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CC20 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-20


NUMÉRO 005 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 16 avril 2008

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

[Français]

    Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 13 février 2008, le comité reprend l'étude du projet de loi C-20.

[Traduction]

    Nous avons la chance d'avoir avec nous aujourd'hui deux brillants universitaires et professeurs résidents.
    Nous recevons M. Fabien Gélinas, professeur agrégé à la Faculté de droit de l'Université McGill, et M. Peter W. Hogg, professeur résident chez Blake, Cassels and Graydon.
    Je vous remercie et vous souhaite la bienvenue.
    Monsieur Gélinas, à vous la parole. Vous avez chacun dix minutes, mais nous vous laisserons amplement le temps de vous exprimer. Allez-y.

[Français]

    Bonjour à tous.
    Je voudrais d'abord remercier les membres du comité de l'invitation qui m'est faite de participer ainsi à ses travaux. C'est un honneur et un plaisir. Pour ce qui est du plaisir, évidemment, cela reste à voir.
    Je n'ai pas été en mesure de préparer un rapport écrit, ce dont vous me voyez désolé, mais je suis venu avec quelques notes que j'ai remises à la greffière pour faciliter le travail des interprètes et, donc, le travail des membres du comité.
    Il s'agit ici d'apporter un éclairage sur le projet de loi C-20, Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs.
    Afin de me mettre en mesure d'apporter une perspective suffisamment large au comité, j'ai suivi les développements qui ont entouré le projet de loi S-4, qui est maintenant le projet de loi C-19, portant sur la durée du mandat des sénateurs. À cette occasion, j'ai d'ailleurs pu lire avec intérêt les commentaires apportés par le professeur Hogg ici présent et que je salue.
    Les deux projets de loi concernant la réforme du Sénat ressemblent à bien des égards aux amants les plus connus de la dramaturgie occidentale, c'est-à-dire Roméo et Juliette, puisqu'on peut se poser la question à savoir s'ils sont vraiment destinés l'un à l'autre. Vont-ils jamais se retrouver ailleurs que dans l'au-delà? C'est une autre question qui vient à l'esprit. La mort de l'un, réelle ou simulée, provoquera-t-elle celle de l'autre? Ce sont toutes des questions qui se posent. Évidemment, tous les scénarios sont encore possibles à cette étape.
    Je me propose donc de concentrer mes remarques initiales sur le projet de loi C-20 envisagé séparément et isolément de l'autre projet de loi, et d'élargir le sujet de mes commentaires lors de la discussion, si les membres du comité le jugent utile.
    Étant constitutionnaliste, je me suis naturellement posé la question de la validité constitutionnelle du projet de loi. Au sens juridique, la réponse me paraît assez simple. Le projet ne change, en apparence, aucune des dispositions de la Constitution telles qu'entendues à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. La procédure de modification constitutionnelle des articles 38 et suivants de cette loi, y compris l'article 44, n'est donc pas engagée. Elle ne s'applique tout simplement pas.
    Néanmoins, dans notre système politique, chacun est en mesure d'apprécier les limites des dispositions juridiques enchâssées. Il est évident que l'adoption du projet de loi risque d'avoir un impact majeur sur le fonctionnement et l'équilibre de nos institutions politiques. Cet impact se fera sentir par l'effet de la normativité constitutionnelle dite conventionnelle, ou les conventions de la Constitution, qui sont des règles non écrites et non juridiques mais néanmoins obligatoires.
    Puisqu'il s'agit du choix des sénateurs, la problématique qui se pose ici peut se résumer en partant de l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au Gouverneur général le pouvoir juridique exclusif de nommer les sénateurs. L'article 24 ne fait bien sûr aucune mention du premier ministre, même si on parle souvent de façon informelle d'une nomination des sénateurs par le premier ministre.
     On sait que les conventions relatives au gouvernement responsable prévoient que le Gouverneur général n'exerce la plupart de ses pouvoirs qu'avec l'avis de ses ministres. Les conventions précisent que le pouvoir particulier qui est visé à l'article 24, celui de nommer les sénateurs, s'exerce conformément à l'avis du premier ministre. Il s'agit de l'une de ces prérogatives dites particulières.
    Le pouvoir juridique enchâssé dans la Constitution appartient donc au Gouverneur général. Et en raison d'une convention constitutionnelle, il ne peut l'exercer qu'en accord avec l'avis du premier ministre. Cette convention a pour raison d'être le principe du gouvernement responsable, qui est une manière propre au régime parlementaire de type britannique d'assurer la mise en œuvre du principe démocratique.
    Le projet de loi à l'étude organise les modalités d'une consultation facultative qui pourrait prendre des allures d'élections pour les sénateurs. Ces dispositions n'imposent aucunement au Gouverneur général de nommer les sénateurs les plus populaires au terme de la consultation. Elles n'imposent même pas au premier ministre de suivre le résultat de la consultation en formulant son avis au Gouverneur général. Aucune obligation, en fait, n'est imposée au Gouverneur général ou même au premier ministre. L'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 est donc intacte.
    Comme je l'ai déjà évoqué, le projet risque d'avoir un impact important sur les conventions de la Constitution. Le premier ministre actuel est presque forcé, du point de vue politique, de se déclarer lié par le résultat de la consultation. S'il se déclare en effet lié, avant ou après l'adoption de la loi, et qu'il procède ensuite à des nominations en conséquence, il jette manifestement les bases d'une convention constitutionnelle. Cette dernière se confirmerait, à mon avis, seulement si son successeur acceptait de se plier aux mêmes règles.
    Pour établir l'existence d'une convention, on considère généralement qu'il faut des précédents, un sentiment d'obligatoriété chez l'acteur politique concerné et une raison à la règle. Ce que je voudrais faire ressortir ici concerne cette raison de la norme constitutionnelle qui nous intéresse.
    La raison d'être de la règle conventionnelle qui transfère le pouvoir du Gouverneur général prévu à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 au premier ministre, c'est le principe démocratique. La raison d'être de la règle conventionnelle qu'on cherche apparemment à créer ici et qui transférerait le pouvoir des élus — le pouvoir du premier ministre ayant la confiance de la Chambre des communes — aux électeurs, c'est-à-dire la population qui sera consultée, c'est encore le principe démocratique. Le concept de la démocratie se retrouve d'ailleurs au premier paragraphe du préambule du projet de loi. Ce sont deux conceptions distinctes — et c'est ce que je veux faire ressortir ici — ou à tout le moins deux manières bien différentes de mettre en oeuvre le principe de la démocratie. La première manière emprunte la voie pavée et connue du gouvernement responsable devant la Chambre des communes; l'autre ouvre une voie encore largement inexplorée dans notre système politique.
    La Cour suprême a déjà eu l'occasion de s'interroger sur la protection offerte par le droit constitutionnel aux règles du gouvernement responsable. Le principe du gouvernement responsable est très certainement, mais dans une mesure incertaine, enchâssé dans la Constitution et protégé d'une modification unilatérale par le Parlement, ou par une assemblée législative provinciale dans le cadre d'une modification d'une constitution provinciale. Cette protection est assurée, pour le fédéral et pour les provinces, par l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui exige, comme vous le savez, l'unanimité pour modifier des charges de Gouverneur général et de Lieutenant-gouverneur. C'est une manière de protéger constitutionnellement le principe du gouvernement responsable. Dans le cas du Sénat, cette protection est prévue à l'article 42 de la procédure de modification constitutionnelle, qui protège l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 d'une modification unilatérale.
    Cela m'amène à dire que si le projet de loi allait plus loin dans le contrôle des modalités de la décision du Gouverneur général selon l'article 24, il entrerait dans une zone d'incertitude sur le plan constitutionnel.
    Mais à mon avis, ce n'est pas le cas ici. Si on envisage le projet de loi isolément et dans sa forme actuelle, je crois qu'il n'y a rien à redire sur sa validité constitutionnelle.
(1540)
    Sur le plan politique, en revanche, je dirai pour en finir que l'idée qui sous-tend la réforme envisagée mérite qu'on s'y attarde sérieusement, car même si elle se réclame du principe démocratique, elle implante dans notre système un élément étranger dont les conséquences n'apparaissent pas, ou du moins ne m'apparaissent pas, suffisamment claires.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Gélinas.
     Monsieur Hogg, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame la présidente, et monsieur Gélinas.
    Je suis à peu près du même avis que mon collègue, et j'essaierai de revenir sur le point qu'il a soulevé, mais avant, permettez-moi d'exposer mon raisonnement, qui est assez limpide.
    À mon avis, le projet de loi C-20 constituerait une loi du Parlement en bonne et due forme. Il échappe aux contraintes de l'alinéa 42(1)b), selon lequel il faut procéder à un amendement pour changer le mode de sélection des sénateurs, puisqu'il ne modifie pas véritablement l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867.
    On pourrait avancer — et ce n'est pas la position prise par M. Gélinas — que le projet de loi C-20 n'est essentiellement qu'une modification apportée au mode de sélection des sénateurs et qu'il est par conséquent inconstitutionnel selon l'alinéa 42(1)b). À mon avis, la Cour suprême du Canada rejetterait cet argument, parce que le pouvoir de nomination que confère l'article 24, uniquement au gouverneur général, n'impose aucune restriction quant aux consultations que le premier ministre doit faire ni aux facteurs qu'il doit prendre en compte avant de recommander une nomination au gouverneur général.
    Par exemple, le premier ministre pourrait dès maintenant, s'il le voulait, commander un sondage informel pour connaître les préférences de l'électorat quant à la recommandation d'une nomination pour une province donnée. Le premier ministre pourrait, s'il le souhaitait, et il l'a déjà fait, respecter le choix de l'électorat exprimé à l'occasion d'une élection provinciale, comme c'est le cas pour les nominations de l'Alberta, qui a tenu des élections pour le Sénat.
    En fait, le projet de loi C-20 ne fait que permettre au premier ministre de tenir des consultations formelles. Comme vous le savez, rien n'oblige le premier ministre à lancer un processus de consultation formel; le projet de loi en laisse l'entière discrétion au gouverneur en conseil. S'il le fait, il n'est pas non plus tenu d'en respecter les résultats dans ces recommandations de nomination.
    Je reconnais — et sur ce point je rejoins M. Gélinas —, tout comme une cour le reconnaîtrait, qu'une fois que le Parlement aurait mis sur pied le processus complexe que propose le projet de loi C-20, il est probable qu'aucun premier ministre ne continuerait de faire ses nominations comme avant. Cependant, il s'agit là d'une question politique et non juridique. La situation pourrait être différente si le projet de loi C-20 forçait le premier ministre à suivre le processus de consultation obligatoire, puis à faire sa recommandation en fonction des résultats. Toutefois, comme nous le savons, le projet de loi C-20 ne prévoit rien de tel. Il donne simplement au premier ministre un moyen pour consulter l'électorat, mais il ne l'oblige pas à l'utiliser ni à respecter les résultats obtenus.
(1545)
    Pour en revenir au point soulevé par M. Gélinas, l'article 24 n'a jamais eu pour but de contrôler la partie du processus décisionnel qui précède la nomination d'un sénateur par le gouverneur général. Donc, même si les premiers ministres en venaient à utiliser systématiquement le processus et, comme l'a laissé entendre M. Gélinas, s'il devenait même une nouvelle convention selon laquelle les nominations se feraient toujours en fonction de ce processus néanmoins facultatif, cela ne changerait rien à l'article 24. Celui-ci ne fait aucune mention des conventions entourant ce qui précède la nomination, lesquelles peuvent évoluer au fil du temps. Si on en venait à changer la convention, l'article 24 continuerait de s'appliquer comme avant. Cela veut dire que le gouverneur général ferait tout de même les nominations, peu importe qui, par convention, lui présenterait des recommandations.
    Permettez-moi de soulever un autre point qui a été abordé au cours de vos délibérations précédentes. Dans le renvoi relatif à la Chambre haute de 1980, la Cour suprême du Canada a statué que le Parlement ne pouvait modifier unilatéralement les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat.
    Je sais que certains ont laissé entendre que tout projet de loi — par exemple, celui sur la limite du mandat — modifiant les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat échapperait au pouvoir du Parlement. J'aimerais en parler brièvement, parce que je suis convaincu que vous y reviendrez.
    Le renvoi relatif à la Chambre haute est une décision rendue en 1980, avant l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s'agissait du renvoi par le gouvernement du Canada à la Cour suprême d'une série de questions sur la portée du pouvoir qu'a le Parlement de modifier la structure du Sénat, y compris de prévoir la tenue d'élections. La cour a donné des réponses plutôt générales — puisqu'on ne lui avait ni posé de questions bien précises, ni présenté un projet de loi — qui portaient principalement sur la protection des dispositions sur la représentation régionale et provinciale au Sénat. Le projet de loi C-20 n'a bien entendu aucune répercussion sur celles-ci.
    Ce qu'il faut retenir, c'est que ce n'est plus pertinent. La décision a été rendue en 1980, alors que la Loi constitutionnelle de 1867, la seule mesure législative applicable en cas de réforme du Sénat, ne prévoyait rien quant au pouvoir du Parlement en la matière. La cour a donc établi des règles générales, étant donné que la Constitution n'en faisait pas mention. Évidemment, le cas a été repris par la Loi constitutionnelle de 1982, qui précise maintenant expressément ce qui a été soustrait au pouvoir unilatéral du Parlement. Un de ces éléments, comme nous l'avons vu, est le « mode de sélection des sénateurs ». Ensuite, il y a « les pouvoirs du Sénat », « le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée » et « les conditions de résidence que les sénateurs doivent remplir ». Tous sont énumérés à l'article 42, et assujettis à la formule 7/50 régissant les modifications constitutionnelles.
(1550)
    Ces dispositions explicites constituent maintenant la loi constitutionnelle en vigueur applicable en cas de réforme du Sénat. La seule disposition pertinente est le mode de sélection des sénateurs, et j'ai déjà expliqué pourquoi elle n'a pas d'incidence sur le projet de loi C-20.
    Ma conclusion est que le Parlement du Canada a le pouvoir d'adopter le projet de loi C-20, et que s'il le faisait, il s'agirait d'une loi du Parlement valide.
    Merci, madame la présidente.
(1555)
    Merci, monsieur Hogg.
    Je vois que les commentaires de nos deux universitaires suscitent de nombreuses questions. Mes collègues sont impatients de vous interroger.
    Nous allons donc entamer la première série de questions de sept minutes.
    Monsieur Murphy, allez-y.
    Merci, madame la présidente.
    Merci également aux témoins.
    J'aurais quelques questions d'ordre général au sujet de la concurrence entre deux chambres élues et de l'expérience internationale, mais j'y reviendrai dans un instant. Je voudrais d'abord donner...

