:
Merci beaucoup, monsieur le président.
Distingués membres du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes, je suis enchantée de comparaître devant vous aujourd'hui pour traiter des services consulaires, en accordant une attention particulière à la République populaire de Chine.
Je m'appelle Heather Jeffrey, sous-ministre adjointe, Consulaire, Sécurité et gestion des urgences, au ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement.
Mon collègue, Brian Szwarc, est directeur général des Opérations consulaires.
[Français]
Je commencerai ma présentation ce matin en vous donnant un aperçu des services consulaires offerts aux Canadiens; je ferai ensuite un résumé des relations consulaires avec la Chine ainsi que de nos dossiers et des tendances consulaires dans ce pays; puis je conclurai en vous parlant de certains de nos cas les plus médiatisés en Chine.
[Traduction]
Le ministère des Affaires étrangères est responsable de la prestation de services consulaires aux Canadiens se trouvant à l'étranger. Ces services sont offerts par Affaires mondiale Canada au titre de la Charte des services consulaires du Canada.
[Français]
Les représentants canadiens offrent des services consulaires 24 heures sur 24, sept jours sur sept, par l'entremise de plus de 260 points de service répartis dans 150 pays ainsi que du Centre de surveillance et d'intervention d'urgence, à Ottawa.
[Traduction]
Pour fournir des renseignements pertinents aux Canadiens pendant qu'ils voyagent à l'étranger, Affaires mondiales Canada recourt à deux outils. Par l'entremise des conseils aux voyageurs et aux avertissements, il fournit de l'information pour voyager en sécurité dans plus de 200 destinations, alors que l'inscription des Canadiens à l'étranger permet aux agents du gouvernement de communiquer avec les Canadiens en cas d'urgence. La Charte des services consulaires du Canada dresse la liste des services que les agents du gouvernement du Canada peuvent fournir aux Canadiens à l'étranger.
Par exemple, il peut s'agir d'offrir de l'aide lors d'une urgence médicale en fournissant une liste des médecins et des services hospitaliers locaux, de fournir aux victimes de crime des conseils et les coordonnées de la police et des services médicaux locaux, d'aider les gens quand une personne est portée disparue ou qu'un enfant est enlevé dans un pays étranger, et de remplacer des passeports. En cas d'arrestation ou de détention, les autorités sont tenues, en vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, d'aviser les étrangers de leurs droits d'avoir accès à un représentant consulaire. Une fois le Canada avisé de la détention d'un citoyen canadien, les agents consulaires ont pour première priorité de chercher à avoir accès à la personne concernée pour en assurer la sécurité et le bien-être.
En pareil cas, les agents consulaires réclameraient un traitement équitable au titre des lois locales, ainsi qu'une mise en rapport avec la famille et des représentants du domaine juridique, et demanderaient que les personnes détenues obtiennent de l'information sur les systèmes judiciaires et carcéraux locaux. Nos agents offrent du soutien consulaire à tous les citoyens canadiens, qu'ils possèdent ou non une autre citoyenneté. Cependant, de nombreux États étrangers, comme la Chine, ne reconnaissent pas la double citoyenneté et pourraient refuser de laisser les agents consulaires accéder aux personnes qu'ils considèrent comme étant exclusivement citoyennes de leur pays. C'est une situation à laquelle les agents consulaires sont régulièrement confrontés en Chine.
[Français]
Au total, environ 175 000 nouveaux dossiers ont été ouverts dans l'ensemble de notre réseau consulaire en 2019. La grande majorité des dossiers sont de nature courante ou administrative, comme les services de passeport ou les demandes de preuve de citoyenneté, et sont généralement réglés rapidement par nos missions à l'étranger.
Toutefois, quelque 6 700 dossiers sont de nature plus complexe. En général, il s'agit de cas où des Canadiens ont besoin d'aide pour faire face à une situation difficile à l'étranger, comme un décès, une arrestation ou une détention, un acte criminel, un problème médical ou des problèmes de garde d'enfants. Les États-Unis, le Mexique et la Chine sont les pays comptant le plus grand nombre de ces dossiers consulaires complexes.
[Traduction]
Il importe de souligner que la protection des renseignements personnels de nos clients consulaires est primordiale. Les agents consulaires sont obligés de travailler selon les paramètres établis par la Loi sur la protection des renseignements personnels. Voilà pourquoi il y a souvent d'importantes limites aux renseignements que le gouvernement peut rendre publics sur des affaires consulaires précises.
