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CC20 Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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CANADA

Comité législatif chargé du projet de loi C-20


NUMÉRO 002 
l
2e SESSION 
l
39e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 5 mars 2008

[Enregistrement électronique]

(1535)

[Traduction]

    Je vois que nous avons le quorum. Je déclare la séance ouverte.
    Conformément à l'ordre de renvoi adopté par la Chambre le 13 février 2008, le comité législatif sur le projet de loi C-20 reprend son étude du projet de loi.
    Avant de donner la parole au ministre Van Loan et à ses fonctionnaires, j'aimerais prendre quelques minutes pour régler quelques questions d'ordre administratif.
    Les députés doivent avoir reçu le cahier d'information sur le projet de loi qu'a préparé le Bureau du Conseil privé, donc nous pouvons nous attendre à ce qu'ils adressent des questions en profondeur au ministre.
    Pour commencer, comme il est question de nouveautés, j'aimerais souhaiter la bienvenue à notre second analyste de la Bibliothèque du Parlement. Il s'agit de Jean-Rodrigue Paré.
    Je remercie spécialement les analystes qui ont préparé ce document de 22 pages. Il résume les positions adoptées par de nombreux spécialistes et politiciens sur des dispositions semblables à celles qu'on retrouve dans le projet de loi C-20.
    Ensuite, j'aimerais rappeler aux députés de remettre leurs listes de témoins à la greffière. Nous lui enverrons une liste préliminaire aujourd'hui et une deuxième, plus détaillée, vendredi. Le sous-comité se réunira lundi, ce qui laissera aux témoins le temps de se préparer.
    Cela dit, je vais maintenant céder la parole au ministre Van Loan, leader du gouvernement à la Chambre des communes et ministre de la réforme démocratique. Il comparaît aujourd'hui en compagnie de deux fonctionnaires: Dan McDougall, directeur des opérations pour la Réforme démocratique, et Warren J. Newman, avocat général principal à la Section du droit administratif et constitutionnel.
    Monsieur le ministre, je pense que vous avez préparé une déclaration de 10 à 15 minutes. Je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.
    J'aimerais tout d'abord remercier le comité, parce que le travail que vous abattez sur ce projet de loi est essentiel. Il est important non seulement qu'il ait été renvoyé à un comité législatif spécial, ce qui indique l'importance que le gouvernement lui accorde, mais également qu'il lui ait été renvoyé avant la seconde lecture, afin que vous ayez toute la latitude possible pour étudier l'enjeu important du mode de sélection des personnes qui représentent les Canadiens au Sénat, pour qu'ils représentent vraiment les Canadiens au Sénat.
    Ce projet de loi, bien sûr, c'est le projet de loi C-20, Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs.
    Notre gouvernement a fait clairement connaître sa position concernant la chambre haute: nous croyons que le Sénat doit changer. Nous sommes déterminés à prendre l'initiative d'une telle réforme, et le projet de loi que vous étudiez représente un aspect de notre plan à cet égard.

[Français]

    Le Sénat doit changer parce qu'il n'est pas élu par la population canadienne et n'a donc pas de comptes à lui rendre.
    C'est bien simple, le Sénat est une relique d'une lointaine époque où les nobles et les aristocrates jouissaient d'influence et de pouvoir sans devoir rendre de comptes.

[Traduction]

    Il est incroyable qu'une institution sans mandat électoral comme le Sénat dispose de pouvoirs presque équivalents à ceux de la Chambre des communes. Par exemple, le Sénat peut bloquer des mesures législatives qui ont été adoptées par la Chambre des communes élue selon un processus démocratique; il peut contraindre des fonctionnaires et des citoyens canadiens à comparaître devant des comités sénatoriaux et il peut proposer et adopter des mesures législatives et les renvoyer à la Chambre des communes pour approbation.

[Français]

    En tant que députés, nous conviendrons tous, j'en suis persuadé, qu'il est tout à fait absurde que les membres d'un sénat sans mandat électoral qui n'ont pas de comptes à rendre disposent de pouvoirs presque équivalents à ceux de la chambre du Parlement égale et responsable dont nous faisons tous partie: la Chambre des communes.

[Traduction]

    Pareille situation est malsaine autant pour le Sénat que pour l'état de la démocratie au Canada. C'est pour cette raison que nous avons présenté deux projets de loi afin de moderniser le Sénat et d'en faire une institution responsable reflétant les valeurs, les principes et les traditions démocratiques du XXIe siècle.
    Le premier, le projet de loi C-19, mettra fin à des mandats pouvant atteindre 45 ans, en limitant leur durée à huit ans. Le projet de loi dont votre comité est saisi, qui s'intitule Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs, établit un processus pour permettre aux Canadiens d'exprimer leurs préférences au sujet de la nomination des sénateurs qui les représenteront, dans le cadre de consultations populaires en vue de combler les sièges vacants.
    Ce projet de loi a été soigneusement rédigé de manière à ce que le Sénat demeure une chambre de réflexion sereine et indépendante et conserve ses caractéristiques foncièrement positives.

[Français]

    Les mesures législatives proposées sont conçues de manière à éviter tout changement de nature à nécessiter une modification constitutionnelle.

[Traduction]

    Le mode de sélection prescrit par la Constitution reste inchangé. Le pouvoir constitutionnel du gouverneur général de mander des Canadiens au Sénat et la prérogative que détient par convention le premier ministre de recommander des nominations demeurent tels quels. Les qualités exigées des sénateurs en vertu de la Constitution sont maintenues, et le processus de consultation peut tenir compte de la durée du mandat que le Parlement choisira d'établir pour les sénateurs. Ces mesures législatives ne modifient pas le rôle constitutionnel du Sénat en tant qu'arbitre des questions liées aux qualités exigées des sénateurs.

[Français]

    Le projet de loi à l'étude accorde au gouvernement toute la latitude voulue pour décider de tenir une consultation, à quel moment, dans combien de provinces en même temps qu'une élection fédérale ou provinciale et pour combien de sièges, que ceux-ci soient vacants ou non. Cette souplesse a son importance. Elle permettra d'assurer que des candidats seront disponibles pour combler les sièges qui se libéreront.

[Traduction]

     Pour la première fois dans l'histoire, les Canadiens dans tout le pays auront directement leur mot à dire sur le choix de leurs représentants au Sénat. Le projet de loi doit toutefois être adopté auparavant.
(1540)

[Français]

    Bien déterminé à en assurer l'adoption et à faire du Sénat une institution moderne et responsable, le gouvernement a donc demandé que ce projet de loi soit renvoyé à un comité législatif spécial, en l'occurrence celui-ci, avant l'étape de la deuxième lecture.

[Traduction]

    Nous voulons travailler en collaboration avec les partis de l'opposition — comme nous l'avons fait au sujet de la prolongation de la mission en Afghanistan — pour introduire des changements véritables, une responsabilisation authentique et des progrès réels au Sénat. Depuis que nous avons formé le gouvernement, tous les sondages d'opinion montrent toujours que les Canadiens le souhaitent. Je soupçonne même qu'il en est ainsi depuis les premières années de la Confédération.
    Selon de récentes consultations publiques sur la réforme démocratique menées l'an dernier, 79 p. 100 des Canadiens se sont dits favorables à l'élection des sénateurs, et 65 p. 100 ont exprimé leur appui en faveur de mandats de durée limitée au Sénat. Le fait est que les Canadiens appuient massivement la réforme du Sénat.

[Français]

    C'est la raison pour laquelle nous avons toujours dit, pour ce qui est des détails, que nous sommes ouverts à différentes formules de réforme, mais nous n'accepterons aucun compromis sur la nécessité fondamentale de changements au Sénat.

[Traduction]

    Je tiens cependant à ce que les membres du comité sachent bien que si les tentatives de réforme ne débouchent sur aucun changement, si le Sénat et ses défenseurs affichent de la résistance à l'idée de moderniser le Sénat, alors nous croyons qu'il faudrait abolir le Sénat.
    Telle n'est pas notre préférence; nous préférons tenter de réformer le Sénat avant de nous résoudre à l'abolir. Mais si les intérêts en place continuent, sans avoir de comptes à rendre, à employer leur pouvoir illégitime pour résister à la démocratisation, les Canadiens voudront que nous nous engagions dans cette voie.

[Français]

    Au bout du compte, notre gouvernement s'est engagé à moderniser le Sénat en fonction des principes, des valeurs et des traditions démocratiques de notre grand pays au XXIe siècle.

[Traduction]

    J'espère que les membres du comité accepteront de travailler de bonne foi avec le gouvernement pour faire avancer cet important projet de loi que les Canadiens appuient massivement afin d'aider à faire du Sénat une institution moderne et responsable.
    Je suis maintenant prêt à répondre à toutes vos questions.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Murphy.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur le ministre, de comparaître ici aujourd'hui.
    Premièrement, je suis un peu surpris que nous soyons ici à parler d'une réforme en profondeur du Sénat alors que l'ensemble de la preuve accumulée au Sénat — qui se fonde sur d'anciens projets de loi, des débats et des témoignages — indique qu'il n'y a pas de consensus sur la question de savoir si ce projet de loi est valide selon la Constitution et s'il est accepté par les parties intéressées, c'est-à-dire les provinces.
    Dans ma propre province, le Nouveau-Brunswick, il n'apparaît absolument pas clair que vous, en tant que ministre responsable, ou le premier ministre avez discuté avec le premier ministre Graham, qui est à la fois premier ministre et ministre des Affaires intergouvernementales. Il se dégage clairement des propos de Danny Williams, Benoît Pelletier et tous les autres... Je ne veux pas parler de l'Ontario, parce que l'Ontario et votre nom ne vont pas toujours de pair.
    La question est simple: pourquoi êtes-vous ici avec nous si vous ne vous êtes pas encore acquitté de votre responsabilité de ministre de tenir des discussions en profondeur sur la réforme du Sénat et ce projet de loi avec vos homologues provinciaux?
    Eh bien, je pense qu'il est assez clair, compte tenu que ce projet de loi et l'idée d'une réforme du Sénat ont déjà été étudiés, que notre façon de faire est tout à fait constitutionnelle. Comme vous le savez, si nous voulions changer complètement la composition du Sénat, par exemple, nous devrions appliquer le processus de révision de la Constitution, le mode de révision 7 et 50 et le reste.
    Ce n'est pas ce type de modification. Celle-ci est tout à fait constitutionnelle. Les plus éminents constitutionnalistes du Canada le confirment. Peter Hogg, qui m'a enseigné le droit fiscal et a la réputation d'être le plus grand constitutionnaliste du pays, estime que ce projet de loi est tout à fait constitutionnel. Patrick Monahan, qui m'a enseigné le droit contractuel et m'a donné une meilleure note que Peter Hogg, est d'avis qu'il est tout à fait constitutionnel et approprié.
    Si nous attendions d'avoir le consensus parmi les provinces sur la façon de réformer le Sénat, nous devrions attendre au moins 140 ans, si l'on se fie à l'histoire. Nous jugeons donc nécessaire d'apporter cette modification constitutionnelle, qui constitue un plus et comble le manque foncier de légitimité qu'il y a au sein du Sénat actuellement.
    Il faut souligner qu'il y a déjà des sénateurs nommés issus d'une élection populaire. Il y a déjà eu de telles nominations. L'un de ces sénateurs, le sénateur Bert Brown, siège au Sénat en ce moment. Personne à ma connaissance ne prétend que sa présence au Sénat n'est pas constitutionnelle. Personne à ma connaissance ne juge sa présence inappropriée. Je pense que la plupart des gens estiment que le mandat que lui a confié la population lui confère une légitimité supérieure et augmente la légitimité du Sénat dans son ensemble. Je pense que c'est la perception générale.
    Je peux toutefois vous assurer, sur la question fondamentale de la constitutionnalité, qu'il est très clair que ce projet de loi est tout à fait constitutionnel, et l'ajout que nous proposons ici constitue une modification mineure.
(1545)
    Malgré tout le respect que je vous dois, je doute que nous allons nous entendre sur sa constitutionnalité. Il y a beaucoup de spécialistes qui sont de l'avis contraire. Je n'accepte pas non plus la légitimité de votre réponse pour ce qui est de la consultation avec les provinces.
    Mais prenons les aspects techniques du projet de loi. Parmi les neuf sénateurs de ma province, le Nouveau-Brunswick, quatre sont francophones.

