FAIT Réunion de comité
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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE
COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL
TÉMOIGNAGES
[Enregistrement électronique]
Le jeudi 13 mai 1999
Le président (M. Bill Graham (Toronto-Centre—Rosedale, Lib)): La séance est ouverte.
Dans le cadre de notre étude sur l'OMC, nous avons le très grand plaisir de recevoir ce matin notre ambassadeur à l'Union européenne, M. Jean-Pierre Juneau, que beaucoup d'entre vous ont sûrement déjà rencontré à Bruxelles. Il est très généreux de son temps lorsque les membres du comité vont là-bas et veille à ce qu'ils rencontrent des représentants de l'Union européenne. Il est accompagné de M. David Plunkett, directeur de la Direction de l'Union européenne, et de M. Charles Craddock, directeur de la Politique commerciale de l'hémisphère oriental.
Bienvenue, messieurs. Vous serez peut-être intéressés de savoir qu'hier nous avons entendu Jeffrey Schott, du Institute for International Economics de Washington—ou peut-être est-ce M. Pierre Sauvé, l'autre témoin—qui a dit que les chances de conclure un accord sur l'agriculture lors du prochain cycle de négociations sont compromises par la rencontre de Berlin, où les Européens ont confirmé la PAC.
Les membres du comité voudront sûrement vous en entendre parler, car on n'a eu de cesse de nous en parler lors de nos audiences partout au pays: la guerre du commerce agricole entre l'Union européenne et les États-Unis et le fait que nous allons en être la victime.
Monsieur l'ambassadeur, je vous invite à commencer, après quoi nous passerons aux questions.
M. Jean-Pierre Juneau (ambassadeur du Canada à l'Union européenne, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international): Merci, monsieur le président.
Je vous remercie de l'occasion qui m'est donnée de vous parler de l'Union européenne et du prochain cycle de négociations multilatérales sur le commerce. Il va sans dire que c'est la position de l'Union européenne lors des prochaines négociations qui sera la clé de leur succès ou de leur échec. L'Union européenne est le plus gros importateur et le plus gros exportateur au monde. C'est aussi le plus grand importateur de produits agricoles au monde. Son produit intérieur brut est supérieur à celui des États-Unis.
Lors du prochain cycle de négociations, l'Union européenne pourra compter sur la force d'un marché unique de 370 millions d'habitants, d'une monnaie commune et de la coordination la plus serrée de son histoire de sa politique commerciale et économique. Comme elle l'a fait par le passé, elle fera jouer son Tarif douanier commun à quinze pays. Elle exercera une immense influence sur l'ampleur, la teneur et la conduite des négociations. À toutes fins utiles, l'Union européenne dispose d'une sorte de veto sur l'issue du prochain cycle.
Depuis près de trois ans, Sir Leon Brittan, vice-président et commissaire du commerce extérieur de l'Union européenne, est le plus vigoureux et le plus ardent défenseur d'un nouveau cycle de négociations. De fait, c'est lui qui a créé l'expression «le cycle du millénaire». Il a aussi déclaré que le plus grand défi qui nous attend, après les deux dernières années de crises financières, est de maintenir la dynamique de la libéralisation du commerce contre les pressions protectionnistes qui ne cessent de s'amplifier dans le monde.
Sir Leon Brittan n'est pas seul. Le Conseil des ministres de l'UE a appuyé à l'unanimité la tenue d'un nouveau cycle de négociations commerciales multilatérales le 30 mars 1998. Dès le début, l'Union européenne a maintenu que le prochain cycle doit être une entreprise globale et unique.
Même si l'Union européenne a vigoureusement appuyé à titre de participant les négociations sectorielles qui ont eu lieu et qui ont été couronnées de succès à l'OMC depuis la fin du cycle d'Uruguay en 1994—sur la technologie de l'information, les services de télécommunications et les services financiers—elle estime également que, pour le moment, nous avons tiré tout ce qu'il y avait à tirer de la libéralisation sectorielle.
Outre les thèmes habituels comme les subventions aux exportations, l'accès aux marchés et le soutien intérieur, qui seront le point de convergence des négociations commerciales agricoles, l'Union européenne voudra aborder d'autres questions, notamment l'innocuité des aliments, le bien-être des animaux et la biotechnologie. Nos différends actuels avec l'Union européenne sur le boeuf aux hormones et les cultures modifiées génétiquement donnent un aperçu de la position de l'UE. Elle réclamera qu'on accorde moins d'importance aux sciences et davantage aux facteurs socio-économiques dans le système d'approbation réglementaire des pays.
• 0915
La réunion prochaine du groupe QUINT, groupe officieux des
ministres de l'Agriculture du Canada, des États-Unis, de l'Union
européenne, de l'Australie et du Japon, sera tenue par le ministre
Vanclief à Vancouver en juillet. Cette rencontre favorise le
dialogue entre les principaux importateurs et exportateurs
agricoles sur les négociations commerciales multilatérales. La
rencontre du mois de juillet comportera une discussion sur la façon
de concilier les mesures techniques fondées sur la science et
l'innocuité des aliments, d'une part, et le désir de répondre aux
préoccupations du consommateur en matière de santé et
d'alimentation, d'autre part, ainsi que la libéralisation du
système commercial.
[Français]
L'un des domaines dans lesquels nous sommes en train d'oeuvrer pour améliorer notre collaboration avec l'Union européenne est la biotechnologie en agriculture. Nous avons établi un dialogue en biotechnologie avec la Commission européenne et, dans ce cadre, nous travaillons à mettre sur pied un projet visant à harmoniser nos systèmes.
L'Union européenne et le Canada sont déjà liés par leur engagement d'entamer des négociations sur l'agriculture en 1999, ainsi que des négociations sur les services en l'an 2000. L'Union européenne souhaite des négociations approfondies pour accroître au cours des prochaines années les possibilités d'échanges commerciaux entre ces secteurs et d'autres.
Au cours des prochaines négociations, l'agriculture constituera une question essentielle, tout comme elle l'était lors de l'Uruguay Round. L'Union européenne admet que, vu ses intérêts fondamentaux dans le secteur de l'agriculture, les prochaines négociations devront couvrir la plus grande étendue possible pour accroître les chances de trouver un équilibre équitable dans les concessions réciproques entre les partenaires commerciaux.
L'agriculture représentera un défi particulier pour l'Union européenne et pour le Canada. À deux reprises au cours des dernières semaines, nous avons pu nous rendre compte à quel point ce secteur représentait un point sensible pour l'Union européenne: d'abord lors du sommet spécial des chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne à Berlin, lorsque les chefs d'État et de gouvernement ont fait marche arrière sur les réformes que leurs propres ministres de l'agriculture avaient déjà approuvées, et la deuxième fois lorsque M. Fischler, le commissaire européen de l'agriculture, a réagi violemment à la réponse du groupe Cairns à propos de ces réformes.
[Traduction]
La déclaration du Groupe de Cairns, dont le Canada fait partie, exprime la déception que l'Union européenne ait fait si peu pour réformer ses aides agricoles pour en atténuer les effets de distorsion sur le commerce. Parmi des choses qui intéressent particulièrement le Canada, l'Union a sévèrement limité des réformes sérieusement nécessaires qui avaient été proposées pour le boeuf et les céréales. Il reste beaucoup à faire avant que l'Union européenne réduise de façon significative les subventions aux exportations de ces produits. Les réformes applicables à d'autres produits, comme le sucre, le tabac, les fruits et légumes, le fourrage déshydraté—c'est-à-dire la luzerne déshydratée—n'ont même pas été abordées.
En revanche, les réformes approuvées au sommet de l'UE à Berlin présentent un immense avantage. Elles sont peut-être insuffisantes, mais elles sont réelles. Après des dizaines d'années de palabres, de débats, de propositions et de contrepropositions, l'Union européenne a finalement réussi à prendre des mesures destinées à discipliner ses aides agricoles. Ce n'est peut-être pas suffisant pour conclure le prochain cycle de négociations, mais c'est suffisant pour le lancer.
• 0920
Il y a aussi raison d'espérer que ce n'est pas tout. Outre les
pressions que le prochain cycle de négociations exerceront, l'Union
européenne a deux autres bonnes raisons de limiter davantage ses
dépenses agricoles. La première est d'ordre budgétaire. Les aides
agricoles coûtent à l'Union européenne environ 40 milliards d'euros,
soit 64 milliards de dollars canadiens, et accaparent près de la
moitié du budget de l'UE. Toutefois, il faut se souvenir que cela
représente moins de 1,2 p. 100 du PIB de chaque État membre.
L'autre raison, ce sont les impératifs politiques de l'expansion de l'Union européenne. La Pologne, la Hongrie, la République tchèque et d'autres pays frappent à la porte pour entrer. La négociation avance. L'Allemagne et les autres pays membres de l'Union européenne sont très ouverts à l'idée. Il est clair que l'Union ne peut admettre de nouveaux pays sans modifier considérablement son soutien pour l'agriculture à moins de risquer la faillite. La Pologne à elle seule, par exemple, compte plus de paysans que l'Allemagne et la France ensemble.
Outre l'agriculture, l'Union européenne a une longue liste de sujets qu'elle veut voir abordés: le renforcement du système multilatéral, l'abaissement des droits d'importation et des restrictions non tarifaires, une plus grande libéralisation des services à l'échelle mondiale, un cadre transparent de règles internationales sur l'investissement compatible avec le développement durable et un cadre international pour la politique de la concurrence, y compris des mécanismes d'application ainsi que des pratiques de marchés publics transparentes et non discriminatoires. Elle voudrait aussi voir ajoutées à l'ordre du jour des questions comme la facilitation du commerce extérieur, le commerce et l'environnement, les droits de propriété intellectuelle et la réglementation du commerce électronique.
L'Union européenne a des idées précises à faire valoir sur quantité de ces questions. Concernant l'abaissement des droits de douane sur les produits industriels, par exemple, la Commission européenne a proposé deux options. La première est d'harmoniser les droits, combinant le recours de tranches de droits à l'intérieur desquelles tous les membres seraient tenus de fixer leurs droits de douane et un droit moyen pondéré et/ou un droit simple général maximum. La deuxième option est une formule de droits différenciés, qui combinerait des tarifs maximums par ligne tarifaire et des moyennes d'ensemble maximums simples et/ou pondérées—par exemple, un droit tarifaire maximum de 7 p. 100 pour des produits particuliers, pourvu que le taux moyen pour un groupe de produits ne dépasse pas 5 p. 100. Les deux formules seraient différenciées entre pays industrialisés, en développement et moins avancés.
La commission insiste sur l'importance de définir une formule qui puisse être appliquée sans exemption pour certains produits. Cette approche suit ce qui a été adopté lors des récentes négociations d'accession à l'OMC.
[Français]
Pour exprimer cela plus simplement, l'Union européenne s'active à trouver des moyens de permettre aux pays de faciliter la réduction des tarifs en leur accordant une certaine flexibilité dans leur marge de réduction des droits, ainsi que dans l'éventail des produits, tout en respectant certains des buts faisant l'objet d'un accord général de tous les participants.
