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La séance est ouverte. Bonjour à tous et bienvenue à nos témoins.
Conformément à l'ordre de renvoi du mercredi 3 février 2008, le comité reprend l'étude du projet de loi .
Aujourd'hui, on a la chance d'avoir trois professeurs comme témoins.
[Traduction]
Nous recevons aujourd'hui une délégation de Kingston, en Ontario, l'ancienne capitale du Haut-Canada. Nous accueillons Ronald Watts, professeur émérite à l'Université Queen's. C'est un ancien directeur de l'Institute of Intergovernmental Relations et président de l'International Association of Centers for Federal Studies. Comme chacun sait, notre système fédéral a besoin d'un grand nombre d'études ces jours-ci, alors vous êtes le bienvenu.
Richard Simeon va témoigner par vidéoconférence. M. Simeon a également été professeur d'études politiques à Queen's et directeur de l'École d'administration publique et de l' Institute of Intergovernmental Relations. Parmi ses nombreuses réalisations aux niveaux national et international citons sa publication intitulée Small Worlds: Provinces and Parties in Canadian Political Life. Nous disons toujours que le monde est petit, ici sur la colline et nous avons donc la chance d'accueillir M. Simeon.
Nous recevons aussi Andrew Heard, auteur de nombreuses publications dont celle qui s'intitule Canadian constitutional conventions: The marriage of law and politics. Bien entendu, dernièrement, ces deux éléments ont opté pour une séparation à l'essai.
Sans plus attendre, nous allons commencer par M. Watts.
:
Madame la présidente, permettez-moi de vous remercier pour cette invitation à présenter mes opinions au sujet du projet de loi .
Je désire attirer votre attention sur deux questions que soulève le projet de loi sous sa forme actuelle. La première concerne la procédure législative et la deuxième l'absence de contexte en ce qui concerne la relation entre le processus de sélection et les caractéristiques, les fonctions et le rôle du Sénat au sein du Parlement.
Pour commencer par la première question, elle concerne l'utilisation d'une loi ordinaire pour effectuer ce qui constitue, en réalité, une modification constitutionnelle. L'objectif explicite décrit dans le préambule du projet de loi semble être de remplacer, pour la nomination des sénateurs, le favoritisme par un élément électoral plus démocratique, dans le cadre du processus de nomination actuel. Le projet de loi C-20 semble avoir été rédigé très soigneusement pour créer une procédure qui ne contredit pas ou ne prétend pas modifier le pouvoir de nomination du gouverneur général ou le droit du premier ministre de conseiller le gouverneur général à cet égard.
Néanmoins, c'est contraire à l'esprit de la Loi constitutionnelle de 1982 qui porte explicitement au paragraphe 42(1) que toute modification de la Constitution du Canada portant sur les questions suivantes se fait conformément au paragraphe 38(1), et qui énumère les pouvoirs du Sénat et le mode de sélection des sénateurs à l'alinéa 1b).
Le paragraphe 38(1) exige, pour ce genre de modifications, non seulement des résolutions du Sénat et de la Chambre des communes, mais également des résolutions des assemblées législatives des deux tiers des provinces dont la population confondue représente au moins 50 p. 100 de la population de toutes les provinces.
Le but de la procédure de modification que prévoit le paragraphe 38(1) est de faire en sorte que les changements aux caractéristiques fondamentales de notre Constitution fassent l'objet d'un vaste consensus. Même si cela rend les modifications difficiles, c'est une exigence fondamentale pour la démocratie fédérale canadienne. La tentative qui est faite pour contourner cette procédure en réformant le Sénat de façon détournée au moyen d'une loi ordinaire constitue, à mon avis, une procédure anticonstitutionnelle. Elle prétend poursuivre un objectif démocratique en recourant à un processus non constitutionnel et donc antidémocratique.
En 1978, la Cour suprême a déclaré, à propos du Sénat, que si ses membres « devaient être entièrement ou partiellement élus, cela altérerait une de ses caractéristiques fondamentales » et elle a déclaré de façon claire et unanime que le Parlement ne pouvait pas apporter unilatéralement des modifications « qui porteraient atteinte aux caractéristiques fondamentales ou essentielles attribuées au Sénat ». Peu importe si les objectifs du projet de loi sont démocratiques et peu importe à quel point le processus de modification constitutionnelle est compliqué, ces objectifs devraient être poursuivis par les voies constitutionnelles appropriées plutôt que de la façon détournée proposée dans le projet de loi C-20.
La deuxième question que soulève le projet de loi est qu'il propose de modifier le processus de nomination des sénateurs sans relier ces modifications au contexte plus large du rôle, de la représentation, des fonctions et des pouvoirs du Sénat dans le cadre de la structure parlementaire. Toute réforme du Sénat doit tenir compte de ces trois facteurs qui sont interreliés: la représentation des régions et des provinces, le mode d'élection et les pouvoirs de la seconde Chambre.
Un projet de loi discret qui tient seulement compte d'un de ces aspects, en faisant abstraction de ses rapports avec les autres, risque fort d'avoir des conséquences inattendues sur les relations entre le Sénat et la Chambre des communes. Par exemple, si les pouvoirs actuels du Sénat, qui sont égaux à ceux de la Chambre des communes, sauf pour les projets de loi de finances, sont maintenus alors que la légitimité des sénateurs sera renforcée par leur élection, cela pourrait ébranler sérieusement le principe voulant que la Chambre des communes ait la primauté et que le cabinet lui rende des comptes.
Ce n'est pas par hasard si, dans pratiquement toutes les fédérations ayant des institutions parlementaires, même les fédérations parlementaires qui ont une seconde Chambre relativement forte comme l'Australie et l'Allemagne, les pouvoirs constitutionnels de la seconde Chambre ont été davantage limités. C'est seulement dans des fédérations où le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif sont séparés, comme les régimes présidentiels, que les secondes Chambres ont prouvé qu'elles pouvaient avoir des pouvoirs égaux. De plus, sur les sept fédérations dans lesquelles tous les membres de la seconde Chambre sont directement élus, seule l'Australie est parlementaire. À part le Canada, pour ce qui est des autres fédérations parlementaires, qui sont au nombre de huit, la plupart comptent sur une élection par les législateurs d'État, la nomination par les gouvernements d'État ou une formule mixte.
