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Merci, madame la présidente.
Bonjour à tous.
Je voudrais d'abord remercier les membres du comité de l'invitation qui m'est faite de participer ainsi à ses travaux. C'est un honneur et un plaisir. Pour ce qui est du plaisir, évidemment, cela reste à voir.
Je n'ai pas été en mesure de préparer un rapport écrit, ce dont vous me voyez désolé, mais je suis venu avec quelques notes que j'ai remises à la greffière pour faciliter le travail des interprètes et, donc, le travail des membres du comité.
Il s'agit ici d'apporter un éclairage sur le projet de loi .
Afin de me mettre en mesure d'apporter une perspective suffisamment large au comité, j'ai suivi les développements qui ont entouré le projet de loi , qui est maintenant le projet de loi , portant sur la durée du mandat des sénateurs. À cette occasion, j'ai d'ailleurs pu lire avec intérêt les commentaires apportés par le professeur Hogg ici présent et que je salue.
Les deux projets de loi concernant la réforme du Sénat ressemblent à bien des égards aux amants les plus connus de la dramaturgie occidentale, c'est-à-dire Roméo et Juliette, puisqu'on peut se poser la question à savoir s'ils sont vraiment destinés l'un à l'autre. Vont-ils jamais se retrouver ailleurs que dans l'au-delà? C'est une autre question qui vient à l'esprit. La mort de l'un, réelle ou simulée, provoquera-t-elle celle de l'autre? Ce sont toutes des questions qui se posent. Évidemment, tous les scénarios sont encore possibles à cette étape.
Je me propose donc de concentrer mes remarques initiales sur le projet de loi envisagé séparément et isolément de l'autre projet de loi, et d'élargir le sujet de mes commentaires lors de la discussion, si les membres du comité le jugent utile.
Étant constitutionnaliste, je me suis naturellement posé la question de la validité constitutionnelle du projet de loi. Au sens juridique, la réponse me paraît assez simple. Le projet ne change, en apparence, aucune des dispositions de la Constitution telles qu'entendues à l'article 52 de la Loi constitutionnelle de 1982. La procédure de modification constitutionnelle des articles 38 et suivants de cette loi, y compris l'article 44, n'est donc pas engagée. Elle ne s'applique tout simplement pas.
Néanmoins, dans notre système politique, chacun est en mesure d'apprécier les limites des dispositions juridiques enchâssées. Il est évident que l'adoption du projet de loi risque d'avoir un impact majeur sur le fonctionnement et l'équilibre de nos institutions politiques. Cet impact se fera sentir par l'effet de la normativité constitutionnelle dite conventionnelle, ou les conventions de la Constitution, qui sont des règles non écrites et non juridiques mais néanmoins obligatoires.
Puisqu'il s'agit du choix des sénateurs, la problématique qui se pose ici peut se résumer en partant de l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui donne au Gouverneur général le pouvoir juridique exclusif de nommer les sénateurs. L'article 24 ne fait bien sûr aucune mention du premier ministre, même si on parle souvent de façon informelle d'une nomination des sénateurs par le premier ministre.
On sait que les conventions relatives au gouvernement responsable prévoient que le Gouverneur général n'exerce la plupart de ses pouvoirs qu'avec l'avis de ses ministres. Les conventions précisent que le pouvoir particulier qui est visé à l'article 24, celui de nommer les sénateurs, s'exerce conformément à l'avis du premier ministre. Il s'agit de l'une de ces prérogatives dites particulières.
Le pouvoir juridique enchâssé dans la Constitution appartient donc au Gouverneur général. Et en raison d'une convention constitutionnelle, il ne peut l'exercer qu'en accord avec l'avis du premier ministre. Cette convention a pour raison d'être le principe du gouvernement responsable, qui est une manière propre au régime parlementaire de type britannique d'assurer la mise en œuvre du principe démocratique.
Le projet de loi à l'étude organise les modalités d'une consultation facultative qui pourrait prendre des allures d'élections pour les sénateurs. Ces dispositions n'imposent aucunement au Gouverneur général de nommer les sénateurs les plus populaires au terme de la consultation. Elles n'imposent même pas au premier ministre de suivre le résultat de la consultation en formulant son avis au Gouverneur général. Aucune obligation, en fait, n'est imposée au Gouverneur général ou même au premier ministre. L'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 est donc intacte.
