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La séance est ouverte. Bienvenue à la 11
e réunion du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes. Conformément à l'ordre de renvoi du 20 juillet 2020, le Comité se réunit pour poursuivre son étude des relations sino-canadiennes.
La séance d'aujourd'hui se déroule par vidéoconférence.
[Français]
Voici quelques règles à respecter pour assurer le bon déroulement de la réunion.
Pour la vidéoconférence, les services d'interprétation fonctionneront à peu près comme pour une réunion de comité ordinaire. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le canal du parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que le canal corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux langues.
Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins doivent être adressées à la présidence.
Si un député souhaite prendre la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour les questions, il doit activer son micro et indiquer qu'il souhaite faire un rappel au Règlement. Si un député souhaite intervenir au sujet d'un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit utiliser la fonction « lever la main » pour signaler au président qu'il désire prendre la parole. Pour ce faire, vous devez cliquer sur « participant » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affichera à côté de votre nom, vous verrez une option qui vous permettra de lever la main.
Assurez-vous de parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
[Traduction]
Avant de commencer, je demanderais à chacun de bien vouloir cliquer dans le coin supérieur droit de son écran pour s'assurer que l'option Vue Galerie est sélectionnée. Ce mode permet de présenter tous les participants dans une disposition en mosaïque. Vous pourrez ainsi tous vous voir les uns les autres. Comme c'est le cas pour les séances qui se tiennent en personne, le public ne verra que le participant qui a la parole.
J'ai maintenant le plaisir de souhaiter la bienvenue aux témoins de notre premier groupe. Nous accueillons M. Michael C. Davis, professeur à l'Institut Weatherhead d'études sur l'Asie orientale du Woodrow Wilson International Center à l'Université Columbia.
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Merci, monsieur le président, et merci à tous les membres du Comité pour votre invitation. J'espère que vous m'entendez bien.
Je dois préciser qu'avant d'être professeur dans une université aux États-Unis, j'ai passé 30 ans à Hong Kong où j'ai enseigné le droit constitutionnel et les droits de la personne, ce que je continue d'ailleurs de faire. Cet automne, je vais y donner deux cours sur les droits de la personne via Zoom. Je suis donc très engagé à Hong Kong où je suis un intellectuel de notoriété publique depuis toutes ces années.
En ma qualité de constitutionnaliste, je veux vous parler d'entrée de jeu de la primauté du droit et de la loi sur la sécurité nationale désormais imposée à Hong Kong.
Cette loi soulève bien des questions. On semble lui accorder un statut aussi élevé que celui de la loi fondamentale de Hong Kong. Je dirais toutefois qu'il est en fait supérieur, car, en vertu du droit national chinois — comme c'est le cas d'ailleurs dans bien des pays —, la dernière loi promulguée a préséance lorsqu'elle entre en contradiction avec une loi antérieure. La loi fondamentale de Hong Kong est une loi plus ancienne qui est de portée plus générale, alors que la loi sur la sécurité nationale est davantage ciblée.
La façon dont cette loi a été imposée à Hong Kong est en soi profondément choquante. Aucun élément de cette loi n'a été rendu public avant le jour de sa promulgation. On nous a dit que même le premier magistrat de Hong Kong ne savait pas ce que prévoyait cette loi. Contrairement à ce qui se fait pour les lois nationales de la Chine elle-même et aux pratiques en usage à Hong Kong, il n'y a eu aucune consultation publique. Cette loi a été tout simplement imposée aux Hongkongais.
La loi sur la sécurité nationale stipule d'emblée avoir préséance sur toutes les lois locales. Je vous dirais que cela inclut dans les faits la loi fondamentale de Hong Kong qui sert de base à la protection des droits des Hongkongais.
Il est explicitement prévu dans la loi sur la sécurité nationale qu'elle ne peut pas vraiment faire l'objet d'un contrôle judiciaire. Elle ne peut pas non plus être soumise à un examen constitutionnel, pas plus qu'à une révision en vertu de la loi fondamentale. En conséquence, si cette loi est invoquée devant un tribunal, le juge n'a d'autre choix que d'en assurer l'application, et c'est le Comité permanent du Congrès national du peuple qui a le dernier mot dans son interprétation. À Hong Kong, on ne peut donc pas s'attendre à ce que les tribunaux se dressent comme des gardiens pour nous protéger — et je me permets de dire « nous », car je me considère comme un résident de Hong Kong. Si un tribunal est saisi d'une affaire à Hong Kong, il ne nous sera pas possible de contester certaines dispositions de la loi touchant la subversion, la sédition, la collusion avec des gouvernements étrangers et bien d'autres choses encore.
Elle prévoit que seuls des juges sélectionnés figurant sur une liste établie à cette fin peuvent entendre des causes faisant intervenir la loi sur la sécurité nationale, et c'est le premier magistrat de Hong Kong qui doit dresser cette liste. Si un juge dont le nom figure sur cette liste pose des gestes ou fait des déclarations portant atteinte d'une manière ou d'une autre à la sécurité nationale lorsqu'il entend des causes semblables, il verra son nom être rayé de cette liste et ne sera plus habilité à siéger lors de telles instances.
Pour assurer le maintien de la primauté du droit face aux visées d'un régime continental qui ne reconnaît pas vraiment ce principe, Hong Kong misait notamment sur le concours de juges étrangers, y compris des Canadiens, pour présider ses tribunaux. Ces juges ne pourront pas entendre les causes liées à la sécurité nationale, car leur nom ne figurera pas sur la liste des juges choisis par le premier magistrat de Hong Kong. Il faut donc présumer que le choix sera influencé par les attentes relatives au comportement des différents juges.
Étant donné toutes ces pressions s'exerçant sur les juges, on peut se demander comment ils réagiraient s'ils étaient confrontés à des déclarations du ministère des Affaires étrangères à Beijing ou de hauts responsables chinois désormais nommés à Hong Kong faisant valoir leur point de vue quant à la façon dont une affaire devrait être traitée.
Nul besoin de se poser longtemps la question, car, pas plus tard que cette semaine, Jimmy Lai, l'éditeur du Apple Daily, a été arrêté. Les dirigeants de Hong Kong l'ont qualifié de « suspect ». On le soupçonnait de corruption, semble-t-il parce qu'il avait financé une organisation, assez semblable à quelques-unes de celles qui se présentent devant vous aujourd'hui, faisant du lobbying auprès de gouvernements étrangers — généralement des ressortissants hongkongais à l'étranger.
Nous ne pouvons être certains de rien, car cette loi est mise en oeuvre en catimini, si bien que l'on se retrouve en quelque sorte avec une police secrète. Quoi qu'il en soit, la rumeur veut que M. Lai finançait une organisation appelée Stand with Hong Kong. L'avenir nous dira si c'est bel et bien le cas.
Chose intéressante, le ministère des Affaires étrangères n'a pas tardé à l'insulter en indiquant qu'il mettait sérieusement en péril la sécurité nationale à Hong Kong. Je ne me souviens pas des termes exacts qu'ils ont utilisés. Il n'en demeure pas moins que la cause était pour ainsi dire jugée à l'avance. Comment réagira un juge en pareil cas? S'ils en viennent à devoir interpréter la loi, en sachant fort bien que le Congrès national du peuple pouvait faire fi de cette interprétation, comment les juges vont-ils réagir à ces déclarations par les hauts dirigeants continentaux qui condamnent l'intimé avant même qu'il ait subi son procès?
L'autonomie de Hong Kong est primordiale. Si l'on a accordé l'autonomie à Hong Kong, c'est parce que le régime de la Chine continentale va en grande partie à l'encontre de celui de Hong Kong. Comme au Canada, nous avons à Hong Kong un régime fondé sur la primauté du droit. En Chine continentale, on dit généralement que c'est l'autorité du droit qui prime, en ce sens que les hauts dirigeants sont en quelque sorte au-dessus des lois et interprètent celles-ci avec beaucoup de latitude.
Voilà maintenant que l'on s'en prend à l'autonomie sur deux tableaux. Il y a d'abord la création d'un comité local dirigé par le premier magistrat pour superviser les enjeux liés à la sécurité nationale. Ce comité prend en charge localement tous les dossiers relatifs à la sécurité nationale en décidant de ce que la police peut faire ou non. Ce comité a déjà adopté des règlements régissant le comportement des corps policiers et leur permettant notamment d'effectuer des perquisitions sans mandat. Il y a des juges et des magistrats qui peuvent émettre des mandats, mais ceux-ci ne sont pas nécessaires si les forces de l'ordre estiment que l'urgence de la situation exige que l'on aille de l'avant en menant une perquisition sans attendre. C'est l'un des problèmes. Les services policiers comptent dorénavant une unité spéciale s'occupant de la sécurité nationale. Il y a aussi une unité semblable à la direction des poursuites criminelles et pénales. Tous ces efforts sont bien harmonisés. Le comité chargé de superviser toutes ces activités à Hong Kong rend directement des comptes au gouvernement populaire central. Hong Kong perd donc toute forme d'autorité en matière de sécurité nationale, l'aspect le plus crucial pour son autonomie.
Il faut ajouter à tout cela la mise en place d'un bureau chargé de la protection de la sécurité nationale dont tous les employés sont des fonctionnaires de la Chine continentale. Je ne sais pas en quoi un tel bureau leur est nécessaire, car ils ont également placé un conseiller au sein du comité local. Comme le gouvernement central a également la mainmise sur ce comité local, on peut présumer que ce conseiller est aussi chargé de superviser les mesures prises localement. Il y a donc un bureau distinct dont tout le personnel provient de la Chine continentale. Il s'agit de spécialistes chinois de la sécurité d'État et de la sécurité publique. Tout comme le comité local, ce bureau ne peut pas faire l'objet d'un contrôle judiciaire par les tribunaux locaux. La loi sur la sécurité précise expressément qu'il ne peut y avoir de contrôle judiciaire concernant le comité local en précisant que les tribunaux locaux n'ont pas compétence sur le soi-disant bureau de protection de la sécurité nationale. Aussi bien oublier la primauté du droit à Hong Kong dans de telles circonstances.
Ce n'est pas d'hier que les hauts dirigeants chinois affirment que les tribunaux hongkongais qui procèdent à des révisions constitutionnelles... Les responsables continentaux affirment souvent qu'il n'est pas censé y avoir séparation des pouvoirs à Hong Kong. Il me semble difficile d'imaginer les tribunaux faire montre de l'audace nécessaire pour remettre en question les affirmations des hauts dirigeants de la Chine continentale.
Voilà le genre de problèmes que j'ai jugé important de mettre en lumière dès l'amorce de cette séance, car je suis persuadé que bon nombre de ces événements se sont produits comme je le craignais. J'imagine que les autres témoins pourront vous en dire plus long à ce sujet.