[Français]

acadiens ou brayons, portent un nom français ou parlent le français. Il est très important pour notre province de protéger les droits des minorités linguistiques, donc des Acadiens et Acadiennes du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

    Examinons le fonctionnement de votre projet de loi dans la pratique. Je vous pose la question: s'il y avait une élection ou une sélection un moment donné au Nouveau-Brunswick pendant une élection provinciale ou fédérale, comme le projet de loi le prescrit, s'agirait-il d'une élection à l'échelle de la province? Nous concédez-vous le fait que cela voudrait probablement dire que dans une province à majorité anglophone, la minorité acadienne serait bien peu protégée? Si cela s'applique au Nouveau-Brunswick pour la représentation au Sénat, ce pourrait s'appliquer à bien d'autres situations minoritaires.
    Comme vous le savez, les femmes sont beaucoup plus représentées au Sénat qu'à la Chambre des communes. Soit dit en passant, c'est la Semaine internationale de la femme. Comment assurerez-vous la représentation des minorités avec votre mode de scrutin majoritaire uninominal, le modèle de la carte blanche?
    Voyez-vous, je vous encourage fortement à lire le projet de loi, parce que de toute évidence, vous ne l'avez pas lu. Le modèle électoral prescrit par le projet de loi n'est pas le mode de scrutin majoritaire uninominal.
    Non, mais l'élection se tiendrait à l'échelle de la province, n'est-ce pas, monsieur le ministre?
    Il s'agirait d'un mode de scrutin à vote unique transférable, à l'échelle de la province, ce qui est totalement différent du mode de scrutin majoritaire uninominal. Selon ce modèle, s'il y avait quatre postes vacants, par exemple, le nombre de premiers choix, de préférences ou d'autres correspondrait à 25 p. 100, soit environ le quart de la population. De ce point de vue, la minorité aurait plus de chances d'être représentée, si elle souhaite voter en groupe. Je ne voudrais toutefois pas me prononcer sur le bien-fondé d'une telle stratégie.
    La bête noire de notre système démocratique, c'est que la nomination non démocratique qui permet de favoriser des personnes qui n'auront pas à rendre de comptes, sous prétexte que les minorités seront mieux représentées, pourrait très bien mener à une sous-représentation des minorités, selon la personne au pouvoir. Le prolongement logique de cet argument serait: ne devrions-nous pas abolir la Chambre des communes? Ne devrions-nous pas abolir toute forme de représentation démocratique parce que nous voulons une formule qui assurera telle représentativité à chaque groupe minoritaire? Un monarque absolu et bienveillant devrait alors nommer les personnes voulues. C'est le prolongement logique de cet argument.
    Je pense que de nos jours, dans toute démocratie occidentale, les citoyens sont en droit de s'attendre à ce que leurs institutions démocratiques aient une fonction démocratique de base. Cela signifie que les personnes représentées sont vraiment représentées et non qu'une personne en particulier décide qui va s'exprimer au nom de centaines de milliers ou de millions de personnes. Les personnes soi-disant représentées doivent avoir leur mot à dire dans le choix de leurs représentants. C'est un principe assez fondamental de la démocratie. Je pense que dans le monde, les pays qui réussissent le mieux à protéger leurs minorités et leurs droits sont ceux qui appliquent un modèle démocratique et qui donnent voix au chapitre aux citoyens, parce que la démocratie fonctionne. Les gens trouvent le moyen de s'entendre. La démocratie est un bon moyen de trouver l'équilibre entre les intérêts des minorités et ceux des majorités ou des différentes autres minorités.
    Je pense que la démocratie a un excellent bilan d'humanisme. Presque toutes les occurrences de persécution grave des minorités dans le monde s'observent dans des systèmes où la fonction démocratique est absente.
(1550)
    Merci, monsieur le ministre.

[Français]

    Monsieur Paquette, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Merci de votre présence. Dans votre présentation, vous avez mentionné ce qui suit: « Les mesures législatives proposées sont conçues de manière à éviter tout changement de nature à nécessiter une modification constitutionnelle. » Vous avez dit aussi que le mode de sélection prescrit par la Constitution reste inchangé. Vous nommez un certain nombre de choses dans votre présentation. Or, cela ne semble pas du tout partagé par le gouvernement du Québec.
    Le ministre responsable des Affaires intergouvernementales canadiennes du Québec, M. Pelletier, lors de la présentation des projets de loi qui avaient précédé le S-4 et ensuite le C-43, qui est devenu le C-22, avait mentionné qu'ensemble, les deux projets de loi modifiaient substantiellement l'équilibre entre la Chambre des communes et le Sénat, de même que l'équilibre entre les institutions fédérales et provinciales.
    Selon lui — évidemment, je partage son avis —, le gouvernement fédéral et la Chambre des communes seuls n'ont pas la compétence pour modifier les éléments du Sénat contenus dans le projet de loi C-20 parce que cette modification nécessite une négociation constitutionnelle. On se référait particulièrement, dans le mémoire que le gouvernement du Québec a déposé, à l'arrêt rendu par la Cour suprême concernant les compétences du Parlement relativement à la Chambre haute et sur les changements majeurs touchant le caractère essentiel du Sénat, qui ne peuvent être pris unilatéralement.
    Avez-vous discuté récemment avec le gouvernement du Québec concernant le projet de loi C-20? La position du gouvernement du Québec, selon laquelle de telles modifications nécessitent des négociations constitutionnelles entre les provinces et le fédéral, aurait-elle changé?
    Merci, madame la présidente.
    Nous connaissons bien la politique de la province du Québec sur cet enjeu et sur le projet de loi C-20. Il est prioritaire pour nous que le Québec ait voix au chapitre dans le choix des représentants au Sénat.

[Traduction]

    Au sujet de la consultation, nous croyons que ce projet de loi la favorise. Il consiste à demander aux Québécois qui ils veulent voir représenter leur province au Sénat. Bien sûr, selon la méthode actuelle, nous ne demandons pas leur avis aux Québécois. En gros, c'est le premier ministre qui décide qui va représenter les Québécois, un premier ministre qui peut très bien ne pas venir du Québec. À notre avis, les Québécois seraient bien mieux servis s'ils avaient leur mot à dire.
    Pour ce qui est de l'opinion des Québécois sur le bien-fondé d'une chambre haute non élue, je me fie simplement à ce que le Québec lui-même a fait. Le Québec avait autrefois un système bicaméral. Il avait deux chambres. En 1968, il a toutefois décidé qu'à l'ère de la modernité, après la Révolution tranquille, où l'on essayait de renforcer la démocratie, l'idée d'une seconde chambre non élue n'était tout simplement plus acceptable. Le Québec a pris la décision, en 1968, que le temps d'une chambre haute sans mandat électoral investie de pleins pouvoirs législatifs mais n'ayant aucun compte à rendre était révolu. C'est pourquoi en 1968, il a choisi d'abolir sa chambre haute et de ne garder que la chambre unique qu'il a aujourd'hui. Je pense que cela indique clairement la position du Québec sur l'idée d'une chambre haute sans mandat électoral qui n'a pas de comptes à rendre.
(1555)

[Français]

    Si vous faites un sondage au Québec, vous vous apercevrez que personne ne se lève la nuit pour demander une consultation populaire avant de choisir un sénateur. Par contre, vous allez constater qu'une majorité de personnes pensent que le Sénat doit simplement être aboli et que ces modifications ne changeront absolument rien au fait que cette institution est vétuste. Plus encore — et c'était l'avis du gouvernement du Québec dans son mémoire —, cela change le rapport entre le pouvoir des provinces et des institutions parlementaires provinciales et celui du fédéral. C'est pour cette raison que cela nécessite des négociations constitutionnelles. On a répété à plusieurs reprises que ces modifications ne peuvent être faites unilatéralement par le gouvernement fédéral et la Chambre des communes.
    Vous mentionnez que le Québec s'est effectivement débarrassé de sa chambre législative en 1968. Ce n'est pas un bon exemple. Le Québec est une province qui fait partie d'un parc fédératif. Ce parc implique le palier fédéral et les provinces. Donc, on ne peut pas modifier des institutions parlementaires fédérales sans l'accord des provinces.
    L'Assemblée nationale a adopté à l'unanimité une motion demandant au gouvernement fédéral et au Parlement du Canada que toute modification au Sénat canadien ne puisse se faire sans le consentement du gouvernement du Québec et de l'Assemblée nationale. D'ailleurs, cette motion a été transmise au gouvernement et rien, à ma connaissance, ni à l'Assemblée nationale ni dans la position du gouvernement du Québec, n'a changé à cet égard.
    Si le gouvernement du Québec s'oppose au projet de loi C-20 sur la base de la nécessité de négociations constitutionnelles impliquant l'accord des provinces quant aux modifications du Sénat, le gouvernement voudra-t-il aller de l'avant sans l'appui du Québec, qui a été reconnu comme une nation à l'intérieur de l'espace politique canadien? Son avis devrait être, à notre sens, l'équivalent d'un veto s'il n'y a pas accord. Iriez-vous de l'avant même si le gouvernement du Québec était en désaccord?