Comme je l'ai déjà évoqué, le projet risque d'avoir un impact important sur les conventions de la Constitution. Le premier ministre actuel est presque forcé, du point de vue politique, de se déclarer lié par le résultat de la consultation. S'il se déclare en effet lié, avant ou après l'adoption de la loi, et qu'il procède ensuite à des nominations en conséquence, il jette manifestement les bases d'une convention constitutionnelle. Cette dernière se confirmerait, à mon avis, seulement si son successeur acceptait de se plier aux mêmes règles.
Pour établir l'existence d'une convention, on considère généralement qu'il faut des précédents, un sentiment d'obligatoriété chez l'acteur politique concerné et une raison à la règle. Ce que je voudrais faire ressortir ici concerne cette raison de la norme constitutionnelle qui nous intéresse.
La raison d'être de la règle conventionnelle qui transfère le pouvoir du Gouverneur général prévu à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 au premier ministre, c'est le principe démocratique. La raison d'être de la règle conventionnelle qu'on cherche apparemment à créer ici et qui transférerait le pouvoir des élus — le pouvoir du premier ministre ayant la confiance de la Chambre des communes — aux électeurs, c'est-à-dire la population qui sera consultée, c'est encore le principe démocratique. Le concept de la démocratie se retrouve d'ailleurs au premier paragraphe du préambule du projet de loi. Ce sont deux conceptions distinctes — et c'est ce que je veux faire ressortir ici — ou à tout le moins deux manières bien différentes de mettre en oeuvre le principe de la démocratie. La première manière emprunte la voie pavée et connue du gouvernement responsable devant la Chambre des communes; l'autre ouvre une voie encore largement inexplorée dans notre système politique.
La Cour suprême a déjà eu l'occasion de s'interroger sur la protection offerte par le droit constitutionnel aux règles du gouvernement responsable. Le principe du gouvernement responsable est très certainement, mais dans une mesure incertaine, enchâssé dans la Constitution et protégé d'une modification unilatérale par le Parlement, ou par une assemblée législative provinciale dans le cadre d'une modification d'une constitution provinciale. Cette protection est assurée, pour le fédéral et pour les provinces, par l'article 41 de la Loi constitutionnelle de 1982, qui exige, comme vous le savez, l'unanimité pour modifier des charges de Gouverneur général et de Lieutenant-gouverneur. C'est une manière de protéger constitutionnellement le principe du gouvernement responsable. Dans le cas du Sénat, cette protection est prévue à l'article 42 de la procédure de modification constitutionnelle, qui protège l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867 d'une modification unilatérale.
Cela m'amène à dire que si le projet de loi allait plus loin dans le contrôle des modalités de la décision du Gouverneur général selon l'article 24, il entrerait dans une zone d'incertitude sur le plan constitutionnel.
Mais à mon avis, ce n'est pas le cas ici. Si on envisage le projet de loi isolément et dans sa forme actuelle, je crois qu'il n'y a rien à redire sur sa validité constitutionnelle.
Sur le plan politique, en revanche, je dirai pour en finir que l'idée qui sous-tend la réforme envisagée mérite qu'on s'y attarde sérieusement, car même si elle se réclame du principe démocratique, elle implante dans notre système un élément étranger dont les conséquences n'apparaissent pas, ou du moins ne m'apparaissent pas, suffisamment claires.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, madame la présidente, et monsieur Gélinas.
Je suis à peu près du même avis que mon collègue, et j'essaierai de revenir sur le point qu'il a soulevé, mais avant, permettez-moi d'exposer mon raisonnement, qui est assez limpide.
À mon avis, le constituerait une loi du Parlement en bonne et due forme. Il échappe aux contraintes de l'alinéa 42(1)b), selon lequel il faut procéder à un amendement pour changer le mode de sélection des sénateurs, puisqu'il ne modifie pas véritablement l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867.