Maintenant que je vous ai donné un aperçu des services consulaires offerts par le gouvernement du Canada, je vais vous fournir des détails sur nos services consulaires en Chine. Permettez-moi de commencer en faisant brièvement le point sur la réaction du Canada au nouveau coronavirus.
La présente éclosion inquiète vivement les Canadiens, et ce, tant en Chine qu'au Canada. Des mesures sont prises pour aider les Canadiens touchés à Wuhan. Comme la sous-ministre Morgan vous l'a indiqué la semaine dernière, le Canada a nolisé un vol pour rapatrier les Canadiens présents à Wuhan, en Chine, et nous finissons de mettre au point des arrangements avec les autorités chinoises afin de permettre à ce vol de partir le plus tôt possible.
Affaires mondiales Canada collabore étroitement avec l'Agence de la santé publique du Canada pour fournir en temps opportun des renseignements pertinents en matière de voyage et de santé aux Canadiens en ce qui concerne l'éclosion. Nos conseils de voyage ont été mis à jour le 24 janvier afin de conseiller aux Canadiens d'éviter tout voyage dans la province de Hubei en raison de l'imposition d'importantes restrictions en matière de voyage afin de limiter la propagation du virus. Le 29 janvier, nous avons effectué une nouvelle mise à jour pour recommander à la population d'éviter tout voyage non essentiel dans l'ensemble de la Chine en raison de l'éclosion.
Dans l'ensemble, en 2019 seulement, les agents consulaires ont ouvert 375 nouveaux dossiers en Chine élargie. Il s'agit notamment de cas d'arrestation et de détention, l'aide médicale, d'agression, de bien-être et de localisation. Il y a actuellement 123 Canadiens détenus en Chine élargie. Ce chiffre inclut les Canadiens détenus en Chine continentale, à Hong Kong et à Taïwan. Sachez que le nombre de Canadiens détenus en Chine est resté stable depuis l'an dernier.
La prestation de services consulaires aux Canadiens en Chine est encadrée par une entente bilatérale signée par le Canada et la Chine il y a plus de 20 ans. Cette entente, qui est du domaine public, décrit les obligations et les droits consulaires des deux pays afin de faciliter la protection des droits et des intérêts de leurs citoyens.
[Français]
Je vais maintenant vous faire un résumé de certains des cas les plus médiatisés qui concernent la Chine, ceux qui, selon moi, présentent un intérêt particulier pour le Comité.
Étant donné la nature publique de cette réunion, je suis limitée par les dispositions de la Loi sur la protection des renseignements personnels quant aux informations personnelles que je peux partager.
Le gouvernement du Canada est extrêmement préoccupé par les cas de Canadiens qui sont détenus arbitrairement ou qui risquent la peine de mort en Chine. Les représentants canadiens à tous les niveaux ont soulevé ces préoccupations auprès de leurs homologues chinois, et ils continueront de le faire.
[Traduction]
Le Canada s'oppose à l'imposition de la peine de mort dans tous les cas à l'étranger. Fort de ce principe, le gouvernement du Canada cherche à obtenir la clémence pour tous les Canadiens risquant la peine capitale. Le Canada a fait connaître à la Chine sa position ferme à cet égard, et nous avons demandé à cette dernière d'accorder la clémence aux Canadiens condamnés à mort.
Dans le cas de Michael Kovrig et de Michael Spavor, le gouvernement du Canada est demeuré inébranlable, réclamant la libération et le retour immédiats des deux hommes au Canada. Vous savez certainement que les autorités chinoises ont détenu M. Kovrig et M. Spavor le 10 décembre 2018, les accusant de constituer une menace à la sécurité nationale de la Chine. Ils ont été officiellement arrêtés le 6 mai 2019.
Les agents de l'ambassade du Canada en Chine ont un accès consulaire régulier à M. Kovrig et M. Spavor depuis la détention de ces derniers en décembre 2018, effectuant auprès d'eux des visites plus ou moins mensuelles. La dernière visite consulaire auprès de M. Spavor a eu lieu le 13 janvier, alors que celle auprès de M. Kovrig s'est tenue le 14 janvier sous la gouverne de l'ambassadeur Barton. Le gouvernement du Canada a très clairement indiqué que la détention de ces deux Canadiens est inacceptable et arbitraire. Nous continuerons de réclamer leur libération immédiate.
