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CACN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité spécial sur les relations sino-canadiennes


NUMÉRO 007 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 24 février 2020

[Énregistrement électronique]

(1005)

[Traduction]

    Chers collègues, je déclare ouverte la présente séance du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes. Bonjour, mesdames et messieurs.
    Ce matin, nous accueillons deux groupes de témoins.

[Français]

     La première partie de la réunion se tiendra de 10 heures à 11 h 30, et la deuxième, entre 11 h 30 et 13 heures.

[Traduction]

    Notre premier témoin sera M. Charles Burton, agrégé supérieur à l'Institut Macdonald-Laurier. Nous entendrons aussi M. Phil Calvert, agrégé supérieur à l'Institut de la Chine de l'Université de l'Alberta, qui se joindra à nous par vidéoconférence. Il est actuellement à Toronto. Pour sa part, M. Paul Evans, professeur à l'École des politiques publiques et des affaires mondiales de l'Université de la Colombie-Britannique, sera également des nôtres par vidéoconférence. Il est à Singapour, où il est actuellement 23 heures.
    J'invoque le Règlement, monsieur le président. J'ai pris connaissance de la liste des témoins et du nombre de témoins inscrits pour chacune des périodes d'une heure et demie. J'ai fait des calculs et j'ai consulté le Règlement. Si nous voulons avoir 3 tours de questions, il nous faudrait 64 minutes, et il resterait donc 26 minutes sur les 90 prévues.
    Je propose de limiter le temps accordé à chaque témoin à huit minutes. J'ai demandé l'avis de mes collègues de ce côté-ci de la table; ceux de l'autre côté n'étaient pas encore arrivés.
    Autrement, nous allons devoir couper du temps à la fin, et M. Bergeron et moi-même ne pourrons pas participer au troisième tour.
    Sachez que la greffière m'a dit qu'elle avait indiqué aux témoins qu'ils disposeraient chacun de 7 à 10 minutes.
    Monsieur Oliphant.
    Je comprends M. Harris et je ne dis pas qu'il a tort, mais je ne crois pas que sa proposition serait juste envers les témoins, qui ont pris le temps de préparer un exposé de 10 minutes. Je serai ravi de céder deux minutes du temps prévu pour le Parti libéral aux troisième et quatrième partis s'ils en ont besoin.
    Autrement, ce ne serait pas juste. Je ne crois pas que ce serait conforme à la procédure parlementaire et ce serait impoli envers nos témoins.
    Monsieur Albas.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, je comprends que les témoins, que j'ai très hâte d'entendre, ont été informés qu'ils disposeraient de 7 à 10 minutes. Par ailleurs, en déposant leurs mémoires à l'avance...
    Pour nous, tout l'intérêt de recevoir des experts est de leur poser des questions sur des sujets qui ne sont pas forcément abordés dans leurs mémoires. Pouvons-nous faire preuve d'un peu de souplesse et leur demander soit d'abréger leur exposé, soit de le modifier un peu, en sachant que les membres du Comité liront leurs mémoires en entier?
    Je crois que les témoins vous ont entendus et qu'ils feront de leur mieux pour être brefs.
    Je vous propose de commencer maintenant si nous voulons avoir du temps pour un maximum de questions des membres du Comité et de réponses des témoins.
    Monsieur Burton, à vous l'honneur.
    Merci, monsieur le président. Je suis très honoré d'avoir été invité à témoigner devant le Comité.
    J'ai pris connaissance de tous les témoignages entendus par le Comité lors des réunions 3, 4 et 5, que la greffière m'a fait parvenir. Tous les témoins étaient de hauts fonctionnaires qui sont venus expliquer au Comité comment ils appliquent les politiques du gouvernement canadien à l'égard de la Chine.
    Ce matin, je vais mettre en lumière certains aspects des relations sino-canadiennes que j'ai été déçu de ne pas voir être abordés dans les témoignages précédents, ainsi que certaines affirmations auxquelles je donne une interprétation différente. Pour conclure, je vais formuler quelques recommandations au gouvernement fédéral afin qu'il fasse valoir de manière plus efficace les intérêts du Canada dans ses relations avec la Chine.
    En premier lieu, je tiens à dire que dans ma famille comme dans beaucoup de familles canadiennes, nous parlons chinois, pas anglais ni français. Je le souligne parce que, dans ma jeunesse, j'ai lu beaucoup de classiques chinois dans leur version originale. Voilà plus de 40 ans, j'ai eu le privilège exceptionnel d'être initié à l'histoire de la Chine antique grâce au programme de la faculté de philosophie de l'Université Fudan, à Shanghai.
    C'est pourquoi j'ai été assez étonné de lire ceci dans le témoignage d'un haut fonctionnaire devant le Comité:
[...] accordent beaucoup d'importance aux valeurs du collectivisme et de la bonne entente, en raison de leur patrimoine confucianiste. Il faut comprendre à quel point la Chine chérit l'unité et les besoins de la société dans son ensemble, plutôt que la liberté de choix individuel... Nous devons tout simplement saisir cela. C'est ce qui façonne les Chinois.
    Le même témoin ajoute ceci: « Certains éléments du collectivisme et de la bonne entente vont à l'encontre des droits de la personne. Ils sont différents. »
    En parlant ainsi, notre ambassadeur se fait l'écho de la propagande officielle du Parti communiste chinois dirigé par le secrétaire général Xi Jinping. Le Parti communiste chinois maintient sa légitimité politique en se réclamant d'une culture traditionnelle qui, selon son interprétation, justifie que le pays maintienne un régime autocratique à parti unique en cette ère moderne.
    Il s'agit d'une interprétation aberrante, qui selon moi est entièrement réfutée par les démocraties dynamiques, fondées sur le respect des droits de la personne et la primauté du droit, qui existent aujourd'hui à Taïwan et en Corée du Sud.
    Une chose me trouble particulièrement au sujet de nos politiques à l'égard de la Chine. Si le Canada adhère à l'idée qu'elle chérit l'unité et les besoins collectifs au détriment de la liberté de choix individuel, est-ce qu'il faut comprendre qu'il restera les bras croisés devant la vaste et ignoble campagne de génocide culturel contre les Ouïghours et les autres ethnies musulmanes d'origine turque que les Chinois confinent, selon les informations que nous recevons, à ce qu'ils appellent des camps de rééducation, avec interdiction totale de pratiquer leur religion durant leur internement? Le témoin précédent ne savait pas combien d'Ouïghours sont internés, mais le Département d'État américain a parlé de trois millions. Ils sont en tout cas au moins 1 million, sur une population totale de 10 millions d'Ouïghours en Chine.
    Ce n'est pas le seul exemple d'inaction du Canada. Pourquoi a-t-il inscrit le nom des dirigeants du Soudan, de la Russie, du Venezuela et de l'Arabie saoudite sur la liste Magnitsky créée en application de la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus, alors que les noms des complices d'actes de persécution contre des Tibétains, des Ouïghours, des adeptes du Falun Gong, des chrétiens ou des militants pour la démocratie y font cruellement défaut?
    Il est clair selon moi que ces omissions envoient un message très clair à la République populaire de Chine: la diplomatie par prise d'otages et l'imposition arbitraire de sanctions commerciales contre le Canada sont des politiques gagnantes. L'absence de réponse ferme de notre part risque d'encourager le régime chinois à récidiver.
    En second lieu, les fonctionnaires qui ont comparu devant le Comité au cours des réunions précédentes ont répété ad nauseam que dans ses relations avec la Chine, le Canada se concentre sur « la libération immédiate de Michael Kovrig et de Michael Spavor, ainsi que la clémence envers Robert Schellenberg ».
    Or, quand elle a été interrogée à ce sujet, une fonctionnaire a indiqué qu'il y a deux Canadiens, M. Schellenberg et M. Fan Wei, dont la condamnation à la peine de mort est publique. Pourquoi l'attention est-elle concentrée sur Kovrig, Spavor et Schellenberg, trois Canadiens qui ne sont pas d'origine chinoise, et parle-t-on si peu de Huseyin Celil et de Fan Wei qui sont aussi Canadiens?
    Je crois que c'est très inquiétant pour tous les Canadiens qui résidaient en République populaire de Chine avant d'obtenir leur citoyenneté canadienne et d'intégrer notre famille nationale.
(1010)
    Faut-il en déduire que nous nous rangeons tacitement aux arguments selon lesquels les personnes d'origine chinoise qui vivent au Canada conservent une obligation résiduelle d'allégeance à l'État chinois, même après l'obtention de la citoyenneté canadienne? Est-ce la raison pour laquelle notre gouvernement ferme pour ainsi dire les yeux sur le grave problème de harcèlement exercé par l'État chinois à l'endroit des personnes originaires de la République populaire de Chine qui vivent maintenant au Canada, alors qu'il s'agit d'une violation flagrante des droits protégés par la Charte canadienne des droits et libertés?
    Pour terminer, j'aimerais donner quelques recommandations au gouvernement canadien pour l'aider à faire valoir beaucoup plus efficacement les intérêts du Canada en Chine.
    Au fil des années, il devient de plus en plus évident que la République populaire de Chine n'a aucun respect pour les règles diplomatiques internationales. La semaine dernière, le bureau du président du gouvernement tchèque a admis le coulage d'un message reçu de l'ambassade chinoise à Prague. Dans ce message, la République populaire de Chine avertissait que si le président du Parlement tchèque décidait d'aller de l'avant avec son projet de se rendre à Taïwan, elle prendrait des sanctions contre trois sociétés tchèques ayant d'importantes activités en Chine, dont le célèbre fabricant de pianos Petrof.
    Dans l'affaire tchèque, contrairement à celle qui a mené aux sanctions imposées à notre industrie du canola sous le prétexte d'une teneur trop élevée en impuretés dans les graines, la République populaire de Chine ne s'est même pas donné la peine de trouver un prétexte pour légitimer ses menaces de représailles commerciales contre tout pays insoumis à son programme politique. Les sociétés visées par les sanctions ont été choisies en raison de leurs liens avec des politiques influents à Prague.
    Pour replacer l'affaire dans son contexte, il faut se rappeler que Taïwan a un gouvernement national totalement maître de son territoire, qui a été élu de manière légitime à l'issue d'un processus électoral libéral et démocratique. Par conséquent, qu'est-ce qui empêcherait le président du Parlement tchèque d'y aller? Le fait est qu'il ne s'y est jamais rendu parce qu'il est mort subitement et tragiquement il y a quelques jours.
    Le Canada a perdu le respect du régime chinois à cause de son inertie malgré les outrages qu'il lui a fait subir. Il est grand temps de lui rendre la monnaie de sa pièce, notamment pour contrer l'importation illégale et soutenue du très dangereux fentanyl au Canada.
    Quelles sont les conséquences pour nous?
    Des témoins ont déclaré que les exportations vers la Chine représentent 4,7 % environ du commerce extérieur du Canada, et probablement moins dans les circonstances actuelles, alors que les exportations vers les États-Unis comptent pour 75 %. Nous vendons surtout des produits de base à la Chine, comme du canola, du soya, de la potasse ou du bois.
    Dans l'éventualité très improbable que nous provoquions l'ire du régime chinois en restant fidèles à nos principes canadiens et à l'ordre international fondé sur les règles, et qu'il décide de nous fermer un peu plus les portes de son marché, les conséquences seraient certes dévastatrices pour certains secteurs et il faudra les indemniser. Cela dit, je ne crois pas que les dommages seraient aussi graves que ce que prétendent les protecteurs du régime; il existe une demande mondiale pour ces produits et nous pourrions certainement trouver preneurs ailleurs.
    Je ne crois pas que l'attitude attentiste du Canada devant les atteintes répétées de la Chine aux règles établies en matière de diplomatie et de commerce internationaux lui permettra de stopper la détérioration de nos relations avec ce régime, et certainement pas de favoriser un dénouement heureux pour Celil, Spavor et Kovrig.
    Si vous me le permettez, j'aimerais dire un dernier mot. Au début de l'année, mon amie Anne-Marie Brady a fait un compte rendu de l'enquête du Parlement néo-zélandais sur l'ingérence étrangère. Elle a expliqué dans le détail le vaste stratagème mis en œuvre par le Parti communiste chinois pour amener les politiciens, les universitaires et les gens d'affaires étrangers à faire la promotion de son programme par l'intermédiaire des lobbys politiques, des médias et des milieux universitaires. En plus des occasions d'affaires et des voyages gratuits en Chine offerte à coups de pots-de-vin, de ruses et d'autres manœuvres, des sociétés de conseils permettent à des conseillers très en vue d'empocher jusqu'à 150 000 dollars américains par année en étant simplement affiliés à des organismes de la République populaire de Chine. Tant qu'ils font la promotion des relations avec la Chine suivant sa propre rhétorique, les conseillers peuvent passer à la caisse.
    J'invite instamment le Comité à jeter un sérieux coup d'œil à la Foreign Influence Transparency Scheme Act que l'Australie a adoptée en 2018. Le Canada doit reconnaître que des fonds chinois sont injectés dans nos campagnes électorales et que des politiciens et des fonctionnaires canadiens sont payés pour s'afficher comme des amis de la Chine.
(1015)
    Monsieur le président, je me réjouis de répondre aux questions complexes et corsées du Comité sur les sujets que j'ai abordés et les nombreux autres que j'ai dû, à regret, laisser de côté à cause de la contrainte de temps.
    Merci.
    C'est moi qui vous remercie.
    Le prochain intervenant sera M. Calvert.
    Avant de commencer, je vous prie d'excuser ma tenue très décontractée. Je suis à Toronto, en transit vers la Turquie, où je vais faire un trek. J'ai fait une escale pour témoigner devant vous.
    Mon exposé durera à peu près huit minutes. Je vais essayer d'aller aussi vite que possible.
    Je vous remercie de m'inviter à comparaître devant le Comité. C'est un honneur pour moi de pouvoir parler des relations entre le Canada et la Chine, auxquelles j'ai consacré une grande partie de ma carrière au sein du Service extérieur canadien.
     J'ai le privilège d'observer les relations entre le Canada et la Chine et d'y participer depuis plus de 30 ans. En effet, j'ai été affecté à trois reprises à notre ambassade à Beijing entre 1984 et 2008. J'ai aussi occupé le poste de négociateur adjoint pour le Canada lors de l'adhésion de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce, puis celui de directeur général pour l'Asie du Nord au sein du ministère qui s'appelle aujourd'hui Affaires mondiales Canada.
     Ces missions étaient à la fois fascinantes et difficiles, car la gestion des relations entre le Canada et la Chine, même dans les meilleures conditions, est un véritable défi. La Chine est un pays complexe et plein de contradictions. Sur le plan diplomatique, elle peut agir avec douceur et doigté, mais elle peut également se montrer maladroite et brutale. Comme le Canada a maintenant pu le constater par lui-même, sa façon de traiter les pays, sauf les plus puissants, qui repose sur un régime de récompenses et de punitions, peut faire basculer les relations, qui se retrouveront alors au point mort. C'est ce que vit le Canada en ce moment. La Chine a arrêté les deux Michael en guise de représailles à la détention de Meng Wanzhou par le Canada et, de ce fait, les relations bilatérales ont atteint un creux inégalé depuis l'établissement des liens diplomatiques entre le Canada et la Chine, il y a 50 ans.
    Dans le contexte de l'affaire Meng Wanzhou, le gouvernement devra faire des choix très difficiles. Il n'y a pas de solution parfaite. Il peut laisser l'affaire suivre son cours dans le système judiciaire. Si le juge décide que l'extradition doit avoir lieu, cela conduira à un procès et à de nombreuses années d'emprisonnement, dans des circonstances très difficiles, pour les deux Canadiens. Si le ministre de la Justice décide d'intervenir et de libérer Meng afin d'obtenir la libération des deux Michael, il récompensera le mauvais comportement de la Chine. N'oublions pas que ces deux hommes ne sont pas les premiers Canadiens à avoir été arrêtés arbitrairement en réaction à des mesures prises par le gouvernement du Canada. C'est pour cette raison que la décision qui sera prise doit absolument s'inscrire dans une stratégie plus vaste de gestion de nos relations avec la Chine.
    La Chine considère cette affaire en termes géopolitiques, je crois, et l'arrestation de Meng Wanzhou fait partie d'une stratégie plus générale menée par les États-Unis pour entraver l'essor de la Chine et nuire aux principales entreprises chinoises. La Chine ne reculera pas. Je crois donc que la seule façon d'obtenir la libération des deux Michael est de libérer Meng Wanzhou, soit par une décision judiciaire, soit par un arrêté du ministre de la Justice.
    Si la deuxième approche est adoptée, elle devra faire partie d'une décision d'ensemble qui inclurait le rejet de la proposition de Huawei en ce qui concerne le réseau 5G et le rétablissement de l'accès au marché du canola pour le Canada, ainsi que d'autres dossiers en suspens. Je pense aussi que le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan dans l'élaboration d'une réponse collective à l'une des pratiques de la Chine, soit celle consistant à prendre des personnes en otage. La Chine a recours à cette pratique en toute impunité depuis un certain temps et elle a emprisonné arbitrairement des citoyens de plusieurs pays. Si tous les pays touchés par cette pratique s'engageaient à intervenir collectivement lorsqu'un citoyen de l'un des pays est pris en otage, en prenant par exemple des mesures commerciales, ils enverraient un message fort à la Chine et lui signaleraient que de telles actions ne seront pas tolérées. Il s'agit d'une situation complexe et difficile, et il sera ardu de déterminer la voie à suivre à l'avenir. Il a été question, en particulier du côté de la Chine, de surmonter les circonstances actuelles et de remettre les relations entre les deux pays sur la bonne voie, en revenant à la situation antérieure à l'arrestation de Meng. Je ne crois pas que ce soit possible. Cette affaire a grandement entaché l'image de la Chine au Canada et a fondamentalement modifié l'opinion des Canadiens et probablement la relation elle-même.
    La Chine est importante pour le Canada et elle le demeurera, tant à titre de puissance économique que d'acteur mondial. Cela dit, la situation actuelle a fait ressortir l'importance de faire preuve de lucidité en ce qui concerne la Chine et de comprendre ce qui motive ses décisions en matière de politique étrangère. L'approche de la Chine relativement aux affaires étrangères est rigoureuse, stratégique et fondée sur la puissance plutôt que sur les principes. Elle se concentre presque exclusivement sur la promotion de ses propres intérêts par l'exercice d'un pouvoir ferme et d'un pouvoir discret, y compris au sein des institutions mondiales. Son point de vue s'inspire de son histoire, marquée par le découpage du pays et l'invasion de celui-ci par des puissances étrangères à la fin du XIXe siècle et au début du XXe  siècle. Pour ces raisons, la Chine est déterminée à ne plus jamais être faible, et elle s'efforce donc de redevenir la puissance mondiale qu'elle a déjà été. Il y a un fort courant de scepticisme et de suspicion au sein du système chinois à l'égard des intentions et de l'objectif ultime de l'Occident en ce qui concerne la Chine.
    Nous devons également garder à l'esprit qu'un élément fondamental de la politique étrangère chinoise — et en fait, de toute politique — est le maintien au pouvoir du Parti communiste. La direction est donc axée sur la stabilité, qui nécessite une croissance économique soutenue, des relations pacifiques aux frontières du pays et, de plus en plus, la prise en compte des préoccupations de la classe moyenne relativement à la dégradation de l'environnement et à la corruption. La préservation et le maintien de cette stabilité s'inscrivent également dans les efforts déployés par Xi Jinping pour renforcer la présence et le rôle de chef de file de la Chine sur la scène mondiale.
(1020)
    Pour gérer avec succès les relations avec la Chine, il faut avoir une idée claire des priorités et des intérêts du Canada et s'engager fermement à les faire progresser et à les défendre. Les récits des premiers missionnaires canadiens en Chine et de Norman Bethune, de même que la décision du Canada de vendre du blé à la Chine à la suite de la grande famine, sont autant d'éléments qui fournissent une belle mise en scène et du contenu réconfortant pour les discours, mais ils demeurent très peu pertinents. En effet, la Chine manie le pouvoir et respecte la puissance. Si nous défendons les intérêts du Canada de manière ferme et stratégique et connaissons notre pouvoir de négociation, nous nous ferons respecter. Par contre, si nous sommes trop conciliants par souci d'amitié ou par crainte d'offenser qui que ce soit, nous paraîtrons faibles. La Chine joue bien ce jeu.
    Il est également important que le gouvernement évite de considérer la Chine sous un angle idéologique ou politique préconçu ou en se fondant sur une seule question. S'il le fait, il sapera notre capacité à tenir compte de la réalité complexe du pays et nos relations avec celui-ci.
    Les deux dernières décennies ont été marquées par de grandes variations dans la manière dont les gouvernements qui se sont succédé ont initialement abordé la Chine. Une vision globale à long terme soutenue par tous les partis placerait le Canada dans une position plus avantageuse et plus uniforme pour gérer ses relations avec la Chine.
    Dorénavant, le Canada doit adopter une approche équilibrée fondée sur une compréhension réaliste de la Chine telle qu'elle est, c'est-à-dire tant des possibilités qu'elle offre que des défis qu'elle représente. Cette approche devrait également orienter la façon dont le Canada aborde l'Asie dans son ensemble et tenir compte de la place qu'occupe la Chine dans notre manière d'aborder la région. En mettant fortement l'accent sur la Chine au cours des deux dernières décennies, le Canada a peut-être négligé des possibilités de nouer des liens plus étroits avec d'autres pays dont les marchés sont plus faciles à pénétrer et dont les systèmes sont fondés sur la primauté du droit. L' Accord de partenariat transpacifique global et progressiste, ou PTPGP, devrait contribuer au rééquilibrage et à la diversification des intérêts commerciaux du Canada en Asie. Le fait que le Canada ait appuyé publiquement l'élargissement de l'accord pour que la Thaïlande et Taïwan en fassent aussi partie contribuera également à cette diversification.