[Français]

l'occasion au professeur Gélinas de répondre à ce que laissait entendre le professeur Hogg, à savoir que si une convention constitutionnelle s'établit après que deux ou trois premiers ministres auront choisi d'entériner la sélection des électeurs, cela n'impliquera pas du tout l'article 24 de la loi.

[Traduction]

    Je vais continuer en anglais, ce sera plus clair. M. Hogg a laissé entendre — et vous ne vous êtes pas avancé aussi loin dans votre déclaration — que si, après avoir demandé aux électeurs de se prononcer et avoir imposé à Élections Canada et aux contribuables le coût de la mise en place du processus de sélection, un premier ministre décidait de recommander les candidats élus, et que si, après quelques mandats, ou même un seul, on en faisait une convention constitutionnelle, cela n'aurait aucun effet sur le pouvoir de nomination des sénateurs, et donc ne poserait pas de problème.
    Qu'en pensez-vous?
    Je suis d'accord. J'ai déjà dit que le projet de loi n'a aucune incidence sur l'article 24. Ce serait toujours le cas même si, avec les années ou les premiers ministres successifs, s'installait une convention constitutionnelle voulant que le premier ministre respecte les résultats des consultations.
    C'est très clair, et je vous en remercie.
    Maintenant, pour en revenir à ma question d'ordre général, il semblerait que si on applique ce projet de loi à la lettre, il n'aura aucune influence sur la Constitution. D'accord. Cependant, sur le plan politique, il y a fort à parier que les premiers ministres utiliseront ce processus de sélection et, du coup, changeront directement la méthode par laquelle les sénateurs sont élus ou choisis.
    Par conséquent, on peut s'attendre à se retrouver d'ici peu avec deux chambres élues démocratiquement. Je ne veux pas m'avancer trop en parlant de l'Australasie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, mais je crois qu'en Nouvelle-Zélande, cette réforme n'est jamais passée, parce qu'on ne voulait pas d'un sénat élu. En Australie, les deux chambres détiennent des pouvoirs tout à fait distincts, comme aux États-Unis, étant donné le droit de veto du président.
    Rapidement, dans notre système, comment faire si le Sénat et la Chambre des communes, tous deux élus, se retrouvent dans une impasse? J'aimerais que vous répondiez tous les deux, si le temps nous le permet.
    Monsieur Hogg.
    Monsieur Murphy, je crois qu'il serait tout à fait souhaitable, si le Sénat devenait véritablement une assemblée élue, de prévoir certaines dispositions pour assurer une représentation équitable de toutes les provinces, comme on l'avait proposé à Charlottetown, de même qu'un mécanisme pour sortir les deux chambres de l'impasse, par un vote mixte ou autre chose du genre.
    Le problème du gouvernement, c'est que sans amendement constitutionnel, il est limité dans ce qu'il peut faire. L'Accord de Charlottetown consistait en un système très complexe et ingénieux pour instaurer un Sénat selon la proposition « des trois e », mais il prévoyait évidemment l'amendement de la Constitution, sans quoi il est difficile de mettre ces éléments en place.
    Il n'est pas nécessaire d'établir un mécanisme officiel de résolution des conflits entre les deux chambres. Au bout du compte, si une chambre accepte un projet de loi mais que l'autre vote contre, celui-ci est rejeté, ce qui règle le problème. Dans un système de gouvernement responsable, le Sénat peut rejeter un projet de loi adopté par la Chambre des communes; ce n'est pas une situation à laquelle nous sommes habitués, mais je crois qu'il faudra s'y faire, puisque cela se produira de plus en plus si nous passons à un Sénat élu.
(1600)

[Français]

    Monsieur Gélinas, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je soulignerais simplement que la création d'une convention constitutionnelle est difficile à prévoir. Ce n'est pas parce que la loi est adoptée qu'il va nécessairement y avoir une convention constitutionnelle. Si un nouveau premier ministre était élu, ce nouveau premier ministre aurait le choix de prendre la décision de ne pas tenir d'élections ou de consultations, de dire et de répéter qu'il exercera sa discrétion, indépendamment des consultations. Donc, la création éventuelle d'une convention constitutionnelle reste tout à fait incertaine à ce stade. Je pense que c'est assez important de le dire.
    Pour ce qui est de la création en pratique d'une convention constitutionnelle à long terme, évidemment, il y aurait un changement profond dans notre système qui soulèverait des questions auxquelles on n'a pas nécessairement de réponses aujourd'hui. C'est tout à fait conforme à ce que j'ai exprimé dans mes remarques préliminaires.