Au Canada, même si, officiellement, le Sénat a presque les mêmes pouvoirs constitutionnels, son manque de légitimité électorale a amené les sénateurs à jouer généralement un rôle secondaire, la plupart du temps, en raison de la légitimité démocratique de la Chambre des communes. Il faut se demander si un Sénat composé de gens ambitieux appuyés par l'électorat, dont l'importance personnelle se trouverait augmentée du fait que la chambre du Sénat est plus petite que celle de la Chambre des communes, serait prêt à renoncer à exercer ses pleins pouvoirs constitutionnels. Il est très risqué que des sénateurs ayant un mandat électoral, même s'il leur est apporté indirectement par une loi, exercent les pouvoirs que leur confère actuellement la Constitution alors qu'ils n'ont pas osé les exercer en défiant la Chambre des communes lorsqu'ils n'étaient pas élus.
Il serait bon de se rappeler ici notre histoire antérieure à la Confédération, du temps des Canadas Unis. En 1856, le principe d'une seconde Chambre élue a été adopté avec l'appui de John A. Macdonald. Néanmoins, après huit années pendant lesquelles le Sénat s'est affirmé, compliquant le fonctionnement du gouvernement responsable, Macdonald a reconnu publiquement que le système électif « n'avait pas réussi aussi bien que prévu au Canada ». En conséquence, c'est lui qui, en 1864, a présenté à la Conférence de Québec la résolution en faveur de la nomination des sénateurs.
Cela veut-il dire que je suis pour le statu quo et que je m'oppose à la réforme du Sénat? Pas du tout. Pour commencer, mon étude comparative de 25 fédérations du monde m'a convaincu de l'importance d'avoir une seconde Chambre fédérale efficace pour assurer le bon fonctionnement d'une fédération, y compris une fédération parlementaire.
À ceux qui, au Canada, préconisent l'abolition du Sénat, je ferais remarquer que seulement cinq des 25 fédérations qui existent dans le monde n'ont pas de seconde Chambre fédérale. Il s'agit des Émirats arabes unis, du Venezuela et de trois petites fédérations insulaires qui comptent chacune moins de 1 million d'habitants: les Comores, la Micronésie ainsi que Saint-Kitts-et-Nevis. Pratiquement toutes les autres fédérations, quelle que soit leur forme, ont jugé souhaitable de se doter d'une seconde Chambre fédérale pour remplir au moins deux fonctions: un examen législatif et l'inclusion des considérations régionales dans le processus décisionnel fédéral.
Pour votre information au sujet des autres fédérations, je vais remettre à la greffière du comité des exemplaires d'une de mes récentes études intitulée « Federal Second Chambers Compared » qui décrit plus en détail l'expérience des autres fédérations en ce qui concerne la seconde Chambre.
Pour ce qui est de la fonction d'examen législatif indépendant et des activités connexes, tels que les rapports d'enquête, le Sénat canadien a complété très utilement le travail de la Chambre des communes comme le soulignent les nombreuses contributions au livre publié par Serge Joyal sous le titre Protéger la démocratie canadienne. En fait, des sénateurs comme, entre autre, Hugh Segal, Lowell Murray et Michael Kirby, ont apporté une excellente contribution au travail du Parlement.
Néanmoins, en ce qui concerne la deuxième grande fonction de la seconde Chambre au sein d'une fédération, qui consiste à faire valoir les points de vue régionaux pour l'élaboration des politiques au sein des institutions fédérales, en raison de son manque de légitimité politique, le Sénat canadien n'a pas pu remplir les fonctions qui sont celles des secondes Chambres dans la plupart des fédérations. Il s'agit des fonctions que les politicologues canadiens désignent comme le fédéralisme intraétatique.
La Cour suprême a reconnu l'importance de ces fonctions quant elle a déclaré, en 1978, et je cite :
Le Sénat a un rôle vital en tant qu'institution faisant partie du système fédéral…
Et elle a ajouté :
Ainsi, on a voulu que l'organisme créé pour protéger les intérêts des régions et des provinces participe à ce processus législatif.
Étant donné la faiblesse avec laquelle le Sénat joue actuellement ce rôle fédéral, j'estime qu'une réforme du Sénat est importante et urgente. J'attire votre attention sur l'étude de Tom Kent intitulée « Senate Reform as a Risk to Take, Urgently » dans le « Special Working Paper Series on Senate Reform 2007-2008 » de l'Institute of Intergovernmental Relations, de l'Université Queen's.
Une réforme est nécessaire pour assurer une meilleure cohérence fédérale du Canada. Comme nous sommes l'une des fédérations les plus décentralisées au monde, nous avons besoin non seulement d'une autonomie au niveau des provinces, mais d'institutions fédérales où les décisions sont prises en tenant davantage compte des opinions des provinces au lieu de reposer uniquement sur les processus du fédéralisme exécutif.
Pour procéder à cette réforme, il peut être nécessaire de tenir les élections sénatoriales en suivant un processus différent de celui qui s'applique à la Chambre des communes, mais il faut aussi une représentation plus rationnelle des intérêts des régions et des provinces ainsi qu'un ajustement des pouvoirs constitutionnels du Sénat pour éviter les impasses. Ce qui était proposé dans l'Accord de Charlottetown pourrait être une possibilité. Mais ce n'est pas l'endroit pour entrer dans tous les détails à cet égard.
La réforme doit porter non seulement sur le mode de sélection des sénateurs, mais également sur le rôle, les fonctions et les pouvoirs du Sénat au sein du Parlement. Il est urgent de procéder à une réforme approfondie pour le bien-être de la fédération canadienne, mais cela exigera de modifier la Constitution, aussi difficile cela puisse-t-il être, afin de redéfinir non seulement le mode de sélection des sénateurs, mais également la question de la représentation et des pouvoirs du Sénat.
Une réforme ponctuelle réalisée discrètement, sans tenir compte des fonctions plus larges du Sénat, comme celle que propose le projet de loi , ne va pas assez loin et elle est même risquée et dangereuse dans la mesure où elle ne tient pas compte de ses effets probables sur le rôle et les pouvoirs relatifs du Sénat.
Merci.
:
Merci, madame la présidente.
Tout d'abord, je voudrais vous remercier de m'avoir invité. C'est un plaisir et un honneur d'être ici aujourd'hui.