M. Robert Schellenberg a été détenu par les autorités chinoises en 2014 sous des accusations de trafic de stupéfiants. Il a été initialement condamné à une peine de 15 ans de détention, mais lors de l'audition de l'appel, en décembre 2018, un tribunal chinois a ordonné un nouveau procès. Le mois suivant, un juge a renversé le verdict initial et a imposé la peine capitale. M. Schellenberg a porté cette sentence en appel, et une audience a eu lieu en mai 2019. Le verdict n'est pas encore tombé.
Le Canada a durement condamné la peine de mort imposée à M. Schellenberg lors de son nouveau procès et s'est dit extrêmement préoccupé par le fait que la Chine a choisi d'appliquer arbitrairement la peine capitale dans cette affaire. Nous avons demandé à la Chine d'accorder la clémence à M. Schellenberg.
Les affaires particulières que j'ai évoquées aujourd'hui ne représentent que quelques cas de citoyens canadiens détenus en Chine. Même si des questions de protection des renseignements personnels m'empêchent de fournir des détails sur des affaires précises, je veux souligner que les agents canadiens s'occupent activement de ces dossiers et continueront de faire part de nos préoccupations aux autorités chinoises, et ce, tant au pays qu'à l'étranger.
Je remercie le Comité de m'avoir offert l'occasion de lui présenter un exposé sur les services consulaires. Nous répondrons à vos questions avec le plus grand plaisir.
:
Monsieur le président, nous avons d'abord été alertés de la situation par notre centre de surveillance et d'intervention d'urgence, qui est un outil de gestion des urgences nous permettant de surveiller un peu ce qui se passe dans le monde. Nous recevons donc des signalements afin de pouvoir informer la population des situations émergentes.
Dans l'affaire du coronavirus, nous avons commencé en janvier à suivre la propagation du virus. Le 26 janvier, nous avons constitué une équipe d'intervention d'urgence quand nous avons vu que le gouvernement de la Chine prenait des mesures pour contenir la propagation du virus et qu'il imposait des restrictions aux résidents de la province du Hubei, en particulier.
Je vous dirais qu'à ce moment-là, nous n'avions pas encore de données claires sur l'étendue de la présence de Canadiens dans la province du Hubei. Nous n'avons pas de consulat dans cette province, et il n'y avait encore qu'un très petit nombre de Canadiens inscrits au registre des Canadiens à l'étranger résidant au Hubei.
Je dirais que de manière générale, quand les Canadiens se sentent en sécurité, ils ne songent pas à s'inscrire dans les registres du gouvernement lorsqu'ils voyagent. Je crois qu'ils sont surtout portés à le faire lorsqu'ils se rendent dans des endroits considérés plus dangereux ou hostiles. Dans le cas présent, je pense qu'il n'y avait que 38 Canadiens inscrits. Nous savons aujourd'hui qu'ils sont beaucoup plus nombreux dans la province du Hubei, puisque leur nombre a grimpé à 565. Jusqu'à il y a huit ou neuf jours, nous n'avions encore reçu aucune demande d'aide consulaire. Évidemment, les demandes se sont mises à affluer depuis.
À l'heure actuelle, toutes les demandes que nous recevons au Hubei nous viennent de Canadiens qui demandent de l'aide au départ. Nous n'avons reçu aucune demande de Canadiens qui seraient atteints du virus et solliciteraient notre aide pour quitter la province. Nous sommes actuellement en train de faire des démarches auprès du gouvernement de la Chine pour obtenir les autorisations nécessaires.
Évidemment, l'intervention dans une zone de quarantaine située dans un pays comme la Chine et l'évacuation de cette zone présentent des défis uniques. Chaque intervention d'urgence est unique, et celle-ci comporte une grande complexité. Nous avons immédiatement mis des ressources en place pour organiser un vol d'évacuation et obtenir les permissions nécessaires. Nous devions obtenir des visas du gouvernement de la Chine et nous avons demandé des autorisations de survol de divers pays, puisque certains ont récemment fermé leur espace aérien. Nous avons réussi à surmonter toutes ces difficultés, et nous devrions maintenant très bientôt pouvoir sortir un premier groupe de Canadiens de la région.