On pourrait avancer — et ce n'est pas la position prise par M. Gélinas — que le n'est essentiellement qu'une modification apportée au mode de sélection des sénateurs et qu'il est par conséquent inconstitutionnel selon l'alinéa 42(1)b). À mon avis, la Cour suprême du Canada rejetterait cet argument, parce que le pouvoir de nomination que confère l'article 24, uniquement au gouverneur général, n'impose aucune restriction quant aux consultations que le premier ministre doit faire ni aux facteurs qu'il doit prendre en compte avant de recommander une nomination au gouverneur général.
Par exemple, le premier ministre pourrait dès maintenant, s'il le voulait, commander un sondage informel pour connaître les préférences de l'électorat quant à la recommandation d'une nomination pour une province donnée. Le premier ministre pourrait, s'il le souhaitait, et il l'a déjà fait, respecter le choix de l'électorat exprimé à l'occasion d'une élection provinciale, comme c'est le cas pour les nominations de l'Alberta, qui a tenu des élections pour le Sénat.
En fait, le ne fait que permettre au premier ministre de tenir des consultations formelles. Comme vous le savez, rien n'oblige le premier ministre à lancer un processus de consultation formel; le projet de loi en laisse l'entière discrétion au gouverneur en conseil. S'il le fait, il n'est pas non plus tenu d'en respecter les résultats dans ces recommandations de nomination.
Je reconnais — et sur ce point je rejoins M. Gélinas —, tout comme une cour le reconnaîtrait, qu'une fois que le Parlement aurait mis sur pied le processus complexe que propose le , il est probable qu'aucun premier ministre ne continuerait de faire ses nominations comme avant. Cependant, il s'agit là d'une question politique et non juridique. La situation pourrait être différente si le forçait le premier ministre à suivre le processus de consultation obligatoire, puis à faire sa recommandation en fonction des résultats. Toutefois, comme nous le savons, le ne prévoit rien de tel. Il donne simplement au premier ministre un moyen pour consulter l'électorat, mais il ne l'oblige pas à l'utiliser ni à respecter les résultats obtenus.
Pour en revenir au point soulevé par M. Gélinas, l'article 24 n'a jamais eu pour but de contrôler la partie du processus décisionnel qui précède la nomination d'un sénateur par le gouverneur général. Donc, même si les premiers ministres en venaient à utiliser systématiquement le processus et, comme l'a laissé entendre M. Gélinas, s'il devenait même une nouvelle convention selon laquelle les nominations se feraient toujours en fonction de ce processus néanmoins facultatif, cela ne changerait rien à l'article 24. Celui-ci ne fait aucune mention des conventions entourant ce qui précède la nomination, lesquelles peuvent évoluer au fil du temps. Si on en venait à changer la convention, l'article 24 continuerait de s'appliquer comme avant. Cela veut dire que le gouverneur général ferait tout de même les nominations, peu importe qui, par convention, lui présenterait des recommandations.
Permettez-moi de soulever un autre point qui a été abordé au cours de vos délibérations précédentes. Dans le renvoi relatif à la Chambre haute de 1980, la Cour suprême du Canada a statué que le Parlement ne pouvait modifier unilatéralement les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat.
Je sais que certains ont laissé entendre que tout projet de loi — par exemple, celui sur la limite du mandat — modifiant les caractéristiques fondamentales ou essentielles du Sénat échapperait au pouvoir du Parlement. J'aimerais en parler brièvement, parce que je suis convaincu que vous y reviendrez.
Le renvoi relatif à la Chambre haute est une décision rendue en 1980, avant l'adoption de la Loi constitutionnelle de 1982. Il s'agissait du renvoi par le gouvernement du Canada à la Cour suprême d'une série de questions sur la portée du pouvoir qu'a le Parlement de modifier la structure du Sénat, y compris de prévoir la tenue d'élections. La cour a donné des réponses plutôt générales — puisqu'on ne lui avait ni posé de questions bien précises, ni présenté un projet de loi — qui portaient principalement sur la protection des dispositions sur la représentation régionale et provinciale au Sénat. Le projet de loi n'a bien entendu aucune répercussion sur celles-ci.