[Traduction]
Le représente une nouvelle tentative de réforme du Sénat qui mérite une attention considérable. Cependant, de sérieuses questions se posent quant à savoir si le projet de loi C-20 relève des pouvoirs législatifs du Parlement. Dans l'ensemble, je souscris à l'argument selon lequel le projet de loi C-20 est inconstitutionnel.
On peut aisément admettre qu'il ne modifie aucune disposition de la Constitution. Le entre directement en conflit avec la Loi constitutionnelle de 1867 au sujet d'éléments spécifiques relatifs à l'éligibilité des sénateurs, notamment la citoyenneté, le lieu de résidence et les actifs financiers. Bien que ces conflits soient importants, ils pourraient facilement être résolus.
Sur un plan plus général, l'élection des candidats n'entre toutefois pas en conflit avec le libellé des dispositions constitutionnelles applicables. Cependant, la validité constitutionnelle d'une loi repose sur beaucoup plus que l'absence de conflits manifestes entre le libellé de cette loi et celui de la Constitution. En effet, les conflits graves peuvent aussi causés par une incompatibilité entre les interprétations judiciaires du contenu essentiel des dispositions constitutionnelles.
Les problèmes potentiels concernant le découlent principalement de l'avis exprimé par la Cour suprême du Canada dans le Renvoi relatif à la Chambre haute. La Cour a statué à l'unanimité que le Parlement ne pouvait unilatéralement modifier toute « caractéristique essentielle » du Sénat, ni légiférer en matière d'élection directe des sénateurs.
Lorsque la Cour suprême a émis le Renvoi relatif à la Chambre haute, les pouvoirs applicables du Parlement se trouvaient alors au paragraphe 91(1) de la Loi constitutionnelle de 1867. Le paragraphe stipulait que le Parlement pouvait modifier la Constitution du Canada, à cinq exceptions près. Lu de façon littérale, le paragraphe 91(1) semble accorder au Parlement le pouvoir de modifier ou d'abolir le Sénat, puisque cette éventualité n'est pas mentionnée dans les cinq exceptions aux pouvoirs unilatéraux de modification du Parlement. Quoi qu'il en soit, la Cour a statué que les caractéristiques essentielles du Sénat outrepassaient les pouvoirs du Parlement.
Plusieurs autorités judiciaires ont soutenu que, une fois le paragraphe 91(1) abrogé puis remplacé par l'article 44, le Renvoi relatif à la Chambre haute n'avait plus sa raison d'être. Cependant, il n'est pas clair pourquoi il devrait en être ainsi. Les caractéristiques essentielles auxquelles la Cour fait référence et qui doivent être protégées n'étaient pas mentionnées au paragraphe 91(1). En effet, elles ont été interprétées à partir du préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 ou tirées de ce préambule. Ces caractéristiques n'ont pas été modifiées par la promulgation de la Loi constitutionnelle de 1982.
De surcroît, les limites au pouvoir du Parlement de légiférer au sujet du Sénat ont été interprétées par la Cour à partir du paragraphe 91(1) alors que celui-ci ne présentait aucune restriction liée au Sénat. Les nouveaux pouvoirs unilatéraux de modification du Parlement se trouvant à l'article 44 comportent maintenant plusieurs interdictions explicites à l'égard du Parlement agissant unilatéralement pour apporter des modifications au Sénat, y compris le mode de sélection des sénateurs mentionnés à l'alinéa 42(1)b). Plutôt que d'écarter le Renvoi relatif à la Chambre haute, les changements apportés à la Constitution en 1982 semblent en fait renforcer l'avis exprimé par la Cour.
La question fondamentale à résoudre est de savoir si la nature indirecte du processus de consultation populaire sauve le , puisqu'une loi visant à établir un mode d'élection directe enfreindrait visiblement à la fois le Renvoi relatif à la Chambre haute et l'alinéa 92(1)b) de la Loi constitutionnelle de 1982.
La réponse à cette question dépend de la littéralité de l'approche adoptée à l'égard de la jurisprudence constitutionnelle. D'aucuns soutiennent que le est constitutionnel en raison de l'absence d'un conflit direct avec les pouvoirs légaux et discrétionnaires du gouverneur général prévus aux articles 24 et 32 de la Loi constitutionnelle de 1867. Toutefois, bien des éléments portent à croire que la Cour suprême du Canada n'adopterait pas une approche aussi littérale et immuable. L'historique du projet de loi C-20 et de son prédécesseur, le projet de loi C-43, montre clairement que le point central et essentiel du projet de loi est de parvenir à instaurer un Sénat élu.
En tentant d'établir la vraie nature de la loi, les cours se sont souvent demandé quelle faille le corps législatif tentait de combler. Dans le cas du , de nombreuses déclarations du gouvernement laissent clairement savoir qu'il désire régler la question du caractère non électif du Sénat.
Le gouvernement souhaite que seules les personnes choisies par l'électorat occupent des sièges au Sénat. Essentiellement, la solution offerte par le projet de loi serait à peine différente si un mode d'élection directe était établi.
Selon les défenseurs du projet de loi , celui-ci confère un pouvoir discrétionnaire sur deux principaux plans essentiels à sa constitutionnalité. Aucune obligation légale n'impose au gouvernement de tenir des élections pour les candidats au Sénat, et aucune obligation légale ne précise que les candidats doivent être nommés une fois élus. L'histoire des élections sénatoriales en Alberta montre que les gouvernements pourraient exercer un éventuel pouvoir discrétionnaire et recommander au gouverneur général de ne pas nommer les candidats élus. Jean Chrétien et Paul Martin n'ont pas tenu compte des sénateurs élus en Alberta pour huit nominations de cette province au Sénat de 1996 à 2005.
Cependant, les premiers ministres pourraient bien ne pas pouvoir faire abstraction du projet de loi une fois celui-ci adopté. Premièrement, la différence serait énorme si le processus électoral était édicté par le Parlement du Canada et non pas par une assemblée législative provinciale agissant hors de son domaine de compétence législatif habituel. Deuxièmement, une question se pose quant à la façon dont les cours réagiraient à l'égard d'une poursuite intentée par un candidat, élu conformément au processus préconisé par le projet de loi , lequel aurait été ignoré pour une nomination au Sénat. Visiblement, les cours n'émettraient pas un bref de mandamus obligeant le gouverneur général à nommer un sénateur élu; il n'y a tout simplement aucune obligation légale à mettre en application en vertu du projet de loi C-20.