L'intervention nécessite toutefois une planification très détaillée. Nous avons dû envoyer une équipe sur le terrain, à Wuhan, si bien que nous avons désormais une équipe consulaire sur place dans la ville. Celle-ci s'affaire à préparer toute la logistique du départ. Nous travaillons aussi avec les autorités locales, nous préparons les manifestes des passagers et compilons toute l'information requise pour permettre les déplacements terrestres dans la zone, qui est astreinte à de grandes restrictions en raison de la quarantaine en vigueur. Les gens doivent nous informer de leur trajet et nous dire comment ils comptent se rendre à l'aéroport.
:
Merci, monsieur le président.
Merci du travail que vous accomplissez. De toute évidence, on donne beaucoup de ressources à votre ministère et, comme chacun de nous, lorsque vous donnez des ressources à quelqu'un, vous vous attendez à ce qu'on s'en serve judicieusement.
J'aimerais faire une brève déclaration au sujet des ambassades et des consulats, surtout à l'intention des nouveaux députés.
Depuis que les députés ne peuvent plus communiquer directement avec les ambassades et les consulats au nom de leurs concitoyens pour régler des formalités — c'est devenu ainsi juste après l'arrivée au pouvoir des libéraux en 2015 —, je dois dire, d'après mon expérience à titre de travailleur de circonscription, que cela a compliqué les choses. Cela ferme également la porte de ces consulats au grand public, comme le fait, je crois, la Loi sur la protection des renseignements personnels. Je crois qu'elle isole beaucoup trop le gouvernement.
J'aimerais voir à cet égard un peu plus de transparence de la part de votre ministère, car, au bout du compte, c'est la population qui paye tous nos salaires, et il ne faudrait pas qu'une crise soit nécessaire pour commencer à obtenir des renseignements de base.
Je vais surtout mettre l'accent sur ces questions, monsieur le président.
Il n'y a pas de chiffres publics sur le nombre de Canadiens en Chine et le nombre de cas relevant des services consulaires. Pourriez-vous alors commencer par dire combien de Canadiens se trouvent actuellement en Chine continentale et à Hong Kong? De plus, en quoi ces chiffres diffèrent-ils de ceux des années précédentes?
:
L'extradition, c'est le processus par lequel une personne accusée ou reconnue coupable et se trouvant dans un pays donné est livrée aux autorités d'un autre pays, à la demande de ce dernier, à des fins de poursuite, ou d'imposition ou d'application d'une peine. L'extradition est un outil important de coopération internationale utilisé par la police canadienne et étrangère ainsi que les procureurs pour lutter contre la criminalité grave à l'échelle internationale.
Le est responsable de la mise en application de la Loi sur l'extradition et des accords sur l'extradition signés par le Canada, ainsi que du traitement des demandes d'extradition que reçoit et que fait le Canada. À l'étape de la remise de l'intéressé, le ministre doit personnellement décider s'il doit accorder la remise de la personne à l'État qui en a fait la demande. L'autorité du ministre en vertu de la Loi sur l'extradition est en grande partie déléguée aux conseils juridiques du Service d'entraide internationale, le SEI, qui relève du ministère de la Justice. Le SEI reçoit la demande d'extradition ainsi que la demande de mandat d'arrestation provisoire, qui sont utilisées dans des cas urgents pour arrêter une personne avant la réception de la demande d'extradition. Le SEI décide s'il doit demander un mandat d'arrestation provisoire et s'il doit procéder à la formulation d'une demande d'extradition. Le rôle du SEI peut correspondre au pouvoir discrétionnaire du procureur et est libre de toute influence politique.
Le Canada peut uniquement extrader une personne à un partenaire d'extradition, ce qui est défini dans la Loi sur l'extradition comme un État ou une entité avec lequel le Canada a conclu un traité bilatéral ou multilatéral, avec lequel le Canada a conclu une entente spécifique, ou dont le nom paraît en annexe à la Loi. Le Canada compte 51 partenaires de traités bilatéraux d'extradition, et la Loi sur l'extradition nomme 34 partenaires désignés. Le Canada est également partie à plusieurs conventions multilatérales prévoyant des dispositions sur l'extradition, comme la Convention des Nations unies contre la criminalité transnationale organisée, la Convention des Nations unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes et la Convention des Nations unies contre la corruption.
Au Canada, le processus d'extradition comporte trois étapes clés. Tout d'abord, l'arrêté introductif d'instance, c'est-à-dire la décision prise par le SEI qui exerce sa fonction déléguée de ministre pour autoriser le début d'une procédure d'extradition devant les tribunaux canadiens. Deuxièmement, il y a l'audience d'extradition, qu'on appelle également l'étape judiciaire de la procédure d'extradition. Enfin, il y a l'étape ministérielle. Cela correspond à la décision du ministre sur la remise ou non de la personne pour laquelle on a demandé l'extradition à l'État qui en fait la demande.