     Le Canada devrait également tenir compte de ses relations avec Taïwan, qui est une démocratie dynamique et progressiste et le seul pays asiatique à approuver le mariage entre personnes de même sexe. Le Canada et Taïwan entretiennent des relations commerciales saines qui offrent de bonnes perspectives d'avenir. La déclaration publique du premier ministre Trudeau, qui a appuyé la véritable participation de Taïwan à des organisations telles que l'OACI et l'Assemblée mondiale de la santé, est un excellent signe. Par contre, le Canada pourrait faire plus pour promouvoir ses intérêts à Taïwan. Une visite d'un ministre canadien responsable de l'économie, qui aurait pour but de soutenir les objectifs commerciaux du Canada, respecterait les paramètres de la politique d'une seule Chine et enverrait un important message tant à la Chine qu'à Taïwan.
    Pour bien gérer les liens entre le Canada et la Chine, il faut faire preuve de coordination et de cohérence. De nombreux ministères fédéraux et la plupart des provinces ont des intérêts en Chine. Même si les provinces se font parfois concurrence pour les investissements et les étudiants, elles devraient être encouragées à adhérer au programme global du Canada en ce qui concerne la Chine. Pour ce qui est des questions essentielles et importantes comme les droits de la personne et le sort des deux Michael, tous les ordres de gouvernement du Canada devraient faire front commun et agir de manière cohérente dans leurs discussions avec leurs homologues chinois.
    Les relations entre le Canada et la Chine sont difficiles en ce moment, et il n'y a pas de solution facile en vue. Cela dit, cette situation nous donne l'occasion d'évaluer objectivement la relation et de développer une approche réaliste et équilibrée en ce qui concerne nos liens avec cette importante puissance mondiale.
    Je vous souhaite tout le succès possible dans le cadre de ces importantes délibérations.
    Merci.
(1025)
    Merci beaucoup, monsieur Calvert.
    Nous entendrons maintenant M. Evans.
    Merci, monsieur le président, de me donner la possibilité de m'adresser au Comité, même si je le fais virtuellement par vidéoconférence puisque je me trouve à Singapour, à 15 000 kilomètres de vous.
    J'étudie et j'enseigne dans le domaine des relations internationales depuis plus de 40 ans. Je me suis intéressé surtout aux relations entre les États-Unis et la Chine et entre le Canada et la Chine. Aujourd'hui, je vais me concentrer sur les relations entre les gouvernements du Canada et de la Chine. De toute évidence, les deux pays entretiennent une relation beaucoup plus vaste, qui englobe les mouvements de population ainsi que les échanges culturels, commerciaux et scolaires. Cependant, la période actuelle est marquée surtout par les grands enjeux politiques et la métamorphose des politiques publiques.
    Je ne vous apprends rien en disant que le sort de Michael Kovrig, de Michael Spavor et de Meng Wanzhou a déclenché une crise diplomatique et un tourbillon émotionnel dans leurs pays respectifs. La confiance et le respect mutuels ont été fortement ébranlés. Plus récemment, l'apparition du virus COVID-19 a teinté les interactions du Canada avec la République populaire de Chine et notre perspective quant à la façon d'évaluer la compétence de son gouvernement.
    Actuellement, nous sommes obnubilés par ces crises et autres controverses, et il est tentant de penser que tout rentrera dans l'ordre et que nos relations diplomatiques bilatérales reprendront là où nous les avons laissées. Je ne vois pas comment ce serait possible. Nous avançons maintenant en territoire inconnu, où les forces à l'œuvre dépassent largement les incidents isolés, les affaires consulaires ou les enjeux commerciaux tels que l'éventuelle participation de Huawei à notre réseau de télécommunications 5G. Ce que nous observons actuellement est un rééquilibrage complet des pouvoirs en matière économique, diplomatique et technologique, l'émergence d'un ordre mondial multipolaire et la résurgence d'une rivalité entre grandes puissances.
    Ces 50 dernières années, il y avait un vaste consensus au Canada quant aux grandes lignes de notre politique à l'égard de la Chine, que nous en sommes venus à désigner comme notre « engagement » et qui à une époque faisait intervenir un partenariat stratégique entre nos deux pays. Cet engagement reposait sur trois piliers. Premièrement, il était entendu qu'un resserrement des relations avec la Chine s'avérait commercialement avantageux et un gage de prospérité pour les Canadiens. Deuxièmement, l'isolement de la Chine devait être rompu afin de favoriser son intégration dans ce que nous appelons maintenant un ordre international fondé sur les règles. Troisièmement, il fallait poursuivre un objectif moral de soutien à l'ouverture économique et sociale nécessaire à l'éventuelle libéralisation politique de la Chine.
    Cet engagement à la canadienne était tributaire d'un contexte géopolitique dans lequel le Canada pouvait manœuvrer de manière indépendante advenant des différences de vues avec Washington. Par exemple, le Canada a reconnu la République populaire de Chine huit ans avant les États-Unis. Cette vision canadienne de l'engagement a été très fructueuse dans l'ensemble, mais le temps est venu de le repenser. Toutefois, il faut éviter de le faire dans un accès de colère contre certaines actions de la Chine ou par crainte du côté plus agressif de sa puissance et de son influence croissantes. Une refonte est nécessaire parce que de nouvelles circonstances sont apparues et que rien ne laisse présager un changement de sitôt.
    L'équilibre géopolitique et géoéconomique est en mutation. La Chine fait dorénavant partie des puissances mondiales, elle est présente au sein de toutes les instances internationales ou presque, et elle s'est révélée capable de créer les siennes. Elle craint de moins en moins de faire valoir ses intérêts et de mettre en doute le parti pris libéral de ces instances, et particulièrement pour ce qui concerne les droits de la personne et la démocratie. La Chine n'a plus besoin du soutien du Canada comme avant, et il lui arrive même de défier directement ses prises de position.
    L'idée que l'ouverture économique entraînerait une libéralisation politique nous apparaît aujourd'hui erronée, du moins pour l'instant. Il faut remonter jusqu'au règne de Mao Zedong pour voir un régime aussi répressif que celui de Xi Jinping tant sur le territoire de la Chine qu'à sa périphérie. Selon le nouveau consensus qui a émergé aux États-Unis sous les pressions de l'administration Trump, qui jouit cependant d'un assez large appui bipartisan sur ce point, la version américaine de l'engagement est révolue. Aujourd'hui, la Chine est perçue comme faisant partie d'un continuum de compétiteurs, d'adversaires, de rivaux ou d'ennemis stratégiques. Washington exerce des pressions tous azimuts, sur les plans militaires, diplomatiques et économiques, pour contrer la montée en influence et en puissance de la Chine. Comme Henry Kissinger l'a déclaré récemment, cette campagne prépare le terrain à une guerre froide entre les États-Unis et la Chine.
(1030)
    Comme nous pouvons en déduire des pressions très peu subtiles qu'exerce Washington sur le Canada et d'autres gouvernements concernant Huawei et le réseau 5G, le coût de faire cavalier seul pourrait être considérable. Pris en étau entre les aspirations de Xi Jinping pour la Chine, les élans protectionnistes de Donald Trump et la lutte géostratégique de plus en plus affirmée entre les deux, comment le Canada peut-il s'en sortir?
    J'aurais trois recommandations.
    La première serait de ne pas alimenter le risque d'une guerre froide version 2.0 et de cesser les mesures d'isolement ou de confinement de la Chine, et de travailler plutôt à l'assouplissement du cadre politique. L'un des moyens pour y arriver serait de mettre au point une politique d'engagement avec la Chine version 2.0 ou, si vous préférez, une politique d'engagement post-engagement. Nous pourrions aussi décider de coexister avec la Chine. Aucune de ces stratégies ne vise à changer la Chine, mais plutôt à trouver des façons de vivre avec elle. Aucune ne cherche à la confiner à des rôles prédéfinis d'amie ou d'adversaire, de partenaire ou de concurrente, d'alliée ou de menace existentielle, mais plutôt à faire en sorte que les valeurs et les intérêts canadiens orientent la ligne de conduite à suivre au cas par cas. Une approche de coopération est à privilégier dans des domaines comme le changement climatique, la gouvernance économique et financière mondiale, le maintien de la paix, le domaine agrotechnologique ou l'Arctique. En revanche, rien ne nous empêche de nous défendre contre les immixtions de la Chine dans nos affaires internes ou ses violations flagrantes des droits de la personne et autres comportements du genre.
    Deuxièmement, il faut que la lutte pour le respect de l'ordre international fondé sur les règles fasse partie intégrante de la promotion d'une réforme des instances comme l'Organisation mondiale du commerce, le Fonds monétaire international ou la Banque mondiale, ainsi que des négociations relatives aux instruments comme l'Accord de partenariat transpacifique global et progressiste. Il faut repousser à tout prix les tentatives visant à ébranler ou à démanteler le système multilatéral fondé sur les règles, qu'elles émanent de la Chine ou, comme nous l'observons de plus en plus souvent, des États-Unis. Pour jouer ce rôle, nous devons recouvrer notre identité de puissance moyenne qui respecte son alliance avec les États-Unis, mais qui conserve son libre arbitre pour pouvoir offrir son soutien à la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures, dirigée par la Chine, ou faire une évaluation objective de l'initiative de route de la soie, qui toutes les deux proposent une nouvelle perspective de la coopération internationale et du développement.
    Le Canada ne serait pas du côté des États-Unis ni du côté de la Chine sur tous les enjeux, mais il ne serait pas seul. Il vaut la peine d'examiner attentivement la manière dont d'autres pays aux prises avec des dilemmes analogues à l'égard de la Chine adaptent leurs politiques, à commencer par l'Australie, le Japon, Singapour et peut-être le Royaume-Uni.
    Ma dernière recommandation serait de recadrer notre relation en déterminant comment il faut réagir devant une Chine de plus en plus présente, influente et, à l'occasion, qui se mêle de nos affaires. Nous devons aiguiser notre sensibilité et notre vigilance afin de protéger nos valeurs et nos institutions canadiennes. Cependant, il faut absolument éviter de démoniser ou de dramatiser les actions de la Chine et leurs répercussions, de la mettre au pilori en lui prêtant tous les torts dans les jeux d'influence et d'ingérence, et de stigmatiser les Canadiens d'ascendance chinoise en mettant en doute leur intégrité et leur loyauté.
    Par exemple, comment continuer d'accueillir des étudiants chinois et de faire des échanges en matière de recherche dans nos universités dans un contexte où il devient nécessaire de protéger notre propriété intellectuelle et la sécurité nationale parce que nous sommes en concurrence technologique avec la Chine et que nous subissons des pressions extraterritoriales de la part des États-Unis? Il ne sera pas aisé de trouver un nouveau consensus national et un nouveau discours autour des relations avec la Chine, et d'inscrire cet exercice dans un cadre multipartite. Rien de systématique n'a été tenté de ce côté depuis 1966.
    Je suis convaincu que les travaux et les recommandations du comité spécial auront une grande incidence.
    Merci infiniment.
(1035)
    Un grand merci à vous.
    Nous allons entamer notre premier tour de questions avec M. Albas. Vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je voudrais remercier tous nos témoins pour leurs éclairages savants.
    Ma première question s'adresse à M. Evans.
    Monsieur Evans, le livre de Graham Allison intitulé Vers la guerre: l'Amérique et la Chine dans le piège de Thucydide? traite des grands transferts de pouvoir dans le monde. De toute évidence, on y explore l'observation souvent citée et tirée de l'histoire de la guerre du Péloponnèse qui a eu lieu au Ve siècle avant Jésus-Christ, et notamment de la montée en puissance d'Athènes et de la peur qu'elle instilla à Sparte, et qui rendirent la guerre inévitable.
    Selon M. Allison, les intentions mises à part, lorsqu'une puissance montante menace de supplanter un pouvoir en place, le stress structurel qui en résulte fait d'un affrontement violent la règle et non l'exception. J'aimerais tout d'abord vous demander si la montée de la Chine place le monde devant un piège de Thucydide.
    Nous avons eu la chance d'inviter M. Allison à Ottawa il y a deux mois pour qu'il nous parle de son livre. Comme vous l'avez mentionné à juste titre, ce livre a frappé l'imaginaire de ceux qui observent la mutation des rapports de force et le risque d'une confrontation entre les États-Unis et la Chine.
    Je crois que M. Allison essaie de nous faire réaliser que si nous ne faisons rien pour apaiser les tensions entre les États-Unis et la Chine, pour trouver de nouvelles manières de gérer les relations, un conflit beaucoup plus grave qu'une guerre froide pourrait éclater. M. Allison et d'autres observateurs américains réfléchissent actuellement à une manière de recadrer les relations avec la Chine, de la voir non plus comme une adversaire ou une ennemie, mais comme une concurrente et une partenaire en même temps. M. Allison parle d'un partenariat entre rivaux. Il recommande au Canada de promouvoir cette nouvelle perception dans le cadre de diverses activités et au sein des organismes internationaux.
    Oui, nous sommes toujours hantés par le spectre d'un conflit. Si nous ne faisons rien pour désamorcer les tensions, nous pourrions en effet nous diriger « vers la guerre ».
    Monsieur Burton, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Merci, monsieur le président.
    Oui, je suis très inquiet devant la montée de la Chine, et particulièrement de voir des citoyens de la République démocratique de Chine qui occupent des fonctions clés au sein d'organismes multilatéraux et qui en profitent pour décrédibiliser leurs objectifs, sans doute sur ordre de Beijing. Je fais référence à des organismes comme Interpol, l'OACI ou d'autres instances de l'ONU.
    De manière générale, pour ce qui a trait aux infiltrations de l'État chinois au Canada, au contraire d'autres pays, nous ne disposons pas encore de lois sur le transfert de technologies classifiées à ses agents. Vous savez peut-être qu'il n'y a eu aucune affaire mettant en cause de tels actes ces dernières années, selon ce que j'en sais, alors que d'autres pays ont pris les moyens pour demander des comptes à ces agents. Je pense notamment au Bureau de sécurité publique et à ces agents chinois qui viennent au Canada sous de faux semblants afin d'exercer des pressions sur des personnes qui se trouvent ici. Comment la GRC intervient-elle? Si elle découvre que des personnes sont venues au Canada sous de faux semblants, elles sont immédiatement renvoyées en Chine, sans avoir à rendre compte de leurs actes.
    Je redoute de manière générale la menace que représente l'ambition de la Chine de subvertir les instances sur lesquelles repose l'ordre mondial, comme l'OMC et les Nations unies, et de les remplacer par ce que le secrétaire général du parti, Xi Jinping, a défini en octobre 2017 comme la « communauté à la destinée commune pour l'humanité ». Il s'agit en fait d'une réorientation de l'ordre mondial, qui repose sur l'intime conviction du déclin des États-Unis et de leur remplacement par la Chine, qui se reflète notamment dans une initiative comme l'initiative de route de la soie, dont l'objectif est de recentraliser l'infrastructure mondiale à Beijing.
    Nous devons rester à l'affût de ce qui se trame, de concert avec nos alliés, et en particulier les États-Unis, où il existe un consensus politique non partisan autour de cette question. M. Trump n'est pas tout seul. Mme Pelosi, son adversaire et présidente de la Chambre des représentants, a aussi plaidé pour la défense des principes de l'ordre fondé sur les règles, qui protège des puissances moyennes comme le Canada contre la domination arbitraire des superpuissances hégémoniques. La Chine m'inquiète d'autant plus que les valeurs fondatrices du régime sont très loin de celles qui font du Canada une grande nation.
(1040)
    Je lis actuellement un livre dans lequel l'approche des États-Unis est décrite comme une forme d'universalisme unilatéral, et celle de la Chine comme une forme d'unilatéralisme universel, ce qui est très différent.
    Je suis désolé, monsieur Calvert, mais je ne crois pas que nous aurons le temps de vous entendre sur ce sujet. J'aurai certainement d'autres questions pour vous.
    Merci, monsieur le président.
    Merci beaucoup.
    Monsieur Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie les témoins pour leurs perspectives et leurs recommandations édifiantes. Ma question s'adresse à vous tous, mais j'aimerais tout d'abord entendre M. Calvert, en raison de son expérience de diplomate.
    D'autres démocraties libérales ont eu des différends et des difficultés avec Beijing récemment. Parmi les mesures qu'elles ont prises pour dénouer ces situations difficiles, lesquelles ont donné de bons résultats et lesquelles n'ont pas fonctionné? J'insiste pour parler de démocraties libérales parce que je trouve important de comparer des pommes avec des pommes. Le Canada est une démocratie libérale, et je suis très curieux de vous entendre tous les trois à ce sujet. Ce sera fort utile pour le Comité.
    Pour certaines démocraties libérales, ce sont la taille et la puissance qui ont fait la différence. Les pays qui ont un poids politique et économique plus important sont naturellement mieux en mesure de défendre leurs intérêts devant les tentatives d'affirmation de la Chine. Pour ce qui concerne le Canada, je crois que sa meilleure carte est l'action collective. Il doit réunir les joueurs qui ont une optique commune et leur demander quels doutes et quelles inquiétudes ont pu susciter certaines mesures prises par le Canada. Le temps nous a appris qu'à lui seul, le Canada ne dispose pas forcément de leviers suffisants pour influencer la Chine, mais si plusieurs pays agissent de concert, le message sera plus convaincant.
    Je suis désolé de vous interrompre, mais le temps est compté.
    Monsieur Evans, pouvez-vous nous donner des exemples concrets de mesures prises par des démocraties libérales pour se sortir de situations difficiles avec la Chine? Quelles approches, stratégies ou tactiques ces démocraties ont-elles mises en œuvre?
    Les démocraties libérales ont réussi, dans certains dossiers, à mettre l'accent sur ce qui achoppait. C'est fascinant de constater lesquelles ont réussi à se mobiliser pour soulever certains problèmes précis concernant Xinjiang. Cependant, pour relever les défis que nous pose la Chine, nous devons collaborer avec une diversité de pays, pas seulement avec des démocraties libérales.
    La mutation qui s'opère dans l'équilibre des pouvoirs amène des pays ayant un autre type de régime à vouloir exercer une influence sur la Chine. Leur intention n'est pas de bousculer ses valeurs et son système politiques, mais de modifier certains comportements. Par exemple, des pays de l'Asie du Sud-Est sont profondément inquiets face aux tentatives de la Chine de s'imposer dans la mer de Chine méridionale et ils agissent de manière multilatérale, sans attendre après nous, les pays occidentaux, pour arriver à des résultats avec la Chine. C'est beaucoup plus large.
    Ce sont des exemples d'actions qui devront être menées pour discipliner la Chine, étant entendu que tous les pays ou presque veulent resserrer leurs liens avec elle, de manière bilatérale et pour leurs propres intérêts économiques, mais qu'ils veulent aussi l'encourager à adopter une conduite plus acceptable. Je ne crois pas que le défi concerne seulement les démocraties libérales, même si certains aspects précis les touchent plus directement.
    Merci.
    Monsieur Burton.
    Nous devrions examiner plus attentivement les mesures législatives adoptées par l'Australie pour tenter de restreindre l'influence de la Chine. Il est manifeste, à mes yeux, que nos efforts pour rallier nos alliés ont eu probablement, malheureusement, l'effet inverse à celui recherché puisque seuls 14 pays nous ont apporté leur appui alors que, si les autres nous appuient de tout cœur, ils ont peur de le dire.
    Je crois que le gouvernement chinois met dans la balance ces 14 pays d'un côté et tous les autres de l'autre côté et en déduit que son comportement épouvantable ne le prive pas d'un vaste appui dans le monde. Dans les cas de MM. Kovrig et Spavor, comme dans celui de M. Kevin Garratt auparavant, les Chinois ont été incapables de nous fournir le moindre élément de preuve de prétendus actes répréhensibles.
    Ce serait merveilleux si le Canada prenait l'initiative de tenter de mettre sur pied une coalition multilatérale de pays souhaitant comme nous que dans ses relations extérieures la Chine fasse preuve d'un peu de transparence et d'honnêteté. Dans le domaine de nos relations avec la Chine, l'idée dominante actuellement semble être de privilégier la prospérité de notre pays en nous efforçant d'accroître nos échanges commerciaux avec elle. Toutefois, dans le cadre de ses efforts pour poursuivre son propre programme, la Chine vise à ce que nous supprimions les restrictions imposées à ses importations canadiennes de produits de haute technologie, son accès sans entraves aux secteurs minier et pétrolier du Canada et à ce que nous adoptions la technologie 5G de Huawei dans nos télécommunications, etc. Ce sont des demandes qui ne sont pas dans l'intérêt du Canada à long terme.
    S'il est possible que nous, ou peut-être certaines entreprises entretenant des liens étroits avec le monde politique, puissions retirer des avantages d'une collaboration avec le régime chinois, il vaut mieux que nous nous en tenions à nos lois et à nos valeurs. Si, à cause de cela, la Chine veut exercer des représailles à notre endroit, je crois que nous devrons en accepter les conséquences dans l'intérêt global à plus long terme du Canada.
(1045)
    Merci beaucoup, monsieur Fragiskatos.
    Monsieur Bergeron, la parole est à vous.