[Traduction]

    Monsieur Murphy, il vous reste environ 20 secondes.
    En Nouvelle-Zélande, pourquoi a-t-on rejeté la proposition d'un sénat élu?
    La Nouvelle-Zélande est un petit pays non fédéral qui a aboli son sénat. L'Australie est beaucoup plus vaste et diversifiée; elle a une chambre haute, mais également un mécanisme de résolution des différends. Elle a un sénat selon la proposition « des trois e », et des dispositions du genre de celles dont vous avez parlé, monsieur Murphy, pour trancher les conflits. Je crois qu'elle peut tenir des séances mixtes des deux chambres, mais étant donné que les députés sont plus nombreux, ce sont généralement eux qui l'emportent.
    Je vous remercie.
    Monsieur Paquette.

[Français]

    Merci à vous deux pour vos présentations. J'avoue ne pas être un grand spécialiste du droit constitutionnel. Donc, je pense que vous pouvez nous éclairer énormément.
    Dans l'allocution qu'a faite le leader du gouvernement à la Chambre des communes devant le comité pour présenter le projet de loi C-20, on lit ce qui suit à la page 3:
Ce projet de loi a été soigneusement rédigé de manière à ce que le Sénat demeure une chambre de réflexion sereine et indépendante; et conserve ses caractéristiques foncièrement positives.

Les mesures législatives proposées sont conçues de manière à éviter tout changement de nature à nécessiter une modification constitutionnelle.

Cette souplesse a son importance. Elle permettra de garantir que des candidats sont disponibles pour combler les sièges qui se libéreront.

Pour la première fois dans l'histoire, les Canadiens dans tout le pays auront directement leur mot à dire sur le choix de leurs représentants au Sénat.
    Excusez-moi. Je pense qu'il y a des problèmes d'interprétation. Pouvez-vous ralentir un peu? Merci.
    Oui.
    Alors, on a vraiment l'impression que, devant les échecs répétés de réforme du Sénat, le gouvernement conservateur, qui en a fait un peu sa marque de commerce, a élaboré un projet de loi qui répond au principal écueil, soit justement la modification constitutionnelle qu'on pourrait habituellement attendre d'une réforme du Sénat. Donc, on a écrit le projet de loi de façon à ne pas toucher aux articles que vous avez mentionnés, l'article 24 par exemple, mais l'intention politique est quand même d'en arriver à un Sénat élu. Cela a été mentionné à plusieurs reprises.
     Par exemple, en ce qui concerne le projet de loi C-20, pour mener une consultation publique, il en coûterait 150 millions de dollars pour la première élection, selon le directeur général des élections, soit à peu près la moitié de ce que coûte une élection générale. Je verrais mal que le premier ministre, qui a proposé cette réforme, ne tienne pas compte des résultats de la consultation populaire. On fait indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire s'assurer d'un choix de candidats qui seront indirectement élus par les électeurs. Si on combine le projet de loi C-19, qui limite la durée des mandats à huit ans, et le projet de loi C-20, qui instaure une consultation populaire, on s'assure d'un renouvellement du Sénat.
    À mon avis, on est devant une réforme globale de ce qu'est le Sénat par rapport à la conception que les fondateurs du Canada en avaient.
    Je vous demande votre avis. N'avez-vous pas l'impression qu'on fait face à des projets de loi, le C-20 et le C-19, qui vont permettre au gouvernement et au Parlement, s'ils sont adoptés, de faire indirectement ce que la Constitution lui interdit de faire directement?
(1605)
    Évidemment, quand on parle de faire indirectement ce qu'on n'a pas le droit de faire directement, encore faut-il que la chose soit interdite et savoir dans quelle mesure est-elle interdite. Le projet de loi est proposé dans l'esprit, je pense, de ne pas modifier les caractéristiques essentielles du Sénat.
    On s'en servirait pour imposer par la porte d'en arrière des réformes qui ne peuvent pas être faites si on modifie l'article 24.
    On peut dire que la tentative de mettre sur pied une pratique constitutionnelle ou un usage constitutionnel est la prérogative d'un gouvernement. Le gouvernement qui suit a également la prérogative de ne pas suivre les mêmes règles. Selon les décisions des gouvernements successifs, on peut éventuellement établir l'existence d'une convention constitutionnelle, mais avant qu'elle n'existe, la transformation n'a pas lieu. Donc, il y a pas mal de choses qui doivent se produire avant qu'elle ait lieu.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que le projet de loi C-20 est plus suspect lorsqu'il est envisagé en combinaison avec le projet de loi C-19. Il devient un peu plus suspect parce qu'on voit ici une tentative de réforme qui devient un peu plus importante. C'est une chose, évidemment, que d'élire une personne qui va rester en place jusqu'à l'âge de 75 ans, mais c'est autre chose que d'élire une personne qui va rester durant 1 an, 5 ans, 8 ans, 12 ans. Ce n'est pas la même chose. Il faut évaluer chaque cas de figure très attentivement pour voir si on passe la barre de ce qu'il est constitutionnellement permis au Parlement de faire de manière unilatérale.
    Sur la question du projet de loi C-19, je ne partage pas la position de mon collègue Peter Hogg sur la pertinence ou la non-pertinence du Renvoi sur le Sénat. Je pense que le Renvoi sur le Sénat est encore pertinent pour interpréter la portée de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, donc, pour interpréter la portée du pouvoir unilatéral fédéral de modifier la Constitution fédérale. Cela dit, ça ne veut pas dire que le projet de loi C-19 va trop loin. Je développerai ce sujet si ça vous intéresse.
    Monsieur Hogg, voudriez-vous réagir un peu à cette idée? D'ailleurs, dans votre présentation, vous dites à la page 1: « De toute évidence, le projet de loi implique que le premier ministre aurait une obligation politique de respecter les résultats de la consultation qu’il a commandée [...] »
    On donne une souplesse dans le projet de loi pour contourner les règles constitutionnelles, mais vous êtes d'accord avec moi que, politiquement, on s'en va vers une réforme effective du Sénat.
    Donc, ne fait-on pas indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement?

[Traduction]

    Monsieur Paquette, cela s'en rapproche effectivement beaucoup.
    On peut invoquer deux arguments qui contribueraient à dissiper ces inquiétudes. Pour en revenir à ce que disait M. Murphy, le projet de loi à l'étude n'est pas avantageux pour le premier ministre, car il diminuera ses pouvoirs avec le temps.
    Du fait qu'il n'y a pas vraiment obligation, on ne peut tenir pour acquis que ce mode de sélection deviendra une convention durable. Donc, je crois qu'il est parfaitement légitime pour le Parlement actuel de traiter la formule comme un mécanisme facultatif, sachant qu'avec le temps, il deviendra probablement une convention.
    On peut aussi affirmer que le Parlement a effectivement le pouvoir de changer le Sénat et, au fil du temps, on s'attend que les institutions évoluent. Donc, on est en train de faire la transition vers une formule plus démocratique que ce que nous avions auparavant, mais qui, selon moi, ne porte pas atteinte à l'article 24 de la Constitution.
(1610)
     Monsieur Hogg, je vous remercie.

[Français]

    Je suis désolée, mais votre période de temps est écoulée.

[Traduction]

    C'est maintenant le tour de M. Angus de prendre la parole selon ma liste.
    Je crois que nous trouvons tous le débat d'aujourd'hui passionnant.
    J'aimerais demander à M. Gélinas, si le projet de loi C-20 imposait le processus de consultation comme mode de sélection des sénateurs, nous trouverions-nous ainsi à franchir la ligne?
    Quand on dit que les sénateurs sont sélectionnés au moyen d'une consultation, cela peut avoir deux sens. Cela peut vouloir dire qu'on change le pouvoir conféré au gouverneur général à l'article 24, auquel cas on franchit nettement la ligne, ou qu'on tente d'obliger le premier ministre à donner un avis conforme aux résultats du processus de consultation et, selon moi, on se retrouverait alors dans une zone grise.
    On pourrait, d'une part, soutenir que les pouvoirs du gouverneur général ne sont pas touchés, que l'article 24 ne concerne que les pouvoirs du gouverneur général et que ceux-ci n'incluent pas ce qui pourrait survenir avant qu'il se prononce.
    D'autre part, on pourrait soutenir que le pouvoir du gouverneur général aux termes de l'article 24 inclut le droit de recevoir l'avis du premier ministre et le droit d'obtenir un avis non contraignant.
    Par souci de clarté, actuellement, c'est le premier ministre qui décide s'il y aura consultation dans une situation particulière. Si le projet de loi impose la consultation à partir de telle date, le processus sera le seul mode de sélection à la dispositon du premier ministre. Monsieur Hogg, ne se trouve-t-on pas, alors, à franchir la ligne?
    Comme mon collègue, je trouve qu'il est difficile de répondre à pareille question. Cependant, si le premier ministre était tenu par la loi de recourir au processus et était également tenu par la suite d'en respecter le résultat — c'est ce que vous demandez à savoir en réalité —, il est vrai que l'article 24 n'est pas, au sens littéral, modifié. Cependant, il me semble qu'il devient alors très difficile de répondre à la question de M. Paquette, parce qu'il semble y avoir une transition obligatoire vers un Sénat élu, mais en contournant l'article 24.
    Selon le raisonnement de M. Paquette, on courrait à tout le moins le risque que le projet de loi soit déclaré inconstitutionnel s'il comportait ces deux éléments.
    Les Canadiens comprennent fort bien ce que le gouvernement tente de faire au moyen de ce projet de loi. Il tente d'obtenir un Sénat élu sans ameuter l'opposition qui s'active dès qu'il est question de toucher au Sénat.
    La plus grande interrogation concerne la légitimité du processus. Si l'on dit aux Canadiens qu'il y aura un processus de consultation, mais que le premier ministre n'est pas obligé de tenir compte du résultat, la légitimité fondamentale du processus est remise en question. Dans toute démocratie qui se respecte, l'acceptation des candidats choisis par scrutin n'est pas facultative, mais bien obligatoire. C'est la volonté exprimée démocratiquement des Canadiens.
    J'aimerais donc savoir quel est le plus grand risque: avoir un processus facultatif dont il n'est pas nécessaire d'accepter le résultat ou accepter le choix des Canadiens, quel qu'il soit.
(1615)
    Monsieur Hogg, aimeriez-vous répondre à cette question?
    Monsieur Angus, selon moi, par ce projet de loi, le gouvernement tente de créer l'attente d'une transition vers un Sénat élu, mais il fait de son imposition une décision d'ordre purement politique et, ainsi, évite le danger d'une contestation de sa constitutionnalité.

