Bienvenue à la neuvième réunion du Comité spécial sur les relations sino-canadiennes de la Chambre des communes.
Conformément à l'ordre de renvoi du 20 juillet 2020, le Comité se réunit pour poursuivre son étude des relations sino-canadiennes.
[Français]
Voici quelques règles à respecter pour assurer le bon déroulement de la réunion.
Pour la vidéoconférence, les services d'interprétation fonctionneront à peu près comme dans le cas d'une réunion de comité ordinaire.
Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le son du parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que celui-ci corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux.
Avant de commencer à parler, attendez que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêts à parler, vous pouvez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je rappelle que toutes les observations des députés et des témoins devront être adressées à la présidence.
Si un député souhaite prendre la parole en dehors de la période qui lui est réservée pour poser des questions, il doit activer son micro et indiquer qu'il souhaite faire un rappel au Règlement. Si un député souhaite intervenir au sujet d'un rappel au Règlement soulevé par un autre député, il doit utiliser la fonction « lever la main » pour signaler au président qu'il désire prendre la parole. Pour ce faire, vous devez cliquer sur « participant » au bas de l'écran. Lorsque la liste s'affichera à côté de votre nom, vous verrez une option qui vous permettra de lever la main.
Assurez-vous de parler lentement et clairement. Je vais essayer de faire de même. Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
[Traduction]
Il y a une chose que je dois vous mentionner. Notre greffière m'a indiqué qu'il y a eu aujourd'hui à Ottawa une importante panne des services Internet. Nous espérons que cela ne se reproduira pas, mais nos techniciens sont au courant. Je ne crois pas qu'ils puissent y faire grand-chose, mais espérons que tout ira bien.
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Oui, merci, monsieur le président. Je suis heureux de revoir tout le monde.
Je vous prie d'abord de bien vouloir m'excuser de ne pas porter de cravate aujourd'hui. J'en porterais une normalement, mais j'étais déjà au chalet lorsque la séance a été convoquée. Je pourrais toujours boutonner ma chemise jusqu'en haut et y accrocher un truc amusant, mais j'ai jugé préférable de m'en abstenir.
Comme l'indiquait notre président, je vais vous soumettre d'entrée de jeu une motion étant donné que le sous-comité s'est réuni, mais que son rapport n'a pas encore été ratifié. Nous pourrons le faire à la fin de la présente séance, mais pour que celle-ci puisse avoir lieu, je proposerais que le Comité se réunisse de 15 h à 19 h aujourd'hui, le jeudi 6 août 2020; que les anciens ambassadeurs David Mulroney, John McCallum et Robert Wright, ainsi que M. Lobsang Sangay, soient invités à comparaître de 15 h et 18 h; et que la dernière heure de réunion, soit de 18 h à 19 h, soit consacrée aux travaux du Comité.
C'est donc ma motion.
Merci, monsieur le président.
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Très bien, je vais donc demander à notre greffière de procéder à un vote par appel nominal concernant le sous-amendement.
(Le sous-amendement est adopté par 11 voix contre aucune)
(L'amendement modifié est adopté par 11 voix contre aucune)
(La motion modifiée est adoptée par 11 voix contre aucune)
Merci beaucoup. Je veux maintenant souhaiter la bienvenue à notre premier témoin, M. Lobsang Sangay, président de l'Administration centrale tibétaine.
Monsieur Sangay, vous avez droit à 10 minutes pour votre déclaration préliminaire. Merci beaucoup d'avoir bien voulu comparaître devant nous.
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Un grand merci à l'honorable président Geoff Regan, aux vice-présidents et aux membres du Comité. À Dharamsala, il est une heure du matin. Étant donné l'importance du travail de votre comité, je me suis dit que je pouvais bien perdre quelques heures de sommeil pour vous parler de la Chine et du Tibet.
[Le témoin s'exprime en tibétain]
[Traduction]
J'ai simplement répété en tibétain ce que j'avais dit auparavant.
Il est un peu étrange que nous devions maintenant tenir de telles audiences en ligne, plutôt qu'en personne, en raison de la pandémie de COVID-19 qui s'est déclenchée à Wuhan. Cet inconvénient que nous subissons tous est selon moi en partie attribuable au comportement irresponsable du gouvernement chinois qui nous a caché au départ que le coronavirus se propageait d'une personne à une autre. Plusieurs milliers de Chinois étaient infectés, mais on n'a rien dit au reste du monde. C'est ainsi que nous nous retrouvons aujourd'hui dans une situation très précaire.
Je veux seulement répéter ce que j'ai dit en 2018, des propos qui vont dans le sens de ceux tenus par les représentants du gouvernement américain et d'autres intervenants. Le Parti communiste chinois, ou le gouvernement chinois, fait planer sur nous tous une menace très sérieuse. Ou bien nous allons transformer la Chine, ou alors la Chine nous transformera. Les valeurs libérales sont en jeu. La démocratie est en jeu. Les droits de la personne sont en jeu. L'environnement également.
En sa qualité de deuxième plus important bailleur de fonds des Nations unies, la Chine essaie de restructurer cette organisation en plaçant dans des postes importants des gens qui la soutiennent et qui mettent en péril les valeurs démocratiques et les droits de la personne. Ces gens-là s'emploient à redéfinir la notion de droits de la personne. Ils ont déjà adopté deux résolutions en ce sens. S'ils poursuivent sur cette lancée, il y aura dégradation des droits de la personne tels que nous les connaissons actuellement avec l'importance primordiale accordée à la liberté d'expression et aux droits politiques. On verra alors se répéter partout sur la planète ce qui est arrivé au Tibet dans les années 1950, soit un phénomène de cooptation des élites pour exercer une influence sur les politiciens, les gens d'affaires, les intellectuels et les médias.
Nous en avons des exemples un peu partout. Pour avoir voyagé d'Ottawa jusqu'en Australie, en passant par la Norvège et la Suède, j'ai pu moi-même l'observer à maintes reprises. En misant sur cette cooptation des élites, le gouvernement chinois s'assure de pouvoir compter dans vos différents pays sur un grand nombre de gens qui vont appuyer la version chinoise des événements. C'est exactement ce qu'ils essaient de faire.
Nous pouvons le constater au Canada avec le problème des deux Michael. Je suis bien évidemment solidaire de leurs proches, mais il s'agit d'un choix entre la moralité et l'argent. Si le gouvernement canadien acquiesce à la demande du gouvernement chinois qui veut échanger Mme Meng Wanzhou contre la liberté des deux Michael, nous allons nous retrouver dans une situation où davantage de Canadiens pourraient être arrêtés et utilisés comme monnaie d'échange pour obtenir des concessions du gouvernement canadien. Je pense que le gouvernement canadien a pris la bonne décision en refusant de céder à la pression exercée par le gouvernement chinois.
Quant à savoir si Taïwan devrait ou non être membre de l'Organisation mondiale de la santé, je suis favorable à ce qu'on lui rende ce statut de membre qu'elle détenait avant 2016. Nous avons vu Taïwan brillamment gérer la pandémie, une crise essentiellement sanitaire. Leur expertise et leur expérience pourraient nous être d'un grand secours dans nos efforts pour enrayer la propagation du coronavirus. L'OMS devait prévoir un rôle pour Taïwan et lui faciliter les choses, mais ce pays est exclu de l'organisation en raison des pressions du gouvernement chinois.
Il y a aussi la question de la loi sur la sécurité nationale adoptée à Hong Kong. C'est ce que nous avons pu voir au Tibet avec les lois sur l'unité ethnique. Des lois semblables sur la sécurité ont été adoptées au Tibet et visaient simplement à miner les valeurs démocratiques et la liberté d'expression en permettant l'oppression politique du peuple tibétain, la destruction environnementale du plateau tibétain et la marginalisation économique de notre peuple. Tous ces torts ont pu être causés parce que le gouvernement chinois a imposé, comme il le fait à Hong Kong, ces lois sur la sécurité et sur l'unité ethnique. On veut ainsi brimer la liberté du peuple tibétain.
Nous vous mettons par conséquent en garde en vous disant que ce qui est arrivé au Tibet pourrait également vous arriver. De Taïwan jusqu'à Hong Kong, en passant par le Turkestan oriental, avec un million de personnes en détention, y compris un citoyen canadien d'origine ouïghoure, Huseyin Celil, qui est détenu en Chine, tout cela démontre clairement que les événements survenus au Tibet il y a 60 ans sont en train de se répéter partout dans le monde. Il y a de nombreux enseignements que vous pourriez tirer de l'expérience du Tibet.
Cela dit, je veux recommander au gouvernement canadien, et à votre comité tout particulièrement, d'adopter une motion appuyant l'approche de la Voie du milieu comme politique visant une autonomie véritable pour le peuple tibétain dans les cadres de la constitution chinoise. Pour ce faire, il faudra un dialogue entre les délégués du Dalaï-Lama et les représentants du gouvernement chinois. En fait, c'est une proposition qui devrait être profitable autant pour le gouvernement chinois que pour le peuple tibétain. J'espère que le Comité envisagera la possibilité d'appuyer une approche semblable.
La liberté de religion est cruciale. Cette année marque le 30e anniversaire de naissance du panchen-lama et le 25e anniversaire de sa disparition. Nous ne savons pas où il est. Le panchen-lama a disparu il y a 25 ans, ce qui témoigne bien du tragique de la situation des chefs religieux et de la liberté de culte au Tibet. Le gouvernement chinois essaie de s'ingérer dans la sélection des lamas réincarnés. La réincarnation est une affaire essentiellement spirituelle que le Parti communiste chinois s'efforce de politiser. Il indique qu'il va intervenir pour sélectionner les lamas réincarnés et que le peuple tibétain devra suivre ces chefs religieux. Cela va tout à fait à l'encontre des droits fondamentaux de la personne et des traditions à la base de notre spiritualité.
J'exhorte en outre le gouvernement canadien à se joindre à des alliances de démocraties et de pays aux vues similaires pour appuyer le maintien des valeurs libérales. Vous pourrez ainsi exercer de concert avec d'autres pays des pressions coordonnées sur le gouvernement chinois pour qu'il devienne un membre responsable de la communauté internationale et qu'il respecte les normes et les règlements internationaux. Sans cela, la Chine n'obtiendra pas le respect dont elle souhaiterait jouir à titre de superpuissance en devenir.
Le gouvernement chinois doit respecter les droits de la personne et les valeurs libérales des Tibétains et des Ouïghours ainsi que ceux des citoyens de Hong Kong et de Taïwan. Ce sont là des enjeux absolument primordiaux.
Enfin, le Tibet revêt une importance capitale du point de vue environnemental. Dix grands fleuves d'Asie ont leur source au Tibet. On surnomme celui-ci le « château d'eau de l'Asie ». Plus d'un milliard de personnes ont besoin pour vivre de l'eau s'écoulant depuis le Tibet. Les changements climatiques touchent toute la planète, y compris Ottawa quant à savoir si l'hiver sera plus ou moins doux ou si l'été sera trop chaud ou non. Cela dépend en partie des courants-jets en provenance du plateau tibétain. Il s'agit donc d'une autre considération de grande importance. Le gouvernement chinois prétend faire montre de leadership face aux changements climatiques, mais ses actions en la matière sont déficientes et son bilan au Tibet est atroce. Il faudrait par conséquent que le gouvernement chinois soit tenu responsable de la destruction environnementale du plateau tibétain.