L'Union européenne fait un effort particulier pour convaincre les pays en voie de développement qu'une nouvelle ronde de négociations est dans leur intérêt. Elle présente comme argument que nous aurons à nous occuper de questions les touchant particulièrement. Cependant, elle estime que le prix pour obtenir leur appui à une nouvelle ronde de négociations ne doit pas servir d'excuse aux pays en voie de développement pour ne pas honorer les obligations qu'ils ont contractées au cours de la ronde précédente.
Le Canada et l'Union européenne ont en commun certains points d'intérêt particuliers que nous pouvons continuer à négocier lors de la nouvelle ronde. Outre l'agriculture, nous faisons face à des tarifs élevés dans les domaines des pêches, des produits forestiers à valeur ajoutée et des métaux non ferreux. Les produits de la pêche représentent un problème particulier car non seulement nos exportations se heurtent à un mur tarifaire élevé, mais en plus l'Union européenne accorde un traitement préférentiel à l'Islande et à la Norvège, ainsi qu'à certains autres pays parmi nos plus importants concurrents. La combinaison de ces deux mesures entraîne de fortes distorsions commerciales. Les droits de 6 p. 100 sur l'aluminium constituent également un problème important, problème qui n'a pas beaucoup de sens sur le plan économique, même dans la perspective de grands intérêts économiques au sein de l'Union européenne.
Un autre bon exemple est la crevette du Nord. Certains pays exportateurs n'acquittent aucun droit de douane, alors que les exportateurs canadiens de crevettes sont passibles d'un droit de l'UE de 20 p. 100. Ils ont réussi à trouver des solutions à court terme. Cette année, par exemple, nous avons réussi à convaincre l'Union européenne d'établir un contingent tarifaire réduit autonome pour la crevette cuite et décortiquée à 6 au lieu de 20 p. 100. Mais ce quota est limité en quantité—4 000 tonnes métriques—et doit être utilisé entre le 1er avril 1999 et le 31 mars 2000. Son établissement a exigé une campagne exigeante du ministère, de M. Plunkett et de l'industrie canadienne du poisson.
Lors du dernier cycle, l'Union européenne a accepté d'éliminer les droits sur les pâtes et papiers d'ici au 1er janvier 2004. Elle procède actuellement à l'élimination graduelle de ces droits. Ces derniers mois, les négociateurs de la concurrence se sont demandé si les producteurs de papiers de l'Union ne s'étaient pas entendus de façon collusoire pour maintenir les prix à un niveau élevé. Cela pourrait pousser les éditeurs à réclamer l'élimination plus rapide des droits sur le papier pour garantir la compétitivité du marché. Vu le potentiel de croissance du marché de l'Union pour les producteurs canadiens de papier, il s'agit d'un dossier à suivre de près.
[Français]
L'Union européenne maintient un vaste cadre d'accords commerciaux préférentiels avec d'autres pays. En fait, le Canada est l'un des rares pays, avec les États-Unis, le Japon et l'Australie, à ne bénéficier d'aucun taux tarifaire préférentiel dans l'Union européenne, ce qui compromet notre position concurrentielle pour un grand nombre de produits. Une nouvelle ronde de négociations nous procurera l'occasion de réduire ces disparités en incitant l'Union européenne à réduire ses taux tarifaires aux nations les plus favorisées sur de nombreux produits que nous exportons.
Il appert aussi que les phases successives de l'expansion de l'Union européenne ont entraîné l'élimination d'un grand nombre de produits d'exportation canadiens. Par exemple, lorsque la Grande-Bretagne est entrée dans l'Union européenne en 1973, les exportations de blé et d'orge ont été éliminées. Lorsque l'Espagne et le Portugal se sont joints à l'Union européenne en 1986, ce sont les exportations de morue et de cerises qui ont été éliminées. De même, lorsque l'Allemagne a été réunifiée en 1990, nous avons perdu pratiquement du jour au lendemain près de 60 millions de dollars canadiens en exportations annuelles de céréales. Enfin, lorsque l'Autriche, la Finlande et la Suède se sont jointes à l'Union européenne, nous avons pu négocier certaines compensations pour les produits éliminés. Par exemple, nous avons réussi à améliorer notre accès au marché pour l'avoine, les motoneiges, le millet et les patins à glace, mais pas pour les produits qui avaient été éliminés. Nous espérons qu'une nouvelle ronde de négociations nous permettra d'exercer des pressions en vue d'améliorer notre position concurrentielle dans l'Union européenne par rapport à nos concurrents qui sont assujettis à des tarifs douaniers communs, par exemple pour les produits forestiers à valeur ajoutée, les produits de la mer ainsi que les métaux non ferreux.
[Traduction]
À la veille de la réunion ministérielle de Seattle, le Canada peut commencer à affiner ses objectifs de négociation face à l'Union européenne. Parce qu'elle est notre deuxième partenaire commerciale en importance—elle représentait 15 milliards de dollars d'exportations canadiennes l'an dernier—et parce que nos échanges avec les États-Unis sont essentiellement régis par l'ALENA, l'Union européenne sera notre principal partenaire de négociations dans le nouveau cycle.
• 0930
L'Union européenne sera aussi un allié du Canada dans de
nombreux dossiers. Lors du dernier cycle, par exemple, le Canada et
l'Union européenne étaient les principaux partisans d'une
proposition destinée à créer une organisation mondiale du commerce.
Nous chercherons à nouveau des possibilités de collaborer utilement
avec l'Union européenne. Un des secteurs évidents est celui du
commerce, des industries culturelles et des produits culturels. Le
groupe consultatif sectoriel sur la culture du ministre Marchi a
publié un rapport sur le sujet qui a suscité un grand intérêt à
l'Union européenne. Sir Leon Brittan a pris acte de sa
recommandation et m'a personnellement suggéré que les leaders des
industries culturelles du Canada et de l'Union européenne se
consultent directement pour trouver des points communs. À
Bruxelles, nous facilitons ce travail et les vues de Sir Leon sont
aussi celles des autorités de la commission.
Une autre possibilité serait de coopérer avec l'Union européenne pour améliorer les règles commerciales de l'OMC. Lors du dernier cycle, par exemple, nous avons amélioré les règles sur les questions sanitaires et phytosanitaires. À longue échéance, des règles plus claires et mieux conçues sont la meilleure façon de prévenir et de régler les problèmes d'accès aux marchés comme ceux que nous rencontrons à l'Union européenne dans le cas du bois d'oeuvre vert ou de l'amiante.
Qu'il s'agisse de négocier un accès meilleur et plus équitable au marché de l'Union européenne, de discipliner les subventions aux exportations de l'Union dans les marchés où nous sommes présents ou de travailler avec l'Union pour bâtir un système de commerce international plus fort et des règles commerciales, qui exigent tous les deux notre intérêt, il est clair que lors du prochain cycle de négociations, il faudra adopter une démarche ambitieuse et proactive pour traiter avec l'Union européenne.
L'Union européenne se prépare déjà activement à négocier. Elle consulte la société civile; fait progresser les réunions quadrilatérales des ministres du Commerce extérieur, comme c'est le cas cette semaine; lance des idées à Genève; procède à la réforme agricole; et essaie d'améliorer le climat de ses rapports commerciaux avec les États-Unis pour faciliter le lancement réussi de la rencontre de Seattle et les négociations à suivre.
Romano Prodi, le prochain président de la Commission européenne, a récemment déclaré au Parlement européen que même si la stabilité monétaire internationale est importante, le véritable moteur de la croissance économique de l'Union européenne sera le nouveau cycle de libéralisation du commerce international sous les auspices de l'Organisation mondiale du commerce. Cela signifie que l'on peut s'attendre à une continuité dans la démarche de la nouvelle commission.
Nous continuerons de suivre de près ce qui se passe à l'Union européenne. Le ministre Marchi rencontrera la commission cette semaine lors des réunions quadrilatérales des ministres du Commerce à Tokyo. Le ministre Vanclief rencontrera le commissaire à l'Agriculture, M. Fischler, lors de la réunion des ministres de l'Agriculture du groupe QUINT le 18 juillet à Vancouver. Le ministre Marchi et Sir Leon Brittan se rencontreront à nouveau à Bruxelles le 16 juin. Le lendemain, le premier ministre Chrétien rencontrera le président de la commission et le chancelier Schroeder en Allemagne à l'occasion du sommet transatlantique bisannuel avec l'Union européenne. Comme l'Union européenne aura un rôle déterminant dans le succès du nouveau cycle, je peux vous assurer que nous allons rester au courant de tout ce qui se produira à Bruxelles à cet égard.
Merci beaucoup, monsieur le président.
Le président: Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur. C'est un tour d'horizon circonstancié très utile.
Passons directement aux questions.
M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Réf.): Merci, monsieur l'ambassadeur de l'aperçu général de la situation. J'ai trois questions à vous poser.
Dans votre exposé, vous avez dit que l'Union européenne est notre deuxième partenaire commercial en importance. Elle a donc beaucoup de poids. Malgré nos multiples rapports commerciaux, nous ne bénéficions pas de la clause de la nation la plus favorisée auprès de l'Union européenne. Le gouvernement insiste davantage sur le commerce avec l'Asie-Pacifique. Peut-on dire que pour cette raison nous ne portons pas suffisamment attention aux marchés de l'Union européenne?
• 0935
Ce qui m'amène à ma deuxième question, à propos des organismes
génétiquement transformés. C'est aujourd'hui qu'expire le délai,
n'est-ce pas pour les Européens, à propos de la dernière décision
de l'OMC et rien n'a été fait. Cela signifie que nous sommes peut-être sur
le point d'avoir une guerre commerciale avec les
Européens. Est-ce cela qui va se passer, à votre avis? Peut-être
pourriez-vous nous dire si une guerre commerciale menace vraiment
avec les Européens sur ce point. Nous réclamons des données
scientifiques alors que les Européens n'en veulent pas. Qu'en
pensez-vous?
Cela m'amène à ma troisième question, qui porte sur le dossier culturel. Le projet de loi C-55 est important pour nous. Nous avons une position différente du gouvernement sur le projet de loi C-55 et les magazines à tirage dédoublé. Nous savons quelle est la position de la France, mais qu'en est-il des autres États européens? Vous avez parlé de la Grande-Bretagne. Comment perçoivent-ils ce litige entre les États-Unis et nous dans le secteur culturel? Quelle est la position des autres pays européens?
Ce sont mes trois questions.
M. Jean-Pierre Juneau: Très bien. En réponse à la première question, je pense que nous avons accordé de l'attention à nos relations avec les pays d'Europe ces dernières années. J'ai toujours été à l'aise avec notre façon de définir nos rapports avec les diverses parties du monde. De fait, nous avons une politique étrangère mondiale. Si nous accordions beaucoup d'attention à l'Asie et au Pacifique, au même moment les Européens accordaient plus d'attention à cette partie du monde. Vous avez peut-être lu dans les journaux de cette semaine, par exemple, que le sommet qui devait se tenir entre l'Union européenne et la Chine—ils tiennent un sommet tous les ans, et la même possibilité nous est offerte deux fois l'an—a été remis à plus tard à la demande de la Chine.