Je vous ai fourni un aperçu général, et je cède maintenant la parole à ma collègue, Mme Henchey.
:
Nous avons commencé en indiquant les trois étapes, mais il y a également une étape préliminaire possible, c'est-à-dire une demande de mandat d'arrestation provisoire. La Loi sur l'extradition et les accords en matière d'extradition conclus par le Canada permettent aux parties de demander une arrestation provisoire dans des circonstances urgentes, afin d'éviter que l'intéressé ne prenne la fuite.
Dans de telles circonstances, l'arrestation provisoire, si elle est avalisée et un mandat d'arrestation est délivré, a lieu avant les trois autres étapes. Les preuves soumises au Canada par l'État à l'appui de sa demande sont examinées par le SEI, le Service d'entraide international, qui agit au nom du ministre. Le SEI décide si la demande est suffisamment motivée pour donner suite à la demande d'arrestation provisoire et, le cas échéant, formule une demande auprès d'un juge pour qu'il délivre le mandat.
Un juge de la cour supérieure peut délivrer un mandat d'arrestation provisoire si il ou elle est convaincu qu'il y a urgence, que la personne concernée est au Canada ou s'y rend et qu'un mandat d'arrestation visant cette personne a été émis dans l'État qui en fait la demande. Lorsqu'une personne est arrêtée provisoirement, l'État qui en fait la demande doit présenter une demande d'extradition en bonne et due forme dans les délais prévus après l'arrestation provisoire, délais qui sont précisés dans le traité qui s'applique. Sinon, la personne doit être libérée du processus d'extradition.
Lorsqu'il reçoit une demande d'extradition officielle, le SEI l'examine afin de déterminer si elle correspond aux exigences prévues par la Loi sur l'extradition et le traité. Pour vérifier s'il faut donner suite à la demande, le SEI vérifiera que la demande vise bien une conduite assujettie à l'extradition aux termes de l'article 3 de la Loi. Cela veut dire que la partie qui recherche la détention est un « partenaire d'extradition »; que la personne recherchée fait l'objet de poursuites ou a été condamnée à une peine d'emprisonnement; que, selon l'accord d'extradition qui s'applique, l'acte criminel commis à l'étranger et motivant l'extradition est passible d'emprisonnement par le partenaire d'extradition ou de la privation de leur liberté pendant une peine maximale de deux ans ou plus; que la conduite criminelle alléguée, si elle avait eu lieu au Canada, aurait constitué une infraction au Canada.
Habituellement, le SEI décide également si la demande risque d'être jugée recevable par le juge à l'audience d'extradition et par le ministre en examinant les facteurs qui sont évalués à ces étapes, tels que la suffisance des preuves et les conditions dans l'État qui a formulé la demande. Si le SEI autorise la procédure, une audience d'extradition a lieu devant un juge de la cour supérieure de la province dans laquelle se trouve la personne. L'autorité accordée permet au juge de présider à l'audience.
L'audience d'extradition, qui s'appelle également l'audience relative à l'incarcération, a lieu devant un juge de la cour supérieure, qui doit décider si la personne doit être extradée à la lumière des preuves fournies par l'État demandeur. Les avocats qui travaillent pour le procureur général du Canada communiqueront la preuve lors de l'audience, normalement dans un « dossier de l'affaire », qui est un sommaire certifié de la preuve fournie à l'appui de l'extradition. Le dossier est également remis à l'intéressé avant l'audience. Puisque le Canada a un système d'audience publique, le public peut généralement consulter tous les documents déposés auprès des tribunaux, à moins que les tribunaux n'en décident autrement.
Lors de l'audience, le juge décide si la preuve fournie au nom de l'État demandeur par le procureur général du Canada justifierait un renvoi à procès au Canada, si les faits avaient eu lieu ici. Cela correspond au critère de la double criminalité. Si le juge estime que la preuve satisfait à ce critère, il ou elle déclarera que la personne doit être extradée et le dossier passera à l'étape ministérielle. Si le juge estime qu'il y a non-lieu, la personne est libérée.
Lors de l'audience relative à l'incarcération, l'avocat de la défense peut déposer diverses requêtes, soulever des objections et demander du temps pour se préparer, ce qui fait qu'il est difficile de prévoir le temps que prendra l'audience d'extradition.