Ces points ont également été soulevés par Sangyal Kyab, un canadien d'origine tibétaine qui a marché depuis Toronto jusqu'à Ottawa pour demander aux parlementaires d'appuyer le dialogue entre les représentants du gouvernement chinois et les délégués du Dalaï-Lama en vue de trouver une solution pacifique à la question tibétaine ainsi qu'aux enjeux liés à la situation du panchen-lama et à la liberté de religion.
Je vais m'arrêter ici, car je n'ai plus de temps. Je tiens à remercier les membres du Comité de m'avoir invité. Même s'il est passé une heure du matin ici, je suis là pour représenter le peuple tibétain et mettre en lumière toute l'importance de la question tibétaine. Je remercie donc le président, la greffière et tous les membres du Comité.
Merci.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Sangay, d'être des nôtres et d'être encore debout à une heure aussi tardive, vous qui avez la chance d'être à Dharamsala.
Je veux d'abord vous dire que j'appuie tout ce que vous avez dit dans vos observations préliminaires. Je me réjouis que vous nous ayez demandé d'adopter une motion ou de faire le nécessaire en vue d'exprimer clairement le soutien de notre comité à l'approche de la Voie du milieu, en tablant sur un dialogue direct, tout en nous prononçant en faveur de la liberté de religion au Tibet.
Il est renversant de voir un régime officiellement athée prétendre par ailleurs s'y connaître en réincarnation et pouvoir contrôler ce phénomène. Ce serait comique si ce n'était pas aussi tragique. Je tiens à vous exprimer mon soutien relativement à ces questions. J'ose espérer que notre comité pourra adopter des motions en ce sens. Nous pourrions ainsi ajouter notre voix à la vôtre et à celle de tous ces Canadiens d'origine tibétaine qui, je le sais, n'hésitent pas à revenir à la charge pour dénoncer la situation.
Vous avez notamment fait valoir que le Tibet a été en quelque sorte la première victime du colonialisme du Parti communiste chinois. Je pense qu'il y a là matière très importante à réflexion compte tenu de toutes les stratégies colonialistes de contrôle et d'emprise des élites que ce parti essaie de déployer un peu partout sur la planète. Le Tibet a bel et bien été le premier exemple de cette façon de faire.
Je me demandais si vous pourriez nous en dire un peu plus au sujet du colonialisme chinois ainsi que des conséquences que vous êtes à même de constater au sein de la diaspora tibétaine. Je pense par exemple à la question de l'influence de l'État chinois au Népal et de ses répercussions pour les Tibétains qui y vivent, de même qu'à l'intimidation et aux pressions avec lesquelles les Tibétains doivent composer, et ce, même au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays occidentaux. Quelles sont les incidences de ce phénomène pour les membres de la diaspora?
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Le Parti communiste se déclare effectivement athée, mais prétend aussi avoir l'autorité nécessaire pour reconnaître les lamas réincarnés. C'est ainsi que le Dalaï-Lama disait à la blague que si les Chinois sont vraiment sérieux dans leurs prétentions à ce sujet, ils devraient d'abord trouver la réincarnation de Mao Zedong, Zhou Enlai et Deng Xiaoping, les grands chefs du Parti communiste chinois. C'est seulement une fois qu'ils auront ainsi acquis de l'expertise et une certaine crédibilité qu'ils pourront parler de la réincarnation des lamas tibétains. Je trouve étrange qu'ils prétendent être des autorités en matière de questions spirituelles.
Je pense effectivement que le Tibet a été leur première victime. Le plan d'action mis en oeuvre au Tibet est repris partout dans le monde. Pour avoir moi-même notamment visité le continent africain, l'Amérique latine et l'Europe, j'ai pu constater que l'on mise généralement sur la cooptation des élites en s'efforçant d'amener les différents leaders à appuyer la version chinoise des faits de même que les politiques du gouvernement chinois.
Pour ce qui est de la colonisation du Tibet, il faut considérer la question des ressources naturelles comme l'or, le cuivre, le borax et l'uranium. Le gouvernement chinois a indiqué que l'on trouvait au Tibet quelque 123 variétés de minéraux, des ressources valant plusieurs milliards de dollars qui sont entièrement exploitées par des entreprises chinoises dans un but uniquement lucratif, de pair avec des dirigeants chinois. À titre d'exemple, je crois que 70 % du lithium utilisé en Chine vient du Tibet, et nous achetons tous des produits chinois fonctionnant avec des piles au lithium.
Pourquoi les produits chinois sont-ils si bon marché? C'est parce qu'ils ne donnent pas un traître sou aux agriculteurs et aux nomades tibétains dans les secteurs où ils exploitent tout ce lithium. Lorsque l'extraction est très difficile, les Chinois se servent d'une grande quantité de produits chimiques. Ils polluent notre sol. Ils polluent notre air et notre eau, mais ils extraient ces ressources sans rien nous donner en retour. Tout cela se retrouve dans les gadgets que les Chinois nous vendent.
De la même manière, il fut une époque où 90 % des terres rares provenaient de la Mongolie intérieure ou de la Mongolie extérieure. Les Mongols n'ont toutefois jamais rien reçu pour ces ressources que les Chinois extraient et intègrent à leurs produits. Il ne fait donc aucun doute qu'il y a colonisation dans l'exploitation des ressources naturelles.
Les Tibétains vivant au Népal se trouvent dans une situation particulièrement précaire. Depuis 1990, un Tibétain qui naît et grandit au Népal n'a même pas droit à un certificat de naissance. Il n'a même pas de carte attestant de son statut de résident. Comme ces Tibétains n'ont pas non plus de documents de voyage, ils sont nombreux à devoir quitter le Népal pour se rendre au Canada, en Europe et ailleurs. En raison des pressions exercées par le gouvernement chinois, les Tibétains résidant au Népal vivent encore aujourd'hui dans des conditions extrêmement difficiles. Il est manifeste que l'influence du gouvernement chinois ne se fait pas sentir uniquement pour les Tibétains vivant au Tibet. Même ceux qui sont exilés au Népal doivent subir la tyrannie chinoise.
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Merci beaucoup, monsieur le président.
[Le député s'exprime en tibétain]
[Traduction]
Au bénéfice de ceux qui ne comprennent pas le tibétain, je viens simplement de remercier notre invité pour sa participation à la séance du Comité.
Nous vous sommes reconnaissants parce qu'il est bien sûr très tard à Dharamsala, mais aussi pour la patience dont vous avez fait montre alors que nous réglions quelques questions de régie interne au début de la séance. Merci de votre comparution et aussi de votre détermination à intervenir sur la scène internationale pour défendre la cause du Tibet et appuyer la bataille du peuple tibétain pour le respect des droits fondamentaux de la personne.
Dans ma circonscription de Parkdale—High Park, je suis le représentant de 7 000 Canadiens d'origine tibétaine, y compris celui dont vous avez parlé qui a fait le trajet aller-retour à pied de Toronto à Ottawa. Je tiens à vous exprimer la reconnaissance de mes commettants et commettantes ainsi que la mienne pour votre travail.
Comme nous avons peu de temps, je vous demanderais de répondre aussi brièvement que possible aux quelques questions que j'aimerais vous poser.
La première porte sur le panchen-lama. Comme vous l'avez souligné, c'est une année très importante, car elle marque le 25e anniversaire de sa disparition. Lorsqu'il a disparu, à l'âge de six ans, il était reconnu comme le plus jeune prisonnier politique et religieux au monde. On ne l'a pas revu depuis 25 ans.
Lorsqu'une délégation officielle du Tibet a comparu devant nous pendant notre législature précédente en 2018, j'ai jugé nécessaire de participer à la séance pour poser certaines questions très précises. J'ai alors demandé à M. Baimawangdui où se trouvait Gedhun Choekyi Nyima, et il m'a répondu qu'il vivait une existence normale avec sa famille et ne voulait pas être dérangé. Nous savons par ailleurs que le ministre des Affaires étrangères chinois a indiqué qu'il travaillait maintenant après avoir terminé ses études.
J'aimerais d'abord savoir — en vous demandant de répondre en une soixantaine de secondes — si ce genre de réponse du ministre des Affaires étrangères chinois vous satisfait, et si l'Administration centrale tibétaine a tenté de vérifier la véracité de cette affirmation.
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Absolument pas. Il y a quelques jours à peine, cinq experts des droits de la personne aux Nations unies ont justement soulevé la question en indiquant vouloir savoir où se trouve le panchen-lama.
Voilà maintenant... Il a 31 ans. Le gouvernement chinois indique qu'il a 31 ans, un diplôme d'études supérieures et un emploi, et que ses proches ne veulent pas être dérangés. Je pense que c'est tout à fait sans fondement. D'après ce que nous savons, même ses frères et soeurs ne sont pas autorisés à lui rendre visite et à le rencontrer, comme il serait normal qu'ils le fassent. C'est la même chose pour ses parents. Ses parents et ses frères et soeurs sont éparpillés dans diverses régions de la Chine. Ils peuvent se réunir seulement une ou deux fois par année avec la permission du gouvernement chinois. Même les visites familiales ne sont pas autorisées.
S'il est effectivement libre et s'il ne veut pas être dérangé, nous aimerions le voir venir témoigner à Ottawa devant le Comité spécial sur les relations sino-canadiennes. Qu'on lui permette de s'exprimer librement. Que l'on permette à ses parents et à ses frères et soeurs de l'accompagner.
Il va de soi que sa situation nous inquiète beaucoup. Lorsque quelqu'un disparaît ainsi pendant 25 ans, il y a violation flagrante des droits de la personne.
J'aimerais poursuivre sur cette lancée et vous interroger sur la situation des libertés religieuse, linguistique et culturelle fondamentales au sein de la République populaire de Chine.
Nous avons entendu parler des Ouïghours. En tant que Canadien musulman, je suis consterné par ce que nous entendons à leur sujet, mais je trouve également troublant que leur situation soit un peu mieux connue présentement que certaines des autres violations des libertés culturelle, religieuse et linguistique fondamentales que subit votre communauté: les temples bouddhistes, qui sont soi-disant ouverts en Chine, n'ont pas le droit d'afficher une photo de Sa Sainteté le dalaï-lama, un homme qui est un citoyen d'honneur de notre pays; Larung Gar et Yarchen Gar, dans la province du Kham, dans l'est du Tibet, où des milliers de moines et de religieuses reçoivent leur formation, ont été littéralement détruits par la République populaire de Chine; et en janvier 2016, Tashi Wangchuk, un militant pour la défense de la langue tibétaine qui en encourage l'utilisation et l'enseignement, a été arrêté, puis condamné, contre les appels de nombreux pays, dont le Canada.