Nous y avons donc accordé de l'attention. Mais nous avons rencontré des problèmes dans nos rapports avec les Européens. Tout d'abord, il y a eu la crise du poisson, qui a ralenti les progrès de l'ensemble de nos rapports avec l'Union européenne à ce moment-là. Vous vous souviendrez peut-être que peu avant cette crise, le gouvernement avait proposé de négocier un Accord de libre-échange avec l'Union européenne et les pays de l'ALENA. Il est évident que cette proposition a été mise en veilleuse à cause de la crise du poisson. Mais la situation est maintenant réglée.
Nous avons aussi constaté que les États-Unis s'intéressent à notre économie. Nos exportations vers les États-Unis ont augmenté de façon spectaculaire, si bien que 84 p. 100 de nos échanges se font aujourd'hui avec les États-Unis. Cela ne peut manquer de réduire un peu l'importance de nos rapports avec l'Europe.
Si vous examinez l'investissement direct étranger, par exemple, les Européens investissent beaucoup au Canada et ils occupent de loin la deuxième place de tous les investisseurs étrangers. Dans le cas des investissements canadiens à l'étranger, vous constaterez que l'Europe est de loin la deuxième destination en importance des entreprises canadiennes qui souhaitent investir.
Après la réunion, je pourrai vous donner un exemplaire d'un dépliant publié il y a deux mois qui énumère les divers accords signés avec l'Union européenne ces deux ou trois dernières années. Vous verrez que nous avons signé des ententes importantes du point de vue économique—par exemple, un ARM, accord de reconnaissance mutuelle, signé pendant que la Grande-Bretagne occupait la présidence de l'Union européenne en mai dernier. La presse n'en fait pas beaucoup état parce qu'il s'agit d'ententes de nature technique, mais elles facilitent beaucoup les échanges économiques entre nous.
• 0940
Je dirai pour conclure qu'au bout du compte c'est aux entreprises
canadiennes de décider où elles veulent aller. Si elles décident qu'il
est plus intéressant pour elles d'aller aux États-Unis, par exemple,
ou en Amérique latine plutôt qu'en Europe, eh bien c'est leur choix.
Notre travail à Bruxelles, c'est de s'assurer que les entreprises
canadiennes, le peuple canadien, bénéficient de chances égales à
celles des États-Unis dans nos rapports avec l'Europe. Je ne voudrais
pas que les entreprises américaines bénéficient d'avantages que nous
n'avons pas.
Nous sommes aujourd'hui le 13 mai, jour des dernières décisions sur le boeuf aux hormones. Avant de venir ici, j'ai rencontré le directeur de cabinet du commissaire Fischler, qui n'était pas libre à ce moment-là parce qu'une réunion de la commission se tenait ce matin-là. C'était la veille de mon départ. Aujourd'hui nous saurons quel dédommagement nous obtiendrons d'eux. Il y a essentiellement trois problèmes.
Premièrement, nous avons publié une liste de produits qui peuvent faire l'objet de «représailles» si nous ne sommes pas indemnisés comme il se doit à cause du problème du boeuf aux hormones.
Deuxièmement, nous disons que nous voudrions avoir l'équivalent de 20 millions de dollars en dédommagement pour le préjudice causé aux éleveurs de bétail canadiens. Nous réclamons 70 millions, ils en offrent 20. Il y a un gros écart à combler. Pour être honnête avec vous, je crains que cela ne puisse pas se faire par les négociations et qu'il faille à nouveau nous adresser à l'OMC, qui fixerait le montant de l'indemnité.
Enfin, nous avons dit à la commission que nous préférerions que l'indemnité prenne la forme de droits de douane européens plus bas sur les produits semblables au boeuf, pour que les régions du pays pénalisées par les politiques destructives de l'Union européenne profitent de la réduction des droits de douane. C'est aussi la préférence de l'Union.
Évidemment, dans le cas des Américains, la situation sera peut-être un peu plus compliquée, les sommes en cause étant plus considérables. Il y a toutefois une chose que j'aimerais ajouter sur ce point. Il s'agit des organismes génétiquement modifiés. Vous savez, nous avons l'impression que les États-Unis et l'Union européenne se livrent une guerre commerciale mais il faut, je crois, mettre les choses en perspective. La réalité, c'est qu'il y a de très considérables et très importants rapports économiques entre l'Union européenne et les États-Unis, et... Vous savez, les spécialistes de la politique commerciale s'en sont donnés à coeur joie avec la prétendue guerre de la banane. Mais si vous la comparez au reste des échanges entre l'Union européenne et l'Amérique du Nord, c'est trois fois rien. Je veux dire.
Le président: Comme pour les arachides.
M. Jean-Pierre Juneau: La décision a donc été prise. Vous avez vu que la commission elle-même est divisée sur le sujet. Le commissaire allemand Bangemann a déclaré publiquement récemment qu'il n'a jamais approuvé la politique de l'Union européenne sur l'importation de la banane. On entend pourtant parler de guerre commerciale. Le fait est qu'il y a actuellement un ajustement difficile qui s'effectue entre les deux grandes puissances économiques.
• 0945
La question des organismes génétiquement modifiés est
compliquée. Je dois dire que les consommateurs européens n'ont pas
autant confiance que les consommateurs d'Amérique du Nord à
l'endroit des conseils scientifiques qu'ils obtiennent de leurs
gouvernements et des milieux scientifiques. La maladie de la vache
folle leur a servi une douloureuse leçon. En outre, lorsqu'on vit
en Europe, on voit surgir un nouveau problème tous les mois. Ce
mois-ci c'est en Belgique, le mois suivant c'est en France, et
ensuite... Cela suscite donc des inquiétudes considérables chez les
consommateurs. Ils voient arriver les OGM, et on ne leur explique
pas très bien ce que c'est. Je dois avouer que je ne crois pas que
les entreprises privées s'acquittent très bien d'expliquer aux
consommateurs les avantages de cette nouvelle technologie.
Dans la dernière livraison du magazine The Economist on fait état d'un sondage:
-
D'après une enquête eurobaromètre effectuée en UE l'an dernier,
86 p. 100 des enquêtés estiment que les aliments contenant des OGM
devraient toujours être étiquetés en conséquence.
... parce qu'ils sont mauvais pour la santé. Et plus de 50 p. 100 des enquêtés faisaient plus confiance aux associations de consommateurs qu'aux gouvernements pour avoir l'heure juste sur cette question.
Les OGM constituent donc l'un des dossiers les plus complexes à aborder lors du prochain cycle de négociations de l'OMC. Si nous trouvons que les décisions relatives aux OGM et aux hormones dans le boeuf doivent être fondées sur les meilleurs conseils scientifiques disponibles, n'oublions pas que les Européens doivent également tenir compte des désirs de leurs consommateurs. Je dois dire également que, de temps en temps, nous craignons qu'il n'y ait une certaine ingérence politique dans le processus d'obtention des conseils scientifiques pour des questions telles que les OGM et le boeuf aux hormones.
Il y a également le fait—et ce sera ma dernière observation sur les OGM—que certains pays de l'Union européenne tâchent un peu de faire du rattrapage. La technologie nord-américaine est beaucoup plus avancée que celle de l'Europe, qui aime donc se servir de mesures protectionnistes pour s'assurer que ses industries puissent adéquatement livrer concurrence aux industries nord-américaines au cours des années à venir.
Pour ce qui est des questions culturelles...
Le président: Monsieur l'ambassadeur, je suis désolé de vous interrompre, mais nous tâchons de limiter les tours de chaque député à une dizaine de minutes environ. Or, nous sommes à la quatorzième minute de ce tour-ci. Je vais donc devoir vous interrompre et passer à quelqu'un d'autre. Votre question portait sur la culture, sujet très important pour nous, et quelqu'un d'autre l'abordera peut-être. Il se peut bien que M. Sauvageau veuille poser des questions là-dessus, mais nous tâcherons d'en discuter de toute façon. Je veux simplement donner à d'autres l'occasion de poser la question.
[Français]
Monsieur Sauvageau.
M. Benoît Sauvageau (Repentigny, BQ): J'aborderai également la question de la culture.
Monsieur l'ambassadeur, je vous remercie d'être venu nous rencontrer et d'avoir brossé un tableau très complet des négociations à venir.
Parmi ma série de questions, il s'en trouve une sur la culture. Je commencerai par celle-là pour vous permettre de continuer votre réponse sur la culture. Ma question ne porte toutefois pas directement sur le projet de loi C-55, mais plutôt sur le nouvel instrument mondial pour la protection de la culture. Vous avez très rapidement dit qu'à la suite de la parution du rapport du SAGIT, vous aviez discuté personnellement avec Sir Leon Brittan et qu'il semblait personnellement plutôt favorable à cette nouvelle approche.
Lorsque vous répondrez à ma question, vous pourrez en profiter pour répondre à la question qu'a posée mon collègue de droite au sujet du projet de loi C-55. À l'exception de Sir Leon Brittan, qui est quand même un personnage très important dans l'échiquier européen au niveau du commerce, pensez-vous réellement que la France ou d'autres pays pourront se lier au Canada dans cette nouvelle orientation pour opposer un poids substantiel face aux États-Unis qui, à toutes fins pratiques, ne partagent pas tout à fait cette nouvelle approche?
• 0950
Vous avez été dans le feu de l'action et vous avez vu comment la
société civile a pu, avec l'Internet, faire couler l'Accord
multilatéral sur l'investissement. Même si vous n'êtes pas à l'OCDE,
comme je le sais très bien, vous êtes quand même près de l'action. On
parle de la culture, un sujet très important dans le cadre de l'Accord
multilatéral sur l'investissement, et on veut porter cette question
devant l'OMC. On parle aussi d'un accord sur l'investissement dans le
cadre de l'OMC. N'entrevoyez-vous la possibilité d'une levée de
boucliers similaire, qui déborderait peut-être les frontières de
l'Europe? Si oui, comment peut-on s'en prémunir?
Mon autre question porte sur l'accès au marché. Pour une fois, les producteurs agricoles canadiens ont adopté une position commune face aux prochaines négociations à l'OMC, ce qui va va donner une force de négociation assez intéressante. Mais d'un autre côté, des chiffres assez révélateurs nous démontrent que l'Union européenne et les États-Unis n'ont pas fait leurs devoirs dans ce domaine. Les producteurs agricoles canadiens, avant de songer à faire des concessions supplémentaires relativement à l'ouverture de l'accès au marché, réclament que les Européens et les Américains fassent leurs devoirs. Je vous demande une réponse dans une perspective européenne, et non pas américaine.
Je vous remercie beaucoup.
M. Jean-Pierre Juneau: Merci. D'abord, au sujet de l'aspect culturel, je dois dire qu'il est très significatif que Sir Leon Brittan ait réagi de façon positive aux grandes conclusions du rapport du SAGIT. Au départ, intellectuellement, ce n'était pas évident. Brittan est vraiment ce qu'on pourrait appeler un free trader par excellence. Je dirais même qu'il est à l'avant-garde des pays européens. C'est d'ailleurs pour cette raison que la France a toujours été un peu mal à l'aise face au rôle et au dynamisme dont ce commissaire a fait preuve à Bruxelles, dans la promotion des politiques de libre-échange.