[Français]

    Monsieur Gélinas, avez-vous quelque chose à ajouter?

[Traduction]

    Il est fort probable que, même si le premier ministre était lié à la tenue de consultations et au respect de leurs résultats, la Cour suprême statuerait que c'est parfaitement légal en vertu de l'article 44. La possibilité existe, mais elle est beaucoup plus floue.
    Pour en revenir à la légitimité du processus qu'on nous demande d'approuver, des questions ont certes été soulevées au sujet du coût prohibitif de mettre en place un processus dont la mise en oeuvre est incertaine. Toutefois, que je sache, il n'existe pas d'autre régime démocratique dont les lois prévoient une obligation, une possibilité et une éventualité. Le principe d'obligation est fondamental à nos lois. Le gouvernement est tenu de faire ce que prévoit la loi.
    On nous demande constamment d'accepter le principe que le premier ministre serait probablement lié à la décision du peuple, mais il ne l'est pas forcément. Pouvez-vous me donner des exemples d'institutions démocratiques ailleurs dans le monde dont les membres sont élus et où l'acceptation des candidats dépend de la bonne volonté du premier ministre?
    Il n'y en a pas qui me vienne à l'esprit. Notre Sénat est un peu inhabituel, en ce sens que c'est un reliquat d'une époque où les valeurs démocratiques n'étaient pas aussi fermement ancrées. Naturellement, les membres de la Chambre des Lords continuent également d'y être nommés.
    J'ajoute qu'à des fins comparatives, ce n'est peut-être pas la Chambre des communes qu'il faudrait utiliser, mais bien la magistrature, pour laquelle il existe un processus de consultation et le premier ministre conserve jusqu'à la fin son pouvoir discrétionnaire. Voilà un exemple qui cadrerait mieux avec le Sénat que l'exemple des députés.
    Monsieur Angus, il reste assez de temps pour vous laisser poser une dernière question rapide.
    Je me demandais simplement, pour régler cette question une fois pour toutes, s'il ne vaudrait pas mieux demander aux Canadiens ce qu'ils pensent du Sénat, de sorte que nous puissions faire une véritable réforme. Estimez-vous que c'est une possibilité?
    Par voie... ?
    Nous pourrions organiser un référendum non contraignant ou déposer un projet de loi qui serait contesté de sorte que la Cour suprême pourrait décider si la tenue obligatoire d'élections dont il faut respecter les résultats relève du pouvoir du premier ministre et du Parlement. Ensuite, nous pourrions dépoussiérer cette institution et la faire entrer au XXIe siècle, plutôt que de faire ce que nous faisons actuellement, soit de semer la confusion.
    Manifestement, une pareille question relève exclusivement du domaine politique, et je n'ai rien de particulier à dire à son sujet.
(1620)
    La parole va maintenant à M. Reid.
    Merci, madame la présidente, et je remercie les deux témoins d'avoir accepté notre invitation.
    Nous commençons à recevoir des mémoires de différents groupes, et je suis en train de les lire. L'un d'eux soulève une préoccupation qui, selon moi, est sans fondement. Je vais demander à nos témoins ce qu'ils en pensent et, avec un peu de chance, ils me donneront raison.
    La Section nationale du droit constitutionnel et des droits de la personne de l'Association du Barreau canadien a déposé un mémoire dans lequel elle discute de la constitutionnalité du projet de loi. Elle n'arrive pas à se faire une idée.
    Toutefois, elle soulève une question. Je vous lis le passage:
    Il faut aussi se pencher sur les éventuelles répercussions à long terme d'un Sénat inconstitutionnellement « élu ». Si la constitutionnalité du projet de loi C-20 est contestée avec succès dans 20 ans et que le projet de loi est déclaré une tentative inconstitutionnelle en vue de modifier la Constitution du Canada, cela soulèverait plusieurs questions, y compris:
     — les sénateurs nommés, après la tenue d'élections consultatives, perdraient-ils leurs sièges?
     — les lois adoptées par le Sénat composé de sénateurs nommés, après le plébiscite, seraient-elles invalides?
    Voilà qui me semble une crainte irréaliste, mais j'aimerais que les témoins me le confirment.
    Je suppose que nous pourrions déjà nous trouver en eaux très chaudes, puisqu'il y a au Sénat au moins un sénateur nommé par suite d'une élection. S'il est inconstitutionnel de tenir compte du résultat d'une élection, nous aurions probablement déjà un problème.
    Pour en revenir à la question, votre comité va devoir décider si cela représente un risque grave d'inconstitutionnalité. Naturellement, le projet de loi pourra toujours être contesté. Je suppose qu'un candidat déçu pourrait contester le processus d'une manière ou d'une autre. Je ne crois pas qu'on remette sérieusement en doute la constitutionnalité dans 20 ans. Si cela était et qu'on décidait que la Chambre du Sénat est inconstitutionnelle, ce serait peut-être un peu comme le renvoi sur les droits linguistiques au Manitoba, où toutes les lois adoptées depuis 1896 ont été jugées inconstitutionnelles par la Cour suprême du Canada qui les a toutefois maintenues jusqu'à ce qu'on ait le temps de les modifier. J'imagine que c'est ce que la cour ferait pour éviter le chaos que provoquerait une décision qui invaliderait les lois prises depuis 20 ans.
    Je ne crois pas que ce soit là une véritable source de préoccupation. Naturellement, il est parfaitement raisonnable de se préoccuper de la constitutionnalité du projet de loi.
    D'accord.
    En ce qui concerne le précédent d'un sénateur nommé après une consultation, j'aimerais préciser qu'il n'est nulle part reconnu officiellement qu'on a tenu compte de la consultation. Le premier ministre était entièrement libre d'agir à son gré.
    Pour ce qui est du renvoi sur les droits linguistiques au Manitoba, lorsque la Cour suprême a réglé cette épineuse question, j'ajoute que l'assemblée législative était illégalement constituée en vertu de lois inconstitutionnelles — l'assemblée législative elle-même. Donc, la comparaison est évidente selon moi.
    Je vous remercie.
    Ma deuxième question concerne une suggestion qui a été faite dans le passé, l'idée qu'une solution de rechange aux élections est la nomination selon les recommandations des assemblées législatives provinciales. C'était effectivement une des options avancées dans le renvoi à la Cour suprême de 1980. La cour avait alors indiqué que cela violerait le principe de non-délégation. L'idée que la délégation ne devrait pas se faire n'a pas changé, je présume, à la suite de l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982 et de sa formule de modification. J'aimerais qu'on me confirme que cela invalide cette éventuelle alternative comme mode de sélection des sénateurs.
(1625)
    Qu'en pensez-vous, Fabien?
    Voilà une véritable consultation.
    Je ne suis pas convaincu que la Cour suprême verrait aussi sévèrement la question de la délégation réciproque, de sorte que je ne puis vous affirmer en toute certitude que cela tiendrait toujours.
    Je suppose qu'une alternative au projet de loi C-20, par exemple s'il y avait un vacance en Alberta, pourrait conférer au premier ministre le pouvoir de consulter l'Assemblée législative de l'Alberta. Je ne crois pas que ce serait très différent de ce qui est actuellement envisagé dans le projet de loi C-20. J'estime donc que ce serait probablement convenable, si l'on optait pour cette voie.
    J'ai une dernière question. Elle sera plutôt brève.
    Je tente aussi de savoir si une élection consultative constitue une véritable élection ou si le résultat peut être mis de côté. Le parallèle qui me vient à l'esprit est peut-être le meilleur — et je suppose que je vous demande si vous convenez avec moi que le parallèle est valable. Je parle du plébiscite de 1898 dans le cadre duquel une majorité de Canadiens ont voté en faveur de la prohibition. Une minorité plutôt importante s'est prononcée contre cette mesure et, naturellement, il y avait de profondes divisions régionales. C'est pourquoi le premier ministre d'alors a choisi de mettre de côté le résultat.
    Je me demande si, essentiellement, le premier ministre pourrait agir ainsi s'il repérait un problème quelconque. Ce que je demande en réalité, c'est de savoir si en fait il s'agit d'une élection consultative plutôt que d'un moyen de facto de faire indirectement ce qui ne peut être fait ouvertement, c'est-à-dire d'imposer une obligation au premier ministre et par conséquent au gouverneur général.
    Ce genre d'élection est certes de nature strictement consultative, parce que le projet de loi dit à la fin que le directeur général des élections fait rapport des résultats au premier ministre, de sorte que la décision est laissée au premier ministre.
    Monsieur Reid, je pourrais concevoir une situation dans laquelle l'élection a peut-être été irrégulière. C'est un peu difficile à imaginer, mais elle pourrait par exemple avait été empreinte de racisme; le premier ministre pourrait décider qu'il n'est pas disposé à en accepter le résultat. Aux termes du projet de loi à l'étude, il serait en droit de le faire, et je ne crois pas que le scénario soit tout à fait farfelu.
    Nous allons entamer notre tour de table de cinq minutes.
    Madame Fry.
    Je me suis exercée à dire ce que j'avais à dire au sujet du fait que je ne suis certes pas avocate. J'ai entendu M. Hogg, M. Gélinas et l'Association du Barreau canadien émettre trois opinions très différentes sur cette question. Je suppose qu'il est intéressant de constater qu'il est tout aussi facile d'ergoter au sujet de la loi que de couper les cheveux en quatre.
    Je ne vais pas aller plus loin parce que je ne suis pas avocate et que je ne m'estime donc pas en mesure d'en débattre. Cependant, j'aime voir des résultats; voilà en quoi j'excelle en tant que médecin. Pour moi, l'issue du projet de loi à l'étude sera très importante et, si elle change fondamentalement la façon dont fonctionne nos parlements, alors il faut se préoccuper de ce que sera le résultat. Savoir si l'on peut contourner la Constitution en affirmant que le premier ministre n'est pas obligé de respecter les résultats de ces élections... C'est une façon de contourner la question de la constitutionnalité, mais est-il valable et éthique de contourner les exigences constitutionnelles si le résultat va toucher les Canadiens?
    De plus, si l'on consulte la population et qu'on lui demande de voter, le peuple — qui représente une institution, si vous tenez à le voir comme tel — ou la société civile croira-t-elle qu'en votant, elle a accompli d'office son devoir démocratique et qu'il faut en tenir compte, ou est-ce facultatif?