Ce qu'il faut retenir, c'est que ce n'est plus pertinent. La décision a été rendue en 1980, alors que la Loi constitutionnelle de 1867, la seule mesure législative applicable en cas de réforme du Sénat, ne prévoyait rien quant au pouvoir du Parlement en la matière. La cour a donc établi des règles générales, étant donné que la Constitution n'en faisait pas mention. Évidemment, le cas a été repris par la Loi constitutionnelle de 1982, qui précise maintenant expressément ce qui a été soustrait au pouvoir unilatéral du Parlement. Un de ces éléments, comme nous l'avons vu, est le « mode de sélection des sénateurs ». Ensuite, il y a « les pouvoirs du Sénat », « le nombre des sénateurs par lesquels une province est habilitée à être représentée » et « les conditions de résidence que les sénateurs doivent remplir ». Tous sont énumérés à l'article 42, et assujettis à la formule 7/50 régissant les modifications constitutionnelles.
Ces dispositions explicites constituent maintenant la loi constitutionnelle en vigueur applicable en cas de réforme du Sénat. La seule disposition pertinente est le mode de sélection des sénateurs, et j'ai déjà expliqué pourquoi elle n'a pas d'incidence sur le projet de loi .
Ma conclusion est que le Parlement du Canada a le pouvoir d'adopter le projet de loi C-20, et que s'il le faisait, il s'agirait d'une loi du Parlement valide.
Merci, madame la présidente.
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Merci, madame la présidente.
Merci également aux témoins.
J'aurais quelques questions d'ordre général au sujet de la concurrence entre deux chambres élues et de l'expérience internationale, mais j'y reviendrai dans un instant. Je voudrais d'abord donner...
[Français]
l'occasion au professeur Gélinas de répondre à ce que laissait entendre le professeur Hogg, à savoir que si une convention constitutionnelle s'établit après que deux ou trois premiers ministres auront choisi d'entériner la sélection des électeurs, cela n'impliquera pas du tout l'article 24 de la loi.
[Traduction]
Je vais continuer en anglais, ce sera plus clair. M. Hogg a laissé entendre — et vous ne vous êtes pas avancé aussi loin dans votre déclaration — que si, après avoir demandé aux électeurs de se prononcer et avoir imposé à Élections Canada et aux contribuables le coût de la mise en place du processus de sélection, un premier ministre décidait de recommander les candidats élus, et que si, après quelques mandats, ou même un seul, on en faisait une convention constitutionnelle, cela n'aurait aucun effet sur le pouvoir de nomination des sénateurs, et donc ne poserait pas de problème.
Qu'en pensez-vous?
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C'est très clair, et je vous en remercie.
Maintenant, pour en revenir à ma question d'ordre général, il semblerait que si on applique ce projet de loi à la lettre, il n'aura aucune influence sur la Constitution. D'accord. Cependant, sur le plan politique, il y a fort à parier que les premiers ministres utiliseront ce processus de sélection et, du coup, changeront directement la méthode par laquelle les sénateurs sont élus ou choisis.
Par conséquent, on peut s'attendre à se retrouver d'ici peu avec deux chambres élues démocratiquement. Je ne veux pas m'avancer trop en parlant de l'Australasie, de la Nouvelle-Zélande et de l'Australie, mais je crois qu'en Nouvelle-Zélande, cette réforme n'est jamais passée, parce qu'on ne voulait pas d'un sénat élu. En Australie, les deux chambres détiennent des pouvoirs tout à fait distincts, comme aux États-Unis, étant donné le droit de veto du président.
Rapidement, dans notre système, comment faire si le Sénat et la Chambre des communes, tous deux élus, se retrouvent dans une impasse? J'aimerais que vous répondiez tous les deux, si le temps nous le permet.
Alors, on a vraiment l'impression que, devant les échecs répétés de réforme du Sénat, le gouvernement conservateur, qui en a fait un peu sa marque de commerce, a élaboré un projet de loi qui répond au principal écueil, soit justement la modification constitutionnelle qu'on pourrait habituellement attendre d'une réforme du Sénat. Donc, on a écrit le projet de loi de façon à ne pas toucher aux articles que vous avez mentionnés, l'article 24 par exemple, mais l'intention politique est quand même d'en arriver à un Sénat élu. Cela a été mentionné à plusieurs reprises.