Sur ce plan, je pense que sa réaction est très intéressante pour nous, d'autant plus qu'il veut que nous mettions sur pied un forum pour permettre à nos industries culturelles de se rencontrer de façon plus officielle afin de discuter des préparatifs en vue des séances de négociations de l'OMC. Je dois dire qu'ils ont eux-mêmes engagé un dialogue assez important avec leurs industries culturelles dans le cadre paneuropéen à l'occasion d'une nouvelle politique culturelle et du nouveau programme qui a été adopté il y a environ six mois.
Le rôle de la commission dans le domaine de la culture n'est pas aussi affirmé que dans le domaine de la politique commerciale. De nombreux États membres hésitent encore beaucoup à voir la Commission européenne jouer un rôle marqué dans ce domaine-là. Parmi les pays qui sont un peu mal à l'aise, on peut sans doute mentionner la France. Nous nous en rendons compte de diverses façons. Par exemple, nous avons mis sur pied, l'an dernier, les premières consultations entre le sous-ministre des affaires culturelles et des communications ici, à Ottawa, et le directeur général, donc son homologue, le sous-ministre pour la culture du commissaire à REA. La première réunion a eu lieu l'an dernier, alors qu'une deuxième réunion de concertation aura lieu au mois de juillet prochain ici, au Canada. La date exacte n'est pas encore connue.
Lorsqu'on discute avec la commission de nos objectifs, on nous incite toujours à en discuter également avec les États membres. Cela me permet de vous dire à quel point il est important, dans la nouvelle configuration de l'Union européenne, de travailler naturellement avec la commission, qui a des pouvoirs déterminants dans certains secteurs donnés comme celui de la politique commerciale, mais également avec les États membres parce qu'à la fin de la journée, l'approbation des États membres doit être obtenue aux réunions des conseils des ministres qui ont lieu périodiquement.
• 0955
Je crois qu'on pourra travailler efficacement avec les États membres
ainsi que la commission, sachant que dans le domaine de la culture,
les objectifs du Canada et de l'Europe sont très rapprochés.
D'ailleurs, nos amis américains semblent bien comprendre cette
situation puisqu'ils se sont toujours opposés à ce que le Canada
participe avec eux au grand dialogue transatlantique avec l'Union
européenne. Ils sont très conscients que nous sommes plus près des
Européens dans certains domaines qui sont très délicats pour eux, dont
le monde de la culture.
Vous avez posé une question très intéressante sur l'AMI. Je vous donnerai ici mon opinion personnelle. Je crois que le problème de l'AMI dans l'OCDE, c'est que cet accord a été négocié de façon secrète. Personne n'en avait entendu parler et tout d'un coup, à un moment donné, les gens ont découvert une chose et se sont demandé ce que c'était que cette histoire. Puis on a invoqué la question de la culture dans le cadre de cet accord, et les gens sont devenus nerveux. Ils ont eu l'impression qu'on prenait des décisions en leur nom, sans les consulter. Les groupes de pression, les organisations non gouvernementales et la population n'ont pas été associés au processus en cours.
Les gouvernements de part et d'autre de l'Atlantique ont retenu une leçon de tout cela. C'est pourquoi vous entendez toujours les gens parler de dialogue avec la société civile ces jours-ci. Il y a des contacts, des réunions et des jamboree meetings qu'organise actuellement la Commission européenne avec des organisations non gouvernementales sur des questions telles que l'environnement, la culture, les normes de travail, etc. Du côté canadien, on constate que le ministre Marchi insiste régulièrement sur l'importance d'associer la société civile à ce processus.
À l'OMC, des discussions en vue d'un accord sur l'investissement se feront de façon différente et peut-être dans le cadre d'objectifs un peu plus limités. De ma perspective, je crois que si on se situe uniquement sur le plan économique et non pas sur le plan culturel, on s'assurera que tous comprennent et acceptent les règles de droit qui toucheront les investissements dans les diverses régions du monde. Par exemple, si vous investissez dans un pays d'Asie, vous devrez être en mesure de connaître les lois du pays qui régissent le contrôle des investissements étrangers et vous assurer que vos investissements seront traités de façon équitable, c'est-à-dire de la même façon que les investissements locaux. On veut surtout s'assurer qu'une information suffisante sur des questions telles que celle de l'investissement soit partagée sur le plan international.
Si on veut éviter que les mêmes causes produisent les mêmes effets, il faudra tenir un dialogue très ouvert avec les groupes canadiens touchés par ce genre de questions pour s'assurer que les points de vue de tous et chacun seront pris en considération.
Je travaille dans le domaine de l'investissement et je crois qu'il sera possible de faire des progrès plus rapides à l'OMC qu'à l'OCDE, qui est un club plus restreint. L'OMC compte pour sa part 134 pays membres, dont une grande majorité, soit 100 de ces 134 pays, sont des pays en voie de développement. Ces derniers seront associés à cette décision et auront l'impression de participer à la prise de décision plutôt que de vivre les conséquences d'une décision qui leur a été imposée de haut par un autre forum.
Vous avez parlé de l'accès au marché des produits agricoles. Je m'attendais à ce qu'on me parle beaucoup d'agriculture ce matin, et c'est pourquoi j'ai essayé de trouver des choses qui pourraient être intéressantes et surtout encourageantes pour vous dans ce domaine. D'abord, nous savons tous que les négociations dans le domaine de l'agriculture seront dures et difficiles. Mais il faut garder en tête qu'il y a quand même des facteurs qui jouent en faveur d'un pays comme le Canada, qui veut faciliter les conditions d'accès au marché, diminuer le pourcentage des subsides, etc.
Si vous me le permettez, je parlerai d'abord de l'Union européenne et non pas des États-Unis. Tout à l'heure, j'ai fait allusion à l'élargissement de l'Union européenne. Ce n'est pas pour rien que les Européens ont accepté que l'accord sur l'agriculture soit ouvert à une négociation à compter de cette année. Ce n'est pas simplement parce qu'ils sont tout à coup en train de devenir des free traders à l'approche du XXIe siècle. Ils savent qu'il y aura des pressions énormes de la part des pays de l'Europe de l'Est lors de leur entrée dans l'Union européenne.
• 1000
Deuxièmement, il y a un problème d'ordre budgétaire. Je pourrai vous
en parler davantage si cela vous intéresse. Il y a également de très
fortes pressions à ce niveau puisque le fardeau du financement du
budget européen n'est pas équitablement partagé; l'Allemagne verse des
contributions de l'ordre de 28 p. 100; la France, de 17 p. 100; et la
Grande-Bretagne, de 11 p. 100. On sent déjà une certaine fatigue chez
les Allemands. On a vu les efforts du chancelier Schroeder en vue de
modifier davantage la politique agricole. Mais devant la pression de
certains autres partenaires, entre autres la France, il a dû accepter
une réforme de l'agriculture moins prononcée que celle qu'il
souhaitait.
Il faut aussi avoir à l'esprit des éléments techniques, dont, par exemple, la fameuse clause de la paix, the peace clause, soit l'article 13 de l'accord sur l'agriculture, qui expirera à la fin de l'an 2003. Après cette date, en l'absence d'un nouvel accord dans le domaine agricole, nous pourrions amener nos partenaires européens devant l'OMC et exiger qu'ils comparaissent devant des panels pour les secteurs où leur politique n'est pas conforme aux dispositions déjà prévues dans les accords.
Cette peace clause nous empêche de porter de telles causes devant l'OMC. Mais les Européens savent bien qu'en 2003, ces dispositions ne seront plus en vigueur. Je citerai deux extraits d'un discours qu'a prononcé Sir Leon Brittan lors de la 53e Oxford Farming Conference, qui a eu lieu le 5 janvier 1999. C'est peut-être le meilleur discours prononcé par un représentant de la Commission européenne sur les questions d'agriculture.
[Traduction]
-
Étant donné que les réformes mèneront à une augmentation des
paiements de la «boîte bleue» pour le boeuf et les céréales et à
l'introduction de nouveaux paiements directs «semi-découplés» pour
le secteur laitier, il est évident que l'UE devra lutter de pied
ferme pour maintenir cette boîte.
Ensuite, il ajoute, un peu plus tard:
-
Selon moi, il est en fait probable (et souhaitable) que l'UE se
trouvera dans la situation où elle devra apporter plus de
modifications à son système en s'orientant vers une augmentation
des mesures d'aide découplées et dégressives.
[Français]
Comme je l'indiquais plus tôt, il va sans dire que certains contestent l'opinion de M. Brittan. Ce ne sont pas tous ses partenaires et commissaires qui partagent son point de vue là-dessus. Je veux vous démontrer qu'il y a un débat en Europe sur cette question. Les Allemands trouvent que ça leur coûte trop cher et les free traders tel Sir Leon Brittan disent que c'est une politique qui n'a plus d'allure. Nos négociateurs agricoles, comme M. Craddock, devront s'assurer qu'on saura faire preuve de la fermeté nécessaire, tout en ayant bien à l'esprit qu'il y a des secteurs qui sont particulièrement sensibles pour nous.
Le président: Monsieur Patry.
M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.): Merci, monsieur l'ambassadeur. Je suis médecin et je suis donc très pratico-pratique. Je vais essayer de vous poser des questions très précises.
Vous nous avez parlé d'agriculture et de concessions réciproques, et vous avez surtout mis l'accent sur le fait que l'agriculture est un point très sensible pour l'Union européenne. On l'a d'ailleurs facilement compris récemment, lorsque les chefs d'État ont complètement fait marche arrière à Berlin.
En agriculture, à la suite des rondes précédentes, le Canada s'est acquitté de toutes ses obligations, tandis que les États-Unis et l'Union européenne continuent à subventionner à coup de milliards l'agriculture dans leurs régions réciproques. Avant d'accepter de faire de nouvelles concessions—je ne sais pas ce qu'on pourrait leur donner, parce que j'ai l'impression qu'on a déjà beaucoup donné comparativement à ce qu'on a reçu—, le Canada devrait trouver une façon de forcer l'Union européenne, qui est votre secteur à vous—je ne parlerai pas des États-Unis—, à respecter ses obligations. C'est beau de parler d'un nouvel accord pour l'an 2003, mais on n'y est pas encore arrivé. Que ce soit au Québec ou dans l'Est du pays, nous exportons énormément de produits agricoles, mais les agriculteurs ont moins d'argent dans leurs poches. Il ne faut surtout pas oublier le côté humain là-dedans. Certains se soucient des compagnies qui exportent, mais moi je m'intéresse énormément au facteur humain, à l'agriculteur lui-même.
• 1005
Ma deuxième question porte sur la propriété intellectuelle et les
brevets des compagnies pharmaceutiques. L'Union européenne a déposé
une plainte contre le Canada relativement au stockpiling et
au... [Note de la rédaction: Inaudible]. Le Canada a rétorqué en
entamant une poursuite contre l'Union européenne au sujet de
l'excédent des 20 ans de protection des brevets pharmaceutiques. Selon
vous, est-ce que l'Union européenne veut rouvrir ce dossier? Si oui,
quelle direction se propose-t-elle de prendre?
