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Merci, madame la présidente.
Je vais présenter mes idées en anglais, mais je serai heureux de recevoir vos commentaires et de répondre à vos questions en français. Merci.
[Traduction]
À mon avis, le projet de loi , intitulé Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs, donne faussement aux régions du Canada, notamment à l'Ouest canadien, l'impression que l'actuel gouvernement tente de réaliser des réformes démocratiques importantes afin de faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement en vertu de notre Constitution. Comme l'ont fait remarquer beaucoup d'experts, le projet de loi aura pour effet de consacrer, d'étendre et de dynamiser, non pas le Sénat selon la proposition « des trois e » dont parle Bert Brown, mais l'inégalité flagrante dont souffre l'Ouest canadien, les provinces et même l'Ontario au Sénat.
Je m'explique. L'actuelle répartition des sièges au Sénat reflète le Canada des années 1860. En raison du contexte démographique de l'époque et de la participation des régions fondatrices du Canada, les provinces Maritimes, l'Ontario et le Québec ont eu droit à 24 sièges chacun. Terre-Neuve, au moment de s'unir au Canada, a obtenu six sièges. La Colombie-Britannique, avec sa population qui atteint maintenant les quatre millions d'habitants et qui croît rapidement, a six sièges, tandis que la Nouvelle-Écosse, avec une population de moins d'un million, a dix sièges. L'Île-du-Prince-Édouard, avec ses quatre sièges, a une influence 21 fois plus grande que celle de la Colombie-Britannique au Sénat, et ce, d'après leurs populations respectives. La population grandissante de l'Alberta est également sous-représentée. Même l'Ontario pourrait avec raison se sentir moins égale que les autres, étant donné qu'elle n'a que 22 p. 100 des sièges, alors qu'elle représente 40 p. 100 de la population. Cela n'a toutefois rien de surprenant de la part d'un gouvernement fédéral qui cherche à priver l'Ontario d'un nombre important de sièges à la Chambre des communes aux termes du projet de loi , au sujet duquel j'aurais beaucoup à dire si j'en avais l'occasion et le temps.
Si donc le poursuit ses efforts pour faire adopter cette mesure qui trahit de manière flagrante l'esprit du Sénat selon la proposition « des trois e », ou quelque mesure qui lui ressemblerait un tant soit peu, la légitimité démocratique de l'inégalité de l'Ouest canadien s'en trouverait accrue. Je dirais même que toute tentative pour modifier la Constitution à l'avenir afin de corriger cette inégalité pourrait être bloquée par les sénateurs élus des petites provinces, et ce, en perpétuité.
En outre, les sénateurs élus se sentiront à juste titre tout aussi autorisés que les députés élus à opposer leur droit de veto à des projets de loi, ce qui aurait encore une fois pour effet de défavoriser l'Ouest canadien et l'Ontario, sans parler de l'impasse qui pourrait en résulter. Le projet de loi ne contient aucune disposition sur la façon de résoudre une impasse entre les deux chambres. C'est d'ailleurs là une omission étonnante.
Tenir une élection déguisée en consultation pour la nomination des sénateurs constituerait à mon avis une tentative inconstitutionnelle pour contourner le libellé très clair de l'article 42 de la Loi constitutionnelle, laquelle énonce expressément que la formule générale de modification prévue au paragraphe 38(1) — soit le Parlement du Canada et au moins deux tiers des provinces représentant 50 p. 100 de la population — s'applique aux pouvoirs du Sénat et au mode de sélection des sénateurs. À mon avis, le projet de loi est une tentative pour faire indirectement ce qui ne peut pas être fait directement dans le respect des instructions clairement énoncées à l'article 42. La mesure est manifestement inconstitutionnelle.
Je sais que le gouvernement du Québec et même d'autres provinces partagent cet avis juridique, et ce fait devrait à lui seul amener le gouvernement fédéral à réfléchir, ce gouvernement qui a adopté avec tellement d'enthousiasme la motion reconnaissant que les Québécois forment une nation. Cette nation devrait certainement être consultée et avoir son mot à dire relativement à une des deux chambres du Parlement qui exerce son droit de regard sur les mesures législatives qui pourraient avoir une incidence sur elle.
Il convient également de signaler que la Loi de la Chambre des communes accorde un droit de veto fédéral aux régions du Canada relativement à la modification de la Constitution, loi qui a été adoptée à la suite du référendum de 1995 au Québec. Toutes les régions du Canada ne devraient-elles pas maintenant pouvoir exercer ce droit de veto relativement à toute tentative pour modifier la Constitution, que ce soit de façon directe, indirecte ou furtive?
Il ne faut pas oublier que la Cour suprême du Canada, dans le célèbre renvoi sur le rapatriement, avait fait savoir au premier ministre Trudeau qu'il violerait les conventions constitutionnelles s'il faisait directement ce qu'il ne pouvait pas faire directement, à savoir chercher à rapatrier la Constitution sans le consentement de la majorité des provinces. Le cas qui nous occupe représente peut-être une tentative encore plus grave pour faire indirectement ce qui ne peut pas être fait directement en vertu des conventions constitutionnelles canadiennes, voire en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867.