Par exemple, en ce qui concerne le projet de loi C-20, pour mener une consultation publique, il en coûterait 150 millions de dollars pour la première élection, selon le directeur général des élections, soit à peu près la moitié de ce que coûte une élection générale. Je verrais mal que le premier ministre, qui a proposé cette réforme, ne tienne pas compte des résultats de la consultation populaire. On fait indirectement ce qu'on ne peut pas faire directement, c'est-à-dire s'assurer d'un choix de candidats qui seront indirectement élus par les électeurs. Si on combine le projet de loi C-19, qui limite la durée des mandats à huit ans, et le projet de loi C-20, qui instaure une consultation populaire, on s'assure d'un renouvellement du Sénat.
À mon avis, on est devant une réforme globale de ce qu'est le Sénat par rapport à la conception que les fondateurs du Canada en avaient.
Je vous demande votre avis. N'avez-vous pas l'impression qu'on fait face à des projets de loi, le C-20 et le C-19, qui vont permettre au gouvernement et au Parlement, s'ils sont adoptés, de faire indirectement ce que la Constitution lui interdit de faire directement?
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Monsieur Paquette, cela s'en rapproche effectivement beaucoup.
On peut invoquer deux arguments qui contribueraient à dissiper ces inquiétudes. Pour en revenir à ce que disait M. Murphy, le projet de loi à l'étude n'est pas avantageux pour le premier ministre, car il diminuera ses pouvoirs avec le temps.
Du fait qu'il n'y a pas vraiment obligation, on ne peut tenir pour acquis que ce mode de sélection deviendra une convention durable. Donc, je crois qu'il est parfaitement légitime pour le Parlement actuel de traiter la formule comme un mécanisme facultatif, sachant qu'avec le temps, il deviendra probablement une convention.
On peut aussi affirmer que le Parlement a effectivement le pouvoir de changer le Sénat et, au fil du temps, on s'attend que les institutions évoluent. Donc, on est en train de faire la transition vers une formule plus démocratique que ce que nous avions auparavant, mais qui, selon moi, ne porte pas atteinte à l'article 24 de la Constitution.
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Je me suis exercée à dire ce que j'avais à dire au sujet du fait que je ne suis certes pas avocate. J'ai entendu M. Hogg, M. Gélinas et l'Association du Barreau canadien émettre trois opinions très différentes sur cette question. Je suppose qu'il est intéressant de constater qu'il est tout aussi facile d'ergoter au sujet de la loi que de couper les cheveux en quatre.
Je ne vais pas aller plus loin parce que je ne suis pas avocate et que je ne m'estime donc pas en mesure d'en débattre. Cependant, j'aime voir des résultats; voilà en quoi j'excelle en tant que médecin. Pour moi, l'issue du projet de loi à l'étude sera très importante et, si elle change fondamentalement la façon dont fonctionne nos parlements, alors il faut se préoccuper de ce que sera le résultat. Savoir si l'on peut contourner la Constitution en affirmant que le premier ministre n'est pas obligé de respecter les résultats de ces élections... C'est une façon de contourner la question de la constitutionnalité, mais est-il valable et éthique de contourner les exigences constitutionnelles si le résultat va toucher les Canadiens?
De plus, si l'on consulte la population et qu'on lui demande de voter, le peuple — qui représente une institution, si vous tenez à le voir comme tel — ou la société civile croira-t-elle qu'en votant, elle a accompli d'office son devoir démocratique et qu'il faut en tenir compte, ou est-ce facultatif?
Tout cela étant dit, étant donné manifestement que le résultat est de démocratiser le régime — et nul ne s'y oppose, tous y sont favorables — étant donné ce que la Cour suprême a eu à dire au sujet de la façon fondamentale dont a été modifié le mode de sélection des sénateurs... C'est là le résultat final, soit de savoir si constitutionnellement on peut contourner les exigences pour réaliser un changement aussi fondamental. La façon dont fonctionnent le Sénat et la Chambre des communes va être fondamentalement modifiée.
