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Je déclare la séance ouverte.
Bienvenue à la 10e séance du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 20 juillet 2020, le Comité se réunit pour examiner les relations sino-canadiennes.
La séance d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence.
[Français]
Voici quelques règles à respecter pour assurer le bon déroulement de la réunion.
Pour la vidéoconférence, les services d'interprétation fonctionneront à peu près comme pour une réunion de comité ordinaire. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le son du parquet, de l'anglais ou du français.
Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que le canal corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux langues.
Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro.
Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Si un député souhaite prendre la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour les questions, il doit activer son micro et mentionner qu'il souhaite faire un rappel au Règlement.
Si un député souhaite intervenir au sujet d'un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit utiliser la fonction « Lever la main » pour signaler au président qu'il désire prendre la parole. Pour ce faire, il doit cliquer sur « Participants » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affiche, à côté de votre nom, vous verrez une option qui vous permet de lever la main.
Assurez-vous de parler lentement et clairement.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine.
L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
[Traduction]
Avant de commencer, est-ce que tout le monde peut cliquer sur le coin supérieur droit de son écran pour s'assurer d'être en mode « Vue de grille »? Ce mode vous permet de voir tous les participants dans une disposition en grille; ils peuvent ainsi se voir les uns les autres. Comme c'est le cas lors de séances en personne, le public ne verra que le participant qui a la parole.
Je voudrais accueillir notre premier groupe de témoins, composé de Cherie Wong, directrice administrative, et Davin Wong, directeur à l'Engagement des jeunes et aux initiatives stratégiques, d'Alliance Canada Hong Kong; de Gloria Fung, présidente et coordonnatrice de la plateforme pancanadienne pour 16 organisations concernées par Hong Kong, de Canada-Hong Kong Link; et d'Aileen Calverley, cofondatrice et curatrice de Hong Kong Watch.
Chaque témoin ou organisation disposera de 7 à 10 minutes pour faire un exposé, après quoi les membres du Comité lui poseront des questions.
Monsieur Wong, vous avez la parole.
Je m'appelle Davin Wong et je suis directeur à l'Engagement des jeunes et aux initiatives stratégiques pour l'Alliance Canada Hong Kong, ou ACHK. J'ai aussi déjà été président de l'Union étudiante universitaire de Hong Kong jusqu'à ce que je fuie Hong Kong. Je voudrais remercier le Comité de m'avoir invité à témoigner.
Sensible au privilège dont je jouis à titre de Hongkongais canadien, je comprends qu'il est de mon devoir de parler. Même si je m'adresse à vous à titre de citoyen canadien, je cours un risque. En vertu de la loi sur la sécurité nationale, le gouvernement de Hong Kong a déjà émis des mandats pour « sécession » et « collusion avec des pays étrangers » contre six défenseurs des droits de la personne se trouvant à l'étranger, dont un citoyen américain intervenant auprès de son propre gouvernement.
La loi sur la sécurité nationale empêche les Hongkongais d'exprimer des opinions contraires. Le gouvernement s'en sert également pour écarter des candidats et influencer l'élection du conseil législatif. Mes amis et les activistes ressentent les effets délétères de cette loi draconienne. Les Hongkongais dépendent maintenant de leurs alliés étrangers pour obliger les gouvernements de Pékin et de Hong Kong à rendre des comptes.
J'aimerais ramener le Comité quelques années en arrière, au moment où j'étais encore un leader étudiant participant au mouvement prodémocratie. À l'époque, j'ai été harcelé, menacé et intimidé. Le 30 août 2019, j'ai été suivi, passé à tabac et blessé par un homme portant un t-shirt blanc, vêtement distinctif des fiers-à-bras du régime de Pékin. Trois autres activistes ont été brutalement attaqués le même jour.
Je ne me suis pas rendu à l'hôpital après l'attaque, car l'endroit est dangereux pour les activistes, puisqu'il a été révélé que la police infiltre le système des autorités des établissements pour retracer les manifestants hospitalisés. À l'époque, l'union étudiante avait même mis sur pied une clinique clandestine où travaillaient bénévolement des médecins et des étudiants en médecine qui aidaient les manifestants ayant besoin de soins médicaux.
En plus, je n'ai pas demandé l'aide de la police. Pourquoi l'aurais-je fait? Comme j'étais activiste, la police me considérait comme un ennemi. J'ai été témoin de ses abus de pouvoir et de ses violations des droits de la personne. J'ai assisté à des arrestations de masse. Le dixième de mes amis ont été arrêtés sous de fausses accusations. J'ai transporté un ami atteint à l'estomac par un tir de la police. J'ai été mis en joue et je me souviens encore parfaitement de l'odeur du gaz lacrymogène. La force de police de Hong Kong a arrêté des médecins et des journalistes. Des manifestants ont été rossés, violés et privés des processus auxquels ils avaient droit. Savez-vous ce que mes amis et moi transportions sur nous lors des manifestations? Nos dernières volontés, car nous craignions de ne jamais revoir la lumière du jour.
Après l'attaque, j'ai immédiatement réservé mon billet à 15 heure et j'ai pris l'avion à 19 heure. Je savais qu'en fuyant Hong Kong, il n'y avait pas de retour en arrière, mais je pensais encore naïvement avoir une mince chance de revenir. La loi sur la sécurité nationale a mis fin à cet espoir. Nos activités de défense des droits de la personne au Canada peuvent nous mener en prison en vertu de la large définition de « collusion avec des pays étrangers ». Même au Canada, nous ne sommes pas en sécurité, car Pékin a enlevé des dissidents dans d'autres pays. La peur est bien réelle.
En ce qui concerne la loi sur la sécurité nationale, le fait que Pékin affirme avoir le droit d'agir à l'étranger en réaction à des gestes posés par des non-Hongkongais se trouvant hors de son territoire amplifie ses ambitions autoritaires mondiales. Votre comité devrait également porter attention aux longs tentacules de Pékin et à son ingérence qui menace déjà nos libertés au Canada.
Même si je ne suis pas expert en sécurité nationale, j'ai été témoin des tactiques du régime, particulièrement en ce qui concerne l'activisme universitaire et étudiant. Le bureau de liaison a fourni une aide financière substantielle à l'Association des étudiants et des universitaires chinois dans les universités de Hong Kong. Sachez en outre que l'Union étudiante universitaire de Hong Kong a déjà été infiltrée par des groupes favorables à Pékin, et nous craignons que ce genre d'ingérence ne se manifeste au Canada.
La liberté et l'autonomie de Hong Kong ont été annihilées. Les journalistes gardent les derniers vestiges de la liberté de presse et de l'information, mais le propriétaire d'Apple Daily, une des sources les plus fiables à Hong Kong, a été arrêté en vertu de la loi sur la sécurité nationale il y a deux jours. La situation est urgente et le temps presse.
Je demande au Canada d'offrir immédiatement un havre sécuritaire aux Hongkongais afin de faire échec à la campagne d'ingérence malveillante du Parti communiste chinois à Hong Kong et de collaborer avec nos alliés pour obliger les gouvernements de la Chine et de Hong Kong à rendre des comptes.
Je vous remercie de nouveau de me donner l'occasion de vous faire part de mon expérience. Je répondrai à vos questions avec plaisir.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je m'appelle Cherie Wong et j'utilise le pronom « elle ».
Je suis née au Canada et j'ai grandi après la rétrocession de Hong Kong. Je suis donc honorée de témoigner aujourd'hui à titre de Hongkongaise et de Canadienne. Je suis cofondatrice et directrice administrative d'Alliance Canada Hong Kong, ou ACHK, un regroupement national multipartite dirigé bénévolement qui réunit 18 groupes communautaires de 10 villes.
Depuis le début du mouvement démocratique à Hong Kong, j'ai reçu des menaces de mort et de viol, certains laissant entendre qu'ils pourraient s'en prendre à ma famille. Pendant la semaine de lancement de l'ACHK, j'ai reçu un appel téléphonique menaçant dans ma chambre d'hôtel où on disait qu'on venait me chercher. Même si la chambre avait été réservée par quelqu'un d'autre, on avait quand même réussi à me trouver.
Le 1er octobre 2019, j'ai codirigé une manifestation sur la Colline du Parlement avec le groupe Ottaviens en solidarité avec Hong Kong. Plusieurs jours avant la manifestation, nous avons commencé à recevoir des menaces en ligne. Lors de la manifestation, nous avons été attaqués, menacés et harcelés verbalement et physiquement. Plus de 100 alliés du régime de Pékin, rapidement mobilisés, nous ont entourés et rencognés.