Il n'est même pas clair, d'après moi, que le gouvernement fédéral ait compétence en vertu de l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867 pour adopter une loi qui viserait à faire indirectement ce qu'il ne peut pas faire directement. On ne peut guère dire qu'il s'agit d'un pouvoir qui s'inscrit dans la paix, l'ordre et le bon gouvernement que de miner les dispositions existantes de la Constitution sur la modification de la Constitution.
Certains avocats du ministère de la Justice et d'autres constitutionnalistes à qui on a demandé leur avis soutiennent que, dans la mesure où le premier ministre conserve son pouvoir discrétionnaire en vertu de l'actuelle Constitution de recommander au gouverneur général les personnes à nommer au Sénat, un cadre électoral fédéral de nature consultative serait conforme à la Constitution.
J'aimerais demander à ces experts ce qui arriverait la première fois où le premier ministre refuserait de recommander la nomination d'une personne dûment élue en vertu du cadre électoral consultatif si toutes les autres personnes ainsi élues étaient nommées? Que dirait la Cour suprême du Canada de ce refus de nommer ainsi quelqu'un qui aurait été élu? Qu'arriverait-il si la Cour déclarait tout le processus inconstitutionnel, si bien que les personnes qui auraient été nommées ne seraient même pas sûres de pouvoir continuer à siéger? Qu'arriverait-il aux lois qu'auraient adoptées le Sénat composé en partie de sénateurs élus? Ces lois seraient-elles valides ou seraient-elles frappées de nullité?
La gravité de ces conséquences éventuelles exigent, à tout le moins, une vaste consultation auprès de tous les partenaires de l'État fédéral canadien et, de préférence, un renvoi à la Cour suprême du Canada en ce qui concerne la constitutionnalité du cadre dans son ensemble, non pas seulement du projet de loi à l'étude mais aussi du projet de loi , qui vise à limiter le mandat des sénateurs à huit ans, projet de loi sur lequel le Sénat a à juste titre, à mon avis, refusé de se prononcer tant que la Cour suprême du Canada n'aura pas donné son avis.
Le plus paradoxal dans tout cela, ce sont les raisons avancées pour justifier le dépôt du projet de loi, soit la nécessité de réformer le Sénat afin qu'il reflète les valeurs démocratiques des Canadiens, afin que les régions du Canada y soient équitablement représentées et que le Sénat soit maintenu comme lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive. Si le projet de loi est adopté, il consacrera l'inégalité entre les régions, il conduira à l'impasse démocratique, il ne renforcera pas les valeurs démocratiques et il mettra même en doute l'indépendance des sénateurs qui ne seront pas vraiment élus.
Comme l'a fait remarquer le directeur général des élections, Marc Mayrand, même les dispositions du projet de loi sur le financement politique pose problème. Si la publicité payée par les partis politiques n'est pas autorisée en vertu du projet de loi, des dépenses massives sous forme de transfert de biens et de services pourraient quand même être engagées, ce qui pourrait créer une dette de reconnaissance envers les bailleurs de fonds qui auraient financé la campagne électorale.
En outre, le leader à la Chambre, Peter Van Loan, quand il a présenté la version initiale du projet de loi, a soutenu qu'il s'agissait du point culminant de la lutte historique pour assurer aux femmes, aux minorités et aux Autochtones le droit de vote. Ces divers groupes seront-ils représentés en vertu du cadre à l'étude s'il est adopté? Miner la Constitution ne peut guère être considéré comme une valeur démocratique des Canadiens. Par ailleurs, le projet de loi, comme je l'ai indiqué, consacre l'inégalité entre les régions du Canada.
Le plus paradoxal, c'est peut-être que le principe qui sous-tend l'élection consultative des sénateurs est que le premier ministre se réserve le droit de faire fi des résultats du scrutin mené auprès de tous les Canadiens. Cela ne peut guère être considéré comme démocratique. Cela pourrait en conduire beaucoup, notamment dans l'Ouest canadien, et peut-être même dans le reste du Canada, à conclure que cette tentative d'amendement indirecte et inconstitutionnelle, à mon avis, s'explique en fait par la volonté de donner l'illusion de faire quelque chose au sujet de la réforme du Sénat à des fins électorales.
À mon avis, il est très dangereux de jouer des jeux politiques avec un des documents et une des institutions les plus fondamentaux du Canada.
Merci, madame la présidente.
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Merci, madame la présidente.
D'entrée de jeu, je tiens à dire que c'est un grand honneur d'avoir été invité à participer aux délibérations d'un gouvernement national. Je vous remercie pour cette invitation.
Il ne fait aucun doute que la composition du Parlement du Canada constitue une anomalie. Elle est incompatible avec les principes qui ont cours en matière de légitimité politique. Cette incompatibilité tient à la nomination, et non pas à l'élection, des membres d'une des deux assemblées législatives dans une structure législative bicamérale, c'est-à-dire une structure législative où chaque Chambre a le droit d'opposer son veto à des loi.
Ce serait peut-être une erreur, cependant, de considérer qu'il s'agit là d'une dérogation flagrante au principe démocratique, tel qu'il est généralement exercé dans des États complexes fondés sur la primauté du droit. Il y a toujours diverses considérations possibles dans l'art de gouverner, dont certaines rendent la nomination des sénateurs acceptable dans un État démocratique.