Je trouve intéressant que les fonctionnaires chinois travaillant dans ce bureau national établi à Hong Kong puissent échapper d'une certaine manière à toutes les lois applicables sur ce territoire. En effet, seules les lois énumérées à l'annexe III de la loi fondamentale de Hong Kong s'y appliquent. Si un fonctionnaire chinois pose des gestes qui contreviennent à une loi de la Chine continentale, on ne pourra rien faire contre lui. S'il enfreint une loi locale dans l'exercice de ses fonctions, personne ne pourra non plus faire quoi que ce soit. Nous avons ainsi en quelque sorte une police secrète échappant à toute forme de contrôle.
Je vais conclure sur ce point. Pour Hong Kong, ce sont là des éléments très importants, car ils sont au cœur des considérations qui font en sorte que nous avons un pays, deux systèmes. Les hauts dirigeants de la Chine continentale peuvent toujours prétendre qu'ils défendent le principe d'un pays, deux systèmes, mais ce principe était censé s'appuyer en fait sur les institutions hongkongaises qui devaient travailler indépendamment des systèmes continentaux. Cette indépendance s'est toutefois totalement estompée.
Je pourrais vous entretenir encore longtemps de la protection des droits de la personne, mais je n'ai plus de temps, et je serai maintenant ravi de répondre à vos questions.
Merci.
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Merci, monsieur le président et mesdames et messieurs les membres du Comité.
Je m'estime privilégié de pouvoir discuter avec vous aujourd'hui à un moment aussi critique pour Hong Kong. Je veux donc vous remercier de tenir une séance à ce sujet.
Hong Kong a vécu de nombreux jours sombres au cours des 12 derniers mois et, comme on vous l'a déjà mentionné, lundi de cette semaine a été l'une des plus marquantes de ces journées. L'arrestation de Jimmy Lai, mais également celle d'Agnes Chow et d'autres militants, et la rafle effectuée par 200 policiers dans la salle de rédaction d'Apple Daily représentent un assaut éhonté de plus contre les libertés civiles à Hong Kong et sonnent vraiment le glas de la liberté de presse.
Comme votre premier témoin vous l'a déjà expliqué avec beaucoup d'éloquence, l'imposition de la draconienne loi sur la sécurité nationale le 1er juillet par le Congrès national du peuple a pour ainsi dire mis fin à toute possibilité d'autonomie pour Hong Kong. C'en est fait du principe un pays, deux systèmes. De nombreux militants se retrouvent dans une position extrêmement périlleuse en raison de cette violation flagrante de la Déclaration conjointe sino-britannique — et mon accent m'a sans doute déjà trahi: je suis britannique et je vous parle depuis le Royaume-Uni —, un traité international enregistré aux Nations-Unies. Pour toutes ces raisons, sans oublier le fait que la nouvelle loi sur la sécurité a une application extraterritoriale — il vaut en effet la peine de mentionner qu'elle s'applique à tous que l'on soit Hongkongais ou non, à Hong Kong comme à l'extérieur, si bien qu'une réunion comme celle-ci pourrait être jugée illégale —, on peut parler d'une attaque virulente non seulement contre les libertés et le mode de vie des Hongkongais, mais aussi contre l'ordre international fondé sur des règles.
La disqualification subséquente des candidats prodémocratie pour les élections au conseil législatif prévues en septembre, et le report d'une année de ces mêmes élections par la suite privent les citoyens de Hong Kong de leur droit de vote et bloquent l'une des rares avenues pouvant encore leur permettre d'accéder à un certain degré de liberté d'expression.
Ces événements équivalent en fait à une prise de contrôle totale de Hong Kong par le parti communiste chinois. Comme l'indiquait le Barreau de Hong Kong, la loi sur la sécurité nationale porte atteinte aux libertés et aux droits fondamentaux, à l'indépendance du système judiciaire et au principe de la primauté du droit.
Il y a de nombreuses violations des droits de la personne que nous pourrions dénoncer, mais il faut porter une attention toute particulière à la brutalité généralisée, constante, injustifiée et aveugle de la police hongkongaise au cours des 12 derniers mois.
Une étude récente menée par le Groupe parlementaire multipartite du Parlement britannique sur les violations des droits de la personne et des principes humanitaires par la police de Hong Kong a notamment révélé que les travailleurs humanitaires ont eu droit à divers traitements ne respectant pas les lois et les principes humanitaires internationaux, les droits internationaux de la personne et la Déclaration conjointe sino-britannique. Ces travailleurs humanitaires ont notamment été victimes d'intimidation, de harcèlement, de menaces, de violence physique et d'arrestations.
Dans leur rapport rendu public récemment sous le titre Srinking Safe Space for Humanitarian Aid Workers in Hong Kong, les parlementaires réclament, entre autres mesures, l'établissement d'un mécanisme indépendant pour enquêter sur la situation à Hong Kong, soit sous l'égide de l'Assemblée générale ou de la Commission des droits de l'homme des Nations unies, soit par l'intermédiaire d'une instance comme l'Association internationale du barreau. Ils demandent en outre que l'on impose les sanctions prévues dans la loi Magnitski aux responsables qui ont rendu possible cette violence policière excessive à Hong Kong, ce qui comprend notamment le premier magistrat Carrie Lam et le commissaire de police.
J'aimerais maintenant soumettre quelques recommandations au gouvernement canadien, et ce, en toute humilité. Il ne me revient en effet pas d'intervenir depuis le Royaume-Uni pour dire au Canada ce qu'il devrait faire. Ce sont plutôt des suggestions que vous pourriez prendre en considération, peut-être de concert avec mon propre pays. Je suis vraiment heureux que le Canada ait décidé de suspendre l'application du traité d'extradition avec Hong Kong, mais je pense que l'on peut et que l'on doit en faire davantage.
Je voudrais d'abord encourager le Canada à collaborer avec d'autres pays aux vues similaires afin de mettre sur pied un groupe de travail international chargé de coordonner l'intervention mondiale en réponse à cette crise. Cette idée a été mise de l'avant par sept anciens ministres britanniques des affaires étrangères. Bien évidemment, votre ministre des Affaires étrangères a jeté les bases de cette initiative en y allant de plusieurs déclarations communes avec ses homologues du Royaume-Uni, de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis, une coopération dont nous nous réjouissons vivement. Je pense cependant que l'on pourrait en faire plus pour consolider la coordination entre les nations démocratiques de telle sorte que la réponse à la crise actuelle ne soit pas fragmentée ou simplement pour la forme, mais plutôt aussi vigoureuse, rapide, concertée et coordonnée que possible.
Je veux en deuxième lieu exhorter le Canada à imposer les sanctions ciblées prévues dans sa loi Magnitski aux dirigeants du gouvernement et des forces policières de Hong Kong ainsi que du gouvernement chinois qui sont responsables de ces violations des droits de la personne et de ce manquement à un traité international. Ces sanctions seraient d'une grande utilité du fait qu'elles sont ciblées. Nous ne préconisons pas de sanctions contre la Chine, Hong Kong ou leurs populations respectives, mais plutôt contre les hauts dirigeants directement responsables. Selon moi, le régime chinois ne réagit pas aux grands discours ou aux déclarations. Le seul langage qu'il comprenne est celui de la pression, et de telles sanctions ciblées lui montreraient clairement que nous n'allons pas lui permettre de s'en tirer impunément.
Troisièmement, je souhaiterais encourager le Canada à appuyer publiquement les demandes de création d'un poste d'envoyé spécial des Nations unies et d'un autre de rapporteur spécial des Nations unies sur les droits de la personne à Hong Kong. Cette proposition a l'appui d'au moins 50 rapporteurs spéciaux actuellement en poste aux Nations unies; de 7 anciens rapporteurs; de l'ancien haut-commissaire des Nations unies aux droits de l'homme; du dernier gouverneur de Hong Kong, Lord Patten; et des présidents des comités parlementaires des affaires étrangères aussi bien du Canada que de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et du Royaume-Uni. Il serait très important de pouvoir ainsi braquer les projecteurs sur Hong Kong au moyen d'un mécanisme de surveillance et de signalement aux Nations unies pour veiller à ce que l'on ne puisse pas y porter atteinte aux droits de la personne en toute impunité.
En dernier lieu, je voudrais encore une fois exhorter le Canada à travailler avec d'autres pays pour coordonner la mise en place d'un programme de sauvetage de telle sorte que ceux et celles qui veulent fuir Hong Kong se voient offrir un sanctuaire et la possibilité de présenter une demande de citoyenneté dans un pays du monde libre. Il ne devrait pas s'agir uniquement d'une solution de dernier recours. On pourrait ainsi exercer les pressions nécessaires pour éviter que la situation se détériore à Hong Kong à un point tel que les gens seraient obligés de fuir, et ce, même s'il faut d'ores et déjà constater que la conjoncture est extrêmement périlleuse. Certains militants ont déjà quitté la ville, et de nombreux Hongkongais vont leur emboîter le pas au cours des mois et des années à venir, soit parce qu'ils sont exposés à un danger bien réel ou simplement parce qu'ils ne voient aucun avenir dans une ville dépouillée de ses libertés.
Comme vous le savez sans doute, le Royaume-Uni a fait une offre très généreuse aux détenteurs d'un passeport de citoyen britannique d'outre-mer qui se trouvent à Hong Kong. Cette aide arrive à point nommé, mais n'améliore en rien le sort de nombreux jeunes de Hong Kong, surtout des militants de première ligne, qui sont laissés sans protection parce que ceux qui sont nés après 1997 ne sont pas admissibles. Diverses possibilités s'offrent au Canada pour contribuer à trouver des pistes de solution.
Je vais conclure en essayant de répondre à une question. Pourquoi le Canada devrait-il être concerné par ces différents enjeux?
Je dirais que je vois trois raisons principales. C'est premièrement à cause de votre histoire, et je ne crois pas avoir à vous la remémorer. Deuxièmement, c'est parce que vous êtes un pays qui s'enorgueillit de son travail pour la défense des libertés et des droits de la personne. La troisième raison est liée au fait que la Déclaration conjointe sino-britannique n'est pas seulement un accord entre la Grande-Bretagne et la Chine; c'est un traité international qui concerne tous ceux parmi nous qui croyons en un système international basé sur des règles.
Je pense qu'il est grand temps que le monde libre passe à l'action pour défendre la liberté, la démocratie, les droits de la personne et l'ordre international fondé sur des règles, et j'estime que cette action doit être aussi forte, ciblée et concertée que possible.
Merci beaucoup.
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Au nom de la Toronto Association for Democracy in China, je tiens à remercier le Comité de tenir cette série d'audiences sur la situation à Hong Kong.
Le Canada a cru pendant trop longtemps que la Chine allait se conformer aux règles internationales d'engagement et de civilité diplomatique pour ce qui est du respect des concepts fondamentaux de la primauté du droit. Cette illusion vient de s'évanouir avec l'arrestation arbitraire des deux Michael et l'application rétroactive de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong.
