CC20 Réunion de comité
Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.
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CANADA
Comité législatif chargé du projet de loi C-20
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TÉMOIGNAGES
Le mercredi 9 avril 2008
[Enregistrement électronique]
[Traduction]
Je déclare la séance ouverte.
Conformément à son ordre de renvoi du mercredi 13 février, le comité reprend son étude du projet de loi C-20.
Merci à vous tous d'être arrivés à l'heure. Je sais que nous souhaitons donner un maximum de temps à nos invités aujourd'hui.
Nous accueillons cet après-midi un homme qui est peut-être préoccupé par la préparation de nouvelles consultations nationales, mais aujourd'hui nous allons nous concentrer sur le Sénat, et nous espérons que, grâce à la présence du directeur général des Élections du Canada, il nous sera plus facile de déterminer quels petits problèmes pratiques risquent d'être posés par cette proposition législative.
Nous qui travaillons sur la colline du Parlement connaissons très bien M. Mayrand. Il est accompagné aujourd'hui de Diane Davidson, sous-directrice générale des Élections, ainsi que de M. Stéphane Perrault, avocat-général principal et directeur principal. Bienvenue à vous tous.
Sans plus tarder, je donne la parole à M. Mayrand.
Merci, madame la présidente.
Je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour parler du projet de loi C-20, Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs.
Le projet de loi C-20 constitue un changement important sur au moins trois fronts. D'abord, il pourrait mener à une réforme majeure des institutions parlementaires canadiennes en établissant un processus pour consulter les Canadiens sur les recommandations faites quant à la nomination de sénateurs. Ensuite, en proposant le recours au système de vote unique transférable, ou VUT, pour la première fois à l'échelle fédérale, il marque un changement significatif en matière de politique électorale. Enfin, le projet de loi présente de nouveaux défis sur le plan administratif et opérationnel puisqu'on prévoit que la consultation se tiendra dans le cadre d'une élection fédérale ou provinciale.
C'est sur ce dernier sujet que portera l'essentiel de mes propos aujourd'hui, à savoir les questions administratives et opérationnelles que soulève ce projet de loi.
J'aimerais porter à l'attention du comité certaines questions dont il pourrait juger utile de tenir compte dans le cadre de son étude du projet de loi. Par ailleurs, mon bureau a cerné d'autres aspects de cette mesure que le comité voudra peut-être examiner en vue de modifications éventuelles.
Si vous le permettez, madame la présidente, je remettrai une liste de ces éléments aux membres du comité à la fin de mon exposé. Étant donné que je ne compte pas en discuter, je voudrais que cette liste soit annexée au compte rendu des délibérations du comité. Je vous remercie.
Il y a trois sujets principaux sur lesquels je désire attirer l'attention du comité. Premièrement, je voudrais aborder les défis majeurs qui pourraient survenir si la consultation a lieu au moment d'une élection provinciale. Deuxièmement, je parlerai de la question complexe de l'harmonisation du régime créé pour les consultations sur la nomination des candidats au Sénat avec l'actuel régime de financement politique prescrit par la Loi électorale du Canada. Troisièmement, je vous ferai part de mes préoccupations concernant l'application des dispositions touchant l'entrée en vigueur du projet de loi.
Mais, d'abord, étant donné la nouveauté, au Canada, du système de VUT, je vais décrire brièvement ce monde de scrutin.
Le VUT permet aux électeurs de classer les candidats par ordre de préférence dans les circonscriptions qui sont représentées par plusieurs membres. L'électeur indique ses préférences — un, deux, trois, etc. — sur le bulletin de vote à côté du nom des candidats. Le résultat est déterminé par diverses étapes de comptage. Au premier comptage, les candidats qui ont recueilli plus qu'un certain nombre de voix comme premier choix sont immédiatement sélectionnés. Ce nombre qu'on appelle le quota est déterminé en fonction du nombre de siège à combler et du nombre de voix valides.
Au deuxième comptage et aux comptages subséquents, les voix excédentaires obtenues par les candidats sélectionnés sont redistribuées, selon une formule pondérée, aux candidats que les électeurs ont indiqués comme étant leur prochain choix.
Si, après toute étape de comptage, aucun candidat n'obtient le quota requis de voix, celui qui a obtenu le moins de voix est éliminé, et les voix qu'il a obtenues sont redistribuées aux candidats subséquents sur le bulletin de vote. Le processus se poursuit jusqu'à ce que tous les sièges à pourvoir soient comblés.
L'application de cette méthode n'est pas aussi facile que cette description peut le laisser paraître. De nombreux détails viennent compliquer le processus. Je ne vous ai donné qu'un aperçu du fonctionnement du vote unique transférable.
Pour en revenir maintenant aux questions qui suscitent des préoccupations, le premier point que je voudrais aborder concerne la possibilité qu'une consultation pour la nomination de sénateurs se déroule en même temps qu'une élection provinciale. Si tel était le cas, le directeur général des Élections serait autorisé par le projet de loi à conclure un accord avec l'organisme électoral provincial. Il devrait alors adapter les dispositions de la Loi sur les consultations concernant la nomination des sénateurs pour la tenue du vote conjoint.
Faute d'accord, deux processus parallèles se tiendraient le même jour dans différents lieux de vote, impliquant différents travailleurs électoraux et des règles différentes. Cela ne m'apparaît pas être une situation acceptable, car elle entraînerait probablement la confusion et la frustration des électeurs.
Il serait donc essentiel de s'entendre avec l'organisme électoral provincial. Pour conclure un tel accord, la province voudrait sans doute que les règles régissant les consultations sur le Sénat soient aussi semblables que possible aux règles électorales provinciales, y compris celles sur les exigences de résidence, et l'identification des électeurs aux bureaux de scrutin, le dépouillement des votes et le financement politique.
Par exemple, aucune province n'a actuellement recours au vote unique transférable et, par conséquent, cette méthode ne serait probablement pas utilisée pour la consultation sénatoriale si elle devait se faire en même temps qu'une élection provinciale. Cela signifie aussi que le processus de consultation pourrait se dérouler différemment, selon la province où se tient le vote. Il s'agit là d'un choix politique qui pourrait être jugé acceptable et sur lequel je ne vais pas me prononcer. Toutefois, les décisions concernant la façon d'adapter des règles fédérales importantes, pour permettre leur mise en oeuvre par les autorités provinciales, pourraient susciter la controverse et faire l'objet de litiges. Comme je l'ai déjà dit, je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une solution viable.
Au lieu de tenter d'élaborer un régime qui exigerait un agencement complexe de lois électorales fédérales et provinciales, il vaudrait peut-être mieux indiquer dans le projet de loi que la consultation sera régie par des règles fédérales, sauf si la province a une loi qui prévoit un processus de consultation. Si pareille loi existe, comme la Senatorial Selection Act en Alberta, la consultation sera menée par les autorités électorales provinciales, conformément à la législation provinciale.
Mon deuxième point concerne les règles de financement politique créées pour les consultations sur le choix des sénateurs. Plus précisément, j'aimerais examiner l'incidence potentielle de ces règles sur les dispositions de la Loi électorale du Canada relatives au financement politique.
À plusieurs égards, le projet de loi tente d'harmoniser les règles de financement d'une consultation et d'une élection qui, la plupart du temps, se tiendraient en même temps. Par exemple, bon nombre des règles que prévoit le projet de loi C-20, dont celles qui sont liées à la divulgation des transactions financières, sont identiques aux règles auxquelles doivent se conformer les candidats lors d'une campagne électorale. De plus, le projet de loi exige que les fonds excédentaires des candidats soient remis au Receveur général. Cela vise à éviter que les contributions versées aux candidats au Sénat ne viennent alimenter le processus électoral.
Par contre, certains aspects du projet de loi C-20 pourraient ne pas cadrer avec la législation sur le financement politique. Si, comme le prévoit présentement le projet de loi, le Parlement ne souhaite pas limiter les dépenses pour les campagnes des candidats au Sénat, il serait important de minimiser l'impact potentiel des règles financières proposées sur celles qui régissent les élections.
Les dépenses des candidats au Sénat pourraient avoir plusieurs répercussions sur le régime de financement politique prévu dans la Loi électorale du Canada. Par exemple, puisque rien dans la Loi électorale du Canada n'empêche une personne de se présenter à la fois comme candidat à une élection et comme candidat à une consultation sur le choix des sénateurs, le pouvoir de dépense illimitée des candidats au Sénat pourrait miner le plafond de dépenses électorales de quelqu'un qui se porterait candidat aux deux scrutins.
De même, rien n'interdit à quiconque se porte candidat à une élection de s'inscrire comme un tiers dans une campagne pour le choix des sénateurs. Pareille situation permettrait à un candidat de dépasser son plafond de dépenses électorales.
Je remarque également que le projet de loi tend dans l'ensemble à distancer les partis politiques des candidats. Toutefois, le paragraphe 87(2) autorise les partis enregistrés et les associations de circonscription enregistrées, à fournir aux candidats tout produit ou service, sauf s'il a trait à la publicité. Là encore, le transfert possible de biens et de services à ces candidats pourrait compromettre l'efficacité des plafonds de dépense des partis.
Enfin, des questions épineuses pourraient se poser quant à la façon dont les dépenses d'un candidat au Sénat faisant la promotion du programme de son parti seraient traitées en vertu des deux lois. Je n'ai nullement l'intention de proposer que les règles du projet de loi C-20 en matière de financement politique soient identiques à celles énoncées dans la Loi électorale du Canada. Une similitude parfaite n'est pas possible, mais le Parlement voudra peut-être s'assurer que les règles liées aux consultations pour le Sénat n'auront pas d'incidence imprévue sur les règles de financement de la Loi électorale du Canada.
Comme cela semble être le but recherché par le projet de loi, je vous soumets quelques pistes de réflexion pour stimuler le débat sur la meilleure façon d'atteindre cet objectif:
a) interdire à quiconque d'être à la fois candidat enregistré au Sénat et candidat à une élection générale fédérale;
b) interdire à un candidat d'engager des dépenses de publicité en tant que tiers lors d'une consultation sur le Sénat jumelée à une élection où il se porte candidat;
c) s'assurer que les dispositions relatives à la collusion et celles qui interdisent à des entités politiques d'agir de concert pour esquiver les plafonds de dépenses sont suffisamment strictes dans le projet de loi et dans la Loi électorale du Canada; et, enfin,
d) interdire toute cession non monétaire provenant d'associations de circonscription et de partis enregistrés aux candidats au Sénat.
[Français]
Le troisième sujet dont je veux vous parler aujourdhui est notre capacité organisationnelle de respecter les échéanciers fixés par le projet de loi. L'organisation de consultations sur le Sénat sera un projet majeur pour Élections Canada, et nous devrons le réaliser en plus de nos activités courantes, y compris le maintien d'un état de préparation constant en vue d'une élection générale.
De nouveaux systèmes et outils devront être conçus pour la tenue de consultations et pour faciliter le comptage électronique des bulletins de vote selon le mode de vote unique transférable. De plus, nous devrons élaborer du matériel de formation ainsi qu'une campagne d'information et d'éducation à l'intention tant des partis politiques que des autres entités et, surtout, des électeurs.