Pourriez-vous nous parler un peu de l'état actuel des choses concernant les libertés linguistique, culturelle et religieuse des Tibétains qui vivent en République populaire de Chine et de ce que cela devrait nous indiquer sur le plan des politiques à élaborer ici, au Canada, avec les alliés internationaux que vous avez mentionnés?
Selon un rapport, à Lhassa, 92 % des publications sont écrites en langue chinoise; seulement 8 % sont écrites en langue tibétaine. Manifestement, le gouvernement chinois investit beaucoup dans la promotion du chinois comme outil d'enseignement. Il utilise le chinois comme la langue principale et fragilise le tibétain, bien que, du point de vue constitutionnel, le gouvernement chinois doit non seulement utiliser le tibétain, mais également en faire la promotion.
Il est vrai que des temples et des monastères bouddhistes sont détruits. Vous avez mentionné Larung Gar et Yarchen Gar. En faisant une recherche sur Yarchen Gar dans Google, on peut voir clairement que la moitié de l'infrastructure a disparu. C'est plat. De plus, ces dernières années, plusieurs religieuses se sont suicidées. Aujourd'hui, pour quitter leur monastère et se rendre à un autre endroit, un moine ou une religieuse doivent en obtenir la permission. Pour pouvoir se déplacer d'un district à l'autre, ils doivent en obtenir la permission. C'est le type de contraintes que l'on impose aux Tibétains qui veulent pratiquer leur religion.
Tashi Wangchuk demandait simplement ce qui est déjà garanti par la constitution chinoise et par la loi sur minorités nationales de 1984: le droit d'utiliser la langue tibétaine, de manière bilingue, comme langue d'enseignement. Nul autre que le New York Times a rapporté qu'il respectait la loi du pays. Cependant, il a été condamné en tant que séparatiste et il est en prison.
Même ces droits fondamentaux ne sont pas...
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vous remercie, M. Sangay, d'être des nôtres malgré l'heure tardive, et je suis désolé du retard survenu en début de rencontre, qui était lié à la procédure.
Vous savez peut-être que ce comité se préoccupe particulièrement de la situation qui a cours présentement à Hong Kong. Au cours des prochains jours, nous allons nous pencher davantage sur cette situation. Je crois savoir que vous avez vous-mêmes établi un parallèle entre la situation qui existe au Tibet et celle ayant cours à Hong Kong. Vous avez mentionné l'entente en 17 points négociée au début des années 1950 et la loi sur la sécurité nationale qui a été adoptée et qui s'applique dorénavant à Hong Kong.
Que vouliez-dire dire précisément en faisant ce parallèle, que vous avez d'ailleurs établi il y a un certain temps? Que devons-nous retenir de cette comparaison?
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Oui, je crois que l'honorable membre du Comité a soulevé la bonne question. Comme je l'ai dit, ce qui est arrivé au Tibet pourrait également vous arriver.
Au Tibet, la formule « un pays, deux systèmes » qui a été accordée à Hong Kong plus tard, avait déjà été promise en 1951 par l'accord en 17 points. Par exemple, l'article 4 de cet accord stipulait que l'autorité et le statut du dalaï-lama allaient être maintenus, que l'utilisation de la langue tibétaine allait être permise et que les monastères allaient fonctionner comme avant. Toute réforme n'allait être entreprise qu'après consultation et obtention du consentement du peuple tibétain. L'accord en 17 points prévoyait tout cela, mais de 1951 à 1959, le gouvernement chinois en a violé essentiellement toutes les dispositions. Même si cet accord nous a été imposé, il a été violé, ce qui a forcé le dalaï-lama et 80 000 Tibétains à s'exiler.
Depuis, le gouvernement a adopté une loi sur l'unité. Maintenant, chaque fois que l'unité et l'autonomie entrent en conflit, c'est l'unité qui prévaut. De même, à Hong Kong, la loi sur la sécurité vise la même chose. Lorsque la sécurité et l'autonomie entreront en conflit, c'est la sécurité qui prévaudra. Les droits de la personne, la liberté d'expression et le droit de manifester seront tous secondaires par rapport à la loi sur la sécurité et à la sécurité de la Chine et de Hong Kong. Par conséquent, la dilution du principe « un pays, deux systèmes » à Hong Kong n'est pas surprenante. C'est arrivé au Tibet auparavant.
Nous sommes très inquiets. J'ai dit récemment que Hong Kong était en train de devenir un deuxième Tibet. Ce qui s'est passé au Tibet et ce qui s'y passe actuellement se produira certainement à Hong Kong. Le gouvernement chinois a trahi toutes les promesses qu'il avait faites au peuple tibétain; la même chose est en train de se produire à Hong Kong.
Il y a 300 000 Hongkongais qui ont le statut de résidents canadiens ou la citoyenneté canadienne. La question de savoir s'ils seront autorisés à revenir au Canada doit être envisagée de manière positive, comme le fait le gouvernement du Royaume-Uni.
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Tous les petits gestes et toutes les grandes initiatives auront leur importance. Adopter une motion, au Parlement canadien, pour déclarer que le principe « un pays, deux systèmes » de Hong Kong devrait prévaloir et que les atteintes à ce principe devraient être condamnées; adopter, au Conseil des droits de l'homme des Nations unies, une résolution sur Hong Kong; coordonner les efforts avec d'autres pays pour qu'ils fassent des choses similaires au sein de leurs parlements, y compris l'adoption de lois par les différents gouvernements et l'adoption de décrets qui stipulent qu'à Hong Kong, la formule « un pays, deux systèmes » doit être respectée — tout cela devrait être consigné pour qu'il y ait une référence.
Lorsque c'est arrivé au Tibet, dans les années 1950, de nombreux pays pensaient la même chose. Ils ne nous ont pas soutenus aux Nations unies. Bien entendu, nous avons adopté trois résolutions; par la suite, ils ne l'ont pas fait. Les Canadiens et tous les gouvernements n'ont essentiellement rien consigné. Plus on en parle, plus on adopte des résolutions, plus on tient des audiences, plus publie des articles d'opinion dans les journaux.... ce sera très utile.
Au bout du compte, la démocratie est inévitable. Nous devons pousser la Chine à adopter la démocratie, et le respect des droits de la personne devrait être garanti. À la longue, tout cela se produira, mais pour ce faire, il est très important de déployer des efforts concertés et bilatéraux afin d'exercer des pressions sur le gouvernement chinois.
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Sangay, je vous remercie d'être parmi nous bien qu'il soit tard là où vous êtes. Je suis ravi de vous rencontrer de cette façon.
J'ai trouvé très intéressante votre idée de solution qui suppose un dialogue entre votre organisation ou le peuple tibétain et le gouvernement chinois. Il me semble que vous ne considérez pas nécessairement l'accord en 17 points comme un plan, mais au moins comme un modèle que les deux parties ont essayé et accepté. Il prévoyait l'autonomie pour le Tibet, mais il prévoyait également que les Tibétains reconnaissent la souveraineté chinoise sur le Tibet, etc. C'est le modèle, comme la formule « un pays, deux systèmes » dont vous avez parlé, qui existe à Hong Kong depuis 1997.
Ce que vous appelez l'approche de la « Voie du milieu » semble constituer une voie vers une solution. Est-elle appuyée? Vous estimez que le Canada devrait peut-être adopter une motion à ce sujet ou appuyer cette approche. Est-ce que d'autres pays l'appuient en ce moment, ou est-ce une chose à laquelle vous travaillez dans le cadre de vos échanges à l'échelle internationale?
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Merci beaucoup, honorable député Harris.
Oui. Lorsque le président Obama a rencontré Sa Sainteté le dalaï-lama en 2014 et en 2016, à ces deux occasions, la Maison-Blanche a publié un communiqué de presse dans lequel elle appuyait l'approche de la Voie du milieu du peuple tibétain. Non seulement elle l'appuyait, mais elle la saluait.
De plus, au Parlement européen, de nombreux députés ont présenté des motions et, dans 17 ou 18 pays, des parlementaires ont également publié des déclarations. En fait, au Sénat canadien, il y a une motion qui appuie l'approche de la Voie du milieu.
L'approche de la Voie du milieu consiste essentiellement à dire que le gouvernement chinois devrait mettre fin à la répression exercée sur le peuple tibétain et garantir une véritable autonomie du peuple tibétain dans le cadre de la constitution chinoise. Alors, le Tibet ne chercherait pas à se séparer de la Chine. C'est ce que nous voulons.
Oui, tout type de motion et de déclaration sera utile; sinon, les responsables chinois au Tibet continueront à violer toutes sortes de droits de la personne. Ils agissent en toute impunité, car personne ne dit quoi que ce soit. À moins qu'on ne vienne aider les gens du Turkestan oriental, du Xinjiang, de Hong Kong, de Taïwan et du Tibet, ils agissent en toute impunité et pensent qu'ils peuvent s'en tirer.
Aujourd'hui, partout dans le monde, dont au Canada, on réévalue la politique de la Chine. Alors, oui, on doit s'affirmer en ce qui concerne les principes et les valeurs.
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Oui, je pense que ce sont des Tibétains. La définition traditionnelle du Tibet comprend l'Ü-Tsang, le Kham et l'Amdo. Ce sont les trois provinces traditionnelles du Tibet
Par exemple, l'Amdo correspond principalement aux provinces du Qinghai et du Gansu de la Chine. C'est là que Sa Sainteté le dalaï-lama est né, soit à l'extérieur de la Région autonome du Tibet. Mon père vient du Kham, qui est situé présentement dans la province du Sichuan. Si l'on dit que le Tibet ne se limite qu'à la Région autonome du Tibet, on dit alors que le dalaï-lama n'est pas un Tibétain ou que mon père n'était pas un Tibétain. Nous sommes tous des Tibétains.
Ce que nous voulons, c'est une véritable autonomie et une autorité administrative pour le peuple tibétain, car les Tibétains ont une langue, une culture, une spiritualité et même un terrain en commun. Le territoire est une région montagneuse; par conséquent, une seule structure administrative est plus efficace et performante
Il est vrai que le gouvernement chinois dit parfois que les Tibétains réclament le quart de la Chine, que c'est déraisonnable et que le dalaï-lama n'est pas raisonnable. Nous ne sommes pas raisonnables, car c'est là que des Tibétains vivaient autrefois, et c'est là que des Tibétains vivent maintenant. Le dalaï-lama est un Tibétain. Mon défunt père était également un Tibétain. Il s'agit du plateau tibétain.
Je vous remercie beaucoup de votre présence, d'autant plus qu'il est très tard. Je suis désolée de ne pas connaître d'expressions en langue tibétaine, mais je dirais en anglais à quel point c'est important et à quel point nous vous appuyons, vous et le Tibet, dans la cause. Comme vous l'avez dit, le Tibet est la première victime et aucun d'entre nous n'est à l'abri. Nous devons apporter ce soutien, non seulement pour le Tibet, mais aussi pour que nous ne perdions pas nos libertés.
Le 19 décembre, les Américains ont adopté la Reciprocal Access to Tibet Act — la loi sur l'accès réciproque au Tibet. Elle oblige le Département d'État à refuser des visas aux représentants chinois qui cherchent à restreindre l'accès au Tibet pour des Américains, dont des journalistes et des représentants américains. Pourriez-vous nous en parler et nous donner une idée de la mesure dans laquelle, à votre avis, cette loi a atteint l'objectif qu'elle était censée atteindre? Est-ce un outil efficace et devrions-nous envisager de faire la même chose?