Notre exposé d'aujourd'hui va porter principalement sur deux champs d'action que l'on devrait privilégier au Canada. Dans un premier temps, il faut se demander comment nous pouvons contrer les interventions et l'ingérence de la Chine et protéger nos intérêts et nos valeurs en tant que Canadiens. L'autre question consiste à savoir quels programmes précis le Canada devrait mettre en place pour aider ceux et celles qui essaient de quitter Hong Kong. Je vais traiter du premier point et ma collègue, Avvy Go, vous entretiendra du second.
Depuis le massacre de la place Tiananmen en 1989, la Chine y est allée d'un effort concerté pour camoufler ses atteintes aux droits de la personne et présenter une image positive afin de progresser dans la concrétisation de ses visées planétaires. C'est ainsi qu'elle a établi des centaines d'associations mandataires au Canada, bon nombre d'entre elles étant des coquilles vides, pour s'immiscer dans les sphères politiques, sociales et culturelles de notre pays et obtenir l'accès à nos élus dans le but de les influencer.
Voici quatre exemples de cette stratégie du Front uni menée par les consulats chinois et leurs mandataires.
Les Chinois ont tenu des conférences de presse pour plaider au sein de la communauté en faveur de la libération de Meng Wanzhou et ont, dans une manœuvre plus maladroite, embauché des protagonistes n'étant pas d'origine ethnique chinoise pour participer à des manifestations en vue de montrer le soutien général de la population pour leur cause. Ils ont obligé des étudiants internationaux chinois à manifester contre des ralliements pro-Hong Kong en les menaçant de ne pas leur verser leur bourse d'études du gouvernement ou de s'en prendre à leur famille s'ils n'obéissaient pas. Ils ont noué des liens avec le maire d'une collectivité rurale de la Colombie-Britannique pendant des années afin d'obtenir une citation de sa part louant la réponse chinoise à la crise de la COVID-19 sur Twitter, le tout dans le but de redorer le blason de la Chine dans sa lutte contre le virus. Enfin, ils ont intégré à un conseil scolaire ontarien le Confucius Institute — l'équivalent d'une agence d'espionnage selon le Service canadien du renseignement de sécurité — en tenant une réception pour son président au Grand Hall du peuple de Pékin, un lieu normalement réservé aux chefs d'État.
Ce travail systématique et continu pour exercer une influence au sein de notre société civile se poursuit depuis 30 ans dans le cadre des efforts déployés par la Chine pour influer sur nos politiques et nos élus. Voici ce que nous recommandons pour freiner ses efforts. Premièrement, il faut faire preuve de vigilance pour contrer les cyberattaques et les vols de propriété intellectuelle dont sont victimes nos entreprises et nos instituts de recherche. Deuxièmement, il nous faut procéder à un examen critique de la mainmise chinoise sur nos entreprises dans des industries stratégiques comme l'exploitation minière et les ressources énergétiques, de même qu'au sein d'institutions essentielles à notre sécurité nationale, comme nos infrastructures et nos centres d'hébergement et de soins. Troisièmement, il convient de favoriser la mise en place d'un service téléphonique national, tel que préconisé par Amnistie internationale, pour coordonner et encourager le signalement des cas de harcèlement et d'intimidation de nos propres citoyens par la Chine. Quatrièmement, nous devrions établir un processus plus rigoureux pour assurer que nos élus, anciens et actuels, soient transparents dans leurs relations avec la Chine de manière à atténuer et à contrer toute influence étrangère sur nos affaires internes. Cinquièmement, nous recommandons de travailler en coordination avec nos alliés en appuyant ceux qui demandent la création d'un poste de rapporteur spécial des Nations Unies pour Hong Kong. Sixièmement, il importe d'appliquer les dispositions de la loi Magnitsky pour sévir contre les dirigeants de Hong Kong et de la Chine qui sont responsables des violations des droits de la personne.
J'aimerais traiter en terminant d'un point qui n'est pas dans mon mémoire écrit. Je veux vous parler d'une nouvelle publiée hier concernant l'octroi récent d'un contrat d'Affaires mondiales Canada à une entreprise chinoise pour l'installation et l'entretien d'appareils de détection à rayons X dans nos ambassades partout sur la planète. Non seulement y avait-il deux entreprises canadiennes qui ont soumis des propositions à moindre coût, mais la société chinoise retenue, Nuctech, est sous le coup d'une mesure tarifaire que lui a imposée l'Union européenne pour une période de cinq ans parce qu'elle est soupçonnée d'avoir fait du dumping et d'avoir des pratiques dont l'honnêteté pourrait être mise en doute. Récemment, cette même entreprise s'est fait prendre pour avoir utilisé un stratagème dans le but de piéger un dirigeant taïwanais de telle sorte qu'il achète ses appareils.
Je vais maintenant céder la parole à ma collègue, Avvy Go.
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Merci beaucoup, monsieur le président, de nous accueillir cet après-midi.
Comme cela a déjà été mentionné, en plus d'être membre du conseil d'administration de notre association, je suis avocate et directrice de la Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, une clinique offrant gratuitement des services juridiques à des clients à faible revenu, y compris de nombreux réfugiés en provenance de la Chine.
Nous sommes actuellement tous témoins des mesures énergiques de répression contre les militants prodémocratie à Hong Kong. L'arrestation de Jimmy Lai confirme que tous ceux qui dénoncent le régime dictatorial de la Chine vont en subir les conséquences, peu importe leur renommée ou leur fortune.
Comme plus de 300 000 Canadiens vivent à Hong Kong et plusieurs centaines de milliers d'autres d'origine hongkongaise vivent au Canada, notre gouvernement a non seulement le devoir moral d'intervenir, mais aussi l'obligation légale de protéger nos concitoyens et leurs proches qui sont à Hong Kong.
Depuis la Deuxième Guerre mondiale, il est arrivé à maintes reprises que le Canada accorde le statut de réfugié à des groupes considérables de personnes fuyant la persécution politique et la guerre civile.
Pendant que l'on étouffe le flambeau de la démocratie, Hong Kong brûle. Nous ne serons peut-être pas capables d'éteindre l'incendie qui fait rage, mais nous devons tout mettre en œuvre pour limiter les dommages causés et sauver autant de vies que possible.
Pour ce faire, nous exhortons le Canada à prendre les mesures suivantes.
Premièrement, le Canada devrait accélérer le traitement des demandes de parrainage familial présentées par des Canadiens pour leurs proches vivant à Hong Kong, y compris le parrainage du conjoint et celui des parents et des grands-parents. Le Canada devrait également élargir le cadre du Programme de la catégorie de la famille de manière à faciliter la réunification de Canadiens avec leurs proches à Hong Kong.
Deuxièmement, le Canada devrait, dès que l'interdiction de voyager sera levée, délivrer un plus grand nombre de permis de séjour temporaires ou de visas de travail à des Hongkongais, ainsi que de visas d'étudiant pour les jeunes qui veulent poursuivre leurs études dans un environnement sûr.
Troisièmement, nous devrions créer un programme spécial permettant d'accorder le statut de résident permanent aux militants hongkongais engagés dans le mouvement prodémocratie qui sont déjà au Canada, sur le modèle du programme spécial créé pour les milliers de ressortissants chinois présents au Canada après le massacre de la place Tiananmen en 1989.
Enfin, pour les militants qui ont été arrêtés ou qui sont en danger imminent de l'être, nous devrions demander au consulat du Canada à Hong Kong d'émettre des permis de résident temporaire et des documents de voyage afin qu'ils puissent quitter immédiatement Hong Kong en toute sécurité si c'est ce qu'ils décident de faire. À leur arrivée au Canada, nous devrions leur accorder le statut de personne protégée ou de résident permanent.
Il y a des gens à Hong Kong qui se sont insurgés contre un puissant régime autoritaire afin de sauvegarder les valeurs fondamentales de notre démocratie et de notre liberté d'expression. Il nous incombe à tous, Canadiens, de leur offrir un soutien à la hauteur de leur engagement.
Je vous remercie.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Avant de poser mes questions à nos excellents témoins, il y a un ou deux éléments de régie interne dont je voudrais traiter. Je veux d'abord donner préavis à mes collègues du Comité de la motion suivante:
Que le Comité produise un rapport sur la situation à Hong Kong et que celui-ci soit présenté le plus tôt possible après la fin des audiences consacrées à ce sujet.
C'est donc un avis de motion. Je ne vais pas la présenter maintenant. Étant donné l'avis de motion que je viens de vous soumettre et l'autre motion dont nous avons discuté avant d'ajourner le débat, je voudrais aussi vous suggérer, monsieur le président, de prévoir une période de 20 à 30 minutes pour débattre de ces deux motions après l'audition de nos témoins à la fin de notre séance de lundi prochain. Je soumets donc cette proposition à votre considération et à celle de mes collègues du Comité.
Je passe maintenant à mes questions pour nos témoins.
Merci pour vos exposés des plus intéressants. Il vaut la peine de noter que l'on nous recommande sans cesse le recours aux sanctions prévues dans la loi Magnitsky, non seulement pendant les présentes audiences concernant Hong Kong, mais depuis le début de nos travaux. J'ai beaucoup aimé entendre M. Rogers nous dire très clairement que le régime chinois ne réagit pas aux déclarations et aux grands discours, mais seulement à la pression.
Je tiens également à revenir aux commentaires de M. Kwan concernant la société Nuctech. Selon moi, ce dossier revêt une importance telle que nous devrions chercher à savoir comment le gouvernement l'a traité. Étant donné ce que nous découvrons maintenant, tout semble indiquer que c'est une affaire de stupidité bien ancrée, ou encore qu'il y a corruption manifeste ou peut-être un quelconque piège dans lequel quelqu'un serait tombé. La situation est si étrange qu'il est difficile de l'expliquer autrement, et je pense qu'il nous faut vraiment tirer les choses au clair.
Merci, monsieur Kwan, d'avoir porté ce sujet à notre attention.
Je voudrais pour l'instant discuter plus à fond avec Mme Go et M. Rogers des questions liées à l'immigration et à un éventuel programme de sauvetage.
Nous, de l'opposition, réclamons du gouvernement qu'il établisse et présente un plan afin de venir en aide aux Canadiens qui souhaitent quitter Hong Kong. Je crains fort de voir le gouvernement chinois s'en prendre aux Canadiens vivant à Hong Kong. Nos concitoyens canadiens connaissent bien le cas de Michael Kovrig et Michael Spavor. La semaine dernière, un de nos témoins a parlé du risque de voir des « milliers de Michael » être utilisés au détriment du Canada dans le cadre d'une véritable escalade de la diplomatie fondée sur la prise d'otages à grande échelle. Une telle manœuvre s'inscrirait dans les efforts déployés par le gouvernement chinois pour que des citoyens canadiens, tout comme ceux d'autres pays d'ailleurs, et des défenseurs des droits de la personne qui voudraient peut-être demander le statut de réfugié ne puissent pas quitter Hong Kong. Je pense que nous avons déjà vu le gouvernement chinois s'employer à rendre les choses plus difficiles pour les ressortissants britanniques, le tout en réaction aux mesures prises par le gouvernement du Royaume-Uni.