Premièrement, les sénateurs sont nommés par le gouvernement, et leur nomination reflète donc les préférences de la majorité. Les sénateurs sont nommés à vie, si bien que le Sénat constitue une tribune moins sujette aux rivalités politiques intenses qui découlent de l'imminence des élections. En reconnaissance de la légitimité démocratique plus grande des Communes, le Sénat fait généralement preuve de prudence et de réserve dans l'exercice de son droit de veto.
Si nous avons un Sénat dont les membres sont nommés, c'est pour représenter les différences régionales et provinciales qui se trouvent moins bien représentées quand les allégeances politiques entrent davantage en ligne de compte.
Le rôle de cette chambre dont les membres sont nommés est d'étudier les mesures législatives en se fondant sur des considérations moins partisanes que celles qui l'emportent à la Chambre des communes, où l'échec d'une mesure peut déclencher des élections.
Comme le précise le , il s'agit d'un « lieu de réflexion indépendante, sereine et attentive », et il y a une raison valable pour justifier qu'il en soit ainsi. La composition du Sénat constitue effectivement une anomalie, mais qui peut se justifier dans l'art de gouverner. Ce n'est pas quelque chose qu'une démocratie comme le Canada ne saurait tolérer.
Il n'en reste pas moins que les arguments en faveur de la réforme du Sénat pour y assurer une responsabilité législative en conformité avec les principes démocratiques sont convaincants. Dans les États démocratiques, l'appui donné aux législateurs par la population est la norme.
Mais toute réforme du Sénat mérite une réflexion approfondie. Mon collègue, le professeur Mendes, vient de vous dire que, d'après lui, il pourrait y avoir en aval des imperfections qui résulteraient de cette réforme et d'autres réformes.
Voici quelques questions qu'il convient de se poser. Si les sénateurs étaient élus non pas pour un mandat d'une durée limitée, mais jusqu'à l'âge de 75 ans, en quoi la responsabilité démocratique se trouvera-t-elle accrue? S'ils sont nommés pour une période de 15 ans, sans possibilité de reconduction, en quoi cela améliore-t-il la responsabilité? À l'heure actuelle, les sénateurs ne sont-ils pas nommés en fonction de l'appui qu'ils reçoivent d'un parti politique? N'est-ce pas ce même appui politique qui permet à des personnes de devenir candidats aux élections? Les sénateurs ne sont-ils pas nommés par le parti qui a obtenu le plus grand nombre de voix? Le choix des sénateurs dans le cadre du processus de consultation ne se fera-t-il pas de façon identique? Allons-nous vraiment changer quoi que ce soit?
Si le Sénat est censé réduire l'influence des considérations partisanes dans l'étude des mesures législatives, le nouveau processus électoral minera-t-il cet objectif? Si le Sénat est censé refléter les intérêts régionaux, cet objectif sera-t-il compromis par la force de la discipline de parti et la loyauté engendrée par les élections? Si le fait que les sénateurs soient nommés amène le Sénat à faire preuve de réserve et à ne pas s'opposer de manière générale à la volonté des Communes, cette restriction sur le pouvoir du Sénat disparaîtra-t-elle avec le choix électoral? Les règles du gouvernement responsable vont-elles s'effondrer? L'exigence sous-jacente voulant que le gouvernement puisse réaliser ses objectifs législatifs disparaîtra-t-elle?
Si valables que soient ces préoccupations et si approprié qu'il soit de s'inquiéter des conséquences du , la véritable question qui se pose concerne en fait le processus. Depuis 22 mois, le gouvernement a tenté à trois reprises d'effectuer des réformes constitutionnelles importantes relatives à la structure fondamentale de notre Parlement national: il a cherché à limiter la durée du mandat des sénateurs; il a refusé systématiquement, sauf dans un cas depuis l'arrivée au pouvoir de l'actuel gouvernement, de combler les vacances au Sénat; et, enfin, il a cherché à créer des consultations électorales en vue de la nomination des sénateurs. Chacune de ces initiatives soulève de graves doutes quant à sa constitutionnalité.
Je crois que la première viole l'article 38 de la Loi constitutionnelle de 1982. La deuxième continue manifestement à violer, avec chaque jour qui passe, l'article 32 de la Loi constitutionnelle de 1867, qui crée l'obligation de nommer des sénateurs pour combler les vacances. Enfin, la troisième, que nous étudions aujourd'hui, viole les articles 42 et 38 de la Loi constitutionnelle de 1982.
En outre, chacune de ces initiatives modifie ou modifiera la façon dont fonctionne le Parlement, la façon dont les organes et organisme du gouvernement national représentent les intérêts, la façon dont les intérêts sont pris en considération et la façon dont se jouent les rapports politiques. Mais ce sont là autant de changements à la structure du gouvernement qui sont en train de se produire sans analyse, sans débat et sans qu'il soit possible de choisir entre différentes options. Nous sommes témoins d'une tentative pour refaçonner le Parlement national en l'absence d'un débat constitutionnel. Cela se justifie, bien sûr, si le gouvernement souhaite apporter des changements précipités, quels qu'ils soient, tout en étant indifférent aux conséquences de ces changements, et ce, en dépit de leur caractère permanent.
Si nous avons une Constitution et un processus de modification constitutionnelle, c'est notamment pour forcer les gouvernements qui souhaitent simplement changer les choses à ne pas les changer de façon unilatérale sans qu'il y ait un débat raisonné et sans qu'on cherche dans le cadre d'un processus réfléchi à en arriver au consensus qui est censé être partie intégrante de la politique constitutionnelle.