    Tout cela étant dit, étant donné manifestement que le résultat est de démocratiser le régime — et nul ne s'y oppose, tous y sont favorables — étant donné ce que la Cour suprême a eu à dire au sujet de la façon fondamentale dont a été modifié le mode de sélection des sénateurs... C'est là le résultat final, soit de savoir si constitutionnellement on peut contourner les exigences pour réaliser un changement aussi fondamental. La façon dont fonctionnent le Sénat et la Chambre des communes va être fondamentalement modifiée.
    Je m'interroge tout d'abord au sujet de l'éthique d'agir ainsi, parce que c'est le résultat — quel est le résultat éthique recherché? —, puis je me demande si c'est une façon de faire démocratique; enfin, étant donné la façon dont le peuple s'est prononcé concernant l'accord de Charlottetown, si les Canadiens souhaitent vraiment que nous le fassions. À mon avis, il existe un processus différent, un processus plus démocratique et plus utile de le faire. Un des moyens, comme l'a proposé l'Association du Barreau, serait de faire un renvoi à la Cour suprême.
    Pourriez-vous me fournir certaines réponses au sujet de l'éthique, de la dimension démocratique de toute la question et, manifestement, me dire si la Cour suprême devrait se prononcer à ce sujet?
(1630)
    Qui sera le premier à répondre? Monsieur Gélinas, allez-y.
    Votre question présuppose que cela va changer le système. C'est un pas dans cette direction, c'est sûr, mais je ne crois pas que nous puissions tenir pour acquis que le régime sera modifié.
    Tout cela pourrait fort bien être un feu de paille. Le premier ministre suivant pourrait refuser de tenir des consultations pour nommer les sénateurs. Le premier ministre suivant, ou même l'actuel premier ministre, pourrait avoir un programme constitutionnel et commencer à négocier avec les provinces certaines choses qui changeraient toute la donne.
    Tout cela est de nature politique et ne modifie pas vraiment la réponse à la question sur le plan juridique. La question, sur le plan juridique, n'est bien sûr pas facile à trancher. Ce n'est pas toujours aussi clair qu'on pourrait s'y attendre. Il ne fait pas de doute que les principes politiques ont une influence sur les décisions dans les cas difficiles, et ceci pourrait éventuellement être un cas difficile si les deux lois sont adoptées. Je ne dis pas que c'est facile.
    C'est l'électorat qui trancherait en matière d'éthique. Si un premier ministre tient des consultations et, sans raison évidente, décide de ne pas tenir compte du résultat, il y aura un tollé, de l'indignation, et les élus en paieront le prix. Voilà ma réponse.
    Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
    Je suis d'accord avec tout ce que vient de dire mon collègue.
    J'ajouterais seulement un point concernant la question de savoir s'il faudrait faire un renvoi à la Cour suprême. Une pareille décision n'est pas bien sûr démocratique, mais on obtient ainsi une décision faisant autorité en matière de droit constitutionnel. Selon moi, la constitutionnalité du projet de loi est suffisamment claire pour qu'il ne soit pas vraiment nécessaire de le faire. Cependant, s'il y avait un doute raisonnable relatif à la constitutionnalité du projet de loi, il serait sensé de faire un renvoi à la Cour suprême et d'être fixé tout de suite.
    M. Gélinas a répondu à la question au sujet d'un résultat incertain. À nouveau, je suis peut-être particulièrement naïve, parce que je ne suis pas avocate, mais à mon avis, quand les résultats sont douteux, il faut faire bien attention quand on s'avance en terre inconnue.
    Vous n'êtes pas sûr de ce que seront les résultats, surtout quand les résultats peuvent fondamentalement modifier la nature de notre Parlement. C'est pourquoi il faut selon moi examiner attentivement le processus, parce que le résultat peut représenter un risque. Vous ignorez ce que sera le résultat; il pourrait être positif comme il pourrait être négatif. Il pourrait, de manière furtive, servir à élire un Sénat.
    Ce sont là des éléments qui me préoccupent, d'un point de vue éthique, quand on n'est pas sûr du résultat.
    Il s'agit de savoir à quel point on souhaite éviter le risque, et tous ont des tempéraments différents. Si c'est en réalité une question d'à quel point on souhaite contrôler le risque, les résultats ne sont jamais sûrs à 100 p. 100 — jamais. C'est en réalité une question de degré; du moins, c'est ainsi que je la vois.
    J'avais oublié de faire valoir un point en réponse à votre première question concernant la sagesse de faire un renvoi à la Cour suprême. À mon avis, le projet de loi C-19 est plus suspect que le projet de loi C-20 qui isolément ne donne naissance à aucun doute. Naturellement, si un renvoi est fait à la Cour suprême, il serait plus efficace de la saisir des deux en même temps, mais à nouveau, c'est là une décision politique.
(1635)
    Je vous remercie.
    La parole va maintenant à M. Chong.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question concerne le projet de loi C-20 à la lumière du renvoi de 1980 sur la Chambre haute et, plus particulièrement, certaines préoccupations provinciales qui ont été soulevées ici et antérieurement au sujet de ces mesures législatives. J'aimerais que vous répondiez tous deux à ces préoccupations et que vous nous donniez votre opinion.
    Le Québec a par le passé exigé que l'assemblée nationale joue un rôle dans la sélection des membres du Sénat du Canada et a également soulevé des points au sujet de la constitutionnalité du projet de loi C-20 durant les audiences du comité sénatorial. À cette audience du comité, M. Pelletier a fait remarquer que, selon lui, les projets de loi fédéraux visant la réforme du Sénat ne représentent pas de légers changements, mais bien un changement fondamental de la nature du Sénat.
    Donc, dans ce contexte et dans le contexte du renvoi de 1980, qui statuait que le gouvernement du Canada ne pouvait pas unilatéralement modifier les caractéristiques fondamentales du Sénat en matière de représentation régionale de même que ces autres particularités essentielles, êtes-vous d'accord ou pas avec l'opinion de M. Pelletier à ce sujet ou êtes-vous d'accord avec certaines de ces opinions et en désaccord avec d'autres?
    Vous pouvez peut-être nous dire ce que vous en pensez.
    Premièrement, si la consultation se faisait auprès des membres de l'assemblée législative d'une province particulière, ce serait une amélioration par rapport au projet de loi C-20. Je suppose que cela aurait pu être un autre mécanisme possible. Toutefois, si cette personne est convaincue que les nominations au Sénat devraient se faire en consultation avec l'Assemblée nationale du Québec, la consultation des Québécois serait sûrement, à tout le moins, un pis-aller, pas le meilleur choix. Et comme cela n'apporte pas de changements à la représentation du Québec au Sénat, qui est fort importante par rapport à sa population, il me semble qu'il n'y a pas différend fédéral-provincial important —  du moins, que je peux voir.
    Pour ce qui est du pouvoir du premier ministre de consulter, je ne crois pas qu'il existe dans les lois des limites à ce pouvoir; le premier ministre peut consulter les personnes qu'il souhaite avant de prendre une décision. Je ne crois pas que cela ait une influence sur la validité juridique, en termes constitutionnels, des décisions qui sont prises.
    Quant à l'impact du renvoi relatif au Sénat sur l'interprétation de la formule de modification de la Loi constitutionnelle de 1982, j'estime que le renvoi conserve toute sa pertinence. Il est pertinent, en ce sens que je ne vois pas de raison de croire qu'on s'était entendu en 1982 pour changer la loi au sujet du pouvoir du Parlement d'unilatéralement modifier le Sénat. Ce pouvoir existait dans l'article 91, devenu depuis lors l'article 44. Je ne crois pas qu'on souhaitait changer la loi au sujet du pouvoir unilatéral du Parlement.
    Cela étant dit, il est très difficile de déterminer si cette réforme particulière change les caractéristiques essentielles du Sénat, et je crois que la réponse serait différente selon que le mandat des sénateurs est renouvelable ou pas et selon sa durée. Le critère pertinent selon le renvoi sur le Sénat —  et je crois qu'il est toujours aussi pertinent —  est de savoir si ce sont des changements d'ordre purement administratif ou s'ils modifient les caractéristiques fondamentales.
    Il n'est pas facile de répondre à cette question, et je crois qu'à la fois la durée et le caractère renouvelable du mandat ont une importance particulière.
(1640)
    Je vous remercie.
    Monsieur Paquette.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Gélinas, vous vouliez émettre d'autres commentaires sur le projet de loi C-19. Voulez-vous profiter de l'occasion pour nous dire ce que vous en pensez?
    J'avais en effet abordé la constitutionnalité du projet de loi C-19. J'ai étudié ce projet de loi sous sa forme S-4. Dans la version actuelle, le mandat des sénateurs n'est pas renouvelable. Le fait qu'il soit renouvelable ou non est très important étant donné que pour l'évaluation des caractéristiques essentielles du Sénat, dont on parle dans le Renvoi sur le Sénat de 1980, il faut tenir compte du rôle joué par le Sénat et de l'importance de l'indépendance des sénateurs dans l'exercice de leurs fonctions au Sénat.
    À mon avis, il s'agit d'un aspect absolument fondamental. L'indépendance des sénateurs ne va pas dans le même sens que l'indépendance judiciaire. Toutefois, il s'agit d'une caractéristique fondamentale. Les sénateurs ne doivent pas se retrouver, comme les membres de la Chambre des communes, face à des élections ainsi qu'à des périodes courtes et déterminées. La question de l'indépendance, donc celle qu'il faut se poser, à mon avis, consiste à savoir si le mandat qu'on va accorder aux sénateurs va permettre à ceux-ci de continuer à assumer ce rôle détaché qu'ils ont joué jusqu'à maintenant dans le cadre du processus législatif. Demeureront-ils suffisamment indépendants pour que l'on puisse conclure que les caractéristiques fondamentales du Sénat n'ont pas été modifiées? À mon avis, la question est là.
    Je serais beaucoup plus à l'aise si le mandat des sénateurs était de 10 ou 12 ans. Je pense que cette période de huit ans constitue une zone grise. La décision est assez difficile à prendre. La Cour suprême se poserait cette question à savoir si les sénateurs seraient suffisamment indépendants pour que l'on puisse conclure que les caractéristiques essentielles du Sénat n'ont pas été modifiées par le projet de loi.
     Un mandat non renouvelable de huit ans permet quand même une indépendance assez importante. Prenons l'exemple du Conseil constitutionnel français. Il s'agit d'un organe semi-juridique et semi-politique dont les membres sont nommés pour un mandat non renouvelable de neuf ans. Ils sont considérés indépendants.
    Monsieur Hogg, on dit dans le document que vous avez déposé que la limite d'âge est de 75 ans selon la Constitution. Compte tenu de cela, le projet de loi C-19 constitue-t-il plus directement une modification à la Constitution?
(1645)