[Français]

     Monsieur le président, vous me permettrez de remercier chaleureusement nos témoins de leurs présentations, qui me sont apparues extrêmement éclairantes.
    M. Burton déplorait le fait qu'il avait certainement d'autres points à aborder et d'autres contributions à nous faire.
    J'invite nos témoins à ne pas hésiter à nous transmettre ultérieurement tout commentaire ou toute observation qu'ils voudraient nous faire sur quelque sujet que ce soit. Leur contribution peut être des plus éclairantes pour notre comité.
    J'essaie de faire une synthèse de tout ce que nous avons entendu de la part de nos témoins et j'en retiens essentiellement quatre thèmes.
    Premièrement, l'ère mythique des relations entre la Chine et le Canada appuyées sur l'amitié, la collaboration, les missionnaires, Norman Bethune, le blé canadien et la reconnaissance de la République populaire de Chine par le Canada avant les États-Unis, tout cela est terminé. Nous sommes dans une nouvelle phase.
    Deuxièmement, la Chine est évidemment une puissance en croissance et elle accorde, d'ailleurs, une valeur à la puissance ou à l'aspiration à la puissance.
     Troisièmement, conséquemment, le Canada devrait adopter une approche plus déterminée et manifester davantage de fermeté à l'égard du gouvernement de la République populaire de Chine.
     Quatrièmement et finalement, le Canada devrait tenter de développer une réponse multilatérale aux gestes posés par la Chine en violation des règles internationales qui ont cours présentement et qui ne semblent être respectées d'aucune façon par les autorités chinoises.
    Si j'essayais de dresser cette synthèse, en ces quatre points, de ce que vous nous avez présenté, ferais-je une bonne lecture de ce sur quoi vous avez cherché à attirer notre attention ce matin?
    À qui posez-vous cette question?
    Je la pose à quiconque voudra y répondre.

[Traduction]

    J'imagine que je vais devoir la poser aux témoins. Vous êtes probablement tous désireux d'y répondre. Afin de le vérifier, que ceux qui souhaitent y répondre lèvent la main.
    M. Burton l'a levée en premier.

[Français]

    Absolument, monsieur Bergeron, absolument.

[Traduction]

    J'ai toujours été impressionné par l'efficacité des membres du Parti québécois dans ces comités, et je vous en remercie. J'ai aussi fait mienne votre suggestion de transmettre davantage de documents au Comité, et ce sera un honneur pour moi de le faire.
    Je partage votre avis sur tous les points que vous avez soulevés, qui reviennent pour l'essentiel à résumer ce que j'ai dit. Je trouve important que le Canada n'essaie pas de se lancer seul sur cette voie face à la Chine. Ce serait merveilleux si nous pouvions parvenir à une forme quelconque de consensus.
    À mes yeux, les pays qui ont la meilleure connaissance du communisme, y compris ceux des Russes et des Chinois, sont des pays d'Europe de l'Est, comme la République tchèque, la Pologne, la Lituanie, etc. Ces pays connaissent bien le fonctionnement des régimes hégémoniques, et je recommande que nous tirions tous largement parti de l'expérience des pays avec lesquels nous aimerions nous allier pour tenter de préserver les valeurs canadiennes auxquelles nous tenons et la façon dont nous abordons la politique étrangère.
    Merci.
(1050)
    Je vous remercie.
    Monsieur Evans, nous vous écoutons.
    Plusieurs aspects de la question et du résumé de M. Bergeron piquent la curiosité et il faudra expliciter chacun d'eux dans la suite des discussions du Comité.
    Je proposerai d'ajouter un élément additionnel au quatrième point qu'il a soulevé, sur le rôle de la Chine comme acteur international. Il faut que nous soyons réalistes en reconnaissant qu'il y a des choses que la Chine fait qui ne nous plaisent pas. Certains aspects des politiques qu'elle met en œuvre fâchent ses voisins, et d'autres pays. Toutefois, dans l'ensemble, l'implication de la Chine dans le système international me paraît avoir un effet plutôt stabilisateur que l'inverse.
    Tout bien considéré, dans la plupart des institutions internationales dans lesquelles elle s'implique, soit dans la plupart de celles qu'elle a mises en place, mais également dans les institutions occidentales qui existent déjà, la Chine réagit et agit de façon responsable. Elle a tiré profit de l'ordre mondial que nous avons tous instauré, sous le leadership des États-Unis. Dans plusieurs domaines, elle essaie d'être le point d'ancrage de cet ordre mondial et non pas un élément perturbateur.
    Certains des autres témoins aborderont cet aspect plus en détail, mais nous ne pouvons pas décrire exclusivement la Chine comme un participant au comportement aberrant ou comme une menace. Pour l'essentiel, la Chine s'est avérée un citoyen international responsable.
    Est-ce que cela change? Cela changera-t-il à l'avenir? Cela nous inquiète tous, mais, pour l'instant, il faut mettre cette hypothèse en perspective.
    Monsieur Calvert, je ne vous ai pas vu lever la main et je vais donc revenir à…
    Ah ! Vous l'avez levée. Je vous prie de m'excuser.
    Je l'ai effectivement levée. Je vous demande pardon.
    Je voulais revenir brièvement sur un point de mes commentaires préliminaires qui manquaient peut-être de clarté, soit que toute tentative de définir la Chine, ou très simplement de lui accoler une étiquette, en catégorisant tel ou tel genre d'acteurs, ne parvient pas à bien saisir un comportement beaucoup plus complexe de la Chine sur la scène internationale. Cette remarque ne s'applique pas uniquement à la Chine, mais elle est particulièrement évidente dans le cas de celle-ci.
    Comme l'a rappelé le professeur Evans, elle exerce une influence stabilisatrice au sein de certains organismes alors que, dans d'autres, nous observons que son comportement et les mesures qu'elle prend sont moins qu'utiles.
    Je crois qu'il nous faut ici revenir à ce que la Chine considère comme avantageux pour elle. Si elle pense tirer profit de la stabilité au sein d'un organisme, si le fait d'assumer un rôle de leader au sein d'un organisme est avantageux pour elle dans le domaine géopolitique, et en particulier dans le cas des organismes dont les États-Unis se sont retirés, alors cela sert ses propres intérêts.
    L'une des choses que j'ai apprises sur la Chine est qu'il n'y a pas de réponse simple à n'importe quelle question que vous vous posez à son sujet, et ce n'est là qu'une autre de ces questions.
    Monsieur Harris, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également les témoins de leurs commentaires très instructifs.
    Professeur Evans, vos commentaires sur l'ordre international et la place de la Chine dans celui-ci sont, dans une certaine mesure, proches de ceux figurant dans le rapport de la Chambre des communes du Royaume-Uni publié en avril dernier, qui explique que les objectifs de la politique étrangère chinoise visent essentiellement à protéger ses systèmes politiques intérieurs, comme M. Burton nous l'a aussi expliqué.
    Ils insistent en disant que la Chine ne veut pas modifier l'ordre mondial international en lui-même, mais qu'elle cherche davantage à montrer que ses propres politiques intérieures ne sont pas contestées. Ils disent que les politiques intérieures chinoises ne peuvent pas être traitées comme si elles étaient distinctes de la politique étrangère, et que le Royaume-Uni doit adapter son approche envers la Chine en conséquence. Dans la suite du rapport, on trouve la signification concrète de ce principe et cela m'amènera à poser une autre question par la suite.
    Étant donné cela, êtes-vous d'accord avec cette évaluation, soit que les représentants chinois n'ont pas pour mandat de modifier le monde à l'image de la Chine, mais plutôt de s'assurer que leur système prévaut, et c'est peut-être là une clé pour comprendre ce qu'ils font à l'échelle internationale?
(1055)
    La Chine n'est pas la seule grande puissance à essayer de protéger ses intérêts internationaux et sa propre structure de valeurs sur son territoire. C'est un pays souverain. En ce sens, la Chine se comporte comme les grandes puissances que nous avons connues par le passé et que nous verrons probablement à l'avenir.
    La croyance que la Chine a une conception parfaitement claire de l'ordre mondial qu'elle veut voir instaurer est un peu trompeuse. Je suis d'avis que les comportements chinois nous font voir divers fils conducteurs et que leurs attitudes laissent entendre qu'ils n'ont pas une vision unique de ce qu'ils veulent.
    La Chine a certains intérêts immédiats qu'elle tient à défendre. Elle veut les protéger. Elle veut également que la mondialisation continue et aille de l'avant. Les Chinois en ont profité et, tout bien considéré, elle va dans le sens de leurs intérêts, mais le défi auquel nous sommes confrontés avec ce pays est que, pour 80 % de ses activités, elle se comporte de façon responsable. Il y a des choses que les Chinois veulent modifier. Il s'agit essentiellement de questions touchant aux droits de la personne et à la promotion de la démocratie qui, à leur avis, vont à l'encontre de leurs intérêts. Donc, oui la Chine défend l'ordre mondial, un ordre international, mais elle ne défend pas un ordre international libéral.
    Une chose qui s'avère très difficile pour nombre d'entre nous est que de nombreux pays appuient l'approche générale de la Chine dans ce domaine. Le fait qu'on s'éloigne des principes des démocraties libérales et de l'ordre mondial, tel que nous le comprenions, intervient en partie parce que les États-Unis s'en éloignent également. C'est une époque turbulente pour tout le monde.
    En toute franchise, j'ai quantité de questions, mais celle à laquelle je vous demanderai de répondre est liée à une étude récente de la Chambre des communes du Royaume-Uni qui a été évoquée tantôt. Nous avons abordé divers aspects de la politique. La vision de M. Burton est sensiblement différente de celles d'autres participants à cette discussion, mais, au bout du compte, il est urgent que le gouvernement britannique produise un document public et détaillé définissant sa stratégie face à la Chine.
    Est-il réaliste de s'attendre à ce qu'un gouvernement comme celui du Canada fasse la même chose? Dans ces conditions, comment pourrions-nous accepter la suggestion de M. Burton voulant que nous adoptions une ligne très dure, mettant en péril tous les échanges commerciaux avec la Chine, et en même temps l'inciter à collaborer aux questions de changements climatiques et à d'autres sur lesquelles les deux parties partagent les mêmes préoccupations.
    Monsieur Harris, je vais devoir vous demander de nous dire à qui vous aimeriez… parce qu'il nous reste moins de deux minutes.
    Monsieur Burton, vous pourriez peut-être répondre le premier.
    Tout le monde parle du caractère complexe ou compliqué de cette question, alors qu'en réalité le plan du secrétaire général Xi Jinping est clair. C'est ce qu'on appelle les objectifs du bicentenaire: élimination de la pauvreté d'ici le centième anniversaire de la création du parti communiste chinois, en 1921. Cet objectif doit donc être atteint l'an prochain; une société dominée par la classe moyenne d'ici 2035; et ensuite, d'ici le centième anniversaire de la République populaire de Chine, soit en 2049, mais en vérité ils visent 2050 pour que la Chine devienne la puissance dominante sur la planète. L'initiative de route de la soie sera alors concrétisée et les institutions adopteront cette vision commune du destin de l'humanité. Je crois que c'est clair.
    Au sujet de votre autre question, est-ce que j'aime l'idée que nous devrions être absolument honnêtes et ouverts, francs et transparents sur la façon dont nous planifions de mettre en œuvre notre politique étrangère vis-à-vis de la République populaire de Chine? Oui, je ne crois pas à l'intérêt d'un plan B secret ou à quelque chose d'autre du genre. Nous devrions présenter franchement nos objectifs. Nous sommes partisans de la démocratie libérale. Le professeur Evans nous indique que le nouvel ordre mondial ne sera pas libéral. Je ne veux pas vivre dans un monde qui ne serait pas régi par un ordre mondial libéral.
    Voulez-vous nous dire oui ou non de Singapour? Pouvez-vous nous dire si vous estimez que nous aurions avantage à nous doter d'une politique bien définie?
    Beaucoup d'entre nous ont longtemps affirmé que nous avions besoin de disposer d'une politique concernant la Chine. Je crois que votre comité pourrait nous aider à préciser quels principes de base pourraient servir de lignes directrices dans la définition de nos relations avec la Chine. J'ai suggéré « Implication 2.0 » ou « Coexister avec la Chine ». Les Américains et certains autres pays ont défini récemment des approches. L'américaine en est une d'opposition. Celle de l'Australie est plus nuancée.
    Nous nous trouvons à un moment où il faut être clair, mais cette relation va être très difficile à instaurer. C'est la raison pour laquelle nous avons élu comme députés fédéraux des personnes brillantes.
(1100)
    Comme c'est gentil à vous. Vous nous flattez.
    Nous allons maintenant passer à la seconde série de questions et chacun disposera de cinq minutes.
    Monsieur Williamson, nous vous écoutons.
    Je vous remercie, monsieur le président, ainsi que tous les témoins qui sont ici aujourd'hui.
    Je vais approfondir un peu quelques-unes des remarques de M. Bergeron. Ce qui m'a frappé dans les témoignages que nous avons entendus est que, dans une certaine mesure, tout le monde semble convenir que nous ne pouvons pas retourner en arrière. À la suite de ce qui s'est passé au cours des dernières années et des derniers mois, il n'y a pas de marche arrière possible pour revenir à une relation normale avec la Chine. C'est aussi que la Chine a évolué et est devenue différente.
    Quelqu'un a déjà mentionné cela et j'y reviendrai. Il semble qu'au cours de la dernière génération nous ayons œuvré pour mettre fin à l'isolement de la Chine en lui accordant le traitement de la nation la plus favorisée pour l'amener à participer à l'ordre international et, ensuite, à permettre son adhésion à l'Organisation mondiale du commerce. Je crois avoir déjà lu quelque part que, dans le cas de Hong Kong, même Margaret Thatcher a fait le pari de rétrocéder le territoire à la Chine continentale dans l'espoir que celle-ci adopte une approche plus libérale dans ses politiques. Malheureusement, ça n'a pas été le cas.
    Nous sommes une démocratie libérale, mais pas la Chine. Elle a même eu tendance récemment à s'éloigner davantage de nos principes. Donc, si les efforts dont nous avons été témoins n'ont pas fonctionné, et si le pari n'a pas donné les résultats escomptés, il me semble que la position de… Ce qui me frappe est que vos commentaires vont à l'encontre de ce que j'entends des responsables de la politique du gouvernement fédéral, aussi bien de l'ambassadeur que des hauts fonctionnaires. Est-ce exact? Je vous serais reconnaissant de tous limiter vos commentaires à une minute.
    Monsieur Burton, puisque vous êtes là, pourquoi ne pas commencer?
    Oui, je suis d'accord. Je ne crois pas que notre politique actuelle tienne suffisamment compte de la nécessité pour le Canada de défendre nos valeurs dans nos tractations avec la Chine, dans l'intérêt général de l'avenir du monde.
    Je me demande pourquoi tant de décideurs politiques semblent réticents à s'engager avec la Chine dans un débat franc et à exercer sur elle de fortes pressions. Est-ce qu'il y en a parmi ces gens qui sont dans une certaine mesure soumis aux entreprises canadiennes qui ont des intérêts en Chine, ou obéissent-ils à d'autres motifs pour adopter ainsi des positions revenant à tolérer les conditions de la République populaire de Chine dans la gestion de nos relations avec ce pays?
    Je crois que M. Calvert a également levé la main.
    En ce qui concerne les politiques antérieures voulant favoriser la croissance internationale de la Chine pour lui permettre d'adhérer à des organismes comme l'OMC, peut-être certains politiciens s'attendaient-ils à ce que cette adhésion entraîne une forme de démocratisation. Ce n'était pas le cas des négociateurs. Je crois que nous espérions peut-être voir apparaître un régime commercial plus favorable. L'adhésion de la Chine à l'OMC a profité aux deux parties. Les entreprises en ont profité avec la réduction des tarifs douaniers. Si nous ne sommes pas parfaitement satisfaits de la façon dont la Chine met ou non en œuvre ses obligations, cette adhésion a provoqué une modification en profondeur du système commercial chinois. Si vous le comparez aujourd'hui à ce qu'il était en 2000, vous verrez que la situation s'est améliorée.
    Je ne peux pas partager votre énoncé. Lorsque vous nous dîtes que nous ne pouvons pas revenir à l'état antérieur de nos relations, cela ne veut pas dire que nous ne voulons pas pousser la Chine à adopter de nouvelles orientations. Nous devons collaborer avec la Chine et tenir compte de sa présence dans la communauté internationale. Oui, il faut que nous soyons fermes, mais aussi que nous fassions preuve d'intelligence dans la façon de négocier avec la Chine. Nous devons bien choisir les intérêts que nous voulons défendre, savoir dans quels domaines nous pouvons collaborer avec la Chine à l'échelle internationale et dans quels domaines nos intérêts respectifs se heurtent.
    Dans le cas des droits de la personne, si nous voulons faire part clairement de nos préoccupations en la matière, la solution n'est pas de donner des leçons. C'est parfois nécessaire, mais nous devrions aussi expliquer que la démocratisation est parfois rentable.
(1105)
    D'accord, mais je suis curieux. Seriez-vous alors d'accord pour dire que continuer à faire pression, ou emprunter la voie que nous suivons jusqu'à maintenant, n'est pas la bonne façon de procéder? C'est ainsi que nous nous sommes efforcés d'amener la Chine à participer à l'ordre économique international, à adhérer à l'OMC. L'étape suivante serait de conclure un accord de libre-échange avec elle, ce qui pourrait, bien évidemment, renforcer nos liens avec elle. Pensez-vous que c'est la voie à suivre ou devrions-nous nous méfier de tout accord de libre-échange conclu avec un pays qui a la réputation de voler la technologie et qui, en toute franchise, n'intègre toujours pas les règles du marché à ses politiques économiques, comme le font le Canada et d'autres pays occidentaux?
    Je crois maintenant que nous devrions être très prudents avant de conclure un accord de libre-échange avec la Chine. Je crois que ce que la Chine nous a montré, en particulier au cours de la dernière année, est que la primauté de la règle de droit continu à poser des difficultés. Si vous voulez conclure un accord de libre-échange avec un pays, vous devez pouvoir espérer raisonnablement que les deux parties mettront en œuvre leurs obligations bilatérales. Franchement, je ne crois pas que ce temps soit venu et, de toute façon, je ne crois pas non plus que la partie canadienne ait la volonté politique de parvenir à un tel accord.
    Nous vous écoutons, madame Yip.
    Ma question s'adresse au professeur Evans. Je tiens à vous remercier de rester si tard parmi nous pour participer à ces discussions.
    Dans votre exposé, vous avez mentionné trois stratégies ou recommandations que le Canada pourrait envisager d'adopter. Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur celles-ci et nous indiquer ce que vous entendez par un cadre de politique souple?
    Cela est lié à la façon dont nous catégorisons la Chine dans tout un éventail de possibilités: s'agit-il d'une amie, d'une partenaire, d'une rivale ou d'une adversaire, ou voire d'une ennemie? Où nous situons-nous sur cet éventail? À mon avis, cela dépend de l'aspect de nos relations avec la Chine dont il est question, et aucune réponse ne convient à toutes les situations. Au fur et à mesure de nos discussions avec la Chine, nous devons réaliser que nous avons toute une diversité d'intérêts à défendre, dans le domaine commercial, dans celui du programme international que nous mettons de l'avant, dans celui des objectifs de développement que nous aimerions voir dans le monde. La Chine est quantité de choses à la fois.
    Ce n'est pas un problème lorsque nous pensons aux États-Unis. En particulier de nos jours, nous faisons face avec eux à un pays empruntant en mêmes temps plusieurs directions différentes. Tout comme avec les États-Unis, dans le cas de la Chine, nous choisissons des approches adaptées à chaque question que nous abordons plutôt que de nous en remettre à une seule formule. Cette souplesse va s'appliquer à chaque mission au sens large du monde plutôt qu'à la façon dont nous procédions auparavant. Je crois que c'est la voie que nous allons devoir suivre étant donné les nouvelles dynamiques de pouvoir qui sont en jeu.
    Pourriez-vous nous en dire un peu plus sur la façon dont nous pourrions collaborer avec la Chine dans les domaines du maintien de la paix, de l'Arctique et de l'environnement?
    Il faut accorder une attention toute particulière à chacun de ces domaines. Je vais m'attarder sur un en particulier, qui est le maintien de la paix. C'est un exemple parfait des choix que nous avons faits. Pour certaines personnes, coopérer avec la Chine au maintien de la paix revient à coopérer avec l'ennemi à venir et à participer à ses activités. Parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l'ONU, la Chine est dorénavant le plus important intervenant dans le domaine international du maintien de la paix.
    J'adopte un point de vue différent. Je crois qu'en matière de maintien de la paix, l'expérience du Canada et les moyens que la Chine peut mettre en œuvre font que nous devrions pouvoir coopérer dans plusieurs domaines dans lesquels le monde a un urgent besoin de moyens renforcés de maintien de la paix.
    Pour prendre un exemple, il y a des études de cas dont certaines que votre comité pourrait utiliser, dans lesquelles on fait état d'une certaine communauté d'intérêts, en ayant bien conscience que ce processus s'accompagne de risques dont il faut que nous tenions compte. Nous pourrions vous remettre une liste détaillée si cela vous intéresse. Nous avons travaillé sur une série de domaines différents, entre 12 et 15, dans lesquels nous estimions avoir des occasions spéciales de coopération qui pourraient profiter aux deux parties, mais aussi au reste du monde, que nous aurions aimé voir se concrétiser.
(1110)
    Si vous pouvez nous en remettre des copies, cela nous serait utile.
    Qu'est-ce qui vous fait penser qu'ils disposent de la plus importante force de maintien de la paix ou qu'ils sont représentés de façon aussi efficace à travers le monde? Cela a-t-il quelque chose à voir avec l'initiative de la route de la soie?
    Je crois que l'emploi que la Chine fait de ses militaires est compliqué. Ses forces armées sont de plus en plus souvent basées dans un petit nombre d'autres pays. Les États-Unis, eux, ont plus de 400 bases militaires situées à l'étranger. Selon la façon dont on les compte, la Chine en a deux ou trois, peut-être quatre.
    Les actions de la Chine en la matière obéissent à des combinaisons de motifs divers. L'argument est que, comme elle dispose de ressources, elle a les troupes qu'elle est prête à engager et celles-ci disposent d'un excellent système de formation qui a reçu l'appui international. Nous pouvons tenter d'insister sur les côtés positifs auprès d'eux, tout en gardant les yeux ouverts, afin de percevoir les autres motifs d'intervention que nous devrons essayer de décourager à plus long terme également.
    Je vous remercie.
    Je dispose de 30 secondes. J'ignore s'il est possible de répondre en 30 secondes, mais c'est la consigne imposée à tous les participants à cette discussion.
    La Chine a tenu à remercier le gouvernement de sa réaction face à la crise du coronavirus. Dans quelle mesure peut-on s'attendre à ce que cela contribue à dégeler les relations entre le Canada et la Chine? Y a-t-il…
    Le temps qu'il nous reste ne permet à chaque député que de répondre d'un seul mot. Vous pouvez dire « très » ou « pas du tout ».
    Monsieur Burton.
    Tout à fait.
    Monsieur Calvert.
    Minimal.
    Monsieur Evans
    Je crois que la crise du coronavirus pourrait permettre d'améliorer nettement nos relations avec la Chine ou de leur nuire de façon importante.
    Je vous remercie.
    Madame Alleslev, vous disposez de cinq minutes.
    Cela a eu pour effet de déplacer de façon incroyable la discussion. Ce que j'ai entendu, et corrigez-moi si je me trompe, et que, dans l'ensemble, notre approche actuelle ne sert pas au mieux nos intérêts, qu'il y a un sentiment d'urgence pour s'attaquer à l'absence ou à la faiblesse de notre approche actuelle et que certaines des suggestions portent sur les avantages que le Canada, comme moyenne puissance, en se rapprochant d'autres pays partageant les mêmes intérêts, que ce soit dans la région où dans la communauté plus vaste des pays occidentaux, ou simplement au sein de notre propre pays, pour avoir une voix unique et trouver une façon de conférer de la force aux institutions internationales afin d'être en mesure de protéger les puissances moyennes dans un monde où nous voyons l'apparition de grandes puissances.
    Ce que j'aimerais que vous me disiez est, de votre point de vue, quelles sont les mesures précises que nous pourrions prendre pour appliquer et renforcer ces approches collectives et coordonnées avec d'autres pays appartenant à la même famille de pensée qui se trouvent dans des situations comparables, et même au sein de notre propre pays.
    Monsieur Burton.
    Ce serait bien si le Canada prenait l'initiative, comme nous l'avons pris très récemment avec la conférence sur la Corée du Nord et les mines terrestres. Le Canada a une tradition de coordination des puissances partageant sa philosophie pour le bien de la communauté mondiale. Je crois qu'il nous faut également accroître notre capacité à nous impliquer dans des discussions avec le régime chinois. Sous la tutelle de l'ambassadeur Gotlieb, nous avons modifié la façon de nous impliquer à Washington, en laissant de côté le Département d'État pour nous adresser au Congrès, aux assemblées législatives des États et à tous les lieux de pouvoir aux États-Unis. En Chine, notre aptitude à entrer en relation avec les gens qui ont réellement des pouvoirs et qui sont impliqués dans l'élaboration de la politique qui nous touche si gravement est nettement insuffisante.
    L'autre chose est que nous continuons à parler de la Chine, mais nous parlons en réalité du gouvernement actuel de la Chine sous le règne de Xi Jinping. Je ne crois pas que celui-ci dure éternellement. Je ne crois pas que nous devions estimer que la fin de la démocratie libérale dans les affaires mondiales est inéluctable. Nous devrions nous adresser à des agents de changement en Chine et appuyer les personnes qui, à notre avis, agissent bien. Nous avons procédé de cette façon auparavant dans le cadre des dialogues sur le droit de la personne et de programmes destinés à la société civile, ainsi que pour la formation des juges doyens. Lors de mes deux affectations comme diplomate en Chine, je me suis beaucoup impliqué dans ces types de relations. Toutes ces initiatives ont échoué, mais je ne crois pas que nous devrions abandonner l'idée de la démocratie en Chine.
(1115)
    Très bien. Je vous remercie.
    À votre tour, monsieur Evans.
    Je crois que nous sommes confrontés à un double défi: un défi chinois et un défi américain. Que ce soit pour instaurer un nouvel ordre mondial ou pour en reconstituer un, nous allons devoir travailler avec ces deux pays du mieux que nous pourrons en les amenant, par exemple, dans certaines nouvelles organisations de commerce multilatéral. Cela ne va pas marcher à l'échelle mondiale, mais le Partenariat transpacifique pourrait comporter des dispositions d'accession à celui-ci, nous permettant d'imaginer l'adhésion à la fois de la Chine et des États-Unis, quand ils seront prêts et en mesure de le faire.
    En second lieu, je vous dirai que lorsque nous pouvons essayer de collaborer comme des puissances intermédiaires, avec ici une mention particulière à l'Asie du Sud-Est, par l'intermédiaire de l'Association des Nations de l'Asie du Sud-Est. L'idée est ici…
    Je vous remercie, mais je tiens à m'assurer que je vais aussi laisser à M. Calvert l'occasion de s'exprimer.
    Comme vous avez insisté de façon très marquée sur ceci dans vos commentaires préliminaires, quelles mesures pourrions-nous prendre, monsieur Calvert?
    Tout d'abord, nous sommes confrontés à des questions précises. Nous allons devoir prendre des décisions une par une, en mettant l'accent sur le choix. Par exemple, en ce qui concerne les deux otages, comme je l'ai indiqué, il y a un certain nombre de pays dont des citoyens ont été pris en otage. Ils peuvent se regrouper et dire « très bien, la prochaine fois qu'un citoyen d'un de nos pays est pris en otage, nous aurons tous la même réaction ». Nous pouvons aussi regrouper des gens partageant des intérêts dans d'autres domaines. C'est ce que font nos diplomates.
    Je crois également, d'après ce que nous a dit M. Burton, que nous avons bon nombre de délégués commerciaux en Chine, mais que nous n'y disposons pas d'une représentation adéquate du personnel chargé du travail politique et de défense dans nos ambassades. Nous pourrions affecter beaucoup plus de ressources à ce genre de tâches. C'est en établissant davantage de liens avec le système du parti, avec les administrations locales et avec toutes les organisations que nous pourrons trouver des façons de faire progresser nos intérêts et tenter d'influencer le gouvernement.
    Je veux dire une chose de plus…
    Je suis navré, monsieur Calvert, mais nous sommes à court de temps, car nous avons un peu débordé de notre horaire.
    Nous vous écoutons, madame Zann.
    Je vous salue tous messieurs, quel que soit le fuseau horaire dans lequel vous vous trouvez.
    J'ai trois questions à poser, une pour chacun de vous, et je vous invite à le garder à l'esprit. Je vais commencer par vous, monsieur Burton.
    Quelles seraient à votre avis les conséquences pratiques d'une réaction politique très sèche sur les relations ultérieures entre le Canada et la Chine face aux comportements chinois que nous désapprouvons?
    Je suis passablement sûr qu'étant donné que les rapports entre le Canada et la Chine sont si asymétriques, en faveur de la Chine, que la réaction ne serait pas négative. Je crois que nous obtiendrions le respect de la Chine. Ils ne s'attendent pas à ce que nous restions passifs en réaction aux atrocités successives qu'ils ont commises contre l'ordre mondial reposant sur des règles, au mépris de la diplomatie et des échanges commerciaux.
    Je pense vraiment que, par exemple, nous devrions nous attaquer aux activités des agents de l'État chinois au Canada, au blanchiment d'argent en Colombie-Britannique. Cela aurait des répercussions sur les gens liés à la haute direction du régime. C'est la raison pour laquelle je crois qu'ils protègent si soigneusement Mme Meng. Nous devrions aussi mener d'autres actions comme l'inspection rigoureuse des expéditions en provenance de Chine pour mettre fin au fléau du Fentanyl qui envahit notre pays. Nous pourrions prendre quantité de mesures.
    Franchement, je reconnais que nous ne pouvons pas prédire ce que va faire ce régime. Il ne donne pas l'impression de se comporter de façon juste ou réciproque, comme on pourrait s'y attendre dans le cadre de relations mondiales. Je ne m'inquiète pas tant de ce qui se passera si nous avons le cran de nous affirmer. Les conséquences seront désastreuses pour notre économie et pour nos relations avec leur pays, mais l'histoire se poursuivra.
(1120)
    Merci beaucoup.
    Monsieur Calvert, qu'avez-vous appris dans vos fonctions de diplomate ou de professeur sur la meilleure façon de nous impliquer avec la Chine, même quand nous avons des différends avec eux.
    Je vous dirai deux choses.
    L'une est que le ton est important, comme c'est le cas dans tous types de relations, et que si les déclarations publiques sont parfois utiles, elles sont également des instruments émoussés et doivent être appariées à d'autres types d'interventions qui ne se font pas en public.
    La seconde chose que je vous dirai est que plus vous pourrez leur communiquer un dossier d'analyse pour les convaincre que ce que vous essayez de faire est, par exemple, de défendre les intérêts de la Chine et non pas simplement de prôner vos propres valeurs et plus vous serez efficaces.
    Par exemple, dans le domaine des droits de la personne, si vous pouvez leur présenter un argument… Prenons un autre exemple, celui du coronavirus. Si vous voulez parler de transparence et de gouvernance, vous pouvez monter un dossier d'analyse pour la Chine dès maintenant, derrière les portes closes en disant: « Regardez, votre pays a été paralysé pendant un mois alors que vous auriez pu contenir l'épidémie. Votre système implique la façon dont vous exercez les contrôles avec son manque de transparence, et la répression que vous avez exercée contre les personnes qui s'efforçaient avant tout de vous prévenir de ce danger. Cela devrait vous alerter. » Pour l'essentiel, vous pouvez prétendre que le respect des droits de la personne et une plus grande démocratie génèrent une situation plus stable et offrent davantage de possibilités de s'attaquer aux défis actuels et à long terme, dans n'importe quel pays.
    Un autre exemple pourrait être celui de la question des Ouïghours, qui ont été traités de façon abominable. Nous pourrions parler de l'expérience canadienne et leur dire: « Vous savez, nous avons des Autochtones et nous les avons maltraités. Cela s'est avéré très coûteux en termes sociaux et financiers à cause de l'incroyable mauvaise gestion que nous avons faite de cette question. » Plus vous présenterez des problèmes de cette façon et plus vous constaterez que vos auditeurs sont prêts à vous écouter.
    Excellent. Je vous remercie.
    J'en viens à ma dernière question qui vous est destinée, monsieur Evans.
    De quelle marge de manœuvre disposons-nous pour mener une politique indépendante envers la Chine, qui pourrait contrevenir à la politique américaine sur la façon de traiter la Chine comme un concurrent stratégique, un adversaire ou même un ennemi, comme par exemple le cas de Huawei?
    La question de Huawei est exactement celle qu'il faut poser, parce que c'est précisément sur celle-ci que les forces s'affrontent et que les défis d'une décision purement canadienne sont vraiment importants pour signaler les orientations que nous entendons prendre.
    Je crois que le consensus sur la question de Huawei aux États-Unis commence à se fissurer, même si ce phénomène ne se manifeste pas encore chez leurs élus. Les groupes de réflexions du milieu des affaires ainsi que d'autres perçoivent les risques du découplage et abandonnent la ligne dure de la confrontation.
    Je vous remercie.
    J'en suis navré, mais il ne nous reste que très peu de temps pour permettre à chaque député de poser sa question.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Je comprends que la politique canadienne concernant la Chine a été complètement révisée. J'ai bien noté le commentaire de M. Burton selon lequel il faut également, comme nous l'avons fait pour les États-Unis, changer nos façons de faire à l'égard de la Chine. Selon vous, quel rôle les provinces peuvent-elles avoir dans ce changement?
    Ensuite, j'aimerais poser une question qui pourrait s'adresser à vous trois et que nous pouvions difficilement poser aux fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères: est-ce que le Canada est bien outillé actuellement en matière de personnel et d'analystes?
    Finalement, je ferais le lien avec une des interventions de M. Calvert en réponse à une question de Mme Alleslev: le Canada est-il bien équipé pour faire face à ce changement de paradigme auquel nous assistons relativement à la Chine?
    À qui posez-vous la question, monsieur Bergeron?
    Elle s'adresse aux trois témoins.
    S'il vous plaît, dites-nous lequel des trois vous souhaitez entendre en premier, monsieur Bergeron.
    Ma première question s'adresse à M. Burton. Allez-y, nous perdons du temps.
(1125)