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Oui, le Tibet a été le premier cas. Lorsque le Tibet était occupé et que des violations des droits de la personne étaient commises, beaucoup de gens, beaucoup de dirigeants, pensaient pouvoir garder le silence et s'entendre avec le gouvernement chinois. Plus tard, ils ont compris que ce qui s'était passé au Tibet se passait maintenant au Xinjiang, avec près d'un million de personnes en détention. Vous savez, le secrétaire du parti de la Région autonome du Tibet a été envoyé au Xinjiang pour mettre en œuvre ce qu'il a fait au Tibet. L'artisan de la situation du Tibet et au Xinjiang est la même personne.
De façon similaire, la loi sur l'accès réciproque au Tibet a été adoptée par le Congrès. Elle dit essentiellement que pour les universitaires, les journalistes ou les diplomates... De nombreux touristes, même, viennent de Chine et vont aux États-Unis, et du Tibet, donc... Or, les ambassades et les consulats chinois ne délivrent plus de visas aux chercheurs et aux étudiants canadiens, et même aux touristes et aux diplomates canadiens pour aller au Tibet. Dans la loi sur l'accès réciproque, on dit simplement que si vous voulez venir au Canada, vous êtes les bienvenus, mais vous devez donner un accès similaire aux Canadiens pour aller au Tibet. Si vous ne le faites pas, il s'agit d'une violation fondamentale des droits de la personne.
De même s'il y a des représentants chinois qui violent les droits de la personne, qui torturent des Tibétains, qui agissent en toute impunité et qui pensent pouvoir s'en tirer parce que personne n'en parlera, alors le gouvernement américain dit qu'il refusera de leur octroyer un visa pour venir aux États-Unis. Ils ont nommé certains représentants du Turkestan oriental qui ont violé les droits de la personne des Ouïghours.
C'est ce que nous disons: des choses similaires devraient se produire. Par exemple, 2018 a été une année de tourisme entre le Canada et la Chine. Combien de Chinois sont venus au Canada? Mais combien de Tibétains sont venus au Canada à partir du Tibet? Presque aucun, parce que pas même 1 % des Tibétains du Tibet sont autorisés à avoir un passeport. Même les quelques milliers d'entre eux qui en ont un et qui sont allés en Inde pour faire un pèlerinage se le sont fait confisquer à leur retour au Tibet. Un blogueur tibétain a écrit que les Tibétains avaient de meilleures chances d'aller au ciel que d'obtenir un passeport.
La loi sur l'accès réciproque dit simplement que les Canadiens devraient être autorisés à aller au Tibet. De façon similaire, on devrait autoriser les Tibétains à venir au Canada, en particulier les chercheurs. Selon Freedom House, la Syrie est la région la moins libre du monde entier. Elle est suivie du Tibet, au deuxième rang. Combien de personnes le savent? Il n'y en a pas beaucoup, car les journalistes ne sont pas autorisés à se rendre au Tibet pour enquêter sur la situation.
C'est pourquoi 50 experts indépendants et 30 titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de l'ONU ont écrit au gouvernement chinois: permettez-leur d'aller à Hong Kong; donnez-leur accès au Tibet; ils veulent faire des recherches. Or, le gouvernement chinois refuse. Même les visas sont utilisés pour faire du chantage auprès des universitaires pour qu'ils rédigent leurs travaux de recherche en présentant le gouvernement chinois de façon positive et le gouvernement canadien et le Tibet de façon négative.
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Je pense que la situation des Tibétains a été déplorable et pourrait s'empirer, mais sous le gouvernement de Xi Jinping, au cours des 10 dernières années environ, elle est allée de mal en pis. La répression est si sévère, avec le contrôle technologique et le contrôle du peuple tibétain. Les déplacements ont été restreints, de sorte que je pense que les violations des droits de la personne sont très graves.
Auparavant, les Tibétains, au Tibet, pouvaient écouter les nouvelles de l'extérieur, bien qu'illégalement, mais aujourd'hui, tout est fermé. Comme je l'ai dit, il est interdit aux Tibétains de voyager à l'extérieur du Tibet. Ils ne peuvent pas se déplacer d'un endroit à l'autre. Compte tenu du système de crédit social qui est mis en place en Chine, tout est photographié, tout est réduit à un algorithme. Au Tibet, si votre note sociale est faible, vous allez en prison. En Chine, on vous refuse un billet d'avion ou de train, mais au Tibet, vous allez en prison.
Donc, oui, la situation au Tibet s'est détériorée ces 10 dernières années.
Je veux poser une autre question, qui vous donnera l'occasion d'apporter des précisions.
Il y a des gens, en Chine, en particulier parmi les dirigeants, qui diront que si l'on jette un coup d'œil sur l'aide économique qui a été fournie à la Région autonome du Tibet, l'investissement équivaut à environ 100 milliards de dollars depuis l'annexion du Tibet en 1951. Les subventions chinoises ont permis de financer des projets de transport et d’hydroélectricité d'envergure dans la région, qui ont généré, au cours des 20 dernières années, une croissance économique locale moyenne plus élevée que la croissance nationale moyenne. Ce que je viens de lire est tiré d'une note d'information que nos extraordinaires analystes de la Bibliothèque du Parlement ont préparée pour nous. Ce n'est pas leur point de vue; c'est un point de vue que, comme je l'ai déjà dit, l'État chinois présenté. Que répondriez-vous à cela? C'est une chose que soulèvent les dirigeants chinois.
Puisque je vais manquer de temps et que je ne pourrai pas poser ma troisième question, je vais la poser maintenant. Que diriez-vous des inquiétudes qui ont été exprimées par la Chine au sujet des tendances sécessionnistes au sein du mouvement tibétain?
Avez-vous des réponses à ces questions? Encore une fois, il est certain que j'appuie grandement les demandes que font les Tibétains pour que le respect des droits de la personne s'améliore, mais je pense que cela vous donne ici une occasion d'apporter des précisions sur ces deux points pour le comité et pour les Canadiens qui nous regardent.
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Si le gouvernement chinois est si convaincu de ce qu'il dit — subventions, développement économique et retombées pour le peuple tibétain —, alors tenons un référendum. Laissons les Tibétains et le Tibet choisir un dirigeant tibétain ou un dirigeant chinois. Laissons-les voter. Je suis absolument certain, et de loin, que les Tibétains et le Tibet voteraient pour un dirigeant tibétain.
Maintenant, si vous voulez entrer dans les détails, où vont les subventions? Il y a tellement de migrants chinois qui s'installent au Tibet: 90 % des entreprises, à Lhassa, la capitale du Tibet, sont contrôlées par des Chinois. Ainsi, toute l'énergie hydroélectrique que vous avez mentionnée est détenue ou gérée par des entreprises et des responsables chinois. Comment les Tibétains en bénéficient-ils? Tous les minéraux extraits au Tibet conviennent aux responsables chinois et non au peuple tibétain.
Nous parlions du panchen-lama. Même le 10e panchen-lama, qui a été vice-président du Congrès national du peuple, a dit, quelques jours avant sa mort, que le gouvernement chinois avait davantage bénéficié de l'occupation du Tibet que le peuple tibétain. Ainsi, toutes ces promesses voulant que le peuple tibétain en bénéficie étaient fausses, comme l'indique la déclaration du panchen-lama, qui était vice-président du Congrès national du peuple.
De toute évidence, ils parlent de ces choses, des subventions et de tout le reste, mais la plupart d'entre elles vont aux migrants chinois qui sont venus au Tibet pour être propriétaires d'entreprise.
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Oui, si vous examinez les Nations Unies et ses différents organismes, vous constaterez qu'il y a beaucoup de personnel chinois à des postes clés. Si les Tibétains veulent proposer une résolution, disons, au Conseil des droits de l'homme, c'est extrêmement difficile. Si l'on veut inscrire une ONG tibétaine aux Nations unies, ce n'est pas permis. Je suis allé dans plusieurs pays où...
Par exemple, lorsque j'ai visité l'Australie pour la première fois, la question était de savoir si le ministre des Affaires étrangères australien de l'époque me rencontrerait ou non. Lors de ma visite suivante, il était devenu consultant pour le gouvernement chinois. Lorsque je suis allé en Norvège, la personne qui a empêché la rencontre entre le dalaï-lama et les dirigeants norvégiens était le ministre des Affaires étrangères norvégien. Lors de ma visite suivante, j'ai découvert qu'il était devenu le président Forum économique mondial. Comment en est-il arrivé là?
Je suis allé dans tellement de pays où des ministres, un après l'autre, ont subi un lavage de cerveau ou des pressions ou ont été cooptés par le gouvernement chinois. Prenez la pandémie de coronavirus. Pourquoi le dirigeant de l'OMS, en Chine, a-t-il serré la main de Xi Jinping alors que le signalement a traîné? Selon un rapport, 95 % de la pandémie aurait pu être évitée si le gouvernement chinois avait informé la communauté internationale trois semaines avant ce qu'il a fait plus tard.
Ils sont passés maîtres dans l'art de coopter des dirigeants à tous les niveaux. Je pense que si vous regardez sur YouTube, vous verrez un groupe d'enfants portant des robes traditionnelles et chantant une chanson qui fait l'éloge de l'initiative « une ceinture, une route ». Vous constaterez qu'il s'agit du forum de leadership des jeunes de l'UNICEF, je crois. La chanson qu'ils chantent est une imitation d'une publicité de Coca-Cola des années 1980. Comment peut-il y avoir une formation de leadership de la jeunesse d'une agence des Nations unies où l'on chante une chanson vantant l'initiative « une ceinture, une route » du gouvernement chinois? C'est principalement parce qu'un responsable chinois important était chargé de la formation des dirigeants.
L'influence chinoise est partout.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je suis désolé qu'il y ait toujours ce problème de sourdine que nous essayons de régler.
Quoi qu'il en soit, j'épargne à M. Sangay les détails de tous ces problèmes techniques que nous avons occasionnellement.
J'écoute les réponses de M. Sangay aux différentes questions qui lui sont posées, et, surtout en ce qui concerne les réponses qu'il m'a données par rapport à la situation à Hong Kong, tout cela me semble un peu sans espoir.
Je reviens à la question que je lui ai posée, si vous me le permettez, monsieur le président.
Comment peut-on entretenir l'espoir d'arriver à un accord avec le gouvernement de la République populaire de Chine qui soit satisfaisant pour les autorités tibétaines?
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Je suis bouddhiste et je crois que les êtres humains ne devraient jamais perdre espoir. Les choses changent constamment. Nelson Mandela a passé 27 ans en prison, dont 8 ans en isolement cellulaire, mais il a été libéré et il a rétabli la démocratie en Afrique du Sud. En Irlande du Nord, des gens de la même foi se sont entretués pendant des années, puis l'Accord du Vendredi saint a été signé. Le mur de Berlin a été détruit et l'Union soviétique s'est effondrée.