Je suis persuadé que ces questions peuvent être résolues et que nous pourrons développer les systèmes requis. Toutefois, j'estime impossible que cela puisse se faire dans le délai prévu de deux ans. Nous avons demandé à IBM Canada d'examiner la mise en place des technologies requises dans le délai de mise en oeuvre prévu par le projet de loi. Cette société a conclu que la période de deux ans représente un risque d'échec extrême. Néanmoins, elle estime que la mise en oeuvre serait réalisable sur une période de trois ans. Il est essentiel qu'Élections Canada dispose de ce délai de trois ans pour garantir une mise en oeuvre réussie du projet de loi.
Les dispositions sur l'entrée en vigueur du projet de loi prévoient aussi un système transitoire de consultation, qui pourrait avoir lieu d'un à deux ans après la sanction royale. Pour cette consultation transitoire, un scrutin majoritaire plurinominal serait utilisé. Selon cette méthode, les électeurs n'indiquent pas leur choix par un ordre de préférence, mais bien simplement en inscrivant un « X » à côté d'un nombre de candidats égal au nombre de sièges à combler.
Ainsi, en plus de se préparer pour l'entrée en vigueur du mode de scrutin préférentiel, Élections Canada devrait élaborer des systèmes, des outils et mener des campagnes d'éducation électorale pour expliquer ce mode de scrutin. Même si rien ne garantit qu'une consultation aurait lieu durant cette période transitoire, il faudrait tout de même s'y préparer. Les ressources qu'il faudrait y dédier réduiraient le bassin de ressources disponibles pour assurer l'entrée en vigueur de l'ensemble du projet de loi C-20.
À mon avis, les répercussions sur l'état de préparation d'autres scrutins, la confusion créée chez les électeurs et le coût des préparatifs en vue d'une consultation qui pourrait avoir lieu ou non durant une période d'un an ne justifient pas la mise en place d'un système transitoire.
Par conséquent, je recommanderais que le système transitoire de vote soit retiré du projet de loi.
Outre les grandes questions que j'ai soulevées, il y a deux autres points que j'aimerais porter à l'attention du comité. L'un est d'ordre général et l'autre, un peu plus technique.
Mon premier point concerne le fait qu'à plusieurs endroits, le projet de loi mentionne que les dispositions clés de la Loi électorale s'appliquent à une consultation sur le Sénat, avec toutes les modifications nécessaires. C'est le cas de l'article 46 du projet de loi, qui touche aux dispositions sur le scrutin, le vote par anticipation et les règles électorales spéciales de la Loi électorale. De même, les articles 95 et 96 indiquent que plusieurs dispositions à la Loi électorale du Canada sur le financement politique s'appliquent aux candidats à une consultation sur le Sénat, avec toutes les modifications qui peuvent être nécessaires.
Je conçois que de nombreux éléments de la Loi électorale du Canada puissent s'appliquer aux consultations sur le Sénat. Dans la mesure où les règles de la Loi électorale sont bien connues et respectées des participants et des Canadiens en général, la décision d'appliquer ces règles aux consultations sénatoriales s'impose et simplifiera l'administration de deux types de scrutins. Toutefois, la nature de l'instrument par lequel ces règles sont établies m'inquiète. En effet, le projet de loi ne prévoit aucun instrument de nature juridique, tel un règlement, pour faire connaître les règles fondamentales adaptées aux circonstances de la consultation sur le Sénat.
Pour combler cette lacune, on pourrait s'inspirer de la Loi référendaire. L'article 7 de cette loi autorise le directeur général des élections à adapter la Loi électorale du Canada à un référendum grâce à un règlement. Une fois pris, le règlement est soumis au comité des deux chambres pour commentaires. La mise en place d'un instrument juridique établissant des règles applicables à une consultation sur le Sénat réduirait les risques de confusion et d'incertitude. Cela est souhaitable sur plusieurs plans, notamment sur le plan du contrôle de l'application de la loi.
En effet, le commissaire aux élections fédérales m'a fait part de ses préoccupations concernant l'incertitude suscitée par l'absence d'un texte ayant force de loi énonçant clairement les infractions et les peines encourues dans le contexte d'une consultation. C'est pourquoi, si le Parlement souhaite que le directeur général des élections adapte la Loi électorale au besoin d'une consultation sur le Sénat, je recommande la création d'un pouvoir d'adaptation par règlement, comme celui prévu à l'article 7 de la Loi référendaire. Cela permettrait d'instaurer dans la loi un élément de certitude et d'assurer son application.
Mon dernier point a trait à l'article 33, qui demande au directeur général des élections de regrouper des renseignements relatifs aux candidats dans un guide à l'intention des électeurs, et de le distribuer. Dans certains cas, la publication de ce guide pourrait obliger Élections Canada à en départager le contenu. Il y a une fine ligne de démarcation entre ce qui est perçu comme une simple source d'information objective et ce qui peut être perçu comme un outil de promotion. La responsabilité d'Élections Canada dans la publication de ce guide pourrait donner une impression de non-neutralité. Je demanderais donc que cette responsabilité ne soit pas confiée à Élections Canada. Si la publication du guide vise à réduire les dépenses des candidats liées à la diffusion de leur message partout dans la province, on pourrait songer à leur offrir une indemnité à cet effet.
En terminant, je tiens à réitérer que la mise en oeuvre du projet de loi C-20 sera un défi de taille, mais un défi que je suis parfaitement prêt à relever. Cela dit, il ne faut pas sous-estimer les complexités opérationnelles de cette proposition. Étant donné que le comité commence à peine à étudier le projet de loi et qu'il l'a reçu tout de suite après la première lecture, j'ai omis les détails liés à la rédaction technique et à la mise en vigueur ainsi que les précisions sur les coûts de mise en oeuvre. Quand l'examen du comité sera plus avancé, je reviendrai volontiers pour parler de ces questions et de toute autre question spécifique.
Ceci met fin à mes observations, madame la présidente, et je suis prêt à répondre à vos questions. Merci.
[Traduction]
Merci, monsieur Mayrand.
Nous allons maintenant ouvrir le premier tour de questions.
Monsieur Murphy, vous avez la parole.
Merci, madame la présidente. Merci beaucoup, monsieur Mayrand,
[Français]
et votre équipe. J'ai beaucoup de questions, mais peu de temps.
Évidemment, je suis du Nouveau-Brunswick, une province bilingue où beaucoup de citoyens et citoyennes sont fiers d'être acadiens et acadiennes. J'ai peur que ce régime, lors d'une campagne électorale à l'échelle de la province, dans tous les comtés, compromette la représentation des Acadiens ou des francophones de ma province. Je connais bien ma province, évidemment. Je partage mon inquiétude avec M. Bélanger, parce que, comme porte-parole des Franco-Ontariens, cela l'inquiète beaucoup lui aussi.
[Traduction]
Vous soulevez une question fort intéressante qui va au coeur de ce qui a motivé le gouvernement à proposer ce projet de loi. Qu'arrivera-t-il, en fin de compte, si nous finissons par avoir deux Chambres du Parlement élues toutes les deux par la population? Ne s'agira-t-il pas du choc des Titans? D'ailleurs, n'est-il pas vrai — là, je reviens sur votre obligation d'informer le public, obligation que vous ne souhaitez pas avoir, je suppose — que, si le public devait être informé de cette nouvelle procédure, nous serions essentiellement en train de dire aux citoyens que ce Sénat qu'ils auraient choisi aurait les mêmes pouvoirs que la Chambre des communes dont les députés sont élus?
Ne convient-il pas de préciser, dans l'information fournie au public, qu'il s'agit d'un simple processus de sélection, que c'est au premier ministre qu'il appartient de faire la sélection définitive et que, dans ce cas-là, ce n'est pas tout à fait la même chose pour la Chambre des communes? N'avez-vous pas peur de faire face à un véritable cauchemar sur le plan des relations publiques si on vous laisse l'obligation de fournir une telle information, information qui, comme vous l'avez si bien dit, pourrait être considérée comme un outil de promotion? Qu'est-ce que vous pourriez promouvoir au juste? Que les deux Chambres aient les mêmes pouvoirs? Comment pourriez-vous rédiger ce genre de texte et est-ce justement le genre de cauchemar auquel vous préférez ne faire jamais face?
Je ne cherche jamais à faire face à un cauchemar.
Vous avez mentionné deux éléments. L'article 33 dont je vous parlais tout à l'heure prévoit qu'Élections Canada publie un guide à l'intention des électeurs au sujet des candidats. Si je ne m'abuse, l'article 5 du projet de loi fait mention de programmes d'éducation relatifs à ce nouveau régime de consultation. Notre approche serait très semblable à celle que nous adoptons pour les activités électorales touchant la Chambre des communes — c'est-à-dire que nous cherchons à informer des électeurs sur la façon dont ils peuvent voter et où ils peuvent le faire, précisons qu'ils doivent se faire inscrire sur la liste des électeurs et en même temps, nous nous assurons de leur donner tous les renseignements pertinents au sujet du jour du scrutin. Nous mettons beaucoup plus l'accent sur le processus proprement dit. Par exemple, nos documents d'information n'abordent aucunement la question du rôle de la Chambre des communes, par exemple.
Je sais que des élections pour la Chambre des communes se déroulent depuis 1867, du moins pour les quatre provinces fondatrices, et peut-être les électeurs comprennent-ils l'importance ou, selon leur opinion, l'inimportance des élections des membres du Parlement.
Si nous adoptons votre proposition, dans trois ans, il y aura une toute nouvelle procédure pour les électeurs. Je m'inquiète moins du guide à l'intention des électeurs au sujet des candidats qui, comme vous le dites, concerne l'article 33… mais, s'agissant de l'article 5, je peux difficilement concevoir que, dans le cadre de votre première campagne de sensibilisation du public à ce sujet, vous ne mentionniez pas qu'il s'agit d'une première sélection et que ce processus est censément important. Comment allez-vous dire que c'est important? Ces élections sont-elles aussi importantes que celles pour les sièges de députés à la Chambre des communes, ou allez-vous simplement dire aux électeurs qu'ils doivent voter à tel ou à tel moment et voilà les droits que vous pouvez exercer? Je suis convaincu que vous voudrez parler du fait que c'est la première fois qu'on demande aux citoyens de choisir — à supposer que le premier ministre accepte le choix des électeurs — les sénateurs, alors qu'ils n'ont jamais eu la possibilité jusqu'ici de les élire.
Comme je l'ai déjà dit, dans le Livre blanc publié au Royaume-Uni, le gouvernement expliquait clairement — et, rappelons-nous qu'il s'agit d'un gouvernement travailliste, si bien qu'on peut supposer qu'il n'est pas tellement en faveur de la Chambre des lords — qu'il préférait un système mixte comprenant des membres nommés et élus, en mettant davantage l'accent sur la Chambre la plus démocratique des deux, pour que ce soit bien clair pour le public, par simple déduction, que la Chambre des communes est la Chambre principale et qu'elle l'emporte toujours sur l'autre.
Mais, jusqu'ici, aucun représentant du gouvernement n'a dit, que je sache, que la Chambre des communes l'emportera sur ce Sénat dont les membres auront été sélectionnés. Qu'allez-vous faire pour bien informer le public dans ce cas-là, étant donné que l'article 5 du projet de loi semble laisser entendre que telle sera votre responsabilité?