[Traduction]

    Nous avons très certainement eu en Chine des représentants très efficaces de nos provinces. J'en ai connu quelques-uns du Québec à l'époque où j'étais en poste à l'ambassade. Ils étaient non seulement brillants sur les questions commerciales, mais également dans les discussions sur d'autres sujets entre les diplomates affectés en Chine.
    Disposons-nous des analystes dont nous avons besoin pour défendre nos intérêts comme ils doivent l'être en Chine? Je dirais que non. Il est très difficile de trouver des gens ayant les connaissances nécessaires du système communiste maîtrisant la langue chinoise et prêts à consacrer beaucoup de temps à dialoguer avec leurs collègues chinois. Le Canada n'est pas le seul pays à être confronté à ce problème, mais c'est néanmoins un problème important pour le Canada.
    Le fait est qu'il n'y a pas de solution à court terme. Actuellement, de nombreux pays offrent des programmes incitatifs de bourses pour permettre à des étudiants diplômés d'acquérir ces compétences. C'est une dimension que nous devons prendre au sérieux, mais ce n'est pas non plus une difficulté dont nous pourrons venir à bout à court terme.
    La parole est à vous, monsieur Evans.
    Je vous remercie.
    Je pense que la question de la province et celle des compétences sur l'Asie sont très intéressantes, parce qu'elles nous ramènent à nos universités. Je crois que les études du rôle des universités et des défis auxquels nous somment confrontés en traitant avec la Chine de nos jours sont des sujets sur lesquels l'apport du Comité pourrait être précieux. Parmi les sujets d'intérêt, il y a celle du recrutement d'étudiants, mais il y a toute une série de nouveaux défis à relever pour protéger…
    Je vous remercie. Je suis navré de vous interrompre, mais les deux minutes et demie dont vous disposiez sont écoulées.
    À vous maintenant monsieur Harris, pour deux minutes et demie.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Comme nous le savons tous, beaucoup de Canadiens sont préoccupés par la situation des droits de la personne en Chine, qu'il s'agisse du traitement des Ouïghours ou de l'emprisonnement de MM. Spavor et Kovrig. Tout au long de nos relations avec la Chine, nous avons toujours demandé au premier ministre de soulever la question des droits de la personne dans les réunions avec les dirigeants chinois. Cela fait 50 ans que cela dure. Est-ce que les mécanismes internationaux de protection des droits de la personne disponibles peuvent jouer un rôle pour résoudre cette question, ou avons-nous besoin d'autres types d'interventions? Nous pouvons avoir recours aux déclarations publiques, aux canaux usuels de la diplomatie, etc., mais y a-t-il d'autres choses que nous pourrions ou devrions faire pour contribuer à résoudre ces questions.
    Chacun d'entre vous peut-il répondre à cela? Y-a-t-il quelque chose d'autre qui nous échappe?
    Monsieur Harris, les institutions de l'ONU ne sont pas très efficaces. Je constate que la Corée du Nord a ratifié les principales conventions sur les droits de l'homme. Manifestement, nous ne parvenons pas à les obliger à se conformer à ces conventions. De ce point de vue, je crois que certaines institutions ont pratiqué la cooptation pour permettre au pouvoir chinois, aux Nations unies, d'empêcher de mettre en évidence les abus contre les droits de la personne en Chine.
    Comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, nous pouvons recourir à la Loi sur la justice pour les victimes de dirigeants étrangers corrompus (loi de Sergueï Magnitski). Je trouve absolument aberrant que le pays qui s'en est le plus pris aux droits de la personne soit exclu de notre liste canadienne.
    Je vous remercie.
    Nous vous écoutons, monsieur Evans.
    Je trouve que vous avez cerné là un problème fort intéressant: comment allons-nous réagir avec la Chine sur la question des droits de la personne? Je dirai que les attitudes adoptées en public sont assez révélatrices. Lorsqu'on demande aux Canadiens qu'elle devrait être, à leur avis, la priorité du gouvernement dans le cadre de ses relations avec la Chine, le respect des droits de la personne arrive régulièrement en quatrième place sur la liste, après les échanges commerciaux, la coopération sur les questions mondiales et la protection des valeurs et des institutions canadiennes au pays.
    La faible priorité que nous donnons à cette question est marquante.
    Merci.
    Monsieur Calvert, j'en suis navré, mais il ne vous reste que 15 secondes pour répondre.
    Si nous voulons changer toute la Chine, la tâche va être très ardue. Nous allons devoir cerner des questions précises de portée restreinte, mais concrètes, et nous efforcer de communiquer à la Chine pourquoi il est de son intérêt de faire ceci ou cela. Nous devrons identifier les domaines dans lesquels nous pouvons collaborer avec elle et déterminer à partir de là ce que nous pourrons faire ensemble. Nous avions l'habitude de discuter des droits de la personne…
    Je vous remercie. Je suis navré, mais c'est tout le temps dont nous disposions.
    Je remercie chaleureusement les témoins. Nous leur en sommes réellement reconnaissants du temps qu'ils nous ont consacré et de leur acceptation du fait que chaque député ne dispose que de quelques minutes. Nous devons traiter tous les points inscrits à notre ordre du jour assez rapidement. J'invite tous les témoins qui le souhaitent à transmettre au greffier des renseignements additionnels dont ils n'auraient pas eu le temps de nous faire part.
    Nous allons suspendre la séance pendant cinq minutes.
(1130)
    Puis-je lire une motion pour qu'elle figure au procès-verbal?
    Voulez-vous proposer une motion?
    Je vous demande pardon. Je veux dire que je veux proposer une motion. Je la propose:
Que le greffier du Comité prenne les arrangements nécessaires pour organiser un déjeuner de travail le jeudi 27 février 2020.
    Nous reviendrons sur ce sujet après la pause.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant cinq minutes pour permettre à ce groupe de témoins de s'en aller, permettre au groupe suivant de s'installer et préparer la prochaine téléconférence.
    Je vous remercie tous à nouveau.
(1130)

(1135)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous allons maintenant tenir une deuxième séance.
    Nous accueillons Jeremy Paltiel, professeur au Département de science politique, Université Carleton. Par vidéoconférence, de Vancouver, en Colombie-Britannique, nous accueillons Yves Tiberghien, professeur au Département de science politique et professeur affilié, École des politiques publiques et des affaires mondiales, Université de la Colombie-Britannique. Et également, de la Canada West Foundation, nous accueillons Carlo Dade, directeur, Trade and Investment Centre, ainsi que Sharon Zhengyang Sun, économiste en politique commerciale, Trade and Investment Centre.
    Merci beaucoup.
    Nous allons commencer avec M. Paltiel.
    Mesdames et messieurs du Comité spécial de la Chambre des communes sur les relations sino-canadiennes, je vous remercie de me faire l'honneur de témoigner devant vous aujourd'hui.

[Français]

     Je suis très reconnaissant d'avoir l'occasion qui m'est offerte de témoigner devant vous, et je serai heureux de répondre à vos questions en anglais ou en français.