Même si la police d'Ottawa avait été appelée pour nous escorter, des groupes favorables au régime de Pékin nous ont photographiés et filmés, continuant à nous suivre même quand nous sommes partis. Après la manifestation, les renseignements personnels d'un grand nombre d'entre nous ont été publiés à des fins malfaisantes.
Des Canadiens de toutes les régions du pays sont obligés de cacher leur identité par crainte d'être pris pour cible par des forces favorables au régime de Pékin. Mais ce qui est encore plus préoccupant, c'est que ces campagnes d'ingérence sont encouragées par des diplomates chinois en poste au Canada. Tong Xiaoling, consul général à Vancouver, a invoqué l'unité ethnonationale dans une tentative pour prendre le contrôle des communautés chinoises.
Hong Kong n'est pas qu'une question étrangère; voilà pourquoi nos demandes ne visent pas seulement à favoriser l'avenir démocratique de Hong Kong, mais témoignent aussi des problèmes que rencontrent actuellement les communautés canadiennes.
Sous les auspices de la Conférence de presse des citoyens, nous avons consulté 13 000 Canadiens et Hongkongais dans le cadre d'un sondage afin d'étayer cinq appels à l'action du Canada, lesquels visent à fournir de l'aide humanitaire aux Hongkongais, aux Ouïghours, aux Tibétains, aux Chinois et à d'autres communautés fuyant les persécutions; à invoquer des sanctions contre des fonctionnaires chinois et hongkongais pour des atrocités commises en violation des droits de la personne; à protéger de l'érosion les droits et libertés prévus par la Charte canadienne; à mener enquête sur l'ingérence étrangère dans les institutions canadiennes afin de la combattre; et à mettre fin à toutes les exportations de biens et de technologies utilisées à des fins militaires et policières.
Même si nous nous réjouissons de la décision de suspendre les exportations de matériel militaire de nature délicate à destination de Hong Kong, les établissements d'enseignement canadiens continuent d'être dans une position vulnérable en échangeant des fonds contre de la propriété intellectuelle. Trois universités canadiennes, soit l'Université McGill, l'Université de Waterloo et l'Université de Toronto, figurent parmi les 10 établissements qui collaborent le plus avec l'Armée populaire de libération.
L'ingérence d'États étrangers est profondément enracinée dans diverses composantes de la société canadienne, notamment dans les universités, les médias, les médias sociaux, les communautés étudiantes, le secteur privé, le milieu de l'éducation et les institutions politiques. Il est devenu évident que des campagnes coordonnées visent à infiltrer et à influencer la société canadienne. Ces campagnes s'inscrivent dans les visées autoritaires mondiales du Parti communiste chinois.
Au Canada, nombreux sont ceux qui demandent au gouvernement de s'élever contre les atrocités commises en violation des droits de la personne, comme le démontre le document cosigné par 27 chefs de la communauté et 75 parlementaires appartenant aux principaux partis politiques. Nous demandons au gouvernement d'invoquer les sanctions Magnitski en collaboration avec d'autres puissances moyennes.
Le Parti communiste chinois fait complètement fi des règles internationales. L'État n'a fait qu'accélérer ses efforts de suppression en se servant de la COVID-19 comme prétexte. Depuis la mise en oeuvre de la loi sur la sécurité nationale, le Parti communiste chinois recourt à des tactiques d'oppression au Tibet et dans l'Est du Turkestan, notamment lors du premier jour de son application. Les autorités ont commencé à recueillir l'ADN des personnes arrêtées à Hong Kong.
On persiste à croire que les Hongkongais ont aisément accès aux ressources nécessaires pour émigrer et que les protestataires sont jeunes. En réalité, nombreux sont ceux qui n'ont pas les moyens de quitter le pays et ne peuvent peut-être pas se qualifier en passant par les voies habituelles. Nous avons peu de temps pour agir avant que le Parti communiste chinois ne supprime la liberté de mouvement à Hong Kong.
Pour ce qui est du rôle du Canada dans le mouvement démocratique à Hong Kong, j'espère que vous conviendrez tous que l'avenir démocratique doit être celui du peuple, doit être assuré par le peuple et doit être pour le peuple de Hong Kong.
Avant de terminer, je veux souligner que le Parti communiste chinois, de par ses affirmations, a créé l'illusion que le commerce avec la Chine présente un avantage net. Il est naïf de croire que le Parti communiste chinois va changer. À de multiples reprises, le Parti s'est servi au commerce comme d'une arme, et il est absolument crucial que le Canada commence à diversifier ses relations commerciales et économiques avec des pays ayant à coeur le développement démocratique et respectant les droits de la personne.
Je vous remercie de nouveau de m'avoir invitée à témoigner aujourd'hui. Je répondrai à vos questions avec plaisir et j'espère que nous pourrons vous inspirer des idées afin de faire avancer les intérêts du Canada dans le grand débat sur les relations sino-canadiennes.
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Monsieur le président, distingués membres du comité spécial, je vous remercie de m'offrir l'occasion de témoigner devant vous. Je considère comme un honneur de témoigner aux côtés de courageuses personnes de Hong Kong qui luttent en faveur de la liberté et des droits de la personne.
Je suis une fière Canadienne qui a grandi à Hong Kong. Je prends part aux démarches de justice internationale depuis la formation de Canada-Hong Kong Link en 1997. L'an dernier, quand j'ai vu des millions de Hongkongais manifester pacifiquement en faveur des droits civils fondamentaux et de jeunes protestataires figurant résister courageusement en première ligne malgré les gaz lacrymogènes, le poivre de Cayenne et mêmes les balles, j'ai été touchée en plein cœur. Je sais à quel point il est difficile de surmonter sa peur et de défendre la dignité humaine et les droits fondamentaux en Chine, car j'ai été témoin du massacre de la place Tiananmen en 1989. J'ai vu des chars d'assaut écraser des gens et un homme mourir sous les balles à mes côtés. Jamais je ne sous-estimerai la brutalité du Parti communiste chinois quand il entend réduire la dissidence au silence.
À Hong Kong, les manifestations qui se sont déroulées au cours de la dernière année ont été marquées par une augmentation de la brutalité policière; plus de 9 000 personnes ont été arrêtées, dont certaines n'avaient que 13 ans. Ces personnes s'exposent à des peines d'emprisonnement pouvant aller jusqu'à 10 ans. C'est le prix à payer quand on lutte pour préserver les valeurs auxquelles les Canadiens adhèrent également.
Cette année a été marquée par la fin de l'autonomie, de la primauté du droit et des libertés fondamentales à Hong Kong sous l'autorité d'un seul pays et au titre d'un cadre englobant deux systèmes, Pékin imposant sa nouvelle loi sur la sécurité nationale et cherchant à écraser les médias indépendants et l'opposition. De nombreux Hongkongais craignent de connaître le même sort que les millions de prisonniers ouïghours, tibétains ou d'autres groupes confessionnels privés de leurs droits à la liberté d'expression et de culte.
En plus de menacer les droits civils des Hongkongais et des 300 000 Canadiens vivant à Hong Kong, la loi sur la sécurité nationale confère des pouvoirs extraterritoriaux. Quiconque critique les gouvernements de la Chine ou de Hong Kong dans le monde pourrait être considéré comme un criminel en vertu d'une disposition au libellé vague qui fait de l'encouragement à la haine contre la Chine une infraction criminelle. La Chine a des traités d'extradition avec de nombreux pays, et la citoyenneté canadienne n'offre aucune protection. Les deux Michael peuvent en témoigner, eux qui en sont à leur 20e mois de détention arbitraire dans des conditions s'apparentant à de la torture.
Notre gouvernement doit prendre au sérieux cette grave menace à la sécurité des Canadiens. Une cinquantaine de Hongkongais ont demandé l'asile au Canada et nous anticipons une nouvelle vague d'immigrants et de demandeurs d'asile rejetés une fois que les restrictions en matière de voyage auront été levées.
Quelle incidence Hong Kong a-t-elle sur la communauté canadienne?
Ce qui se passe à Hong Kong revêt une importance capitale pour les intérêts canadiens. Alors qu'un régime chinois de plus en plus puissant cherche à élargir son influence et à bafouer la primauté du droit internationale, Hong Kong se trouve aux premières lignes d'un conflit mondial opposant le totalitarisme à la liberté et à la démocratie. Ainsi, en défendant la liberté à Hong Kong, on défend également la sécurité, les intérêts et les valeurs du Canada.