Il est certain que nous devrons organiser une campagne de sensibilisation du public au sujet de cette nouvelle caractéristique de notre démocratie.
Mais, en fin de compte, ce sera aux électeurs de déterminer s'ils veulent ou non pondérer les choix qu'on leur demande de faire. Je vous dirais simplement que, d'après ce que j'ai compris du projet de loi, et notamment le préambule, il n'est aucunement question ici de la relation entre la Chambre et le Sénat. En tant que fonctionnaire électoral, il ne m'appartient pas de me prononcer sur ce genre de choses.
Il me reste juste assez de temps pour vous poser une très brève question.
Nous avons vu des études au sujet d'autres modes de scrutin, mais êtes-vous au courant d'autres pays dont les membres de la Chambre haute seraient nommés par suite d'élections s'appuyant sur un processus de consultation ou de sélection de ce genre?
Dans ce cas, nous sommes essentiellement en train d'inventer quelque chose de nouveau, me semble-t-il.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Mayrand.
J'ai été un peu surpris. J'ai découvert des détails très intéressants que je n'avais pas vus, mais je m'attendais à ce que vous fassiez référence au projet de loi C-16. On vous en demande beaucoup en même temps. C'est un très grand changement. J'ai retrouvé le ton du projet de loi C-16.
Pour le moment, le projet de loi C-16 demeure toujours en chantier. Il vise à augmenter le nombre de votes par anticipation. Est-il réaliste de vous demander à la fois de mettre en place le projet de loi C-16 et les éléments qui vont découler du projet de loi C-20, avec toutes les modifications que vous proposez? Vous parlez de deux ans, mais déjà la première modification semblait assez difficile. Vous avez relevé des problèmes qui s'y ajoutaient. Par exemple, puisque le projet de loi C-16 prévoyait des journées de vote par anticipation, dont une qui devait avoir lieu la veille du vote, vous alliez avoir besoin de personnel électoral supplémentaire. Là, on vous demande de mettre en place une autre consultation.
Est-ce réaliste de mettre en place toutes ces réformes dans un laps de temps de plus de deux ans, soit au cours des trois ou quatre ou cinq prochaines années?
Nous estimons que nous aurons besoin d'un minimum de trois ans pour être capables de mettre en oeuvre ultimement le projet de loi C-20, particulièrement avec le système de vote unique transférable.
Dans mes commentaires, je n'ai évidemment pas tenu compte du fait qu'il y a présentement devant le Parlement — si ma mémoire est bonne — six projets de loi qui touchent le processus électoral.
Certains sont moins coûteux que d'autres, comme le projet de loi C-6.
C'est une des raisons. Il y a aussi la conduite... S'il fallait ajouter des jours de votation, comme j'ai déjà eu l'occasion de le mentionner, le recrutement du personnel électoral deviendrait encore plus problématique qu'il ne l'est déjà.
Dans le cas du projet de loi C-16, vous aviez fait une évaluation des coûts. Je comprends que c'était plus facile parce que c'était le prolongement de vos activités courantes. Existe-t-il des estimations des coûts d'une consultation de cet ordre dans le cas du projet de loi C-20?
On avait fait des estimations très préliminaires à l'occasion de la présentation du projet de loi C-43. Mais j'insiste sur ce point: c'était très préliminaire. L'estimation de la mise en oeuvre était de l'ordre de 100 millions à 150 millions de dollars.
Cela coûte 300 millions de dollars pour une élection telle qu'on les connaît, et on ajouterait 150 millions de dollars.
Je tiens à préciser que, quand je parle de coûts de l'ordre de 100 millions à 150 millions de dollars, ce n'est pas pour la tenue d'un événement, c'est pour la mise en place de tous les systèmes nécessaires pour tenir un événement. On n'en est pas encore à faire le calcul du coût d'un événement spécifique.
J'ai beaucoup aimé ce que j'ai lu à la page 10. On s'est posé la même question, étant donné qu'il n'y a pas de plafond de dépenses et qu'il y a deux règles électorales. À la page 10, vous proposez des choses qui seraient extrêmement importantes si on était intéressés à modifier le Sénat plutôt qu'à l'abolir tout simplement:
a. interdire à quiconque d'être à la fois candidat enregistré au Sénat et candidat à une élection générale fédérale;
Je n'y avais pas pensé, mais cela allait probablement de soi.
b. interdire à un candidat d'engager des dépenses de publicité en tant que tiers lors d'une consultation sur le Sénat jumelée à une élection où il se porte candidat;
c. s'assurer que les dispositions relatives à la collusion et celles qui interdisent à des entités politiques d'agir de concert pour esquiver les plafonds de dépenses soient suffisamment strictes dans le projet de loi et dans la Loi électorale du Canada;
d. interdire toute cession non monétaire provenant d'associations de circonscriptions et de partis enregistrés aux candidats au Sénat.
En d., vous écartez complètement la possibilité présente dans la loi qu'il puisse y avoir des services rendus par des circonscriptions et des partis politiques enregistrés.
Je pense que vous avez raison.
Ce que vous dites en c. me semble aussi être un élément important. Supposons que des sénateurs soient appuyés par des partis déjà constitués et que la caisse électorale d'un parti politique qui présente aussi des sénateurs soit rendue à sa limite en termes de dépenses maximales, parce que des plafonds sont prévus. Serait-il permis de penser que, implicitement ou explicitement, le parti en question invite les donateurs potentiels à contribuer plutôt à la caisse des sénateurs sous étiquette conservatrice ou libérale, étant donné qu'ils sont soumis à la règle du donateur individuel mais qu'ils n'ont pas de plafond et, donc, pas de limites objectives à respecter? Je parle d'étiquette conservatrice ou libérale parce que le NPD et le Bloc étant plutôt en faveur de l'abolition du Sénat, ce serait assez contradictoire qu'ils présentent des sénateurs. Mais on verra cela en temps et lieu.
Comme pour un candidat à une élection, le candidat à une consultation sénatoriale est le seul qui puisse recevoir les contributions par le biais de son agent. Les mêmes règles s'appliqueraient. Évidemment, les candidats ne peuvent pas recevoir de contributions en pensant que cela va être donné à d'autres. Il faut que ce soit clair pour le contributeur.
Par exemple, le Parti conservateur ou le Parti libéral, parce que c'est plus crédible, peuvent-ils inviter explicitement les donateurs, qui ne peuvent pas dépenser plus qu'un certain plafond, à donner, à partir d'un certain niveau, aux sénateurs sous étiquette libérale ou conservatrice?
Je ne pense pas que ce serait interdit, du moins pas selon ma lecture du texte actuel. La loi interdit le transfert de fonds d'un parti ou d'une entité à un candidat.
Ils pourraient donc inviter les contributeurs individuellement, dans le respect des règles.
S'il y a des élections simultanées à la Chambre des communes et au Sénat et que le programme politique est commun, puisque ce sont des sénateurs d'étiquette identique, cela contrevient à l'esprit de la loi, à mon avis.
Comme le fait qu'il n'y ait pas de plafond.
Enfin, il y a le temps d'antenne. Vous n'en avez pas parlé et je ne sais pas si la loi prévoit du temps d'antenne à la télévision publique pour les élections fédérales. Cela pourrait-il aussi éventuellement poser problème? Y a-t-il quelque chose de prévu à cet égard? Je vous pose la question sans connaître la réponse.
Votre question est très intéressante. Je ne me souviens pas d'avoir vu quelque disposition que ce soit à ce sujet. Si ça devait se faire, ça devrait se faire mutatis mutandis. Est-ce que les dispositions de la partie de la Loi électorale s'appliquent? Comment s'appliqueraient-elles au contexte d'une consultation?
On aurait toujours le même problème: certains sénateurs seraient candidats d'un parti politique qui serait aussi présent à une élection générale à la Chambre des communes.
S'il y a le temps d'antenne... C'est donc un problème que vous n'avez pas soulevé mais qui peut être réel.
[Traduction]
Merci beaucoup.
Je suis très content que vous soyez là aujourd'hui pour nous aider à bien comprendre ce processus. Vous nous avez présenté l'optique fort intéressante que nous devrons prendre en compte en essayant de bien comprendre en quoi pourrait consister ce processus de consultation et quelles pourraient être ses éventuelles répercussions.
Nous avons étudié des modèles utilisés dans différents pays du monde pour leur Sénat. Certains pays abolissent le Sénat, d'autres ont opté pour un Sénat élu et d'autres encore — très peu — estiment qu'il convient de retenir le modèle de la pairie.
Dans le contexte du projet de loi, il s'agit moins d'élire un Sénat que d'établir un processus de consultation qui pourrait ou non être mis en branle. Le premier ministre pourrait décider ou non d'enclencher ce processus, et la personne retenue par les électeurs pourrait ou non être celle qui finit par être nommée.
Êtes-vous au courant d'un autre régime prévoyant des élections démocratiques basées sur un tel principe?
Très bien.
Il est évident que le fait de faire participer Élections Canada à une telle consultation donnerait à cette dernière énormément de crédibilité. Quand Élections Canada donne son imprimatur à quelque chose, il n'y a rien qui puisse être plus légitime.
Vous êtes-vous renseigné sur les conséquences juridiques d'une situation où un candidat dépense 300 000 $ ou 400 000 $, recueille la majorité des suffrages dans le cadre d'un processus déclaré par Élections Canada comme correspondant à une élection de fait mais finit par ne pas être choisi? Avez-vous étudié les conséquences juridiques d'une telle situation? Serait-il possible qu'on en conteste les résultats?
Vous voulez dire, si le candidat sélectionné n'est pas nommé? Non, je n'ai pas examiné cette possibilité. Pour moi, c'est au-delà de la limite de mes compétences. Ce serait certainement un problème, étant donné que la décision relève de la responsabilité du premier ministre — du gouverneur général, en réalité, qui accepte les conseils du premier ministre.
Cela m'intéresse, parce que ce n'est pas le premier ministre qui tient les consultations, même si c'est lui qui déclenche le processus. On demande à Élections Canada de surveiller toute cette démarche afin de prouver sa légitimité mais, en fin de compte, le premier ministre a tout à fait le droit de dire qu'il ne veut pas tel candidat et qu'il va donc en nommer un autre.
Avez-vous demandé une consultation juridique au sujet du rôle d'Élections Canada dans ce contexte?
Avez-vous demandé une opinion juridique sur la possibilité que cette consultation soit à la limite de la constitutionnalité, en ce sens que, si le premier ministre enclenchait à chaque fois ce processus et devait accepter le choix de l'électorat, cela irait au-delà de sa prérogative, telle qu'elle est définie dans la Constitution. Vous vous êtes demandé si cela risquerait de donner lieu à des contestations constitutionnelles?
Non. Je laisse le soin au Parlement et au gouvernement de rédiger les lois. Ma responsabilité consiste simplement à les administrer et, une fois qu'elles ont été adoptées par le Parlement, je les applique en supposant qu'elles sont constitutionnelles.