[Traduction]

    Oui, monsieur Paquette, cela constitue une modification à la Constitution, elle est néanmoins autorisée par l'article 44, qui permet au Parlement d'adopter des lois modifiant la Constitution du Canada en ce qui concerne le Sénat. Les seules exemptions visent les quatre points dont j'ai parlé plus tôt.
    Comme nous ne pouvons nous entendre au sujet du Sénat, laissons de côté cette question pour l'instant. Cependant, l'article 42 stipule que le Parlement ne peut modifier unilatéralement les pouvoirs du Sénat, le mode de sélection des sénateurs, le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée et les conditions de résidence qu'ils doivent remplir. Comme la durée du mandat n'a aucun rapport avec ces quatre éléments, le Parlement peut la modifier en vertu de l'article 44.
    À mon avis, le renvoi relatif à la Chambre haute est dépassé depuis l'entrée en vigueur de ces dispositions, car la Cour suprême du Canada a statué que le Parlement ne peut apporter unilatéralement des modifications portant atteinte à certaines caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat. Deux ans plus tard, la Loi constitutionnelle de 1982 précisait les mesures que le Parlement ne peut prendre unilatéralement, faisant ainsi contrepoids à la décision de la Cour suprême. Il est donc clair que cette dernière s'était montrée extrêmement vague.

[Français]

    Selon vous, on peut dire que le projet de loi C-20 ne touche pas les articles de la Constitution. Or, le gouvernement nous présente le projet de loi C-20 comme une réforme du Sénat.
    Je vais citer encore une fois, non pas mon auteur préféré, ce qu'il serait un peu exagéré de dire, mais le leader parlementaire du gouvernement que je préfère. Il dit ceci:
Je tiens cependant à ce que les membres du comité sachent que si les tentatives de réforme ne débouchent sur aucun changement [...] alors nous croyons qu'il faudra abolir le Sénat.
    Si je vous comprends bien, vous êtes d'avis qu'il ne s'agit pas d'une modification ou d'une réforme du Sénat sur le plan constitutionnel. En fait, vous croyez qu'il ne s'agit pas d'une réforme du Sénat, point à la ligne. Vous pensez qu'il s'agit tout simplement d'une réforme de la méthode de consultation à laquelle le premier ministre pourra recourir. Je veux dire de façon officielle. Est-ce que je me trompe?
    Le Parlement fédéral a un pouvoir de modification qui touche le Sénat en vertu de l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982. On peut dire que c'est une réforme du Sénat puisqu'il s'agit d'une disposition touchant le Sénat, même si ce n'est pas un changement à la Constitution. Donc, je crois que ça ne change pas grand-chose sur le plan de la terminologie.

[Traduction]