Toutefois, les cours n'en resteraient fort probablement pas là. Dans le Renvoi sur la sécession du Québec, la Cour suprême aurait pu simplement affirmer que ni les lois canadiennes ni les lois internationales ne donnent au Québec le droit à la sécession. La Cour a plutôt déclaré que le gouvernement du Canada aurait l'obligation morale de négocier la séparation si une majorité absolue d'électeurs du Québec acquiesçait à une question référendaire clairement formulée. Dans le Renvoi sur le rapatriement, la Cour suprême aurait également pu affirmer que le gouvernement fédéral pouvait légalement apporter de façon unilatérale des changements à la Constitution qui toucheraient les pouvoirs des provinces; elle a plutôt déclaré qu'un degré appréciable de consentement de la part des provinces est requis par convention. Par conséquent, la Cour suprême du Canada émettrait fort probablement un avis quant à l'obligation politique du gouvernement de respecter le désir des électeurs dans le cadre du projet de loi .
Il est peu probable qu'un gouvernement ignore les désirs de la population exprimés dans le cadre d'un processus d'élection des candidats tenu avec tout le sérieux et la rigueur d'une élection ordinaire pour les membres de la Chambre des communes. Si le projet de loi était adopté, une convention constitutionnelle serait rapidement établie, selon laquelle les premiers ministres ne devraient recommander que les candidats élus pour la nomination au Sénat. Le principe démocratique imposerait dès le départ une obligation morale et politique. Ultimement, le pouvoir discrétionnaire que laisserait en théorie le projet de loi C-20 au premier ministre et au gouverneur général pourrait n'être qu'un mirage.
Pour conclure, à tous les égards, le projet de loi crée un processus électoral qui fera du Sénat non plus un organisme non élu, mais une Chambre élue. Il s'agit d'une tentative radicale de modification des caractéristiques essentielles du Sénat tel que celui-ci a été institué en 1967 et tel qu'il fonctionne depuis. La méthode choisie pour cette réforme draconienne vise également à exclure les gouvernements provinciaux dont le consentement serait requis si la réforme était proposée par une modification officielle. Le Sénat est une institution fondamentale de la Confédération qui a fait l'objet d'importants débats en vue de créer le Canada.
En 1982, les premiers ministres ont consenti à ce que les pouvoirs du Sénat et les modes d'élection des sénateurs ne puissent être modifiés que par un mode de révision officiel. Par conséquent, le Sénat ne peut être réformé radicalement par le Parlement sans l'accord des provinces.
Merci.
:
Merci beaucoup, madame la présidente. C'est certainement un privilège pour moi de pouvoir témoigner devant le comité et je vous en remercie infiniment. Je peux seulement vous parler par vidéoconférence à cause d'autres engagements et je vous demande de bien vouloir m'en excuser, ainsi qu'à mes collègues qui sont présents.
J'avoue que je suis également très ambivalent au sujet du projet de loi et de la façon d'y répondre. Je partage la plupart des inquiétudes que mes collègues ont exprimées, mais je pense que je me place peut-être dans une perspective légèrement différente.
Je crois qu'il y a beaucoup à dire en faveur du projet de loi C-20. Après des décennies de vains débats au sujet de la réforme du Sénat, ce projet de loi ouvre enfin la possibilité d'un véritable changement sans nous plonger dans un nouveau cycle de négociations constitutionnelles vouées à l'échec. Il apporte un élément de véritable démocratie dans le processus de sélection des sénateurs, ce qui pourrait rendre le Sénat plus représentatif, plus réceptif et plus comptable de ses actes.
Cela promet une limitation de la concentration excessive du pouvoir de nomination entre les mains du premier ministre, ce qui constitue un élément important du déficit démocratique au Canada et la raison fondamentale de la faiblesse du Sénat en tant qu'organisme représentant efficacement les intérêts régionaux et provinciaux dans les institutions centrales.
Cela crée la possibilité d'un Sénat qui sera peut-être mieux à même de représenter les provinces au Parlement fédéral. M. Watts a mentionné l'argument invoqué par Tom Kent et je pense être d'accord avec lui pour dire que la légitimité du gouvernement central sera améliorée par l'élection des sénateurs. D'autre part, cela pourra limiter la capacité des premiers ministres à avoir le monopole de la représentation du point de vue des provinces sur les questions nationales. Je pense que cela contribuera à un fédéralisme sain.
Par conséquent, il y a des choses positives à dire au sujet de ce , mais bien entendu, j'ai également certains doutes bien réels à l'égard du processus et sur le fond.
Premièrement, pour ce qui est du processus, il y a là plusieurs éléments. Les deux réformes envisagées soit des élections consultatives et un mandat fixe pour les sénateurs, ne sont qu'un pis-aller à défaut d'une réforme plus fondamentale. Je sais que la portée des projets de loi est largement limitée par le désir du gouvernement de trouver un moyen d'apporter des changements en les soumettant uniquement au Parlement plutôt qu'en suivant la procédure de modification constitutionnelle.
Néanmoins, cela a l'inconvénient qu'il n'y aura pas une révision complète du Sénat portant, comme l'a dit M. Watts, sur le rôle et les pouvoirs du Sénat ainsi que la répartition des sièges entre les provinces. Pourtant, tous ces facteurs sont liés et forment un tout. Par exemple, voulons-nous augmenter les pouvoirs du Sénat, comme ce projet de loi va sans doute le faire, sans remédier à la sous-représentation évidente des provinces de l'Ouest au Sénat?
Deuxièmement, nous n'avons pas eu un grand débat public sur la réforme du Sénat. Le public n'a pratiquement pas participé à ce processus, même si de nombreuses propositions imaginatives ont été faites, au cours des années, pour réformer le Sénat.
De plus, comme on l'a souligné, le Sénat est un élément crucial du fédéralisme, si bien que l'absence de consultations intergouvernementales pose un problème. Un certain nombre de provinces, y compris l'Assemblée nationale du Québec, à l'unanimité, se sont opposées à ce projet de loi. Plusieurs provinces ont déjà adopté leur propre loi pour la sélection de candidats aux postes de sénateurs ou envisagent de le faire. Je pense que ce serait là une solution de rechange intéressante que nous pourrions explorer.