Partout dans le monde, de nombreux exemples montrent que les choses peuvent changer. Nous ne devons pas baisser les bras. Nous devons continuer à nous exprimer, car chaque séance, chaque motion, chaque déclaration comptent.
Le Tibet a été la première victime, et le monde entier l'a négligé. Le prix que nous payons à Hong Kong et partout dans le monde, y compris au Canada, est dû à votre refus de vous exprimer. Le silence est complice. Nous avons perdu notre pays. Le peuple tibétain est opprimé, mais nous gardons espoir, car notre civilisation est fondée sur le bouddhisme, qui date d'il y a 2 500 ans, alors que le Parti communiste ou le communisme n'ont que 100 ans. En comparaison, nous sommes donc beaucoup plus matures et âgés que le Parti communiste chinois. Le communisme disparaîtra; le bouddhisme et la civilisation tibétaine lui survivront. Le plateau tibétain l'emportera, et la démocratie et les droits de la population de Hong Kong seront rétablis. Nous ne devons pas baisser les bras.
C'est pour cette raison que je suis ici, après minuit, car il s'agit d'un combat, d'où l'importance de ce terme. C'est bel et bien un combat. Nous devons lutter à chaque instant, mais nous devons aussi garder espoir et continuer à avancer. Nous vaincrons. La vérité l'emporte à tous les coups.
Vous savez, tous les problèmes techniques de sourdine sont liés au coronavirus, qui a pris naissance en Chine. D'après le principe du karma, quelque chose de positif devrait se produire très bientôt, à savoir un règlement pour le peuple tibétain.
Après que le coronavirus s'est propagé partout en Chine... C'est étrange que lorsqu'on regarde la trajectoire ou la tendance à l'échelle mondiale, on constate que la propagation ne se limite pas à un seul endroit, alors qu'en Chine, le virus a touché principalement Wuhan et la province environnante. Il ne s'est pas répandu dans toute la Chine. On soupçonne donc de plus en plus que l'information a été étouffée. Par conséquent, le virus a infecté un plus grand nombre de gens, et c'est pour cette raison que lorsque les Chinois ont commencé à voyager à l'extérieur du pays, en Europe, aux États-Unis et au Canada, de plus en plus de personnes ont été infectées.
La situation au Tibet est très intéressante. D'après le rapport de la Chine, 101 Tibétains ont été infectés et tous ont guéri; il n'y a eu aucun décès. Or, nous savons que dans un seul comté, plus d'une dizaine de personnes ont été infectées et plusieurs Tibétains sont décédés. Toutefois, après le 18 mars, aucune information n'est provenue du Tibet. Toutes les voies de communication ont été fermées. On a donc profité de la pandémie pour renforcer les politiques répressives en place dans le plateau tibétain.
Vous savez que depuis 2009, 154 Tibétains se sont immolés, ce qui signifie que la situation au Tibet est tellement désespérée que les Tibétains en viennent à s'immoler. Nous entendons parfois parler de cas d'immolation, mais nous ne recevons jamais de détails parce que l'information est étouffée et le contrôle est absolu. C'est même extrêmement difficile d'obtenir de l'information sur le coronavirus et les questions de santé. Depuis le 18 mars, nous n'avons reçu absolument aucune information. Les voies de communication sur le plateau tibétain sont donc complètement fermées et il n'y a aucune transmission d'information concernant la santé et le coronavirus.
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Je suis terriblement désolé de vous interrompre, monsieur Sangay.
Merci, madame Zann. Votre temps de parole est écoulé.
Je demanderais aux membres du Comité... C'est peut-être moi, mais je ne crois pas. À mon avis, nous ne devrions pas utiliser les icônes des mains qui applaudissent, du pouce levé, etc. Nous pouvons exprimer ces réactions lorsque nous avons la parole, bien sûr. Dans votre cas, madame Zann, les images sont peut-être apparues par erreur parce que vous aviez des problèmes techniques, évidemment. J'ignore pourquoi, mais les symboles apparaissent à l'écran.
Oh, je crois que c'est de ma faute. Je suis désolé, c'est moi qui ai fait une erreur. Je vous demande pardon.
Nous passons maintenant à M. Harris. Vous disposez de deux minutes et demie.
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Sa Sainteté le dalaï-lama a toujours été le chef de l'Administration centrale tibétaine. En 2011, le dalaï-lama a séparé l'Église et l'État et il a transféré l'ensemble de son pouvoir politique. Cette année-là, je suis devenu le chef politique de l'organisation.
Notre administration fonctionne comme tous les autres gouvernements. Nous avons un ministère de l'Éducation, qui gère entre 70 et 80 écoles. Le ministère de la Religion et de la Culture administre environ 250 monastères et couvents. Nous avons notre propre système de santé, et nos colonies sont dotées d'un système d'administration municipale. Nous fonctionnons comme tous les autres gouvernements. Je me trouve actuellement dans l'édifice du renseignement et des relations internationales. Nous avons 13 bureaux semblables à des ambassades partout dans le monde.
Je suis reconnaissant envers le gouvernement canadien de financer l'éducation des enfants tibétains en Asie du Sud. Nous nous occupons nous-mêmes de l'éducation de nos enfants. Nous sommes une administration autonome très efficace. Si vous la comparez à toute autre communauté de réfugiés ailleurs dans le monde, vous constaterez que nulle n'est aussi efficace que l'Administration centrale tibétaine. Nous nous chargeons de l'éducation jusqu'au niveau secondaire et nous fournissons des bourses pour les études collégiales. Nous offrons aussi de l'aide sociale aux personnes pauvres et malades. De plus, nous avons des résidences pour personnes âgées, ainsi que des monastères et des couvents qui nous permettent de préserver et de promouvoir notre spiritualité, notre culture et notre langue. Par ailleurs, notre ministère des Finances gère des services financiers, y compris un système semblable à une banque.
Donc oui, nous fonctionnons comme tous les autres gouvernements. Nous servons très bien le peuple tibétain. Notre taux d'alphabétisation, par exemple, est de 94 % et...
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Je suis désolé de vous interrompre encore une fois, monsieur Sangay. Malheureusement, le temps de parole de M. Harris est écoulé.
Je vous remercie, monsieur Harris.
Comme nous avons commencé un peu plus tard que prévu, j'ai pensé que nous pourrions continuer jusqu'à 16 h 45 environ, si vous êtes d'accord. J'essaie de faire en sorte que nous passions le même temps avec chaque témoin. Les conservateurs et les libéraux auraient donc encore droit à cinq minutes chacun.
J'espère que cette proposition convient aux membres du Comité. Nous devrons faire une pause de cinq à sept minutes entre les témoins. Ensuite, à la fin de la séance, après le prochain témoin, on m'a dit que nous devrons faire une pause d'environ 15 minutes. J'essaie de bien gérer notre temps.
Comme je ne vois aucune objection, je vais donner la parole à M. Genuis. Vous disposez de cinq minutes.
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J'ai trois observations, monsieur le président.
Premièrement, pour ajouter à ce que M. Oliphant vient de dire, je pense que c'est exactement la position que divers gouvernements canadiens ont soutenue: qu'il faut renouer le dialogue entre le Tibet et la Chine. Cette position est demeurée inchangée. Je pense aussi qu'une grande partie de la population canadienne comprend très mal en quoi consiste l'approche de la voie du milieu. C'est là ma première préoccupation: les gens doivent avoir une meilleure compréhension du contenu de la motion.
Deuxièmement, M. Sangay a soulevé, à juste titre, plusieurs questions que le Comité doit examiner attentivement et qu'il doit bien comprendre avant de préparer une motion. Ces questions incluent l'accès réciproque et les mesures législatives adoptées par d'autres nations sur le principe de réciprocité.
Troisièmement, il faut tenir compte des points qu'ont en commun le Tibet et d'autres causes liées aux droits de la personne, comme celles de Hong Kong, des Ouïghours et de Taïwan. À mon avis, la meilleure façon de procéder est probablement d'effectuer une analyse exhaustive et approfondie avant de présenter une motion. Le témoignage de M. Sangay montre clairement que le moment est bien choisi pour braquer les projecteurs sur les violations des droits de la personne, mais qu'il faut le faire en adoptant une approche multilatérale et en regroupant les causes, les intervenants et les nations.
Je vous remercie.
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Monsieur le président, j'aimerais joindre ma voix à celles des collègues qui m'ont précédé. Dans un premier temps, c'est simplement pour dire qu'en principe, je suis entièrement d'accord sur cette motion. Je crois que le bon sens nous dicte d'appuyer une telle motion. Toutefois, j'exprime des réserves quant au moment où cette motion est mise de l'avant, puisque — je le rappelle à M. Genuis — nous devions normalement passer quelques séances à discuter de la situation particulière du Tibet. Cette motion n'est peut-être pas suffisamment complète par rapport à tout ce que nous voudrions recommander au gouvernement au sujet de la situation au Tibet.
Sans vouloir susciter un débat entre nous devant M. Sangay, je pense que cette façon de procéder, soit de nous mettre toujours devant le fait accompli avec la présentation de motions, nuit au climat de confiance entre les membres de ce comité.
Je pense que nous devrions chercher à éviter ce genre de procédé qui, comme je le disais il y a quelques instants, fait en sorte que nous n'arrivons pas à créer entre nous ce climat de confiance, lequel nous permettrait d'aller plus loin quant à l'objectif que nous poursuivons toutes et tous.
Nous nous retrouvons à nouveau devant ce genre de situation, où nous devons discuter de cela devant M. Sangay, ce qui m'apparait particulièrement inconvenant. Je veux assurer M. Sangay de mon appui concernant cette idée selon laquelle il nous faut recommander un dialogue entre le gouvernement de la République populaire de Chine et les autorités tibétaines.
Comme nous avions l'intention de nous pencher plus attentivement et plus en profondeur sur la situation au Tibet, au moment où nous nous parlons, cette motion se révèle très incomplète et très insuffisante par rapport à l'ensemble des recommandations que nous voudrions peut-être soumettre au gouvernement.
Je termine avec cela, monsieur le président.
Je ne suis pas d'accord. Écoutez, ma question ne portait pas sur la procédure. La motion est évidemment recevable, comme le président l'a souligné. Allons-nous commencer, et c'est ce que je crains, à présenter des motions spéciales ici et là? Nous sommes le comité sur les relations sino-canadiennes. Notre comité a été mis sur pied dans le but de trouver une réponse à l'ensemble de la question des relations sino-canadiennes. La motion ne touche qu'à un volet. Notre étude ne porte ni sur le Tibet ni sur Hong Kong. Des témoins nous ont parlé de Hong Kong. Tous ces éléments sont liés et font partie de la relation entre le Canada et la Chine.
Je n'ai rien contre la motion, soit dit en passant. Évidemment, un dialogue serait une bonne chose. Mme Alleslev et M. Genuis nous ont présenté deux motions différentes, mais là n'est pas la question.