[Traduction]

    Cette année marque le 50e anniversaire de l'établissement de relations bilatérales entre la République populaire de Chine et le Canada. Elle marque également le 50e anniversaire du début de mon apprentissage du chinois. J'estime ce moment particulièrement opportun pour examiner nos relations bilatérales. Mon mémoire se divise en trois parties. Dans la première, je passe en revue le modèle de nos relations. Dans la deuxième, je présente ma vision de la nature du régime chinois et des restrictions qu'il impose à nos relations bilatérales et à nos relations avec nos alliés. Et enfin, dans la troisième partie, je décris l'état actuel de nos relations et comment elles pourraient évoluer à l'avenir.
    Nous avons commencé à négocier l'établissement de relations bilatérales en 1968, une époque à laquelle la République populaire de Chine se trouvait pratiquement isolée sur le plan diplomatique pendant l'agitation sans précédent appelée la Révolution culturelle. Le point de départ de notre initiative ne visait pas à appuyer le régime chinois, ni à espérer que la Chine se transforme en une sorte de Canada. À l'époque, la situation des droits de la personne était beaucoup plus inquiétante qu'elle ne l'est aujourd'hui. L'idée sous-jacente à l'établissement de nos relations diplomatiques — et je fais référence au professeur Paul Evans sur cette question, étant donné qu'il est l'auteur d'un livre sur la question — était de faire entrer la Chine dans la communauté des nations au nom de la paix et de la sécurité mondiales, de diversifier nos relations et nos échanges commerciaux internationaux et de montrer que nous pouvions jouer le rôle d'un acteur indépendant sur la scène internationale.
    Nos efforts finirent par être récompensés bien au-delà de nos espérances initiales. La République populaire de Chine fit son entrée à titre de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations Unies quelques mois après l'établissement de relations diplomatiques, en octobre 1970. En l'espace de 10 ans, la Chine a amorcé le processus de réforme et d'ouverture qui a conduit à la croissance spectaculaire que l'on connaît. Le Canada a joué un rôle en tant que partenaire de la réforme et de l'ouverture de la Chine par l'entremise de programmes de l'ACDI, qui a vu le jour en 1981. La réforme et l'ouverture de la Chine ont suscité l'espoir que cette évolution conduirait à la pleine participation de cette dernière à l'ordre international libéral.
    Mais cet espoir initial a été ébranlé par les événements de la place Tiananmen en 1989. Lorsque les réformes économiques chinoises ont repris en 1991-1992, les programmes de l'ACDI se sont également poursuivis, et l'espoir a été rallumé, quoique selon une trajectoire plus prudente et à plus long terme. Les efforts de la Chine pour adhérer à l'Organisation mondiale du commerce symbolisaient cette tentative renouvelée, et c'est dans ce contexte qu'en 1998, le premier ministre chinois en exercice Zhu Rongji avait qualifié le Canada de « meilleur ami de la Chine ». Les efforts canadiens facilitèrent l'adaptation des institutions et du système juridique chinois aux exigences d'un système de libre marché lorsque la Chine adhéra à l'OMC en janvier 2001.
    Au XXIe siècle, la Chine n'a plus besoin de l'encadrement du Canada, ni de son aide pour lui ouvrir des portes. Juste comme la réussite de la Chine commençait à se faire sentir, nos relations ont perdu leur raison d'être stratégique globale. La croissance spectaculaire de l'économie chinoise devint la nouvelle justification de notre relation, mais nous fûmes déçus que nos antécédents ne nous valent pas de traitement de faveur sur le marché chinois. Même l'approche d'Équipe Canada n'a pas permis de freiner le recul de nos parts de marché dans l'économie chinoise et nos échanges commerciaux ont sombré dans des déficits persistants aux termes desquels pour chaque dollar dépensé par les Chinois chez nous nous achetons pour 2 $ de marchandises chez eux. Nous avons été incapables d'établir une perspective stratégique dans nos relations, tant sous les gouvernements libéraux que conservateurs. Depuis une quinzaine d'années, la puissance de la Chine s'est accrue, et nos espoirs déçus s'imprègnent de plus en plus de peur.
    Pour ce qui est de la nature du régime chinois, depuis l'accession au pouvoir de Xi Jinping lors du 18e congrès du parti, en 2012, la Chine est passée de la défense de sa différence à titre d'exception à l'universalité des valeurs libérales à la célébration de sa gouvernance fondée sur ses propres traditions culturelles et sur les réalisations du régime communiste.
(1140)
    Xi a pris soin de ne pas dire que le modèle chinois devrait être copié ou imposé, mais il présente néanmoins l'expérience de son pays comme un modèle à suivre pour les pays en développement. Il vaut toutefois la peine de rappeler qu'au moment où le Canada a reconnu la Chine, en octobre 1970, le président Mao et le Parti communiste chinois prônaient toujours la révolution mondiale et le renversement du capitalisme. Mais ce n'est pas le cas aujourd'hui. Les préoccupations de Beijing concernant la démocratie libérale découlent en grande partie de sa crainte pour la sécurité intérieure de son propre régime. La Chine ne cherche pas agressivement à saper les autres régimes. Contrairement à la Russie. À titre de plus grand pays exportateur du monde, la Chine s'est essentiellement engagée vis-à-vis d'un ordre commercial international fondé sur des règles. La Chine tente de cimenter son statut au moyen d'initiatives telles que la route de la soie et la BAII, la Banque asiatique d'investissement pour les infrastructures.
    Ces efforts pour accroître la prospérité et la connectivité grâce à la BRI et à la BAII ne constituent pas en soi une menace pour le Canada. Les investissements dans les biens publics, comme l'infrastructure, porteront fruit, et ce, même si nous n'en sommes pas des bénéficiaires ou des participants directs. De plus, un engagement plus étroit nous permettra d'exercer une certaine influence, comme par l'entremise de notre adhésion à la BAII, dans le cadre de la direction et de la gestion de ces programmes. Nous affrontons la Chine comme un concurrent prospère qui a adapté ses méthodes de marché en vue d'atteindre les objectifs établis par l'État. Cela représente un défi, mais ne constitue pas en soi une menace à l'ordre fondé sur des règles.
    Le régime léniniste chinois est conçu pour tenir les dirigeants politiques à l'écart d'une influence externe, qu'elle soit intérieure ou internationale; toute sa perspective est donc fondée sur son propre isolement par rapport à ce qui est extérieur à la Chine, à l'interne ou à l'externe. Toutefois, la survie continue du Parti communiste chinois — la République populaire de Chine a survécu désormais plus longtemps que l'Union soviétique — exige qu'il s'adapte et qu'il tire des leçons. La Chine est sensible, dans le meilleur et dans le pire sens du terme, à l'opinion extérieure et à la critique venant de la base.
    Le rêve du grand rajeunissement de la nation chinoise repose sur la réunion avec le monde, et non sur l'isolement de la Chine. Les centaines de milliers d'étudiants chinois au Canada sont une expression concrète de cet idéal. Notre stratégie doit tenir compte de différentes représentations de la volonté du peuple chinois, tout en reconnaissant que le gouvernement chinois avec lequel nous transigeons est mandaté par l'État chinois pour prendre des engagements. Nous n'avons aucun pouvoir sur sa volonté de changement ou sur le moment où pourrait survenir ce changement, et nous n'avons pas non plus notre mot à dire à ce sujet.
    La prospérité canadienne et l'influence mondiale dépendent de la viabilité de notre relation avec la Chine. Actuellement, notre relation avec la Chine est la pire de tous les pays du G7, mais on constate des signes de dégel. Ce dégel alimente l'espoir d'une amélioration, mais je suis d'accord avec d'autres Canadiens qu'il n'y aura aucune amélioration fondamentale tant que les deux Michael n'auront pas été libérés.
    En diplomatie, les Chinois emploient souvent cette expression qiutong cunyi qui signifie insister sur les points de convergence, tout en conservant les différences. Nous devons élaborer une stratégie qui nous permettra de faire justement cela, et ce, même si nous entretenons de sérieuses préoccupations en matière de droits de la personne, surtout en ce qui concerne les camps du Xinjiang. La Chine est indissociable du destin de la planète, et tout espoir de l'isoler ou de la contenir est voué à l'échec. Il y a un éventail d'enjeux, qu'il s'agisse du changement climatique ou de la santé dans le monde, sur lesquels nous n'avons pas d'autre choix que de travailler avec la Chine. Notre prospérité, comme celle de la Chine, repose sur un système commercial ouvert fondé sur des règles. Il est impossible de protéger ce système et un environnement sain pour l'innovation mondiale sans la Chine.
(1145)
    Monsieur Paltiel, il vous reste 35 secondes. Pourriez-vous conclure, s'il vous plaît.
    D'accord.
    J'aurais quelques autres observations à formuler, mais essentiellement, la prémisse de notre engagement est de ne pas tenter de rebâtir la Chine à notre image, mais plutôt de coopérer dans les domaines où nous avons des intérêts communs et de réserver un espace où les préoccupations importantes seront écoutées sur la base de la réciprocité. De toute évidence, nous devons avancer vers un espace où il faudra miser de plus en plus sur la réciprocité. Mis à part le fait que la Chine n'a plus besoin de nous pour ouvrir des portes, nous avons un trop grand nombre de préoccupations pressantes pour ne pas en tenir compte.
    Je vous ferai parvenir mes autres observations, et je vais laisser les autres commentateurs présenter leurs exposés.
    Vous avez pris tout juste 10 minutes. Merci beaucoup de votre collaboration.
    Monsieur Tiberghien.

[Français]

    Je suis honoré de contribuer aujourd'hui à vos délibérations en vous communiquant quelques fruits de mes recherches et de mes observations sur les relations entre le Canada et la Chine.
    Je salue le travail important de votre comité, et je reconnais l'urgence d'évaluer cette relation, étant donné la situation de nos concitoyens incarcérés en Chine, en particulier Michael Kovrig et Michael Spavor. Nous reconnaissons tous le mauvais tournant pris par la relation entre le Canada et la Chine depuis l'arrestation de Mme Meng Wanzhou, le 1er décembre 2018, et celle des deux Michael, le 10 décembre 2018.

[Traduction]

    Je reconnais également que nous sommes réunis aujourd'hui alors que sévit une crise de santé publique qui touche de nombreux diplomates canadiens en Chine, dont l'ambassadeur. Cette crise a entraîné la plus grande mise en quarantaine de villes de l'ère moderne, et des souffrances terribles.
    Je saisis aussi l'occasion de remercier la greffière et le personnel du Comité qui font la différence chaque jour, ainsi que les pages, le hansard, les traducteurs et les greffiers. L'un de mes étudiants a travaillé comme page l'année dernière, et ce fut pour lui une formidable formation.
    J'aimerais commencer par deux points importants. Je me concentrerai ensuite sur certains aspects clés du système international et ses liens avec les relations sino-canadiennes; je présenterai quelques points sur la Chine et quelques répercussions pour le Canada. Premièrement, le relâchement des relations sino-canadiennes s'insère dans une période plus étendue de grande perturbation dans la politique mondiale. De nos jours, tous les pays doivent adapter leur attitude dans les affaires internationales et réagir aux mouvements des autres. Deuxièmement, dans ce contexte, les priorités du Canada sont de faire preuve de résolution dans la défense des intérêts nationaux et dans la recherche de voies réalisables pour défendre l'ordre international fondé sur des règles de concert avec des partenaires clés. Un multilatéralisme efficace doit sous-tendre l'action du Canada sur la scène internationale.
    Je vais maintenant vous faire part de certains points sur le contexte international et sur leur incidence sur les relations sino-canadiennes.
    J'appelle cette époque l'ère des perturbations. Dans une large mesure, la crise sino-canadienne s'inscrit dans la crise encore plus vaste que vivent les États-Unis et la Chine, et elle sert de prisme pour les défis posés à l'ordre fondé sur des règles.
    Permettez-moi de développer mon idée à l'aide de cinq principaux facteurs et leurs répercussions.
    Premièrement, nous vivons au milieu d'une crise de la mondialisation. Nous assistons à des échanges commerciaux qui atteignent des sommets, à un mouvement vers la régionalisation et la démondialisation des chaînes d'approvisionnement mondiales. Les inégalités introduites à l'échelle mondiale ont entraîné une forte polarisation et des tensions dans les démocraties les plus avancées. Nous vivons une époque marquée par l'anxiété et la colère dans des pays comme les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, l'Italie, la Grèce, la Pologne, et bien d'autres.
    Deuxièmement, notre système économique subit des changements systémiques en raison de la combinaison du changement climatique et de la quatrième révolution industrielle. Ces deux forces suscitent une concurrence encore plus échevelée.
    Troisièmement, nous venons tout juste de traverser l'un des plus grands changements de puissance économique de l'histoire moderne. Entre 2000 et 2018, plus de 20 % du PIB mondial en dollars historiques est passé des mains des pays de l'OCDE à celles d'économies émergentes. De ce pourcentage, 60 % — c'est-à-dire 12 points — est allé à la Chine. Le reste est allé à l'Inde, à l'Asie du Sud-Est, à l'Asie centrale et à l'Afrique. Le FMI estime que l'Asie représente 60 % de la croissance mondiale aujourd'hui et pour la prochaine décennie. L'économie ouverte a facilité ce changement, mais il est également important de mentionner que la Chine et l'Inde ne font que revenir à la place qu'elles ont occupée pendant 2 000 ans jusqu'en 1820, c'est-à-dire avant la révolution industrielle et la colonisation. Dans le cadre de ce changement, nous constatons que la Chine s'affirme davantage, de même que l'Inde, la Russie, l'Indonésie et l'Afrique.
    Quatrièmement, la Chine aujourd'hui représente 16 % du PIB mondial en dollars historiques, et 19 % pour ce qui est de la PPA. Ce sont les chiffres de 2018. Entre 2012 et 2020, la Chine a représenté un tiers de la croissance mondiale. La Chine est un géant dans tous les domaines, de la santé à l'énergie renouvelable, en passant par l'intelligence artificielle, les mégadonnées, les étudiants étrangers et les membres de la force de maintien de la paix des Nations Unies. Nous ne pouvons pas travailler sur un enjeu mondial quelconque aujourd'hui sans que ce soit avec la Chine. Nous observons également un regroupement des sous-régions asiatiques, comme l'Asie du Sud, l'Asie du Sud-Est, l'Asie centrale et la Chine. Ces régions s'étaient dissociées depuis l'époque coloniale — pendant plus de 200 ans, et de fait, depuis la chute de Tamerlan, le dernier conquérant mongol, en 1405.
    Cinquièmement, nous assistons actuellement à un bouleversement de l'ordre international. En effet, les États-Unis, le pays ayant créé l'ordre libéral, se trouvent sous la gouverne de l'administration Trump, qui se retourne contre de nombreuses institutions multilatérales que les États-Unis avaient eux-mêmes créées et soutenues depuis la Deuxième Guerre mondiale. Nous ignorons pour le moment s'il s'agit d'un rajustement de négociation ou d'une perturbation à long terme de la recherche de l'ordre amorcée il y a une centaine d'années par Woodrow Wilson, après la Première Guerre mondiale.
(1150)
    Les conséquences de ces cinq perturbations et des changements systémiques sont une période de rivalité géopolitique croissante. Je vois un dynamisme extraordinaire. Je vois également des fausses perceptions considérables, étant donné que chaque puissance analyse les actions des autres à travers son propre cadre et ses propres récits historiques. Par exemple, l'arrestation de Mme Meng Wanzhou, en décembre 2018, a déclenché dans la population chinoise et au sein du gouvernement des réactions extrêmement fortes révélatrices d'une profonde incompréhension des intentions réelles du Canada. Bien entendu, on peut en dire autant des Canadiens. De tels malentendus pourraient être dissipés en cherchant des indices en Europe.
    Je suis également frappé qu'Internet n'ait pas permis de raffiner les perceptions entre les groupes ou les nations, mais qu'il ait plutôt contribué à les exacerber en s'en faisant l'écho et en créant une surcharge. Dans ce contexte, il est essentiel de commencer par comprendre ce qui motive les autres acteurs afin de trouver les voies réelles pour faire avancer les choses. Il est essentiel d'éviter les cycles émotifs de représailles qui ne font qu'empirer les choses pour tous les protagonistes.
    À titre d'exemple, il suffit de voir le signal d'alarme envoyé à l'Union européenne par Josep Borrell, actuel haut représentant de l'Union européenne, dans une lettre d'opinion publiée le 8 février 2020 dans Project Syndicate. Il a exhorté l'Europe à prendre acte du fait que, dans le monde actuel, les grands acteurs ont tendance à ne plus respecter les règles du jeu, mais à plutôt opter pour le regroupement des enjeux et la politique de la force. Il a exhorté l'Union européenne à adopter une réflexion stratégique, à mettre en place des leviers et des coalitions. Notre principal allié en Asie, le Japon, tient le même discours.
    Je vais maintenant vous dire deux ou trois choses sur la Chine et la gouvernance chinoise ainsi que sur les perceptions des Chinois.
    La Chine est complexe et paradoxale. Elle a acquis une énorme puissance à l'échelle internationale, et pourtant elle fait face aujourd'hui à plus d'incertitudes à l'échelle nationale et internationale qu'à tout autre moment depuis la fin de l'époque de Mao. Voici un aperçu de quelques-uns de ces défis.
    Premièrement, au sujet de la gouvernance chinoise, si vous avez parlé à des citoyens de la classe moyenne chinoise au cours des dernières années, vous en aurez retenu un immense sentiment d'espoir et de soulagement d'avoir survécu à un grand traumatisme. En 1820, la Chine était un pays riche et pacifique, elle représentait 30 % de l'économie mondiale. Après 1820, elle a traversé deux guerres de l'opium, a perdu d'importants marchés et a dû abandonner son autonomie aux mains de puissances occidentales et du Japon. Elle a vécu en outre de grandes révoltes paysannes ayant entraîné la mort de plus 50 millions de personnes vers la fin des années 1800. Le grand espoir de la révolution de 1911 avec Sun Yat-Sen a été immédiatement suivi par la fragmentation du territoire en régions sous la férule de seigneurs de guerre, de décennies de guerre civile, de l'invasion par le Japon qui a entraîné la mort d'encore 20 millions de personnes, d'autres guerres civiles et de la guerre de Corée. La Chine a bien connu quelques bonnes années, entre 1952 et 1957, mais elles ont été suivies de la folie de la campagne anti-droite, le Grand bond en avant qui a entraîné une famine responsable de la mort de 50 millions d'autres Chinois; cette campagne a été suivie plus tard de la Révolution culturelle de Mao. Rien de surprenant à ce que la classe moyenne soit favorable à la stabilité et qu'elle considère les présentes décennies comme la période la plus favorable en Chine depuis 150 ans, une ère de prospérité et de possibilités.
    Bien entendu, la population soutient largement le régime. Nombre de Chinois éprouvent un réel sentiment de grand progrès, de santé et de prospérité croissantes, de plus grande liberté — sauf en ce qui a trait à la liberté politique, et plus précisément, à la capacité de critiquer le Parti.
    On constate également, bien entendu, le désir croissant d'obtenir plus d'information et de faire entendre sa voix, particulièrement dans les médias sociaux. Par ailleurs, étant donné que la classe moyenne ne représente que 25 % de la population, il n'est pas encore dans son intérêt de remettre le pouvoir à l'autre 75 % de la population qui reste. Il suffit de penser à la Thaïlande et à la réaction des chemises jaunes contre l'ancien premier ministre Thaksin qui avait été élu démocratiquement. Ce que j'entends, toutefois, ce sont les aspirations à une évolution au fil du temps qui entraînerait plus de liberté politique et une meilleure gouvernance sans le traumatisme de la fragmentation nationale ou des changements de dynastie passés.
    Deuxièmement, étant donné l'histoire politique longue et compliquée du pays qui s'étend sur des milliers d'années, et compte tenu du fait que la Chine représente une part importante de l'expérience collective de l'humanité, la population et le gouvernement chinois s'attendent à ce que l'on reconnaisse cet héritage. L'actuel gouvernement peut bien adopter une structure léniniste, il reste qu'il agit souvent comme un gouvernement qui a hérité des pratiques et des normes des dynasties antérieures.
    Troisièmement, même si la Chine n'adhère pas au pilier politique de l'ordre libéral, il reste que sa gouvernance est néanmoins fragmentée et pluraliste. Même si Xi Jinping accapare les pouvoirs et exerce une répression dans de nombreux domaines comme les médias, la structure du pouvoir demeure celle d'un leadership collectif. Lorsque Xi n'obtient pas l'appui des 25 bureaux politiques ou des 7 comités permanents, il ne peut pas aller de l'avant. De fait, pour demeurer en poste pour un troisième mandat, après 2022...
(1155)

[Français]

     Excusez-moi, monsieur Tiberghien, il vous reste 30 secondes. Pouvez-vous conclure votre présentation, s'il vous plaît?