Je veux donc peut-être adresser ma première question à M. Rogers. Quels efforts pouvons-nous voir le gouvernement chinois déployer pour empêcher les ressortissants étrangers de quitter Hong Kong, et quelles interventions le Canada devrait-il planifier pour pouvoir assurer la sécurité de nos citoyens en pareil cas?
Je crois vraiment que la police allait à la pêche en perquisitionnant la salle de rédaction. J'ai appris que l'on fonctionnait en s'appuyant sur des cas précis. Le cas qui est à l'origine de bon nombre des arrestations jusqu'à maintenant a tout lieu de préoccuper le Canada et les États-Unis du fait qu'il met en cause des gens qui ont formé des organisations à l'étranger pour appuyer Hong Kong.
L'une de ces organisations a pour nom Stand with Hong Kong. Il y a aussi le Hong Kong Democracy Council. Je crois d'ailleurs que vous allez accueillir un représentant de ce dernier groupe qui est déjà visé par un mandat d'arrestation parce qu'il fait pour ainsi dire du lobbying auprès de son propre Congrès, le Congrès américain. Samuel Chu est en effet un citoyen américain dont le travail au sein du Hong Kong Democracy Council consistait essentiellement à faire du lobbying auprès du Congrès en faveur de la loi sur les droits de la personne et la démocratie de Hong Kong.
Les échanges que nous avons au cours de la présente audience pourraient nous valoir à tous d'être visés par des mandats d'arrêt, car cette loi, qui est de portée mondiale, vise notamment les gouvernements étrangers qui réclament des sanctions contre la Chine ou Hong Kong. Nos questions et réponses d'aujourd'hui pourraient donc être interprétées comme des pressions exercées pour obtenir des sanctions, et il est même possible que nos propos susceptibles de susciter la haine de la Chine nous placent en contravention de cette loi. La présence séance est donc tout à fait dans la mire des autorités.
Je pense que les Chinois s'assurent actuellement de miser sur des cas semblables, si bien que je m'attends à voir de plus en plus de situations où l'on ciblera des gens œuvrant à l'étranger au sein de ces organisations qui réclament des sanctions en plus de s'en prendre à ceux qui témoignent dans le cadre de telles audiences un peu partout dans le monde.
Il semblerait que la police était loin d'être certaine de son coup dans le cas de Jimmy Lai, mais celui-ci était ciblé depuis de nombreuses années parce qu'on le considérait comme un grand pécheur. Apparemment, son seul péché aurait été de fournir supposément des fonds à des organisations qui font du lobbying auprès de gouvernements et de parlements comme le vôtre.
C'est ainsi que des gens qui exercent leurs libertés fondamentales, ne serait-ce qu'en faisant du lobbying auprès de leur propre gouvernement, risquent d'être accusés de crimes graves pouvant leur valoir de trois ans d'incarcération jusqu'à l'emprisonnement à perpétuité. C'est ce qui se passe actuellement.
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Merci infiniment, monsieur le président.
Je remercie nos témoins de leurs témoignages extrêmement éclairants.
Il y aurait tant à dire et tant de questions à poser sur Loi sur l’extradition et sur le fait qu'elle n'a pas été adoptée à Hong Kong. Pour ainsi dire, on a un peu mis cette loi sur la voie d'évitement en adoptant une loi qui avait une portée beaucoup plus importante: la loi sur la sécurité nationale. Son application est extraterritoriale. De plus, les autorités locales ont toute latitude pour déterminer ce qui constitue une infraction à la sécurité nationale. Nous pourrons revenir éventuellement sur le statut de traité de la céclaration commune et sur la démission du directeur des poursuites publiques. Enfin, une foule de questions peuvent être abordées.
J'aimerais poursuivre dans la même lignée de questionnement de M. Genuis sur les départs des militants et la facilitation de ces départs qui pourrait être mise en place par les différentes démocraties occidentales. M. Genuis a abordé évidemment la possibilité que le gouvernement chinois réplique par une politique des otages à grande échelle. On a aussi mentionné la possibilité que le gouvernement chinois veuille prévenir les départs.
Cela dit, j'aimerais revenir sur deux déclarations de M. Rogers qui m'ont paru contradictoires. Pendant sa présentation, il a semblé indiquer que l'accueil des militants devait être une mesure de dernier recours, de telle sorte qu'il puisse demeurer sur place une force suffisamment importante pour continuer à militer en faveur de la démocratie à Hong Kong. En réponse à M. Genuis, il a plutôt dit qu'il fallait faciliter la sortie des militants immédiatement pendant qu'il en était encore temps.
J'aimerais permettre à M. Rogers de préciser sa pensée quant au fait qu'il faille procéder rapidement à l'accueil des militants, ce qui, en contrepartie, risque de laisser le champ libre aux autorités chinoises et de leur permettre de raffermir leur autorité sur Hong Kong.
La réponse à la première question est oui. La loi ne s'applique pas uniquement aux démarches auprès de gouvernements étrangers. Elle peut même viser le soutien offert à des étrangers sous quelque forme que ce soit. Je témoignais récemment à Hong Kong devant le Barreau et j'ai pu indiquer aux membres du panel, dont plusieurs étaient des partisans reconnus de Beijing, qu'ils étaient en fait en pleine collusion avec un étranger et qu'ils allaient se retrouver dans le même bateau que moi si jamais je tenais des propos incitant à la haine contre Hong Kong ou contre la Chine. C'est malheureusement aussi le risque que court votre comité.
Si l'on compare la loi sur la sécurité nationale de la Chine continentale à celle de Hong Kong, c'est étrangement cette dernière qui est d'une certaine manière la pire. En effet, la loi de la Chine continentale ne s'applique en principe aux activités étrangères que dans les cas où ces activités contreviennent aux lois du pays où elles ont cours. En revanche, en vertu de la loi sur la sécurité nationale adoptée à Hong Kong, il importe peu que nos échanges d'aujourd'hui enfreignent ou non une loi canadienne — ou une loi américaine, pour ceux parmi nous qui participons depuis les États-Unis. Cette loi s'appliquera de toute manière. Si nous étions en train de préconiser des sanctions, nous pourrions ainsi être mis en accusation en vertu de cette loi, sans égard au fait que nous exerçons simplement notre liberté d'expression.
Il faut aussi noter qu'il y a de plus en plus de synergies avec le régime continental étant donné tous ces fonctionnaires qui proviennent des services de sécurité publique de l'État chinois. Ils seront, semble-t-il, des centaines à ainsi former en quelque sorte une police secrète dont les propos et les actions sont gardés entièrement confidentiels. On le constate notamment avec les accusations portées contre les gens arrêtés la semaine dernière, car il est impossible de savoir exactement sur quels éléments factuels elles sont fondées. Nous devons nous contenter de rumeurs découlant des questions qui leur ont été posées lors de leur interrogatoire.
Ce secret et cette idée que les dirigeants sont au-dessus des lois, et que peu importe le traitement qui vous est réservé... Je ne l'ai pas mentionné, faute de temps, mais la nouvelle loi en vigueur à Hong Kong permet aux responsables de la sécurité de la Chine continentale d'y amener les prévenus pour les faire comparaître. Ainsi, un Hongkongais ou un étranger se trouvant à être à Hong Kong, et notamment un Canadien, qui est arrêté en vertu de cette loi peut-être amené en Chine par les autorités continentales si bon leur semble. C'est d'ailleurs bien sûr la raison pour laquelle le Canada a suspendu l'application du traité d'extradition.
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Je tiens à souligner que pour tous les rassemblements pacifiques en faveur de Hong Kong, il y a eu des contre-manifestations, probablement organisées par les consulats de Chine, et aussi par un grand nombre d'étudiants internationaux ou même de résidents canadiens — ce qu'on appelle « des étudiants au volant de Ferrari ». Ces gens tentent de semer la violence dans les rassemblements en faveur de Hong Kong. D'autres groupes ayant témoigné avant moi vous en ont peut-être parlé. C'est un problème persistant.
C'est pour cette raison que mon témoignage aujourd'hui porte strictement sur les mesures que nous pouvons prendre au Canada. Nous pouvons dire tout ce que nous voulons sur les façons de venir en aide à Hong Kong, mais nous nous heurterons à un mur de pierre érigé par la Chine. Pour avancer de manière proactive, le Canada doit protéger ses citoyens.
Je vous remercie d'avoir soulevé la question, car Amnistie internationale, en collaboration avec un grand nombre d'organisations comme la nôtre, a publié un rapport sur le harcèlement. Le gouvernement et les consulats de Chine harcèlent ouvertement les personnes comme moi.
Je vais dire une dernière chose. Je travaille dans le domaine des droits de la personne depuis 30 ans. Je ne pense pas passer par Hong Kong de sitôt, ni même me rendre dans un pays ayant signé un traité d'extradition avec la Chine. Je ne voyagerai pas non plus à bord d'un avion de Cathay Pacific parce que la Chine a déclaré que, Cathay Pacific étant un transporteur aérien hongkongais, enregistré à Hong Kong, la Chine a le droit de m'enlever et de me ramener en Chine pour m'y faire subir un procès ou quoi que ce soit.
Je vais vous donner deux exemples célèbres survenus il y a quelques années. Des employés de la librairie hongkongaise Causeway Bay Books, un citoyen suédois et un citoyen britannique, ont été enlevés et ont disparu à Hong Kong. Pendant des mois, personne ne savait où ils se trouvaient. Je trouve cet incident extrêmement préoccupant pour les Canadiens.
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Je vais vous donner un exemple. Un article est paru il y a quelques semaines dans Bloomberg au sujet de l'évolution qui a mené Huawei à sa situation actuelle. L'entreprise a volé de la technologie à Nortel au moyen d'information divulguée par 20 personnes, intentionnellement ou non. Elle a aussi acheté le reste des brevets de Nortel sur le marché à un prix très bas. Tout cela est arrivé parce qu'à l'époque, en 2008, notre gouvernement a refusé de financer Nortel. Nortel est donc devenue une cible de choix pour les entreprises étrangères rapaces.
Imaginez ce qui serait arrivé si la Chine avait acheté Nortel et l'avait rebâtie de sorte qu'elle redevienne une grande entreprise canadienne. Elle appartiendrait à la Chine, et nous savons tous ce que cela signifie: en tant qu'entreprise chinoise, elle serait obligée de participer à toutes les activités d'espionnage menées par Pékin.