Pourquoi toutes les provinces ne pourraient-elles pas tenir des élections dont les résultats seraient soumis au premier ministre? Il conserverait son pouvoir discrétionnaire sur les nominations et pourrait ne pas tenir compte des résultats s'il estimait que le processus de sélection de la province était antidémocratique. Je pense que cela permettrait d'atteindre la plupart des objectifs visés ici sans soulever les mêmes problèmes constitutionnels que ce projet de loi.
Le point de vue du fédéralisme jette également une autre lumière sur la constitutionnalité du projet de loi . Je me rends aux avis d'experts juridiques comme Peter Hogg et Patrick Monahan qui vous ont dit que le projet de loi est rédigé de façon suffisamment serrée pour qu'il ne soit pas nécessaire de modifier officiellement la Constitution, mais ils reconnaissent eux-même que nous pourrions nous retrouver facilement dans une zone grise du point de vue constitutionnel, surtout si le projet de loi est renforcé.
Toutefois, si nous avons besoin d'un amendement pour apporter un important changement au Sénat, c'est parce que les intérêts des provinces sont vraiment en jeu. Que ce projet de loi soit constitutionnel ou non, il établit, comme on l'a souligné, une nouvelle série de règles qui pourraient, à long terme, modifier largement le rôle et les pouvoirs du Sénat et donc modifier notre Constitution telle qu'elle s'applique actuellement, ce qui pourrait avoir d'importantes implications pour le fédéralisme.
Donc, le processus soulève de réels problèmes.
Je voudrais maintenant aborder les questions de fond.
L'aspect que je trouve sans doute le plus inquiétant est le caractère incertain de cette mesure: le gouvernement peut décider ou non de tenir une élection consultative; il peut décider ou non de nommer les personnes qui ont remporté les élections et les élections peuvent avoir lieu dans certaines provinces et pas dans d'autres.
Il me semble que si nous décidons de tenir des élections pour le Sénat, il faut qu'elles aient lieu partout. Les résultats devraient être exécutoires, etc. La confusion régnera dans l'esprit des citoyens si chaque fois qu'un siège de sénateur devient vacant, ils ne savent pas s'il y aura un vote ou non et quels seront ses effets. Il semble également bizarre qu'on adopte les règles complexes et détaillées énoncées dans la loi et qu'on mobilise toutes les ressources d'Élections Canada pour gérer une élection dont le statut et les effets ne sont pas clairs.
Deuxièmement, je soulève la question du moment où les élections sénatoriales auraient lieu. Le projet de loi envisage qu'elles aient lieu en même temps qu'une élection fédérale ou provinciale. Le Directeur général des élections a fait valoir de façon convaincante qu'il pourrait être très compliqué de les coordonner avec les élections provinciales et il est donc probable que les élections sénatoriales coïncideraient avec les élections fédérales. Néanmoins, cela pose des problèmes. Les élections sénatoriales retiendraient sans doute moins l'attention que les élections générales; leurs résultats seraient influencés par les préoccupations des partis nationaux et il serait difficile de séparer le financement et les autres activités du Sénat des élections générales.
Je crois qu'il serait de loin préférable de tenir les élections sénatoriales séparément, à date fixe. On pourrait peut-être leur réserver une journée tous les deux ans et tenir des élections pour tous les sièges vacants au Sénat ce jour-là. Ce serait plus simple à administrer, cela réduirait la partisanerie, du moins un peu, et cela permettrait beaucoup plus à l'électorat des provinces d'exprimer la façon dont il souhaite que ses intérêts soient défendus à Ottawa.
J'ai également quelques mots à dire au sujet du système de vote unique transférable qui est prévu ici, mais je serai bref, car le temps me manque. Je dirais simplement que si nous apportons deux grandes séries de changements, un changement au système électoral et des changements fondamentaux au Sénat, il faut se rendre compte qu'il va falloir mettre en place un énorme programme d'information du public. Deux référendums concernant la réforme électorale ont échoué en Ontario et en Colombie-Britannique, et cela parce qu'il n'y a pas eu de campagne d'information dans un cas comme dans l'autre.
Cela soulève un certain nombre d'autres questions. Les dispositions de financement sont peu claires et la campagne sera coûteuse. Par conséquent, on ne sait pas exactement pourquoi les partis politiques peuvent apporter leur contribution sous la forme de services, mais pas sous celle d'un financement direct ou pourquoi il n'y a pas de plafond pour les contributions directes aux candidats, comme pour les autres élections. Ne faudrait-il pas prévoir une subvention publique pour les candidats aux élections sénatoriales? Les questions de ce genre ont toutes un effet sur la mesure dans laquelle nous voulons que les élections sénatoriales soient à l'abri de l'influence des partis et sur l'importance que nous leur accordons. Il y a beaucoup de précisions à apporter.
La question la plus importante est, bien entendu, celle de savoir quels effets les changements auront à très long terme. Les politicologues et les constitutionnalistes ont très mal prédit, jusqu'ici, les conséquences des changements institutionnels, mais c'est pourtant fondamental, comme on l'a souligné. Une fois le système en place et accepté, le Sénat aura beaucoup plus de légitimité et donc d'influence que ce n'est le cas actuellement. Ce sera un autre centre du pouvoir, d'autant plus que ces pouvoirs resteront intacts. La Chambre des communes resterait la chambre de confiance avec le pouvoir de faire et défaire les gouvernements, mais c'est une convention et cela pourrait facilement changer avec un Sénat plus légitime. Toutefois, je ne suis pas certain que ces doutes et ces incertitudes au sujet de l'avenir à long terme devraient nous empêcher d'agir maintenant pour lancer ce processus.
Pour conclure, je dirais que je n'aime pas beaucoup ce projet de loi. Je le considère comme un effort graduel et ponctuel influencé par le désir d'apporter certains changements sans avoir à modifier la Constitution. On pourrait certainement faire valoir qu'il faudrait envisager une réforme plus vaste, même si cela prend beaucoup de temps. Après tout, le public ne réclame pas, à cor et à cri, une réforme urgente et il n'y a pas de crise exigeant une intervention.