À mon avis, nous devons décider si nous voulons adopter une méthode de travail au coup par coup. C'est un détail fondamental du fonctionnement du Comité, car nous pourrions être saisis d'une motion après chaque témoin, si l'un d'entre nous a la volonté d'en présenter une. À mes yeux, ce n'est pas une très bonne façon pour notre comité de travailler.
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Nous reprenons. Bienvenue.
J'aimerais présenter quelques consignes à titre d'information pour notre nouveau témoin. Avant de commencer à parler, veuillez attendre que je vous donne la parole en disant votre nom. Lorsque vous êtes prêt à parler, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je vous rappelle que toutes les observations doivent être adressées à la présidence.
L'interprétation de la vidéoconférence se fera comme lors des réunions de comités habituelles. Au bas de votre écran, vous pouvez choisir entre le parquet, l'anglais ou le français. Lorsque vous avez la parole, si vous voulez passer d'une langue à l'autre, vous devez également changer de canal d'interprétation pour que celui-ci corresponde à la langue dans laquelle vous vous exprimez. Il serait bon de faire une courte pause entre les deux.
Lorsque vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine. L'utilisation d'un casque d'écoute est fortement recommandée.
J'ai maintenant le plaisir d'accueillir notre témoin, M. David Mulroney, ancien ambassadeur du Canada en République populaire de Chine, à titre personnel.
Monsieur Mulroney, vous disposez de 7 à 10 minutes pour faire une déclaration préliminaire. La parole est à vous.
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Merci beaucoup. Je vous remercie également de cette deuxième occasion qui m'est donnée de vous rencontrer.
J'aimerais commencer par résumer les arguments que j'avais l'intention de faire valoir lors de ma première comparution, par les actualiser au besoin, et par proposer quelques idées sur les premières mesures à prendre pour entamer un dialogue plus intelligent avec la Chine.
Cela fera bientôt deux ans que notre crise actuelle avec la Chine a commencé avec l'arrestation de Meng Wanzhou, laquelle a été suivie de la saisie par la Chine des citoyens canadiens, Michael Kovrig et Michael Spavor, en guise de représailles. Depuis, nous avons également été témoins des condamnations à mort infligées aux Canadiens Robert Schellenberg et Fan Wei, dans des circonstances qui suggèrent qu'il s'agit d'autres mesures de rétorsion. Aujourd'hui, nous apprenons qu'un autre Canadien, M. Xu Weihong, risque la peine de mort en Chine.
Pékin a également eu recours à un chantage économique lié à certaines de nos exportations.
Au fil de ces événements, nous avons également été témoins de la répression croissante que la Chine exerce à de nombreux endroits. M. Lobsang Sangay vient de décrire la sinistre situation au Tibet. À Hong Kong, Pékin a, depuis votre dernière séance, achevé le démantèlement de l'engagement qu'il avait pris envers la population du territoire, c'est-à-dire le démantèlement d'un pays et de deux systèmes. La façon dont la Chine s'attaque constamment à la foi, la liberté et la dignité du peuple ouïgour a transformé le Xinjiang occidental en un camp de prisonniers, un endroit où la Chine perfectionne et fait la promotion de la technologie de l'État de surveillance du XXIe siècle.
Depuis votre dernière séance, nous avons appris que la Chine imposait aux femmes ouïgoures une régulation des naissances coercitive qui comprend l'avortement. La Chine, qui perd patience devant la lenteur du génocide culturel au Xinjiang, semble maintenant essayer de perpétrer un véritable génocide.
La répression de la Chine interpelle personnellement les Canadiens originaires de Hong Kong, ainsi que les Canadiens d'origine tibétaine et ouïgoure. Ils craignent et ressentent le bras long de l'État chinois, qui pratique le harcèlement et l'intimidation ici, au Canada, par l'intermédiaire de divers groupes travaillant pour son compte.
J'espérais que notre gouvernement profiterait de cette période de crise pour réexaminer nos relations avec la Chine et pour mieux comprendre la nature réelle de ce pays, la direction qu'il prend et la façon dont il risque de nous nuire. Cependant, les anciennes approches ont la vie dure. Il n'est pas certain que le gouvernement ait complètement abandonné l'idée que la Chine est notre amie, ni qu'il ait eu constamment le courage de parler et d'agir avec intégrité. Des Canadiens haut placés continuent de soutenir que si nous apaisons la Chine une fois de plus, tout ira bien. S'il est rassurant de voir que le ministère des Affaires mondiales reconnaît maintenant le « défi stratégique à long terme » que représente la Chine pour les intérêts et les valeurs du Canada, ce qui est certainement la leçon centrale à tirer de la crise actuelle, le même ministère avait en quelque sorte choisi à l'origine une entreprise chinoise comme fournisseur de la technologie utilisée pour soumettre les visiteurs de nos ambassades à un contrôle de sécurité.
Le Canada a souffert plus que la plupart des autres pays du manque de transparence mortel dont la Chine a fait preuve au début de l'épidémie de SRAS en 2003, et je m'en souviens bien compte tenu du travail que j'accomplissais au sein du secteur de l'Asia des Affaires étrangères. Il était donc troublant d'entendre notre faire l'éloge de la réponse de la Chine à la pandémie actuelle, alors même que des inquiétudes raisonnables commençaient à surgir à ce sujet.
Ce problème ne touche pas seulement Ottawa. Les gouvernements provinciaux et municipaux sont également affligés d'une dangereuse myopie à l'égard de la Chine. L'année dernière, des citoyens inquiets ont demandé à la municipalité de Markham, en Ontario, de ne pas hisser le drapeau chinois lors de sa fête nationale, en invoquant, entre autres, le traitement cruel que la Chine réserve à nos Canadiens détenus. Cependant, la ville a ignoré les protestations de ses citoyens, et le drapeau chinois a été hissé au-dessus de Markham le 1er octobre, tout comme il l'a été au-dessus des camps de prisonniers du Xinjiang et du Tibet, et au-dessus des trois prisons qui détiennent les deux Michaels et son concitoyen Huseyin Celil, qui est incarcéré depuis longtemps.
Il y a quelque chose qui cloche en ce moment, et cela doit changer. Les gens doivent se rappeler que l'objectif ultime de la politique étrangère n'est pas de flatter ni d'occulter les vérités gênantes, mais de promouvoir et de protéger les intérêts et les valeurs du Canada. Je ne suggère pas que nous insultions ou provoquions la Chine. Je propose plutôt que nous commencions à défendre nos intérêts de manière raisonnable et réaliste en faisant deux choses importantes.
Tout d'abord, nous devons prendre des mesures, et ce rapidement, contre l'ingérence chinoise au Canada, en commençant par mettre en œuvre quelque chose comme le programme australien de transparence en matière d'influences étrangères.
Deuxièmement, nous devons distinguer quelques objectifs réalisables visant à réduire notre vulnérabilité et notre dépendance. Il pourrait s'agir de travailler avec des alliés pour établir de nouvelles chaînes d'approvisionnement dans les secteurs vulnérables, de lancer des efforts de diversification des exportations ciblées par la Chine et de collaborer avec des alliés à l'élaboration de mesures visant à contrecarrer les efforts que la Chine déploie pour s'en prendre aux pays un par un, les isoler et les dominer, des efforts qui ont été couronnés de succès jusqu'à présent.
Il va sans dire que ce changement de cap attendu depuis longtemps doit être communiqué aux Canadiens, qui s'en trouveraient grandement rassurés. Cela donnerait également une orientation nécessaire à la fonction publique et enverrait un message encourageant à nos alliés.
Ce sont de premiers pas raisonnables, mais ce ne sont que de premiers pas. Il ne sera pas facile ni gratuit d'établir avec la Chine une relation qui protège nos intérêts et nos valeurs, mais c'est une tâche à laquelle nous devons nous atteler, car il s'agit en fin de compte de faire notre chemin en tant que pays véritablement indépendant dans un monde en évolution.
Merci. C'est avec plaisir que je répondrai aux questions, monsieur le président.
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Je pense que deux choses sont en train de se produire. Premièrement, certaines des personnes qui se sont exprimées à ce sujet — par exemple, certaines des personnes qui ont signé la récente lettre qui demande le retour de Mme Meng en Chine — manifestent simplement une sorte de fatigue, selon moi. Les efforts qu'il faut déployer pour rester autonome et indépendant face à une Chine de plus en plus agressive sont grands. Cela m'inquiète lorsque je vois des gens qui sont des chefs de file en matière d'opinions manquer d'énergie pour défendre nos intérêts nationaux.
Mais quelque chose d'autre se trame aussi — en fait, M. Lobsang Sangay en a parlé —, et c'est ce que l'on appelle l'« emprise de l'élite ». Pour diverses raisons, dont beaucoup sont liées à l'argent, la Chine a réussi à capter la loyauté et l'attention des élites de nombreux pays, et même à encourager les gens à répéter ses propres discours.
L'Australie a adopté sa Foreign Influence Transparency Scheme Act parce qu'elle en ressentait les effets de cette emprise en Australie. Là encore, M. Sangay a souligné certaines des transitions qui font que des gens passent du statut de ministre à celui de représentant d'une entreprise chinoise. Ce programme revient à demander simplement de la transparence. Si vous choisissez de travailler pour la Chine ou pour un autre pays, vous pouvez le faire, mais vous devez être transparent à ce sujet. Mais si vous êtes un dirigeant, que vous soyez député, ancien ambassadeur ou ministre, vous portez un fardeau supplémentaire. C'est-à-dire que tout ce que vous faites pour partager avec une puissance étrangère, directement ou par l'intermédiaire d'une société contrôlée par l'État, les compétences, les contacts et l'expérience que vous avez acquis alors que vous aviez le privilège de servir le peuple canadien doit être communiqué de manière transparente au peuple canadien — ou australien, dans le cas de cette loi.
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Merci, monsieur le président.
Je vous remercie, monsieur Mulroney, de votre participation à la séance, de votre travail à titre de fonctionnaire et des contributions que vous avez apportées à notre pays.
Je voudrais vous interroger à propos de l'opinion qu'un grand nombre de gens ont adoptée dans certains cercles médiatiques, et assurément dans certains partis de l'opposition, selon laquelle une approche belliciste envers la Chine est requise. Je ne vous classe pas dans cette catégorie, monsieur Mulroney. Je pense que votre point de vue est beaucoup plus nuancé.
J'aimerais attirer votre attention sur un texte que vous avez rédigé — pas très récemment, en fait. C'était à l'époque où Stephen Harper était premier ministre. C'est un article que vous avez présenté dans les Options politiques de mai 2015. Vous y parliez des défis que pose le fait d'être une puissance moyenne, et vous y exposiez une voie à suivre en matière de politique étrangère canadienne.
Vous avez écrit ce qui suit:
[Nous] en sommes venus à être fiers d'être parmi les premiers à fermer des ambassades, à interrompre le dialogue et à imposer des sanctions face à un comportement international clairement inacceptable. Bien que notre nouvelle solidité nous ait permis d'être les premiers à faire nos valises et à partir, nous avons été parmi les derniers à être invités à revenir en raison de notre importance relativement restreinte.