Vous avez mentionné un chiffre au sujet de ce que cela pourrait vous coûter afin de vous préparer pour ce genre de consultations. Est-ce la somme requise pour être toujours prêt à agir, dans toutes les régions du Canada? À combien se monte ce chiffre? Pourriez-vous nous le répéter?
Ce serait entre 100 millions et 150 millions de dollars. Il s'agirait de mettre en place le système et le processus requis, et de prévoir les outils nécessaires. Encore une fois, il y a de nombreuses variables pour ce qui est du caractère de chaque processus — c'est-à-dire, si la consultation est tenue en même temps qu'une élection provinciale, si on parle de règles harmonisées ou de règles distinctes ou si la consultation se fait en même temps qu'une élection générale fédérale. Toutes ces variables influeraient nécessairement sur le coût final.
Vous nous dites donc que, pour préparer une éventuelle consultation, il faudrait compter entre 100 millions et 150 millions de dollars, alors que la décision de la tenir ou non serait prise selon la prérogative du premier ministre?
Pour être en mesure d'organiser une consultation, d'après nos estimations, il faudrait prévoir, si l'on parle du mode de scrutin VUT, entre 100 millions et 150 millions de dollars.
C'est l'investissement initial qu'il faudrait prévoir. Maintenant, disons qu'on décide d'organiser une consultation. Savez-vous combien cela pourrait coûter d'en organiser une dans la province de l'Ontario, par exemple?
Nous n'avons pas encore fait cette évaluation. Le fait est que nous n'avons pas beaucoup avancé pour ce qui est de notre planification ou évaluation des coûts.
Il nous intéresse surtout de savoir comment une consultation de ce genre pourrait se dérouler dans une province de la taille de l'Ontario sans qu'il n'y ait un plafond de dépenses. Comme vous l'avez précisé vous-même, pour Élections Canada, tout cela n'est pas vraiment codifié dans la loi. Il faudrait donc faire de la surveillance. Quel genre d'appui technique vous faudrait-il sur le terrain, afin de vous assurer que — et nous parlons peut-être d'un sénateur élu pour toute la province de l'Ontario — le processus de consultation qui s'est déroulé était à la fois transparent et juste, si bien que l'on puisse affirmer que ce dernier était juste, même si le premier ministre décide en fin de compte de ne pas nommer la personne choisie?
Avez-vous cherché à déterminer à quels problèmes techniques vous pourriez éventuellement être confrontés? En avez-vous une idée?
Ce ne serait pas la première fois. Je m'intéresse aux éventuelles problèmes techniques auxquels vous pourriez être confrontés en essayant d'organiser une consultation dans une province de la taille de l'Ontario s'il y avait, mettons un seul siège à combler.
Si la consultation est tenue en même temps qu'une élection fédérale, et s'il y a plusieurs sièges à combler en Ontario, nous allons nécessairement nous appuyer tout à fait sur la même logistique qui existe pour les élections fédérales.
Par contre, la situation serait beaucoup plus incertaine — encore une fois, cela supposerait énormément de discussion — si la consultation devait se faire en même temps qu'une élection provinciale. C'est une toute autre paire de manches, si je puis dire, étant donné que nous n'en avons pas vraiment discuté en détail avec quelque organisme électoral que ce soit jusqu'à présent.
Pour ce qui est d'une élection en Ontario, où il y a une centaine de sièges mais peut-être seulement trois à combler, il serait très difficile d'organiser une consultation en même temps qu'une élection fédérale en Ontario, étant donné qu'il y a toute une série d'autres éléments dont il faut tenir compte, ne serait-ce que pour garantir un minimum de transparence et d'équité entre, mettons, cinq candidats potentiels dans une centaine de circonscriptions électorales, alors qu'il n'y a que trois sièges à combler. Avez-vous examiné ce genre de problèmes?
Merci, madame la présidente.
Merci, monsieur Mayrand, ainsi que les membres de votre équipe, de votre présence parmi nous aujourd'hui et de votre exposé très complet.
Dans un premier temps, je voudrais faire deux observations, suivies de deux questions. D'abord, je voudrais réagir à une remarque faite par M. Murphy. Il a fait part de son inquiétude, si j'ai bien compris, concernant la possibilité que, dans une province comme la sienne, où il y a une majorité d'anglophones et une minorité de francophones, cette majorité n'élise jamais un francophone, alors qu'à mon avis, cette inquiétude n'est pas justifiée. Pour moi, il n'y a pas lieu de craindre une telle chose. L'histoire nous démontre, bien entendu, que Louis Robichaud a pu se faire élire au Nouveau-Brunswick. C'était un Acadien, ce qui signifie pour moi qu'il n'y a pas de problème fondamental au Canada à ce chapitre. D'ailleurs, il y a de nombreux autres exemples d'élus qui ne faisaient pas partie de la majorité locale. Par conséquent, il n'y a pas de problème de ce genre au Canada. Les électeurs sont éclairés. Il n'a donc pas besoin de craindre un tel résultat, à mon avis.
Ma deuxième observation concerne une de vos suggestions, monsieur Mayrand, concernant la possibilité d'adopter un règlement d'application accordant un pouvoir semblable à celui qu'on peut actuellement exercer en vertu de l'article 7 de la Loi référendaire. Voilà ce que vous avez suggéré dans votre exposé. En ce qui me concerne, c'est une bonne idée. Cela nous permettrait de recourir à un modèle qui est déjà utilisé, et qui pourrait se révéler fort utile. D'ailleurs, je suis très heureux que vous nous ayez signalé cette possibilité, et je vous en remercie. Vous pouvez certainement faire d'autres remarques à ce sujet, si vous le souhaitez, mais je voulais simplement vous dire que, pour moi, c'est une bonne idée.
Je voudrais maintenant aborder la question que vous soulevez à la page 13 du texte de votre exposé concernant les ressources qu'exigerait un scrutin majoritaire plurinominal. Vous dites que, si nous avons à la fois un système transitoire et un système final — le système final étant le mode de scrutin VUT et le système précédent étant une sorte de scrutin majoritaire plurinominal — il faudrait prévoir plus de temps, tant qu'il ne sera pas nécessaire de prévoir si on ne retient pas la proposition du projet de loi. Mais, de combien de temps de plus s'agit-il, selon vous? Je présume que vos experts-conseils vous ont fait une recommandation à ce sujet.
Pour le VUT, c'est trois ans. Il nous faudrait trois ans suivant la sanction royale du projet de loi.
Le cabinet d'experts-conseils n'a pas examiné cette question.
Je vous fais tout simplement remarquer que ce qui est proposé est un système transitoire qui serait en vigueur pendant un an, avant la fin de la deuxième année, c'est-à-dire entre la fin de la première et de la deuxième année, sans qu'il ne soit sûr qu'une consultation soit tenue. On peut donc se demander si l'effort que cela suppose en vaut la peine. Même s'il s'agit d'un système beaucoup moins complexe que le VUT, il faudrait néanmoins déployer toutes sortes d'efforts sur le plan de la technologie et de la formation, et il faudrait également s'assurer que les candidats comprennent bien les règles, etc. La question est donc de savoir si les efforts que cela suppose en valent vraiment la peine, étant donné qu'il faudrait en même temps préparer la mise en vigueur du mode de scrutin VUT, qui commencerait à s'appliquer l'année d'après — encore une fois, sans que nous ayons la certitude que des consultations seraient tenues au cours de cette période de transition. C'était cela mon argument.
Je présume que, si vous craignez de manquer de temps, c'est parce que vous envisagez d'avoir à mettre sur pied un système permettant de faire lire les bulletins de vote par machine. Ai-je raison à cet égard?
C'est une option qui pourrait nous intéresser.
Selon moi, la Loi est suffisamment souple pour permettre, soit l'entrée manuelle des données, soit la lecture électronique.
La proposition faite à la dernière réunion du comité par mon collègue, M. Lukiwski — qui n'est pas là aujourd'hui — consiste à établir un système selon lequel les électeurs, au lieu de classer les candidats en inscrivant un chiffre, se serviraient d'une grille pour arriver au même résultat. Dans l'axe X, il y aurait la liste des candidats; dans l'axe Y, il y aurait des cases en commençant par la première et en terminant par le dernier chiffre. Si vous souhaitiez que le candidat Bélanger soit votre premier choix, vous mettriez X dans la case à côté du nom du candidat Bélanger, et ainsi de suite pour tous les autres candidats.
Pour moi, cela donnerait quelque chose qui serait facilement lisible par machine. Pour ce qui est de sa taille physique, ce serait un bulletin de vote assez grand dans une grande province, mais j'ai l'impression qu'il ne serait pas plus grand que le bulletin de vote énumérant des chiffres de un à je ne sais quoi, d'après ce que j'ai vu du système VUT australien pour les élections sénatoriales et, dans les plus grands États, comme celui du New South Wales — qui est à peu près de la même taille que l'Ontario.
Je me demande si, en prévoyant cela dans le projet de loi, vous pourriez plus facilement en arriver à des bulletins de vote lisibles par machine, ce qui aurait pour effet de réduire les contraintes temporelles qui caractérisent ce processus, en ce qui vous concerne.
C'est une option qu'il faudrait examiner. Une disposition du projet de loi prévoit que l'on publie un dessin du bulletin de vote; avant de faire cela, nous voudrions certainement examiner les différentes possibilités.
La seule considération importante dans ce contexte — et, encore une fois, il nous faut en savoir beaucoup plus sur ce qui se fait dans le reste du monde à cet égard — concerne le fait que, si nous avons 16 partis enregistrés, comme c'est le cas actuellement, alors qu'il n'y a que sept sièges à combler, mettons, il pourrait y avoir un grand nombre de candidats, et je ne sais pas si le modèle retenu serait approprié à ce moment-là. Peut-être que oui.
C'est une bonne question. Selon moi, c'est à peu près le nombre que vous auriez dans un État comme celui du New South Wales. Normalement, il y a six sièges à combler d'un seul trait. Je dois admettre, cependant, que le nombre de partis m'étonne. C'est un nombre très, très important.
J'ai une autre question à poser. S'agissant de l'article 33, vous disiez que vous avez certaines préoccupations à ce sujet, et vous avez mentionné, notamment, que vous craignez de ne pas pouvoir maintenir votre neutralité en ce qui concerne l'information fournie aux électeurs. Vous dites que, au lieu de publier un dépliant ou un guide, il conviendrait de donner une subvention aux candidats pour qu'ils puissent distribuer eux-mêmes cette information.
Sans vouloir vous contredire, je crois que vous avez mal compris ce que prévoit l'article 33. Mais, l'article 33 constitue justement la subvention dont profitent les électeurs. Il s'agit essentiellement de leur transmettre un seul document, un seul dépliant, qui contient des renseignements d'une certaine longueur. Je présume que la longueur prescrite serait établie par votre bureau, mais sinon, ce serait aux candidats d'en déterminer le contenu, et ces derniers pourraient être aussi partisans qu'ils le souhaitent.
Je suis en train de lire l'article 33, qui se lit ainsi, et je cite:
Le lendemain de la confirmation de sa candidature, le candidat transmet au directeur général des Élections, selon le formulaire prescrit, l'information le concernant.
Je présume que, lorsqu'il est question du « formulaire prescrit », on parle de la longueur et sans doute du format du document — par exemple, la nécessité de le présenter en format Word, par opposition à un autre logiciel.