En juin dernier, Canada-Hong Kong Link a tenu son premier ralliement contre le projet de loi sur l'extradition. L'activité a réuni un large éventail de communautés, dont des Ouïghours, des Tibétains, des Taïwanais et des secteurs religieux. Le soutien des Canadiens à l'égard de Hong Kong s'est amplifié, prenant la forme de manifestations d'envergure auxquelles prennent part des milliers de gens aux quatre coins du pays. À la suite du lancement d'une pétition en ligne en appui à la démocratie et aux droits de la personne à Hong Kong, signée par des milliers de personnes au Canada, nous avons formé collectivement un réseau national d'organisations encourageant les électeurs à réclamer des changements de politique.
Le Parti communiste chinois a toutefois lancé des opérations secrètes afin de réprimer notre droit à la liberté d'expression, dressant des listes noires commerciales, effectuant des appels téléphoniques et envoyant des courriels menaçants, s'adonnant au piratage électronique et recourant même à la confrontation physique. J'ai personnellement fait l'objet de toutes ces formes d'intimidation. Des appelants anonymes m'ont plusieurs fois prévenue que je m'exposais à de graves conséquences si je continuais à défendre les droits de la personne. Le service de sécurité de Google m'a avisée que de nombreuses tentatives de piratage étatiques avaient été effectuées.
La confrontation physique la plus dramatique a lieu en août de l'an dernier. Des étudiants étrangers chinois et des organisations du Front uni pour Pékin ont été mobilisés pour bloquer et intimider des manifestants pacifiques à Toronto, à Montréal, à Calgary, à Vancouver et dans de nombreuses autres villes du monde en même temps. À Toronto, ils ont bloqué notre marche et tenté de voler nos drapeaux, poussant la police à intervenir. Ils nous ont abreuvés d'injures, chantant l'hymne national chinois et nous huant quand nous répondions en entonnant l'Ô Canada. Des hommes plus âgés munis de téléphones cellulaires se tenaient à l'écart de la foule, donnant apparemment des instructions.
Dans une église de Vancouver, une veillée de prières en faveur de la paix à Hong Kong a été perturbée par 100 protestataires favorables à Pékin brandissant des drapeaux chinois. Les membres de l'église ont dû appeler la police pour que les gens puissent partir en sécurité. Ces incidents, qui témoignent d'une opposition de valeurs, ont été répertoriés dans le rapport national publié en 2020 sur le harcèlement et l'intimidation observés par Amnistie internationale et la Coalition canadienne des droits de la personne en Chine.
Les organisations du Front uni pour Pékin ont publié de pleines pages de publicité dans des journaux canadiens de langue chinoise en appui au projet de loi sur l'extradition et la nouvelle loi sur la sécurité nationale. Dans la plupart des médias canadiens de langue chinoise, le traitement des questions relatives à Hong Kong est pratiquement contrôlé par le Parti communiste chinois, soit parce qu'il les possède directement ou parce qu'il exerce son influence par l'entremise de l'ambassade et des consulats de la Chine. La liberté journalistique est limitée au Canada.
Pékin foulant aux pieds les droits civils à Hong Kong, nous demandons au gouvernement du Canada de prendre les mesures suivantes. Il doit notamment offrir un « programme de refuge sécuritaire » prévoyant un processus accéléré pour accorder le statut de résident permanent aux Hongkongais s'exposant à la persécution politique, y compris aux étudiants étrangers et aux travailleurs expatriés qui ont participé aux manifestations au Canada. Il doit en outre invoquer la loi Magnitski afin de sanctionner les fonctionnaires de la Chine et de Hong Kong qui violent les droits de la personne en interdisant à ces personnes et aux membres de leur famille d'entrer au Canada et en gelant leurs actifs au pays, comme les États-Unis l'ont déjà fait. Le gouvernement doit également adopter une loi pour lutter contre l'ingérence étrangère dans la politique canadienne et contre la suppression de la liberté d'expression en sol canadien.
De plus, nous demandons au Comité d'accélérer la rédaction du rapport sur Hong Kong après avoir recueilli sa série de témoignages afin d'instaurer immédiatement les politiques proposées pour réagir à la crise qui sévit à Hong Kong au chapitre des droits de la personne.
En conclusion, le Canada doit collaborer avec des alliés internationaux afin d'adopter une politique forte à l'égard de la Chine. Il est plus que temps qu'il montre la voie à l'échelle internationale.
Je vous remercie beaucoup.
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Je vous remercie beaucoup de me recevoir ici. C'est pour moi un honneur de m'adresser à vous aujourd'hui.
Depuis l'entrée en vigueur de la loi sur la sécurité nationale, le 30 juin, le régime s'en est déjà servi pour réprimer la liberté d'expression et de rassemblement dans les rues, les salles de classe et l'étranger. Plus de 30 manifestants et activistes ont été arrêtés. La démocratie elle-même est la cible de cette nouvelle loi. Le gouvernement de Hong Kong et les fonctionnaires de Pékin en poste à Hong Kong ont brandi la menace de la loi sur la sécurité nationale pour écraser la dissidence et mettre à mal la démocratie en écartant 12 candidats favorables à la démocratie qui avaient remporté les primaires, et ont menacé plus de 600 000 Hongkongais qui avaient voté pour ces candidats lors des primaires. Il a alors été décidé de reporter les élections.
Nous craignons maintenant qu'en invoquant des ordonnances d'urgence datant de l'époque coloniale, Pékin suspende indéfiniment la démocratie à Hong Kong.
La nouvelle loi ne sert pas qu'à écraser l'opposition aux urnes ou sur la rue. Le fait que les établissements imposent l'éducation sur la sécurité nationale, encouragent les étudiants et les enseignants à se surveiller mutuellement et aient renvoyé Benny Tai, un professeur d'université favorable à la démocratie, porte un coup à la liberté universitaire.
De même, l'arrestation de Jimmy Lai, le propriétaire du journal prodémocratie Apple Daily, lorsque 200 agents de police ont investi ses bureaux, met à mal la liberté de presse.
Pendant ce temps, des sociétés technologiques comme Telegram, Facebook, Google et WhatsApp sont dans une impasse avec les autorités en ce qui concerne leur obligation d'obtempérer aux demandes de renseignements de la police dans le cadre d'affaires de sécurité nationale. Ces développements illustrent l'effet délétère que la loi sur la sécurité nationale a sur tous les secteurs de la société de Hong Kong.
Récemment, le groupe de parlementaires multipartite du Royaume-Uni sur Hong Kong a lancé son enquête sur les violations des droits de la personne commises par la police de Hong Kong. Enfreignant directement la loi humanitaire internationale, la police a arrêté des dizaines de travailleurs de la santé qui tentaient d'aider des manifestants blessés.
La situation n'est pas importante que pour les Hongkongais privés de leur liberté; elle nous importe à nous aussi, au Canada. Comme plus de 900 000 Canado-Hongkongais vivent au Canada et à Hong Kong, le Canada jouit d'une relation particulière avec Hong Kong. Si le Canada, défenseur de longue date des droits de la personne, n'est pas prêt à s'allier avec des partenaires partageant les mêmes vues afin de défendre les libertés à Hong Kong, alors les valeurs auxquelles nous croyons et la réputation du Canada à l'échelle internationale en pâtiront.
Le fait que le gouvernement de Pékin ait publié une liste de personnes recherchées en vertu de la loi sur la sécurité nationale confirme les prétentions inquiétantes des autorités selon lesquelles elles auraient du pouvoir à l'étranger, la capacité de cibler des citoyens étrangers et l'intention d'appliquer la loi de manière rétroactive. Comme une importante communauté canado-hongkongaise vit au Canada, il est extrêmement préoccupant que six activistes hongkongais vivant au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis soient tous recherchés en vertu de la loi. L'un des activistes en question est un citoyen américain vivant aux États-Unis depuis plus de 25 ans. Ces activistes sont accusés d'incitation à la sécession et de collusion avec des forces étrangères, et s'exposent à des peines d'emprisonnement à perpétuité.
La loi nuit également aux intérêts du Canada dans la région. Dans un rapport intitulé Why Hong Kong matters qu'il a publié récemment, Hong Kong Watch conclut que la ville, en sa qualité de centre financier, continue d'être indispensable aux entreprises chinoises et étrangères, précisément en raison du modèle « un pays, deux systèmes », qui garantit la liberté et la primauté du droit.
Hong Kong demeure le lien financier le plus important entre la Chine et le reste du monde, ainsi qu'un centre névralgique pour les entreprises canadiennes. Si on prive la ville de la primauté du droit, c'est un des principaux centres financiers de l'Asie qui s'écroulera. La Chine doit faire marche arrière.
Avant de nous pencher sur ce que nous devons faire, nous devons déboulonner un mythe. On affirme souvent que la Chine est le deuxième partenaire commercial du Canada et que ce dernier ne peut se permettre de la contrarier, mais examinons les chiffres.