Il se peut bien que la marche à suivre pour modifier la Constitution en vue d'élire les sénateurs soit lourde ou peu commode, mais c'est justement pour cette raison que la procédure est fixée par la Constitution. S'il est compliqué de modifier la loi c'est précisément pour nous obliger à avoir ces discussions difficiles que nous n'aurions pas si nous n'y étions pas obligés et si nos prédécesseurs n'avaient pas jugé, pour une raison quelconque, qu'il était important que nous ayons ces discussions.
Dans le cas qui nous occupe, nous savons ce qui a motivé nos prédécesseurs. Cela faisait partie du marché de la Confédération entre les communautés politiques existantes du Canada — marché qui, soit dit en passant, n'a rien perdu de sa force ou de sa signification morale pour notre pays. La fidélité au texte et au processus constitutionnels exige que nous nous conformions à ce qui a été décidé par nos prédécesseurs. Si nous voulons modifier le Parlement du Canada, nous devons nous engager dans le processus constitutionnel qui est décrit à la partie V de la Loi constitutionnelle de 1982.
Je ne veux pas être naïf. Tout processus de réforme constitutionnelle intergouvernementale envisagé par les articles 38, 41 et 42 achopperait vraisemblablement sur les demandes traditionnelles: ainsi, le Québec exigerait des modifications qui pourraient l'amener à avaliser la Constitution de 1982, et les organisations autochtones nationales pourraient exiger, par convention, de participer aux réformes.
Bien sûr, le processus pourrait être encore plus difficile que nous ne l'avions imaginé. Tout projet de modification du Sénat pourrait fort bien avoir une incidence sur les dispositions qui ne concernent que le Québec, celles relatives à la représentation régionale à l'intérieur de la province, et pourrait exiger plus que le simple consentement selon la formule sept et 50, le Québec devant en fait y consentir. Je ne cherche pas à amoindrir l'importance de la difficulté.
Cette difficulté porte à croire qu'il doit y avoir un moyen de réformer le Sénat par voie législative, mais cela n'est pas possible. Nous devons faire preuve d'une force de caractère suffisante en tant que pays pour nous engager dans ces discussions difficiles. Elles pourraient nous être salutaires.
Quand je me suis prononcé devant le Sénat sur le projet de loi il y a de cela environ un an, j'ai dit qu'état de malaise général par rapport au Sénat actuel, le peu de place qu'il semble y avoir pour modifier la Constitution de façon unilatérale, la simple invocation des valeurs démocratiques et la perception populaire erronée selon laquelle le Sénat ne joue pas vraiment un rôle important dans la gouvernance nationale sont autant de facteurs qui tendent à légitimer des réformes constitutionnelles qui peuvent paraître attrayantes à première vue, mais que l'on poursuit de façon irresponsable à mon avis.
Si je me reporte plus précisément au projet de loi , la proposition visant à donner à l'électorat une voix sur le choix des sénateurs est ni plus ni moins qu'une modification au mode de sélection des sénateurs, qui est expressément mentionné à l'alinéa 42(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982 et dont il est précisé justement qu'il échappe au pouvoir du gouvernement fédéral de le modifier de façon unilatérale.
Il y a quatre raisons qui expliquent que la réforme législative par le projet de loi pose problème sur le plan de la Constitution.
Premièrement, l'alinéa 42(1)b) traite du mode de sélection des sénateurs qui seront nommés, et non pas du mode de nomination. Le mode de sélection sera dorénavant que le gouvernement ne retiendra comme candidats — et selon les impératifs qui caractérisent généralement les considérations politiques électorales — que ceux qui auront remporté les élections visant à déterminer qui devrait choisi pour être nommé au Sénat.
N'est-il pas ironique que pour justifier cette initiative de démocratisation du Sénat, les réformateurs affirment, et doivent affirmer, qu'ils ne se considèrent pas du tout contraints par le processus démocratique qu'ils veulent maintenant si désespérément?
Deuxièmement, en vertu de l'article 32 de la Loi constitutionnelle, c'est le Cabinet fédéral — la loi dicte le gouverneur général, ce qui signifie le Cabinet — qui a le pouvoir discrétionnaire de déterminer qui est apte et compétent à être mandé au Sénat. Le propose un mécanisme électoral pour indiquer au Sénat qui devrait être mandé.
Une responsabilité constitutionnelle claire affectée spécifiquement à un organisme particulier du gouvernement sera érodée ou contrainte par un autre élément du gouvernement public: les électeurs. En droit administratif, on dit que le décideur prévu par la loi a décliné sa compétence, qu'il a soumis la décision à une source extérieure ou qu'il a fait entrave à son pouvoir discrétionnaire. Ses actions sont toutes ultra vires.
Bien entendu, certains soutiendront que le processus consultatif et ses résultats ne mineront pas le pouvoir discrétionnaire du Cabinet, et que la consultation n'est pas conçue pour réduire la liste de ceux considérés pour une nomination, mais bien pour ajouter des noms à cette liste — liste qui renferme aussi des noms ne résultant pas de l'élection.