Ensuite, on lit ceci:
Le directeur général des Élections distribue dans les foyers de la province un guide à l'intention des électeurs conçu à partir de l'information transmise par les candidats.
Donc, il n'est pas prévu que cette information soit neutre. On s'attend au contraire à ce qu'il s'agisse d'information partisane, en suivant le modèle des dépliants qui sont distribués lors d'un référendum en Californie, par exemple, ou dans les cantons suisses, où il n'est aucunement question de neutralité. Votre travail consisterait simplement à vous assurer que le candidat A ne fournit pas plus d'information sur lui-même que le candidat B est autorisé à fournir, etc. Mais, vous avez certainement constaté que cela permettrait à tous les ménages de la province de recevoir des renseignements au sujet de tous les candidats, tout en minimisant le coût pour ceux qui sont des candidats indépendants, par exemple, ou ceux qui ne sont pas en mesure de réunir des sommes importantes.
Je comprends très bien qu'il est question d'aider tous les candidats. Pour moi, il s'agit surtout de s'assurer qu'ils sont tous sur un pied d'égalité, et que tous les candidats ont la même possibilité de communiquer leur message à tous les électeurs. Je m'inquiète surtout de la responsabilité d'Élections Canada. J'ai l'impression que l'article 33 n'est pas suffisamment précis en ce qui concerne le contenu à prévoir.
Dans quelle mesure sera-t-il possible de faire la promotion du candidat, du message politique ou du programme politique? Sera-t-il autorisé d'attaquer un candidat dans l'information que vous transmettez aux électeurs? Cela soulève toutes sortes de questions qui n'ont jamais concerné Élections Canada jusqu'à présent. Encore une fois, je crains que cela nous rapproche trop du message politique, par opposition à l'administration objective et indépendante du processus électoral. Voilà pourquoi je disais qu'il vaudrait peut-être mieux laisser le soin aux candidats de faire ce travail, en leur versant une subvention raisonnable qui supporte les dépenses qu'ils ont à engager à cet égard. C'est une autre possibilité.
Si cet article devait être maintenu, je préférerais qu'il soit plus clair et plus précis. Encore une fois, si le guide fait la promotion d'une certaine orientation, il faut absolument s'assurer que les électeurs comprendront que cela ne correspond aucunement à l'opinion d'Élections Canada.
[Français]
Merci, madame la présidente.
Bonjour, monsieur Mayrand. Ça me fait grand plaisir de vous rencontrer, vous et votre équipe.
J'aurais deux questions importantes à poser. La première touche le pouvoir du premier ministre une fois que les personnes ont été élues. Si je comprends bien — je n'ai pas l'article de loi devant moi —, le premier ministre a la possibilité de choisir les nouveaux sénateurs parmi la liste des élus ou de les choisir lui-même à l'extérieur de la liste.
Est-ce que je me trompe?
En effet, c'est ce que je comprends. Le premier ministre n'est pas lié par le choix qui a été exprimé à l'occasion des consultations.
Voilà. Alors, la question que je me pose est la suivante. S'il n'y a pas d'obligation de la part du premier ministre de choisir les noms parmi la liste de ceux qui sont élus, quelle est l'utilité d'un tel exercice d'élection dans tout le Canada? Le résultat n'est pas sûr, alors que les noms sur la liste des élus devraient automatiquement être placés sur la liste des sénateurs, comme c'est le cas pour les députés, où la liste des élus est exactement la même que la liste des personnes assises à la Chambre des communes.
Quelle serait l'utilité d'un tel exercice d'élection, dans ce cas?
Il n'y a pas d'obligation juridique pour le premier ministre, en tout cas pas d'obligation juridique instituée dans le projet de loi tel qu'il est présenté. Il va de soi, et je le comprends, que c'est pour des raisons d'ordre constitutionnel qu'il n'y a pas cette obligation dans le projet de loi, mais je pense qu'il faut s'attendre à ce que, s'il y a une consultation à l'échelle d'une province, ce sera probablement assez difficile pour le premier ministre ou le gouverneur général — même si ça demeure la prérogative du gouverneur général — d'ignorer le choix des électeurs.
J'aurais une deuxième question par rapport au financement. Je prendrai l'autre côté de la médaille, c'est-à-dire que nous savons, nous les élus, à quel point il est difficile d'avoir suffisamment d'argent pour payer les frais des élections dans une seule circonscription. Ce qui est proposé dans ce projet de loi C-20, c'est que les personnes dont le nom va être inscrit sur la liste des candidats possibles vont devoir circuler dans toute leur propre province. On pourrait dire que les provinces de l'Atlantique sont petites et que ça coûterait peut-être moins cher pour y circuler, pour aller rencontrer tous les électeurs, mais en fait, quand on va à Terre-Neuve ou au Labrador, c'est bien difficile de circuler sans avoir un avion à sa disposition. Ça coûte très cher. C'est la même chose dans les grandes provinces, le nord du Québec, le nord de l'Ontario, sans mentionner Iqaluit et d'autres régions.
Ma question est la suivante. Comment peut-on, de façon réaliste, contrôler le montant d'argent qu'il serait possible pour un candidat de dépenser, compte tenu du fait qu'il n'y a pas de plafond de dépenses dans le projet de loi?
Il n'y a effectivement pas de plafond de dépenses. Je pense qu'un des problèmes que les candidats pourraient avoir à l'occasion serait davantage en ce qui concerne le financement de leurs dépenses. Comme ils ne peuvent pas recevoir de fonds s'ils sont affiliés à un parti — s'ils sont indépendants, ils ont droit à davantage, mais s'ils sont affiliés à un parti, ils ne peuvent pas recevoir de fonds directement du parti —, ils doivent donc effectivement mener des activités de financement pour couvrir leurs dépenses de consultation.
Il y a quelques dispositions dans le projet de loi qui tiennent compte de cette difficulté. C'est pour cela que dans ma présentation, j'essayais de faire ressortir que c'est difficile de tracer la ligne exactement au bon endroit, et cela doit être considéré attentivement.
Une des dispositions dans la loi permet aux candidats à une consultation de commencer à percevoir des contributions à partir de la dernière journée de consultation. Dès le lendemain d'une consultation, un candidat pourrait commencer à percevoir des contributions, ce qui le distinguerait nettement d'un candidat à une élection, qui, lui, ne le peut pas. Il pourrait également émettre des reçus d'impôt à partir de ce jour-là. Il y a une certaine flexibilité est donnée sur le plan du financement, de la recherche de fonds. Est-ce suffisant? Le temps va nous le dire. C'est très difficile d'anticiper le coût d'une campagne sénatoriale.
L'autre dimension que je voudrais porter à votre attention, c'est que les partis peuvent fournir des biens et services. Ils ne peuvent pas fournir de fonds. Ça laisse entendre qu'un parti pourrait fournir du personnel, de l'équipement, du transport et certains services ou biens de cette nature pour aider le candidat.
[Traduction]
Bonjour et bienvenue au comité.
Vous avez dit dans votre exposé que, dans certains cas, lorsqu'une consultation est menée de concert avec une province, il faudrait entamer des négociations avec l'organisme électoral de la province dans chaque cas. Mais, vous faites déjà cela bien souvent. Vous travaillez de concert avec les organismes électoraux de chacune des provinces.
Je crois savoir que vous leur communiquez déjà certains renseignements, notamment les listes d'électeurs. Il est vrai qu'il existe des différences législatives au niveau des procédures électorales, mais vous négociez déjà avec les autorités provinciales.
Dans votre exposé liminaire, vous avez laissé entendre que ce genre de négociations pourrait éventuellement poser problème. Étant donné que vous travaillez déjà de concert avec elles dans plusieurs domaines, de quel genre de difficultés pourrait-il s'agir, selon vous?
J'en ai parlé brièvement avec certains collègues. En général, ils estiment qu'il leur faudrait une autorisation législative de la part de la province.
Le deuxième élément qui me semble problématique est le fait que les règles sont différentes pour les scrutins fédéraux et provinciaux. Les règles en matière de résidence varient. Les détenus peuvent voter lors de certaines élections provinciales, mais ne peuvent voter aux élections fédérales. Il faudrait donc que les règles soient harmonisées. Le jour du scrutin, il n'est pas possible d'appliquer deux séries de règles aux mêmes électeurs, selon les personnes qu'ils élisent. Il faudrait qu'on soit d'accord.
Encore une fois, d'après le résultat des discussions préliminaires, les adaptations requises seraient assez importantes. Là, je ne parle pas de la possibilité de partager le personnel, les locaux, et ce genre de choses. Je parle plutôt des règles relatives au scrutin: les règles de résidence et les règles touchant l'inscription le jour du scrutin, qui n'existent pas dans au moins une province.
Comment donc travailler dans cet environnement-là, en partageant un personnel qui administre des règles très différentes dans certains cas? Certaines de ces règles sont assez substantielles. Encore une fois, le mode de scrutin VUT n'existe pas dans les provinces à l'heure actuelle.
Dans ce cas, je vous félicite d'avoir déjà commencé à examiner les différences. Essayons de faire avancer ce travail. Cela va nous faire gagner beaucoup de temps par la suite.
Vous recommandez que la consultation soit tenue en même temps qu'une élection fédérale. Ce serait beaucoup plus facile, évidemment, puisqu'il s'agit de conditions générales que vous contrôlez déjà, et les bureaux de vote et ce genre de choses pourraient être partagés pour l'ensemble des activités.
En réponse aux questions de M. Reid, vous avez parlé de la possibilité d'aller voir ce qui se fait ailleurs dans le monde. Donc, il s'agirait de vous renseigner sur ce mode de scrutin qui est déjà utilisé dans beaucoup d'endroits différents, afin de savoir comment il faut procéder au dépouillement du scrutin, ou quel format il convient de prévoir pour le bulletin de vote lui-même. Avez-vous déjà commencé à faire des recherches préliminaires sur ce qui se fait dans les pays qui emploient déjà un mode de scrutin semblable?
Oui. Nous avons envoyé des observateurs en Australie, où des élections se sont tenues à l'automne dernier et qui a recours à ce mode de scrutin pour son Sénat. Nous avons également organisé deux missions d'observation en Écosse, qui commençait à peine à instaurer ce système. Donc, il est certain que nous examinons de près la façon dont d'autres organismes électoraux administrent ce régime.
Non, c'est faisable. Par contre, je crains que ce ne soit pas faisable en deux ans. Mais, c'est certainement faisable. C'est un système qui existe, et on dirait qu'il donne satisfaction dans de nombreux pays.
Partant du principe que c'est possible, plutôt qu'impossible, évidement. Si quelqu'un s'en sert déjà, cela peut nous faire gagner beaucoup de temps pour ce qui est de trouver les bonnes méthodes et de profiter de conseils sur ce qui donne de bons résultats.
Voilà; c'est tout pour moi.
[Français]
Bonjour, monsieur Mayrand.
Si je comprends bien, certains sièges au Sénat pourraient demeurer vacants pendant près de quatre ans, à moins que le gouvernement ne constitue une réserve afin de pourvoir à certains postes. Cela serait-il possible, selon vous?