Au terme de l'audience d'extradition, s'il y a incarcération, on passe à l'étape ministérielle, lorsqu'il revient au ministre de la Justice de décider si l'intéressé doit être remis à l'État demandeur. Les motifs pour lesquels le ministre peut accorder ou refuser la remise proviennent de trois sources: la Loi sur l'extradition, le traité ou l'accord pertinent et la Charte canadienne des droits et libertés. L'avocat de la défense peut choisir de soumettre des arguments confidentiels au ministre pour l'aider dans sa prise de décision. Ces soumissions peuvent porter sur toute raison qui pourrait justifier un refus ou encore l'imposition de conditions à un arrêté d'extradition.
Les arguments soumis au ministre ne sont pas rendus publics à moins que le ministre n'ordonne la remise de l'intéressé et que l'intéressé demande ensuite un examen judiciaire de la décision. Cette demande serait alors déposée auprès des tribunaux.
:
Monsieur le président, si le temps me le permet, je veux revenir sur la question de cette proposition qui a été faite de procéder à un échange de prisonniers.
J'aimerais rappeler à notre ami et collègue M. Fragiskatos que, lorsqu'il a parlé de l'opposition, j'aurais préféré qu'il précise qu'il s'agissait de l'opposition officielle. Évidemment, ni mon collègue du NPD ni moi n'avons été associés aux propos qui ont été prononcés jusqu'à présent. Toutefois, il n’en demeure pas moins qu'il y a là une question pertinente dans la mesure où, de prime abord, cette idée m'apparaît personnellement être totalement inacceptable pour au moins trois raisons.
Premièrement, on veut faire un échange de deux pour un. Déjà, en soi, cela m'apparaît totalement inadmissible.
Deuxièmement, depuis le début, le Canada n'a cessé de prétendre qu'il s'agit d'un processus qui relève de l'État de droit. Puisqu'on en est maintenant à la deuxième étape, qui est l'étape judiciaire, comment pourrions-nous contourner le processus judiciaire dans un soi-disant État de droit pour en arriver à un accord politique entre deux pays? C'est ma deuxième préoccupation.
Troisièmement, il faut reconnaître que, en apparence, un tel accord entre la Chine et le Canada constituerait pratiquement une invitation à tous les régimes autoritaires du monde à emprisonner les Canadiens pour procéder éventuellement à un échange de prisonniers.
Je sais pertinemment que cette idée a pu être furtivement examinée par le gouvernement, bien que ce dernier l'ait rejetée catégoriquement depuis. Je le reconnais volontiers. Cette idée m'apparaît, à l'évidence, totalement déraisonnable.
Est-ce que je fais une analyse qui vous semble sensée?
:
Merci, monsieur le président. J'ai des questions d'ordre technique.
Vous avez parlé de trois étapes différentes, mais à mes yeux, en fait, il y en a cinq: premièrement, la décision de procéder à l'arrestation provisoire d'une personne; deuxièmement, la décision de délivrer un arrêté introductif d'instance; troisièmement, l'audition de la demande d'extradition, où l'on détermine si la preuve est suffisante pour montrer qu'il y aurait procès si l'infraction avait été commise au Canada — c'est ce que j'appelle le critère de l'enquête préliminaire —; quatrièmement, la décision sur la remise prise par le ministre de la Justice; et, cinquièmement, le processus prédominant, c'est-à-dire la loi qui autorise le ministre à annuler l'arrêté introductif d'instance « à tout moment » et qui dispose que « le tribunal est alors tenu d'ordonner la mise en liberté de la personne et d'annuler les ordonnances relatives à la liberté provisoire et l'incarcération. »
Je présume que la première de ces cinq étapes, la décision de délivrer ou non un mandat d'arrestation, relève du SEI, le groupe interne, et non du ministre. Aucune intervention politique n'est possible.
Concernant la deuxième étape, la décision de délivrer ou non un arrêté introductif d'instance, vous avez dit que le ministre de la Justice confie cette responsabilité aux fonctionnaires de son ministère. Est-ce vrai que le ministre n'a aucune possibilité d'intervenir dans cette décision, qu'il n'a aucune voix au chapitre? Je comprends que ce sont les fonctionnaires qui effectuent l'examen et qui prennent la décision, mais est-ce possible pour le ministre de jouer un rôle à cette étape?