[Traduction]

    Vous soulevez tellement de questions que je ne sais pas par où commencer. Je vais simplement me concentrer sur l'aspect central de la meilleure façon de représenter le Québec au Sénat.
    Je suis convaincu que le Québec serait mieux représenté au Sénat si les Québécois avaient leur mot à dire dans le choix de leurs représentants. Il serait très possible qu'un gouvernement, un premier ministre canadien en situation minoritaire, par exemple, n'ait aucun siège au Québec, mais selon les règles actuelles, c'est tout de même le premier ministre qui décide qui représente les Québécois. Je pense que cette situation est susceptible d'engendrer beaucoup plus de tension au pays qu'un système dans lequel les Québécois pourraient choisir qui les représente au Sénat.
    Je pense qu'il serait de loin préférable de donner voix au chapitre aux citoyens d'une province que de préserver un système sans reddition de comptes dans lequel les citoyens n'ont absolument rien à dire, pour être franc, pas plus que la province. Selon la loi actuelle, la province ne peut pas nommer ses représentants au Sénat. Le pouvoir des provinces n'est pas protégé si la décision repose exclusivement entre les mains du premier ministre et qu'il n'est pas possible de demander à la population par qui elle veut se faire représenter.
    Je ne vois aucune dérogation aux pouvoirs de la province. Rien n'est entrepris pour limiter ou modifier le degré de représentation au Sénat. Plutôt que de demander à quelqu'un qui pourrait être premier ministre du Manitoba, disons, de représenter le Québec, nous allons demander au peuple québécois qui devrait représenter le Québec.
    Monsieur Martin.
    Monsieur le ministre, je vais vous dire d'emblée que je suis très content que nous discutions de cette question aujourd'hui. Je trouve les projets de loi C-19 et C-20 très intéressants et j'admire votre gouvernement d'avoir eu le courage de les proposer. Vous n'êtes certainement pas sans savoir qu'il fait partie de l'histoire de mon propre parti, depuis les années 1930, de vouloir abolir le Sénat non élu; c'était l'un des principaux chevaux de bataille de la CCF. Le choix des mots est important. Nous avons réaffirmé à notre dernière convention, en septembre 2006, notre désir d'abolir le Sénat non élu. Je ne sais pas quelle serait l'opinion de mon parti si quelqu'un proposait d'abolir le Sénat; je ne crois pas que ce soit une position très répandue au sein du parti.
    Je souligne qu'il y a eu 13 tentatives de réformer le Sénat depuis 1900 et que toutes ces tentatives sont mortes dans l'oeuf après quelque temps. Je pense que pour commencer, mon parti aurait aimé qu'on tienne un référendum national sur la question de savoir si nous voulons un Sénat. En fait, nous avons présenté récemment une motion en ce sens lors d'un jour de l'opposition.
    Votre gouvernement a-t-il envisagé d'effectuer une consultation de cet ordre avant d'élaborer ce projet de loi?
(1600)
    Je peux vous assurer qu'il l'a envisagé. Le point commun entre la position du gouvernement et celle de votre parti, c'est que rien ne justifie le maintien d'un Sénat non élu, c'est-à-dire d'un Sénat n'ayant aucune valeur démocratique, composé de sénateurs qui ne sont pas tenus responsables devant la population, ce qui est inacceptable dans une société démocratique.
    Évidemment, nous espérons pouvoir sauver le Sénat en y injectant le caractère démocratique qui lui manque jusqu'à maintenant: il s'agirait de demander aux Canadiens par qui ils veulent se faire représenter. Nous pensons qu'il faut donner sa chance à ce type d'amélioration. Nous savons qu'il y a des partis qui ne veulent pas de cette solution parce que le Sénat les avantage, mais je pense qu'il est difficile pour tout le monde de faire valoir qu'en 2008, il y a un caractère démocratique inhérent à un Sénat sans mandat électoral qui n'a pas de comptes à rendre.
    Il y a aussi quelque chose de très démocratique dans le fait de demander aux gens ce qu'ils pensent. Même Hugh Segal, un sénateur conservateur que tout le monde dépeint comme un homme très vaillant qui utilise probablement très bien ses fonctions, affirme qu'il n'y a rien de radical à demander aux gens ce qu'ils pensent. Il milite pour la tenue d'une forme de référendum.
    J'ai bien peur que ce ne soit la quatorzième tentative manquée de réformer le Sénat. Il y a des gens qui croient que vous présentez celle-ci parce qu'elle pourrait vous rapporter beaucoup à la prochaine campagne électorale et vous faire marquer des points contre les grands méchants partis qui ne veulent pas vous laisser réformer le Sénat. Mettons cartes sur table, c'est ce qu'on raconte.
    Je peux vous assurer que nos intentions de moderniser le Sénat sont très sincères. Je peux aussi vous assurer que si ces efforts ne portent pas fruit, notre choix numéro un ne serait pas de nous en plaindre. Notre choix numéro un serait, si le projet de loi est totalement bloqué, de prendre les moyens que votre parti privilégie et de demander aux Canadiens d'examiner des options pour son abolition. Le comité pourrait peut-être, dans toute sa sagesse, y réfléchir aussi.
    Nous vous laissons une grande latitude en vous renvoyant ce projet de loi avant la seconde lecture. La question de fond pourrait peut-être faire partie de votre étude: convient-il d'abolir le Sénat tout de suite ou vaut-il mieux le réformer pour le démocratiser? Pour être honnête, je pense qu'il y a tout lieu de débattre intelligemment de ces deux possibilités. Je pense qu'il en vaudrait la peine pour le comité.
    Ce que je crains, et j'ose espérer que ce ne sera pas le cas, c'est que les défenseurs d'un Sénat sans mandat électoral qui n'a pas de comptes à rendre, parce qu'il est à leur avantage politique... C'est une excellente façon de récompenser ses copains qui ont bien travaillé lors de campagnes ou ailleurs.
    Vous feriez mieux de ne pas trop vous avancer sur ce terrain. Vous avez Michael Fortier qui siège au Sénat sans mandat électoral en ce moment, monsieur le ministre.
    C'est une autre personne qui, je crois, partage une philosophie pas trop loin de la vôtre sur le fonctionnement du Sénat.
(1605)
    C'est vrai.
    Il défend ce point de vue clairement et il est prêt à se soumettre à une élection à la Chambre des communes. Selon lui, le Sénat doit changer et ne peut pas continuer de fonctionner de cette façon.
    Je crains surtout qu'à ce comité, les gens se cachent derrière des questions comme la consultation des provinces ou d'autres arguments trompeurs pour éviter la question fondamentale de la démocratie. Vous pouvez dire que nous n'avons pas besoin d'élections, que nous n'avons pas besoin d'être démocratiques ou nous servir n'importe quel autre argument superficiel que vous pouvez imaginer.
    Je pense que la démocratie est fondamentale.
    Je n'en pense pas moins.
    Il est assez fondamental au XXIe siècle, en 2008, de nous demander s'il faut opter pour un Sénat démocratique composé de sénateurs désignés sur la base de recommandations de la population ou s'il faut plutôt demander aux Canadiens s'ils estiment que le Sénat devrait même continuer d'exister. Il faut faire quelque chose pour que le Sénat cesse d'être une entente privée entre le premier ministre et quiconque il décide de nommer au Sénat et qu'il cède le pas à une entente entre la population du Canada, qu'on prétend représenter ici, et ses représentants.
    Vous pouvez encore nous usurper quelques minutes, si vous le voulez.
    Je vais certainement les utiliser, merci.
    Quelles seraient les prochaines étapes si vous étiez toujours au pouvoir à la mort de ce projet de loi? Quelles mesures allez-vous prendre pour abolir le Sénat?
    C'est une question hypothétique. Nous préférerions essayer de mettre en oeuvre une réforme pour l'améliorer. Si le comité, dans sa sagesse, juge que ce n'est pas réaliste et qu'il recommande un mécanisme pour interroger les Canadiens sur l'abolition du Sénat ou qu'il nous conseille de demander aux Canadiens ce qu'ils préfèrent (un Sénat élu, pas de Sénat du tout ou le statu quo), peut-être peut-il recommander que nous soumettions la question aux Canadiens sous la forme de consultations.
    Je suis toutefois ici aujourd'hui dans la perspective que c'est une réforme qu'il vaut la peine d'adopter pour régler bon nombre des problèmes de manque de légitimité du Sénat en ce moment. Si, par exemple, vous avez un meilleur mode de scrutin à proposer, si vous voulez privilégier un système autre que celui proposé dans le projet de loi, il vaudrait la peine d'en discuter. C'est l'occasion d'en parler.
    Je pense qu'il incombe aux membres de ce comité de débattre des questions fondamentales et de la philosophie sur laquelle se fonde le projet de loi, puis de formuler des recommandations concrètes sur la façon de moderniser ce Sénat nettement vétuste.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Lukiwski, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente et merci, monsieur le ministre, d'être ici.
    J'ai deux ou trois observations à faire, et une question à poser.
    Monsieur le ministre, je suppose que la première chose que nous devons tous reconnaître ici, c'est que bien que nous ayons parlé de consultations des provinces et d'autres, le facteur vraiment déterminant pour le passage de n'importe quelle loi au niveau du comité est la manière dont les représentants élus de chaque parti votent sur la loi proposée — soit qu'ils décident d'éviscérer le projet de loi, de le modifier légèrement ou encore de l'adopter ou le rejeter.
    L'un des avantages de ce comité et du passage du projet de loi par un comité législatif c'est, on l'espère, que nous pourrons déterminer, assez rapidement, ce qu'en pensent tous les partis respectifs de la Chambre des communes. Pour ma part, j'ai déjà appris quelque chose, aujourd'hui, parce que j'avais toujours pensé que le Nouveau Parti démocratique était favorable à l'abolition du Sénat en tant que tel. Je ne sais pas si on peut parler avec justesse de position nuancée, je n'avais franchement pas compris auparavant, comme maintenant à la suite des commentaires de M. Martin, qu'ils sont en faveur de l'abolition d'un Sénat non élu. Dans ma province de la Saskatchewan, notre ancien premier ministre, un néo-démocrate, a dit à maintes reprises publiquement que son parti était favorable à l'abolition du Sénat, point, pas du Sénat non élu.
    Là où je veux en venir, c'est que nous devons d'abord déterminer, à mon avis, si nous voulons faire des progrès ici, si le comité va siéger longuement ou peu de temps, quelles sont les positions des partis représentés à ce comité. Je ne connais pas encore la position officielle du Parti libéral. J'espère bien le savoir bientôt. Je ne suis pas sûr de la position du Bloc québécois. Je sais maintenant la position du Nouveau Parti démocratique. Je pense que ce que vous avez dit de la position du Parti conservateur est assez juste. Nous cherchons à faire des changements fondamentaux, peut-être modestes pour commencer, mais néanmoins des changements fondamentaux dans la démocratisation du Sénat. Je suis tout à fait d'accord avec cela.