En effet, et cette période pourrait être plus longue en fonction d'autres projets de loi. En fait, un autre projet de loi pourrait établir un terme de huit ans. Selon ce que je comprends, les consultations pour la nomination de sénateurs ne pourraient se faire qu'à l'occasion d'une élection générale, provinciale ou fédérale. Comme je l'ai mentionné, il pourrait y avoir certaines difficultés au provincial.
Selon le projet de loi, un parti devra s'inscrire comme tiers s'il veut favoriser un candidat au moyen de publicité, et ses dépenses seront visées par des limites semblables à celles imposées au tiers lors des élections à la Chambre des communes. Un peu plus tôt, vous avez parlé des dépenses, mais vous n'avez pas parlé de cet aspect.
Il serait possible pour un parti de s'inscrire comme tiers au sens de la Loi électorale du Canada et de la loi sénatoriale, pour financer ou mener des activités de publicité relatives à la campagne de consultation.
Ils sont assujettis aux mêmes limites qu'un tiers parti qui voudrait effectivement faire de la publicité pendant une campagne électorale. Comme c'est sur une base provinciale, le plafond serait ajusté à l'échelle de la province. C'est en fonction des électeurs et des territoires, du nombre d'endroits. Il n'y a qu'un territoire, donc il n'y a qu'un seul candidat. Le plafond est fixé selon la formule de la Loi électorale.
Vous avez dit un peu plus tôt que la mise en place d'un système comme celui-là peut prendre de deux à trois ans.
M. Marc Mayrand: Au moins trois ans.
Mme Pauline Picard: Au moins trois ans, d'accord. Quand votre système sera mis en place et rodé, il faudra vraiment une élection fédérale ou provinciale pour pouvoir l'activer, n'est-ce pas?
Oui, il n'y a pas de projet-pilote possible pour celui-ci. Il n'y a donc pas de risque d'erreur; il faut le minimiser.
Il est certain qu'avec les nouvelles technologies, on peut peut-être arriver à une harmonisation. Entrevoyez-vous, pour les prochaines années, certaines complications ou erreurs, étant donné que c'est un nouveau système? Avez-vous une base de référence d'autres pays qui ont exactement le même processus?
Il y a toujours des différences et il va falloir que le système canadien en tienne compte. C'est pour cette raison que le temps est important et que le testing de ces nouveaux systèmes est critique pour le succès d'une consultation.
L'Écosse a un système de vote unique transférable. L'Australie, qui a probablement le système le plus connu et qui s'applique tant au niveau national, au Sénat, qu'aux États, a quand même passablement d'expérience. Il y a peut-être aussi la Belgique, mais je ne veux pas vous induire en erreur. Les deux principaux régimes seraient l'Australie, les États australiens et l'Écosse, qui vient de le mettre en oeuvre lors d'une dernière élection.
Oui, on a envoyé des experts en informatique là-bas pour qu'ils examinent leur système. J'ai reçu mon homologue de l'Australie l'automne dernier. On essaie de provoquer de telles occasions pour s'enrichir mutuellement relativement aux défis qu'on doit relever.
Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais clarifier une réponse que j'ai donnée de M. Paquette. Je l'ai certainement induit en erreur en lui disant que les règles de la radiodiffusion s'appliquaient. On m'informe qu'elles ne s'appliquent pas. Donc, pour les débats ou le temps d'antenne, les règles de la Loi électorale ne couvrent pas la consultation sénatoriale. Les candidats n'ont donc pas accès à du temps d'antenne gratuit ou payé. Je veux m'assurer de ne pas vous induire en erreur.
Merci beaucoup, madame la présidente.
J'aimerais qu'il soit clair que les sénateurs représentent un certain territoire sénatorial. Dans la future consultation, les territoires seront-ils pris en considération lorsqu'un sénateur sera réélu, ou deviendront-ils complètement obsolètes?
Ce n'est qu'au Québec qu'il semble y avoir des districts sénatoriaux. Dans toutes les autres provinces, il n'y en a pas. Les candidatures se font à l'échelle de la province. D'après ce que je comprends du projet de loi, même au Québec, l'élection ou la consultation pour la nomination de sénateurs se ferait à l'échelle provinciale. Les sénateurs, selon la Constitution, seraient nommés pour des districts, mais pour les fins de la consultation, ce serait un vote à l'échelle de la province.
D'accord.
On a parlé de l'aspect électronique du dépouillement des votes. Y a-t-il déjà eu des tentatives au Québec en ce sens? Au niveau municipal, cela avait été un fiasco épouvantable. Y a-t-il des dispositions qui pourraient nous empêcher de revivre ce cauchemar?
Vous pouvez être assurés qu'on fera le nécessaire pour éviter ces risques de dérapage. C'est pour cette raison que j'insiste pour dire que nous avons besoin de plus de temps pour mettre les systèmes en place. Évidemment, des technologies existent, on n'a pas à réinventer la roue, mais ces technologies ne sont pas utilisées au Canada à des fins électorales. Un des problèmes que nous devons résoudre est le nombre peu élevé de fournisseurs canadiens, étant donné que personne n'utilise ce système au Canada. On devra solliciter des offres de sociétés à l'étranger pour nous aider à mettre au point ce système.
Je crois que des compagnies canadiennes avaient déjà tenté de le faire, mais elles n'avaient pas trouvé de marché. Sans doute qu'en faisant des appels d'offres, on trouverait peut-être des compagnies canadiennes.
L'aspect électronique est l'un des facteurs dont vous avez parlé. Quels sont les autres facteurs qui retardent la mise en application du processus de consultation?
Parlez-vous du système STV? Outre la technologie, c'est la formation du personnel, la mise au point des programmes d'information, la livraison des programmes d'information au personnel et la mise au point des programmes d'éducation populaire qui vont être nécessaires pour informer les électeurs. Cela demande des efforts considérables. Encore une fois, cela s'ajoute aux autres efforts qui sont normalement déployés pour les élections partielles ou générales et possiblement pour le mode transitoire de sélection prévu au projet de loi.
Quand vous parlez de la formation des électeurs, croyez-vous que ça peut prendre plus d'un an pour expliquer aux électeurs qu'il va y avoir dans le dépouillement...
Je ne pense pas que ça va prendre un an ni qu'on pourrai avoir l'attention des électeurs aussi longtemps, mais je pense qu'il va y avoir une campagne solide d'information et de sensibilisation des électeurs, parce qu'il risque d'y avoir un peu de confusion au départ. C'est complètement nouveau: on n'a jamais exercé notre droit de vote de cette façon au Canada. Soudainement, on a deux bulletins de vote. Il y en a un qu'on remplit différemment de l'autre et dont le résultat se calcule différemment de l'autre. Il faut que cela soit expliqué aux électeurs, il faut que cela soit clair, pour qu'il n'y ait pas de confusion quand on aura à dépouiller les voix.
Tout à l'heure, vous avez souligné qu'on aura peut-être de la difficulté, avec les provinces, à tenir ces consultations.
Comme le vote ne se tient qu'avec Élections Canada, soit aux quatre ans en temps normal, s'il y avait des postes vacants de sénateurs dans une province et qu'une élection provinciale avait lieu, serait-t-il possible de se joindre à Élections Québec, par exemple pour...
J'ai essayé, tout au long de ma présentation, de vous présenter des éléments de solution. Une des solutions suggérées dans la présentation consiste à considérer la possibilité de déléguer aux provinces le processus de sélection, la consultation pour la nomination de sénateurs. D'ailleurs, on a de l'expérience en Alberta. L'Alberta a son propre régime pour choisir des sénateurs. Des noms sont acheminés au premier ministre. C'est peut-être un modèle qui serait préférable, plutôt que d'avoir un système mixte, soit des élections aux paliers fédéral et provincial la même journée. Cela soulève toute sortes de questions, dont plusieurs ne sont pas résolues.
[Traduction]
Merci.
À mon avis, nombreux sont les Canadiens qui se demandent en quoi pourrait consister la solution en ce qui concerne le Sénat. Si l'on remonte à l'époque de John A. MacDonald, époque où le Sénat s'appuyait sur les principes du népotisme et du copinage, il avait expliqué que cet organe existait afin de protéger les droits des minorités. Évidemment, sa définition d'une minorité est légèrement différente de celle fournie par les pauvres pages qui expliquent aux touristes la protection des minorités à l'heure actuelle devant la salle du Sénat. John A. Macdonald disait qu'il faut protéger les droits des minorités parce qu'il y aura toujours plus de pauvres que de riches. Donc, le Sénat avait pour rôle de protéger les intérêts des riches.
Cette attitude-là était sans doute typique il y a 141 ans. Mais, 141 ans plus tard, on nous demande d'opter pour une solution qu'on pourrait appeler la « sélection du marchand », qui nous oblige à faire confiance au premier ministre et à supposer qu'il acceptera de nommer la personne sur la liste qui a été choisie par l'électorat, même s'il n'est pas obligé de le faire.
Nous supposons également qu'il voudra dépenser 100 millions ou 150 millions de dollars pour préparer ce processus, au cas où il déciderait de l'enclencher. Il pourrait décider de ne tenir aucune consultation, ou il pourrait décider, avant les élections, de nommer des amis politiques à des tas de sièges vacants et de conserver deux ou trois circonscriptions ou régions qu'il est à peu près sûr de pouvoir gagner. Et vous, chez Élections Canada, vous devez vous y préparer.
Nous parlons ici de règles de financement vagues et imprécises. Selon vous, aurait-il été plus simple de dire qu'il s'agira d'un simple processus d'élection des sénateurs, et que ce dernier s'appuiera sur le mode de scrutin en vigueur actuellement pour l'élection des députés? Cette solution-là n'aurait-elle pas été plus simple, en ce qui vous concerne, et peut-être moins coûteuse?
Dans un sens, c'est un choix d'orientation, et il faut tenir compte des limites établies dans la Constitution. Je ne pense pas pouvoir vous en dire davantage; selon moi, c'est une question qui exige d'être débattue par les parlementaires. Quant à nous, nous allons nous contenter de nous acquitter de la tâche consistant à administrer le régime que le Parlement voudra bien établir pour la nomination des sénateurs.
Moi, aussi, j'étais assez surpris — et vous avez fait allusion à cela — de voir les règles de financement politique — vous avez fait mention de leurs lacunes. Il me semble que, s'il y a une chose que n'importe quel membre d'un parti politique doit savoir en 2008, c'est que si l'on se permet de contourner les règles de financement politique, ou si les règles établies ne sont pas bien claires et précises, il y a nécessairement des gens qui ne vont pas y adhérer. Autoriser ce genre de choses revient à nous mettre sur la voie rapide vers la catastrophe politique, mais le fait est que nous parlons ici d'une situation où il n'existe pas de plafond de dépenses et les partis politiques peuvent fournir des biens et services — par exemple, des centres de télésollicitation politique. S'agirait-il de changements utiles…?
Oui, et ils peuvent s'inscrire comme tiers militants.