Ma troisième question s'inscrit un peu dans le même ordre d'idées que celle de M. Sauvageau au sujet des préoccupations de la société civile et des ONG au sujet de l'environnement et des normes de travail. Vous nous avez parlé des jamboree meetings, mais le Canada, avec la Zone de libre-échange des Amériques, a ouvert un certain volet. Des discussions vraiment très précises ont été entamées avec la société civile et les ONG. Pensez-vous que l'Union européenne, qui n'est pas l'OMC comme telle, est prête ou si elle se propose de mettre de côté la société civile et les ONG?
M. Jean-Pierre Juneau: Écoutez, le Canada a respecté toutes ses obligations, et je veux bien le croire. Lorsque l'on parle d'agriculture, il est bien important de se rappeler que les Européens considèrent que l'agriculture comprend également les produits de la forêt et ceux de la mer. Lors de mon exposé, j'ai fait allusion à deux secteurs, dont celui des produits de la mer. C'est bien sûr que, de Bruxelles, il m'apparaît que cela devrait être une priorité du gouvernement canadien. Ça n'a pas d'allure qu'on impose un tarif de 20 p. 100 au Canada pour les produits de la mer qu'il exporte. Peu importe l'angle sous lequel on analyse cette histoire-là, c'est une situation incompréhensible, d'autant plus qu'on n'impose aucun tarif à des pays comme l'Islande et la Norvège.
Un autre secteur qui est important et particulier est celui du bois d'oeuvre, le bois vert. Le problème des nématodes du pin est important, mais on exporte du bois en Europe depuis le XVIIe siècle et on n'a jamais eu un problème de cette nature. Tout à coup, au moment où les pays scandinaves, qui sont nos concurrents dans le domaine de l'exportation des produits forestiers, entrent dans l'Union européenne, on se rend compte que les nématodes du pin représentent un problème et les exportations canadiennes subissent des pertes annuelles d'environ 700 millions de dollars. C'est une très importante somme d'argent.
Parmi les autres secteurs où il faudra chercher à améliorer les choses, il y a naturellement celui de la transformation des produits alimentaires. Lorsque je vis en Europe, cela me frappe de voir à quel point les Européens ont une idée précise de ce qu'ils veulent faire et des objectifs qu'ils poursuivent. Par exemple, il y a des tarifs relativement peu élevés pour l'importation de certains produits et matières premières. Mais dès que vous touchez à la transformation, particulièrement au niveau de l'agroalimentaire, vous êtes affecté par des tarifs importants. Il est donc essentiel d'avoir bien à l'esprit la dimension de la réciprocité là-dedans. Cela peut toucher des secteurs comme celui du fromage ou celui des produits organiques. Comme vous le savez, il y a en Europe un marché considérable de produits organiques qui se développe. Un des effets pervers de leur politique agricole subventionnée est la détérioration considérable de l'environnement européen en termes d'eau potable et de terres agricoles, parce que les sols sont surexploités. Tout dépend de la façon dont on voudra définir nos priorités.
• 1010
Mon dernier exemple sera celui du canola, parce que j'essaie de
relever des exemples qui touchent à diverses régions du Canada. À un
moment donné, on exportait du canola sur le marché européen pour une
valeur de 240 millions de dollars. Le canola est un des domaines où
nous n'avons pas à craindre la concurrence de nos voisins américains.
Il est important que nous définissions des priorités canadiennes et
que nous évitions d'axer nos efforts vers des domaines où nous
risquons éventuellement de perdre nos parts de marché au profit des
Américains. On doit définir des créneaux canadiens où l'on pourra
accroître nos exportations. Le canola en est un bon exemple. Il est
lié au problème des organismes génétiquement modifiés, qui feront
naturellement l'objet de discussions lors des prochaines séances de
négociations de l'OMC.
Lorsqu'on négocie avec l'Union européenne, on fait face à un autre type d'éléphant, si je puis reprendre l'analogie qu'un premier ministre utilisait lorsqu'il parlait de dormir à côté d'un éléphant. Nous sommes donc à côté d'un autre type d'éléphant, qui est moins important pour nous en termes de relations économiques bilatérales, mais qui a quand même des réflexes d'éléphant. L'Union européenne représente 40 p. 100 du marché de l'agriculture sur le plan international, soit une part très importante. Nul ne saurait affirmer qu'il est facile de négocier avec cet univers.
La question des produits pharmaceutiques fait actuellement l'objet d'un examen par l'OMC. Il est bien évident que les Européens, et particulièrement les entreprises européennes qui oeuvrent dans le domaine des produits pharmaceutiques au Canada, voudraient bénéficier d'une période supérieure à 20 ans, soit 20 ans plus six mois. Je ne me rappelle pas exactement ce que ces six mois représentent, mais je crois me souvenir que c'est quand même un avantage assez substantiel, soit des revenus additionnels de 200 millions de dollars s'ils conservent la possibilité d'être les seuls sur le marché pendant cette période. Je n'ai pas beaucoup de choses à vous dire sur cette question qui a été portée devant l'OMC. À ce stade-ci, ce n'est pas une question dont on discute avec la Commission européenne. On laisse plutôt les choses suivre leurs cours à Genève dans ce domaine-là.
Au chapitre du dialogue avec la société civile, les Européens sont pas mal avancés. Est-ce qu'ils sont plus avancés que nous? Je dirais qu'ils sont presque plus avancés que nous. Ils se sont vraiment lancés dans ce dialogue et s'attendent à ce que des questions comme l'environnement retiennent beaucoup l'attention lors des prochaines négociations commerciales multilatérales. Il reste à déterminer avec eux quelle serait la meilleure façon de procéder dans ce dialogue. Devrions-nous reprendre les conclusions du comité sur le commerce et l'environnement qui est déjà à l'oeuvre à Genève ou adopter une approche plus globale et plus horizontale? Les Européens tendent à favoriser cette approche plus horizontale face à toutes les questions environnementales. Peu importe le secteur, que ce soit le secteur agricole ou le secteur industriel, ils souhaitent qu'il y ait toujours une préoccupation environnementale dans chacun de ces secteurs.
L'ensemble des partenaires n'en sont pas encore venus à une entente au sujet de la meilleure façon d'aborder la question de l'environnement à l'occasion de la prochaine ronde de l'OMC. Quant à la société civile, je dois dire que je suis fasciné de voir qu'il y a à peu près deux mois, elle a participé avec les associations professionnelles, les organisations non gouvernementales et des consommateurs à une réunion d'une journée présidée par Sir Leon Brittan pour débattre des grands objectifs que poursuivra l'Union européenne à l'occasion de la prochaine ronde de négociations commerciales. Les Européens ont défini depuis un an le genre d'objectifs qu'ils veulent poursuivre de façon globale à cette occasion.
Le président: Merci.
Permettez-moi de poser deux brèves questions, monsieur l'ambassadeur, et nous passerons ensuite à d'autres députés. La première porte sur le vin de glace, qui est un produit bien connu de l'Ontario. Je crois comprendre que notre vin de glace ne jouit d'aucun accès en Europe, ou alors n'y a qu'un accès très limité, en raison des règles européennes. On prend prétexte des règles phytosanitaires, en affirmant que sa teneur en sucre dépasse certaines teneurs préétablies. Toutefois, quiconque a déjà goutté à du sauterne sait parfaitement que sa teneur en sucre dépasse de loin celle du vin de glace. Je crois comprendre que les vins de glace américains et australiens jouissent d'une dérogation et qu'en fait c'est le lobby allemand qui fait obstacle au vin de glace canadien.
Est-ce que ça veut dire qu'on ne trouvera pas de vin de glace en Europe entre maintenant et la fin de la prochaine négociation de l'Uruguay, ou croyez-vous qu'il y a une chance de régler ce problème avant l'an 2025, ou est-ce que ça va traîner encore une éternité? Ce serait ma première question.
Vous avez mentionné l'importance de la relation qui existe entre les États-Unis et l'Europe. Vous savez que les Américains ont signé l'accord de Madrid, et qu'ils nous ont devancés de toute évidence pour ce qui est du resserrement de leurs liens avec l'Union européenne. Pensez-vous que le Canada a une chance de rattraper les États-Unis maintenant que la guerre du poisson et d'autres problèmes sont derrière nous?
M. Jean-Pierre Juneau: Pour ce qui est du vin, nous venons justement de tenir des consultations, il y a deux semaines avec la commission sur ce sujet lorsque M. Plunkett était à Bruxelles. Essentiellement, le problème qui se pose maintenant avec les Européens, c'est qu'ils veulent négocier un accord sur le vin avec le Canada avant d'élargir notre accès à leur marché, qui est limité aujourd'hui à 1 000 hectolitres de vin par année.
Le piège dans tout cela, c'est que, essentiellement, ils veulent se servir de ces négociations pour discuter du problème des appellations contrôlées, qui tient au fait que nous utilisons au Canada des appellations comme Champagne ou Porto. Dans toutes les négociations qu'ils ont menées partout dans le monde, ils avaient pour objectif d'obtenir un accord qui assurerait une meilleure protection des appellations contrôlées.
La question est donc la suivante: serons-nous en mesure de négocier sur ces appellations contrôlées et de donner aux Européens la protection qu'ils veulent pour obtenir un meilleur accès à leur marché? Je pense que nous devrions négocier...
Le président: Pourquoi ne pas dire simplement à la RAO de limiter ses importations à 10 000 hectolitres de vins français et allemand?
M. Jean-Pierre Juneau: Nous avons fait valoir...
Le président: Pourquoi n'utilisons-nous pas l'influence de ce qui est le plus grand acheteur dans le monde afin...
M. Jean-Pierre Juneau: Nous importons pour 350 millions de dollars de vin d'Europe chaque année, et nous en exportons pour un million de dollars, nous ne devrions donc pas être sur la défensive lorsque nous négocions ces questions. Mais la question est celle-ci: voulons-nous intégrer la question des appellations contrôlées dans ce genre de négociations? Il reste à résoudre cette question.
L'honorable Sheila Finestone: (Mont-Royal, Lib.): Pourquoi pas?
Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest, Mississauga, Lib.): Oui, nous le faisons.
Le président: Non, je ne crois pas. Mais de toute façon...
Mme Colleen Beaumier: Pourquoi pas?
Mme Sheila Finestone: Il est évident qu'elle a un viticulteur dans sa circonscription.
Mme Colleen Beaumier: Non. Je n'aime même pas le vin.
Des voix: Ah, ah!
Le président: Je pense que Mme Beaumier réagissait davantage à la suggestion que j'ai faite au sujet d'une intervention possible de la RAO, et non à ce que M. Juneau disait, à savoir que si nous faisons droit aux voeux des Européens de lier l'accès à leur marché au système des appellations contrôlées, ils vont nous dire que nous devons changer les noms de tous nos vins de telle sorte qu'ils n'aient plus aucun rapport avec les vins français.
M. Julian Reed (Halton, Lib.): Ce n'est pas une mauvaise idée.
Mme Colleen Beaumier: D'accord.