En 2019, 3,9 % des exportations du Canada étaient destinées à la Chine. Le Canada ne dépend pas que de la Chine. Les États-Unis constituent bien entendu le principal partenaire commercial du Canada, puisque 75 % de nos exportations prennent le chemin de ce pays. Le deuxième partenaire commercial du Canada est l'Union européenne. Selon un rapport publié récemment par la Henry Jackson Society, le Canada est le pays du Groupe des cinq qui dépend le moins de la Chine à titre de marché extérieur. Le gouvernement du Canada ne devrait pas se réfugier derrière le mythe au lieu de défendre ses valeurs.
Le Canada ne dépend pas de la Chine. Il doit faire preuve de courage et tenir tête au Parti communiste chinois. Il peut le faire de trois manières: en prenant des sanctions, en usant de diplomatie et en offrant un refuge.
La semaine dernière, en réaction à la violation de la déclaration commune, le gouvernement américain a imposé des sanctions à 11 fonctionnaires hongkongais et chinois, notamment à Carrie Lam. Cette mesure fait suite à l'entrée en vigueur du projet de loi sur les sanctions financières, intitulée loi sur l'autonomie de Hong Kong, qui permet au gouvernement de sanctionner des particuliers et des institutions financières qui ont violé l'autonomie de Hong Kong. Le Canada devrait suivre le mouvement.
Hong Kong Watch a toujours soutenu l'imposition de sanctions ciblées pour trois raisons. Premièrement, nous admettons que le fait de cibler des fonctionnaires hongkongais et chinois a un effet dissuasif, puisque ceux qui commettent des violations constantes des droits de la personne paient un prix élevé, notamment sous la forme d'une restriction aux voyages et de sanctions financières.
Deuxièmement, même si un fonctionnaire chinois a affirmé que les sanctions auront peu de conséquences personnelles, puisqu'il ne possède pas de compte de banque aux États-Unis et ne voyage pas dans ce pays, nous savons que les sanctions sont efficaces. Un haut dirigeant d'une succursale d'une grande banque européenne en Chine a indiqué que tous les fonctionnaires figurant sur la liste de sanctions des États-Unis sont considérés comme « toxiques » par les banques étrangères. En outre, comme les membres de la famille de nombreux fonctionnaires inscrits sur la liste ont une citoyenneté étrangère, une interdiction de visa constituerait pour eux un obstacle de taille. Les partenaires de la secrétaire à la Justice Teresa Cheng et du secrétaire à l'Éducation Kevin Yeung ont la citoyenneté canadienne, et le secrétaire aux Affaires intérieures, Caspar Tsui, possède des biens ici, au Canada.
Troisièmement, les sanctions ciblées font partie d'une discussion plus vaste sur la réaction de la communauté internationale à la stratégie expansionniste du Parti communiste chinois.
Pour Hong Kong, il est minuit moins cinq. Nous espérons que le gouvernement du Canada jouera son rôle et aura le courage de suivre l'exemple des États-Unis en imposant des sanctions en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus afin de défendre les droits et libertés à Hong Kong.
Pendant trop longtemps, Carrie Lam et le Parti communiste chinois ont pu agir impunément en suspendant les libertés et en violant les droits de la personne. Bien entendu, les sanctions Magnitski à elles seules ne constituent pas la réponse. Elles devraient s'inscrire dans une approche plus vaste dans le cadre de laquelle on offrirait une aide vitale aux Hongkongais, particulièrement aux jeunes manifestants qui sont dans le besoin, et soutiendrait la création d'un poste d'envoyé ou de rapporteur spécial des Nations unies à Hong Kong pour surveiller la situation sur place afin d'en faire rapport. Cette approche comprendrait une stratégie diplomatique exhaustive, l'offre de refuge et des sanctions, autant de mesures qui devraient constituer les fondements de la réaction au Canada et de ses partenaires à la crise qui frappe Hong Kong.
Certains de ceux qui font passer le commerce avant les droits de la personne feront peut-être valoir que ces mesures auront peu d'effet si le Canada fait cavalier seul et ne feront qu'indisposer la Chine. Le Canada n'est pas seul, cependant. Au cours du mois dernier, divers pays ont suspendu leurs traités d'extradition avec Hong Kong et instauré des mesures de contrôle des exportations.
Je suis certaine que si le Canada décide d'agir, il se retrouvera en étroite compagnie avec ses principaux alliés du monde libre. Il est temps d'agir et de s'élever à la défense de Hong Kong.
Je vous remercie beaucoup.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins. Je suis ravi que nous soyons enfin ici afin de tenir des audiences sur Hong Kong. J'aurais voulu que nous commencions ces audiences il y a des mois, mais nous n'avions pas le soutien du gouvernement en mai. Mieux vaut tard que jamais, cependant, et les témoignages percutants que nous recueillons serviront, espérons-le, à réveiller de façon magistrale les parlementaires, le gouvernement et tous les Canadiens. Nous entendons des témoins qui possèdent une connaissance approfondie et un grand amour de Hong Kong, mais qui sont avant tout de fiers Canadiens qui parlent des menaces qui pèsent sur leurs droits, leur liberté et leur sentiment de sécurité ici, au Canada.
Je retiens de vos témoignages que les droits fondamentaux de la personne sont menacés à Hong Kong. Il s'agit d'une attaque contre la loi internationale et d'une violation des engagements de la Chine, mais aussi d'un effort sans précédent du régime pour étendre ses tentacules à l'étranger afin d'étouffer la liberté d'expression. Le gouvernement chinois présume maintenant qu'il peut exiger des comptes des gens et poursuivre des citoyens canadiens pour les propos qu'ils tiennent au Canada. Voilà qui devrait nous préoccuper fortement. Je vous remercie de nous en avoir avisés.
Je veux m'attarder à certaines mesures à prendre. Un des témoins a indiqué que le Comité devrait déposer un rapport comprenant des recommandations précises concernant la situation de Hong Kong. J'aimerais que les autres témoins me disent comment procéder à cet égard. Quand nous voyons ce qu'il se passe à Hong Kong, il est question de « préoccupations » et de « graves préoccupations ». Les gens en ont assez d'entendre parler de « préoccupations ». Ils veulent entendre parler de mesures concrètes.
Nous disposons de quelques mesures précises et efficaces, de quatre outils sur lesquels les quatre témoins semblent s'entendre: les sanctions Magnitski, dont tout le monde a parlé, je pense; les nouvelles dispositions législatives fermes portant sur l'ingérence étrangère au Canada; les nouvelles voies d'immigration; et les propositions en matière de diplomatie.
Je suppose que je veux simplement poser mes questions ensemble pour que nous puissions peut-être entendre l'avis de tous les témoins à ce sujet.
Le Comité devrait-il rédiger un rapport pour inscrire ces questions au programme parlementaire? En ce qui concerne les sanctions, devrions-nous sanctionner Carrie Lam? Est-ce quelque chose que le Canada devrait envisager? Sur le plan de l'ingérence étrangère, il me semble évident, d'une certaine manière, que nous devrions avoir une politique de tolérance zéro à l'égard des diplomates s'adonnant à l'ingérence étrangère ici, au Canada. Tout diplomate intimidant des Canadiens devrait être renvoyé dans son pays. Nous devrions mettre fin à la collaboration universitaire avec les armées étrangères hostiles. Selon moi, il est insensé que nos universités collaborent avec l'Armée populaire de libération.
Ce sont là des mesures simples et claires que le gouvernement du Canada pourrait prendre immédiatement. J'aimerais entendre ce que tous les témoins ont à dire à ce sujet.
Bienvenue. J'aimerais faire quelques observations pour nos nouveaux témoins.
Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Quand vous êtes prêt à parler, activez votre microphone en cliquant sur l'icône. Cela étant dit, pendant la période des questions et réponses, vous constaterez que le député qui pose une question va indiquer à qui sa question s'adresse. Vous pouvez alors répondre sans attendre que je vous nomme, jusqu'à ce que nous arrivions au bout du temps qui est accordé au député en question.
Je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés au président. L'interprétation, pour cette vidéoconférence, va fonctionner dans une très grande mesure de la même façon que pour une réunion ordinaire du Comité. Au bas de l'écran, vous pouvez choisir le parquet en anglais ou en français. Quand vous parlez, si vous avez l'intention de passer d'une langue à l'autre, vous allez aussi devoir changer de canal d'interprétation pour que le canal corresponde à la langue que vous choisissez. Songez à faire une courte pause avant de passer à l'autre langue. Quand vous ne parlez pas, veuillez désactiver votre micro. Nous vous encourageons fortement à utiliser un casque d'écoute.