[Traduction]

    D'accord.
    Les résultats des politiques chinoises comportent des zones d'ombre et des zones de lumière et de progrès. Plus la Chine s'inquiète, et plus elle resserre les contrôles. Il nous faut trouver des moyens efficaces d'agir dans ces conditions.
    Voici quelles sont les répercussions pour le Canada. Nous ne pouvons pas souhaiter voir la Chine disparaître. Nous devons traiter avec la Chine telle qu'elle est. Il nous faut adopter une approche différenciée avec la Chine, avec certaines pratiques et des intérêts nationaux. Nous devons protéger notre sécurité, mais à long terme, le Canada doit renforcer l'ordre international fondé sur des règles et faire en sorte que la Chine puisse s'y intégrer. Nous devons rester concentrés sur les résultats.

[Français]

     Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant des représentants de la Canada West Foundation.
    Je pense que M. Dade et Mme Sun se partageront les 10 minutes.
    Merci.

[Français]

    Avant de commencer, et comme toujours, nous tenons à remercier le Comité, le président et ainsi que le greffier pour son aide.

[Traduction]

    Merci de nous avoir invités à comparaître devant le Comité. C'est la deuxième fois en l'espace de deux semaines que la Canada West Foundation se retrouve à Ottawa pour présenter un mémoire au Parlement sur des enjeux de grande importance, évidemment pour le Canada, mais aussi pour l'Ouest du pays.
    C'est ce sur quoi notre témoignage d'aujourd'hui portera. Si nous disposions de 30 minutes pour faire valoir nos arguments, nous resterions au niveau des discussions générales, mais nous souhaitons concentrer notre témoignage sur quelques éléments concrets de notre engagement.
    Je présume également, monsieur le président, qu'étant donné que nous sommes les seuls témoins institutionnels aujourd'hui nous pouvons disposer de 15 ou 20 secondes supplémentaires pour décrire notre institution.
(1200)
    Non, je suis désolé.
    Encore une fois, l'Ouest est tenu à l'écart.
    Des députés: Oh, oh!
    Tout le monde a droit à la même période de temps.
    Trêve de plaisanteries, la Canada West Foundation a été créée il y a 50 ans pour des occasions semblables à celle que nous avons aujourd'hui afin de veiller à ce que l'Ouest puisse faire entendre sa voix dans les affaires qui façonnent le pays, mais aussi pour que l'Ouest puisse contribuer à créer un Canada fort et prospère. Si l'Ouest est fort, le Canada l'est aussi, et cela n'est jamais aussi évident que dans nos relations avec l'Asie.
    Nous avons vécu des moments difficiles, tant dans l'Ouest que dans le reste du pays. Nous en vivons encore aujourd'hui, mais nous continuons de travailler en vue d'atteindre la vision de l'Ouest fort dans un Canada fort. Étant donné ce qui s'est produit aujourd'hui, il est à espérer que le reste du pays continuera de répondre et de faire appel à nous.
    En ce qui concerne l'Asie et l'engagement, nous aimerions faire part de trois points au Comité.
    L'Asie et l'engagement du Canada figurent au centre des intérêts de la Canada West Foundation. Nous avons effectué des modélisations — des évaluations des incidences économiques — que les membres d'un autre comité avaient demandées au gouvernement, et ce, afin que le Parlement puisse disposer de données et de renseignements lui permettant de comprendre les accords commerciaux. Nous les avons faites pour le PTPGP avant que le gouvernement ne le fasse.
    Ces renseignements étaient essentiels pour permettre au comité de comprendre la situation. Ils étaient essentiels pour que le pays dispose des données nécessaires pour comprendre la situation et pour empêcher le pays et le gouvernement de faire l'erreur catastrophique de se retirer de l'accord du Partenariat transpacifique. Compte tenu de l'état de nos relations avec les États-Unis et la Chine, il est facile de voir que la production de ces renseignements était non seulement visionnaire, mais aussi très importante.
    Nous aimerions faire part au Comité de trois points, et nous espérons qu'ils guideront votre réflexion à l'avenir et les questions que vous poserez aux autres témoins.
    Le premier point, c'est que la relation du Canada avec la Chine passe par l'Ouest. En effet, l'Ouest est le centre et le point de mire de notre engagement avec la Chine. Il est vrai que d'autres régions du pays y participent, mais c'est dans l'Ouest que les choses se passent concrètement. C'est l'Ouest qui intervient immédiatement, d'une manière qui n'a rien à voir avec ce qui se passe dans les autres régions du pays.
    Deuxièmement, l'agriculture est un élément clé de cette relation. Les données que vous avez devant vous, et que ma collègue passera en revue avec vous, le montrent.
    Troisièmement, l'agriculture pourrait peut-être nous fournir une idée de la solution ou de la manière de ranimer notre engagement.

[Français]

     Elle pourra faciliter le renouvellement de cette relation au moment opportun.

[Traduction]

    Il s'agit de la manière dont nous pourrions potentiellement ranimer notre engagement lorsque le moment sera favorable.
    Je cède maintenant la parole à ma collègue, notre économiste en politique commerciale, qui passera en revue certains des renseignements que nous avons produits.

[Français]

    Monsieur le président, je vous remercie.

[Traduction]

    Je vais commencer par vous citer quelques chiffres. Même si les États-Unis sont et continueront d'être notre plus important partenaire commercial, la croissance moyenne du commerce bilatéral avec la Chine au cours des 10 dernières années a été de 12 % — comparativement à 4 % avec les États-Unis — et 65 % de ce commerce bilatéral avec la Chine s'effectue avec les quatre provinces de l'Ouest. La Chine est devenue un important partenaire commercial pour le Canada et pour l'Ouest canadien.

[Français]

    Notre engagement avec notre deuxième partenaire commercial en importance va continuer d'augmenter.

[Traduction]

    Le commerce avec la Chine est particulièrement important pour l'agriculture. Si vous regardez le diagramme 6 dans le mémoire que je vous ai distribué, vous verrez que plus de 10 milliards de dollars, ou 37 % de l'ensemble des exportations du Canada vers la Chine, sont des exportations agricoles, et que 75 % de ces exportations agricoles vers la Chine proviennent des quatre provinces de l'Ouest canadien.

[Français]

    C'est pour cette raison qu'une mauvaise relation avec la Chine nuit aux échanges commerciaux provenant du Canada, particulièrement dans l'Ouest du pays.

[Traduction]

    Nous en avons eu des preuves lors de nos récents démêlés avec la Chine concernant le canola, le porc, le bœuf et le soya.
    Par conséquent, le Canada doit pouvoir compter sur la certitude de l'accès au marché avec la Chine, ce qui signifie réduire ou atténuer les mesures arbitraires qui ont fait du tort aux agriculteurs et réduit les exportations canadiennes. Et ce qui signifie également qu'il faut se pencher sur les barrières non tarifaires à long terme pour l'agriculture canadienne.
    Bien que le commerce des produits agricoles soit important pour le Canada — il est important pour l'Ouest canadien —, l'agriculture ou la sécurité alimentaire, plus précisément, est très importante pour la Chine. Nous en avons eu des indications claires dans ses plans quinquennaux. Nous en voyons des preuves dans « Made in China 2025 », sa politique industrielle dont l'un des éléments vise l'autosuffisance en agriculture en mettant l'accent sur la technologie agricole intelligente. Nous en voyons des signes dans la route de la soie qui met l'accent sur la connectivité de l'infrastructure et des transports terrestres et maritimes comme moyen d'assurer la certitude de l'approvisionnement agricole à long terme.
    L'OCDE a également établi des prévisions de la consommation agricole d'ici 2028. La Chine arrive en tête dans de nombreux secteurs agricoles qui sont importants pour les exportations canadiennes, comme le porc, les oléagineux, le tourteau protéique, le soya et les céréales.
(1205)

[Français]

    Alors, l'intérêt de la Chine est la sécurité agroalimentaire et l'intérêt du Canada est d'avoir la certitude d'accéder au marché chinois. L'agriculture est donc un intérêt essentiel commun aux deux pays, mais cet intérêt est motivé par des nécessités différentes.

[Traduction]

    En effet, si on regarde les intérêts dans l'agriculture, d'un côté, la Chine cherche à obtenir la sécurité alimentaire — la certitude d'avoir accès à l'approvisionnement. Même si la Chine vise l'autosuffisance pour certains produits de base, la demande globale fait en sorte qu'elle aura toujours besoin d'un apport étranger, pas seulement à titre de filet de sécurité, mais pour nourrir sa population.
    D'un autre côté, le Canada a besoin d'avoir la certitude d'avoir accès au marché. Si nous sommes prêts à ce que des producteurs risquent leur ferme, risquent leur investissement, risquent des choses qui appartiennent à leur famille depuis des générations, il nous faut une certitude concernant l'accès au marché. Cette certitude vient tout juste d'être redéfinie dans la phase un de l'accord commercial entre les États-Unis et la Chine.
    Chez Canada West, nous travaillons à un projet qui examine comment d'autres pays s'en sortent avec les questions de barrières non tarifaires avec la Chine. Nous avons étudié l'Australie et la Nouvelle-Zélande, évidemment, mais aussi le Brésil. Je suppose qu'ici, au Comité, vous entendez toujours parler de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande et des États-Unis, mais le Brésil offre des perspectives intéressantes.
    Si on regarde la phase un de cet accord, les États-Unis se sont attachés à redéfinir ce qu'ils entendent par la certitude d'avoir accès au marché. Dans le cadre de cet accord, les États-Unis ont obtenu plus ou moins 121 concessions précises. De ce nombre, 51 sont ce que j'appellerais des engagements et des concessions hyper-spécifiques. Ces concessions sont de telle nature que, dans les 20 jours suivant la réception d'une mise à jour mensuelle de la liste des usines américaines produisant des aliments pour animaux de compagnie et des aliments pour animaux ne provenant pas de ruminants que les États-Unis ont jugées admissibles à l'exportation, la Chine doit enregistrer ces usines, publier les mises à jour de la liste sur le site Web des douanes chinoises — le GACC — et permettre les importations d'aliments pour animaux en provenance des usines américaines inscrites sur cette liste.
    Et c'est la même chose pour le porc. Et aussi pour le bœuf.
    Ces types de certitude d'avoir accès au marché sont l'obstacle. Ils reviennent essentiellement à nous exclure du marché chinois.
    Si on pense à l'accès, et à ce qu'il faudrait obtenir de la Chine, l'agriculture offre peut-être une solution. Si nous décidions d'engager la Chine et de lui garantir l'accès à l'offre canadienne — pas que nous allons envoyer une certaine quantité, mais que nous n'allons imposer aucune restriction politique à l'accès de la Chine aux produits alimentaires, à l'accès de la Chine à la technologie agricole, à la capacité de la Chine d'investir dans la biotechnologie agricole ou d'y avoir accès, à la capacité de la Chine d'investir dans la production agricole, à la capacité de la Chine d'investir dans la transformation de produits agricoles —, nous disposerions des éléments potentiels d'un accord.
    Cette attitude nous distingue des Américains qui ont utilisé historiquement les produits alimentaires comme une arme politique. Il y a seulement deux mois, l'ancien sous-secrétaire des États-Unis menaçait la Corée du Nord de sanctions touchant les produits alimentaires. Nous nous distinguons des Américains, nous déterminons en quoi nous sommes différents, et nous nous dotons des moyens de convaincre la Chine de prendre un nouveau départ dans nos relations. Évidemment, la Chine voudra davantage, mais ce serait un début.
    Pour le Comité...
    Je suis sûr que vous aurez l'occasion de vous exprimer pendant la période des questions.
    Mais avant de passer aux questions, j'aurais dû vous soumettre la motion de M. Fragiskatos au retour de la pause. Êtes-vous d'accord?
    (La motion est adoptée.)
    Le président: Merci beaucoup.
    Nous entamons une période de questions de six minutes, monsieur Genuis.
(1210)
    Monsieur Tiberghien, c'est à vous que je souhaite adresser mes questions. Vous avez dit au sujet des relations sino-canadiennes des choses qui diffèrent de ce que j'ai entendu d'autres sources, aussi, je me suis dit que j'allais approfondir un peu.
    Votre collègue, M. Evans, nous a suggéré d'aborder le lien entre les universités canadiennes et les relations sino-canadiennes. Lorsqu'il s'agit des relations sino-canadiennes et des relations Canada-Huawei, avez-vous le sentiment que UBC court un risque financier, et dans quelle mesure votre institution serait-elle prête à accepter des pertes financières dans le cadre de partenariats si certaines choses susceptibles de nuire à ces partenariats devaient se produire?
    Je n'en ai pas la moindre idée. Je ne suis pas responsable de la gestion de l'ensemble du budget de UBC. En revanche, je sais qu'à l'époque où je dirigeais l'Institut de recherche sur l'Asie, nous ne recevions aucune contribution financière de sources chinoises. Nous avions d'autres dotations en provenance du Japon, de Taïwan et ainsi de suite, mais aucune de la Chine. La principale exposition aux risques de UBC est liée aux étudiants — au flux d'étudiants — mais les étudiants ne sont pas simplement des agents de l'État chinois. Ce sont des membres indépendants de la classe moyenne, et de manière générale, ils sont très difficiles à contrôler.
    Je comprends, et je reconnais le rôle important qu'ils jouent, mais j'ai lu quelque part — et je me demande si vous pouvez confirmer ces chiffres — qu'au début de 2019, UBC et Huawei ont conclu des partenariats qui à eux seuls valent 7,6 millions de dollars sur trois ans, que le risque pour le programme d'été de Vancouver, qui consiste à accueillir des étudiants pendant un mois durant l'été, se chiffre à près de 10 millions de dollars. Vous n'avez peut-être pas ces chiffres sous la main. Mais j'ai effectué des recherches auparavant, et le niveau de risque auquel s'expose UBC est intéressant.
    Dans le contexte de ce partenariat avec Huawei, à votre connaissance, est-ce que le SCRS a déjà invité l'université ou vous-même à la prudence, en ce qui concerne les risques liés à la collaboration avec Huawei?
    Pas moi personnellement, non.
    Avez-vous entendu parler d'avertissements lancés par le SCRS à d'autres représentants de l'université?
    Principalement de mon collègue Paul Evans. Il entretient davantage de contacts avec le SCRS.
    Très bien.
    Vous avez déclaré ne pas être responsable de la totalité du budget de l'université. Êtes-vous toujours directeur de l'UBC China Council?
    Oui.
    Vous l'êtes. Ah bon.
    C'est intéressant qu'il n'en soit pas fait mention dans la présentation. D'après ce que je sais de l'UBC China Council, il s'agit d'un conseil formé d'administrateurs et de professeurs chargé de conseiller l'université, entre autres choses, sur les moyens de faire progresser et de protéger ses intérêts financiers vis-à-vis la Chine.
    Ne pensez-vous pas que le fait de travailler avec l'université, de la conseiller relativement à ses intérêts financiers en rapport avec la Chine, tout en offrant également votre expertise au grand public sur les relations sino-canadiennes puisse poser problème?
    Je dois corriger un point. Le China Council n'a aucune responsabilité sur les questions financières. Ces aspects sont essentiellement gérés par les vice-présidents respectifs et le président. Le China Council est surtout un groupe consultatif qui ne tient pas de réunions très fréquentes — ces derniers temps, nous nous sommes réunis environ deux fois par année — pour examiner certaines questions générales et pour tenir des conversations. Les conseils sont relayés au vice-recteur, à l'échelon national et à l'équipe.
    Actuellement, le rôle du China Council est vraiment très limité.
    Permettez-moi de vous poser quelques questions portant précisément sur son rôle.
    Est-ce qu'il arrive que les professeurs membres du China Council de UBC consultent les administrateurs du conseil avant de parler en public? Est-ce qu'il leur arrive de demander des points à faire valoir avant de s'exprimer en public?
    Non, et la raison principale en est que le rôle premier d'un professeur dans une université est de préserver la liberté universitaire.
    Oui.
    Lorsque je m'adresse aux médias, je ne m'exprime pas au non du China Council, et je ne mentionne jamais ce titre. Je parle en tant que professeur de science politique qui jouit de la liberté universitaire; par conséquent, ces rôles sont distincts, et je fais en sorte qu'ils le demeurent.
    Très bien. Est-ce que les professeurs membres du China Council ont déjà participé à des négociations commerciales avec Huawei?
    Non.
    Merci.
    Est-ce que le China Council joue un rôle direct dans les campagnes de financement de l'université ou dans la formulation de conseils en lien avec les campagnes de financement?
    Pas depuis de nombreuses années. Il y eut quelques discussions à ce sujet, au début, mais il faut remonter à cinq ans en arrière. Par contre, depuis les trois dernières années, il n'y a eu aucune discussion de ce genre.
    Le China Council tient-il des discussions concernant les répercussions de la politique du Canada vis-à-vis de la Chine sur le recrutement des étudiants étrangers et sur les revenus universitaires?
    Nous avons tenu des discussions quant à la possibilité d'avoir une certaine visibilité concernant ce qui pouvait arriver avec les étudiants.
    En passant, je dois également corriger autre chose. Pour ce qui est de l'exposition aux risques, le programme d'été de Vancouver et les contrats avec Huawei sont deux choses très distinctes.
(1215)
    Oh oui, bien entendu.
    Le programme d'été de Vancouver manque d'étudiants.
    Je comprends, je ne voulais pas créer d'association entre les deux; toutes mes excuses si c'est l'impression que j'ai donnée. En réalité, je voulais citer ces deux exemples comme étant très révélateurs de l'exposition de l'université à la perte de millions de dollars.
    Le plus grand risque tient au flux des étudiants. Le programme d'été ne représente qu'une petite partie de toutes les inscriptions.
    En raison des contraintes de temps, voici ma dernière question.
    Est-ce que les décisions relatives à l'attribution de diplômes honorifiques pourraient être discutées lors de réunions du Conseil?
    Non, parce que les décisions concernant les diplômes honorifiques appartiennent au sénat de l'université qui possède toutes les prérogatives à cet égard et qui est très strict à ce sujet.
    Très bien, je pense que c'est tout le temps dont je dispose. Je vous remercie.
    Merci beaucoup, monsieur Genuis.
    Monsieur Fragiskatos, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Tout d'abord, permettez-moi de transmettre un message à tous les témoins, et en particulier à M. Tiberghien, qui a dû affronter cette série de questions, et qui a réagi avec beaucoup de calme. En tant que comité, nous sommes privilégiés de bénéficier des points de vue de divers témoins, et aujourd'hui ne fait pas exception.
    J'aimerais m'adresser en premier lieu à M. Dade.
    Monsieur Dade, je ne sais pas si vous étiez présent pendant le témoignage précédent, mais si c'est le cas, vous avez sans doute entendu Charles Burton de l'Institut Macdonald-Laurier qui a fait une déclaration qui m'a surpris et que j'ai trouvée fort intéressante. J'aimerais connaître votre opinion ainsi que celle de Mme Sun à ce sujet.
    Il a dit — et je reformule — que si le Canada choisissait d'exporter ses produits ailleurs que vers la Chine, les produits de base pourraient être vendus ailleurs, et il a laissé entendre que cela pourrait être relativement facile. Les chiffres que vous nous avez présentés illustrent à quel point les relations avec la Chine sont enracinées sur le plan économique, en particulier dans le domaine de l'agriculture, et les provinces de l'Ouest du pays jouent un rôle prépondérant à cet égard.
    Serait-il très facile de changer cette situation rapidement, comme le suggérait M. Burton?
    Merci de votre question. Je vais transmettre votre appréciation des témoins à ceux qui nous ont précédés, y compris à l'ambassadeur.
    Il faudrait réunir le secteur privé, les négociants et tous ceux qui participent directement aux échanges commerciaux pour obtenir une réponse définitive. Si on regarde les chiffres et si on comprend comment évoluent les flux de marchandises, les contrats de longue durée, les décisions d'ensemencement, les investissements massifs dans la production, les investissements massifs dans l'infrastructure commerciale, je dirais que la réponse est probablement non, mais je vous suggère d'inviter des spécialistes pour en obtenir la confirmation de bonne source.
    Comme vous pouvez le voir dans le rapport, nous avons exclu les États-Unis de tous nos ensembles de données parce que nos échanges commerciaux avec les États-Unis sont encore tellement importants, et ce, même si nous avons reçu le mandat de diversifier les échanges commerciaux. Cela s'explique du fait que les modifications à la chaîne d'approvisionnement sont très onéreuses et prennent beaucoup de temps. Les pays cherchent toujours à commercer avec d'autres pays d'un poids économique supérieur et qui sont rapprochés sur le plan géographique.
    Les accords commerciaux et les institutions qui sont en place jouent un rôle, mais en fin de compte, ce sont les entreprises qui font le commerce, et c'est ce qui détermine le flux.
    Vous avez également suscité mon intérêt, monsieur Dade, lorsque vous avez déclaré au début de votre exposé que les relations du Canada avec la Chine passaient par l'Ouest du pays. Je pense qu'il est juste de dire qu'il s'agit d'un élément très sous-estimé de ces relations, c'est-à-dire à quel point les provinces de l'Ouest jouent un rôle prépondérant dans ces échanges bilatéraux.
    Pourriez-vous nous en dire plus sur cette question? Je vois M. Paltiel qui hoche la tête, peut-être aimerait-il nous faire part de ses observations sur le sujet lui aussi.
    Je pense que les chiffres parlent d'eux-mêmes. En plus des relations commerciales, vous remarquerez que les provinces de l'Ouest ont toutes des représentants sur le terrain, en Chine et dans toute l'Asie. Je me trouvais récemment à Beijing, et j'y ai passé quelques jours au bureau de l'Alberta à Beijing ainsi qu'avec le personnel de ce bureau qui travaille sur le terrain. Bien sûr, d'autres provinces —  comme la belle province — sont présentes, mais il est clair que les provinces de l'Ouest sont sur le terrain, qu'elles y ont du personnel et qu'elles y entretiennent des relations suivies.
    C'est un avantage pour le pays tout entier. En travaillant de concert avec les responsables provinciaux, nous pouvons établir un meilleur contact avec les autres ordres de gouvernement, et cela nous est très utile. Cela constitue en outre, comme vous l'avez mentionné, un bon indicateur de l'importance des relations.
     Il ne me reste que deux minutes, alors, si c'est possible, j'aimerais m'adresser à M. Paltiel et ensuite à M. Tiberghien.
    Nous avons entendu le témoignage de M. Paul Evans lors de la réunion précédente, ce matin. Il a recommandé quelques voies à suivre pour le Canada concernant nos relations avec la Chine. Et il a notamment suggéré d'élaborer une stratégie de coexistence, comme il l'a qualifiée. Pour reformuler sa suggestion, cela consisterait à « trouver des moyens de coexister avec la Chine » et de « coopérer avec elle » dans les domaines où nous avons des intérêts communs. L'ancien ambassadeur Phil Calvert a lui aussi déclaré que nous devrions essayer de trouver des « enjeux particuliers » sur lesquels nous pourrions travailler « collectivement ».
    Y a-t-il des solutions faciles que nous pourrions déterminer ou que vous deux, estimés collègues, pourriez nous suggérer? Des solutions faciles que le Canada pourrait retenir afin d'aller de l'avant de manière significative et, peut-être, d'accélérer le dégel que nous commençons à ressentir actuellement dans les relations sino-canadiennes?
(1220)
    M. Evans a mentionné les missions de maintien de la paix. Je pense que c'est une voie évidente.
    Mes collègues ici présents ont mentionné que l'agriculture est un secteur important depuis longtemps. Il s'agit d'un intérêt vital pour les deux pays.
    En ce qui concerne les soins de santé, on peut dire que tout le domaine des soins de santé et des soins de longue durée, de même que les aspects ayant un rapport avec le vieillissement de la population en Chine sont des aspects non controversés sur lesquels nous pouvons travailler ensemble.
    Monsieur Tiberghien, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui, j'aimerais ajouter deux ou trois choses.
    Tout d'abord, il y a Bruce Aylward, un Canadien de l'OMS qui travaille sur le terrain, en Chine, à l'heure actuelle, et qui donne des conférences de presse. La santé publique est un énorme enjeu en ce moment.
    Le changement climatique et les technologies vertes occupent une place énorme. En gestion urbaine et en urbanisme, il s'accomplit d'énormes progrès en Chine. Et il faut mentionner aussi le G20, les travaux réalisés autour du G20, et l'OMC. La Chine compte parmi les 17 signataires avec le Canada en faveur d'un mécanisme de résolution rapide à court terme ou du moins d'un mécanisme de médiation pour remplacer le mécanisme de règlement des différends actuel.