Si on lit le , on peut voir qu'il n'est pas crédible de dire que la consultation ne déterminera pas qui sera choisi par le Cabinet. L'ampleur du processus; la visibilité du processus; le contexte d'une élection générale fédérale et l'engagement politique qui en découle, dans la plupart des cas; l'énergie politique et l'attention que portera la population à des votes à l'échelle de la province — un nombre de votes supérieur à ce que pourrait obtenir un député — tout exclut la possibilité que le Cabinet fasse fi des résultats électoraux.
La disposition de sauvegarde du , que ce processus permet aux électeurs de faire connaître leurs préférences quant à la nomination au Sénat « dans le cadre du processus de nomination actuel », ne garantit pas la constitutionnalité du projet de loi. En effet, le processus précis de nomination — les décrets — n'est pas modifié. C'est le mode de sélection de sénateurs à nommer que le gouvernement cherche à modifier, et en vertu de l'alinéa 42(1)b), cela ne peut être fait que par une modification constitutionnelle en bonne et due forme.
Troisièmement, le processus électoral prévu par la loi ne satisfait pas aux exigences spécifiques touchant la nomination de sénateurs du Québec. Le Cabinet pourrait peut-être joindre au processus électoral de la nouvelle loi la limite constitutionnelle prescrivant que toutes les nominations du Québec doivent correspondre aux circonscriptions électorales à représenter, mais ce sera sans doute impossible pour des élections à l'échelle provinciale sauf, bien sûr, si l'on prend la décision de faire fi du paragraphe 23(6) de la Loi constitutionnelle de 1867. D'ailleurs, c'est ce qui devrait se produire, car le Québec ne pourrait pas tolérer un système de vote qui ne s'appliquait pas seulement au Québec.
Il existe d'autres divergences entre le et la Constitution. Il y a des différences touchant les qualités, la citoyenneté, et l'âge. Il existe une différence entre l'article 32, qui rend obligatoires les nominations, et le , qui rend discrétionnaire la tenue d'un processus de consultation. Il y a des divergences importantes entre les exigences constitutionnelles et le processus établi par le projet de loi C-20. Cela n'est pas nécessairement inconstitutionnel. Dans la pratique, les chances que le projet de loi soit inconstitutionnel sont presque absolues, mais il n'est pas nécessairement inconstitutionnel, car il est possible que les administrateurs du projet de loi C-20 fassent fi, afin d'être conformes à la Constitution, de toutes ces dispositions. Cela semble improbable.
En dernier lieu, la Constitution n'est pas un code des impôts. Elle exige que l'on demeure fidèle à ses structures, ses relations, ses concepts et ses principes. Ceux qui proposent cette modification ont admis eux-mêmes qu'ils sont incapables de mettre en place un processus électoral puisqu'ils ont pris ce qui était clairement un processus électoral, en ont conservé tous les attributs, puis en ont changé le nom pour « consultation ». Puis, dans les « attendu que », ils cherchent à nier l'objectif et l'effet de la loi. Ce processus qu'ils appellent consultation a en fait tout d'une élection sauf le nom.
Si le Parlement, de son propre aveu, emploie un tour de passe-passe aussi évident pour modifier la Constitution contrairement aux dispositions modificatives, il jettera le discrédit sur le Parlement, et causera de graves dommages à la Constitution, à nos engagements constitutionnels et à la primauté du droit.
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Merci, madame la présidente.
Je remercie les membres du comité pour le privilège qui m'a été fait de venir virtuellement témoigner devant vous.
Je partage les doutes qui ont été émis par mes éminents collègues qui m'ont précédé quant à la constitutionnalité du projet de loi C-20. Ce sont ces doutes que je vais partager avec vous maintenant.
D'une part, je pense qu'il faut rejeter toute interprétation qui serait restrictive de l'exclusion du mode de sélection des sénateurs faite dans l'article 44, qui concerne la compétence du Parlement fédéral de modifier unilatéralement la Constitution. À mon sens, il n'y a aucune raison de faire une interprétation restrictive de cette exclusion concernant le mode de sélection des sénateurs.
Selon moi, tant le texte que le contexte historique qui a conduit à l'adoption de cette procédure de modification constitutionnelle soutiennent une telle interprétation. Les versions, tant anglaise que française du texte, concordent et le renvoi sur la compétence du Parlement relativement à la Chambre haute renforce cette interprétation, qui serait large, de l'exclusion, donc, concernant le mode de sélection des sénateurs.
En effet, ce qui est exclus de la compétence unilatérale du Parlement fédéral, c'est bien le mode de sélection des sénateurs et non pas simplement le mode de nomination ou le pouvoir de nomination des sénateurs. Le mode de sélection, à mon sens, englobe tout le processus précédent et conduisant à la nomination d'un sénateur par le gouverneur général. Cela engloberait la manière dont on procède à cette sélection, la pratique que l'on suit, le processus que l'on suit ou encore l'absence de processus.
Le renvoi de 1980 sur la compétence du Parlement sur la Chambre haute vient, à mon sens, renforcer cette acception large du mode de sélection des sénateurs. On reconnaît généralement que l'article 42 visait notamment à codifier les modifications aux caractéristiques essentielles du Sénat qui était visées par ce renvoi.
Je vous rappelle que dans le renvoi, la Cour suprême du Canada a estimé que la nature — et j'insiste sur le mot « nature » — non élective du Sénat en est un trait fondamental. La Cour suprême s'est ensuite prononcée spécifiquement sur le fait que l'élection directe des sénateurs échapperait au Parlement fédéral.