C'est maintenant avec plaisir que je souhaite la bienvenue à notre deuxième groupe de témoins. D'Amnistie internationale Canada, nous accueillons Alex Neve, secrétaire général; de National Endowment for Democracy, nous accueillons Akram Keram, agent de programme pour la Chine; et de Human Rights Watch, nous accueillons Sophie Richardson, directrice Chine.
Chaque témoin aura un maximum de 10 minutes pour prononcer une déclaration liminaire, après quoi nous aurons les questions des membres du Comité. Nous aurons, je l'espère, au moins deux tours.
Monsieur Neve, nous allons commencer par vous. Vous disposez de 10 minutes.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
C'est pour moi un réel plaisir de témoigner devant le Comité spécial cet après-midi, ou ce matin pour ceux d'entre vous qui se trouvent dans l'Ouest, et de me joindre à mes deux formidables collègues.
Il y a manifestement eu de nombreux chapitres troublants sur le parcours qui a mené les Hongkongais à la réalité terrifiante qui est la leur aujourd'hui, soit la détérioration rapide de la situation déjà critique des droits de la personne, laquelle requiert une action internationale ferme et concertée. Il y a eu la révolution des parapluies, qui remonte à six ans, puis le soulèvement courageux en réponse à la réforme des lois d'extradition l'année dernière, et maintenant en réponse à la Loi sur la sécurité nationale, qu'Amnistie internationale a décrite dans les termes suivants:
... c'est à ce jour l'attaque la plus stupéfiante, menaçante et insensible menée par Pékin… la pire menace pour les droits humains de l'histoire récente de la ville… L'objectif des autorités chinoises est de gouverner Hong Kong par la peur.
Naturellement, il ne s'agit pas de prédictions abstraites, compte tenu du bilan franchement atroce que la Chine traîne depuis fort longtemps en matière de droits de la personne. Le dossier de la Chine à ce chapitre est sous le feu des projecteurs en ce moment, avec la campagne massive et pénible qui est menée contre les Ouïgours et les autres minorités musulmanes; les arrestations de défenseurs des droits de la personne, notamment d'avocats, et les procès injustes auxquels ils sont soumis; la répression constante que subissent les Tibétains; la lutte contre le Falun Gong — qui en est maintenant à sa 21e année —; et plus près de nous, les huit Canadiens emprisonnés en Chine, source de préoccupation pour Amnistie internationale. Quatre des Canadiens ont été condamnés à la peine de mort; deux Canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, ont été arbitrairement et illégalement arrêtés et placés en détention; et deux autres Canadiens, Huseyin Celil et Sun Qian, purgent de longues peines d'emprisonnement après des procès profondément inéquitables.
Compte tenu de tout cela, nous avons cerné 10 raisons troublantes de nous inquiéter de la Loi sur la sécurité nationale de Hong Kong.
Premièrement, une menace à la sécurité nationale peut signifier à peu près n'importe quoi, et c'est effectivement le cas. La peine maximale, soit l'emprisonnement à vie, est imposée dans les cas d'actes de sécession, de subversion, de terrorisme et de collusion avec des forces étrangères. Ces crimes sont définis de façon si générale qu'ils peuvent facilement devenir des fourre-tout.
Deuxièmement, on abuse de la loi depuis le premier jour. Des gens sont arrêtés parce qu'ils possèdent des drapeaux, des autocollants et des bannières portant des slogans politiques. La police et les autorités prétendent que les slogans, les T-shirts, les chansons et même les morceaux de papier blanc qu'on tient en l'air représentent des menaces pour la sécurité nationale. Le gouvernement de Hong Kong a déclaré que le slogan politique « Libérez Hong Kong, révolution de notre temps »,régulièrement scandé lors des manifestations de l'année dernière, évoque l'indépendance de Hong Kong et est par conséquent interdit.
Troisièmement, la loi est omniprésente et mène notamment au resserrement du contrôle sur l'éducation, le journalisme et les médias sociaux.
Quatrièmement, les gens peuvent être emmenés en Chine continentale pour y subir des procès inéquitables, et c'est précisément l'enjeu des manifestations monstres de l'année dernière contre la réforme de la loi visant l'extradition.
Cinquièmement, la loi s'applique à tout le monde sur la planète — absolument tout le monde, partout.
Sixièmement, les autorités chargées des enquêtes jouissent de pouvoirs nouveaux et élargis, dont le pouvoir de fouiller les propriétés, de restreindre ou d'interdire les voyages, de geler ou de confisquer des biens, de censurer du contenu en ligne et de s'adonner à la surveillance secrète, ce qui comprend l'interception des communications. Dans aucun cas une ordonnance du tribunal n'est requise.
Septièmement, le gouvernement central de la Chine met sur pied un bureau de protection de la sécurité nationale au cœur de Hong Kong. Le bureau et son personnel ne relèvent pas de Hong Kong.
Huitièmement, le gouvernement de Hong Kong a mis sur pied un nouvel organisme, le comité de protection de la sécurité nationale, qui compte parmi ses membres un conseiller venant du gouvernement central de la Chine. Les décisions de ce comité ne peuvent pas faire l'objet d'une révision judiciaire.
Neuvièmement, les mesures de protection des droits de la personne risquent de faire l'objet de dérogations. La Loi sur la sécurité nationale comporte une garantie générale concernant le respect des droits de la personne, mais prévoit une immunité et d'importantes exemptions pour les institutions chargées de la sécurité nationale, en plus d'avoir explicitement préséance sur toutes les autres lois.
Dixièmement, la loi a déjà produit un effet immédiat et terrible. Les Hongkongais ont fermé leurs comptes de médias sociaux, les magasins et restaurants ont retiré les bannières et autocollants soutenant le mouvement de protestation, et les bibliothèques publiques ont retiré des étagères les livres traitant de sujets délicats et les livres écrits par des militants qui critiquent le gouvernement.
Nul doute que ces graves préoccupations sont en fait fondées. C'est très clair dans les communiqués de presse d'Amnistie internationale et les actions urgentes préconisées. On peut lire dans les communiqués de presse que quatre militants — trois hommes et une femme ayant entre 16 et 21 ans — ont été arrêtés il y a deux semaines en vertu de la loi sur la sécurité et ont été accusés de préconiser l'indépendance de Hong Kong. Aussi, 12 candidats prodémocratie aux élections du Conseil législatif de Hong Kong, maintenant reportées, ont été disqualifiés, et Joshua Wong est du nombre. On a entre autres justifié leur disqualification en soutenant que leur opposition à la récente Loi sur la sécurité nationale démontre qu'ils ne peuvent pas véritablement s'acquitter de leur devoir constitutionnel à titre de législateurs.
Plus récemment, naturellement, il y a eu hier, pour des raisons de sécurité nationale, l'arrestation de la militante pour la démocratie bien connue, Agnes Chow, accusée d'actes de sécession, ainsi que de l'éminent éditeur Jimmy Lai, de deux de ses fils et du personnel de son journal, l'Apple Daily, pour « collusion avec des forces étrangères ».
Devant cette crise qui s'aggrave, je vais proposer rapidement cinq priorités sur lesquelles le Canada devrait concentrer ses efforts.
Premièrement, le multilatéralisme est essentiel, et plus la coalition d'États disposés à discuter des préoccupations sera vaste et diverse, plus elle sera efficace. Le Canada l'a fait en diverses occasions, l'année passée, concernant la crise qui fait rage à Hong Kong et d'autres préoccupations en Chine. Il y a eu notamment l'adoption d'une déclaration orale conjointe présentée par 28 gouvernements au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, le 30 juin, puis le a participé avec ses homologues de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Royaume-Uni et des États-Unis à une déclaration exprimant leurs préoccupations relatives à Hong Kong, il y a deux jours. Augmenter le nombre d'États disposés à exercer de la pression sur la Chine devrait être une grande priorité du Canada.
Deuxièmement, toujours sur la question du multilatéralisme, le Canada devrait activement prendre des mesures dans le cadre du système des droits de la personne de l'ONU. Une déclaration publique diffusée le 26 juin par 50 experts indépendants des Nations unies en matière de droits de la personne énonce un éventail d'options, par exemple concernant des propositions qui pourraient être tentées au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, dont la prochaine session s'amorcera le 14 septembre.