Je m'interroge tout d'abord au sujet de l'éthique d'agir ainsi, parce que c'est le résultat — quel est le résultat éthique recherché? —, puis je me demande si c'est une façon de faire démocratique; enfin, étant donné la façon dont le peuple s'est prononcé concernant l'accord de Charlottetown, si les Canadiens souhaitent vraiment que nous le fassions. À mon avis, il existe un processus différent, un processus plus démocratique et plus utile de le faire. Un des moyens, comme l'a proposé l'Association du Barreau, serait de faire un renvoi à la Cour suprême.
Pourriez-vous me fournir certaines réponses au sujet de l'éthique, de la dimension démocratique de toute la question et, manifestement, me dire si la Cour suprême devrait se prononcer à ce sujet?
:
Votre question présuppose que cela va changer le système. C'est un pas dans cette direction, c'est sûr, mais je ne crois pas que nous puissions tenir pour acquis que le régime sera modifié.
Tout cela pourrait fort bien être un feu de paille. Le premier ministre suivant pourrait refuser de tenir des consultations pour nommer les sénateurs. Le premier ministre suivant, ou même l'actuel , pourrait avoir un programme constitutionnel et commencer à négocier avec les provinces certaines choses qui changeraient toute la donne.
Tout cela est de nature politique et ne modifie pas vraiment la réponse à la question sur le plan juridique. La question, sur le plan juridique, n'est bien sûr pas facile à trancher. Ce n'est pas toujours aussi clair qu'on pourrait s'y attendre. Il ne fait pas de doute que les principes politiques ont une influence sur les décisions dans les cas difficiles, et ceci pourrait éventuellement être un cas difficile si les deux lois sont adoptées. Je ne dis pas que c'est facile.
C'est l'électorat qui trancherait en matière d'éthique. Si un premier ministre tient des consultations et, sans raison évidente, décide de ne pas tenir compte du résultat, il y aura un tollé, de l'indignation, et les élus en paieront le prix. Voilà ma réponse.
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Merci, madame la présidente.
Ma question concerne le à la lumière du renvoi de 1980 sur la Chambre haute et, plus particulièrement, certaines préoccupations provinciales qui ont été soulevées ici et antérieurement au sujet de ces mesures législatives. J'aimerais que vous répondiez tous deux à ces préoccupations et que vous nous donniez votre opinion.
Le Québec a par le passé exigé que l'assemblée nationale joue un rôle dans la sélection des membres du Sénat du Canada et a également soulevé des points au sujet de la constitutionnalité du durant les audiences du comité sénatorial. À cette audience du comité, M. Pelletier a fait remarquer que, selon lui, les projets de loi fédéraux visant la réforme du Sénat ne représentent pas de légers changements, mais bien un changement fondamental de la nature du Sénat.
Donc, dans ce contexte et dans le contexte du renvoi de 1980, qui statuait que le gouvernement du Canada ne pouvait pas unilatéralement modifier les caractéristiques fondamentales du Sénat en matière de représentation régionale de même que ces autres particularités essentielles, êtes-vous d'accord ou pas avec l'opinion de M. Pelletier à ce sujet ou êtes-vous d'accord avec certaines de ces opinions et en désaccord avec d'autres?
Vous pouvez peut-être nous dire ce que vous en pensez.
:
Merci, madame la présidente.
Je remercie les témoins. Excusez-moi d'être sorti un instant et de poser des questions sur des sujets qu'on a peut-être déjà abordés.
Monsieur Hogg, dans la conclusion du mémoire que vous avez remis au comité, vous dites qu'il serait vain de contester la mesure législative en cour pour des motifs constitutionnels, et que le Parlement du Canada a bel et bien le pouvoir d'adopter le . Une fois adopté, ce dernier deviendrait une loi valide du Parlement, ce dont je conviens parfaitement.
Je constate que dans vos déclarations préliminaires, vous n'avez pas abordé le point dont il est question au dernier paragraphe de la première page. J'aimerais donc qu'on revienne un peu là-dessus.
On peut lire que la mesure législative ne couvre que le comptage des voix et le rapport au premier ministre, sans préciser si les candidats retenus sont élus ou désignés. Le projet de loi ne prévoit aucune obligation pour le premier ministre ou le gouverneur général. Vous poursuivez en disant que l'on suppose évidemment que le premier ministre serait obligé, d'un point de vue politique, de respecter les résultats de la consultation qu'il aurait lancée, mais qu'il ne le serait pas juridiquement parlant.