    Monsieur Moore.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins. Excusez-moi d'être sorti un instant et de poser des questions sur des sujets qu'on a peut-être déjà abordés.
    Monsieur Hogg, dans la conclusion du mémoire que vous avez remis au comité, vous dites qu'il serait vain de contester la mesure législative en cour pour des motifs constitutionnels, et que le Parlement du Canada a bel et bien le pouvoir d'adopter le projet de Loi C-20. Une fois adopté, ce dernier deviendrait une loi valide du Parlement, ce dont je conviens parfaitement.
    Je constate que dans vos déclarations préliminaires, vous n'avez pas abordé le point dont il est question au dernier paragraphe de la première page. J'aimerais donc qu'on revienne un peu là-dessus.
    On peut lire que la mesure législative ne couvre que le comptage des voix et le rapport au premier ministre, sans préciser si les candidats retenus sont élus ou désignés. Le projet de loi ne prévoit aucune obligation pour le premier ministre ou le gouverneur général. Vous poursuivez en disant que l'on suppose évidemment que le premier ministre serait obligé, d'un point de vue politique, de respecter les résultats de la consultation qu'il aurait lancée, mais qu'il ne le serait pas juridiquement parlant.
    Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette conclusion et pourquoi est-ce important pour la validité constitutionnelle du projet de loi?
    Eh bien, monsieur Moore, c'est important parce que si le premier ministre devait procéder à des consultations et qu'il était tenu par la loi d'en respecter les résultats, je crois que nous aurions une indication très claire — qui irait dans le sens des arguments de M. Paquette — que le Parlement fait indirectement ce qu'il ne peut faire directement.
    Je ne crois pas que ce soit concluant. Je conviens avec mes collègues que certains doutes demeureraient, mais c'est pour rester en terrain constitutionnel sûr que ces deux pouvoirs discrétionnaires ont été maintenus.
(1650)
    Certains — dont vous-même — ont laissé entendre que l'on tente, au moyen de ce projet de lui, d'arriver à ses fins pas des moyens détournés. Je ne suis évidement pas d'accord, car le projet de loi ne change en rien le mode de sélection des sénateurs par le premier ministre et le gouverneur général.
    Alors, où cette distinction devient-elle floue? Vous avez affirmé que nous restons en terrain parfaitement sûr. Qu'est-ce qui vous faire dire cela? Dans quelle situation le projet de loi pourrait-il dépasser les limites acceptables? Vous dites sans équivoque dans votre rapport et dans votre conclusion que le projet de loi semble clairement en terrain sûr.
    Je crois que l'on peut partir du fait que l'article 24 ne traite pas du pouvoir de nomination du premier ministre, mais bien de celui du gouverneur général. Il ne limite pas les modes de consultation que le premier ministre peut utiliser ni les opinions dont ce dernier peut tenir compte.
    La mesure législative ne fait que prévoir un mécanisme, purement optionnel, qui permet de sonder de manière officielle les préférences de l'électorat. Il n'ajoute rien aux mesures autorisées actuellement; il ne fait qu'officialiser la manière dont les consultations ont lieu, dans le cadre d'une élection générale ou provinciale, au moyen du scrutin à vote unique transférable, etc..
    Voilà pourquoi je dis que l'on est en terrain sûr — cette mesure est facultative et ne prévoit qu'un mécanisme de consultation qui n'est pas très différent de celui que le premier ministre peut employer actuellement.
    Si vous ou M. Gélinas souhaitez intervenir, vous pouvez le faire à tout moment.
    J'aurais une dernière remarque. Vous avez indiqué que le premier ministre pourrait être soumis à une obligation politique et non juridique, ce qui fait que le projet de loi reste en terrain sûr. Est-ce donc dire que peu importe la force de l'obligation, tant qu'elle n'est que politique, nous restons en terrais sûr du point de vue constitutionnel?
    Effectivement. Je conviens que lorsque qu'on consulte la population sur la constitution du Sénat, cette dernière s'attend à ce que son opinion soit respectée. C'est probablement ce que le premier ministre fera, et je ne vois rien qui soit contraire à l'éthique ou frauduleux là-dedans. Le premier ministre verra ces consultations du même oeil que les citoyens. Mais à dire vrai, il n'est pas tenu de respecter les résultats. Par exemple, dans des situations inhabituelles, comme la contamination d'un processus de consultation, le premier ministre pourrait choisir de ne pas respecter les résultats.
    Merci.
    Monsieur Angus.
    Je ne me souviens plus très bien qui nous a rappelé que le Sénat est une relique d'un passé beaucoup moins démocratique. Nous essayons encore de nous convaincre qu'il faut moderniser cette institution pour la faire cadrer avec le contexte beaucoup plus démocratique d'aujourd'hui. Mais la structure du Canada a énormément évolué. Les gouvernements provinciaux jouent désormais un rôle de plus en plus important dans la prestation de services. Les grandes agglomérations, les villes veulent devenir en quelque sorte des États de facto. Les intérêts régionaux prennent une importance accrue. Et M. Danny Williams sait certainement se faire entendre lorsqu'il défend les intérêts de Terre-Neuve-et-Labrador, qui est pourtant une petite province.
    Mais si nous avons trois ordres de gouvernement, dont deux très puissants, est-ce que le Sénat a perdu un peu de son influence pour contrebalancer le rôle du gouvernement fédéral?
(1655)
    Voilà une question entièrement politique.
    Et j'aimerais obtenir une réponse à l'avenant.
    Je vais essayer...
    Vous êtes libre de donner les réponses qui vous conviennent.
    Oui, bien sûr.
    En fait, je vais revenir en terrain plus sûr. Je dirais que depuis 1982, le rôle que jouait le Sénat et que l'on attendait de lui est aujourd'hui assumé pour une large part par la Cour suprême du Canada. Je crois que c'est de là que vient une partie du malaise qui règne au sein du Sénat. Ce n'est pas nécessairement une question qui devrait être analysée du point de vue de la démocratie.
    Personnellement, je ne crois pas que la démocratie se résume à appliquer la règle de la majorité tous azimuts. Nous sommes fiers d'avoir des tribunaux indépendants, où les juges ne sont pas élus; c'est une caractéristique absolument fondamentale de notre régime démocratique. Et je crois que le Sénat peut, dans une certaine mesure, jouer un rôle significatif. Il est vrai que la Cour suprême a assumé certaines des tâches du Sénat depuis 1982, ce qui ne signifie pas pour autant qu'il n'y a plus de place pour des gens qui n'ont as été nécessairement élus.
    Je suis heureux que vous ayez abordé la question du rôle de la Cour suprême, qui a certainement changé énormément pour ce qui est d'interpréter nos lois nationales.
    Je me demande comment nous réussissons, à notre époque, à conserver une relique comme le Sénat, dont les membres semblent souvent avoir été nommés de manière partisane. Si certains sénateurs ont été d'excellentes recrues, d'autres choix ont été plus douteux.
    Une voix: [Inaudible]
    M. Charlie Angus: Oui, mais à la Chambre des communes, nous devons rendre des comptes aux citoyens, et ce sont eux qui décident si nous sommes aptes à les représenter. Je sais que certains de mes amis du Parti libéral croient que le Sénat est une voie de garage pour les petits vieux du parti jusqu'à l'âge de 75 ans. Personnellement, je ne suis pas d'accord.
    D'aucuns diront que les sénateurs jouent un rôle important en protégeant les intérêts régionaux. Je connais le sénateur de ma région, le fameux Frank Mahovlich. Je dis « fameux », car c'était un joueur de hockey bien connu, le numéro 27. En passant, il est originaire de Schumacher — la même ville que le ministre de l'Industrie, Jim Prentice. Je n'ai rien à reprocher à M. Mahovlich, mais la seule fois que je l'ai vu dans ma circonscription, c'est au cours d'élections où il tentait de m'acculer à la défaite. Voilà à quoi se résume son rôle régional : à se promener en arborant bien haut le drapeau libéral.
    Je vous pose ces questions parce que je ne vois rien dans ce projet de loi qui nous permettrait de garantir la protection des intérêts régionaux. Par exemple, si cinq candidats se présentent en Ontario, ils peuvent venir de n'importe où. Rien n'indique qu'ils doivent être d'origine autochtone ou venir du nord, de la ville ou du sud-ouest rural.
    Comment pouvons-nous veiller à ce que le Sénat représente vraiment les prétendus intérêts régionaux si l'on n'intervient que de manière sporadique, un peu au hasard?
    Je ne crois pas qu'il existe une réponse à cette question. Si l'on prend comme exemple le Sénat de l'Australie, où un nombre égal de sénateurs est élu pour chaque État, les membres votent entièrement selon les lignes du parti. Il est difficile de voir si la protection des États d'où viennent les sénateurs a une importance quelconque. Notre propre Sénat fait de même et vote habituellement selon les lignes du parti. Il faut admettre que les sénateurs finissent souvent par jeter l'éponge parce qu'ils savent qu'ils ne sont pas élus et qu'ils ne devraient pas s'opposer à la Chambre des communes sauf pour des questions de haute importance. Mais je crois que l'influence des tendances du parti est incompatible avec la protection des intérêts régionaux.
(1700)
    J'ai une dernière question.
    C'était votre dernière, monsieur Angus.
    Monsieur Gourde.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins. Nous avons la chance aujourd'hui de recevoir des témoins de grande qualité.
    Je ne suis pas constitutionnaliste; je suis plutôt une personne du peuple. Les gens de ma circonscription et moi-même croyons qu'un Sénat élu serait plus représentatif des valeurs canadiennes. Cependant, je me pose des questions. Vous me corrigerez si je me trompe, parce que je ne comprends pas tout.
    Concernant le pouvoir de nomination, j'ai cru comprendre que même dans le cas où l'on réussirait à obtenir un Sénat élu, l'article 24 ramènerait pratiquement les choses à leur état d'avant, sauf que le premier ministre pourrait suivre la liste de nomination ou en faire carrément abstraction. L'idée que les gens élus par le peuple ne correspondent pas à ce que veut le premier ministre m'inquiète. Au point de vue moral, quelle serait l'obligation de ce dernier face au Parlement en ce qui concerne cette liste?
    Si on désire un Sénat élu, on peut utiliser la procédure de modification constitutionnelle, qui exige d'obtenir l'assentiment des provinces, et modifier le Sénat pour le rendre électif. Il n'y a aucun empêchement juridique à cela.
    Je ne pensais pas obtenir une réponse aussi simple.
    Monsieur Hogg, abondez-vous dans le même sens?

[Traduction]

    Je reconnais que nous pourrions passer à un Sénat élu si nous mettions en oeuvre la procédure de modification. Mais, comme je l'ai dit plus tôt, si on tient des consultations et que le premier ministre se retrouve avec une liste de représentants que les électeurs souhaitent voir au Sénat, il aura l'impression d'avoir l'obligation morale et politique de respecter ces préférences dans la grande majorité des cas. Il est donc peu probable qu'il décide, sur un coup de tête, de nommer son candidat favori, car il aurait à en subir les conséquences politiques.

[Français]

    Concernant l'article 24, je comprends que le Gouverneur général propose des noms à inclure dans la liste des premiers ministres. Ai-je mal compris?
    C'est le Gouverneur général qui procède à la nomination, juridiquement, toujours sur l'avis du premier ministre.
    Pour ce qui est de la moralité, cela revient à la distinction qu'on fait entre un impératif juridique et un impératif politique, dont M. Moore a parlé. Il est utile de rappeler la différence entre ces deux sortes d'impératifs politiques. L'impératif politique résulte des promesses faites par un politicien, alors que l'impératif juridique a une force normative beaucoup plus importante. Ce dernier impératif correspond aux conventions constitutionnelles, ou constitutional propriety, ce qui est autre chose. Ce n'est pas simplement la crainte de perdre des voix; c'est un sentiment d'obligatoriété qui tient à ce qu'on juge obligatoire au sens de la Constitution du Canada. Donc, si une convention finit par naître d'une pratique, elle devient obligatoire dans un sens aussi fort que le sens juridique, mais dont la sanction est différente. Il est important de maintenir cette distinction quand on parle d'une obligation morale.
    En pratique, cela signifie que le premier ministre actuel aurait une obligation morale de suivre sa politique, mais cela ne voudrait pas dire que le premier ministre qui lui succédera devra suivre la même pratique. Il n'aura peut-être aucune obligation morale de faire la même chose. Si c'est le cas, il peut tout simplement ne pas tenir de consultations, comme c'est tout à fait possible en vertu du projet de loi.
(1705)
    Monsieur Hogg, voulez-vous ajouter un commentaire?