Néanmoins, dans l'ensemble, malgré mes réserves et ma préférence pour une autre voie, adoptons ces changements, mais en leur apportant quelques modifications. Voici ce que je souhaiterais: que le projet de loi soit renforcé de la façon que j'ai déjà suggérée; que les élections aient lieu dans toutes les provinces pour toutes les nominations au Sénat; qu'elles soient honorées par le premier ministre, qu'il y ait une journée d'élection, etc.
Je sais que ce renforcement risque d'entraîner des changements qui exigeront de modifier la Constitution dans les formes. La meilleure solution serait peut-être de renforcer le projet de loi aux Communes, de demander à la Cour suprême de se prononcer sur sa constitutionnalité et de voir s'il transgresse ou non la procédure d'amendement. La Cour pourrait alors éclairer la Chambre au sujet de la portée et des limites de ce que le Parlement peut faire unilatéralement et guider ainsi le débat final sur ce projet de loi.
Merci beaucoup, madame la présidente.
:
Merci, madame la présidente.
Je voudrais vous remercier tous trois d'être ici. Vous vous distinguez par votre connaissance et votre esprit critique par rapport à la Constitution et au projet de loi à l'étude aujourd'hui.
J'ai deux grandes questions à poser. La première touche le pouvoir de l'exécutif par rapport à la nomination des personnes qui auraient gagné des élections. Dans le projet de loi , nulle part nous dit-on que le premier ministre a l'obligation de nommer les personnes qui ont été élues par vote populaire. Il a la discrétion de présenter la liste au Gouverneur général. Il pourrait donc choisir sur la liste la moitié des personnes ou davantage, comme il pourrait n'en choisir aucune, ou présenter au Gouverneur général une liste composée de personnes qui n'ont pas été élues par vote populaire.
Pourquoi ce projet de loi, qui ne touche pas la Constitution et qui peut, par conséquent, être adopté simplement comme un projet de loi, ne donne-t-il pas de détails sur les responsabilités du premier ministre par rapport à cette liste? C'est ma première question.
Ma deuxième question concerne le pouvoir des provinces. Je crois que c'est M. Heard qui nous a dit, et je lis sa dernière phrase en anglais:
[Traduction]
… le Sénat ne peut être réformé radicalement par le Parlement national sans l'accord des provinces. »
[Français]
Pourtant, nous savons que la représentation actuelle des sénateurs par rapport à leur propre province n'est pas la même dans toutes les provinces canadiennes. Par exemple, au Québec, les sénateurs représentent une région spécifique, ce qu'ils ne font pas dans les autres provinces. Comment pourrait-on changer le rôle, la nomination et les responsabilités des sénateurs sans demander au gouvernement du Québec de se prononcer là-dessus?
Je pose ces questions à un des trois témoins, à celui qui voudra bien y répondre.
:
Vous avez soulevé un certain nombre de questions assez compliquées. Excusez-moi si je réponds surtout à certaines d'entre elles.
Il y a la question de savoir pourquoi le projet de loi ne porte pas précisément sur le rôle du premier ministre et son pouvoir discrétionnaire de recommander des candidats. Je pense que le premier ministre a été laissé en dehors de ce projet de loi parce qu'il n'est pas mentionné dans la loi en ce qui concerne les nominations au Sénat. Pour que ce projet de loi puisse prétendre à une validité constitutionnelle, moins il fait mention du premier ministre, mieux cela vaut. Du point de vue de la rédaction, je suppose que c'est pour cette raison que le premier ministre n'est pas mentionné et qu'il n'est pas dit s'il doit ou non recommander des candidats qui n'ont pas été élus.
La deuxième série de questions portait sur le rôle d'un sénateur en tant que représentant de sa province et des différences à cet égard d'une province à l'autre. Vous avez mentionné le rôle particulier que les sénateurs du Québec jouent à cet égard étant donné que chacun d'eux représente une des 24 circonscriptions de la province. Cela pose de sérieuses difficultés pour la rédaction du projet de loi, d'une part, ainsi que des questions quant aux raisons pour lesquelles ce projet de loi a été proposé et ce changement a été suggéré sans l'accord du gouvernement provincial, surtout celui du Québec, dans le cas qui vous intéresse.
J'ai essayé de réfléchir à un amendement qui tiendrait compte du fait que les sénateurs du Québec représentent une circonscription particulière. Je ne sais pas exactement ce qu'il serait possible de faire. Le plus simple serait de modifier l'article du projet de loi concernant l'éligibilité d'un candidat pour dire seulement que les candidats devraient présenter les qualités requises à l'article 26 de la Loi constitutionnelle de 1867 et que si c'est le cas, ils répondent aux conditions d'éligibilité.
Néanmoins, cela ne règle pas le problème des circonscriptions du Québec, car un candidat pourrait être qualifié pour représenter une circonscription, mais pas celle où un siège devient vacant. Par conséquent, c'est peut-être une solution pratique, car je crois que les nominations de représentants du Québec au Sénat conduisent souvent des sénateurs à acheter un bien immobilier dans une circonscription dans laquelle il n'avait pas de liens jusque-là. Par conséquent, il suffit peut-être de dire que si vous présentez les qualités requises à l'article 26, vous répondez aux conditions d'éligibilité pour représenter une circonscription, mais si vous êtes nommé pour représenter une autre circonscription et que vous vous dépêchez d'acheter un bien immobilier dans cette circonscription, vous êtes éligible.
Par conséquent, en pratique, il faudrait apporter un amendement pour s'assurer que les candidats aux élections au Sénat ont les qualités requises pour siéger au Sénat. Pour le moment, vous pourriez présenter votre candidature sans répondre aux conditions d'éligibilité. En apportant ces changements, il est possible de corriger le problème particulier qui se pose pour le Québec.
La dernière question politique est que ce changement est suggéré et proposé sans l'accord du Québec. En fait, la province de Québec a déclaré très clairement qu'elle s'opposait à ce projet de loi, ainsi qu'au projet de loi .
Je pense que c'est une mauvaise chose du point de vue constitutionnel. Je crois qu'un accord a été conclu en 1982 sans que le gouvernement du Québec ne s'y joigne, mais le reste des gouvernements provinciaux ont convenu que si des changements importants étaient apportés au Sénat, ils devraient l'être avec l'accord des gouvernements provinciaux. C'est donc une raison pour laquelle je crois que le gouvernement adopte une mauvaise démarche pour atteindre un but qui pourrait, autrement, être admirable.
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Oui, j'aimerais intervenir, si possible, madame.