Troisièmement, le Canada est bien placé pour diriger la préparation internationale, compte tenu de la possibilité que de nombreux Hongkongais soient forcés de trouver refuge à l'étranger. La géographie de Hong Kong est telle que, contrairement à bien d'autres réfugiés ailleurs dans le monde, les gens ne peuvent manifestement pas franchir la frontière la plus immédiate, car il s'agit de la Chine. Les gens qui doivent fuir se retrouveront dans des situations très diverses: certains sont citoyens d'un autre pays, comme les quelque 300 000 Canadiens qui résident à Hong Kong; il y a les gens qui ne sont pas citoyens, mais qui ont des proches et d'autres liens au Canada ou dans d'autres pays; et il y a ceux qui n'ont aucun lien fort avec quelque autre pays que ce soit. Le Canada devrait travailler à prendre des dispositions pour recevoir, peut-être, un grand nombre de Canadiens forcés de quitter soudainement Hong Kong, et il devrait aussi collaborer avec d'autres gouvernements afin de préparer une intervention bien coordonnée en réponse aux besoins plus généraux des réfugiés.
Quatrièmement, le Canada devrait envisager des options prévues par les lois et les politiques du Canada afin d'exercer directement une plus forte pression. Les préoccupations relatives aux droits de la personne en général et celles qui concernent particulièrement Hong Kong doivent être prioritaires dans toutes les relations que le Canada entretient avec la Chine, et ce, non seulement sur le plan diplomatique, mais à l'échelle de tous les échanges bilatéraux, y compris le commerce et l'investissement. Les accords d'extradition avec Hong Kong ont été suspendus, et le transfert de matériel de sécurité névralgique a été resserré. Un groupe considérable de députés et de sénateurs font pression sur le gouvernement pour qu'il envisage des sanctions en vertu de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus. Au moment d'envisager d'autres mesures, il est recommandé d'accorder la priorité aux mesures fondées sur une approche multilatérale, de concert avec d'autres gouvernements.
Enfin, permettez-moi de m'arrêter sur quelque chose qui nous touche de très près. Amnistie internationale fait partie de la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine, qui est composée de 15 organismes, ici au Canada. Au nom de la Coalition, nous avons préparé deux rapports, au cours des trois dernières années, qui mettent au jour l'intensification inquiétante d'une tendance à l'intimidation, à l'interférence et aux menaces visant les défenseurs des droits de la personne installés ici et qui participent à la campagne visant les préoccupations au chapitre des droits de la personne en Chine. Les personnes qui s'adonnent à ces abus sont liées à des représentants du gouvernement chinois ou sont du moins encouragées ou applaudies par eux. Selon notre plus récent rapport, qui a été remis au gouvernement du Canada en mars et rendu public en mai, au cours de l'année passée, des personnes qui appuient le mouvement prodémocratie et la protection des droits de la personne à Hong Kong en particulier ont été ciblées sans relâche, entre autres lors de manifestations et par l'intermédiaire des médias sociaux.
En 2017 et cette année encore, la Coalition a présenté de nombreuses recommandations au gouvernement canadien en vue d'une action plus efficace permettant de protéger contre ces abus les défenseurs des droits de la personne qui se trouvent ici, en mettant l'accent sur la nécessité d'une meilleure coordination entre la police, la sécurité et les organismes et ministères gouvernementaux. À notre grande déception, nous avons eu très peu d'écho. Les personnes qui subissent ces interférences et ces menaces, notamment des menaces de violence sexuelle et physique et des menaces contre les membres de leur famille à Hong Kong ou en Chine, sont essentiellement laissées sans aucun recours efficace et savent rarement vers qui se tourner et à quoi s'attendre.
Il pourrait être très difficile de contrer l'influence de la Chine à l'échelle mondiale et il peut être difficile d'exercer des pressions en vue d'une réforme des droits de la personne sur le terrain en Chine, mais il est inexcusable de ne prendre absolument aucune mesure solide et décisive pour lutter contre les violations des droits de la personne qui peuvent être liées à Pékin ou soutenues par elle et qui sont liées à ce qui se produit à Hong Kong et ici, au Canada.
Merci, monsieur le président.
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Merci, monsieur le président.
C'est pour moi un honneur de témoigner devant le Comité aujourd'hui avec d'autres distingués invités, y compris mon amie Sophie.
On m'a demandé de formuler des commentaires au nom de M. Carl Gershman, président de National Endowment for Democracy et l'un des 11 Américains officiellement sanctionnés par le gouvernement chinois pas plus tard qu'hier pour leur soutien du militantisme prodémocratie à Hong Kong.
Hong Kong est une ville cosmopolite internationale et un centre financier mondial louangé pour sa diversité culturelle et son inclusivité, sa liberté d'expression et son application solide du principe de la primauté du droit. Depuis 17 mois, Hong Kong attire l'attention du monde entier tandis que des millions de Hongkongais ordinaires sont descendus dans la rue pour manifester contre une mesure d'extradition controversée. Au fil du temps, cette initiative est devenue un mouvement de protestation concernant les droits et libertés fondamentales du peuple de Hong Kong. Malheureusement, les dirigeants locaux ont répondu aux demandes justes et légitimes des Hongkongais par l'indifférence, la répression, des arrestations et une brutalité policière ahurissante, le tout avec le soutien du gouvernement central de Pékin. Depuis juin 2019, la police de Hong Kong a procédé à environ 9 000 arrestations liées au mouvement de protestation. On compte parmi les personnes arrêtées plus de 700 enfants âgés de moins de 18 ans, y compris huit élèves du primaire.
Malgré le tollé et les critiques à l'échelle internationale, la situation ne fait que continuer d'empirer pour le peuple de Hong Kong. Le 30 juin, dans le secret quasiment complet et sans tenir compte des obligations juridiques reconnues à l'échelle internationale à l'égard de la ville de Hong Kong, le Parti communiste chinois a adopté de force une nouvelle loi de la République populaire de Chine sur la protection de la sécurité nationale dans la Région administrative spéciale de Hong Kong, loi que j'appellerai LSN à partir de maintenant.
La LSN est déjà à l'origine de l'un des moments les plus sombres dans l'histoire de Hong Kong en raison des violations des droits et libertés fondamentales des Hongkongais. La LSN a donné aux dirigeants du PCC un droit sans précédent: celui d'appliquer et d'imposer systématiquement ses règles à Hong Kong. Ces dirigeants n'ont pas perdu de temps pour utiliser ce droit et arrêter des militants dans la rue, disqualifier des politiciens prodémocratie, congédier des universitaires titularisés et, pas plus tard qu'hier, remettre en question les propos d'organes de presse essentiels.
Malgré ces mesures très sévères et souvent violentes, les citoyens de Hong Kong n'ont pas tout simplement renoncé silencieusement à leurs droits. En novembre dernier, avec un taux de participation record, des candidats prodémocratie ont gagné dans 17 des 18 élections de district. Depuis, les Hongkongais se sont tournés vers la communauté internationale afin que cette dernière prenne des mesures, misant sur leurs réseaux internationaux, y compris ceux qu'ils ont ici, au Canada, pour encourager les gouvernements de partout dans le monde à prendre position, que ce soit en annulant des accords d'extradition avec Hong Kong ou en demandant aux Nations unies de lancer une enquête. Tout juste le mois dernier, plus de 600 000 citoyens ont à nouveau voté pour appuyer des candidats prodémocratie dans le cadre des élections primaires du Conseil législatif. Puis, dans ce qu'on peut décrire comme un flagrant mépris des droits garantis par la loi aux Hongkongais — et révélant toute l'ampleur des peurs de Pékin —, la chef de l'exécutif, Carrie Lam, a annoncé que les élections du Conseil législatif seraient reportées d'une année entière.
Il faut absolument que les gouvernements de partout dans le monde reconnaissent que les gestes posés par le PCC vont totalement à l'encontre des lois et des normes locales et internationales actuelles. La LSN bafoue directement certaines composantes des lois fondamentales de Hong Kong ainsi que sa déclaration des droits. De plus, les dispositions de la LSN vont aussi à l'encontre des obligations de la Chine en vertu du droit international, comme le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la Déclaration commune sino-britannique. La LSN constitue aussi une initiative sans précédent visant à affirmer une emprise sur les citoyens d'autres pays. Par conséquent, ce ne sont pas les institutions juridiques de Hong Kong qui sont attaquées, Pékin a aussi remis en question le système juridique international en accaparant des pouvoirs qui ne lui reviennent pas.
Il y a beaucoup de choses que la communauté internationale peut faire en réaction. D'abord et avant tout, elle peut prendre des mesures pour protéger les Hongkongais qui veulent se rétablir avec leur famille. Depuis mai, des milliers de Hongkongais ont présenté des demandes pour obtenir des documents d'immigration étrangers, cherchant la sécurité et la protection dans des pays tiers, y compris au Canada. On compte parmi ces personnes un grand nombre d'étudiants et de jeunes militants qui s'inquiètent de l'effort du gouvernement de Hong Kong d'imposer une soi-disant « éducation patriotique » et d'autres initiatives nationalistes qui remettent en question la liberté universitaire de Hong Kong et sa diversité culturelle et politique.
