la réponse qu'elles devraient donner; voilà ce qu'elles ont dit devant la cour. C'est tout. C'est autour de cela que tourne tout ce débat.
Cela aura-t-il une incidence sur les religions? Vous pouvez y compter. Pourquoi? Parce qu'elles sont très engagées dans la reconnaissance sociale, et si elles n'accordent pas la reconnaissance sociale, vous pouvez compter qu'on va les attaquer—et ce sera une attaque systématique et ininterrompue financée par le gouvernement fédéral par le biais du Programme de contestation judiciaire, qui n'est à votre disposition que si vous êtes revendicateur. Mais si vous êtes défendeur, alors tant pis pour vous.
M. Ian Purvis: J'aimerais moi aussi répondre.
Cela soulève une proposition intéressante, une que j'ai examinée plutôt sérieusement, soit que si nous apportions les changements envisagés, la question deviendrait alors : s'il existe des règles et des lois, il faut traiter de l'aspect exécution, et comment le gouvernement va-t-il faire pour appliquer certaines de ces choses? Si une organisation refuse tout simplement de se plier à ce qui serait considéré comme étant des ordres et des règles émanant du gouvernement, s'il se trouve qu'elle jouit du statut d'organisme de bienfaisance et si elle applique ce droit pour faire des dons à l'église, ce qui serait normal, alors risque-t-elle, ce faisant, si elle refuse de se soumettre à certaines lois, de perdre son statut d'organisation de bienfaisance?
Je pense que c'est là une préoccupation que nous sommes nombreux à avoir, car il faut qu'il y ait des sanctions pour les cas où vous ne faites pas ce qu'énonce la loi... Et dire qu'en vertu de la Charte vous ne serez pas tenu de célébrer des mariages... Je ne pense pas qu'il faille attendre longtemps avant qu'une institution donnée... S'il y a un mariage gai, ils vont vouloir utiliser les installations de l'église pour certains rites gais.
» (1725)
Le président: Monsieur, Warawa, excusez-moi, mais nous allons bientôt manquer de temps.
Nous allons entendre une toute dernière question. Elle sera pour les Libéraux.
Avez-vous une question, monsieur Macklin?
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci, monsieur le président.
J'aimerais simplement poursuivre une question avec M. Hartt. Si je vous ai bien compris, ce que vous aimeriez poursuivre c'est un concept d'union civile à l'échelle du pays au niveau provincial afin que chacun puisse avoir une union civile. Si nous pouvions faire cela, au moins cela fixerait une norme universelle pour tous, mais le mariage s'inscrit toujours dans un contexte international, a un sens international. En tant que responsables de la définition du mariage à l'échelle fédérale, comment vous verriez-nous traiter de votre concept d'union civile provinciale dans le contexte international, afin qu'il y ait un certificat de mariage reconnu à l'échelle internationale?
M. Stanley Hartt: Ce n'est pas de cela que nous sommes venus discuter avec vous ici, mais si l'on faisait table rase pour repartir à zéro, je ferais un renvoi à la Cour suprême. Je lui soumettrais un régime d'union civile que moi-même et d'autres défendons et demandons, pour qu'elle détermine si cela c'est conforme à la Charte. Et si elle disait que oui, alors je ferais adopter une loi fédérale réaffirmant la définition traditionnelle du mariage. Ce serait alors les provinces qui se trouveraient aux prises avec le problème constitutionnel et ce serait donc à elles qu'il reviendrait d'adopter ces régimes. Le critère serait simple : si vous avez des règles régissant le mariage dans votre province, toutes ces règles—exception faite du mot—s'appliqueraient également à ce régime d'union civile.
Je pense que ce ne serait qu'une question de temps avant que les gens ne puissent, voyageant munis de ces documents, établir qu'ils ont le statut de personnes unies civilement dans un pays qui reconnaît l'union civile. Ce ne serait pas pire que ce qu'il ont maintenant; ce serait meilleur que ce qu'ils ont maintenant. Ce que prévoit le projet de loi dont le Parlement est en ce moment saisi est loin de correspondre à la norme internationale, alors il me semble que le Canada serait loin d'être un traînard à cet égard. Il suffirait simplement d'expliquer aux responsables étrangers, qui auraient peut-être à poser des questions en la matière, ce que prévoit la loi canadienne.
Le président: Merci.
Je remercie tous les témoins d'être venus comparaître aujourd'hui devant le comité.
[Français]
Merci d'avoir participé à cette rencontre du Comité législatif chargé du projet de loi C-38. Je sais que certains d'entre vous ont parcouru de longues distances pour venir ici. Bon retour.
[Traduction]
Bon retour.
Oui, monsieur Macklin.
L'hon. Paul Harold Macklin: Il y a une question que j'aimerais soumettre au comité. J'ai fait distribuer le texte d'un amendement qui est bien sûr arrivé après le délai hier soir. Je demande le consentement unanime du comité pour qu'il soit examiné en tant qu'amendement à l'étape de l'étude article par article.
Le président: L'honorable député a-t-il le consentement unanime du comité pour déposer maintenant son amendement?
M. Vic Toews (Provencher, PCC): Pas maintenant. Il me faudrait examiner l'incidence qu'aurait ce genre d'amendement. Il me semble assez conséquent.
Le président: En d'autres termes, ce que vous êtes en train de dire est que M. Macklin n'a pas le consentement unanime du comité.
M. Vic Toews: Il ne l'a pas en ce moment.
Le président: Monsieur Macklin, vous n'avez pas le consentement unanime.
L'hon. Paul Harold Macklin: Merci.
Le président: Merci encore beaucoup de votre participation aujourd'hui.
La séance est levée.