[Français]

     Monsieur Bergeron, vous avez six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je pense que tous les avis, tous les commentaires et toutes les analyses nous indiquent que le parti communiste a pris le contrôle de l'appareil de l'État de façon très intense et intime. Il y a une étroite parenté, je dirais, entre l'appareil du parti et l'appareil de l'État.
    Monsieur Paltiel, vous avez soigneusement indiqué qu'il y avait eu un changement de paradigme avec l'arrivée en poste de l'actuel président, Xi Jinping.
    Croyez-vous qu'il y a effectivement un lien à établir entre la personnalité de Xi Jinping et le contrôle qu'il exerce sur l'État, et ce changement de paradigme auquel on assiste présentement, changement qui a eu des incidences assez dramatiques pour le Canada?
    Comme vous l'avez indiqué, peut-on espérer — on ne sait pas quand, on ne sait pas comment — un tel changement avec un personnage différent à la tête de l'État chinois?
    Je vous remercie de votre question. Je vais répondre en anglais.

[Traduction]

    Oui, la personnalité de Xi Jinping y est pour quelque chose. Je dirais qu'il s'agit d'une combinaison de facteurs — autrement dit, la Chine connaît un essor. Elle est devenue plus puissante. Les difficultés éprouvées par l'Occident pendant la crise de 2008, les difficultés aux États-Unis et les problèmes continus avec les guerres au Moyen-Orient ont donné une chance à la Chine et Xi Jinping l'a saisie.
    L'autre raison est que beaucoup de Chinois en étaient conscients. L'hypothèse selon laquelle la Chine finira par converger avec l'Occident ne circule pas qu'en Occident. Beaucoup de dirigeants communistes chinois — et je crois Xi Jinping lui-même — sont inquiets à l'idée qu'à mesure que la Chine s'intégrera dans le système mondial fondé sur des règles, les Chinois commencent à se demander si le Parti communiste chinois a un rôle à jouer et s'il a une raison d'être. Nous voyons, depuis l'accession au pouvoir de Xi Jinping, un réel effort pour essayer de renforcer l'idéologie, le rôle et les méthodes du Parti communiste chinois.
    Quant à la dernière partie de votre question, j'ai écrit dernièrement une partie d'un débat sur le coronavirus et son incidence sur la vie politique chinoise. Je pense que, d'une certaine manière, Xi Jinping est débordé. Son assurance a disparu. Je ne peux pas prédire quand ou comment des changements s'opéreront en Chine. C'est comme prédire des tremblements de terre. Nous savons où se trouvent les lignes de faille, mais nous ne savons pas quand le séisme se produira.
    Il me semble que, sous la surface, des questions se posent sur la gestion de la gouvernance et qu'elles finiront par éclater et, oui, cela fera peut-être partie d'un changement dans le temps. J'ai déclaré publiquement ne pas être certain qu'il ira au bout de son troisième mandat. C'est une hypothèse tout à fait personnelle, mais elle repose sur ma connaissance du fonctionnement des processus communistes chinois.
(1225)

[Français]

     Cette fois encore, monsieur le président, on a vu que les témoins entendus avaient plus à dire que ce que le temps alloué leur permettait de faire.
    Si l'un ou l'une d'entre vous souhaite ajouter à son témoignage, il ou elle pourra le faire par écrit et le faire parvenir à la greffière au bénéfice de ce comité.
    Le premier ministre du Québec Jacques Parizeau disait du phénomène de mondialisation que c'était comme la marée: on ne peut pas s'opposer à la marée, tout ce qu'on peut faire, c'est s'y adapter. Je pense que nous sommes encore dans un processus d'adaptation aux effets de la mondialisation, comme l'évoquait le professeur Tiberghien, il y a quelques instants.
    Cela dit, j'ai été frappé par la différence entre les témoignages de cette deuxième vague de témoins et ceux de la première vague de témoins.
    La première vague de témoins semblait nous inviter à plus de fermeté à l'égard de la Chine, alors que la deuxième nous appelle à collaborer davantage avec la Chine. Comment nous, autour de cette table, pouvons-nous réconcilier ces avis qui semblent, à première vue, divergents entre la première vague de témoins que nous avons eue et cette deuxième vague de témoins?
    Est-ce une question qui s'adresse à moi, monsieur Bergeron?
    Je dirais que le défi est l'adaptation.

[Traduction]

    Nous devons nous adapter à la nouvelle réalité de la Chine, et nous devons aussi nous adapter à la réalité de la Chine elle-même. Autrement dit, le monde a changé, et pas seulement la Chine. Les États-Unis ont changé en conséquence. Nous devons nous adapter à ce monde. Nos politiques traditionnelles ne fonctionnaient pas et ne fonctionnent pas. Nous ne pouvons nous contenter de compter sur la protection de notre allié parce qu'il a tourné le dos, à certains égards, à l'ordre international fondé sur des règles.
    Nous avons vu qu'en fait, l'accord du 15 janvier est un accord d'encadrement du commerce. Les États-Unis vont maintenant jouer un rôle où ils profiteront unilatéralement de leurs relations avec la Chine en raison de la taille de leur marché et pas en vertu d'un ordre fondé sur des règles. Nous devons, en fait, chercher à protéger cet ordre, et les États-Unis ne sont sans doute pas notre meilleur partenaire. C'est un monde nouveau.
    Je vous remercie.
    Monsieur Harris.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de nous exposer leurs points de vue, en particulier sur la dynamique historique et sur l'évolution de nos relations au fil des ans. Je dirais que les trois exposés, y compris celui de M. Dade, reposaient sur l'amélioration et le renforcement de l'ordre international fondé sur des règles ou proposaient comment l'améliorer et le renforcer.
    Dans certains cas, monsieur Dade, je vous poserai la question à vous en particulier, mais celle-ci s'adresse à tous. Comment devons-nous nous y prendre? Si nous avions effectivement un ordre international fondé sur des règles, il serait plus facile de régler les problèmes que nous avons en ce moment même avec la Chine en ce qui concerne les droits de la personne et le commerce. Nous sommes à la merci de mesures qu'elle pourrait prendre contre nous.
    Évidemment, nous sommes aussi à la merci de mesures américaines, mais en ce qui a trait à la Chine, comment faire pour atteindre cet objectif? Avez-vous des idées à nous proposer, à nous simples profanes qui essayons de trouver des solutions à recommander au gouvernement?

[Français]

    Nous allons donc commencer.

[Traduction]

    C'est lié à la question de M. Bergeron. Si vous regardez les données, elles montrent que nous sommes liés à la Chine. Elles indiquent que dans le secteur privé, dans tout le Canada, les consommateurs, les entreprises, les producteurs et les agriculteurs prennent une décision qui accroît nos échanges commerciaux. Quand les temps sont favorables, les échanges augmentent. Quand les temps sont durs, les échanges augmentent. La question est de savoir comment gérer cette réalité. On peut penser que c'est une bonne ou une mauvaise chose, mais fondamentalement, comment gérons-nous cette réalité?
    Si je peux vous interrompre, monsieur Dade, étant donné vos inquiétudes quant à la certitude de l'accès aux marchés, si le compromis est l'investissement, que vous encouragez, me semble-t-il, comment évitons-nous d'être encore plus vulnérables, lorsque, tout à coup, au lieu que le pourcentage du commerce dû au secteur agricole de l'Ouest du Canada soit profitable, la production appartient totalement aux Chinois et qu'ils se nourrissent sur nos terres et nos ressources? Comment éviter pareille situation?
(1230)
    Nous n'avons pas vu cela ailleurs. Il faudrait que je revoie l'exemple du Brésil.
    Comment gérons-nous pareille situation? Le système fondé sur des règles est important pour le Canada et dans son histoire. Nous nous trouvons, toutefois, face à une situation où les États-Unis essaient de détruire ou de saper ce système. Nous devons donc essayer de le renforcer de concert avec des pays d'optique commune ou de collaborer avec le Japon. La décision de faire partie du PTP était le meilleur message que nous pouvions faire passer pour essayer de maintenir l'ordre fondé sur des règles.
    Je vous remercie. Pouvez-vous laisser du temps à M. Paltiel et...?
    J'allais abonder dans le même sens.
    Tout d'abord, nous devons changer d'attitude. Nous sommes un pays du Pacifique, mais nous nous considérons comme un pays de l'Atlantique, et nous devons arrêter. Nous devons commencer à nous voir comme un pays du Pacifique, ce qui veut dire inclure l'Ouest et, par conséquent, nous devons nous appuyer sur les partenariats du PTPGP pour constituer de plus grands réseaux, en particulier en Asie, afin de projeter l'ordre fondé sur des règles. Nous devrions, comme M. Evans et d'autres l'ont dit, chercher à élargir le PTPGP à la Chine et à d'autres acteurs, afin de pouvoir étendre l'ordre fondé sur des règles. Le problème, c'est qu'il est peu probable que nous ayons un accord de libre-échange bilatéral de sitôt, ou qu'un accord protège nos intérêts, mais nous pouvons toujours travailler à l'échelle multilatérale dans le cadre du PTPGP afin d'obtenir une partie des mêmes résultats et de collaborer avec les pays concernés.
    Je vous remercie.
    Pouvons-nous entendre brièvement M. Tiberghien?
    Oui. Je vous remercie, monsieur Harris.
    Pour l'essentiel, mon idée serait de différencier les questions. Nous ne pouvons pas adopter une approche systématique, une approche universelle avec la Chine. Dans certains domaines, nous devons nous montrer protectionnistes, par rapport aux activités d'espionnage et autres ou aux problèmes de cybersécurité. Dans d'autres domaines, nous pouvons travailler avec la Chine parce qu'elle est favorable à l'ordre fondé sur les règles — en ce qui concerne l'Accord de Paris, le G20, etc. —, et dans d'autres domaines encore, nous avons besoin d'alliés pour avoir une influence. Les premiers alliés devraient être l'Europe et le Japon, puis les autres. Bien entendu, dans d'autres cas, nous pouvons travailler avec les États-Unis quand ils adhèrent à certaines dimensions de l'ordre fondé sur des règles.
    C'est une approche différenciée pour un moment très complexe.
    Je vous remercie.
    Il est évident que l'ordre fondé sur des règles a échoué. Si les Américains continuent dans la voie de l'encadrement du commerce, nous devons avoir un plan de rechange pour les suivre.
    En effet, et j'aimerais vous suivre, monsieur Dade, parce que c'est important. À propos de votre suggestion selon laquelle nous devrions nous inspirer du modèle que M. Trump et les États-Unis utilisent avec la Chine, je me demande comment nous le pourrions, étant donné la vigueur du marché américain et les méthodes employées pour parvenir à ce résultat. Il ne s'agit pas d'un accord de libre-échange, de toute évidence. Il s'agit manifestement d'un accord d'encadrement du commerce qui exclut la production canadienne et certains de ses éléments.
    Comment précisément le Canada parviendrait-il à un résultat positif en recourant à ce type d'approche? Quels sont nos atouts et quel pourcentage — nous parlons de pourcentage d'amélioration — de notre commerce agricole, par exemple, se fait avec la Chine?
    Vous trouverez ces données dans la documentation que nous vous avons distribuée. Pour ce qui est de la gestion de la situation, je ne propose pas d'adopter une vision du monde trumpienne, mais sur la question très précise de la certitude du marché agricole, les Américains ont trouvé quelque chose de nouveau. L'idée est que nous n'avons pas les moyens de pression des États-Unis, mais si nous inversons complètement le scénario, que nous le retournons, les Américains ne peuvent pas offrir aux Chinois la certitude que l'Amérique n'utilisera pas les denrées alimentaires comme arme politique. Nous pouvons servir d'exemple. C'est immoral d'agir ainsi. Le Canada est un pays qui a un sens moral. Agir ainsi est anti-progressiste. La Chine détruira le monde si elle ne pratique pas une agriculture à la pointe de la science et de la technologie.
    Le problème avec la Chine...
    Je vous remercie, monsieur Harris.
    ... et un accord avec la Chine, c'est notamment qu'elle ne suit pas forcément les règles.
    Je vous remercie.
    Monsieur Genuis, vous disposez de cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    M. Fragiskatos ne semble pas avoir aimé ma dernière série de questions, mais je crois, monsieur Tiberghien, qu'il est important de revenir sur celle-ci parce que j'ai quelque 200 pages de courriels échangés entre des membres de l'UBC China Council sur deux mois au début de 2019. Ces courriels ont été obtenus grâce à une demande d'accès à l'information présentée en vertu de la FOIPPA en Colombie-Britannique. Ce sont des choses importantes à souligner parce que je vous ai demandé s'il arrive que des professeurs qui font partie de l'UBC China Council consultent les administrateurs avant de s'exprimer publiquement et s'il vous arrive de demander des points de discussion avant de faire des déclarations publiques.
    Vous avez répondu que non, mais après avoir reçu un courriel d'un journaliste d'un journal étudiant de l'UBC au sujet de Huawei et des relations entre le Canada et la Chine, le 18 janvier 2019, vous avez écrit à Adriaan de Jager, vice-président associé aux relations gouvernementales et à l'engagement social, et à Murali Chandrashekaran, coprésident du China Council, pour leur demander « des conseils sur ce que je devrais répondre à cette demande? Merci. Yves. »
    Adriaan de Jager a répondu ceci: « Je mets au courant Kurt Heinrich, qui fera part de notre réponse aux médias à propos de Huawei. » Il s'agit du directeur des relations avec les médias de l'Université de la Colombie-Britannique.
    Vous avez répondu:
Merci Adriaan
Pour Kurt: Je peux évidemment offrir mes compétences sur l'analyse de l'événement Huawei plus généralement et sur les relations entre le Canada et la Chine. Mais on me posera des questions sur l'incidence sur l'UBC et sur les réactions de l'UBC. Il serait donc bon que je connaisse bien la réponse officielle [...] Est-ce que vous m'encouragez à accorder cette interview?
Merci!
Yves
    Au début du mois, le 2 janvier, vous avez écrit à Paul Evans, entre autres, pour lui demander ses notes de différentes réunions. Un des coprésidents du Conseil d'affaires Canada-Chine...
(1235)
    Monsieur le président, je n'ai pas invoqué le Règlement pendant la dernière série de questions de M. Genuis parce que je pensais que le témoin répondait très bien à toutes. Cependant, il me semble que dans la dernière série de questions, M. Genuis a largement dépassé le mandat du Comité en abordant un sujet qui est sans rapport avec le mandat que nous a donné la Chambre des communes.
    Nous examinons les relations entre le Canada et la Chine. Il ne me semble pas que le fonctionnement interne d'un établissement soit du ressort du Comité. Je suis d'avis qu'il s'agit d'une attaque à la fois contre un témoin qui nous offre gracieusement de son temps et contre un établissement qui a ses propres priorités.
    Je crains que nous ne nous éloignions...
    Monsieur Oliphant, je crois que...
    Je rappelle aux membres de s'en tenir au mandat. Toutefois, je pense qu'il s'agit d'abord d'un débat...
    Monsieur le président, si je pouvais donner mon avis sur le rappel au Règlement avant que mon...
    J'aimerais que vous poursuiviez vos questions, si vous le voulez bien, afin de respecter le temps de parole de tous les membres.
    Il y va de l'intégrité de nos recherches et des conseils que nous recevons, et il est très révélateur que ces questions mettent M. Oliphant mal à l'aise.
    Je lis un courriel interne dans lequel un des coprésidents du China Council écrit...
    J"invoque de nouveau le Règlement.
    D'autres rappels au Règlement...? M. Oliphant est très mal à l'aise.
    J'invoque le Règlement et j'aimerais savoir de quoi c'est révélateur parce que, indirectement, cela...
    Je suis désolé. Cela tient du débat. Vous vous lancez dans un débat, monsieur Oliphant. Je comprends...
    Alors, c'est une question de privilège, pas un rappel au Règlement.
    J'invoque une question de privilège, pas un rappel au Règlement, et je prétends que le membre porte atteinte à ma réputation en disant que quelque chose est « révélateur » de ce que je fais quand j'essaie simplement d'invoquer le Règlement.
    C'est, à mon sens, une question de privilège, pas un rappel au Règlement. Si le membre a une accusation à formuler, qu'il le fasse, mais sans porter atteinte à ma réputation.
    Je vous remercie, monsieur Oliphant.
    Je redonne la parole à M. Genuis.
    Je vous remercie, monsieur le président, et je le répète, c'est très révélateur.
    Le courriel fait état du point de vue d'un dirigeant de l'UBC: [Traduction]
Je recommanderais une réunion avec tous les acteurs.
Yves, vous devriez demander cette réunion le plus tôt possible...?
    Vous avez répondu ceci: [Traduction] « Je viens d'envoyer le courriel général qui déclenche le message. »
    Je vous ai également demandé si les professeurs qui siègent au China Council participent à des négociations commerciales avec Huawei. Vous avez dit que non. J'ai un courriel que vous a envoyé à Paul Evans le 9 mars. Voici ce que vous écrivez: [Traduction]
Meigan a organisé une très bonne réunion pour moi mercredi avec six de ses [...] collègues des sciences appliquées. Discussion éclairée et animée sur l'expérience du travail avec la Chine, sur des questions relatives à Huawei en particulier, et sur l'évolution du contexte pour de futures collaborations.
Concilier les préoccupations liées à la sécurité nationale et les risques connexes, d'une part, et les progrès en matière de recherche et de sciences, d'autre part, est compliqué et c'est une question à laquelle nous pensons tous. Pour l'instant, il n'y a eu aucune interaction avec Ottawa à ce sujet, mais il y a de toute évidence un intérêt à ce qu'il y en ait une.
J'ai proposé une deuxième réunion avec le même groupe ou un groupe un peu plus grand ou le groupe plus petit de l'UBC (quatre sur cinq étaient présents) qui négocie avec HW en ce moment. Meigan a fait valoir que c'est un dossier où l'UBC pourrait jouer un rôle national de premier plan. Elle mènera des consultations internes. Gail nous a informés.
    Je vous ai aussi demandé si le China Council jouait un rôle direct dans les activités de financement de l'université ou s'il donnait des conseils à ce propos. Vous avez répondu que non, pas depuis de nombreuses années.
    Le 20 mars 2019, vous avez adressé à plusieurs collègues un courriel intitulé « Mesures de suivi stratégiques concernant l'UBC et la Chine » qui porte notamment sur le comité consultatif du président (CCP) sur la Chine. À propos de ce comité consultatif, vous disiez que Jack Austin, qui est un des coprésidents du China Council, était enthousiasmé par ce processus et pensait qu'il était la clé de meilleures relations de l'UBC avec la Chine, mais aussi des activités de financement liées à la Chine.
    Le procès-verbal de la réunion du China Council du 12 septembre 2018 dit: [Traduction] « Mobilisation communautaire et CCP: compléter le comité consultatif du président sur la Chine [...] inclure de [...] hauts dirigeants de la société civile (et futurs collecteurs de fonds), car cela pourrait avoir une énorme incidence sur la réputation, les réseaux et les activités de financement de l'université. »
    J'ai demandé s'il était question au conseil des décisions relatives aux diplômes honorifiques décernés. Vous avez répondu que non, mais d'après l'ordre du jour du 18 janvier 2019, l'UBC a décerné un diplôme honorifique à Kevin Rudd, ancien premier ministre australien.
    J'ai demandé si le SCRS avait émis des mises en garde sur les risques d'une collaboration avec Huawei. Vous avez répondu que non, pas à votre connaissance, mais le 22 janvier 2019, Paul Evans vous a écrit pour vous dire que [Traduction] « le SCRS a déjà émis des mises en garde sur les risques de recherches et d'autres formes de collaboration avec Huawei en particulier ».
    Monsieur le président, à la lumière de ces éléments, je souhaite donner avis de la motion suivante:
Que le comité entreprenne une étude comportant au moins quatre séances sur les relations entre les universités canadiennes et des entités contrôlées par le gouvernement chinois, que dans le cadre de cette étude, le comité entende les coprésidents de l'UBC China Council, et que le comité rende compte de ses conclusions à la Chambre.
    Il s'agit d'un avis de motion. Je ne propose pas la motion, je donne seulement un avis oral de motion.
(1240)
    Je vous remercie, monsieur Genuis.