Ce que je comprends dans cela, c'est que toute décision a des conséquences de second et de troisième ordre. Si le conseil que certains ont donné au gouvernement fédéral — comme je l'ai dit, je l'entends dans certains cercles médiatiques et dans l'opposition conservatrice — est qu'il faut adopter une approche « d'observation beaucoup plus critique » de la Chine, comment pouvons-nous nous préparer aux conséquences éventuelles? Je pense non seulement à l'économie canadienne, mais aussi à d'autres conséquences. Avez-vous un conseil à nous donner à ce sujet?
Je pense aux provinces de l'Ouest, par exemple. Nous avons entendu la Canada West Foundation. Vous ne pouvez pas les voir, mais je regarde en ce moment les données que la fondation a accumulées. Le commerce avec les provinces de l'Ouest — et plus particulièrement avec le Manitoba, la Saskatchewan, l'Alberta et la Colombie-Britannique — a augmenté de façon spectaculaire au cours des dix dernières années. Je pense que des conséquences économiques découleraient certainement d'une approche d'observation critique, mais nous avons la responsabilité de défendre les valeurs et les intérêts canadiens.
Avez-vous des réflexions à nous communiquer sur les questions que je viens de soulever?
Ce dont je parlais il y a cinq ans, dans les Options politiques, c'était de la nécessité pour nous d'agir intelligemment dans le cadre de notre diplomatie. Nous devons travailler avec nos alliés et prendre des mesures que nous pouvons réaliser — nous devons être réalistes. Le fait que nous pensions que parler honnêtement de la Chine consisterait en quelque sorte à l'observer de façon critique est, à mon avis, l'une des raisons pour lesquelles nous n'arrivons jamais à adopter une politique réaliste à l'égard de la Chine, car les gens disent: « Je sais que la Chine fait toutes ces choses, mais il n'y a rien que nous puissions faire ». En fait, il y a beaucoup de choses que nous pouvons et devrions faire.
L'une des choses que la Chine cherche à faire, c'estd'eentrer dans votre tête. Les Chinois entrent dans votre tête et vous font tellement penser à la réaction catastrophique de la Chine que vous prenez encore moins de mesures quelee craignait la Chine. Vous tracez les lignes rouges plus loin que ce que craignait la Chine, et le Canada a fait cela à plusieurs reprises.
Le fait est que le Canada possède ce dont la Chine a besoin. Le nord de la Chine est un désert virtuel. Les terres agricoles chinoises ont été souillées par la pollution industrielle. La Chine a besoin des produits que le Canada, l'Australie et les États-Unis produisent. Ils en ont besoin à long terme, et nous devons nous en souvenir.
L'autre chose que je dirais, c'est que la Chine représente actuellement une menace pour l'autonomie de notre pays. En soutenant que nous ne pouvons plus appliquer nos traités d'extradition, elle nous oblige à changer nos politiques. Nous avons actuellement paralysé notre économie parce que nous sommes préoccupés par le coronavirus. De nombreux environnementalistes ont déclaré — et je ne suis pas d'accord avec eux — que nous devons éliminer notre industrie énergétique pour faire face au changement climatique. Quel est le prix à payer pour conserver notre autonomie? Je pense que nous ne valorisons pas suffisamment notre autonomie.
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Il ne me reste que quelques minutes, mais je souhaite vous interroger sur les voies à suivre.
Dans votre introduction, vous avez parlé de la possibilité de travailler avec des alliés. Comment pouvons-nous travailler efficacement avec des alliés aux vues similaires, dans le sens traditionnel d'une puissance moyenne? Je pense qu'il y a certainement des possibilités de le faire, mais je m'inquiète, encore une fois, des conséquences de second et troisième ordre qui en découleraient.
Si le Canada décidait, de son propre chef, de fermer des ambassades, d'interrompre le dialogue et d'imposer des sanctions comme certains l'ont suggéré — et je pense que ces idées méritent certainement d'être prises en considération —, il y aurait, potentiellement, un retour de flamme pour le Canada. Est-il sensé que le Canada se protège en harmonisant ses politiques avec celles d'autres puissances moyennes afin d'empêcher, autant que possible, que ces répercussions ne nous frappent?
Il est très intéressant d'observer les diverses interprétations du multilatéralisme tout au long de la période de pandémie. J'ai été intéressé par le fait que l'Australie, par exemple, qui est beaucoup plus vulnérable à la Chine que nous sur le plan économique — la Chine étant son plus important partenaire commercial —, a commencé, en tant que puissance moyenne, à communiquer avec d'autres puissances moyennes afin de leur dire: « Voyons ce qui s'est passé. Faisons une enquête sur l'origine de ce virus. Quel a été le rôle de l'Organisation mondiale de la santé? » Cela n'a pas beaucoup plu à la Chine, mais l'Australie a commencé à recevoir des offres de participation de la part de pays qui traversent de plus en plus les épreuves que nous traversons. Il y a un désir de savoir ce qui s'est passé. Ce qui nous occupait à ce moment-là, c'était notre campagne pour le siège non permanent au Conseil de sécurité, un siège qui, à mon avis, représente le multilatéralisme des années 70 et 80.
La Nouvelle-Zélande offre un exemple encore plus intéressant. Ils ont bien sûr écouté l'Organisation mondiale de la santé, mais ils ont demandé à certains de leurs épidémiologistes de parler à des épidémiologistes de Hong Kong et de Chine. Ils ont eu recours à des réseaux officieux pour se faire leur propre idée de ce qui se passait sur le terrain en Chine. C'est là un multilatéralisme très créatif et moderne que nous devons adopter, selon moi.
Je pense que l'Europe, et en particulier la Scandinavie, mais aussi le Royaume-Uni, la France, l'Australie et la Nouvelle-Zélande seraient réceptifs. Il y a de plus en plus de pays qui ressentent la même chose que nous.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Mulroney, de vous être joint à nous. Je pense que vous conviendrez que nous sommes aux prises avec une tâche très complexe, qui concerne l'ensemble des relations entre le Canada et la Chine, et je pense que personne ne pourrait vous contredire quand vous dites que nous devons faire preuve d'intelligence lorsque nous traitons de relations internationales, en particulier avec un pays aussi complexe que la Chine.
Nous essayons de rassembler toutes les pièces du casse-tête, je suppose, et il est assez clair que nous devons établir une nouvelle relation avec la Chine. Mais l'ancienne nous tend toujours la main, et je voudrais attirer votre attention sur un élément qui pourrait nous empêcher d'être aussi indépendants que nous le souhaiterions, à savoir un accord qui a été négocié, je pense, lorsque vous étiez ambassadeur en Chine. Je crois qu'il porte plusieurs noms, mais il est surtout connu sous celui d'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers entre le Canada et la Chine, un accord qui a été décrié comme étant avantageux seulement pour la Chine. Cet accord nous lie depuis plus de 31 ans, et c'est une version du chapitre 11. L'accord est favorable à la Chine, et il a été négocié en secret, sans consultation. Je pense qu'il y a fait l'objet d'une heure de discussion au Parlement.
Comment, à l'avenir, allons-nous être restreints par cet accord, alors que nous parlons d'investissements substantiels de la Chine, en particulier dans les projets miniers et énergétiques de l'Ouest canadien?
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Eh bien, monsieur, ce n'est pas ce qu'en pense le très célèbre avocat spécialisé dans le commerce, qui en a parlé comme de l'un des accords les plus sérieusement unilatéraux de l'histoire du commerce canadien, mais j'espère que vous avez raison. Nous n'en avons pas encore vu tous les effets, et nous devrons attendre encore longtemps son expiration.
Je suis d'accord avec vous en ce qui concerne le programme de transparence en matière d'influences étrangères. La Chine et d'autres pays doivent s'attaquer à ce problème, ce qui n'a malheureusement pas encore été fait. Nous avons observé aujourd'hui un exemple d'acteurs étatiques ou de mandataires du gouvernement saoudien qui s'immiscent dans les affaires du Canada, et c'est un problème que nous devons régler très rapidement.
Comme vous l'avez souligné, nous avons vu la Chine traiter très durement certains pays. J'ai devant moi un extrait de l'entente qu'elle a conclue avec la Norvège. Quand un prix Nobel a été décerné à un Chinois emprisonné pendant huit ans, la Chine n'a plus eu rien à voir avec la Norvège. Pour retrouver ses bonnes grâces, la Norvège a été forcée de signer l'entente suivante:
Le gouvernement norvégien réitère son engagement à l'égard de sa politique d'une seule Chine, respecte pleinement la souveraineté et l'intégrité territoriale de la Chine, attache une grande importance aux intérêts fondamentaux et aux préoccupations majeures de la Chine, n'appuiera pas les actions qui compromettent ces intérêts et ces préoccupations et fera de son mieux pour éviter toute atteinte future à ses relations bilatérales avec la Chine.
C'est l'acte d'humilité très fort qui a été nécessaire pour relancer l'accord de libre-échange. Le fait que la Chine a ce genre de pouvoir sur un pays comme la Norvège, un pays qui est normalement indépendant et autosuffisant, montre qu'il doit y avoir plus qu'un simple accord entre des nations; il faut qu'une véritable coalition soit formée pour s'en prendre à la Chine.
Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que nous devons amener des pays comme la Norvège, le Canada et tous les autres pays que nous pouvons réunir à faire front commun afin de contrebalancer la puissance chinoise?
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Merci, monsieur le président.
Monsieur Mulroney, nous nous sommes rencontrés, en fait, il y a 20 ans, dans votre bureau, à Taipei. Je couvrais les élections taïwanaises là-bas. Je crois que cet endroit demeure celui qui illustre le mieux la démocratie chinoise, et cela se manifeste à intervalles de quelques années pour que le monde voie que la démocratie est bien vivante à Taïwan.
J'aimerais savoir quelque chose. Vous avez eu une longue carrière en Chine continentale et à Taïwan, et vous connaissez bien la région. Votre point de vue sur Taïwan a-t-il évolué? Si l'on remonte à il y a 20 ans, et avant cela, comment votre point de vue sur la Chine continentale et Pékin a-t-il changé au fil des ans? Ou, peut-être n'a-t-il pas changé?
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Si vous me permettez seulement de répondre à M. Harris, je pense qu'il ne m'a peut-être pas bien compris. Ce que j'ai dit, c'est que je pensais que notre campagne pluriannuelle de plusieurs millions de dollars pour l'obtention d'un siège non permanent au Conseil de sécurité n'était pas la meilleure façon d'utiliser la diplomatie ou la meilleure priorité pour la diplomatie canadienne, et je ne me rétracte pas.
Travailler à Taïwan et diriger notre bureau là-bas a été l'une des expériences les plus inspirantes de ma carrière diplomatique. Il convient de souligner que, cette semaine, nous pleurons le décès de Lee Teng-hui, qui était vraiment le père de la démocratie à Taïwan.
J'ai pu rencontrer beaucoup de gens. J'étais là lorsque le Kuomintang a été vaincu et que le Parti démocrate progressiste est arrivé au pouvoir. C'était une période très inspirante et il était impossible de ne pas être enthousiaste.