Le président: C'est une chose qu'ils essaient d'imposer à tous les pays du monde. Il s'ensuit des querelles sur le caractère générique des raisins et ce genre de choses.
M. Julian Reed: Nous allons protéger l'appellation «Whisky canadien».
Mme Colleen Beaumier: Absolument.
Le président: Il y a eu l'affaire du champagne. Nous avons déjà perdu de ce côté. Nous nous dirigeons donc dans cette voie, mais de toute façon...
M. Jean-Pierre Juneau: [Note de la rédaction: Inaudible]... devra être prise, et nous espérons obtenir ainsi un meilleur accès au marché européen pour nos vins.
Le président: Devons-nous attendre la décision de l'OMC?
M. Jean-Pierre Juneau: Non, je pense que cette question est distincte du processus de l'OMC. Je pense qu'une négociation bilatérale doit avoir lieu.
Pour ce qui est des relations entre les États-Unis et l'Europe, je dirais que nous ne marquons pas le pas derrière les États-Unis. C'était le cas plus tôt. Lorsque les Américains ont signé leur déclaration politique et adhéré au plan d'action au Sommet de Madrid, en 1995, il était évident qu'ils parlaient de ce qu'ils appellent «le marché transatlantique», qui comprenait bon nombre d'éléments d'un accord de libre-échange entre les États-Unis et l'Union européenne. Mais cette idée du marché transatlantique n'est pas allée de l'avant parce que certains partenaires européens ont fini par opposer leur veto, en particulier les Français, qui ne voulaient pas entrer dans ce genre de négociations avec les États-Unis avant la création de l'OMC parce qu'ils savaient qu'ils devraient aussi négocier la question agricole, et ils ne voulaient pas discuter d'agriculture avec les Nord-Américains dans trop de forums. Ils préféraient concentrer ces négociations dans le cadre de l'OMC.
Le marché transatlantique a été finalement remplacé par ce qu'ils appellent le partenariat économique transatlantique. Nous avons pu obtenir un accord semblable, que l'on appelle l'initiative commerciale Europe-Canada, qui a été signée ici à Ottawa lors de la rencontre qui a eu lieu entre le premier ministre et le président autrichien en décembre dernier. Nous allons de l'avant avec la mise en oeuvre de cette initiative, et je dirais... non pas parce que je tiens à dire que nous réussissons mieux que les Américains, mais il est vrai que c'est le cas de temps à autre, et chose certaine, dans ce cas-ci, nous sommes plus avancés à l'heure actuelle que les Américains quant à la mise en oeuvre de l'initiative commerciale Europe-Canada. Nous aurons l'occasion d'examiner la mise en oeuvre de ce programme au sommet qui aura lieu à Bonn le 17 juin.
Je n'ai pas reçu de rapport, mais M. Marchi était censé rencontrer sir Leon Brittan, à Tokyo, plus tôt cette semaine. Le ministre Marchi viendra à Bruxelles, comme je l'ai dit plus tôt, le 16 juin. Il aura alors une longue rencontre avec sir Leon Brittan, et l'initiative commerciale Europe-Canada sera un élément principal de la discussion qu'il aura avec lui.
Donc, pour le moment, nous ne nous débrouillons pas trop mal comparativement aux Américains.
Le président: Merci. Voilà qui est encourageant.
J'ai sur ma liste Mme Finestone, M. Turp et M. Sauvageau, et il nous reste sept ou huit minutes. Nous pourrons peut-être essayer de poser toutes les questions, et nous verrons si M. Juneau peut répondre à toutes? Pourquoi ne pas les poser en série?
Monsieur Sauvageau et M. Turp.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Vous avez beaucoup parlé de pêche et d'agriculture. Certains intervenants du monde de la pêche, si je ne m'abuse...
[Traduction]
Mme Sheila Finestone: Excusez-moi, je croyais que c'était mon tour. Très bien, allez-y.
[Français]
M. Benoît Sauvageau: Vous avez parlé de la pêche et de l'agriculture. Certains intervenants nous ont dit qu'on devait séparer ces deux domaines d'activité. Quelle est votre position sur cette suggestion faite par l'industrie de la pêche?
Le président: Posez maintenant toutes vos questions.
M. Daniel Turp (Beauharnois—Salaberry, BQ): Monsieur Juneau, je regrette de n'avoir pu être là pendant votre exposé. Je lirai avec intérêt le procès-verbal.
Ma question porte sur la façon dont l'Union européenne négocie ou négociera dans le cadre de la prochaine ronde du millénaire. Elle porte plus particulièrement sur la participation des États membres à la négociation. Nous savons, ou il serait peut-être intéressant que vous nous en informiez, que c'est la présidence de la commission qui agit comme négociateur dans le cadre des négociations commerciales multilatérales, mais que les États membres y participent aussi.
Je pose la question innocemment, en pensant que les provinces devraient aussi être associées à la négociation, non seulement lors des consultations qui ont lieu ici, à Ottawa, mais aussi sur place. J'aimerais donc savoir comment fonctionne le processus de négociations au sein de l'Union européenne.
M. Benoît Sauvageau: Et le rôle des provinces.
Le président: Par le Parlement européen?
M. Daniel Turp: Si vous voulez aussi parler du rôle du Parlement, allez-y. C'est vrai que c'est une bonne idée, monsieur le président.
[Traduction]
Le président: Madame Finestone.
Mme Sheila Finestone: J'ai trouvé intéressant de vous entendre dire que sir Brittan accueille favorablement l'idée d'examiner les produits culturels du point de vue de l'économie ou des investissements. Parle-t-il du cadre de l'Organisation mondiale du commerce? Est-ce qu'il considère l'ensemble de la situation?
Vous avez dit aussi, pour ce qui est des grandes rencontres, que les ONG, la société civile, ont eu une rencontre sur les industries culturelles. Est-ce qu'ils étudient le genre de rapport que nous avons reçu des GCSCE du Canada? Sont-ils au courant de ce rapport, et y sont-ils favorables? Cela m'intéresse.
Nous avons examiné la culture à partir de la perspective de l'exemption. Croient-ils qu'il vaut mieux inclure la culture dans la dimension la plus vaste qui soit?
Je dois vous dire aussi, à titre personnel, monsieur Juneau, que je suis très heureuse de vous revoir. Nous nous sommes vus récemment à Bruxelles, et je suis heureuse de vous dire bonjour en sol canadien.
Lorsque je vous ai écouté, j'ai eu l'impression que le Canada est extrêmement timide dans son approche.
[Français]
Ils sont d'ailleurs très timides. Vous avez dit que les États-Unis et l'Europe avaient déjà décidé de leurs priorités, notamment dans le domaine de l'agriculture, alors que nous, nous n'étions pas très pressés. Je pensais que les agriculteurs étaient, pour la première fois, bien organisés dans leurs démarches et avaient bien saisi toutes les dimensions et savaient dans quelle direction ils voulaient aller. Mais, d'après ce que j'ai compris de vos propos,
[Traduction]
vous dites que nous, les Canadiens, avons respecté toutes les décisions de nos groupes spéciaux. Les Européens ont profité de nous, tout comme les Américains. Vous dites croire que les Européens et les Américains savent très bien ce qu'ils veulent et qu'ils savent quelles sont leurs priorités et ce qu'ils veulent protéger, et que le Canada n'a pas une idée aussi claire de ses objectifs, que la société civile est beaucoup plus avancée, et qu'ils s'intéressent surtout à l'environnement, ainsi qu'aux effets sur la société et les travailleurs, et pourtant, ces gens-là surexploitent leurs champs d'une manière incroyable.
Je n'ai pas une idée claire de ce qui se passe. Sommes-nous naïfs? Sommes-nous lents? Sommes-nous timides devant ces deux éléphants?
Le président: Parlons-nous trop ou pas assez?
Mme Sheila Finestone: Les deux.
Le président: Vous préféreriez qu'on parle davantage. C'est cela?
Mme Sheila Finestone: Oui. Exactement.
Le président: D'accord.
Mme Sheila Finestone: Je pense que nous sommes très timides.
Le président: Malheureusement, il ne nous reste plus que trois minutes. Je ne sais pas si vous pouvez répondre rapidement à toutes ces questions, monsieur Juneau, mais...
[Français]
M. Jean-Pierre Juneau: Je pense que la pêche et l'agriculture sont des secteurs qui devraient être séparés, mais à un moment donné, vous serez obligés de faire des trade-offs. Cela peut provenir de ce secteur ou d'autres. Les objectifs doivent être clairement séparés, selon moi.
Pour ce qui est de la façon dont les Européens négocient, il y a d'abord la commission qui prend l'initiative de faire des recommandations aux conseils européens, en l'occurrence le Conseil des ministres du commerce.
J'ai mentionné dans mon exposé qu'au mois de mars 1998, le Conseil des ministres du commerce de l'Union européenne avait appuyé la proposition de la commission voulant que la prochaine ronde de négociations multilatérales, la ronde du millénaire, soit étendue, limitée à une période de trois ans, etc.
Quand vous êtes à Genève ou quand vous discutez de politique commerciale, le seul interlocuteur est le représentant de la commission, soit Sir Leon Brittan au niveau des forums ou des organisations internationales, soit l'ambassadeur de la Commission européenne à Genève, qui s'exprime au nom de tous les États membres.
• 1030
Il y a cependant un processus de consultation et de concertation
régulier et continu. D'ailleurs, plus tôt cette semaine, il y a eu
une réunion des ministres du Commerce international des pays de
l'Union européenne à Berlin, et ils ont réitéré les objectifs qu'ils
voulaient que la commission poursuive lors de la prochaine ronde
internationale.
Je suis à l'étranger mais, d'après ce que je comprends, il y a aussi des consultations entre le ministre Marchi et les provinces sur ces questions. Je n'y ai jamais participé parce que je suis là-bas, mais je crois comprendre qu'il y a des consultations là-dessus.
M. Daniel Turp: Ma véritable question est celle-ci. Pendant les négociations, après le mois de novembre 1999, est-ce que les États membres de l'Union seront sur place, à Genève, pour participer aux discussions pendant que les négociations auront lieu?
M. Jean-Pierre Juneau: Ils sont sur place, dans une autre pièce. Je pense même qu'à certaines réunions, ils peuvent être dans la pièce de la réunion du conseil général, mais le seul interlocuteur qui intervient à ce sujet est la commission.
Je vais vous donner un exemple.
[Traduction]
Le président: Nous avions des représentants provinciaux dans notre délégation, et c'était sûrement le cas des deux dernières dont j'étais membre.
[Français]
M. Daniel Turp: Pas toujours. Non, non, non.
[Traduction]
Mme Sheila Finestone: Il arrive qu'ils soient consultés entre... lorsque des décisions sont prises.