Donc, dans la situation actuelle, un parti politique pourrait déjà avoir établi une caisse spéciale pour l'activité électorale, mais le fait est que les règles ne sont pas très rigoureuses. Par exemple, dans trois régions où ils peuvent n'avoir aucune chance de remporter un siège, juste avant les élections, ils pourraient décider de nommer toute une série de candidats et, dans une autre région où ils croient pouvoir gagner, ils annonceraient la tenue d'une consultation — le processus de sélection. Il est possible que les règles de financement électoral déforment considérablement le résultat d'élections locales, car il serait possible de fournir des centres de télésollicitation politique, par exemple; le parti politique agirait comme tierce partie… tout l'argent qu'il n'aurait pas le droit de dépenser pour les élections locales… Il suffit de voir les opérations qu'ils se sont permis dans le contexte du scandale des entrées et sorties d'argent. Il me semble qu'il serait tout à fait possible qu'un parti politique influence grandement le résultat d'élections régionales.
Quel genre de règles faut-il donc établir afin que ce genre d'attitude et de comportement ne puisse pas triompher? L'argument du gouvernement consiste à dire: « Faites-nous confiance; le premier ministre ne ferait jamais ça ». C'est tout à fait risible. Nous sommes en 2008; nous ne sommes pas nés d'hier. Il nous faut des règles claires.
Donc, quelles règles nous recommanderiez-vous afin de garantir que ce genre de comportement ne soit pas toléré?
J'ai parlé d'un certain nombre de moyens dans mon exposé liminaire. Premièrement, il faut empêcher les gens d'être à la fois candidat au Sénat et candidat à la Chambre des communes.
De plus, peut-être pourrait-on envisager d'empêcher un candidat à la Chambre des communes de s'inscrire comme tierce partie; autrement dit, il conviendrait de discuter des raisons pour lesquelles ce genre de mesure s'impose. La loi électorale prévoit un certain nombre de dispositions anticollusion. Il y en a également dans ce projet de loi, mais il serait possible de les muscler davantage.
Et l'autre question — et c'est justement pour cela qu'il convient d'en discuter et d'en débattre assez longuement — et la dernière, serait d'envisager d'interdire, non seulement le transfert de crédits, mais aussi le transfert de biens et services.
Par contre, les candidats doivent mener à bien leur campagne provinciale, et il faut donc faire en sorte que leur campagne soit viable. C'est ça le défi.
Ce qui m'inquiète — et c'est la raison pour laquelle je soulève ces questions aujourd'hui — c'est que je ne suis pas convaincu que nous ayons réussi ici à établir le bon équilibre. Les règles qui sont prévues risquent de compromettre certaines règles régissant la conduite des candidats à la Chambre des communes. C'est pour cela que j'ai voulu en parler avec vous aujourd'hui.
Merci, et merci à notre témoin de sa présence aujourd'hui.
J'ai écouté avec intérêt les questions qui ont été posées, dont le ton frisait parfois l'hystérie, en ce qui concerne l'attitude qui transparaissait. S'agissant de la situation actuelle, il n'y a pas de consultation du tout. Ainsi le premier ministre peut faire toutes les nominations partisanes qu'il veut, et ce sans limite. Par contre, nous proposons dans ce projet de loi de consulter les Canadiens et de leur donner donc voix au chapitre.
Comme vous l'avez mentionné à juste titre, et je dois dire que depuis que je suis au Parlement, cette question revient constamment sur le tapis — je pense bien qu'il en a été question la dernière fois — en d'autres termes, pourquoi ne pas tout simplement élire les sénateurs; pourquoi ne pas simplement les élire directement? Eh bien, le problème que présente cette solution-là, comme celle préférée par le NPD — c'est-à-dire, l'abolition du Sénat — c'est qu'il faut pour cela que l'on modifie la Constitution. Vous avez signalé avec raison que c'est une méthode de consultation de la population canadienne alors que, comme nous l'ont fait comprendre les experts constitutionnels qui ont déjà comparu devant le comité, aller bien au-delà d'un système de ce genre nous mettrait en conflit avec la Constitution.
J'ai une ou deux questions à vous poser.
En général, que coûte actuellement l'organisation d'élections générales?
Ce que j'essaie de faire ressortir en vous posant cette question — justement pour répondre à une autre préoccupation exprimée autour de cette table — c'est que la démocratie coûte cher. La démocratie suppose certaines dépenses. Il y a probablement des systèmes moins coûteux, mais je n'en connais aucun qui me semble préférable à notre système démocratique.
Donc, la démocratie coûte cher, et l'implantation de ce système suppose certaines dépenses. Par contre, il me semble que, si cela nous permet d'en arriver à un régime démocratique de consultation des Canadiens — régime que réclament bon nombre de citoyens — ces dépenses sont justifiées, surtout si elles nous permettent de connaître l'opinion des Canadiens et de faire du Sénat une institution plus démocratique.
L'autre élément que je voudrais évoquer, et que d'autres ont déjà évoqué, est celui du coût. Tout cela va coûter cher. Les élections coûtent cher. Bon nombre d'entre nous ont été obligés de réunir des fonds mais, s'il y a un domaine où les sénateurs actuels ont prouvé leur expertise particulière, c'est bien celui de la collecte de fonds. Bon nombre d'entre eux se sont révélés très compétents pour ce qui est de réunir des fonds, et je dirais que si les futurs candidats sont aussi compétents que les sénateurs actuels sur ce plan-là, ils n'auront aucun problème.
S'agissant maintenant de l'échéancier, je constate que vous avez consulté une compagnie se spécialisant dans les technologies de l'information, si je ne m'abuse, sur la question de la mise en oeuvre du nouveau système. Je suis assez choqué de vous entendre parler d'un délai de deux à trois ans. Dans le secteur commercial, je sais qu'il arrive parfois qu'une compagnie s'implante et disparaisse ensuite en l'espace de deux ans. Donc, je me demande pourquoi il ne serait pas possible d'accélérer ce travail. Je serais très étonné d'apprendre que ce sont les technologies elles-mêmes qui risquent de retarder les choses. Voulez-vous réagir?
S'il n'y avait pas le problème de la technologie, je dirais qu'un échéancier de deux ans suffirait. Mais, comme il s'agit d'avoir recours à de nouvelles technologies pour notre processus électoral, il est essentiel d'effectuer des tests exhaustifs à l'avance pour être sûr qu'on puisse faire confiance aux résultats. Pour cette raison, je pense bien qu'il nous faudra un délai de trois ans.
Je suis tout à fait disposé à vous fournir d'autres renseignements sur les raisons pour lesquelles ce délai nous semble approprié.
Je voudrais savoir également si vous avez éventuellement consulté d'autres groupes à ce sujet. Il est possible que d'autres compagnies informatiques vous disent: « Non, en fait, ce serait faisable en deux ans. » C'est une idée que je soumets à votre examen.
Nous avons parlé du fait que cela va se faire en même temps qu'une élection fédérale ou provinciale. Je reconnais et je crois que mon collègue, M. Gourde, disait justement qu'un siège pourrait devenir vacant immédiatement après la tenue d'élections générales fédérales, si bien que nous voudrions combler ce siège avant que quatre ans ne s'écoulent. Vous avez dit que, même si ce système était un peu lourd et suppose un certain travail, il serait possible de tenir cette consultation en même temps qu'une élection provinciale.
Sur les plans administratif et opérationnel, oui. La question est plutôt de savoir quelles règles vont s'appliquer le jour du scrutin. Combien de règles différentes en ce qui concerne l'identification des électeurs allez-vous appliquer le jour du scrutin? Voilà une question qu'il faut absolument régler, et à moins que les dispositions du projet de loi ne soient plus précises…
Supposons que des élections générales soient organisées l'année prochaine dans telle province, que cette mesure législative est en vigueur et qu'il y a un décret. Est-ce le système VUT qui sera utilisé pour cette consultation? Le fait est qu'aucune province ne possède pour le moment un système de VUT.
Il y a d'autres éléments aussi qui, selon moi, ne relèvent pas non plus de la responsabilité des administrateurs du processus électoral, qu'ils soient provinciaux ou fédéraux. Il nous faut avoir une seule série de règles à appliquer ce jour-là, et c'est la raison pour laquelle je disais qu'il serait préférable de s'appuyer davantage sur les lois provinciales, justement pour régler le problème du retard par rapport à la mise en oeuvre du nouveau système de consultation. Il ne fait aucun doute que l'Alberta possède déjà toute l'expérience voulue dans ce domaine.
Monsieur Mayrand, j'aimerais vous remercier pour les recommandations que vous nous faites aux pages 10 et 11 du texte de votre exposé liminaire. Pour moi, elles sont tout à fait sensées, et j'espère que le comité en tiendra compte dans ses délibérations.
Sur la question du mode de scrutin à vote unique transférable, s'il devenait nécessaire de tenir une consultation pendant la période de transition — c'est-à-dire, le délai de deux ou trois ans que vous proposez — il faudrait recourir à un système autre que celui du vote unique transférable. Si une élection est organisée de concert avec les provinces, eh bien, vous nous dites qu'aucune province n'a actuellement recours au mode de scrutin à vote unique transférable, de sorte que, à l'avenir, nous pourrions avoir à appliquer les règles électorales fédérales et provinciales en même temps — disons, dans cinq ans. Cela ne risque-t-il pas d'entraîner beaucoup de confusion? Voilà ma première question.
Deuxièmement, les différences potentielles seraient-elles considérables si nous décidions de recourir à un système autre que celui du VUT comme, par exemple, le système majoritaire uninominal à un tour? Si vous deviez combler trois sièges au Sénat alors qu'il y a quatre candidats, ce sont les trois premiers qui l'emporteraient. Y a-t-il quelque chose de particulier qui nous amène à opter pour le VUT? Quels sont ses avantages?
C'est une question très large que vous me posez là.
Premièrement, s'agissant d'organiser ce processus de sélection conformément aux lois provinciales, encore une fois, c'est le premier ministre, au moment de prendre son décret, qui déciderait, vu le régime légal qui s'appliquerait, s'il convient ou non d'organiser la consultation conformément à la loi provinciale.
Pour ce qui est du VUT et de ses avantages, le principal avantage du mode de scrutin VUT est le fait que cette méthode suppose qu'il y a plus d'un candidat à élire dans une même circonscription; autrement, je ne pense pas qu'il soit bien avantageux. Toutefois, du moment que vous décidez de nommer trois ou quatre candidats dans une même zone, le VUT vous permet de valoriser le plus possible les choix des électeurs. Si un électeur vote pour le candidat A et constate, en fin de compte, que le candidat A a été élu par une majorité de 10 000, il pourrait se dire qu'il aurait voulu le savoir, auquel cas il aurait voté pour le candidat B, étant donné que ce dernier constituait son deuxième choix. Eh bien, c'est justement ce que le VUT permet à l'électeur de faire: son premier choix est tel candidat; son deuxième choix est tel autre candidat. Si on n'a pas besoin de ma voix pour élire le candidat numéro 1, je préfère quelle soit transférée au candidat numéro 2.
C'est une système qui permet de mieux traduire le choix des électeurs lorsqu'il y a plus d'un siège à combler.
Vous avez une tâche monumentale à accomplir pour ce qui est de faire comprendre aux électeurs en quoi consiste ce processus. À la dernière réunion du comité, nous-mêmes avions du mal à bien comprendre exactement comment il pourrait marcher. Nous avons l'exemple du récent référendum tenu en Ontario, dans le cadre des dernières élections provinciales, et le fait est que les gens n'avaient bien compris le système. Ce n'était pas la faute des responsables électoraux provinciaux; je dirais même qu'ils ont fait du bon travail pour ce qui est d'essayer de renseigner la population.