Je vous donne un deuxième exemple, dans le domaine des droits de la personne cette fois-ci: l'affaire célèbre de Nexen, en Alberta. Une société pétrolière chinoise a pris le contrôle de cette entreprise. On s'inquiétait alors que les nouveaux propriétaires importeraient de la main-d'œuvre peu coûteuse, qu'ils porteraient gravement atteinte aux droits dont jouissent les travailleurs au Canada et qu'ils feraient du dumping. Autrement dit, les entreprises chinoises peuvent extraire des minéraux et du pétrole au Canada et les vendre non pas au prix du marché, mais au prix où elles décident de les vendre à Pékin.
Les intérêts en jeu touchent l'économie et la sécurité nationale.
Enfin, je tiens à mentionner les foyers de soins infirmiers. Le lien avec la sécurité nationale vous surprendra sans doute, mais Anbang, le plus grand assureur de la Chine, a pris le contrôle des foyers de soins infirmiers de la Colombie-Britannique. Cela a engendré de nombreux problèmes; par exemple, le personnel est sous-payé et les résidents sont maltraités. De plus, Anbang fait actuellement l'objet d'une enquête pour corruption effectuée par la Chine. Ensemble, tous ces facteurs ont mené à l'échec de... Je ne sais pas ce qui se passe aujourd'hui avec Anbang et les foyers de soins infirmiers, mais je crois que le gouvernement de la Colombie-Britannique a repris la gestion des foyers.
Pour la Chine, ce ne sont que des affaires insignifiantes, alors que de notre côté, il en va de notre sécurité.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
Je voudrais tout d'abord remercier toutes les personnes ici présentes qui sont venues témoigner.
Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Go, étant donné que vous êtes établie ici, au Canada. La loi sur la sécurité nationale, qui est maintenant adoptée, a une portée extraterritoriale. Cette semaine, et avant cela également, plusieurs personnes sont venues témoigner, comme vous, et la plupart d'entre elles prônaient la démocratie.
D'après vous, ces personnes sont-elles bien protégées par le Canada? Vous nous avez parlé de cyberintimidation, et nous savons que les gens font face à d'autres situations également. À votre avis, les mesures mises en vigueur par la Gendarmerie royale du Canada, la GRC, ou par le Service canadien du renseignement de sécurité, le SCRS, sont-elles suffisantes?
Comment pouvons-nous protéger la liberté, qui nous est si chère, au Canada, contre l'influence et l'ingérence de la Chine?
J'ai quelques observations d'ordre organisationnel à faire avant de poursuivre. J'aimerais présenter quelques consignes à titre d'information pour nos nouveaux témoins.
Avant de commencer à parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en disant votre nom.
Lorsque vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Cela dit, durant la période de questions, je demanderais aux députés de préciser à qui leurs questions s'adressent. À ce moment-là, vous n'avez pas besoin d'attendre que je vous donne la parole en disant votre nom.
L'interprétation de la vidéoconférence se fera comme lors des réunions de comités habituelles. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français.
Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que celui-ci corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. En outre, l'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir notre deuxième groupe de témoins.
Se joignent à nous Mme Annie Boyajian, directrice du plaidoyer, Freedom House; M. Samuel M. Chu, fondateur et directeur général, Hong Kong Democracy Council; et M. Jerome A. Cohen, professeur et directeur de faculté émérite, U.S.-Asia Law Institute, New York University School of Law.
Chaque témoin disposera de 10 minutes pour faire un exposé au nom de son organisation. Les exposés seront suivis d'une période de questions des membres du Comité.
Nous allons commencer par Mme Boyajian, de Freedom House. La parole est à vous.
C'est un honneur pour moi de participer à la séance d'aujourd'hui. Je vous remercie de l'attention que vous portez à la question importante de la détérioration de la liberté à Hong Kong.
Je suis directrice du plaidoyer chez Freedom House, un organisme de surveillance indépendant qui se consacre à l'expansion de la liberté et de la démocratie dans le monde entier. Nous effectuons des recherches et des analyses sur l'état des droits politiques et des libertés civiles; nous prenons position sur des enjeux importants liés à la démocratie; et nous menons des programmes internationaux visant à renforcer les institutions démocratiques et les capacités de la société civile.
Le travail que nous faisons sur les enjeux liés à la Chine comprend: surveiller la situation relative aux droits et aux libertés et en rendre compte dans nos publications annuelles; réaliser des rapports spéciaux sur Hong Kong, sur l'influence médiatique de Pékin à l'échelle mondiale et sur l'oppression de groupes religieux en Chine; ainsi que prendre position sur tous ces enjeux, y compris en soutenant énergiquement l'imposition de sanctions aux responsables du gouvernement impliqués dans des violations des droits à Hong Kong et en Chine continentale.
Comme vous le savez peut-être, à cause de ce travail, Pékin a ajouté Freedom House à une liste d'organisations sanctionnées en décembre dernier. Cela ne nous a pas fait reculer; au contraire, nous avons continué à centrer nos efforts sur la détérioration rapide des droits à Hong Kong. C'est pour cette raison que le président de Freedom House, Mike Abramowitz, s'est retrouvé parmi les 11 Américains sanctionnés cette semaine par le Parti communiste chinois, à cause de « mauvais comportements » liés à Hong Kong. Les inconvénients subis par le personnel de Freedom House à cause des sanctions paraissent dérisoires comparativement aux sacrifices faits par les gens de Hong Kong et de la Chine continentale qui cherchent à protéger et à promouvoir les droits et libertés. C'est un honneur pour nous de faire cause commune avec eux.
Au cours des 10 dernières années, Freedom House a enregistré une détérioration des conditions liées à la démocratie et aux droits de la personne à Hong Kong, de pair avec une augmentation de l'ingérence du gouvernement chinois. Cette détérioration est causée par l'intensification de la répression dans l'ensemble de la Chine, elle-même attribuable au redoublement des efforts de Xi Jinping d'exercer un contrôle au pays et à l'étranger. Jamais nous n'avons attribué une si mauvaise note à la Chine continentale et à Hong Kong dans notre bilan de la liberté dans le monde.
Comme vous le savez, le cadre « un pays, deux systèmes » qui a été mis en place avant la rétrocession de 1997 devait garantir l'autonomie de Hong Kong et la protection des droits jusqu'en 2047. Évidemment, dans les faits, ce n'est pas ce qui est arrivé: le PCC a commencé à resserrer le contrôle à Hong Kong bien avant 2047. Le mouvement de protestation actuel — qui, je tiens à le souligner, a été lancé strictement par la population de Hong Kong et est dirigé entièrement par des citoyens — est né en mars dernier, et il est plus grand et plus intense que les manifestations prodémocratie du passé. Les manifestants ont subi de la violence aux mains de la police et des fiers-à-bras du régime de Pékin. Certains rapportent des cas de mauvais traitement et de détention, y compris de la violence sexuelle, et de nombreuses craintes ont été soulevées au sujet de présumés suicides inexpliqués de manifestants.
Se voyant incapable de réprimer l'agitation croissante et justifiée qui secoue Hong Kong, Pékin a de fait mis un terme au modèle « un pays, deux systèmes » en imposant sa nouvelle loi radicale sur la sécurité nationale. Comme vous le savez, cette loi criminalise l'opposition par quiconque, n'importe où dans le monde. Depuis que la loi est entrée en vigueur le 30 juin, nous voyons Hong Kong se transformer en État autoritaire à une vitesse fulgurante.
Pourquoi la population canadienne devrait-elle se préoccuper de la répression à Hong Kong, surtout avec tout ce qui se passe dans le monde? D'abord, il y a les raisons liées à l'économie et à la sécurité. Quelque 300 000 Canadiens vivent à Hong Kong. De plus, Hong Kong est le troisième marché d'exportation de services du Canada, et le treizième marché d'exportation de marchandises. En 2017, la valeur de ces deux marchés a totalisé 5,1 milliards de dollars.
Or, l'argument le plus convaincant pour la population est sans doute le fait que la répression exercée par le PCC à Hong Kong a un effet direct sur ce que les gens peuvent faire dans leur vie quotidienne, même au Canada. Bien sûr, les Canadiens résidant à Hong Kong courent le risque de se faire arrêter. Ils peuvent être victimes d'arrestations non seulement pour des enjeux liés à la loi sur la sécurité nationale, mais aussi pour des motifs politiques, comme c'est arrivé en Chine continentale. Vous êtes évidemment bien au courant des cas de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Une affaire peut-être un peu moins connue est celle de Sun Qian, une citoyenne canadienne qui vient d'être condamnée à huit ans de prison à Pékin pour avoir pratiqué le Falun Gong. Ce type d'arrestation pourrait maintenant se produire à Hong Kong.
Par ailleurs, la répression exercée à Hong Kong menace aussi directement les gens qui vivent au Canada. C'est bien connu que le PCC cible les dissidents et les détracteurs vivant à l'étranger. Comme vous l'avez entendu mardi, la Coalition canadienne pour les droits de la personne en Chine et Amnistie internationale Canada ont publié un excellent rapport sur le harcèlement et l'intimidation auxquels sont confrontées les personnes au Canada qui travaillent sur les enjeux des droits de la personne en Chine. D'après le rapport, les militants de partout au Canada sont de plus en plus victimes de menaces, d'intimidation et de harcèlement en raison de leur travail sur les droits de la personne en Chine. Le rapport souligne également que nombre des incidents se produisent sur des campus et dans des écoles secondaires. Des tactiques semblables sont utilisées aux États-Unis.
La loi sur la sécurité nationale de Hong Kong accroît les risques liés à l'intimidation et à la surveillance. Elle criminalise l'incitation à la haine envers les gouvernements de la Chine et de Hong Kong, ainsi que la collusion avec les puissances étrangères. Toute personne reconnue coupable d'incitation à la subversion du pouvoir de l'État ou à la sécession risque la prison à perpétuité. La loi s'applique même aux gestes posés à l'extérieur de Hong Kong par des personnes qui ne sont même pas résidents permanents de la région, ce qui signifie que quiconque au Canada s'élève contre la répression à Hong Kong est passible d'arrestation.
C'est exactement la situation dans laquelle se trouve Samuel Chu, un citoyen américain. Il prendra la parole après moi; je vais donc le laisser raconter lui-même son histoire. Le fait qu'un citoyen américain fait l'objet d'un mandat d'arrestation à Hong Kong pour son militantisme aux États-Unis montre à quel point le PCC s'efforce de renforcer la répression.
On rapporte aussi que les autorités hongkongaises sont à la recherche de l'assistant américain de Jimmy Lai, Mark Simon. M. Chu et M. Simon risquent tous les deux de se faire arrêter et de passer des dizaines d'années derrière les barreaux s'il se rendent dans un pays susceptible de les extrader en Chine continentale ou à Hong Kong.