À la suite de l'arrestation de Jimmy Lai il y a quelques jours, les Hongkongais ont aussi raison de craindre que le PCC commence à mettre en place les mécanismes de censure et de surveillance qu'il a perfectionnés dans le Turkestan oriental, que le PCC appelle la Région autonome ouïghoure du Xinjiang.
Il faut que la communauté internationale envisage d'autres mesures qu'elle peut prendre pour protéger l'avenir de la démocratie, de la liberté et de la primauté du droit à Hong Kong. Sans un tel soutien, comme les événements des derniers jours l'ont montré, l'ombre de l'autoritarisme continuera de se propager de façons que connaissent trop bien ceux qui ont déjà souffert de la coercition et de la répression du PCC, comme c'est le cas pour la communauté ouïghoure.
Nous tous de la National Endowment for Democracy croyons aux droits des gens de choisir librement leur gouvernement, un gouvernement qui garantit la liberté d'expression, de croyance et d'association, qui respecte les droits fondamentaux des personnes et des minorités, qui promeut la liberté de presse et qui favorise un accès réel à la justice. Nous croyons aussi que les mesures prises par le gouvernement chinois parlent d'elles-mêmes, qu'il s'agisse de la négation des droits et libertés fondamentaux de son peuple ou de son abus de pouvoir pour enfreindre des engagements juridiques à Hong Kong.
Nous prions instamment le gouvernement du Canada de s'élever avec d'autres États pour condamner l'abrogation par le PCC des droits des Hongkongais ainsi que les violations de l'intégrité de l'ordre juridique international.
Merci.
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Merci, monsieur le président et merci aux membres du Comité. Je sais que vous faites un travail très important en étudiant les relations sino-canadiennes, et c'est un honneur pour moi de témoigner devant le Comité aujourd'hui.
J'ai supervisé tous les travaux de Human Rights Watch sur la Chine depuis que j'ai rejoint l'organisation en 2006. Durant cette période, nous avons bénéficié d'une solide collaboration avec les représentants canadiens à Pékin, à Hong Kong et à Ottawa. J'aurais bien sûr aimé qu'on ait à parler de moins en moins de choses, mais, malheureusement, c'est l'opposé qu'on constate. Nous composons actuellement avec des violations des droits de la personne d'une ampleur et d'un niveau sans précédent, non seulement sur le continent, comme les violations continues contre les Ouïghours et les Tibétains, mais de plus en plus à l'extérieur du pays aussi, y compris les efforts de Pékin pour miner les institutions internationales mêmes sur lesquelles nous nous appuyons pour protéger les droits de la personne partout dans le monde. En effet, le gouvernement chinois a généré des menaces aux droits de la personne ici même au Canada.
Nous sommes ici aujourd'hui pour discuter de la violation sans précédent par Pékin des droits de la personne des sept millions de Hongkongais. La décision des autorités chinoises d'imposer une soi-disant loi sur la sécurité nationale à Hong Kong viole des principes juridiques fondamentaux de la constitution fonctionnelle du territoire ainsi que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques que la Chine a signé, mais pas ratifié, et auquel Hong Kong est partie.
Le temps de le dire, le 30 juin, les Hongkongais se sont vu dépouillés de leurs droits de réunion pacifique, d'expression et de participation politique et de la promesse d'avoir un pays et deux systèmes jusqu'au moins en 2047. Les dispositions vagues et trop générales de la loi sur la sécurité nationale sont dévastatrices pour les droits de la personne, notamment grâce à la création d'organismes de sécurité secrets spécialisés, à la négation des droits à un procès équitable et à des élections régulières, à la prestation de nouveaux pouvoirs à la police, à l'augmentation des contraintes imposées à la société civile et aux médias et à l'affaiblissement de la surveillance judiciaire.
Selon Human Rights Watch, il s'agit d'une loi qui n'a rien à voir avec la sécurité. C'est une feuille de route vers la répression. Les événements des 24 dernières heures, à la suite de l'arrestation du propriétaire de l'Apple Daily, Jimmy Lai, et de militants prodémocratie, y compris Agnes Chow, en vertu de la LSN, le montrent très clairement.
Nous remercions le Canada d'avoir parlé publiquement de ses préoccupations au sujet de la LSN, de ses efforts pour coordonner un tel point de vue avec des gouvernements aux vues similaires et de sa rapide suspension du traité d'extradition avec Hong Kong. Nous tenons aussi à remercier le Canada de ses efforts au sein du Conseil des droits de l'homme lorsqu'il a demandé aux autorités chinoises de mettre fin aux violations contre les défenseurs des droits de la personne et les minorités ethniques et religieuses, entre autres problèmes.
Cependant, l'existence même de la loi sur la sécurité nationale montre que les efforts de nombreux gouvernements ne sont malheureusement pas suffisants. Il est non seulement essentiel de souligner les violations de Pékin, mais il est aussi crucial et urgent de mettre fin au sentiment d'impunité extraordinaire dont Pékin continue de bénéficier au chapitre des violations des droits de la personne soutenues par l'État.
À cette fin, nous prions instamment le Canada, d'abord et avant tout, de déclarer publiquement et sans équivoque qu'il ne coopérera pas à l'application extraterritoriale de la LSN ni ne la facilitera et qu'il ne donnera pas suite aux demandes de la police de Hong Kong pour obtenir des renseignements concernant les personnes accusées de crimes contre la sécurité nationale. Le Canada devrait adopter rapidement des mécanismes pour permettre aux habitants de Hong Kong de trouver un asile au Canada tout en s'assurant que les militants de Hong Kong qui sont réétablis au Canada puissent continuer leur militantisme en toute sécurité et sans être victimes du harcèlement du gouvernement chinois, y compris par une quelconque initiative à l'étranger du Front uni.
Le Canada peut accroître de façon urgente la capacité de son consulat à Hong Kong de surveiller les violations des droits de la personne et les répercussions de la LSN en plus d'accroître son soutien accordé aux groupes qui défendent les droits de la personne, les médias locaux indépendants et les libertés sur Internet.
Le Canada peut aussi imposer des sanctions ciblées aux dirigeants de la Chine et de Hong Kong qui ont participé à la rédaction, à l'adoption et à l'application de la loi et qui ont par conséquent violé les droits de la personne fondamentaux établis par le droit international. Il peut s'assurer que les fournisseurs de services Internet refusent de coopérer avec la police de Hong Kong qui demande de fournir de l'information ou de retirer ou de limiter l'expression de points de vue politiques en ligne en plus de veiller à ce que les entreprises limitent les exportations à l'intention de la police de Hong Kong d'équipements ou de soutien technologique ou technique qui peuvent être utilisés pour intercepter des communications personnelles ou procéder à de la surveillance.
Le Canada peut aussi assurer la participation de chambres de commerce et d'autres associations de l'industrie pour réaffirmer le soutien à l'égard du respect des droits de la personne, de la primauté du droit et de la participation civique et communiquer publiquement les risques sociaux, financiers et opérationnels liés à la loi.
J'aimerais souligner tout particulièrement les deux dernières recommandations.
Comme Alex l'a mentionné précédemment, la première consiste à soutenir l'appel, à la fin juin, de 50 experts en droits de la personne des Nations unies relativement à la tenue d'une séance spéciale sur la Chine du Conseil des droits de l'homme et la création d'un nouveau mécanisme de surveillance de la Chine. Ce sont les genres de mesures qui aideront à ébranler l'attente d'impunité affichée par Pékin.
J'aimerais également exhorter le gouvernement à envisager de créer un poste à l'échelon du Cabinet dont le titulaire serait responsable de coordonner, d'élaborer et de mettre en œuvre des politiques sur les relations avec la Chine. Cette question déborde désormais du cadre traditionnel des affaires étrangères ou du commerce. De plus en plus, nous voyons des menaces contre la liberté universitaire, ainsi que contre la diaspora. Les questions d'immigration suscitent des préoccupations. L'intégration de ces éléments n'est pas terrible. Cette recommandation ne s'adresse pas seulement au gouvernement du Canada, mais, selon moi, il s'agit d'un moment particulier où la création d'un tel poste enverrait un message, non seulement à Pékin et à Hong Kong, mais également aux citoyens partout au Canada.