    Ce que je crains, c'est que si nous nous engageons sur cette voie — et vous en avez parlé dans vos observations préliminaires — de vastes consultations des provinces en leur permettant à elles-mêmes de tenir leurs propres consultations, nous pourrions nous retrouver dans la même position qu'aujourd'hui après 140 ans. Je pense que les positions de la plupart des provinces sont assez claires parce qu'elles ont déjà exprimé leurs vues sur le Sénat à diverses occasions. Ces vues, bien entendu, changent de temps à autre quand change le parti politique qui gouverne une province. J'ai parlé de ma propre province de la Saskatchewan, dont l'ancien gouvernement néo-démocrate était en faveur de l'abolition du Sénat. Je ne sais pas ce qu'en pense l'actuel gouvernement de la Saskatchewan.
    J'espère bien que ce comité n'ira pas dire seulement Écoutez, en fin de compte, nous avons consulté adéquatement les provinces; nous ne pouvons vraiment rien faire de plus. Je pense qu'il incomberait à ce comité de s'engager dans ces consultations. Après tout, quand ils étudient des lois, tous les comités consultent largement les intervenants. J'aimerais pouvoir penser que ce comité peut entreprendre ses propres consultations des provinces.
    Cela étant dit, la question que j'ai à poser est la suivante : pouvez-vous dire à ce comité ce que pensent les provinces sur la réforme du Sénat, dont vous êtes au courant?
(1610)
    Les points de vue varient entre provinces. Vous avez tout à fait raison, ces vues et positions des provinces tendent à changer quand il y a un changement de garde à la suite d'élections. Plusieurs provinces, c'est évident, sont tout à fait ouvertes à la consultation. Le gouvernement de la Nouvelle-Écosse l'a déclaré, et le gouvernement de l'Alberta a déjà une loi pour en tenir. Plusieurs provinces ont exprimé leurs voeux d'abolition, dont notamment, la Colombie-Britannique et le Manitoba. Les autres sont surtout portées à souhaiter un changement au Sénat, mais il faut une consultation, et elles ne savent pas exactement en quoi devrait consister le changement.
    Si vous comprenez le fondement de ce dont nous parlons ici, il s'agit de consultations. Je ne connais aucun gouvernement qui soit d'avis qu'un organe purement désigné est préférable à un organe qui a un élément démocratique. On peut me corriger, mais c'est ce que je comprends des positions des provinces jusqu'à maintenant. La plupart ont déjà exprimé leurs vues, c'est évident, mais comme il y a eu des changements de gouvernement récemment, nous attendons une mise à jour.
    Je ne sais pas quelle définition on donne au terme « consultations », mais peut-on dire que vous avez une assez bonne idée de la position de chaque province au sujet de la réforme du Sénat? Si c'est juste, pourrait-on alors dire que la majorité des provinces, sinon toutes, seraient d'avis qu'il faut autre chose que le statu quo, ce qui permettrait alors à ce comité de faire des progrès dans cette optique et de chercher des alternatives au statu quo?
    Je ne connais personne qui dise que le statu quo est ce qui convient. Qu'on me corrige si je me trompe, mais c'est ce que je comprends des positions exprimées. Toutes pensent qu'il faut un changement.
    Ce qui importe, c'est que nous ne cherchons pas à faire des changements qui, par exemple, auraient une incidence sur les niveaux relatifs de représentation des provinces — la part qu'elles ont dans les décisions. Certaines provinces, par exemple, préféreraient que le gouvernement provincial intervienne directement dans la désignation des représentants au Sénat. Nous pensons qu'il vaut mieux demander l'avis de la population de cette province. Cela règle le problème et est plus démocratique. Si on veut vraiment que le Sénat soit un organe représentatif des régions, cette solution ferait que les habitants de ces régions ou provinces auraient la possibilité de dire qui ils veulent pour les représenter.
    Madame Fry.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Quelqu'un demandait ce que le Parti libéral en pensait. Je pense que la plupart d'entre nous sommes d'accord, puisque le gouvernement libéral a présenté dans le passé des projets de loi justement sur la réforme du Sénat.
    On ne peut faire abstraction du concept de processus, ici, et de la formulation d'un processus par un groupe de personnes qui est convaincu de la nécessité de réformer le Sénat. Bon nombre d'entre nous qui avons défendu avec émotion l'Accord de Charlottetown dans le bon vieux temps, dont je suis, espérons, c'est certain, certaines des réformes dites « triple-E » qui ont été envisagées. La question qui se pose, c'est comment allons-nous nous y prendre?
    Nous savons que des savants se sont rangés de part et d'autre de ce débat. En 1980, la Cour suprême a déclaré que le Parlement ne pourrait modifier les caractéristiques fondamentales du Sénat sans d'abord obtenir l'assentiment de celui-ci. Ensuite, il y a eu la Loi constitutionnelle de 1982, laquelle stipule qu'il est possible de modifier la Constitution en ce qui concerne le Sénat, mais il y avait une manière de procéder. Le processus devait respecter trois conditions, et je tiens à préciser que l'Accord de Charlottetown remplissait ces conditions. En principe, au moins deux tiers des provinces doivent être d'accord, le Sénat doit être d'accord, et au moins 50 p. 100 de la population de ces provinces doit être d'accord.
    Quand nous avons parlé de changement démocratique, nous nous sommes d'abord et surtout demandé si la fin justifie les moyens. Si nous ne tenons pas compte de ce que la Constitution nous dit qu'il faut faire, ou si nous voulons aborder la question sous l'autre angle et regarder ce que la Cour suprême dit que nous devrions faire, il nous faut procéder autrement. Je ne pense pas que le Parlement ait le pouvoir d'agir seul. C'est la méthode que dicte la Loi constitutionnelle pour modifier le Sénat qui est la bonne.
    La question que j'ai à poser revient à ce qu'a dit tout le monde. Nous ne pouvons pas — peu importe combien nous le souhaitons en tant que gouvernement — faire quelque chose d'inconstitutionnel à moins d'être prêts à rouvrir la Constitution et à entrer dans ce grand débat. Je ne pense pas ce soit ce que personne, ici, suggère; cependant, nous pouvons étudier les nombreuses façons d'élire le Sénat et de concrétiser le nouveau type de réforme du Sénat qui n'a pas besoin d'aller à l'encontre des processus de modifications que prévoit la Constitution.
    Ma grande question est la suivante : est-ce la bonne façon de procéder? Est-ce que ce projet de loi législatif, C-20, est le bon moyen? Comment allons-nous obtenir l'assentiment de deux tiers des provinces et de 50 p. 100 de la population? Comment allons-nous rallier le Sénat à cet avis?
    Nous ne pouvons pas faire ceci seuls, et c'est ce que je tiens à dire. Autant je souhaite cette réforme « triple-E » du Sénat, ce n'est pas la façon d'y parvenir. Ce qui me préoccupe, c'est qu'on ne peut pas, sous le couvert de la démocratie, faire quelque chose de foncièrement antidémocratique.
(1615)
    Bien entendu, ce projet de loi ne propose pas un Sénat « triple-E », ni rien du genre. Le changement progressif que nous proposons, ici, est bien loin du genre de changement dont il était question dans l'Accord de Charlottetown. C'est un changement qui respecte les fondements constitutionnels actuels du Sénat et, en conséquence, ne nécessite pas la consultation des provinces qui est envisagée actuellement dans la formule de modification. Ce n'est tout simplement pas un changement de cette ampleur.
    Je tiens à vous rappeler qu'un changement a été apporté auparavant dans les dispositions de la Constitution. La notion de l'âge du départ à la retraite a été créée. C'est un facteur qui a une incidence sur les qualifications pour la nomination au Sénat. C'est prévu dans la Constitution.
    La Cour suprême a dit, en fait, que cela pouvait se faire. Alors encore une fois...
    Si vous permettez que je termine...
    Je préférerais poser d'autres questions, plutôt que...
    ... c'est justement là où je veux en venir. Cette modification...
    Pouvons-nous avoir un peu pitié des interprètes?
    Le projet de loi dont nous traitons, qui est devant vous, concerne exactement la même catégorie de changement...
    Il y en a qui ne sont pas d'accord.
    ... que peut apporter le gouvernement, le Parlement du Canada, sans qu'il soit nécessaire d'obtenir l'approbation des provinces pour ce processus de modification constitutionnelle plus général. C'est un changement très modeste, qui ne franchit pas cette limite.
    Ce monsieur, ici, du ministère de la Justice, vous le confirmera volontiers. Je sais que le Parti libéral est toujours très intéressé à l'avis du ministère de la Justice sur la validité constitutionnelle de ces principes. Puisque c'est la question que vous posez — si c'est constitutionnel, si c'est une façon appropriée de procéder — je voudrais simplement l'inviter à dire ce qu'il en pense.
    Pourriez-vous répondre à cette question, monsieur Newman?
    Madame la présidente,puis-je...
    Je vous laisserai le temps de réfuter son argument, mais pouvons-nous avoir un peu pitié des interprètes qui essaient de composer avec toutes ces interjections?
    Madame la présidente, ceci n'est pas un débat — je n'ai aucune intention de réfuter quoi que ce soit — , mais j'ai entendu ce qu'a dit le ministre au sujet de ma réponse. J'ai compris. Je n'ai pas besoin que quelqu'un continue de me dire ce qu'il affirme croire. Je voudrais poser une autre question.
    Je pensais qu'il serait utile d'entendre l'avis du ministère de la Justice sur cette question.
    C'est de mon temps que nous prenons.
    Je veux bien ajouter, très rapidement, que ce projet de loi n'envisage aucune modification constitutionnelle. Il ne s'agit pas de modification de la Loi constitutionnelle du Canada. C'est une loi qui serait promulguée concernant le Sénat, mais ce n'est pas une modification constitutionnelle.
    Même si c'était présenté comme une modification de la Constitution, en vertu des processus de modification, ce ne sont pas toutes les modifications constitutionnelles qui doivent être faites en rapport avec le Sénat selon la procédure dite « 7/50 », la formule générale de modification.
    En fait, l'article 44 — je n'aime pas beaucoup entrer dans les détails techniques — est la procédure implicite. Le Parlement peut prendre des lois modifiant la Constitution du Canada en rapport avec le gouvernement exécutif, au Sénat et à la Chambre des communes.
    Troisièmement, en ce qui concerne la manière dont nous pourrons parvenir à nos fins, nous ne devons pas oublier que si nous voulions un jour envisager un amendement selon la règle « 7/50 », le Sénat n'a pas de veto absolu sur ce type d'amendement. Donc, la voie n'est pas nécessairement tout à fait bloquée. Le Sénat est doté d'un veto suspensif, de 180 jours.
(1620)
    Madame la présidente, est-ce qu'il me reste du temps? Je vous remercie.