[Français]

     Je vais expliquer aux témoins que les députés ont le droit d'utiliser leur période de cinq minutes de la façon qu'ils le veulent. Ils peuvent faire des commentaires, comme M. Genius l'a fait après sa première question, ou ils peuvent poser des questions. J'encourage les députés, s'ils posent des questions, à laisser un temps raisonnable aux témoins pour qu'ils y répondent et, donc, à ne pas poser de question à la fin.
    Le prochain député à prendre la parole est M. Dubourg.
    Vous avez cinq minutes.
    Monsieur le président.
    Monsieur Bergeron, faites-vous un rappel au Règlement?
    Oui.
    Je comprends très bien ce que vous venez d'expliquer et je suis tout à fait d'accord.
    Toutefois, compte tenu de la nature du propos de M. Genius, M. Tiberghien devrait avoir, à tout le moins par courtoisie, l'occasion de répondre et d'expliquer son point de vue.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron, cependant, je devrais alors laisser la possibilité aux autres députés de donner une portion de leur temps pour faire cela, s'ils le veulent.
    Monsieur Dubourg, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Tout d'abord, je salue tous les témoins qui sont ici et je les remercie de leur présentation.
    Notre relation avec la Chine est dans une impasse. C'est une situation difficile et votre expertise, messieurs, est extrêmement importante pour nous afin de voir comment améliorer cette relation.
    Monsieur Tiberghien, je veux vous permettre de répondre, si vous avez une intervention à faire à la suite de ce long exposé qu'on vient de vous faire.
    La parole est à vous.
    Je vous remercie, monsieur Dubourg.
    Évidemment, je voudrais répondre. C'est important.

[Traduction]

    Je tiens d'abord à remercier le député de ces questions.
    J'aimerais commencer par dire que c'est vraiment sorti du contexte. C'est aller chercher la petite bête et en faire tout un plat.
    Tout d'abord, ce n'est pas représentatif de la fonction habituelle. Sur les 200 entrevues que j'ai probablement accordées en trois ans, il s'agit de celle à propos de laquelle j'ai demandé quelques idées, mais n'en ai reçu aucune, ce qui fait que j'ai parlé librement. Il faut placer tout cela dans un contexte plus général.
    Ensuite, j'ai bien dit que je n'avais pas eu de contact direct avec le SCRS, mais que Paul Evans avait communiqué avec moi. C'est exactement ce que vous trouvez dans ces courriels.
    Enfin, en ce qui concerne le CCP, le conseil consultatif du président, il s'agit d'une vieille idée qui remonte à 2014 ou 2015. On en a parlé au conseil, mais sans aboutir à rien pour l'instant. Il n'en est rien ressorti. Avant tout, l'idée était de créer un groupe consultatif qui ne serait pas concerné principalement par les activités de financement. Vous avez relevé des petits bouts de remarques, mais il faut tenir compte du principal objectif.
    Je tiens aussi à ce qu'il soit clair que le China Council a contribué, par exemple, à convaincre le président de ne pas avoir d'Institut Confucius à l'UBC. Nous nous sommes renseignés. Nous avons eu des entrevues avec le gouvernement et nous avons conclu que c'était risqué. Nous avons résisté et nous avons déconseillé d'avoir cet institut. Nous avons contribué à la venue du Dalaï-Lama à l'UBC. Nous sommes très neutres. Nous sommes très heureux et très fiers du rôle que nous jouons pour ce qui est de faire entendre les différents points de vue. Il est très important de souligner que les éléments qui ont été présentés ne sont pas représentatifs.
    Il y a eu, comme le mentionnent les courriels, une discussion sur Huawei qui a été déclenchée par les consultations de Paul Evans à Ottawa. Il y en a eu à AMC, mais pas au SCRS, et nous y avons appris qu'il y avait des inquiétudes à Ottawa, ce qui nous a incités à organiser la réunion. Le thème n'en était pas la gestion des médias, mais la réponse à apporter à ce que le gouvernement nous avait fait savoir. Nous avons parlé très franchement et nous avons décidé de suivre, de surveiller ce qui se passait et de nous montrer très prudents.
    Une des conséquences a aussi été que l'administratice chargée du dossier, la vice-présidente à la recherche, Gail Murphy, est venue à Ottawa, où elle a été informée. Elle l'a fait non pas en tant que membre du China Council, mais en qualité de vice-présidente à la recherche, de sorte qu'elle est responsable de la gestion de cet aspect.
(1245)

[Français]

    Je vous remercie, monsieur Tiberghien.
    Étant donné que nous parlons de Huawei, ma prochaine question s'adressera à M. Paltiel.
    Je sais que, en juin 2019, il y a eu une rencontre pour discuter des difficultés et des solutions. Vous avez organisé un sommet et une conférence.

[Traduction]

    Une des principales questions traitées était la suivante: [Traduction] « Le sort de Huawei et du réseau canadien de communications 5G de la prochaine génération. Comment arriver à la bonne décision? »

[Français]

     Vous connaissez le contexte lié à Mme Meng Wanzhou. À votre avis, devrait-on prendre maintenant une décision relative à Huawei ou devrait-on attendre?
    Enfin, quelle incidence aurait sur nos relations avec le Groupe des cinq le fait que nous prenions une décision ou l'autre concernant Huawei?
    Il vous reste 30 secondes.

[Traduction]

    Pour ce qui est de Huawei, j'ai une vision complexe de la situation que je ne peux pas présenter en quelques secondes. Le fait est qu'il s'agit d'une question de sécurité. J'ai également dit publiquement que les partenariats de recherche avec les universités devraient susciter quelques interrogations sur le plan de la sécurité. Le problème de Huawei est un problème de compétitivité, de développement de la technologie et d'investissement au Canada. Nous devons l'examiner en nous demandant — si nous commençons à interdire certaines entreprises de certains pays — quelle est son incidence sur la notion de traitement national en commerce international. Voilà le problème.
    Je vous remercie.
    Je suis désolé, le temps de parole est écoulé.
    Monsieur Genuis, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Tiberghien, je vais vous laisser la majeure partie de mon temps de parole pour que vous puissiez répondre à ce que vous voulez. En toute justice, je vous ai posé des questions au premier tour, et au deuxième tour, j'ai lu des courriels qui semblaient suggérer une interprétation des faits assez différente.
    Vous avez dit, en réponse à la question que vient de vous poser mon collègue, qu'à cette occasion exceptionnelle où vous avez demandé à M. de Jager, le 18 janvier, s'il vous encourageait à accorder l'entrevue... Vous laissiez apparemment entendre qu'il n'y a pas eu de réponse. En fait, il y en a eu une. Ce courriel a été envoyé le vendredi. Le lundi, il y a eu une réponse qui disait: [Traduction] « Bonjour, Yves. Merci de la note. Voyez ci-dessous la position de l'UBC sur les ententes de recherche avec Huawei. J'espère que cela vous aidera. »
    Suivent cinq ou six paragraphes en caractères gras. C'est là. Cela fait partie des documents. J'invite les membres et le public à prendre connaissance de ces courriels parce qu'ils m'amènent à m'interroger sur le fait que nous avons non pas une, mais deux personnes aujourd'hui qui se présentent à nous en tant qu'experts et qui travaillent avec ce Canada-China Council.
    J'ai parlé une minute et demie, mais il vous reste trois minutes et demie de mon temps de parole pour parler de ce que bon vous semble.
    Je vous remercie, monsieur Genuis, de m'accorder ce temps.
    De toute évidence, je n'y suis pas préparé. Je n'ai pas relu tous ces courriels. J'en reçois entre 300 et 400 par jour. Merci de m'avoir rafraîchi la mémoire. À mon souvenir... Je rencontre souvent le journal étudiant de l'UBC parce que ce sont souvent mes étudiants.
    Pour autant que je me souvienne, quels que soient les faits officiels donnés par M. de Jager, il n'en a sans doute pas été question dans une discussion. Je ne me rappelle pas. Je vais devoir vérifier. Pour autant que je sache, la plupart de mes entrevues avec les journaux étudiants sont des discussions assez vastes. Ils veulent savoir ce qui se passe, connaître le point de vue des deux côtés, et ainsi de suite. En général, très franchement, je parle très ouvertement. Je peux vérifier si cela a été utilisé dans une entrevue. Il se peut que non. Je ne me rappelle pas. Ce n'était pas très frappant. Je tiens à répéter que ce sont des...
    Les courriels de janvier 2019 font suite à des conversations que Paul Evans a eues à Ottawa — selon moi, avec AMC — et où nous avons entendu dire pour la première fois qu'on s'inquiétait à Ottawa. Je suppose que nous avons agi de manière professionnelle pour finir à l'UBC en ayant une conversation à laquelle ont participé, pour la première fois, des doyens et le vice-président, entre autres. C'était la chose professionnelle à faire, entendre ce qu'on nous a dit à Ottawa. En gros, c'est cela.
(1250)
    Je vous remercie, monsieur Tiberghien.
    J'estime vraiment que c'est un domaine que nous devons étudier plus en détail au Comité. Nous avons parlé de quelques exemples de risques financiers. De toute évidence, la question des risques financiers vient sur le tapis dans les conversations avec le China Council. Nous avons mentionné deux petits exemples de risque — probablement petits lorsqu'on les met en perspective — qui se montent au total à 17 millions de dollars pour une université canadienne.
    Il me reste à peu près une minute, mais je la laisse à M. Albas.
    Je vous remercie, monsieur Genuis, monsieur le président, et je remercie tous les témoins.
    Je suis également inquiet. Je sais que l'Université de Waterloo a publiquement demandé à ce qu'on précise avec qui elle peut passer des contrats, notamment lorsqu'il s'agit de grandes entreprises. En l'espèce, je suis certain que Huawei serait du nombre, bien que je ne puisse pas en être sûr. Cependant, les universités canadiennes demandent que les choses soient bien claires.
    J'aimerais passer à la Canada West Foundation.
    Vous avez dit que depuis quelques années, le Canada vend de plus en plus de produits agricoles, par exemple, à la Chine. Vous avez laissé entendre qu'il serait possible de conclure un accord.
    Il me semble qu'il serait assujetti aux dispositions du nouvel ALENA, et je crois qu'il nous faut aussi comprendre les conséquences de cet accord d'encadrement du commerce entre les États-Unis et la Chine pour nos propres exportations. Il est très difficile de prévoir qu'il n'y aura pas de grands changements structurels dans le flux des échanges dans la balance commerciale nord-américaine. Ce sont des choses qui nuiront à l'agriculture canadienne.
    Pourriez-vous...?
    Ce sera un commentaire plus qu'une question, car votre temps de parole est écoulé.
    La parole est maintenant à...
    Monsieur le président, puis-je proposer, pour le temps qu'il nous reste, de prendre deux minutes, puis de laisser la parole à l'opposition, au troisième et au quatrième parti, si c'est possible?
    C'est une très bonne idée. Je vous en remercie infiniment.
    Madame Zann, je vous en prie.
    Tout d'abord, je tiens à remercier encore tous les témoins. Je souhaite m'excuser si quelqu'un a été mis mal à l'aise. Je crois que, parfois, ces petits moments où on cherche à prendre l'autre en défaut sont très déplaisants et peu professionnels.
    Cela dit, cependant, j'aimerais beaucoup poser une question à M. Tiberghien.
    Vous qui avez passé du temps à Hong Kong pour faire de la recherche et qui avez donné des conférences en Chine sur la gouvernance mondiale, que pensez-vous de la situation actuelle à Hong Kong et comment la voyez-vous évoluer? Comment réagissent les étudiants en Chine à ce sujet et par rapport à la gouvernance mondiale?
    Je vous remercie de cette excellente question, madame Zann.
    Premièrement, en ce qui concerne la gouvernance mondiale, la réponse est facile. Quand je donne des conférences dans des universités chinoises, je suis frappé par tout l'intérêt et l'enthousiasme que suscite l'idée de la gouvernance mondiale ou du bien public mondial. Vous vous trouvez devant de jeunes étudiants, à cette étape de l'histoire, et ils croient dans un ordre fondé sur des règles pour ce qui est de l'économie et de l'environnement. Ils s'intéressent beaucoup à l'ONU, aux objectifs du développement durable, aux changements climatiques. C'est assez semblable à ce qu'on voit en Europe ou, dans une certaine mesure, dans des pays comme le Japon, la Corée ou le Canada.
    Je vais vous dire une chose. Quand il m'arrive de discuter de la situation politique, ils aspirent à plus de liberté et ils souhaitent résoudre les problèmes que connaît la Chine, mais ils veulent le faire en tirant les leçons de l'histoire. Ils veulent trouver une voie qui ne détruira pas la Chine comme cela a été le cas dans le passé. Ils en sont conscients aussi.
    Pour ce qui est de Hong Kong, c'est une tragédie à mon sens. J'en suis attristé, car j'y ai beaucoup d'amis. J'y étais en 1996 et 1997. J'ai fait des entrevues pendant des mois. Quand j'étais à Standford, au Legal and co-operation Centre...
(1255)

[Français]

     Je suis désolé, monsieur Tiberghien, mais vos deux minutes sont écoulées.
    Je dois donner la parole à M. Bergeron, qui dispose de deux minutes et trente secondes.
    Merci, monsieur le président. Je tâcherai d'être bref pour donner du temps à nos témoins.
    J'ai terminé ma dernière ronde de questions par une question qui m'apparaissait éminemment pertinente, d'autant plus que c'est le genre de question à laquelle nos fonctionnaires ne sont pas en mesure de répondre objectivement. Ce n'est pas qu'ils n'ont pas la compétence pour le faire, mais, quoi qu'il en soit, je crois qu'on commence à comprendre qu'il y a des modifications à faire dans la politique étrangère du Canada, en particulier en ce qui concerne la Chine.
    La question que j'ai posée aux précédents témoins est la suivante: croyez-vous qu'actuellement, le Canada soit bien outillé pour prendre toute la mesure des changements qui s'opèrent et pour s'y adapter?
    Est-ce que je peux commencer?
    Pourquoi pas?

[Traduction]

    Je préconise depuis quelque temps plus de coopération avec des personnes qui se trouvent dans la même situation. Nous ne pouvons faire face seuls à la Chine. Nous avions l'habitude, question d'alliance, de passer directement par les États-Unis. Les alliances américaines en Asie sont également devenues bilatérales. Il n'existe pas de cadre de référence que nous pourrions ou devrions utiliser pour parler avec les pays d'optique commune, si nous voulons les appeler ainsi — la Corée du Sud, le Japon, l'Australie, la Nouvelle-Zélande —, avec qui nous pouvons comparer nos notes pas seulement sur nos rapports avec la Chine, mais aussi sur les relations avec leurs alliés et leurs relations entre eux.
    Il nous faut une structure pour cela, pour être sur la même longueur d'onde et pour pouvoir approcher la Chine collectivement, parce que, individuellement, nous ne faisons pas le poids. Évidemment, l'Europe est importante aussi, mais l'Europe a ses propres problèmes.

[Français]

     Il faut augmenter la capacité du Canada.

[Traduction]

    Nous n'avons pas les centres de recherche, les groupes de réflexion non universitaires, qui peuvent se pencher tout le temps sur des questions. Il s'agit d'une faiblesse importante, si on compare avec l'Australie ou les États-Unis, mais c'est difficile quand on s'éloigne des aspects pratiques pour faire de la démagogie politique ou attaquer des organisations qui s'efforcent d'aider le Canada et font tout pour augmenter notre capacité et nous permettre de mieux comprendre.
    On entend dire sans cesse que nous n'avons tout bonnement pas la capacité voulue. Ce qui s'est passé ici aujourd'hui diminue, en fait, notre aptitude à constituer la capacité nécessaire.
    Je vous remercie.
    Monsieur Harris, vous avez deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Tout d'abord, monsieur Paltiel, vous avez parlé de Huawei, ce qui m'intéresse. Je ne veux pas parler à votre place, mais il me semble, à vous écouter, que vous êtes d'avis que le Canada devrait adopter un point de vue indépendant et décider seul en ce qui concerne Huawei, et que cela devrait inclure les aspects commerciaux comme les questions de sécurité.
    Voulez-vous dire que nous devrions envisager sérieusement une approche semblable à celle du Royaume-Uni pour ce qui est de reconnaître les questions de sécurité que soulèvent certains aspects du réseau 5G, mais qu'il y a certains aspects commerciaux où la participation est possible? Est-ce que c'est votre position?
    C'est ma position. Je l'ai écrit dans mes observations, mais je n'en ai pas parlé. Nous devrions adopter une approche empirique des questions de sécurité. C'est ce que font les Britanniques. C'est ce qu'a fait le Canada dans le passé. Nous devons tenir compte de notre principal allié. Nous devons aussi être conscients des risques. Nous devons également savoir, si nous voulons un climat d'investissement propice et aussi la création de propriété intellectuelle au Canada, qu'une grande partie de la technologie de la 5G mise au point par Huawei vient de scientifiques canadiens, de scientifiques qui se trouvent à Ottawa.
    Allons-nous pouvoir profiter des retombées de la propriété intellectuelle créée au Canada? C'est une question pour les organismes de réglementation et pour les universités, mais nous devons aussi décider de la façon dont nous allons régler la question du réseau 5G.
    Je vous remercie.
    La deuxième question concerne le commerce accru avec la Chine avec un accès aux marchés qui n'est pas total. Nous rendons-nous vulnérables en dépendant de ce commerce en l'absence d'un système fondé sur des règles qui garantit qu'ils suivront bien ces règles? Le hic avec un accord commercial avec la Chine — et certains se sont réjouis qu'il ne s'en soit pas conclu —, c'était que nous serions liés par des règles en raison de notre système juridique, alors que les Chinois ne le seraient pas. Est-ce que c'est préoccupant?
    Est-ce que nous devrions d'abord avoir la certitude que les règles vaudraient pour les deux parties?
(1300)
    La Chine est membre de l'OMC. Elle est assujettie à plus de dispositions antidumping que n'importe quel autre pays. Le mécanisme de règlement des différends de l'OMC ne fonctionne pas parce que les États-Unis refusent d'y nommer des juges. C'est un problème qu'il faut régler. En fait, la Chine respecte à bien des égards les règles de l'OMC. Nous avons besoin de l'OMC. Nous devons en faire partie.
    La prémisse sur laquelle repose votre question est un peu étrange, en un sens. Nous sommes une nation commerçante ou nous ne le sommes pas. Si on est une nation commerçante, on est automatiquement à la merci de changements dans les flux commerciaux. À moins de décider de vivre en autarcie comme la Corée du Nord, nous n'avons pas le choix. Nous sommes exposés à ces vulnérabilités.
    Je vous remercie.
    Merci. Cela répond à la question.
    Je vous remercie, monsieur Harris.
    Je remercie tous les témoins. Nous vous sommes très reconnaissants de votre présence aujourd'hui, que ce soit en personne ou par téléconférence.
    La séance est levée.
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