La répression à Hong Kong a également des répercussions sur les renseignements auxquels la population a accès, sur les produits et les services qu'elle achète, ainsi que sur les nouvelles et les divertissements qu'elle consomme. En effet, de nombreux savants et politiciens de Hong Kong constituent des sources importantes de renseignements pour les décideurs et les universitaires de partout dans le monde, et ce, par rapport à la situation non seulement à Hong Kong, mais aussi en Chine continentale et ailleurs en Asie. Or, nous n'avons plus accès à nombre de ces voix. Au cours des dernières semaines, des universitaires, des activistes, des journalistes et des candidats politiques importants se sont fait arrêter. La peur en a réduit d'autres au silence. De plus, des groupes politiques et des coalitions de défense des droits se sont dissous; ils ont effacé leurs comptes de médias sociaux et ils ont changé leurs numéros de téléphone et leurs adresses électroniques. Nous ne savons pas encore quels seront les effets à long terme d'une telle perte de renseignements essentiels, mais ils seront considérables.
Hong Kong est aussi devenu la nouvelle ligne rouge du PCC pour les sociétés internationales, qui se sentent contraintes de censurer leurs propres produits et communications. Air Canada, la Banque Royale et des multinationales canadiennes comme Apple, Amazon et Siemens ont toutes été accusées par le PCC d'avoir inscrit incorrectement Hong Kong, Macao et Taïwan sur leurs sites Web, et elles ont subi de fortes pressions d'apporter les modifications pertinentes à leurs sites Web.
En octobre 2019, la National Basketball Association s'est retrouvée sur la sellette lorsque le directeur gérant des Rockets de Houston, Daryl Morey, a écrit sur Twitter: « Luttez pour la liberté. Soutenez Hong Kong. » Les hauts dirigeants chinois ont exprimé leur indignation. La Chinese Basketball Association a coupé les liens avec l'équipe des Rockets, et la télévision d'État de Chine a cessé de diffuser ses matchs. Rapidement, la NBA et divers joueurs ont présenté des excuses et se sont distanciés du message, ce qui leur a valu des critiques de la part de groupes comme le nôtre, qui s'opposaient au refus de la NBA de défendre la liberté d'expression. Des centaines de manifestants se sont présentés aux matchs de la NBA. Entre autres, lors du premier match des Raptors de Toronto, environ 300 personnes portaient des tee-shirts arborant le message « Soutenez Hong Kong ». Ailleurs, des manifestants prodémocratie ont été expulsés durant des matchs ou se sont vus confisquer des affiches arborant des slogans inoffensifs tels que « Tapez 'Ouïgours' dans Google ».
Les médias canadiens ont aussi subi les effets de la répression à Hong Kong et en Chine continentale. Au cours des 10 dernières années, des hauts dirigeants du PCC ont présidé à l'intensification des efforts visant à influencer le débat public et la couverture médiatique partout dans le monde, y compris en faisant pression sur les salles de presse pour qu'elles censurent le contenu défavorable au régime. En 2016 et 2017, deux journalistes de la Global Chinese Press, un journal canadien, ont été congédiés après avoir publié du contenu qui déplaisait à Pékin.
La répression exercée par le CPP se fait sentir jusque dans les salons du Canada, par l'intermédiaire de la télévision d'État de Chine. Malgré une décision prise en 2006 par le CRTC selon laquelle CCTV-4 peut continuer à diffuser au Canada seulement à condition de respecter les règles sur la télédiffusion, les services CCTV-4 et CGTN ont tous deux diffusé de faux renseignements sur les manifestations à Hong Kong, sur la détention des Ouïgours et sur 30 confessions forcées. Quiconque au Canada écoute ces chaînes a accès aux faux renseignements qu'elles diffusent.
L'équipe de Freedom House entend souvent dire que la répression à Hong Kong a beau être terrible, elle ne touche pas les gens d'ici. Or, c'est tout simplement faux. La répression faite par le CPP influence déjà les propos que nous pouvons tenir, les endroits où nous pouvons voyager, les produits que nous achetons et même les nouvelles que nous lisons. C'est déjà consternant que le PCC viole couramment les lois de la Chine et les engagements internationaux en bafouant les droits de la population de la Chine continentale et de Hong Kong; nous ne devrions certainement pas laisser le régime faire de même au Canada.
Je serai ravie de présenter des recommandations précises durant la période de questions. Merci.
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Monsieur le président, mesdames et messieurs, je vous remercie de m'accueillir.
Je suis le directeur général du Hong Kong Democracy Council, le HKDC, qui est basé à Washington D.C. Il s'agit du premier organisme basé aux États-Unis qui défend l'autonomie et les libertés fondamentales de Hong Kong qui est dirigé par des citoyens américains. Notre mission consiste à influencer la politique américaine à l'égard Hong Kong et la Chine.
Je tiens à le préciser d'emblée. En me réveillant le lendemain du 30 juillet, j'ai vu que les médias rapportaient que j'étais maintenant un criminel recherché, ou du moins un fugitif recherché. Les médias chinois ont révélé, le 30 juillet, que les autorités et la police de Hong Kong avaient lancé des mandats d'arrestation contre six militants prodémocratie qui font la promotion de la démocratie à Hong Kong, mais qui sont présentement à l'étranger. Je suis l'un de ces six militants, et les accusations portent sur l'incitation à la sécession et la collusion avec des puissances étrangères. Cela fait partie de la loi sur la sécurité nationale qui a été concoctée en secret par Pékin, puis mise en œuvre le 1er juillet et appliquée en même temps qu'elle a été rendue publique. Les deux crimes dont on m'accuse sont punissables d'une peine d'emprisonnement à perpétuité.
Ma situation est différente de celle des autres personnes qui sont sur la liste et d'autres qui ont été victimes de harcèlement et d'arrestations à Hong Kong depuis la mise en application de la loi. Je suis citoyen américain depuis 25 ans. J'ai quitté Hong Kong et je suis arrivé à Los Angeles, en Californie, en 1990. Toutefois, l'article 38 de la loi sur la sécurité nationale stipule ce qui suit:
La présente loi s'applique aux infractions à la présente loi commises contre la Région administrative spéciale de Hong Kong depuis l'extérieur de la Région par une personne qui n'est pas un résident permanent de la Région.
Autrement dit, chaque disposition de la loi sur la sécurité nationale s'applique à toute personne qui se trouve à l'extérieur de Hong Kong. Personne n'échappe à la loi, ni moi, un citoyen américain qui vit aux États-Unis, ni les 85 000 Américains qui vivent et travaillent à Hong Kong, ni les 200 000 à 250 000 citoyens canadiens qui vivent et travaillent à Hong Kong.
Mon statut surprenant de fugitif international illustre la menace imminente qui pèse sur la liberté et la libre expression, non seulement pour les militants prodémocratie de Hong Kong, mais également maintenant non seulement pour les gens qui vivent en sol américain, mais aussi pour ceux qui vivent en sol canadien, comme nous l'avons signalé au cours de la dernière année.
Depuis la mise en œuvre de la loi sur la sécurité nationale, nous avons déjà pu voir les répercussions directes qu'elle a sur la répression à Hong Kong, surtout en ce qui concerne les libertés d'expression, de presse, de réunion et de manifestation. La première personne qui a été arrêtée en vertu de la loi sur la sécurité nationale à Hong Kong était une jeune personne portant un t-shirt sur lequel il était inscrit « Libérez Hong Kong ». Les autorités ont également pris pour cible une personne de 19 ans qui manifestait et dont le crime était qu'il y avait, au dos de son téléphone, un autocollant qui contenait simplement le mot « conscience » écrit en chinois.
Dans les jours qui ont suivi, le gouvernement a disqualifié 12 candidats prodémocratie des élections du Conseil législatif de Hong Kong, que le gouvernement a finalement reportées d'un an. Benny Tai, un professeur, qui a été cofondateur, avec mon père, du mouvement des parapluies en 2014, a été démis de ses fonctions de professeur permanent à l'Université de Hong Kong. Quatre jeunes manifestants ont été arrêtés pour avoir publié en ligne des informations qui, aux dires du gouvernement, incitaient à la sécession. Il est maintenant interdit d'utiliser des slogans et de chanter l'hymne des manifestants intitulé Gloire à Hong Kong dans toutes les écoles.
Comme l'a souligné Mme Boyajian, les Américains, les Canadiens et les habitants des pays occidentaux ont suivi de loin, à distance, les attaques contre les libertés fondamentales, grâce aux médias sociaux et à nos manifestations et nos rassemblements de solidarité. Mais maintenant, comme mon expérience l'a montré, il n'est pas nécessaire d'être à Hong Kong pour avoir des ennuis avec le régime chinois et le gouvernement de Hong Kong. Le simple fait de publier quelque chose sur Twitter ou de publier le gazouillis d'une autre personne peut faire en sorte qu'on se retrouve avec un mandat d'arrestation et une peine d'emprisonnement.
Le libellé de l'article 38 peut sembler très bizarre, peu pratique et inapplicable. Ses effets ne se limitent pas à ce qui s'applique ou non sur le plan légal, mais il est conçu pour créer un effet paralysant qui, essentiellement, menace et tente d'impliquer toute personne qui non seulement se porte directement à la défense de Hong Kong, mais qui a également des liens avec les gens qui dénoncent la situation à Hong Kong.
Dans mon cas, par exemple, je ne peux plus me rendre à Hong Kong ou dans tout autre pays qui a conclu un traité d'extradition avec Hong Kong ou la Chine, ou encore dans tout pays qui a des relations amicales avec la Chine, sans risquer d'être arrêté et d'être presque certainement extradé vers le continent. Je ne peux pas parler à mes parents âgés, à Hong Kong, sans qu'ils fassent l'objet d'enquêtes et subissent des fouilles de la police. Même toute personne qui est en contact avec moi ici et qui n'est pas à Hong Kong pourrait être mise sur la liste noire du gouvernement chinois ou des intérêts financiers soutenus par la Chine, dont l'influence est vaste, s'étendant de Hollywood à la NBA, en passant par Apple et Zoom, que nous utilisons en ce moment pour cette réunion.
Je pourrais être le premier à être visé en tant que citoyen étranger en vertu de la loi sur la sécurité nationale, mais je ne serai pas le dernier, car si je peux être une cible, alors quiconque parle au nom de Hong Kong et s'exprime contre le Parti communiste chinois peut également être visée.
Comme je l'ai dit dans mon introduction, je suis un défenseur de la démocratie de deuxième génération. Il y a seulement 18 mois environ, j'étais à Hong Kong pour assister au procès de mon père, le révérend Chu Yiu Ming, qui a été arrêté puis inculpé pour son rôle dans « l'incitation aux manifestations du mouvement des parapluies en 2014 ». Il a été reconnu coupable, avec huit autres personnes, des accusations portées contre lui. Il a été condamné à deux ans et, heureusement, en raison de son âge et de ses problèmes de santé, sa peine a été suspendue. C'est ce qui se produit et la situation continuera à s'aggraver plus rapidement et plus généralement.