Vous avez raison de dire que la tâche ne sera pas facile, et je suppose qu'il faudra également que certains participants fassent la promotion du système.
Encore une fois, il a donné de bons résultats dans d'autres pays et a été généralement bien reçu par les électeurs de ces pays.
Oui.
En ce qui concerne la publication dans la Gazette des avis annonçant des élections provinciales, le préavis à donner est de six mois. Encore une fois, nous nous trouvons dans une situation où aucune province n'a de date fixe pour la tenue des élections provinciales. Il arrive bien souvent que des élections soient subitement déclenchées.
Donc, est-ce bien pratique et réaliste de s'appuyer sur ce que font les provinces?
À l'heure actuelle, il y a quatre ou cinq provinces qui ont des dates fixes, si bien que, dans ces cas précis, le premier ministre pourrait plus facilement faire sa planification.
Dans les autres provinces, s'il n'y a pas de date fixe, je ne crois pas que nous, ou plutôt le premier ministre serait à même de décréter que la consultation devait se tenir en même temps qu'une élection provinciale, car cela suppose qu'il serait au courant de la date de l'élection.
Merci beaucoup.
Je vais écourter le prochain tour pour que chacun puisse poser une question.
Monsieur Reid, c'est à vous.
Merci, madame la présidente.
Je suppose que mon propos s'adresse davantage à M. Maloney qu'à M. Mayrand, car je ne pense pas qu'il soit juste de poser des questions concernant la politique du gouvernement à quelqu'un dont le rôle consiste à interpréter les politiques plutôt que de se prononcer sur leur valeur.
S'agissant du mode de scrutin à vote unique transférable et ses avantages ou inconvénients par rapport au scrutin majoritaire uninominal à un tour que nous employons pour élire les députés de la Chambre des communes, je dirais que son avantage le plus évident est celui de la proportionnalité. Il y a nécessairement un degré de proportionnalité quand il y a plusieurs candidats et, jusqu'à un certain point, le mode de scrutin préférentiel vous permet d'éviter le problème du vote stratégique.
Supposons que vous voulez appuyer, en premier lieu, le candidat néo-démocrate mais que vous décidez de voter pour le candidat libéral, parce que vous estimez qu'il a de meilleures chances de battre le candidat conservateur, que vous ne voulez pas élire… Voilà le genre de chose qui se produit avec le système majoritaire uninominal. Mais, il n'y a aucun risque que cela se produise lorsqu'on a recours au mode de scrutin préférentiel, où l'électeur peut indiquer qui est son premier choix. Si cette personne est éliminée, c'est le deuxième choix de l'électeur qui compte. C'est un avantage considérable.
Je voulais également vous citer l'exemple le plus proche du scrutin plurinominal, à savoir celui utilisé pour le Sénat australien. Ils ont justement recours au mode de scrutin VUT. Autrefois ils utilisaient le système majoritaire uninominal, et plusieurs membres étaient élus en même temps. Mais, il arrivait que dans tel État australien, 55 p. 100 des voix soient donnés au candidat du parti A, 45 . 100, au candidat du parti B, alors que 100 p. 100 des candidats du parti A étaient retenus. Par conséquent, ils ont dû modifier leur système. Voilà justement le genre de problème qui peut se présenter lorsqu'on a recours au scrutin majoritaire uninominal à un tour pour une Chambre comme le Sénat canadien.
Je vous remercie.
[Français]
Quand Mme Picard vous a parlé de la publicité faite par un parti qui se présente comme un tiers, vous aviez proposé, en ce qui concerne les services, que le partage des locaux disparaisse. En conséquence, je comprends que pour la publicité, c'est la même chose.
Y compris la publicité.
De toute façon, on entreprend l'étude. Ça pourrait être très long.
Quand M. Van Loan s'est présenté devant le comité, il a dit que le projet de loi à l'étude accordait au gouvernement toute la latitude voulue pour décider de tenir une consultation, à quel moment, dans combien de provinces en même temps — évidemment, il faut que ce soit en même temps qu'une élection fédérale ou provinciale — et pour combien de sièges, que ceux-ci soient vacants ou non.
Cette latitude est très grande. Vous avez mentionné que vous préféreriez que ça se fasse en même temps qu'une élection fédérale. Comme il ne peut y avoir des élections que dans cinq provinces sur dix et que des élections pourraient se tenir alors qu'il n'y a pas de sièges vacants au Sénat, cela peut-il influencer le taux de participation et le sérieux de ce genre de consultation électorale? Par exemple, au Québec, il n'y aurait pas de consultation, mais en Ontario, il y en aurait une, et souvent la couverture médiatique se fait d'un océan à l'autre — je ne dis pas « nationale » puisqu'il y a plusieurs nations dans l'espace politique canadien. Si on peut tenir une consultation même s'il n'y a pas de sièges vacants, quel serait l'intérêt pour les gens d'aller voter, puisque les candidats choisis n'occuperaient peut-être pas un siège avant quatre ou huit ans.
Ne croyez-vous pas que cette latitude que le gouvernement s'est donnée par rapport au projet de loi C-20 pose problème?
Ce sont, je suppose, des facteurs qui devront être considérés par le premier ministre au moment du décret.
D'autre part, il y a en effet un risque que les électeurs soient beaucoup moins intéressés s'ils ont exprimé un choix qui ne sera pas utile dans un avenir proche.
Enfin, je pense qu'il faudrait considérer l'impact que cela aurait sur les candidats. Quel est l'intérêt de participer à une course ou à une campagne s'il n'y a aucune certitude d'être nommé même si on est choisi? Je pense qu'il faut prendre cela en considération, du moins pour les candidats cette fois-ci.
J'aurais peut-être un dernier souhait à formuler. Je serai bref, car on nous a demandé de l'être.
Vous faites régulièrement des études sur différents sujets. Vous nous en avez transmis, notamment sur le projet de loi C-16, soit sur le taux de participation des jeunes. Elles étaient extrêmement intéressantes. Je ne sais pas si vous avez des rapports de recherche sur l'expérience australienne, écossaise ou d'autres pays. Si vous avez des éléments qui pourraient enrichir la réflexion du comité, je vous invite à nous les faire parvenir par l'intermédiaire de la greffière.
Je pense à une étude qui a été faite, que nous n'avons pas commandée et qui est maintenant publique. Il s'agit de l'étude de M. Ron Gould sur les difficultés éprouvées en Écosse lorsqu'ils ont mis en oeuvre ce nouveau régime. Je pourrais vous la faire parvenir. L'accent est mis davantage sur l'aspect administratif opérationnel et sur les défis que cela soulève. Je vais voir si on a autre chose qu'on pourrait vous faire parvenir.
Merci, madame la présidente.
Monsieur Mayrand, madame Davidson et monsieur Perrault, je vous remercie d'être ici aujourd'hui. Je vous remercie aussi pour le travail fait par Élections Canada relativement au dossier qui nous intéresse aujourd'hui, et dans les autres cas.
Je dois avouer qu'à vous entendre faire de nombreuses suggestions, on croirait qu'on n'a pas consulté Élections Canada lors de l'élaboration de ce projet de loi. Si vous avez été consultés, on vous a grandement ignorés. Toutefois, je ne vous demande pas de faire de commentaire à ce sujet.
Je veux reprendre les propos de M. Reid. Je suis fort aise de savoir que des représentants de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada viendront témoigner, car ils ne sont pas d'accord sur les commentaires ou l'attitude de M. Reid. D'ailleurs, dans le mémoire qu'ils ont fait parvenir au comité, ils font référence à une étude réalisée pour le compte du commissaire aux langues officielles. Un professeur de l'Université de Montréal conclut que si les deux projets de loi de réforme qui sont présentement devant le Parlement étaient adoptés, ils feraient même disparaître les minorités francophones et anglophones de cette institution, du Sénat, autrement dit. Je crois que les communautés minoritaires du pays, qu'elles soient anglophones ou francophones, se doivent d'avoir des craintes.
Monsieur Mayrand, dans le cadre de vos fonctions, faites-vous des analyses juridiques afin d'évaluer la constitutionnalité de ce qui est proposé?
Je pense que le comité aurait peut-être avantage à y songer. D'ailleurs, je propose de demander au commissaire aux langues officielles de comparaître devant nous, madame la présidente.
Dans la Constitution, il n'y a pas seulement ce qui est écrit dans les textes ici, il y a aussi tous les principes écrits et non écrits. Un des principes que l'on retrouve dans le renvoi sur la sécession est la protection des minorités. Si le projet de loi C-20 fait fi des minorités, il faudrait peut-être, à mon avis, déposer une contestation constitutionnelle en bonne et due forme contre le projet de loi, sur cette base. Je ne parle pas des contestations constitutionnelles que le Nouveau-Brunswick, le Québec et l'Ontario préparent. Je pense qu'il est nécessaire de le préciser pour les gens qui suivent cela de très près.
Monsieur Mayrand, j'ai deux questions à poser. D'abord, serait-il possible pour des gouvernements provinciaux, d'après le projet de loi qui est devant nous, de déclencher des élections partielles pour tenter d'influencer les résultats dans telle ou telle région? Serait-il possible pour des gouvernements provinciaux de déclencher des élections provinciales ou partielles alors qu'une consultation est en marche?
C'est la prérogative des premiers ministres provinciaux de décréter les élections, sauf dans les provinces où il y a des élections à date fixe. À ma connaissance, il n'y a pas de règle. C'est une prérogative de la province.
On parle d'élections le même jour. S'il y a des élections qui se chevauchent, il n'y aura pas nécessairement de collaboration.
Je me suis laissé dire que le vote unique transférable était communément accepté. Je ne sais pas si c'est vrai, mais je vais voir si vous avez des études à ce sujet. Le vote unique transférable tend à défavoriser ceux ou celles qui sont perçus comme les meneurs, dans une course électorale.
Pourriez-vous vérifier si c'est bel et bien le cas? Existe-t-il des études à ce sujet?
Je ne suis pas au courant de telles études. Je peux certainement demander qu'on fasse une recherche et partager l'information avec le comité.
Moi, je l'ai entendue parce que certains partis politiques l'appliquent, dont le mien. En effet, ce phénomène consistant à défavoriser ceux et celles qui sont perçus comme meneurs entre en jeu et peut influencer les résultats. Je voudrais m'assurer, si jamais on adoptait une mesure, qu'elle soit neutre et ne favorise personne dans une course.
Merci.
Avez-vous un commentaire? Non? D'accord.
[Traduction]
Je pense que les cloches vont bientôt sonner, et c'était donc la dernière question.
Je désire remercier le directeur général des Élections ainsi que les membres de son équipe de nous avoir si bien présenté les faits. J'ai l'impression qu'il va falloir vous inviter à revenir. Ce projet de loi est fort complexe, comme en témoignent les questions qu'on vous a posées.
Merci beaucoup.
Je voudrais également remercier tous les membres du comité pour leur collaboration. Nous nous reverrons à la prochaine réunion.
La séance est levée.