[Traduction]

    Je ne puis rien ajouter de plus. J'abonde dans le sens de mon collègue.
    Merci.
    Monsieur Maloney.
    Notre système est-il défaillant? Et pourrons-nous l'améliorer avec ce projet de loi? Avons-nous un motif justifiant la mise en place d'un Sénat hybride? Est-ce que cela changera vraiment les choses, en dehors du fait que les contribuables canadiens débourseront 150 millions de dollars pour qu'un groupe de travail mette cette institution en place?
    Qu'en pensez-vous? Est-ce que les choses seront différentes?
    Cela prendra évidemment beaucoup de temps, car tous les sénateurs actuellement en poste bénéficient de droits acquis et ne prendront pas leur retraite avant l'âge de 75 ans. Mais un jour viendra où les membres du Sénat auront un mandat de huit ans, si le projet de loi C-19 est adopté, et où l'on procédera à des consultations pour les remplacer.
    Ils auront l'impression d'être investis du pouvoir politique d'un organisme élu. Voilà qui nous ramène aux questions qui préoccupaient M. Murphy au début. Il a dit craindre que pour cette raison, le Sénat ne gagne en assurance et en puissance. Je crois que ce sera effectivement le cas.
    Nous pourrions nous retrouver dans une impasse, que la mesure législative ne permet pas d'éviter.
    C'est vrai.
    Monsieur Gélinas.
    Ici encore, ce n'est une impasse qui si un projet de loi ne devient pas une loi du Parlement. Cela permet d'une certaine manière d'éviter l'impasse. Je crois que c'est important de la préciser.
    M. Angus a abordé la question le rôle du Sénat dans la représentation des intérêts régionaux et des minorités. Est-ce que cette mesure législative limite ou renforce ce rôle? Restera-t-il le même? Peut-on nous assurer d'une meilleure représentation des régions et des minorités?
    Je ne fais là que des suppositions, mais si le nombre de membres élus s'accroît au Sénat, l'influence des partis politiques augmentera, et elle est déjà considérable. Comme je l'ai déjà dit, la discipline de parti et la protection des minorités ne font pas bon ménage. Je crois qu'on aura tendance à suivre les politiques nationales du parti porté au pouvoir.
    À votre avis, est-ce que l'augmentation de la partisanerie — l'influence accrue des partis politiques — est-ce une bonne ou une mauvaise chose?
    C'est une question vraiment politique.
    Voilà qui dépasse l'étendue de mes connaissances.
    Vous feriez un excellent politicien.
    Au Royaume-Uni, la Chambre des lords s'est dite en faveur, dans un livre blanc publié en 2007, d'une combinaison de membres élus et nommés, en faisant valoir qu'une chambre entièrement élue aurait tendance à ressembler à la Chambre des communes. En agissant ainsi, on risquerait de favoriser la partisanerie à la Chambre et de transformer cette dernière en un bloc permanent ou un instrument servant à faire adopter les politiques du gouvernement au pouvoir.
    Nous parlons ici d'un Sénat hybride. Avez-vous déjà envisagé un organisme composé de membres élus et nommés?
(1710)
    Ce ne serait pas pour demain, vous savez, car tous les sénateurs en poste bénéficient de droits acquis. Donc, si l'on tient des consultations pour avoir de nouveaux sénateurs, le Sénat comprendra des membres choisis dans le cadre de ces consultations et d'autres qui auront été nommés selon la méthode normale, avant l'adoption du projet de loi. On se retrouvera ainsi avec une sorte de laboratoire social, pour ainsi dire, et l'on verra bien comment cela fonctionnera. Peut-être que dans l'avenir, on se rendra compte que ce n'est pas si mal.
    Il est très difficile de répondre à cette question maintenant.
    Monsieur Gélinas.
    J'aimerais ajouter quelque chose au sujet de la diversité. Si je me souviens bien, le Sénat était plus diversifié que la Chambre des communes, du moins dans un passé récent, ce qui est évidemment une conséquence du jeu des partis. Donc, si les sénateurs sont élus ou désignés après des consultations entachées de partisanerie et tout ce qui s'ensuit, il me semble que nous risquons fort de voir la diversité diminuer au sein du Sénat. C'est pourquoi, personnellement, je ne suis pas favorable à la réforme.
    Merci, monsieur Gélinas.
    Nous passons à M. Goodyear pour la dernière série de questions.
    Merci, madame la présidente.
    Par votre entremise, madame la présidente, je remercie nos invités d'être venus. Nous avons eu des discussions très intéressantes sur ce projet de loi.
    J'ai un commentaire à formuler, puis une question à poser.
    Comme j'ai voyagé avec le groupe parlementaire du Commonwealth, j'ai eu l'occasion d'aller dans certains des plus petits pays membres de cette organisation: la Barbade, les îles Turks et Caicos, etc. J'ai remarqué que plusieurs sont dirigés par, disons-le franchement, un petit nombre de députés -- 15 et parfois 8 ou 11. Même si ces personnes font un excellent travail, il m'a semblé évident qu'il leur faudrait probablement une deuxième chambre haute, une institutions qui pourrait jeter un second regard sur certaines décisions. En revanche, avec un Parlement aussi imposant que le nôtre, fort de 308 députés disposant de nombreuses ressources -- des attachés de recherche, des analystes, des témoins et des fonds pour faire comparaître des experts tels que vous -- je ne suis pas convaincu que le Sénat ait encore sa place.
    Comme vous l'avez fait remarquer, les institutions tendent à évoluer avec le temps, et le moment est peut-être venu pour le Sénat de changer. C'est une décision difficile qui continuera d'alimenter les débats, mais je tenais à le souligner.
    Ma question est la suivante: j'ai lu le projet de loi C-20 et j'ai compris quels étaient les problèmes du point de vue de la constitutionnalité. Mais si je vous ai bien compris, au bout du compte, la mesure législative ne violerait pas directement la Constitution. Diriez-vous que ce serait un progrès important de la démocratie, accompli selon les règles de l'art pour un Sénat qui serait un meilleur reflet du pays, des besoins de la population et des opinions des Canadiens, un progrès vers une réforme démocratique du Sénat qui n'enfreindrait pas la Constitution? Qu'en pensez-vous?
    Personnellement, je considère que ce serait un progrès important dans la mesure où nous modifierions probablement les attentes de la population. Nous les changerions d'une manière qui s'appuierait sur une notion de démocratie que nous n'avons pas encore définie, à mon avis. Mais tout cela reste à voir, bien sûr.
    Par exemple, certaines questions se poseront: convient-il que la plupart des membres du Cabinet viennent du Sénat? Quel sera le rôle relatif du Sénat à la Chambre des communes? Je ne crois pas que nous y ayions suffisamment réfléchi; il demeure néanmoins que les Canadiens s'attendront fort probablement à avoir un Sénat élu.
(1715)
    Je crois que nous nous dirigeons vers un Sénat élu. Les autres pays fédéraux ont habituellement une Chambre haute, généralement constituée de membres élus. C'est notamment le cas de l'Australie et des États-Unis.
    Pour ce qui est des petits pays, j'ai visité le Sénat des Bahamas il y a quelques années au cours d'un voyage. La dizaine de sénateurs, réunis dans une salle ayant environ la moitié de la superficie de celle-ci, cherchaient à savoir s'il fallait autoriser la diffusion de l'émission d'Oprah Winfrey à la télévision publique. C'était absolument édifiant. Quelle second regard!
    Et c'étaient des membres élus.
    L'observation est fort opportune.
    Il faudrait que les Sénats des pays du Sud accueillent plus de visiteurs.
    Me reste-t-il du temps?
    Il vous reste une minute.
    Je serais heureux de la partager avec mon collègue.
    J'ai moi aussi observé qu'en Australie, le Sénat est très partisan. Certains d'entre nous se sont rendus là-bas et ont été accueillis par le greffier du Sénat australien, qui a confirmé la nature extrêmement partisane de cette institution. Toutefois, il nous a également fait remarquer que c'était le résultat du mode de scrutin particulier du pays, qui permet aux électeurs de changer la donne avec un simple crochet. Environ 90 à 95 p. 100 des électeurs le font.
    Tous les États australiens ont un régime bicamériste. Certains ont adopté des méthodes qui semblent assurer une certaine protection contre la partisanerie excessive, où les gens peuvent se faire élire à titre personnel. Comme plusieurs candidats se présentent en même temps, on se retrouve parfois avec des candidats plutôt indépendants au sein de leur propre parti — ou même carrément indépendants. Le meilleur exemple de ce mécanisme se trouve en Tasmanie, où la chambre haute jouit d'une plus grande indépendance et est bien moins partisane.
    Vous aurez constaté que je ne pose pas une question; j'énonce un fait. Mais conviendrez-vous avec moi que nous pourrions mettre en place un mécanisme semblable à celui de la Tasmanie pour, par exemple, empêcher les partis de décider de l'ordre des candidats sur les bulletins de vote? Nous bénéficierions alors d'un processus d'investiture ouvert plutôt que fermé, et les gens seraient élus en fonction de leur mérite et non parce qu'ils sont les pions des chefs de partis.
    Lorsque j'ai lu le projet de loi C-20, je n'ai pas bien compris comment tout cela allait fonctionner. J'ai remarqué que le processus d'investiture ne se limiterait pas aux partis; il y aura donc forcément des candidats indépendants. Je me demande cependant si ces derniers peuvent se faire élire sans l'appui d'un parti? Il sera intéressant de voir ce qui se passe et si les candidats ont vraiment besoin d'un parti pour se retrouver en tête de liste. Si ce n'est pas le cas, le Sénat sera composé de membres indépendants, ce qui réduira, dans une certaine mesure, la partisanerie des institutions politiques.
    Monsieur Hogg, c'était votre dernière intervention.
    Je tiens à remercier nos invités pour leurs exposés détaillés. Comme vous pouvez le voir, notre comité est rempli de personnes studieuses qui feront bon usage de vos conseils. Merci d'être venus.
    La séance est levée.