Pouvez-vous nous expliquer comment vous en êtes arrivé à cette conclusion et pourquoi est-ce important pour la validité constitutionnelle du projet de loi?
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Je suis heureux que vous ayez abordé la question du rôle de la Cour suprême, qui a certainement changé énormément pour ce qui est d'interpréter nos lois nationales.
Je me demande comment nous réussissons, à notre époque, à conserver une relique comme le Sénat, dont les membres semblent souvent avoir été nommés de manière partisane. Si certains sénateurs ont été d'excellentes recrues, d'autres choix ont été plus douteux.
Une voix: [Inaudible]
M. Charlie Angus: Oui, mais à la Chambre des communes, nous devons rendre des comptes aux citoyens, et ce sont eux qui décident si nous sommes aptes à les représenter. Je sais que certains de mes amis du Parti libéral croient que le Sénat est une voie de garage pour les petits vieux du parti jusqu'à l'âge de 75 ans. Personnellement, je ne suis pas d'accord.
D'aucuns diront que les sénateurs jouent un rôle important en protégeant les intérêts régionaux. Je connais le sénateur de ma région, le fameux Frank Mahovlich. Je dis « fameux », car c'était un joueur de hockey bien connu, le numéro 27. En passant, il est originaire de Schumacher — la même ville que le ministre de l'Industrie, Jim Prentice. Je n'ai rien à reprocher à M. Mahovlich, mais la seule fois que je l'ai vu dans ma circonscription, c'est au cours d'élections où il tentait de m'acculer à la défaite. Voilà à quoi se résume son rôle régional : à se promener en arborant bien haut le drapeau libéral.
Je vous pose ces questions parce que je ne vois rien dans ce projet de loi qui nous permettrait de garantir la protection des intérêts régionaux. Par exemple, si cinq candidats se présentent en Ontario, ils peuvent venir de n'importe où. Rien n'indique qu'ils doivent être d'origine autochtone ou venir du nord, de la ville ou du sud-ouest rural.
Comment pouvons-nous veiller à ce que le Sénat représente vraiment les prétendus intérêts régionaux si l'on n'intervient que de manière sporadique, un peu au hasard?
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Merci, madame la présidente.
Par votre entremise, madame la présidente, je remercie nos invités d'être venus. Nous avons eu des discussions très intéressantes sur ce projet de loi.
J'ai un commentaire à formuler, puis une question à poser.
Comme j'ai voyagé avec le groupe parlementaire du Commonwealth, j'ai eu l'occasion d'aller dans certains des plus petits pays membres de cette organisation: la Barbade, les îles Turks et Caicos, etc. J'ai remarqué que plusieurs sont dirigés par, disons-le franchement, un petit nombre de députés -- 15 et parfois 8 ou 11. Même si ces personnes font un excellent travail, il m'a semblé évident qu'il leur faudrait probablement une deuxième chambre haute, une institutions qui pourrait jeter un second regard sur certaines décisions. En revanche, avec un Parlement aussi imposant que le nôtre, fort de 308 députés disposant de nombreuses ressources -- des attachés de recherche, des analystes, des témoins et des fonds pour faire comparaître des experts tels que vous -- je ne suis pas convaincu que le Sénat ait encore sa place.
Comme vous l'avez fait remarquer, les institutions tendent à évoluer avec le temps, et le moment est peut-être venu pour le Sénat de changer. C'est une décision difficile qui continuera d'alimenter les débats, mais je tenais à le souligner.
Ma question est la suivante: j'ai lu le projet de loi et j'ai compris quels étaient les problèmes du point de vue de la constitutionnalité. Mais si je vous ai bien compris, au bout du compte, la mesure législative ne violerait pas directement la Constitution. Diriez-vous que ce serait un progrès important de la démocratie, accompli selon les règles de l'art pour un Sénat qui serait un meilleur reflet du pays, des besoins de la population et des opinions des Canadiens, un progrès vers une réforme démocratique du Sénat qui n'enfreindrait pas la Constitution? Qu'en pensez-vous?