    Là où je veux en venir, c'est que si nous en venons à dire qu'il nous faut contourner les exigences parce que nous ne faisons pas une modification constitutionnelle d'importance relativement à... bien que d'aucuns diraient que c'est un changement fondamental. La manière dont le Sénat sera élu et celle dont il fonctionnera changent les caractéristiques fondamentales du Sénat.
    Mais j'aimerais poser la question suivante. Les termes « démocratie » et « démocratique » apparaissent très souvent dans les allocutions du ministre — à ce sujet-ci, en tout cas — et je pense qu'il nous faut réfléchir au principe démocratique. On ne peut pas faire abstraction des provinces si on veut être démocratique. C'est un changement fondamental à la Fédération et à la manière dont les institutions du Parlement vont pouvoir fonctionner. Il nous faut demander à la population, de même qu'aux provinces, ce qu'elles en pensent. Peut-être la Constitution ne l'exige-t-elle pas, si on veut y circonvenir, mais on ne peut pas prendre des mesures et apporter des changements fondamentaux en catimini. Il faut agir ouvertement et de manière démocratique si on est sincère. Nous ne pouvons le faire sans les provinces. Elles devraient être consultées, les rallier à notre cause, qu'elles décident même si elles veulent prendre cette voie. La population devrait elle aussi décider si elle veut prendre cette voie.
    Alors ce que je dis, c'est que si nous voulons être démocratiques, soyons-le dans le sens de ce que le gouvernement peut et ne peut pas faire — et devrait et ne devrait pas faire —, de manière démocratique.
    Madame Fry, avez-vous une question, très rapidement?
    Non, je voulais faire comprendre ma vision des choses — c'est-à-dire qu'il nous faut agir de manière démocratique. N'excluons pas les provinces.
    Je ne sais pas si le ministre pense qu'il serait démocratique d'exclure...
    Votre temps est écoulé, mais je donnerai une chance au ministre de répondre, s'il le souhaite.
    Très rapidement, encore une fois, c'est un projet de loi qui relève entièrement de la compétence exclusive du Parlement du Canada, en vertu de la Loi constitutionnelle. Dans la même mesure où nous le ferions d'un autre projet de loi... Et une province pourrait exprimer son intérêt pour les aéroports, une province pourrait s'intéresser à une base militaire, mais la réalité, c'est que ces questions relèvent exclusivement de la compétence fédérale.
    Il est certain qu'il y a possibilité d'argumenter, mais ce que nous voulons vraiment, c'est consulter la population des provinces. C'est l'objet de ce projet de loi. Demandons aux citoyens des provinces qui ils veulent voir les représenter. Si vous trouvez vraiment qu'il est important de demander à la population ce qu'elle veut, vous appuierez le projet de loi.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous laissons la parole à M. Reid.
    J'ai une question à poser, mais tout d'abord j'aimerais brièvement revenir sur les observations de M. Murphy. Il a dit quelque chose qui, d'après moi, en gros, revient à dire que nous ne pouvons pas compter sur l'électorat pour voter pour des gens qui ne sont pas membres de la population majoritaire locale, quelle qu'elle soit. Il a donné pour exemple qu'il serait peu probable que les habitants du Nouveau-Brunswick votent pour des sénateurs qui sont membres de leur minorité francophone de la province, parce que la province a une majorité anglophone.
    Je tiens à souligner, aux fins du compte rendu, que la province a élu, bien sûr — ce doit être il y a 35 ou 40 ans — Louis Robichaud comme premier ministre. Il était, on le sait, membre de la minorité acadienne. Il n'a d'ailleurs pas été le seul. Alors, cela peut arriver.
    De même, mon collègue, M. Lauzon, un Franco-ontarien, est dans une circonscription dont plus de la moitié de la population est anglophone. Mon collègue, M. Mark, est à Dauphin—Swan River—Marquette, une circonscription dont la majorité de la population, j'insiste vivement là-dessus, n'est pas sino-canadienne. Brian Mulroney a été élu et est, on le sait, un anglophone représentant une circonscription quasi entièrement francophone.
    Alors il y a un précédent qui porte à conclure que dans des démocraties, la population vote souvent pour le meilleur représentant qui soit, sans égard pour ses caractéristiques ethniques ou autres. Ce n'est qu'une observation, en passant.
    La question que j'ai à poser, en fait, est sur un tout autre sujet. M. Newman a soulevé une question constitutionnelle intéressante, et c'est que le gouvernement a deux projets de loi concernant le Sénat, qu'étudie actuellement la Chambre des communes. Nous discutons actuellement de l'un d'eux, une loi ordinaire. L'autre est une proposition visant à limiter à huit ans le mandat des sénateurs, et on en parle comme d'un amendement à l'article 44.
    Je me demande si on peut nous expliquer brièvement pourquoi on a choisi une voie pour le premier de ces projets de loi et une autre pour le second.
(1625)
    C'est parfois une question de rédaction législative, mais je ne pense pas que ce soit nécessairement le cas ici.
    Dans certains cas, il est clair qu'il faut passer par l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982, parce qu'on cherche à modifier le libellé de la Constitution du Canada, c'est-à-dire de la Loi constitutionnelle. C'est certainement le cas du projet de loi C-19. Il modifierait le libellé même de la Loi constitutionnelle de 1867.
    Dans ce cas particulier, tout d'abord, nous estimons qu'il ne s'agit pas d'une modification constitutionnelle dans le sens qui est donné au terme dans la formule de modification. C'est-à-dire qu'elle ne vise pas à modifier une disposition de la Constitution du Canada. Ce qu'elle fait, c'est qu'elle prend les dispositions de la Constitution pour acquises — le processus formel de nomination, la convocation des sénateurs par le gouverneur général, et le rôle conventionnel que joue le premier ministre — et constitue un mécanisme ou un processus par lequel le principe démocratique peut influer sur ce choix des sénateurs. Donc on ne fait pas intervenir l'article 44 de la Loi constitutionnelle de 1982.
    D'aucuns soutiendraient que toute loi organique est, d'une certaine manière, constitutionnelle, avec un petit c. Tout cela s'insère dans la Constitution telle qu'exprimée dans la common law, si on peut le dire ainsi. Et il y a bien des lois, y compris la Loi sur le Parlement du Canada, qui ont ce caractère organique. Mais ceci n'est pas, comme je le dis, une modification constitutionnelle comme peut l'être le projet de loi C-19.
    Merci.
    Voici une toute petite question, qui s'adresse encore à M. Newman.
    J'ai eu l'impression, d'après vos observations tout à l'heure, qu'il n'est pas inconcevable que l'on puisse régler cela d'une façon ou d'une autre, qu'il est possible de fusionner les éléments qui sont constitutionnels et non constitutionnels dans la même loi. Est-ce vrai, ou est-ce que je vous ai mal compris?
    Eh bien, il serait possible d'avoir un projet de loi qui, en tant que véhicule — et cela s'est fait dans le passé — propose une modification à la Loi constitutionnelle de 1867, qui modifie le libellé, et qui prévoit aussi d'autres dispositions.
    De fait, si vous regardez la Loi sur le Nunavut, vous verrez qu'il y a des modifications qui ont modifié la Loi constitutionnelle de 1867 en ajoutant un sénateur pour le Nunavut et la représentation du territoire à la Chambre des communes. C'étaient de véritables modifications au libellé constitutionnel. Et on poursuivait en constituant le gouvernement du Nunavut dans la Loi sur le Nunavut.
    Alors on peut avoir un projet de loi qui constitue un véhicule pour cela. Ce n'est pas, néanmoins, ce qui a été tenté ici, et je pense que la position du gouvernement, tant à ce sujet qu'à celui de projets de loi antérieurs, les projets de loi S-4 et C-43, est qu'il s'agit ici de mesures législatives indépendantes. Elles visent un objectif plus général de réforme du Sénat, mais elles sont indépendantes, et elles seront adoptées ou rejetées par un scrutin, selon leurs mérites.
    Merci, monsieur Reid.
    Madame Guay.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Tom a demandé plus tôt quelle était la position du Bloc. On a toujours eu la même position face au Sénat. Je pense que le Sénat est une institution dépassée et que nous devrions justement l'abolir. C'est la position du Bloc québécois et elle restera la même.
    Déjà, à la Chambre des communes, il est très ardu de travailler à un projet de loi. On passe par des comités, on revient à la Chambre, on fait encore des discours, on retourne en comité, on vote et le projet de loi est envoyé au Sénat, qui refait exactement la même chose qu'on vient de faire. Il peut tout défaire. C'est comme si nous travaillions pour rien. Selon nous, le Sénat est une institution dépassée.
    J'ai fait moi-même un test. J'ai demandé à des Québécois s'ils connaissaient le sénateur de leur région. Personne n'a pu me dire quel sénateur représentait la région des Laurentides. Les sénateurs ne font aucune représentation et ne sont pas obligés d'en faire. Ils reçoivent des salaires assez importants, tout comme nous. Par contre, nous devons faire de la représentation et notre travail de parlementaires à la Chambre; nous sommes obligés d'être ici au moins quatre jours par semaine, parfois cinq. Les sénateurs, eux, peuvent venir quand ça leur tente, quand ça leur chante. Selon nous, le Sénat est vraiment inutile.
    Il y a aussi les coûts reliés au Sénat. Il coûte extrêmement cher de garder des sénateurs. Il y en a 100 et quelque et ils reçoivent des salaires faramineux. Cet argent pourrait servir à autre chose qu'à maintenir un Sénat qui, selon moi, est inutile. C'est le simple commentaire que je voulais faire.
    Je suis d'accord pour dire qu'il faut consulter les provinces. Vous connaissez la position du Québec. Vous ne pouvez pas prendre de décision sans consulter. Vous dites qu'on n'a pas besoin de changer la Constitution. Or, je crois qu'il faut l'examiner, parce que le gouvernement du Canada ne peut simplement pas tout changer. Si les provinces ne sont pas d'accord, vous allez rencontrer des gens qui ne seront pas contents non plus au moment des prochaines élections. Cette façon de faire m'apparaît non nécessaire, non utile.
    Vous dites vous-même dans votre discours que vous êtes prêt à abolir le Sénat. Je ne vois pas comment on pourrait s'entendre là-dessus. Vous avez dit que cela pouvait durer 140 ans. Le débat durera peut-être 140 autres années, parce que si cela retourne au Sénat, il est sûr qu'il va le tuer dans l'oeuf. On travaille pour rien, encore une fois. Je voudrais entendre votre avis là-dessus. Ce n'est pas par mauvaise volonté; c'est vraiment notre croyance, c'est celle du Québec. Si vous faisiez un test auprès des Québécois, comme je vous l'ai dit, vous seriez surpris de leurs réponses.
(1630)
    Si on demande aux Québécois qui ils veulent comme représentants au Sénat, cela constitue une consultation.