Parmi les autres questions qui étaient posées à la Cour suprême du Canada dans ce renvoi, auxquelles elle n'a pas répondu faute de preuves suffisantes, dans le décret du gouvernement fédéral qui avait fait le renvoi, on évoquait également la possibilité que les sénateurs soient sélectionnés par la Chambre des communes, puis nommés par le Gouverneur général ou encore sélectionnés par les assemblées législatives, puis nommés par le lieutenant-gouverneur. Selon moi, quand les constituants, en 1982, ont rédigé le paragraphe 42(b) et utilisé l'expression « mode de sélection des sénateurs », ils étaient tout à fait conscients de ce contexte, de ces différents modes de sélection des sénateurs qui étaient visés. Ils ont donc choisi une expression générique englobante qui est celle de « mode de sélection des sénateurs ».
En conclusion, j'estimerais que ce qui est exclus, ce qui est soustrait de la compétence, ce qui échappe à la compétence du Parlement fédéral, ce n'est pas seulement tout changement quant au mode de nomination des sénateurs prévu à l'article 24 de la Loi constitutionnelle de 1867, mais bien toute question touchant au processus de sélection des sénateurs. Cette acception large permet de dépasser la distinction formelle entre un processus obligatoire ou simplement facultatif ou consultatif.
Selon moi, toute loi qui toucherait au processus de sélection des sénateurs échapperait à la compétence du Parlement fédéral et relèverait de la procédure normale de modification constitutionnelle, dite du 7/50, prévue à l'article 38.
Si on s'intéresse plus particulièrement au projet de loi C-20, j'estimerais, à la lumière de cette analyse de l'article 44, que le projet de loi C-20 échappe à la compétence du Parlement fédéral. Comme toute loi, le projet de loi C-20 doit nécessairement survivre à l'examen de sa validité constitutionnelle. Pour ce faire, la jurisprudence bien établie nous indique qu'il faut qualifier le caractère véritable de ce projet de loi et le rattacher à un chef de compétence du Parlement et que, pour faire cette qualification, on peut utiliser tant la preuve intrinsèque que la preuve extrinsèque entourant ce projet de loi, à la lumière de ses effets juridiques et pratiques.
À mon sens, la seule compétence fédérale envisageable, qui pourrait être invoquée au soutien du projet de loi C-20, est effectivement l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982 qui donne compétence au Parlement fédéral à l'égard du Sénat sous réserve, notamment, de l'exclusion concernant le mode de sélection des sénateurs. Or, à mon sens, il est clair que le caractère véritable du projet de loi C-20 touche le mode de sélection des sénateurs. On vise à créer un nouveau processus d'élections consultatives dans le cadre de la sélection des sénateurs.
À mon avis, le caractère facultatif et consultatif de ce nouveau processus n'est pas déterminant. L'essence même du projet de loi C-20 est d'ajouter un processus qui n'existait pas dans le cadre de la sélection des sénateurs.
Par ailleurs, les effets pratiques et juridiques du projet de loi C-20 viennent renforcer cette conviction quant au caractère véritable de celui-ci. L'effet pratique du projet de loi C-20, s'il est utilisé — et on peut penser qu'il le sera puisqu'on veut l'adopter, on veut le mettre en place —, sera donc, même s'il est théoriquement facultatif, d'ajouter un nouveau processus dans le cadre de la sélection des sénateurs. Par ailleurs, un effet juridique prévisible ou envisageable du projet de loi C-20 pourrait être la création de conventions constitutionnelles qui viennent intervenir, à nouveau, dans le mode de sélection des sénateurs.
Enfin, je pense que cette conclusion concorde avec l'esprit du renvoi de 1980 sur la compétence du Parlement relativement à la Chambre haute, qui voulait soustraire à la compétence du Parlement fédéral tout ce qui touchait aux caractéristiques essentielles du Sénat. Or, il est prévisible que, si ce projet de loi est adopté et qu'il est appliqué, lorsqu'il y aura une masse critique de sénateurs nommés à la suite d'une élection consultative, ils sentiront qu'ils sont tout aussi légitimes dans leur représentativité démocratique que les membres de la Chambre des communes. En conséquence, on peut prévoir que le rôle du Sénat dans le processus législatif fédéral pourrait être renforcé et que les sénateurs éprouveront moins de retenue dans le processus législatif face aux décisions de la Chambre des communes. Je pense que cela toucherait directement, au bout du compte, aux caractéristiques essentielles du Sénat.
Finalement, face à ces doutes sérieux concernant la constitutionnalité du projet de loi C-20, j'estime qu'il serait certainement plus prudent de soumettre ce projet de loi à la Cour suprême du Canada pour qu'elle puisse se prononcer sur sa constitutionnalité et éclaircir ces doutes, s'il y a lieu.
Je vous remercie.
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Toute une faille à franchir.
Si deux chambres légitimes au point de vue électoral en arrivaient à des conclusions différentes sur une mesure, cela représenterait une menace claire à la théorie du gouvernement responsable et à l'exigence constitutionnelle fondamentale qu'un gouvernement doit être en mesure de gérer le programme législatif dans les chambres législatives.