Premièrement, il ne faut pas oublier que la façon dont une convention finit par s'intégrer dans le droit constitutionnel est l'un des grands mystères du droit constitutionnel. Je pense que cela peut se faire par des voies différentes.
La voie la plus évidente, comme on l'a déjà mentionné, est celle de l'histoire et de la jurisprudence. C'est ainsi que les choses se sont passées et se passent encore. La convention revêt alors une certaine légitimité et crée des attentes de la part de tous les acteurs politiques. C'est sur cela que la Cour suprême a fondé son jugement dans le renvoi sur le rapatriement en disant au gouvernement d'Ottawa qu'aux termes de la loi, il pouvait le faire, mais que la convention ne le lui permettait pas étant donné qu'il devait obtenir un consentement substantiel des provinces.
Néanmoins, dans le Renvoi sur la sécession du Québec, la Cour suprême a établi une convention reposant sur un deuxième fondement. Cette convention ne se basait pas sur l'histoire ou la jurisprudence, mais sur ce que la Cour suprême a déclaré comme étant les valeurs fondamentales du fédéralisme canadien. C'est ainsi que l'obligation d'Ottawa de négocier avec le Québec est devenue une convention constitutionnelle.
Troisièmement, un événement catalyseur peut établir très rapidement une convention. Le renvoi de Charlottetown pourrait être un exemple de ce genre. Certaines personnes, dont je fais sans doute partie, diront que même si nous ne l'avons fait qu'une seule fois, nous n'apporterons plus jamais un changement important à la Constitution sans le consentement de la population.
Il y a donc de nombreuses façons de modifier le droit constitutionnel.
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Merci beaucoup, madame la présidente.
Je remercie les témoins. Ce n'est pas mon comité habituel, mais le sujet m'intéresse beaucoup et je vous remercie de nous faire profiter de votre science.
Monsieur Watts, comme je m'intéresse à l'histoire, j'ai trouvé intéressant d'apprendre qu'en 1864, John A. Macdonald s'est dit que l'élection des sénateurs n'était pas une bonne idée et qu'il serait préférable de les nommer.
Je viens de la région de l'Atlantique, de Nouvelle-Écosse, et le Sénat a joué un rôle important pour ma région. Comme vous le savez, lorsque la Confédération a vu le jour, il y avait 24 sénateurs du Haut-Canada, 24 du Bas-Canada et 24 des deux provinces des Maritimes qui s'étaient jointes alors à la Confédération. Je pense que l'Île-du-Prince-Édouard y a adhéré en 1873 ou du moins dans les années 1870 et qu'elle a obtenu sa part des 24 sièges pour les Maritimes. Cette représentation régionale a donc été importante pour la région des Maritimes.
La situation de la Nouvelle-Écosse n'est pas tout à fait comme celle du Québec où vous avez 24 régions distinctes, mais nous avons toujours eu, par exemple, un sénateur acadien de Nouvelle-Écosse. Nous avions des sénateurs de Nouvelle-Écosse d'ascendance africaine avant d'avoir des députés d'ascendance africaine. Nous avons eu de grands champions de la société culturelle de la Nouvelle-Écosse. Nous avons eu la championne des droits des pauvres, Soeur Peggy Butts, qui a été nommée par l'ancien premier ministre, M. Chrétien, dans les années 90. À mon avis, toutes ces personnes ont fait grandement honneur au Sénat et au processus parlementaire canadien.
Un certain nombre de gens m'ont fait part de leurs préoccupations au sujet du Sénat. Est-il utile? Je suis ici depuis quelques années, j'ai vu le travail dont vous avez parlé, du sénateur Segal au sénateur Macdonald en passant par le travail que le sénateur Kirby a réalisé dans le cadre de plusieurs commissions importantes. Je sais que le Sénat accomplit un excellent travail. J'ai déposé aujourd'hui à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire émanant du Sénat, qui a été adopté par le Sénat et qui est arrivé à la Chambre des communes. Je dois dire aux Canadiens que le Sénat accomplit beaucoup de travail.
Même si je suis Néo-Écossais, je dirais qu'il me semble illogique que nous ayons davantage de sénateurs que la Colombie-Britannique ou l'Alberta. Nous devons apporter certains changements au Sénat. Je pense que tout le monde en reconnaîtra la nécessité. Chacune des quatre provinces fondatrices du Canada, si je puis utiliser cette expression, les quatre provinces initiales, le Québec, l'Ontario, la Nouvelle-Écosse et le Nouveau-Brunswick, se sont opposées à ce projet de loi et nous avons beaucoup parlé du processus qui est proposé.
Ma seule question est la suivante: n'y aurait-il pas une meilleure solution? N'aurait-il pas été possible de mieux entamer le processus? Vous avez dit que c'était un projet de loi politique et le fait est que tout ce qui arrive à la Chambre des communes est politique, mais cela semble répondre davantage à un calcul politique qu'à une nécessité politique. Ne serait-il pas préférable de tenir des consultations, peut-être une conférence des premiers ministres, pour lancer le processus, pour décider du genre de réforme à apporter au Sénat?
Tous ceux qui le désirent peuvent répondre à cette question.
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Merci, madame la présidente.
Je voudrais seulement reprendre là où M. Simeon s'est arrêté il y a quelques secondes.
Une des choses qui m'exaspèrent, peut-être un peu plus parce que je viens de l'Ouest, c'est de voir combien on a défendu le statu quo, surtout sous les libéraux, au cours de ma vie politique et je suis là depuis près de 15 ans. Chaque fois qu'il a été question de modifier la situation du Sénat, les premiers ministres Chrétien et Martin ont dit qu'ils ne prendraient aucune mesure ponctuelle. C'était leur réponse habituelle au cours de la période des questions, dans les interviews, chaque fois qu'on la leur posait au cours d'un débat, au cours d'une campagne électorale. Autrement dit, cela correspond à ce qu'a laissé entendre M. Watts, à savoir que si nous voulons réformer vraiment le Sénat, la seule solution est d'ouvrir la Constitution et de le faire « dans les formes ».
Je peux vous dire que c'est exaspérant pour un grand nombre de Canadiens, je crois, qui désirent voir évoluer un peu nos institutions. Je pense que nous devons parfois tenir compte des possibilités. C'est ce que fait le , il tient compte des possibilités.