Mon père a soutenu le mouvement étudiant sur la place Tienanmen, en 1989, et il a contribué à la construction du chemin de fer clandestin qui faisait passer des dissidents de Chine vers des pays occidentaux. J'ai été renvoyé en raison des risques que comportaient la mise en place de ces opérations et le fait de faire partie de ce mouvement.
Cette répression sévit tous les jours depuis le 4 juin 1989. Elle se répand rapidement à Hong Kong depuis le 1er juillet. Il y a deux semaines, elle s'est étendue au sol américain et sévira bientôt, et c'est déjà le cas, sur le sol canadien.
Les droits de la personne n'étaient peut-être pas une priorité dans la politique américaine à l'égard de la Chine il y a un an, mais vous pouvez être assurés que les droits de la personne, ainsi que le contrôle et la violation de ces droits, sont la priorité absolue du régime chinois. Je le dis parce qu'autrement, ils perdront le contrôle de leur gouvernement et les mesures de contrôle qu'ils s'efforcent si durement de mettre en œuvre, non seulement sur le continent, au Xinjiang et au Tibet, mais aussi à Hong Kong, à Macao, à Taïwan et maintenant dans les pays occidentaux.
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole aujourd'hui.
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Nous venons d'entendre deux excellents exposés. Permettez-moi d'essayer d'ajouter des éléments à ce qui a été dit.
J'ignore ce que vous ont dit les trois témoins du premier groupe que vous avez accueilli ce matin, mais il me semble qu'on vous a probablement déjà présenté cinq déclarations préliminaires de grande qualité.
Je tiens à souligner qu'en tant qu'un des trois témoins du groupe de cet après-midi, je représente des organisations qui n'ont pas encore été punies par la loi sur la sécurité nationale, mais je suppose qu'il y a de bonnes chances que cela se produise.
Dans le passé, j'ai été heureux de collaborer avec Freedom House et avec le nouveau Hong Kong Democracy Council. Je peux peut-être m'appuyer sur mon âge avancé, comme le père de M. Chu, pour me défendre contre une peine d'emprisonnement, mais je ne peux rien garantir pour ce qui est de la condamnation.
Permettez-moi de mettre les choses en contexte. Je suis allé à Hong Kong pour la première fois en 1961. J'y ai vécu en 1962 et en 1963. J'y suis souvent allé. J'y ai vécu à nouveau au début de l'année 1979. J'ai vu les liens entre Hong Kong et la Chine se développer au fil des ans. Au départ, dans les années 1960, au début de la décennie, Hong Kong était une colonie britannique classique. Il est certain qu'elle était contrôlée par les autorités coloniales, y compris le service spécial de la police, et qu'il n'y avait pas de libertés démocratiques conventionnelles. Les gens ne pouvaient pas élire leur propre gouvernement.
Or, Hong Kong, malgré les graves problèmes sociaux et économiques qu'elle avait à l'époque — qui découlaient en grande partie de ce qui se passait en Chine, notamment la famine de dizaines de millions de personnes au pays à la fin des années 1950, à la suite de l'échec du Grand bond en avant et de la répression politique qui a recommencé en 1957 et en 1958 dans le cadre du mouvement dit « anti-droitiste » —, a accueilli de nombreuses personnes à ses portes. En avril et mai 1962, 60 000 personnes ont franchi la frontière de la province de Guangdong vers Hong Kong avant que les Britanniques ne soient finalement obligés de la fermer, car des centaines de milliers de personnes auraient attendu de l'autre côté.
Hong Kong avait alors d'énormes problèmes, mais c'était, pour l'essentiel, une société libre. En effet, je pouvais dire ce que je voulais. Les Britanniques pensaient que mon étude de la Chine depuis une base à Hong Kong semblait indiquer que j'étais peut-être un agent de la CIA ou autre chose, mais ils étaient très discrets. Personne n'a jamais essayé de m'empêcher d'y créer un institut de recherche. Je pouvais dire ce que je voulais, et les autres pouvaient dire ce qu'ils voulaient. Hong Kong n'était donc pas un bastion de la démocratie libérale, mais elle était quand même une société libérale qui avait beaucoup de problèmes à ce moment-là.
Bien sûr, à la suite de la Révolution culturelle, en Chine, à la fin des années 1960, Hong Kong a traversé une période de bouleversements terrible. La police a dû être très active et, dans l'ensemble, elle a bénéficié du soutien populaire. C'est un élément qu'il est très important de comprendre — la police avait le soutien de la population.
Lorsque je suis retourné vivre à Hong Kong au début de l'année 1979, c'était un endroit différent. Deng Xiaoping avait amené la Chine ailleurs. Il avait donné de l'espoir aux habitants de la Chine et de Hong Kong. Par conséquent, les années 1980 ont été une période dynamique, remplie d'optimisme et de plus en plus prospère à Hong Kong. L'année 1984 a été marquée par la déclaration conjointe signée par le Royaume-Uni et la Chine pour la future rétrocession de Hong Kong en 1997.
Cependant, tout a changé, comme les remarques de M. Chu nous le rappellent, avec le terrible massacre qui a été commis près de la place Tiananmen le 4 juin 1989 et d'autres mesures de répression qui ont été prises partout en Chine. Il était donc plus important d'essayer d'adapter la loi fondamentale qui devait voir le jour l'année suivante. De plus, il y avait une nouvelle crainte dans la population hongkongaise, et la nouvelle loi n'a eu qu'un effet limité. Or, lorsque Chris Patten est devenu le dernier gouverneur du régime colonial de Hong Kong, il a passé cinq ans à essayer de préparer Hong Kong en garantissant à la population de plus grandes libertés politiques et la protection des droits de la personne, à l'encontre des forces pro-Pékin à Hong Kong et du gouvernement de la République populaire à Pékin. C'est pourquoi il a été dénoncé en des termes aussi terribles par le gouvernement chinois.
Depuis la rétrocession, en 1997, nous avons assisté à une restriction de plus en plus importante des libertés à Hong Kong et à un contrôle accru du gouvernement de Hong Kong en tant qu'instrument, pourrait-on dire, de la République populaire à Pékin plutôt que représentant du peuple de Hong Kong. Cela a culminé l'année dernière avec l'énorme manifestation populaire de quelques millions de personnes, à un moment donné, contre la tentative de permettre l'extradition de Hong Kong vers la Chine, de personnes recherchées par le gouvernement central pour qu'elles soient jugées.
Il est incroyable que bien que la République populaire ait réussi à conclure, je pense, plus de 40 accords d'extradition avec d'autres pays, aucun des pays anglo-américains où s'applique la common law n'a jamais ratifié d'accord d'extradition avec la Chine. L'Australie est passée près de le faire. Le fait est que Hong Kong n'a jamais conclu d'accord similaire avec son propre gouvernement central, car les habitants de Hong Kong savent depuis longtemps que la justice politique est la seule à régner sur le continent sous le régime communiste. C'est ce qu'ils craignent. C'est ce qu'ils ont combattu. Maintenant, la nouvelle loi sur la sécurité nationale permet, comme vous le savez, l'extradition sans même que l’on ait à quitter Hong Kong. En effet, elle a amené à Hong Kong toute l’administration de la justice pénale du continent à Hong Kong. Vous n'avez plus besoin d'être extradé maintenant pour être soumis au contrôle de la police de sécurité du gouvernement du continent. Ils sont venus à Hong Kong. C'est la principale réalisation de la loi sur la sécurité nationale.
Il faut savoir que Hong Kong a hérité des lois sur la sécurité nationale de la période coloniale britannique et n'a pas hésité à les invoquer. Il est absurde de dire « tous les autres ont une loi sur la sécurité nationale, alors pourquoi pas nous? ». Bien sûr, le contenu des lois sur la sécurité nationale diffère. Celle-ci consiste à installer un régime répressif. Les autorités de sécurité du gouvernement central décideront si elles veulent transporter Jimmy Lai, et même Samuel Chu, si elles peuvent mettre la main sur eux, et non seulement les juger à Hong Kong, mais aussi les transférer sur le continent pour les maintenir en détention longtemps sans contact avec l'extérieur et possiblement les torturer, sans qu'ils aient accès à un avocat ou qu'ils puissent rencontrer des membres de leur famille ou des amis, puis leur faire subir un procès devant un tribunal dominé par les communistes.
Si vous êtes jugé à Hong Kong, le système juridique indépendant tant vanté à Hong Kong a été tronqué par la nouvelle loi. Les infractions liées à la sécurité nationale seront jugées devant des juges spéciaux et sans jury. Si vous pensez que vous pouvez contester en disant que vous avez mal interprété la loi, que sa portée est trop large ou que vous ne comprenez pas que c'est anticonstitutionnel, compte tenu du contexte et de l'héritage constitutionnels de Hong Kong, cette question sera [Difficultés techniques]. Cette question sera tranchée par le Comité permanent du Congrès national du peuple.
Hong Kong est donc un endroit bien différent de ce qu'il était en 1997 et de ce qu'il était lorsque j'y suis arrivé en 1961.
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Je pense qu'il est essentiel que le impose des sanctions importantes aux fonctionnaires chinois et hongkongais qui ont violé des droits. Nous avons déjà vu que c'est une mesure très efficace aux États-Unis. La réponse de la Chine peut vous montrer à quel point la mesure a été efficace. Cette réponse serait d'autant plus forte si le Canada déployait la version canadienne de la loi de Magnitski.
Je pense qu'il est également essentiel de procéder à un examen minutieux des importations et des exportations. Tout ce qui provient de la Chine continentale ou de Hong Kong et qui est fait par des travailleurs esclaves devrait être interdit. Aux États-Unis, il y a une loi en attente d'adoption qui porte sur le travail forcé des Ouïghours, soit la Uyghur forced labor prevention act. Elle crée une présomption réfutable, ce qui signifie que si un produit provient du Xinjiang, nous supposons qu'il est fabriqué par des travailleurs esclaves et que les entreprises doivent prouver le contraire. Ce genre de modèle serait excellent.
Nous pensons également qu'il est essentiel d'atténuer les risques auxquels font face les Canadiens à Hong Kong, mais aussi les Canadiens qui vivent au Canada et qui travaillent à des questions liées aux droits de la personne; de se préparer aux risques; et d'y répondre. Ainsi, si nous commençons à voir qu'on procède à des arrestations pour des motifs politiques à Hong Kong, nous serons prêts à évacuer les gens rapidement et à insister pour qu'ils obtiennent un accès consulaire et qu'ils soient protégés contre la torture.
Je pense qu'il est également très important, maintenant que l'information est coupée, que vous continuiez à obtenir des renseignements auprès de Hongkongais. Il existe de grands groupes de la diaspora. Je vous félicite tous d'avoir déjà fait témoigner de si nombreux membres de la diaspora devant le Comité, mais des Hongkongais m'ont demandé de vous informer que l'organisation Canadian Friends of Hong Kong fait de l'excellent travail. On m'a dit qu'elle avait une profonde connaissance des infiltrations du Parti communiste chinois au Canada.