[Traduction]

    J'aurais du mal à croire qu'il ne voudrait vraiment pas se faire poser la question.

[Français]

    Je ne le pense pas, parce que qu'ils ne veulent pas de Sénat du tout.

[Traduction]

    Pour revenir à vos observations sur le rôle que joue le Sénat et s'il est valide, s'il est approprié à notre époque, je pense que c'est une position très valable. Je peux la respecter. Je pense qu'il serait insensé de vouloir prétendre que ce que pensent bien des gens. Je crois, malheureusement pour le Sénat et pour nous tous qui travaillons à ce Parlement, qu'il règne un climat d'irrespect à l'égard du Sénat parce qu'il manque de légitimité. Peut-être la seule solution à cela est-elle l'abolition. Nous pensons tout de même qu'il vaudrait mieux l'arranger. On a sondé l'opinion des Canadiens sur le sujet, et ils sont du même avis.
    L'abolition jouit d'un certain soutien, qui semble grandir avec le temps. Si on remonte à juin 2006, 31 p. 100 des répondants étaient en faveur de l'abolition d'après un sondage Ipsos-Reid, et en novembre de l'année dernière, ils étaient 46 p. 100 de cet avis. C'est une hausse de près de 50 p. 100 — sur les deux années pendant lesquelles ce gouvernement a siégé — du nombre de Canadiens qui sont prêts à dire que l'abolition serait une solution qu'ils appuieraient. C'est sans aucun doute la conséquence de la conduite qu'ont observée les Canadiens de la part d'un Sénat dominé par le Parti libéral, à l'égard de bien des lois du gouvernement et, en particulier, je pense, de certaines propositions de réforme.
    Cela étant dit, les Canadiens prêts à appuyer le principe d'élections directes ou d'une espèce de consultation sur qui ils voudraient voir les représenter au Sénat sont bien plus nombreux. Dans quatre sondages distincts menés entre décembre 2006 et février 2008, on constate que 63 à 79 p. 100 des répondants se disent favorables à des changements de ce type au Sénat. Les chiffres sont similaires relativement à la limitation de la durée des mandats, qui fait l'objet de l'autre projet de loi.
    Je conclus de ces résultats populaires que la seule chose que ne souhaite à peu près personne, c'est le maintien du Sénat tel qu'il est maintenant. La population préfère, comme ce gouvernement, qu'il soit changé et réformé, mais s'il ne peut être changé ou réformé, elle semble de plus en plus disposée à en envisager l'abolition.
(1635)
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous laissons la parole à M. Hill.
    Merci, madame la présidente.
    Et je vous remercie, monsieur le ministre et collègues, de comparaître aujourd'hui relativement à cet important projet de loi.
    Peut-être vais-je commencer par quelques observations sur des questions et des commentaires qu'ont formulés mes collègues de l'opposition. Tout d'abord, je pense que c'est vous qui avez dit, monsieur le ministre, que la Colombie-Britannique est favorable à l'abolition. Cela n'a certainement pas toujours été le cas, et je tiens à préciser aux fins du compte rendu, puisque nous sommes ici, que ma province de la Colombie-Britannique a bien eu une loi, à une époque, qui permettait à la province de procéder à des élections sénatoriales. Je crois que cette loi est maintenant expirée.
    Mais je peux vous dire que, du moins dans ma circonscription du Nord de la Colombie-Britannique et dans les régions rurales, on souhaite la réforme du Sénat et j'espère qu'un jour, il y aura encore du monde pour appuyer résolument le principe d'un Sénat « triple-E », c'est-à-dire élu, égal et efficace. On contesterait certainement certains des commentaires qui sont faits, particulièrement ceux de ma collègue, Mme Guay, du Québec, il y a un moment à peine qui disait que le Sénat ne sert à rien.
    À bien regarder ce projet de loi, je pense qu'il faut voir que les tenants de la réforme du Sénat sont convaincus de la valeur inhérente d'une Chambre haute pour protéger les régions moins populeuses du pays, surtout quand on a un pays aussi vaste et aussi diversifié que le Canada où, s'il n'y avait qu'une seule chambre, il arriverait, j'en suis sûr, que la volonté de la majorité l'emporte sur celle des régions moins peuplées.
    C'est pourquoi bien des gens, bien des Canadiens, comme vous venez de le faire remarquer en parlant du sondage, appuient encore vigoureusement la réforme du Sénat plutôt que son abolition. Je tenais à ce que ce soit au compte rendu, madame la présidente, en ce premier jour de délibérations.
    Je voulais aussi revenir sur les commentaires de Mme Fry, à propos de toute cette affaire que si nous croyons en la démocratie, pourquoi ne voudrions-nous pas une plus vaste consultation des provinces et de tous les Canadiens? Il est certain, étant moi-même un ancien réformiste, que je ne suis pas du tout contre cela; en fait, je soutiens vivement la consultation à grande échelle des Canadiens sur cette question. Mais je pense que ce n'est tout simplement qu'une stratégie dilatoire.
    Je veux seulement faire remarquer que cela fait plus de 15 ans que je suis ici, et les premiers ministres du passé, tant M. Chrétien que M. Martin, ont continuellement refusé de faire quoi que ce soit au sujet d'une réforme du Sénat en disant qu'ils ne procéderaient pas de manière fragmentaire, ce qui était leur code pour dire qu'ils ne feraient rien.
    Très franchement, la plupart des Canadiens avec qui je parle, du moins dans l'Ouest du Canada, et à coup sûr dans ma province de la Colombie-Britannique et dans la plupart des régions rurales des provinces de l'Ouest, sont résolument en faveur du changement. Ils veulent voir changer le Sénat. Ils veulent voir le gouvernement, n'importe quel gouvernement, vraiment faire ce qu'il faut et produire une loi qui change cet endroit.
    C'est pourquoi je l'appuie. Nous nous entendons tous sur le fait que ce n'est qu'un pas, mais c'est à mon avis un pas important. C'est pourquoi j'aimerais, dans le temps qui nous reste, madame la présidente, que nous laissions le ministre commenter cette notion du changement fragmentaire.
    À ce que j'ai compris des recherches que j'ai effectuées, quasiment tous les pays qui ont deux chambres — on pense toute de suite aux États-Unis, à l'Australie et à l'Allemagne — c'est ainsi qu'ils sont parvenus à réformer leur Chambre haute: petit à petit. Ils ont fait des changements progressifs. Ils n'ont pas tout d'un coup décidé qu'ils allaient adopter un amendement constitutionnel pour faire de la chambre haute un organe égal ou que ses membres soient élus. Il a fallu un changement graduel, il a fallu que la population fasse des pressions pour forcer ce changement, et le Canada a été drôlement lent à faire le moindre changement.
(1640)
    Merci pour tout cela, et il y aurait encore bien des choses à dire à ce sujet.
    Il est certain que le modèle bicaméral est assez courant, c'est-à-dire le modèle des deux chambres. Environ 75 des 213 pays fonctionnent selon ce modèle des deux chambres. Ce que l'on constate, cependant, de plus en plus, c'est que presque toutes les secondes chambres du monde ont un élément démocratique, que l'on pense au modèle américain d'un Sénat élu sur la même base ou même au Royaume-Uni, maintenant, avec la Chambre des lords. Il y a eu d'énormes changements, qui ont été apportés petit à petit, de manière fragmentaire, à la composition de la Chambre des lords et à son fonctionnement. Le navire mère a levé l'ancre. D'autres pays du Commonwealth, comme l'Australie, ont adopté des éléments démocratiques.
    Nous semblons être, dirais-je, le seul endroit du monde à se montrer carrément réfractaire à toute espèce de changement ou de réforme, ou encore de démocratisation de notre seconde chambre. C'est un élément flagrant d'embarras pour un pays qui se complaît à s'afficher sur la scène mondiale comme un modèle de démocratie, qui aime à envoyer de ses représentants dans d'autres régions du monde montrer comment cela se dirige, une démocratie, comment être un pays démocratique. Alors ils regardent notre modèle, et nos gens essaient de leur expliquer comment un organe non élu, qui ne rend de comptes à personne, et dont tous les membres sont nommés peut avoir sa place dans une démocratie.
    Je peux vous dire que si la plupart des nouvelles démocraties à notre époque choisissaient d'avoir un organe comme celui-là, nous serions probablement prompts à émettre la critique qu'elles cherchent à mettre trop de pouvoir entre les mains d'un dirigeant unique, d'un chef d'État qui ne rend de comptes à personne. Si cela arrivait, disons, dans un pays de l'ère post-soviétique ou qui est dans ce genre de situation, nous nous en inquiéterions beaucoup et nous le critiquerions sans aucun doute, et pourtant, c'est exactement ce que nous avons ici.
    C'est pourquoi je pense que la démocratisation est la meilleure voie à suivre. Cela étant dit, il y a beaucoup de pays dans le monde qui fonctionnent parfaitement bien avec le système unicaméral, avec une seule chambre, mais que ce soit l'une ou l'autre solution, le principal, c'est élément démocratique. C'est notre pierre angulaire. C'est ce qui doit être la valeur essentielle sur laquelle nous appuyons notre régime parlementaire.
    Nous avons tous, ici, reçu des visiteurs à la Chambre des communes, des gens de nos circonscriptions et d'ailleurs, à qui on fait faire une visite de l'édifice en tentant de leur expliquer le Sénat, et nous avons tous dû composer avec leurs moqueries. Nous savons que les sénateurs eux-mêmes sont assez susceptibles à ce sujet, parce qu'eux-mêmes, au fin fond d'eux, savent que quelles que soient leurs compétences — et il y a là des gens très bien, aux compétences très solides — les pouvoirs qu'ils exercent, qui leur sont dévolus, n'ont aucune légitimité. La plupart ont le bon sens de comprendre, d'être mal à l'aise d'assumer ce type de pouvoir, sans aucune responsabilité démocratique dans ce qui est un pays démocratique.
    Merci, monsieur le ministre.