Nous savons que les autorités chinoises exercent une pression sur d'autres gouvernements et entreprises afin qu'ils demeurent silencieux face aux violations des droits de la personne, comme celles qu'entraîne la LSN, mais l'importance d'assurer le respect des droits fondamentaux de sept millions de Honkongais est indéniable. Il faut faire preuve de ténacité et de persévérance pour lutter contre un mépris aussi grave et aussi répandu des droits. En prenant activement des mesures pour aider les Hongkongais et faire monter le prix que doivent payer les représentants gouvernementaux coupables de violations des droits de la personne à Pékin et à Hong Kong, le Canada peut aider à atténuer la répression actuelle et future. Nous vous exhortons à le faire en coordination avec des gouvernements aux vues similaires, pour augmenter le poids des mesures prises.
Nous vous remercions de nous avoir fourni l'occasion de discuter avec vous, et je répondrai avec plaisir à toutes vos questions.
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Merci, monsieur le président.
Je remercie tous les témoins de comparaître devant le Comité pour parler de la question de Hong Kong et de la Chine du point de vue du Canada.
En tant que député nouvellement élu, en novembre 2019, j'ai été invité à me rendre à Hong Kong dans le cadre d'une mission d'observation de l'élection du Conseil de district, et nous avons produit un rapport qui comportait certains commentaires positifs à l'intention du gouvernement de Hong Kong. Nous avons été heureux d'être témoins de l'exercice de la démocratie. Dans cette élection du Conseil de district, le peuple de Hong Kong a manifesté son appui profond et net à la démocratie. En tant que personne qui est née à Hong Kong et qui a grandi au Canada, j'ai été très satisfait d'assister à la mise en pratique de la démocratie.
Revenons maintenant en 2020, en date d'aujourd'hui. Nous voyons qu'un important climat de peur règne dans tous les secteurs à Hong Kong, y compris la presse. L'arrestation du propriétaire d'Apple Daily, par exemple, a mis en péril la liberté de parole. Le Club des correspondants étrangers a publié une déclaration très critique contre la LSN et l'arrestation de M. Jimmy Lai. Les gens peuvent se faire arrêter pour avoir chanté certaines chansons ou avoir crié certains slogans, de sorte que la liberté d'expression est également menacée. Cela nuit également à leur association avec des défenseurs de la liberté d'expression. Ils disqualifient des leaders politiques et même des législateurs comme bon leur semble, selon leurs opinions.
Définitivement, un épais voile de peur s'étend sur Hong Kong. Toutefois, au Canada, et également dans le reste du monde, je dirais qu'il y a également une peur blanche opaque qui s'abat. Nous voyons que la LSN de Hong Kong a également mené à la mise en accusation du citoyen américain Samuel Chu, qui est à l'étranger depuis 25 ans. Il est l'une des personnes accusées. Des électeurs de ma circonscription ont présenté une pétition demandant au gouvernement du Canada d'appliquer la loi Magnitski pour sanctionner la Chine ou Hong Kong. Il serait également visé.
Selon vous, que devraient faire les gouvernements canadiens pour protéger la sécurité des Canadiens, peu importe leur origine ethnique? Nous savons que, en 2006, Huseyin Celil, un Canadien ouïghour, a été arrêté en Ouzbékistan, mais extradé vers la Chine. Nous avons également les deux Michael qui sont détenus arbitrairement. Selon vous, que devrait faire le Canada pour mettre efficacement en garde les citoyens canadiens?
Je viens de vérifier les avertissements aux voyageurs sur le site Web de voyage du gouvernement du Canada, et on dit aux Canadiens de faire preuve d'une grande prudence. Comment pouvons-nous savoir qu'ils ne se feront pas arrêter? Comment pouvons-nous savoir qu'ils ne seront pas extradés arbitrairement vers la Chine durant leurs déplacements?
Madame Richardson, monsieur Neve et monsieur Keram, veuillez répondre.
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Merci beaucoup, monsieur le président. Je veux aussi remercier nos trois témoins des exposés très complets qu'ils ont présentés ainsi que de leur présence aujourd'hui.
Tout d'abord, je suis heureux de vous revoir, monsieur Neve. Merci d'être avec nous. J'ai bien aimé vos dix raisons pour lesquelles cette loi est tout à fait déplorable, par exemple le fait qu'elle a été appliquée de façon abusive dès le début, dès le premier jour. C'est exactement ce qui se passe. Nous sommes face à une situation... Je crois que je peux vous poser la question en premier.
Avant tout, nous nous sommes engagés, à la demande de la Chine et du Royaume-Uni, en 1997, à faire tout en notre pouvoir pour promouvoir à Hong Kong la pérennité de la primauté du droit ainsi que l'indépendance de ses institutions. D'autres pays ont fait de même. J'ai posé la question à d'autres témoins: peut-on démontrer que le Canada a fait quoi que ce soit au cours des 20 dernières années et avant pour parvenir à ces fins? C'est ma première question.
Bien entendu, la déclaration énonce des droits, et c'est évidemment lié à ce dont nous parlons aujourd'hui. De fait, il a été convenu que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques s'appliquerait à Hong Kong pour y garantir le droit à la vie, la liberté de religion, la liberté d'expression, la liberté de réunion, les droits électoraux, le droit à l'application régulière de la loi et à un procès équitable. Très peu de ce que je viens de nommer est prévu dans la loi sur la sécurité nationale qui est appliquée.
Quelles possibilités y a-t-il, compte tenu du fait que cela est censé s'appliquer à Hong Kong? Comme on vient de le dire il y a quelques minutes à peine, la Chine a signé la Convention, mais ne l'a pas ratifiée. Malgré tout, la Chine est tenue de la respecter en ce qui concerne Hong Kong. Serait-il possible de tirer parti de cela, ou est-ce que les efforts des Nations unies dont vous avez parlé visaient justement cela?
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Je n'ai pas encore trouvé de titre. Je promets de faire un suivi à cet égard.
Je pense qu'en réalité, l'idée se reflète dans un grand nombre des fils de notre conversation. Il n'est plus simplement question de violations des droits de la personne à Hong Kong, des menaces auxquelles font face les Ouïgours ou des défis pour la société civile en Chine. Il est également question des genres d'abus qui découlent de la politique gouvernementale chinoise ou de mesures prises dans d'autres pays, dont le Canada.
Ni le gouvernement canadien ni aucun autre ne compte une instance ultimement responsable. Laissez-moi l'affirmer clairement: il ne s'agit pas d'une critique du Canada ni d'une suggestion que nous n'adresserions qu'au Canada. Nous la formulerons auprès de divers gouvernements, surtout ceux qui ont des liens incroyablement complexes, profonds et étroits avec la Chine, et je parle des relations non seulement avec le gouvernement chinois, mais aussi avec des pays qui ont des communautés de personnes d'ascendance chinoise ou de personnes qui s'intéressent à la Chine.
Je pense que les gouvernements ne reconnaissent pas que ces personnes sont menacées et que d'autres types de menaces pesant sur les gens dans leur propre pays découlent de la politique gouvernementale chinoise. Comme l'ont documenté de façon très éloquente M. Neve et les gens d'Amnistie — et selon notre expérience lorsque nous nous sommes attaqués à certains enjeux —, il est très difficile pour une personne qui se trouve au Canada et qui est harcelée par le gouvernement chinois de déterminer ce qu'elle est censée faire à ce sujet. Le fait de hausser les épaules ou de s'envoyer la balle d'un organisme au suivant n'est pas une solution gratifiante et, en réalité, je pense que l'absence d'intervention ne fait qu'encourager encore plus ce genre de comportement.
Nous avons fait beaucoup de travail au sujet des universités au Canada, aux États-Unis, en Australie et au Royaume-Uni, et de leur capitulation sous la pression du gouvernement chinois, ou il est probablement plus exact de dire: « leur défaut de respecter leurs principes de liberté et d'indépendance universitaire » lorsque d'importantes sommes d'argent du gouvernement chinois ou d'entreprises étatiques sont en jeu ou que des flux de revenus essentiels prenant la forme d'étudiants étrangers de la Chine sont en jeu. On a beaucoup tendance à laisser courir et à dire: « eh bien, peut-être que nous trouverons une solution à ce problème ou qu'il changera au fil du temps » et, à mon avis, il s'agit généralement du problème de beaucoup de gouvernements et de leurs politiques liées à la Chine depuis les 20 dernières années. Les gens ont tergiversé et se sont protégés, et n'ont pas réellement reconnu le fait qu'il s'agit d'un régime autoritaire extrêmement abusif qui ne garde pas les abus à l'intérieur de ses frontières et qui mène de plus en plus ces opérations à l'étranger, notamment en affaiblissant les institutions qui protègent les droits partout dans le monde.
J'envisagerais un système qui tire sur toutes ces ficelles en même temps et permet des interventions intérieures, bilatérales et multilatérales pour régler ces divers types de problèmes.