[Français]
M. Daniel Turp: Je demandais s'ils étaient sur place.
M. Jean-Pierre Juneau: Il faut aussi dire que les États membres sont également membres de l'OMC.
M. Daniel Turp: Oui.
M. Jean-Pierre Juneau: Donc, sur ce plan-là, il y a une différence. Les provinces canadiennes ne le sont pas encore.
Je voulais vous dire autre chose. En ce qui a trait à la sélection du prochain directeur général de l'OMC, d'une certaine façon, la Commission européenne est paralysée parce que les États ne s'entendent pas. On sait, par exemple, que Sir Leon Brittan appuie le candidat canadien Roy MacLaren. La France, tout à coup, appuie le Néo-Zélandais Mike Moore, alors que d'autres pays comme la Grande-Bretagne, la Suède et les Pays-Bas appuient plutôt le candidat thaïlandais. Finalement, l'Union européenne ne s'exprime pas. À Genève, ils sont sans voix, si vous voulez.
Ils font un rapport annuel au Parlement européen sur les relations avec l'OMC. Ils ont récemment présenté au Parlement européen leur deuxième rapport annuel sur les négociations prochaines à l'OMC.
Madame Finestone, je pense que je me suis mal exprimé. Je suis venu ici dans le but d'expliquer le travail de préparation qui a été fait par l'Union européenne jusqu'à maintenant.
[Traduction]
Il est important de comprendre que, pour la première fois dans l'histoire de l'OMC, il y aura une prochaine négociation, qui aura lieu à l'initiative de l'Europe, et non pas des États-Unis. Voilà pourquoi les Européens ont pris l'initiative dans tant de dossiers. Voilà pourquoi ils ont donné un mandat à la commission. Voilà pourquoi, par exemple, Sir Leon Brittan réclame cette négociation du millénaire depuis les trois dernières années.
Je ne crois pas qu'ils soient nécessairement plus avancés dans tous les secteurs. Par exemple, les secteurs agricoles ont annoncé une réforme très modeste de la PAC, et certains d'entre eux disent qu'ils ne bougeront pas à partir de là. Il est parfaitement évident qu'ils devront bouger. Dans quel sens vont-ils bouger? Comment vont-ils bouger? Ils ne le savent pas. Et il sera très joli de voir comment ils vont négocier entre eux dans ce dossier.
Vous avez mentionné la culture. Il n'y a pas eu de grande rencontre sur la culture. La seule chose qu'ils ont sur la culture, c'est un groupe de conseillers des industries culturelles autour du commissaire responsable de la culture, le commissaire Oreja.
L'an dernier, il a reçu un premier rapport sur ce que devraient constituer les politiques culturelles de l'Union européenne. Les rapports des GCSCE sur la culture montrent clairement que nous sommes plus avancés que les Européens de ce côté. Nous avons communiqué ce rapport à tous les membres du Parlement européen, aux commissaires.
• 1035
Comme je l'ai dit, Sir Leon Brittan est revenu nous voir et
m'a dit que c'était très intéressant; nous devons nous assurer que
nos industries culturelles se réunissent et qu'elles discutent.
C'est un secteur où nous sommes plus avancés que les Européens, et
chose certaine, plus avancés que les Américains, qui préféreraient
une sorte de statu quo.
Mme Sheila Finestone: L'hégémonie.
M. Jean-Pierre Juneau: En ce qui concerne les États-Unis, je ne connais pas leur niveau de préparation, mais j'ai l'impression que nous sommes plus avancés qu'eux. Ils savent ce qu'ils aimeraient obtenir de manière générale, mais à un moment donné, dans une négociation comme celle-ci, il faut passer du général au particulier. C'est quand on passe aux détails que l'on se bute à des difficultés.
C'est le problème que les Européens auront. Soit dit en passant, les membres de la commission vont changer en septembre. Il y aura un nouveau commissaire responsable de la politique commerciale, donc Leon va partir. Nous ne savons pas qui va le remplacer. Il sera intéressant de voir comment ils vont avancer avec leur nouvelle équipe.
Le président: Nous devons nous arrêter là parce que nous avons pris beaucoup plus de temps que nous n'en avions. Nous devons voter ce matin, ce qui va ôter du temps à nos prochains témoins. Il faut donc que nous partions tout de suite.
Merci beaucoup d'être venu, monsieur Juneau. Quelqu'un a posé une question sur la réaction européenne au projet de loi C-55.
M. Jean-Pierre Juneau: Les Européens sont curieux. Mais ils n'ont pas réagi.
Le président: Ils n'ont eu aucune réaction, positive ou négative?
M. Jean-Pierre Juneau: Ils se contentent de suivre ce dossier avec un grand intérêt. De toute évidence, d'après certaines observations qui nous ont été faites, on jugeait que le degré de représailles possibles des États-Unis était, dans en ce qui les concernait, totalement disproportionné.
Le président: Ils considéraient la question à la lumière de la guerre de la banane au lieu de...
M. Jean-Pierre Juneau: Oui, c'était tout à fait le cas...
Le président: Nous vous remercions d'être venu, monsieur. Nous vous souhaitons un bon retour à Bruxelles. Nous tâcherons tous de vous rendre visite là-bas.
M. Jean-Pierre Juneau: C'est toujours un plaisir de vous recevoir.
Le président: Merci.
Très bien, chers collègues, nous allons maintenant inviter notre prochain groupe de témoins. Il s'agit encore une fois d'entendre des témoignages sur la Loi sur le précontrôle. Nous recevons l'Association du Barreau canadien et l'Association du transport aérien du Canada.
Nous allons commencer par l'Association du Barreau canadien. Nous devons nous dépêcher parce qu'il risque d'y avoir un vote.
• 1040
Nous savons qu'il y a eu des problèmes avec ce projet de loi
au Sénat, et il nous tarde fort d'entendre l'avis du Barreau
canadien sur ce qui s'est passé et de savoir s'ils sont heureux des
changements qui ont été apportés au projet de loi. Nous écouterons
ensuite l'Association du transport aérien.
Allez-vous commencer, madame Bercovich?
Mme Joan Bercovich (directrice principale, Affaires juridiques et gouvernementales, Association du Barreau canadien): Je vais commencer, merci.
Au nom de l'Association du Barreau canadien, je tiens à vous remercier d'avoir accepté de nous entendre ce matin.
[Français]
Comme vous le savez, l'Association du Barreau canadien est une association nationale qui regroupe des juristes de partout au Canada. L'un de nos objectifs est l'amélioration de la loi et de l'administration de la justice. Nos propos d'aujourd'hui seront conformes à cet objectif.
[Traduction]
Notre mémoire sera présenté par Michael Greene, qui pratique le droit de l'immigration à Calgary. Après qu'il aura fait son exposé, il se fera un plaisir de répondre à vos questions.
Merci.
M. Michael A. Greene (trésorier, Section nationale du droit de l'immigration et de la citoyenneté, Association du Barreau canadien): Nous avons rédigé une lettre qui devrait être annexée à notre mémoire. Une copie de cette lettre vous a été remise hier ou avant-hier étant donné que nous n'avons reçu qu'un préavis assez court. Cette lettre résume nos principales préoccupations.
Nous, les avocats spécialistes de l'immigration de la Section du droit de l'immigration de l'Association du Barreau canadien, représentons des gens qui franchissent la frontière dans les deux sens. Ce n'est qu'assez tard que nous avons appris l'existence de ce projet de loi, qui était alors déjà devant le Sénat. Nous avons rédigé un mémoire, que vous devriez avoir également devant vous, qui résume nos préoccupations. Nous avons ensuite témoigné devant le comité du Sénat.
Certaines de nos préoccupations concernent des problèmes juridiques. Nous ne nous préoccupons pas de politique en tant que telle, et nous laissons les questions de politique aux lobbyistes, aux groupes d'intérêts et aux avocats qui représentent les lignes aériennes. Il y a des gens ici qui représentent ces intérêts et qui feront un exposé après le nôtre.
Nous sommes au courant de la position de l'ATAC, et nous avons parlé à tous les intervenants réunis ici aujourd'hui. Nous tenons à dire clairement que nous sommes favorables à la Loi sur le précontrôle. Nous sommes favorables au principe du précontrôle, nous sommes favorables au principe des installations de précontrôle, et nous croyons également que cette loi est nécessaire. Le fait est qu'il n'existe pas de loi aujourd'hui, qu'il n'existe pas de fondement juridique aux activités qui ont lieu dans les zones de précontrôle. Le processus qui existe maintenant est très contestable, et il faut y mettre de l'ordre.
Nous avons une série de fortes réserves relativement au libellé de la loi et à certaines dispositions qui s'y trouvent. Les amendements qui ont été proposés au comité du Sénat ont apaisé certaines de nos préoccupations, mais il en subsiste encore, et certaines d'entre elles sont absolument fondamentales.
Nous croyons que cette loi porte une atteinte importante à la souveraineté canadienne et qu'elle compromet inutilement l'intégrité du Canada. Nous pouvons réaliser l'objectif qui est énoncé à l'article 4—à savoir, faciliter le mouvement des voyageurs et des biens—sans compromettre l'intégrité du Canada.
Nous avons pris connaissance en vitesse du mémoire de l'ATAC, qui vient d'être rédigé en réponse à notre mémoire. Nous leur avons communiqué l'ébauche de notre mémoire lundi, et ils se sont dépêchés de répondre pour que nous ayons une discussion informée. Je dois vous faire mes excuses, je ne peux pas tout faire... Nous pourrons en discuter lorsque vous poserez vos questions. Je sais que leur préoccupation, c'est tout ou rien: si une seule de ces dispositions n'est pas adoptée, les États-Unis vont plier bagages et quitter le pays, et nous n'aurons pas de zones de précontrôle. C'est ce que j'ai compris de leur mémoire, et nous ne voulons pas saboter le processus de précontrôle. Nous croyons cependant qu'il faut apporter des amendements au projet de loi avant qu'il ne devienne loi.
Le président: Monsieur Greene, j'ai bien peur que l'inévitable se soit produit: on va procéder au vote. En fait, le timbre a déjà commencé à retentir. Nous n'avons que sept minutes, il va donc falloir partir tout de suite.
Mme Sheila Finestone: Allons-nous revenir?
Le président: Oui, nous allons revenir.
S'il vous plaît, chers collègues, revenez immédiatement, parce que cette question est très importante. Nous devons entendre ces témoins parce que c'est le seul secteur où nous serons...
Toutes mes excuses. Monsieur Greene, si vous et vos collègues voulez bien rester ici, nous serons de retour sous peu.
Le président: Reprenons, chers collègues.
Toutes mes excuses aux témoins pour cette interruption. Nous allons tâcher de prolonger cette séance jusqu'à 12 h 15 ou 12 h 20 pour rattraper un peu le temps perdu.
• 1120
Monsieur Greene, je vous ai coupé à mi-chemin. Allez-y.
M. Michael Greene: Merci.
Le président: Nous devrons lire votre lettre lorsque nous serons en train de voter.
M. Michael Greene: Vous pouvez lire et traverser la rue en même temps, c'est bien.
Pour ce qui est de notre position, nous nous contenterons de dire que nous sommes favorables au projet de loi et que nous aimerions le voir adopté bientôt. Premièrement, nous comprenons qu'on exerce de fortes pressions pour légaliser ce qui se fait déjà. Et l'industrie aérienne est aussi très désireuse de créer ces installations de précontrôle étant donné qu'elle en profitera beaucoup.