Je sais aussi qu'il y a certaines choses... Nous devons faire attention à la manière dont nous soutenons Taïwan, parce qu'il y a certaines choses qui — même s'il est inhumain d'y penser — inciteraient la Chine à s'en prendre à Taïwan. Il y a des limites que nous devons respecter.
Cependant, le fait est que le Canada est bien loin de ces limites. Notre approche à l'égard de Taipei est entièrement passive. Avec un peu de créativité, nous pourrions soutenir l'une des grandes réussites démocratiques, qui a des liens vraiment intéressants avec l'histoire canadienne — pensez à l'histoire de George Leslie Mackay, qui a été un héros à Taïwan. C'était une époque inspirante.
J'ajouterais que l'une des leçons que nous devrions tirer de la situation de Hong Kong, c'est qu'elle découle du fait que pendant deux décennies, l'élite de Hong Kong l'a vendue, et les pays qui auraient dû la soutenir ne l'ont pas fait suffisamment. Notre pays était un de ceux-là.
La prochaine priorité, ce sera Taïwan. C'est le moment de soutenir Taïwan de façon réfléchie.
Merci, monsieur Mulroney.
De nombreux observateurs ont souligné que l'ancien gouvernement conservateur avait modifié son approche à l'égard de la Chine au cours des dernières années de son mandat. Vous avez été ambassadeur de 2009 à 2012. Pourriez-vous nous parler, peut-être, des efforts que vous avez déployés dans le but de resserrer nos relations commerciales avec la Chine à l'époque? Ici, en Nouvelle-Écosse, bien entendu, nous avons un approvisionnement important de homards, de fruits de mer et d'autres produits qui sont exportés en Chine. Nos gouvernements ont vraiment augmenté nos exportations.
Je me demande si vous avez déjà fait pression sur vos supérieurs à l'époque pour qu'ils adoptent une position plus ferme et non plus amicale. Qu'est-ce qui a réellement changé depuis que vous avez occupé le poste d'ambassadeur?
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Je dois dire que l'un de mes exemples de réussite préféré, c'est celle de l'entreprise Clearwater Fine Foods de la Nouvelle-Écosse, qui est passée de la vente de homards comme marchandise à la vente de homards comme mets fin, avec un drapeau canadien sur la pince.
Je suis très fier du fait que le message que j'ai transmis à Ottawa lorsque j'étais ambassadeur et au sein de l'ambassade, où il y avait des représentants d'une dizaine de ministères et d'organismes et de provinces canadiennes et notre service de sécurité, c'était que nous devions voir la Chine comme un tout. C'est un marché important pour nous, mais même à l'époque, et nous en parlions franchement, c'était un défi croissant pour le Canada et une menace croissante pour de nombreux Canadiens et pour les valeurs et les intérêts canadiens.
Je suis fier que nous soyons... À plusieurs reprises, des responsables chinois m'on dit de ne pas dire et faire certaines choses, de ne pas aller voir les familles des Canadiens détenus et m'ont sermonné. Nous avons envoyé nos diplomates voir des gens qui étaient assignés à résidence, où ils ont été malmenés. À un certain nombre de reprises, j'ai été suivi dans l'ouest du Xinjiang parce que je suis allé voir des défenseurs des droits de la personne. Je suis fier du fait que, sur le plan de la liberté de religion, nous avons ouvert l'ambassade à la célébration de la messe alors que la communauté catholique internationale n'avait nulle part où aller. Environ 200 personnes de partout dans le monde sont venues à l'ambassade, et en étaient reconnaissantes.
Mon message — j'ai parlé aux sous-ministres régulièrement —, c'est qu'il faut que les gens du secteur de la sécurité parlent aux gens du secteur de l'économie. C'est un défi comme nous n'en avons jamais vu auparavant. Parfois, nous ne pouvons pas accepter chaque possibilité économique si c'est une menace. Les idées ne sont pas toutes bonnes. En même temps, concernant les gens de la sécurité, tout refuser n'est pas toujours sensé.
C'est un nouveau type de diplomatie, plus difficile, mais je pense que nous pouvons réussir. Je pense que nous l'avons fait pendant un certain temps, quand j'étais là-bas. C'était très important pour moi.
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Merci, monsieur le président.
Merci, monsieur Mulroney pour les services rendus à notre pays et pour votre engagement indéfectible. Je vous ai entendu vous exprimer dans des émissions de radio et même dans un balado. Il est bon que nous puissions entendre un éventail de points de vue différents, car les relations entre le Canada et la Chine s'articulent en plusieurs volets, d'autant plus que la Chine exprime différemment ses arguments sous le régime actuel.
Je m'interroge cependant au sujet de déclarations publiques que vous avez faites concernant vos interactions avec le gouvernement. Voici d'ailleurs un extrait d'un article publié le 24 juillet 2019 dans le Globe and Mail relativement à une requête que vous avez adressée à un fonctionnaire:
« Je suis très préoccupé par la façon dont notre politique étrangère est gérée, et je ne veux pas être réduit au silence ni coopté », a déclaré M. Mulroney. Il a en outre qualifié de « fondamentalement antidémocratique » tout effort visant à dissuader les Canadiens possédant une expertise en relations étrangères de s'exprimer librement.
Je n'ai guère entendu de réactions du côté gouvernemental à ce sujet, si ce n'est pour affirmer qu'aucun représentant élu n'est à l'origine de cette démarche. J'aimerais toutefois que vous preniez un moment pour nous dire ce qu'il en est.
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Certainement. Voici ce qui est arrivé. J'ai reçu un message d'un membre du groupe de travail spécial mis sur pied pour traiter de la crise avec la Chine. C'était quelqu'un que j'avais déjà rencontré, un ancien collègue avec lequel j'avais échangé certaines idées. Il me demandait dans son message s'il était possible de nous parler à nouveau. Je me fais toujours un plaisir de le faire. Je peux leur dire ce que je pense de la situation et ils peuvent me soumettre des idées étant donné que j'ai dirigé pendant cinq ans le service dont ils font maintenant partie. Je me réjouis toujours de participer à ce genre d'exercice.
Le jour prévu pour l'appel conférence, j'ai reçu un message m'indiquant que Paul Thoppil allait y participer. J'ai trouvé cela un peu bizarre, mais sans trop m'en faire. Au départ, Paul a fait montre d'un grand enthousiasme en soulignant qu'il dirigeait le service, qu'il savait que je l'avais dirigé auparavant et que c'était un grand honneur pour lui de pouvoir me parler. Il en mettait un peu trop, mais j'ai eu l'impression que le ton de la conversation allait changer bientôt. Ce n'était pas un échange d'idées que nous nous apprêtions à avoir.
Il m'a alors dit qu'avant de m'adresser aux médias, je ne devrais pas hésiter à soumettre mes idées aux membres de son groupe pour savoir ce qu'ils en pensent. Je n'ai pas beaucoup aimé la façon dont les choses m'étaient présentées. J'ai voulu savoir quel était le problème et qui lui avait demandé de m'appeler. Paul m'a répondu que le problème venait de mes commentaires concernant les avis aux voyageurs qui n'avaient pas plu aux gens du Cabinet du premier ministre. C'est ainsi que les choses se sont passées.
J'ai dit à Paul que je n'allais pas procéder de cette manière. Je lui ai indiqué que je me réjouis de pouvoir échanger des idées avec eux, mais que je ne veux pas me sentir obligé de les appeler, car je suis désormais un simple citoyen. Je lui ai ainsi répondu, car je crois savoir quel était l'objectif. On veut en quelque sorte vous intimider avant que vous n'écriviez quoi que ce soit.
C'est donc ce qui est arrivé. Cette façon de faire m'a dérangé et continue de me préoccuper. Dans son témoignage, Paul a fait valoir qu'il appelait des gens pour comparer des notes et échanger des idées. Ce n'est pas ce qu'il cherchait à faire lorsqu'il m'a appelé.
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Je crois que vous avez peut-être répondu à votre propre question. En effet, la Chine est justement passée à l'action parce que la planète se préoccupe surtout actuellement de la pandémie. Il y a cependant des antécédents. En 2003, les Chinois ont tenté de mettre en place des mesures qui étaient peut-être moins rigoureuses que ce que l'on voit actuellement. Des manifestations populaires ont dissuadé l'administration de Hong Kong d'aller de l'avant. Bien de l'eau a coulé sous les ponts depuis.
J'ai pour ma part l'impression que Beijing a perdu foi l'an dernier en l'administration Lam à Hong Kong et décidé qu'il allait s'ingérer dans le système. Il faut se rappeler, comme je l'indiquais, que la Chine serait prête à attaquer Taïwan si elle sentait que ses intérêts étaient en péril. Même si Hong Kong a une grande valeur aux yeux des Chinois, ceux-ci ne souffriraient aucunement de voir l'avenir de Hong Kong anéantie si cela les assurait de maintenir le contrôle sur ce territoire. C'est exactement ce que nous pouvons observer.
Il est particulièrement inquiétant de voir le système judiciaire chinois franchir la barrière qui gardait Hong Kong à l'abri. Ainsi, des personnes accusées d'atteinte à la sécurité nationale, un concept très large et fort ambigu, pourraient être extradées vers la Chine pour y subir leur procès.
Je pense donc que le Canada a agi sagement en annulant le traité d'extradition. Cela sonne vraiment le glas de la notion d'un pays, deux systèmes.
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Je vous remercie, monsieur le président.
Je vais tenter de les utiliser de la façon la plus judicieuse qui soit.
D'abord, je vous remercie, M. Mulroney, de la réponse concernant les sanctions découlant de la loi de Sergueï Magnitski. C'est la réponse à l'une des questions que je souhaitais vous poser.
Voici deux questions en rafale. On sait que les Chinois utilisent des arguments de nature sanitaire comme façon détournée pour mettre en place des sanctions contre des pays, dont le Canada. Compte tenu du fait que l'innocuité des produits chinois est de loin inférieure à celle des produits canadiens, pourrions-nous utiliser le même argument pour répondre, du tac au tac, aux sanctions appliquées par la Chine?
Ensuite, on connaît l'importance des chaînes d'approvisionnement pour les industries canadiennes qui sont en Chine, compte tenu des faibles coûts de production là-bas. Comment pourrions-nous amorcer une transition? En fait, nous avons vu la nécessité de procéder à cette transition au cours de la crise liée au coronavirus.
Comment mettre en place un plan de transition visant les chaînes d'approvisionnement des entreprises canadiennes?
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Merci beaucoup, monsieur Mulroney.
Merci, monsieur Harris.
Monsieur Mulroney, un grand merci, non seulement pour votre comparution aujourd'hui, mais aussi pour les services rendus à notre pays. Je crois que nous vous en sommes tous très reconnaissants.
C'est ainsi que se termine cette portion de notre séance. Nous devons maintenant poursuivre à huis clos pour discuter des travaux du Comité. Je pense que, pour ce faire, nous devons faire une pause d'une quinzaine de minutes. Nous pourrons peut-être reprendre plus rapidement, car il s'agit en fait de nous déconnecter pour ensuite nous reconnecter pour la portion à huis clos.
Nous nous reverrons donc sous peu. Merci encore.
[La séance se poursuit à huis clos]