Je n'ai pas sous les yeux aujourd'hui le nombre exact de fois où, pendant plus de 100 ans, les gouvernements et les Parlements successifs ainsi que les experts ont essayé d'apporter des changements constitutionnels importants au Sénat, mais nous conviendrons tous, je pense, comme tous ceux qui se sont intéressés le moindrement à la question, que tous ces efforts ont été très frustrants. Cela vaut même pour les personnes qui sont encore vivantes aujourd'hui et qui ont vécu tous ces événements, que ce soit l'Accord de Charlottetown qui a conduit au référendum ou avant cela, l'Accord du lac Meech, qui représentent les deux dernières tentatives.
Si j'ai bien compris — et c'est là que je compte sur ces trois messieurs pour m'éclairer — même aux États-Unis, le Sénat élu a évolué de façon ponctuelle, si je peux employer cette expression. Je crois que divers États ont commencé à élire leurs sénateurs. Avec le temps, comme M. Simeon a essayé de le faire valoir, c'est finalement devenu la norme plutôt que la nomination. Finalement, la pression du public a été suffisamment forte pour que cela devienne la norme acceptée et que le Sénat devienne entièrement élu au sud de la frontière.
Je demanderais à nos experts s'ils peuvent citer d'autres démocraties dans lesquelles la réforme du Sénat s'est faite petit à petit. Cela a commencé lentement et s'est généralisé sous la pression du public qui a dit qu'il existait peut-être une meilleure façon de procéder.
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Je suppose que la question s'adresse à moi, car c'est moi qui ai fait valoir l'importance de tenir compte des autres aspects.
J'hésiterais à choisir d'une part entre une modification ponctuelle très limitée et, d'autre part, l'ouverture de l'ensemble de la Constitution. Je ne propose pas de rouvrir toute la Constitution, mais simplement de revoir la question du Sénat. C'est une partie importante de la Constitution, mais il est risqué d'examiner seulement un de ses aspects, car il est relié aux pouvoirs existants du Sénat.
Si vous examinez les régimes parlementaires — en laissant de côté ceux qui, comme les États-Unis, le Mexique, le Brésil et l'Argentine, ont un régime fondé sur un congrès, un régime présidentiel, nous sommes, théoriquement, la fédération constitutionnelle qui a le Sénat le plus puissant au monde. Cela ne nous pose pas de problème, parce que, par convention, le Sénat n'est pas prêt à défier la Chambre des communes quand il est évident que cette dernière a le soutien de la population. Si vous changez les choses pour avoir un Sénat élu, sans changer ses pouvoirs, vous pouvez vous retrouver dans une situation très risquée et très dangereuse. C'est ce qui m'inquiète lorsqu'on envisage de le faire seulement de façon ponctuelle, petit à petit.
Vous avez soulevé la question des États-Unis. Vous avez en partie raison, car cela s'est passé État par État. Toutefois, à la fin, il y a eu un amendement constitutionnel en bonne et due forme qui s'est appliqué partout aux États-Unis. La Constitution a été modifiée en 1913 pour que les sénateurs soient élus directement plutôt que par les assemblées législatives des États.
Lorsqu'on examine les pays où le processus a été graduel, il y a eu des réussites et des échecs, comme en Malaisie. La Malaisie a commencé par faire élire les trois quarts ou les deux tiers de ses sénateurs indirectement, par les assemblées législatives, tandis qu'elle en nommait une faible proportion. Suite à une convention, ce sont maintenant les trois quarts de ses sénateurs qui sont nommés.
Une progression graduelle et ponctuelle n'est pas très souhaitable, mais c'est ce qui s'est passé là-bas. Cela montre qu'il est risqué de procéder à une réforme de cette façon lorsqu'il y a d'autres aspects à considérer.
Je ne veux pas ouvrir toute la Constitution. Les efforts déployés depuis 40 ans m'ont beaucoup marqué. Je reconnais parfaitement à quel point cela peut être décourageant et dangereux. Néanmoins, cette crainte nous conduit à risquer de faire l'opposé, en essayant d'apporter une réforme ponctuelle sans tenir compte de ses répercussions sur ce qui figure déjà dans la Constitution. Et c'est ce qui m'inquiète.
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Oui, la discussion prend une tournure intéressante. Il est question ici de deux sortes de craintes.
Premièrement, il y a la crainte qui vient d'être exprimée au sujet des difficultés potentielles de deux Chambres ayant des pouvoirs légaux et qui ont toutes les deux été élues, ainsi que les possibilités de danger, etc. C'est certainement vrai. Toutefois, n'oublions pas que la transition à un Sénat entièrement élu, comme la Chambre qui est entièrement élue, prendrait un certain temps. Nous aurons tout le temps de voir comment les choses évolueront.
D'autre part, il y a la crainte d'adopter ce projet de loi. On a peur d'ouvrir une boîte de Pandore en modifiant la Constitution et peur que cela ne nous entraîne dans un autre débat interminable. Nous craignons de ne pas pouvoir limiter le débat au Sénat. Comme pour l'Accord de Charlottetown, le cadre du débat s'élargirait sans cesse.
Étant donné ces deux sortes de craintes et le désir de ne pas simplement s'enliser dans le statu quo, il serait souhaitable que toutes nos institutions politiques explorent les choses que la Constitution leur permet de faire. C'est la raison pour laquelle je voulais proposer de laisser le Parlement se servir de son imagination, de tester les limites de ses pouvoirs constitutionnels et de consulter ensuite la Cour suprême pour s'assurer que ses pouvoirs n'ont pas été outrepassés. Si c'est le cas, merveilleux. Sinon, la Cour le dira au Parlement et ce dernier devra reculer.
Je dirais la même chose à propos des provinces. Je sais qu'elles n'ont aucun droit en ce qui concerne la nomination des sénateurs, mais j'ai souvent pensé qu'elles devraient en avoir. Toutefois, absolument rien ne les empêche de tenir des élections pour obtenir le nom d'un candidat qu'elles proposeront au gouvernement fédéral et au premier ministre. C'est parfaitement acceptable, selon moi. Cela permet de voir jusqu'où on peut aller. Cette solution ne marchera peut-être pas, mais c'est un exemple de ce que l'on peut faire, au niveau des provinces, pour revoir un processus qui n'est pas très efficace pour le moment, comme nous l'avons tous reconnu.