    Monsieur Martin, c'est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur le ministre, dans le même ordre d'idée, ce n'est pas seulement que le Sénat n'est pas démocratique. Selon l'expérience récente, il est antidémocratique en ce sens qu'il sape la volonté démocratique de l'autre chambre du Parlement, la Chambre des communes et va à son encontre.
    Si je peux préciser une chose dans la même veine que ce que disait M. Hill, le Manitoba, ma propre province, est déclarée dans les documents comme étant favorable à l'abolition, et j'ai entendu le premier ministre Gary Doer le confirmer. Mais en même temps, nous n'avons que récemment mis sur pied un comité législatif du gouvernement provincial pour étudier les possibilités qui s'offrent à nous pour l'élection de nos propres sénateurs pour représenter la province. Je ne voudrais pas que l'on exagère en disant que le Manitoba est contre cette idée de réforme progressive du Sénat.
    Monsieur le ministre, j'ai été l'un de ces Canadiens ordinaires chanceux qui ont été choisis dans le cadre du processus de l'Accord de Charlottetown, quand une annonce a été diffusée dans le Globe and Mail pour demander... Il fût un temps où j'étais un Canadien ordinaire; je le suis encore. J'ai simplement écrit une lettre au Globe and Mail, adressée au gouvernement du Canada que Joe Clark avait créé. Là où je veux en venir, c'est que cela a été une consultation qui a constitué pour les Canadiens une occasion réelle d'engagement. Il y a eu cinq — six, en fin de compte — conférences dans tout le pays auxquelles des Canadiens ordinaires ont été convoqués, dont certains avaient été sélectionnés comme moi, d'autres qui représentaient la société civile, les premières nations, des groupes syndicaux et des entreprises. Nous avons vraiment été partie prenante du débat pendant des mois et des mois.
    Alors je ne dirais pas que le public n'éprouve aucun intérêt pour une vaste consultation, parce qu'à cette occasion-là, le pays s'est exprimé. Il s'y est fait représenter par ses meilleurs éléments et ils ont vraiment participé.
    Je crois fermement que le problème, avec l'Accord de Charlottetown, c'est que nous avons essayé de trop faire en une seule fois, et il s'est écroulé sous son propre poids. Si l'Accord de Charlottetown avait été limité à ce que vous proposez dans les projets de loi C-19 et C-20, je pense qu'il aurait pu passer. Nous y parlions de séparation des pouvoirs et des compétences, de partage des compétences, de répartition des sièges, et de mode d'élection des sénateurs, tout ensemble. Les têtes explosaient. C'est simplement devenu trop, jusqu'à ce qu'un gars du Manitoba soulève une plume et dise non — oh, c'était l'Accord du Lac Meech, n'est-ce pas? Je m'emmêle dans mes réformes constitutionnelles.
    Mais si vous permettez, dans la même veine, les États-Unis s'en tirent avec deux sénateurs pour représenter le Rhode Island et deux pour l'État de New York, dont les populations ne pourraient être plus différentes. Alors je ne pense pas que nous devrions trop agoniser sur l'aspect de l'égalité pour l'instant. Chez nous, c'est fou. Je crois que le Nouveau-Brunswick a dix sénateurs, si je ne me trompe, et l'Île-du-Prince-Édouard en a quatre pour une population de 150 000 habitants. Je ne sais pas comment on a pu en arriver à pareil déséquilibre.
    Mais les 13 échecs, je pense, sont partiellement attribuables au fait que nous prenions de trop grandes bouchées. Alors peut-être qu'avec cette démarche progressive, il y a place pour l'optimisme, pour que nous réglions tous ces irritants qui poussent les gens à clamer leur désir d'abolition. Peut-être peut-on procéder par étape, pour apaiser les hauts cris et en venir au point où les Canadiens estimeront que c'est un problème que nous pouvons résoudre si nous procédons étape par étape.
    Je sais que c'est plus un commentaire qu'une question, mais qu'en pensez-vous?
(1645)
    Je suis d'accord avec la plus grande partie de vos propos. Il a été négligent de ma part de ne pas expliquer l'initiative du Manitoba dont vous avez parlé, consistant à créer un comité pour examiner comment on peut procéder pour élire des sénateurs ou faire des recommandations sur les personnes que l'on voudrait voir nous représenter au Sénat. Nous y voyons quelque chose de positif. Je ne pense pas que cela ait changé la position du gouvernement. Ils en discuteront en comité.
    Mais cette nouvelle ouverture et cette disposition à examiner la question, c'est quelque chose de positif. C'est le genre d'attitude que j'encourage le comité à créer.
    Merci, monsieur le ministre.
    Nous laissons maintenant la parole à M. Gourde.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet de la réforme du Sénat. Je pourrais reprendre en partie les paroles de Mme Guay. Il est vrai qu'en région, les gens ne connaissent pas le sénateur qui les représente. Souvent, il s'agit de sénateurs qui sont nommés. Ils ont comme seule obligation d'être propriétaire d'un terrain. Je vous avoue candidement que je ne sais pas quel sénateur représente ma région, Chaudière-Appalaches.
    Un Sénat élu serait dangereux pour l'institution: les sénateurs ne s'attacheraient plus à défendre l'institution comme telle. Ils seraient redevables envers les personnes qui les auraient élus. Je crois donc que cela aurait une importance majeure. Ces personnes devraient expliquer leurs fonctions, leurs agissements et leur position sur des projets de loi proposés par la Chambre des communes, que le Sénat peut amender en tout temps.
    Monsieur Van Loan, sur le plan de la représentation canadienne, pensez-vous que les régions seraient mieux représentées par un Sénat élu? Les communautés qui sont souvent plus concentrées dans certaines régions auraient peut-être plus de chances d'avoir un sénateur qui les représente. Je crois que oui, mais qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Je crois qu'il y a probablement très peu d'endroits au pays dont les habitants savent qui est leur sénateur. C'est la nature de l'institution actuellement, parce qu'il n'y a pas d'élément démocratique. De fait, c'est probablement dans les régions les plus éloignées que les habitants sont le plus susceptibles de savoir qui est leur sénateur, parce que ce sont des personnalités locales. Je pourrais probablement déambuler dans les rues de Toronto et demander à des centaines de personnes de me nommer un sénateur qui est de Toronto, et j'aurais du mal à obtenir une seule bonne réponse.
    De ce point de vue, je pense que c'est un reflet ou une manifestation de l'isolement de l'institution si la population ne sait même pas qui la représente au Sénat. Nous avons ici des parlementaires, des gens qui participent très activement à l'adoption de lois, qui nous disent qu'ils ne savent même pas qui les représente au Sénat aujourd'hui. Au Québec, bien sûr, il y a des gens qui représentent les circonscriptions du Sénat; c'est différent du reste du pays. Mais c'est à mon avis un indice flagrant du problème.
    Il y a un tas de gens au Sénat, et même les citoyens les plus engagés, les plus actifs et les plus intéressés au processus politique ne savent pas qu'ils sont là. Et pourtant, les sénateurs ont plus de pouvoir. Il y en a moins qu'il n'y a de députés à la Chambre des communes, mais cet organe jouit d'autant de pouvoir que la Chambre des communes, en fait. Chaque sénateur a plus de pouvoir qu'aucun député, et pourtant, les sénateurs ne rendent compte à personne.
    Je pense que les rapports avec les habitants de la province, le niveau de représentation, la familiarité, le degré d'intérêt que peuvent manifester ces personnes pour les sujets de préoccupation de la région qu'elles représentent, tout cela augmentera et s'améliorera si nous créons un système, comme nous le suggérons dans le projet de loi C-19, qui fait qu'on demande à la population qui elle veut voir la représenter au Sénat.
(1650)
    Merci, monsieur le ministre.
    Madame Folco, vous avez la parole.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Van Loan, merci d'être venu. Il me fait plaisir de vous reparler. Vous dites que beaucoup de gens ne connaissent pas leur sénateur. C'est très vrai. Je vous répondrais qu'énormément de gens au Canada ne connaissent pas le nom de leur député non plus. Dans mon comté, tout le monde connaît le sénateur. Je vous dirais aussi que si nous, les députés, ne connaissons pas le nom de notre sénateur, c'est à nous de faire nos devoirs, après tout. Ça fait partie de notre travail.
    J'aimerais revenir sur un sénateur en particulier. Je pense que vous attendez ma question. C'est le sénateur Fortier. Depuis que vous êtes arrivé dans cette salle, vous parlez d'un Sénat qui n'est pas élu, qui n'est pas transparent, qui ne rend pas compte devant la Chambre des communes. Pourtant, le premier ministre du Canada, votre leader, a lui-même nommé une personne au Sénat qui est non seulement membre du Sénat, mais aussi un ministre. Selon notre Constitution et nos traditions, un ministre est responsable devant la Chambre des communes et doit répondre aux questions que lui posent les élus pendant la période des questions.
    Donc, il m'est très difficile de comprendre la position de votre gouvernement et en particulier la situation de M. Fortier, d'autant plus que des gens disent que le Sénat devrait être plus représentatif de la population. Mais M. Fortier s'est présenté devant l'électorat au moins une fois, en 2000. Je suis bien placée pour le savoir: il s'est présenté contre moi dans la circonscription de Laval—Les Îles. Les électeurs de cette circonscription ont rejeté M. Fortier comme député. Il a dit, lors des dernières élections, qu'il n'avait pas du tout l'intention de se présenter. D'ailleurs, il ne s'est pas présenté, il a préféré rester au Sénat.
    Comment conciliez-vous votre idée d'un Sénat démocratique parce qu'élu, avec le fait que votre leader a nommé au Sénat une personne qu'il a aussi nommé ministre et qui lui-même se trouve trop fier pour se présenter devant la population canadienne, quel que soit l'endroit?