Je crois que la réponse à ce problème auquel nous sommes confrontés, comme d'autres nations y ont été confrontées, est un ensemble de conventions, peut-être des conventions touchant la négociation en comité ou un comité mixte des divergences sur les projets de loi, comme ils le font à Washington. Peut-être y aura-t-il une convention selon laquelle l'échec d'un gouvernement à gérer son programme législatif en raison de l'intransigeance du Sénat n'exprime pas un manque de confiance.
Toutes sortes de conventions pourraient voir le jour pour assurer le fonctionnement d'un gouvernement responsable dans un Parlement bicaméral dans lequel les deux chambres sont élues. Ces conventions évolueront, et je ne crois pas que ce soit impossible à gérer.
Je crois qu'il y aura des moments où nous croirons que nous sommes au bord d'une crise constitutionnelle, comme en Australie en 1975, mais je ne crois pas que ces moments soient fréquents et impossibles à gérer. À dire vrai, nous devons, comme nation, aspirer à une époque où nous aurons des Parlements entièrement élus démocratiquement. Nous devrions faire face à cette avenue.
Pour répondre au deuxième point, il existe une différence théologique entre M. Hogg et nous, j'imagine. M. Hogg est un constitutionnaliste de renom très respecté — et d'ailleurs, son opinion était aussi celle du doyen Patrick Monahan, son successeur à Osgoode Hall, qui occupe le même poste. Ils sont, et je le dis avec toute la générosité dont je suis capable, bien connus comme étant des avocats qui appliquent la Constitution à la lettre. D'autres constitutionnalistes vivent selon l'esprit de la Constitution. Ceux-ci considèrent que la Constitution représente l'expression d'où se trouve une nation à un certain point de son histoire, et cela établit une ligne directrice pour guider cette nation dans son cheminement en termes d'engagements moraux et d'honorabilité.
Avec les ententes conclues en 1867 et en 1982, nous, le peuple — et je sais que c'est un concept atténué de « nous, le peuple » — avons décidé de vivre ensemble de cette façon, avec ces moments de respect mutuel et une compréhension de la façon dont le pouvoir doit s'exercer. On ne peut pas restreindre ces ententes et conserver l'intégrité de la Constitution dans l'esprit des Canadiens. Il existe un esprit dans la Constitution et M. Hogg ne parvient pas à le saisir, ni son importance fondamentale pour le Canada comme bon État.
D'abord, le fait que le premier ministre ne nomme personne une fois le processus entamé constitue une question politique. Pourtant, c'est ce qui est arrivé après la nomination du premier sénateur élu. Jean Chrétien a nommé des sénateurs et fait abstraction des élections sénatoriales qui avaient eu lieu en Alberta.
Dans le même ordre d'idées, suite au référendum de 1898 sur la prohibition, Sir Wilfrid Laurier a choisi de ne pas respecter les résultats de celui-ci, même s'ils étaient positifs, et il a réussi à le faire. Alors ce genre de chose pourrait se produire, ce qui répond à la première question.
Dans votre deuxième question, vous avez demandé ce que dirait la Cour suprême. Eh bien, elle ne nous renverrait pas, comme vous l'avez fait, à l'arrêt de 1981 dans lequel elle a confirmé l'existence d'une obligation conventionnelle, parce qu'il n'y avait pas de formule de modification à cette époque, tandis que maintenant, il y en a une. Donc, l'obligation conventionnelle citée à l'époque et visant toute modification de la Constitution, à savoir si l'on a choisi la bonne formule, ne s'appliquerait pas dans ce cas-ci. Il n'y a pas de doute là-dessus. L'arrêt de 1981 précède la ligne de démarcation très nette qui a été tracée légalement par suite de l'adoption de la Constitution et de la formule de modification.
Troisièmement, imaginez le chaos qui s'ensuivrait si la Cour invalidait cette loi. On assisterait probablement au même genre de chaos qui a suivi le renvoi de 1985 relatif au Manitoba dans lequel toutes les lois de la province ont été invalidées. Les tribunaux ont dit, « Vous devez remettre en vigueur toutes les lois. » Ils ont tout fait pour s'assurer qu'il n'y ait pas de chaos.
À mon sens, invalider la loi — ce qui serait presque invraisemblable, mais si cela devait arriver — signifierait qu'il faudrait trouver un nouveau processus, non pas que les lois adoptées par le Sénat, et par des titulaires élus ou nommés en vertu de cette mesure législative, sont maintenant nulles et sans effet.
Ces réponses me semblent être raisonnablement évidentes.
Enfin, j'ai constaté que vous n'avez pas cité la décision rendue en 1919 par le comité judiciaire du Conseil privé, décision qui annulait la loi référendaire adoptée par l'assemblée législative du Manitoba au motif qu'elle empiétait trop sur la prérogative de la Couronne, qui est la question fondamentale ici. Dans sa décision, le comité judiciaire du Conseil privé a indiqué qu'il est possible, si l'on respecte les prérogatives de la Couronne, d'avoir recours à d'autres méthodes, plus démocratiques, pour élaborer des lois. Ce précédent semble être très pertinent.
Merci.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je trouve toujours très intéressant d'écouter toutes les opinions exprimées par les juristes, qui, bien souvent, ne semblent pas d'accord les uns avec les autres.