Enfin, je pense qu'il est essentiel que le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes procède à cet examen pour déterminer si les services CGTN et CCTN n'ont pas respecté les opérations — et l'imposition d'exigences en matière de transparence pour les médias chinois serait une bonne chose également.
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Je vous remercie, monsieur le président.
J'invite les témoins à choisir leur langue de préférence pour avoir l'interprétation s'ils ne parviennent pas à comprendre ce que je vais dire en français. Je tiens par ailleurs à les remercier de leur importante contribution aux travaux de ce comité.
Nous cherchons à faire un travail en profondeur sur les relations sino-canadiennes, et la question de Hong Kong est d'une importance capitale pour nous, non seulement parce qu'elle a une incidence sur Taïwan, comme le soulignait M. Williamson, mais aussi parce que le Canada est membre du Commonwealth. À ce titre, nous sommes préoccupés par la violation de la déclaration commune par le gouvernement chinois, le Canada ayant vu plusieurs de ses fils périr durant la Seconde Guerre mondiale lors de l'invasion japonaise de Hong Kong. Le sort de Hong Kong nous importe donc beaucoup, et c'est la raison pour laquelle nous nous penchons tout particulièrement sur la situation qui prévaut présentement.
Nous avons vu durant la crise sanitaire actuelle qu'il y a eu des critiques au sein même de la République populaire de Chine à l'égard de Xi Jinping. Selon plusieurs, il est le président qui exerce les plus importants pouvoirs depuis Mao Zedong lui-même, et nous nous posons un certain nombre de questions.
Pour celles et ceux d'entre vous qui ont eu l'occasion d'entendre le premier segment de cette séance, il existe un certain dilemme en lien avec l'accueil de militants au Canada. En accueillant un grand nombre de ces militants, allons-nous affaiblir le mouvement pour la démocratie sur le terrain à Hong Kong?
La question des sanctions soulève un autre dilemme. Plusieurs personnes pensent que les sanctions auraient pour effet d'affaiblir l'emprise de Xi Jinping sur la République populaire de Chine et sur son peuple. D'autres pensent au contraire que ces sanctions pourraient raffermir le sentiment nationaliste chinois et renforcer le pouvoir de Xi Jinping sur la République populaire de Chine et sur son peuple.
J'aimerais entendre l'avis des témoins sur ce fameux dilemme, en commençant par Mme Boyajian. Les sanctions peuvent-elles avoir des effets tout aussi dommageables que souhaitables sur les objectifs que les démocraties occidentales poursuivent, notamment en ce qui concerne Hong Kong?
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Oui, j'aimerais dire quelque chose.
Les sanctions sont un symbole et, même si elles sont grandement inefficaces, elles symbolisent notre détestation de ce qui se passe. Nous vivons par des symboles, mais bien entendu, les sanctions peuvent avoir un effet boomerang, et elles ne sont pas très efficaces, parce que nous savons qui dirige la Chine. Ce n'est pas contre Carrie Lam ou d'autres personnes qu'on a imposé des sanctions. Pouvons-nous sanctionner Xi Jinping? Ce serait une bonne chose, car les sanctions financières imposées à Hong Kong auraient des répercussions sur la fortune de bien des membres de sa famille et d'autres membres du Politburo chinois. Cependant, le patron, c'est Xi Jinping. Il y a une direction à un seul homme en Chine. Des sanctions devraient lui être imposées, mais ce n'est pas possible. Ce n'est pas politiquement faisable, donc on voit les limites des sanctions.
D'autres mesures peuvent être prises. Le Canada, les États-Unis, le Royaume-Uni et d'autres pays démocratiques peuvent accueillir des immigrants dans une plus large mesure qu'ils ne l'ont fait jusqu'à maintenant pour les habitants de Hong Kong, et leur fournir les moyens financiers de rendre cet accueil réaliste. La plupart d'entre eux ne voudront pas venir et voudront peut-être se rendre dans des endroits différents; mais c'est un véritable symbole, et cela ne nuit pas aux gens de Hong Kong.
Tout ce que nous faisons peut être utilisé par l'appareil de propagande à Pékin pour raffermir le sentiment nationaliste chinois. Il n'y a rien que nous puissions faire à cet égard. C'est ce que font les dictatures. Nous devons être aussi rationnels que possible. Je pense que la première mesure symbolique et efficace que nous pouvons prendre est de favoriser la possibilité d'immigrer si les gens veulent partir. Je ne les blâme pas s'ils ne veulent pas partir. J'admire ceux qui se battront jusqu'au bout. Beaucoup diront que ce n'est pas si mal. En Chine, les gens ont renoncé à leurs libertés, mais ils ont une belle vie dans de nombreux endroits.
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Merci, monsieur le président.
Une fois de plus, nous entendons parler de renseignements sur l'ingérence que des Canadiens vivent en sol canadien, dans le cadre du projet néocolonial élargi de l'État chinois. Je crois que c'est une chose que les Canadiens doivent savoir et qui devrait certainement les préoccuper, plus ils en entendent parler.
Lorsque nous, les membres de l'opposition, soulevons des questions concernant l'ingérence de l'État chinois, nous recevons ce que je considère comme une sorte de réponse machiste inefficace de la part du , qui affirme que personne n'a intérêt à faire cela et que le gouvernement prend cette question très au sérieux, sans toutefois réagir ni agir de manière substantielle.
Lors de la dernière réunion du Comité, nous avons entendu le témoignage de l'organisation Amnistie internationale. Cette organisation considère que, malgré ce genre de fanfaronnades, le système est très inefficace lorsqu'il s'agit de répondre aux besoins des victimes d'ingérence étrangère qui demandent de l'aide, et l'organisation soutient aussi qu'il n'y a pas de réponse efficace ou coordonnée à l'ingérence étrangère au Canada. Cependant, nous espérons que le gouvernement procédera à des changements politiques et législatifs à cet égard, et que le ministre prendra des mesures, comme l'expulsion des diplomates quand cela s'avère nécessaire.
J'aimerais que les trois témoins formulent des observations sur les mesures que nous pouvons prendre pour passer des fanfaronnades à l'action afin de protéger les Canadiens vivant au Canada contre l'ingérence d'un gouvernement étranger dans leur liberté d'expression, leurs activités et leurs associations.
Nous pourrions peut-être commencer par entendre Mme Boyajian à ce sujet.
Je crois que ces mesures sont cruciales et que vous pouvez les diviser en plusieurs catégories générales. Je pense qu'il y a un réel besoin de transparence dans les démocraties du monde entier, y compris au Canada. D'où vient l'information? Comment le ministère du Front commun, qui est l'agence de propagande de la Chine, a-t-il infiltré le Canada? Que fait-il? Voilà l'une des étapes.
Le PCC comprend bien sûr les mesures et y réagit. Donc, comme je l'ai déjà mentionné, les mesures concrètes comprennent l'imposition de sanctions, l'examen des importations et des exportations, et la remise sur pied du système d'immigration afin d'aider les gens. Toutefois, ces mesures doivent être soigneusement équilibrées, parce que vous ne cherchez pas à aggraver les choses ou à encourager des attaques racistes contre qui que ce soit.
À Freedom House, nous comprenons les difficultés que présentent TikTok et d'autres applications, mais il s'agit là d'un enjeu complexe. Nous ne sommes pas nécessairement favorables à une interdiction totale des applications.
Je pense qu'il faut commencer par examiner très attentivement la situation et ce qui se passe réellement. Ensuite, il faut réfléchir aux mesures concrètes qui seraient les plus logiques — oui, il ne faut pas se contenter de prononcer des paroles. Il faut prendre des mesures.
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Merci, monsieur le président.
J'aimerais aussi remercier les témoins.
Je veux commencer par interroger M. Cohen.
Monsieur, vous avez parlé des sanctions tout à l'heure, et vous avez donné aux membres du Comité amplement matière à réflexion en ce qui concerne l'efficacité ou peut-être le manque d'efficacité des sanctions. En tant que membre du Comité, je garde toujours un esprit très ouvert.
J'entends les appels qui ont été lancés au gouvernement canadien afin qu'il applique les sanctions de la loi Magnitsky aux fonctionnaires chinois. Vous nous avez fait part d'un autre avis sur les raisons pour lesquelles cette approche n'est peut-être pas la meilleure. Quels conseils donneriez-vous non seulement au Comité, mais aussi au gouvernement canadien, en ce qui concerne les mesures que notre pays pourrait prendre à l'encontre de la Chine?
Par exemple, nous avons entendu tout à l'heure — de la part de M. Albas, je crois — une très bonne question sur la sûreté et la sécurité des Canadiens qui vivent ou travaillent en Chine. Je pense aussi aux Canadiens qui sont appréhendés en Chine. Nous avons deux citoyens canadiens qui... Comme c'est une affaire très suivie, je suis sûr que vous êtes au courant de la situation de Michael Kovrig et de Michael Spavor. Les Canadiens sont, à juste titre, préoccupés par leur sort.
Y a-t-il des points de déclenchement particuliers que la Chine considère comme particulièrement offensants ou qui pourraient présenter un danger particulier pour d'autres personnes? L'application de sanctions, par opposition à des mesures en matière d'immigration, risque-t-elle de faire dire à la Chine que ce sont là des raisons de plus pour mettre en danger la vie des Canadiens en Chine? Quels sont, selon vous, les points de déclenchement, en ce qui concerne ce régime particulier?
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Merci, monsieur le président.
Je remercie de nouveau les témoins.
J'aimerais maintenant poser une question à laquelle vous pourrez tous les trois répondre, car vous êtes tous établis aux États-Unis, même si M. Cohen passe aussi beaucoup de temps ailleurs, tout comme M. Chu, bien sûr.
Les motivations des États-Unis ont parfois été remises en question en ce qui concerne leur agressivité envers la Chine au cours des derniers mois et de l'année dernière. Elles sont motivées par des considérations commerciales, par la politique d'un président en année électorale, par la lutte contre l'ascension et l'influence de la Chine dans le monde, etc. Il est même question d'une nouvelle guerre froide.
Je veux poser la question, parce que cela a une incidence sur l'attitude de certaines personnes à cet égard. Comment le Canada devrait-il agir envers la Chine d'une manière à se distinguer essentiellement de certaines de ces considérations, qui sont assez évidentes pour nous parce que nous sommes si proches, mais qui ne le sont peut-être pas pour d'autres parties du monde? Comment pouvons-nous agir énergiquement et, surtout, éviter d'être mêlés à l'une ou l'une de ces autres motivations?
Madame Boyajian, vous n'avez pas encore répondu à l'une de mes questions, alors je vous laisse commencer.