[Traduction]

    D'ailleurs, le sénateur Fortier a très clairement dit qu'il allait se présenter, je crois, dans la circonscription de Vaudreuil-Soulanges aux prochaines élections. Il n'y voit visiblement aucun problème, et il s'est aussi clairement déclaré d'avis qu'il faudrait démocratiser le Sénat. D'après lui, le changement s'impose.
    Pour ce qui est de ces commentaires, je pense qu'ils reflètent tout à fait la position du gouvernement, laquelle est confortée par sa propre expérience, qui est très révélatrice pour nous tous.
(1655)

[Français]

    Pourtant, monsieur Van Loan, la personne qui vient au gouvernement, au Sénat ou à la Chambre des communes devrait être une personne de principe. Si le sénateur Fortier croit vraiment que le Sénat devrait être aboli, pourquoi a-t-il accepté, premièrement, ce poste ou cette responsabilité et, deuxièmement, d'être ministre et de rester au Sénat? Troisièmement, pourquoi y est-il encore aujourd'hui?

[Traduction]

    Nous avons aussi Bert Brown au Sénat. Il croit dans un Sénat élu et les Albertains, dans le cadre d'une consultation populaire, lui ont demandé de les représenter.
    Je parle de M. Fortier, monsieur Van Loan.
    Je sais, mais il y a eu deux nominations. C'est l'autre — quelqu'un qui a vraiment été choisi par la population. La fière tradition de notre démocratie veut que nous encouragions la critique de l'intérieur. Les plus grands changements viennent du centre. C'est ainsi que le système a évolué, de celui que nous l'avons créé en 1867 jusqu'à celui que nous avons maintenant. Nous avons changé les règles et la représentation.
    Excusez-moi de vous interrompre, mais nous n'avons que peu de temps, monsieur Van Loan. Mon seul commentaire, madame la présidente...
    Peut-être faudra-t-il y repenser, mais nous ne pouvons entendre qu'un intervenant à la fois.
    Je vous remercie de votre réponse.
    J'aimerais ajouter quelque chose. Je suis désolée de vous interrompre, monsieur le ministre. En langage populaire, on dit qu'il faut joindre le geste à la parole. C'est la suggestion que je voudrais faire bien respectueusement au sénateur Fortier, monsieur le ministre.
    C'est certainement son intention. Il a clairement indiqué que c'est ce qu'il allait faire.
    Depuis l'avènement de la Confédération, sans doute dans la plupart des gouvernements, il y a eu des membres du cabinet nommés au Sénat. La situation actuelle n'a rien de nouveau. Mais si le projet de loi C-19 est déposé, et si tous les sénateurs entrent désormais en fonction par suite d'une consultation populaire, ce qui serait le cas d'ici quelques années s'il était adopté, il n'y aurait plus aucun membre du cabinet qui serait choisi autrement que par un processus démocratique. Ce serait un progrès pour notre pays, à bien des égards. Je pense que tout le monde en convient, et j'espère que ce comité ne l'oubliera pas lorsqu'il étudiera cette proposition.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Monsieur Hill, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Honnêtement, je crois que nous avons une excellente discussion aujourd'hui, qui donne le coup d'envoi, si je peux employer ce terme, à nos délibérations sur le projet de loi C-20 et l'avenir du Sénat.
    Je m'intéresse particulièrement au processus qui a mené à la présentation de ce projet de loi par le gouvernement. Monsieur le ministre, peut-être pourriez-vous nous apporter des précisions sur certaines observations faites plus tôt à propos du processus de sélection des sénateurs, si ce projet de loi entrait en vigueur. Vous avez vous-même parlé, tout à l'heure, de la façon dont cela diffère du système majoritaire uninominal que la plupart des Canadiens et des parlementaires de la chambre basse, notre Chambre des communes, connaissent bien.
    Pourriez-vous nous expliquer plus en détail pourquoi ce système particulier qui, à première vue, semble assez complexe, est la méthode qui a été privilégiée dans le projet de loi, et pourquoi n'a-t-on pas choisi un procédé plus connu de tous les Canadiens, à savoir le système majoritaire uninominal?
    Je crois que c'est une bonne question, sur laquelle, je l'espère, ce comité réfléchira, car c'est une partie importante de ce projet de loi. Si on l'a renvoyé au comité avant la deuxième lecture, c'est notamment pour que vous ayez la possibilité d'examiner ce système électoral et de déterminer si vous le jugez approprié ou si vous estimez qu'un autre le serait davantage.
    Je ne tenterai pas d'expliquer la formule, car il faut être très exercé pour le faire. Je sais que c'est pour cela que vous posez la question, Jay, parce que vous maîtrisez le sujet, et je ne suis pas surpris que d'autres ne l'aient pas fait, car cela voudrait dire qu'ils se sont penchés sur toute la question, et c'est très compliqué à faire.
    Pour résumer cela en termes simples, ce système électoral a comme objectif de respecter les caractéristiques uniques du Sénat que les gens trouvent importantes, comme sa nature moins partisane. En adoptant une formule de représentation proportionnelle, le caractère partisan que l'on trouve dans le système majoritaire uninominal sera moins présent, et cela augmentera l'indépendance des sénateurs.
    Pour ce qui est du financement des campagnes, par exemple, nous proposons d'interdire le transfert de fonds d'un parti politique à un candidat — de cette façon, encore une fois, nous renforcerons l'indépendance de chaque candidat sénatorial. La limite des contributions serait la même que celle des partis politiques et de leurs éléments locaux, soit 1 000 $, et maintenant environ 1 100 $ par année ou par campagne. Cela éviterait qu'une personne bien nantie puisse acheter un siège au Sénat ou, par des moyens détournés, obtienne le financement pour le faire, et cela permettrait d'établir des règles du jeu équitables pour tout le monde. Le projet de loi vise donc à maintenir la reddition de comptes et la notion d'indépendance, à introduire un concept de proportionnalité jamais vu ailleurs, et à limiter le rôle des partis politiques, afin de mettre davantage l'accent sur les personnes.
    Dans d'autres pays, on utilise un système de vote unique transférable. Actuellement, il y a trois assemblées législatives nationales qui sont élues directement en utilisant ce système: le Sénat d'Australie, la Chambre des députés de la république d'Irlande, qui est leur chambre basse, et la Chambre des représentants de Malte. Au Canada, nous avons des communautés irlandaises, maltaises et australiennes importantes qui connaissent ce modèle.
    Ce système a aussi été utilisé ailleurs. C'est l'une des options pour l'élection au Parlement européen, et il est utilisé actuellement, je crois, par trois pays membres pour l'élection de leurs représentants au Parlement européen. Certains États d'Australie l'utilisent également. Et je pourrais continuer.
    Toutefois, même s'il s'agit de l'approche privilégiée par le gouvernement, vous voudrez peut-être examiner d'autres modèles proportionnels. Vous estimez peut-être que le modèle américain et notre système majoritaire uninominal sont préférables parce qu'ils sont faciles à comprendre. Toutes ces choses sont à l'étude, et ce sont, encore une fois, des débats et des discussions très légitimes pour déterminer la façon d'obtenir les résultats qui représentent le mieux les intérêts de tous.
    De plus, ce qui est fascinant à propos du vote unique transférable, c'est qu'il a un effet différent lorsqu'il s'agit d'un seul siège. Imaginons que vous votez pour combler un seul poste vacant. Vous êtes à l'Île-du-Prince-Édouard et il n'y aura qu'un siège dans les 10 prochaines années, et vous tenez une consultation. Il y aura probablement de nombreuses candidatures. Cela ne devient pas un scrutin majoritaire uninominal à un tour, mais une forme de vote transférable, et vous attendez que quelqu'un ait obtenu une majorité claire grâce aux votes de ceux qui ont abandonné. Tous ceux qui connaissent les congrès à la direction traditionnels comprennent ce modèle. Ce serait une manière différente de modifier les lignes dures des partis en conciliant des intérêts divergents.
    C'est une approche innovatrice que nous devons bien comprendre et étudier, et c'est le travail de ce comité.
(1700)
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    Monsieur Maloney, je vous laisse les cinq dernières minutes.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai trouvé certains propos très intéressants ce soir. M. Lukiwski voulait connaître la position des divers partis. Personnellement, mon opinion n'est pas arrêtée, et je ne connais pas celle du Parti libéral. Je suis ici — et c'est notre premier témoin — pour entendre les divers représentants venus s'exprimer; je prendrai position ensuite.
    En ce qui concerne les critiques de Mme Guay à l'égard du Sénat, franchement, ce sont les mêmes que celles formulées à l'endroit des membres de la Chambre des communes. C'est peut-être par manque de compréhension ou de connaissance des responsabilités et des fonctions du Sénat. J'espère que nous pourrons entendre certains sénateurs pour régler ce problème.
    Monsieur le ministre, vous avez indiqué que vous aviez obtenu deux avis juridiques de deux de vos anciens professeurs de droit. J'espère que le comité pourra consulter ces avis. Peut-être pourrions-nous aussi faire comparaître ces personnes.
    Revenons à la façon dont tout cela fonctionnerait. À quel moment suggérez-vous de tenir des élections? Si on établit des mandats de durée fixe — quand on aura déterminé la durée —, y aurait-il des élections au début de l'année, ou bien le 30 juin? En avez-vous une idée?
(1705)
    Tout d'abord, sur la question des avis juridiques, ce n'est pas moi qui ai consulté mes anciens professeurs; ils étaient tout simplement là par hasard. Ce sont des avis qui ont été exposés avant même que je devienne le ministre responsable de ce dossier, lorsque mon prédécesseur, le ministre Nicholson, maintenant ministre de la Justice, était en poste.
    En ce qui concerne la tenue d'élections  — le mot « consultations » serait plus juste —, c'est prévu dans le projet de loi. Des consultations auraient lieu lorsque le gouverneur en conseil le déciderait.
    Il y a deux possibilités: soit durant les élections générales fédérales, soit durant les élections provinciales, pourvu qu'un avis soit publié dans la Gazette du Canada au moins six mois avant la tenue du scrutin. Nous n'avons pas de dates fixes; c'est un peu spéculatif. Mais dans les situations où vous avez des dates fixes, c'est très facile à régler.
    Le nombre de postes à combler serait laissé à la discrétion du gouverneur en conseil. L'idée n'est pas d'attendre qu'un siège se libère puis de tenir une élection, mais plutôt de tenir une élection pour un certain nombre de sièges, ce qui permettrait d'établir une liste de personnes prêtes à être nommées par le gouverneur en conseil aussitôt qu'un poste se libérerait. Il se pourrait qu'il y ait déjà des sièges vacants, mais vous pourriez aussi élire trois, quatre ou cinq membres ou les sélectionner en prévision du départ de certains sénateurs dans les deux années suivantes, ou jusqu'aux prochaines élections générales provinciales ou fédérales.
    Cette formule garantit la tenue d'élections et prévoit quand elles auront lieu. Vous avez un mode électoral en vigueur. Vous pouvez économiser sur les coûts en procédant à la consultation. Vous êtes assurés d'avoir, à l'avenir, une représentation adéquate au Sénat.
    Je crois que vous avez indiqué que les deux chambres seraient traitées sur un pied d'égalité si ce projet de loi était adopté. Que feriez-vous en cas d'impasse? Comment régleriez-vous cela? Le gouvernement américain est parfois confronté à ce problème. Comment le résoudriez-vous, si les deux chambres étaient égales?
    En réalité, actuellement, notre situation n'est pas différente sur ce plan.
    Très bien.
    Si vous laissez entendre que c'est, d'une manière ou d'une autre, différent aujourd'hui, vous acceptez l'idée que le Sénat n'a actuellement aucune légitimité. Pourtant, il a tous les pouvoirs qui lui sont dévolus, et le même genre d'impasse est possible.
    Ce qui est étrange, en ce moment, c'est que pour sortir d'une impasse comme celle qui est survenue en 1988, l'organe démocratique doit demander la dissolution du Parlement et réclamer un nouveau mandat à la population pour dénouer la situation et exercer une certaine pression morale sur l'assemblée nommée. C'est un peu alarmant, dans une démocratie, de voir qu'un organisme non élu peut entraver les activités d'une assemblée dûment élue ou lui lier les mains et créer ce genre d'impasse.
    Si vous allez de l'avant avec le projet de loi C-20, et que la plupart des sénateurs étaient désignés à l'issue d'un processus de consultation, il y aurait au moins un organisme démocratique de chaque côté. La solution serait la même — demander la dissolution du Parlement —, mais au moins, ce serait demandé par des gens investis d'un mandat légitime.
    On a longuement discuté, cet après-midi, de la possibilité de consulter les provinces pour déterminer si ce serait bon ou pas et s'il faut aller de l'avant. Vous avez indiqué que la Colombie-Britannique serait en faveur de l'abolition du Sénat. M. Hill a répondu à certaines questions à ce propos. Si les provinces sont les représentantes de la population qui les élit, n'est-ce pas également à nous de consulter ces provinces?
    Je suis désolé, je n'ai pas compris la fin de la question.
    Cela ne fait-il pas partie de nos responsabilités et de notre mandat de consulter les provinces pour connaître leur point de vue sur le Sénat?
    Le premier ministre a discuté, bien sûr, avec les premiers ministres des provinces, et divers ministres du gouvernement le font aussi régulièrement. La position de la plupart des provinces est bien connue, comme je l'ai dit, sauf pour celles où il y a eu des changements récemment. La Colombie-Britannique préférerait que le Sénat soit aboli plutôt que réformé. Ce n'est pas une grande priorité, mais c'est sa position officielle. Encore une fois, comme M. Hill l'a laissé entendre, elle a changé sa position depuis qu'elle n'a plus de loi là-dessus.
    Et c'est l'un des problèmes. Nous avons parlé, tout à l'heure, de l'accord de Charlottetown et des difficultés à parvenir à ce genre de consensus. Je ne peux m'empêcher de conclure que ceux qui disent que nous devons soumettre le moindre petit changement à un processus constitutionnel ne font que chercher des excuses pour ne pas réformer et moderniser le Sénat.
    Il y a actuellement, au Sénat, un projet de loi présenté par un sénateur libéral qui vise à modifier les qualifications requises pour les membres du Sénat, ce qui constitue une modification à ce qui est établi dans la Constitution. À ma connaissance, personne n'a été consulté. Si le Parti libéral est d'avis que ce projet de loi ne peut être adopté sans qu'il y ait une conférence des premiers ministres et une entente des provinces selon la formule 7/50, vous devriez parler à votre collègue du Sénat de ce projet de loi, car il a les mêmes fondements que celui-ci.
(1710)
    Nous devrions peut-être reporter cette discussion à un autre jour.
    Je vous remercie, monsieur Maloney. Avez-vous une dernière question, rapidement?
    Vous avez indiqué, dans votre exposé, que les membres du comité devaient prendre acte du fait que si les tentatives de réforme ne débouchent sur aucun changement, il faudra abolir le Sénat.
    J'aimerais poser une question à M. Newman. Si le gouvernement voulait abolir le Sénat, cela nécessiterait-il une modification constitutionnelle?
    Le ministre pourrait certainement répondre à cela, mais oui, cela nécessiterait une modification constitutionnelle.
    Je vous remercie.
    Nous allons devoir clore la discussion.
    Je tiens à remercier le ministre ainsi que les témoins d'avoir fait progresser le débat aujourd'hui.
    Je vous remercie tout particulièrement, monsieur le ministre, car je crois que vous avez dû modifier votre emploi du temps pour venir témoigner aujourd'hui.
    Je tiens à remercier de nouveau le comité de m'avoir donné l'occasion de témoigner, et d'avoir montré beaucoup de respect. J'espère que vous poursuivrez vos travaux dans la même veine sur cette question importante.
    Je vous remercie, monsieur le ministre.
    La prochaine rencontre aura lieu mercredi prochain.
    La séance est levée.