Cela dit, nous avons entendu le témoignage de M. Hogg, qui était clairement axé sur la lettre de la loi. J'ai trouvé cela intéressant, car si l'on considère qu'il y a aussi l'esprit de la loi — et les tribunaux ont tendance à interpréter la loi en se fondant non pas seulement sur la lettre, mais aussi sur l'esprit de la loi —, le problème alors est que, si les provinces avaient un rôle à jouer, ou si elles n'en avaient pas, pour contourner la participation des provinces, il ne serait pas nécessaire de contester la Constitution. C'est donc ce que fait la mesure dont nous sommes saisis. Elle donne à entendre... Nous parlons de certains éléments liés à la politique, mais il faut que la politique intervienne dans cette discussion, parce qu'il s'agit de modifier une institution importante et son fonctionnement.
Les considérations politiques donneraient à penser qu'il ne serait pas nécessaire d'écouter les électeurs. Les électeurs auraient en quelque sorte un rôle consultatif. Or, les provinces pourraient jouer un rôle très important dans les élections qui se tiendraient et, par conséquent, dénoncer le fait que le projet de loi n'est pas transparent, qu'il cherche à contourner la Constitution de manière furtive — certains penseront que c'est là une bonne chose, alors que d'autres ne seront pas du même avis, comme vous l'avez tous fait remarquer à juste titre. Les provinces pourraient donc contester la validité des élections, la validité du mode de sélection, et il y aurait alors tous ces arguments, toute cette controverse, qui déclencheraient un véritable tollé au Canada. Est-ce là ce que nous voulons vraiment?
Toute mesure législative doit être transparente. Elle doit énoncer l'objet en ce qui concerne non pas seulement la lettre de la loi, mais aussi l'esprit de celle-ci.
Étant donné que le 20 juillet 2006, le Conseil de la fédération a émis un communiqué, entériné par toutes les provinces et tous les territoires, dans lequel il affirmait le principe voulant que le Conseil de la fédération doive participer à toute discussion sur d'éventuelles modifications à des éléments importants d'institutions canadiennes clés comme le Sénat et la Cour suprême du Canada et, étant donné que ce principe n'aurait pas été respecté puisqu'il n'y aurait pas eu de consultation, nous pourrions nous retrouver aux prises avec les conséquences qui en découleraient. Les provinces se sentiraient lésées, tout comme le Conseil de la fédération. Il s'agit là d'une décision très récente.
L'Association du Barreau canadien a fait une suggestion. J'aimerais savoir ce que vous en pensez et, si vous jugez qu'il s'agit d'une bonne idée, quelles questions poseriez-vous? L'Association a proposé que le projet de loi soit renvoyé à la Cour suprême pour qu'elle statue sur sa constitutionnalité au regard de l'esprit et de la lettre de la Constitution. Si vous pensez que c'est ce qui devrait être fait, et si les gouvernements sont transparents, ils ne verront aucun inconvénient à procéder de la sorte parce qu'ils auront la confirmation qu'ils ont raison ou ils devront accepter qu'ils ont tort, quelles questions poseriez-vous à la Cour suprême?
Il est encourageant de voir que M. Reid et M. Mendes peuvent au moins s'entendre sur ce dernier point, qu'il existe des conventions en vertu du cadre constitutionnel actuel.
Les réponses à ma première question en deux volets ont surtout porté sur l'impasse. Nous avons discuté un peu des conventions. Mais je trouve cela curieux... Je possède une formation juridique; des fois, c'est un atout, des fois, ce ne l'est pas. Mais dans ce cas-ci, M. Hogg — une fois de plus, je vous le présente comme je l'ai compris, et j'ai la transcription de son témoignage devant moi — a été très clair: la convention qui existe présentement quant à la nomination de sénateurs par le gouverneur général veut que le premier ministre suggère des noms à la gouverneure générale. Et peu importe la façon dont il trouve ces noms — en les faisant sortir d'un chapeau, en tirant pile ou face, en passant un coup de téléphone, en utilisant un processus de sélection —, rien ne change. C'est ce qu'a dit M. Hogg, en résumé.
M. Whyte était de l'avis qu'il s'était peut-être trompé, qu'il avait adopté une interprétation trop littérale des articles de la Constitution et de leur rapport avec les conventions. Je vous donnerai la chance de préciser votre opinion.
J'aimerais que les trois témoins nous disent si l'argument de M. Hogg repose sur des bases solides.
Ensuite, a-t-il raison lorsqu'il dit qu'il n'est pas certain qu'une nouvelle convention découlerait du processus de sélection? Nous semblons tous croire, M. Whyte en particulier, qu'il y aura une nouvelle convention, que les élections dicteront au premier ministre qu'il nomme les sénateurs par le biais de la gouverneure générale. M. Hogg a d'ailleurs dit dans son témoignage que l'élection pourrait être contaminée si ce n'était pas le cas. Y aura-t-il une nouvelle convention, si le projet de loi est adopté, qui contraindra le premier ministre, et cela fera-t-il parti du droit constitutionnel?
Deuxième question, moins importante: lorsque l'on choisit les juges de la Cour suprême, croyez-vous qu'il soit important de leur demander s'ils pensent que la Constitution est fondée sur des conventions ou sur des règles strictes, ou si son interprétation devrait être axée sur l'esprit ou la lettre de la Constitution?
Juste deux petites questions.