Nous voulons parler de nos préoccupations qui concernent certaines dispositions du projet de loi et vous expliquer comment l'on pourrait remédier à ces préoccupations de telle sorte que l'on pourra faciliter le mouvement des biens et des personnes aux frontières sans compromettre inutilement notre intégrité.
Nous avons souligné nos préoccupations dans la lettre. Je ne m'en tiendrai pas au libellé exact de notre lettre, mais je vous renverrai à la lettre lorsque je ferai état de questions particulières. De même, au cours de l'interruption, nous avons pris la liberté de rédiger des amendements précis, et nous allons vous montrer le libellé que nous utiliserions. Je suis disposé à vous donner lecture de ces textes dans un moment. Nous les ferons dactylographier et nous vous les ferons parvenir cet après-midi parce que je pense que cela pourrait vous être utile dans votre étude article par article ou dans votre analyse des correctifs que nous proposons au projet de loi.
Le président: Étant donné que nous avons peu de temps, il suffira peut-être que vous nous en parliez et, comme vous dites, vous pourriez remettre votre texte à tout le monde...
M. Michael Greene: D'accord.
Le président: Nous n'allons pas entreprendre l'étude article par article avant la semaine après le congé, de sorte que nous aurons le temps de l'étudier.
M. Michael Greene: Vous pourrez voir, dans les changements que nous proposons, que l'on peut remédier à ces problèmes à notre avis, ce qui ne veut pas dire que ces correctifs ne constituent pas des changements substantiels. Alors permettez-moi de vous les expliquer.
À l'heure actuelle, lorsque vous entrez dans une zone de pré-contrôle, c'est parce que vous voulez vous rendre aux États-Unis. Vous acceptez donc de vous soumettre à une fouille douanière, à une inspection, et vous acceptez de répondre à toutes les questions des douaniers. Et cela veut dire que vous leur permettez de fouiller dans vos affaires, s'ils le veulent, pour qu'ils puissent s'assurer que vous êtes en règle. Et ils doivent le faire; il ne fait aucun doute qu'ils doivent le faire, et ça ne marcherait pas s'ils ne pouvaient pas le faire. Il s'agit maintenant de savoir comment l'on doit faire cela.
Ce que nous disons, nous, c'est que le voyageur est en sol canadien. Ce n'est pas comme passer à un poste frontalier terrestre; vous êtes encore au Canada. Au poste frontalier terrestre, à l'heure actuelle, les douaniers tiennent vivement à être en sol américain pour faire leur devoir étant donné que les lois américaines s'appliquent là; les protections constitutionnelles du Canada ne s'appliquent pas dans ces lieux. Les protections constitutionnelles américaines s'y appliquent, ce qui est une distinction importante. Mais quand on est dans une zone de précontrôle, on est en sol canadien.
Ce que nous disons, c'est qu'on devrait avoir le droit de quitter la zone où l'inspection a lieu. Si vous n'aimez pas la façon dont vous êtes traités, si vous pensez que l'agent est impoli, que tout le processus est envahissant, que nous n'aimez pas les accusations que l'on porte contre vous, vous pouvez dire: «Je ne veux pas voyager dans votre pays. Je vais tourner les talons et m'en aller.»
Maintenant, il peut y avoir des conséquences si c'est ce que vous faites. Il se peut que l'on inscrive des informations sur vous dans l'ordinateur. Si les douaniers croient que vous avez menti, il se peut que l'on refuse de vous admettre aux États-Unis par la suite. Mais à tout le moins, vous pouvez partir.
Si vous êtes soupçonné d'avoir commis une infraction canadienne, un agent canadien peut vous appréhender. Il y a un vide ici parce qu'à l'heure actuelle, vous ne pouvez pas être appréhendé par l'agent américain. Nous sommes d'accord avec l'article 24 qui autoriserait la détention d'une personne si l'on a des motifs raisonnables de croire qu'elle a commis une infraction, une infraction canadienne.
Nous disons donc que le trafiquant de drogue, la personne que l'on soupçonne d'être terroriste, pourra ainsi être appréhendé. Que les Américains appréhendent cette personne en vertu de l'article 24 et qu'ils la remettent à l'agent canadien; il n'y aura pas alors ce maillon faible dont le ministère des Affaires étrangères s'inquiète. Mais cette personne pourrait toujours s'en aller parce qu'elle est en sol canadien.
Ce qui ne va pas dans ce projet de loi, c'est qu'il ôte à la personne le droit de s'en aller. Même si l'article 10 veut vous donner le droit de vous en aller, si on lit le paragraphe de l'article 10, il est évident que l'agent peut vous détenir s'il vous soupçonne simplement d'avoir commis une infraction canadienne. Et l'on a créé un cadre juridique ici en stipulant que c'est commettre une infraction au Canada que d'avoir induit en erreur un agent étranger ou d'avoir résisté à une arrestation ou d'avoir fait entrave à l'agent. C'est ce que disent les articles 33 et 34: on a créé des infractions canadiennes pour quiconque donne de faux renseignements, entrave l'agent dans l'exercice de ses fonctions ou résiste à un agent étranger chargé de faire respecter les lois civiles de son pays.
• 1125
C'est cela que nous trouvons contestable. Nous ne croyons pas
nécessaire de créer des infractions canadiennes pour que cette zone
de précontrôle soit opérationnelle. Nos amis de l'ATAC et du
ministère des Affaires étrangères disent que non, il est absolument
essentiel d'avoir ces dispositions dans la loi. Nous ne croyons pas
que cela soit essentiel. Ils disent que ces mesures vont
correspondre à ce qui se fait déjà au poste frontalier terrestre.
Sauf tout le respect que je leur dois, je ne crois pas que ce sera
le cas. Ils disent que, ce que nous voulons faire, c'est reproduire
ce qui se fait au poste frontalier terrestre. On ne reproduira pas
ce qui se fait déjà. On crée ici un système différent. On crée des
infractions canadiennes. Si vous allez à un poste frontalier
terrestre et que vous mentez à un agent américain, vous ne
commettez pas d'infractions au Canada, mais c'est ce que nous
allons avoir ici avec ce système de précontrôle.
Mme Sheila Finestone: En vertu de l'article 34?
M. Michael Greene: En vertu des articles 33 et 34, on crée des infractions canadiennes.
Je pense que c'est très important. Je ne connais pas d'autre loi au Canada qui fait cela, qui crée une infraction parce que l'on a fait de fausses représentations, ou qu'on a donné des renseignements trompeurs, ou qu'on a résisté à un agent étranger qui fait respecter une loi étrangère. C'est ce qui nous préoccupe. C'est un pas important que nous franchissons ici. Sommes-nous vraiment obligés de franchir un pas aussi important? Nous disons que ce cadre de travail peut fonctionner sans que l'on crée ces infractions canadiennes.
Voilà qui constitue, à mon avis, l'essentiel de notre mémoire: que l'on se débarrasse de ces infractions canadiennes. Vous pouvez toujours vous protéger de telle manière à ne pas créer un maillon faible dans le système. Rappelez-vous: on ne reproduit pas ce qui se fait au poste frontalier en créant ces infractions canadiennes parce que l'on crée plutôt une situation différente.
Je vais vous donner une autre analogie. Nous permettons aux consulats et ambassades en sol canadien d'avoir des bureaux des visas. Nous leur permettons d'émettre des visas. Cela facilite le mouvement des gens en particulier. On ne commet pas d'infractions au Canada si on leur ment. Il se peut par contre que vos rapports avec ce pays en souffrent. Si vous présentez des documents frauduleux, il se peut que vous commettiez une infraction criminelle au Canada. Donc pour la personne qui entre dans la zone de précontrôle américaine et qui présente un faux passeport ou un document falsifié, nous disons que vous n'avez pas besoin de créer une infraction distincte; il existe déjà une infraction criminelle pour cela, à savoir l'usage de faux. Ça existe déjà. Invoquez l'article 24. Cette personne peut être détenue en vertu de l'article 24, qu'on la remette à un agent de la paix canadien, et cet agent de la paix pourra décider s'il doit appliquer la loi ou non.
De la même façon, si vous avez par exemple un passeur de drogue, nous disons d'utiliser le critère de l'article 24, à savoir les motifs raisonnables permettant de croire qu'une infraction a été commise, et si l'on en arrive à cette conclusion, on appelle la GRC ou la police locale ou quelqu'un d'autre. Ceux-ci peuvent appliquer la loi canadienne parce qu'il s'agit d'une infraction. Nous n'allons pas laisser les terroristes et trafiquants de drogue s'en sortir parce que nous ne créons pas d'infractions canadiennes ici. Il n'y aura pas de maillon faible dans la chaîne.
J'ai lu le mémoire de l'ATAC qui dit que ce sera un accès facile pour les criminels et les terroristes. Ce n'est pas vrai parce que d'une part ces moyens existent, ils pourraient être remis entre les mains d'agents de la paix canadiens. D'autre part, si, par exemple, c'est un présumé terroriste sur lequel les Américains veulent mettre la main, il suffit de le laisser dans l'avion et d'être là pour le cueillir à son arrivée, s'ils le veulent. Ils peuvent donc vraiment lui mettre la main au collet s'ils le veulent tellement. Mais ils peuvent le faire en invoquant l'article 24. Nous disons donc qu'avec le libellé que nous suggérons, il suffirait d'indiquer à l'article 10 qu'il y a un droit de retrait. Il suffirait de supprimer la deuxième partie de l'article 10. Nous disons: supprimez les articles 33 et 34 qui créent les infractions.
Dans notre mémoire initial, vous verrez que nous avons indiqué une objection majeure à l'article 33 pour un certain nombre de raisons qui ne sont plus pertinentes puisque le libellé a été sensiblement modifié. Nous n'attaquions pas tellement le libellé de l'article 34 mais je vais le faire maintenant. Je dirai que si on laisse ces articles sur les infractions, il n'y a pas de raison de libeller différemment l'article 34 et l'article 33. Comme l'article 33 a maintenant été changé, il ne s'agit plus que d'une infraction sommaire punissable par amende. À l'article 34, on n'a rien changé; il peut y avoir une peine d'emprisonnement et on peut parler d'acte criminel. Je ne vois vraiment pas pourquoi si on laisse ces articles concernant les infractions on laisserait un tel libellé. Il devrait s'agir dans les deux cas d'infractions punissables par procédure sommaire.
• 1130
Nos amis du ministère des Affaires étrangères déclarent qu'ils
n'ont pas vraiment l'intention de poursuivre ceci vigoureusement.
Qu'il nous suffit de créer un mécanisme qui leur permette de
détenir les voyageurs et de procéder aux fouilles, etc. C'est la
raison pour laquelle ces articles sur les infractions sont là. Si
c'est la raison, il faut qu'ils soient aussi faibles que possible
si l'on n'a pas vraiment l'intention de poursuivre les gens.
J'ai l'impression que si l'on a ces articles-là, on va les utiliser car c'est en général ce que l'on fait des lois. Les Américains vont exercer beaucoup de pression sur nous pour qu'on les mette en application et lorsque nous déciderons de ne pas le faire, ils vont protester.
Pour les autres pouvoirs, nous disons que l'on peut donner le pouvoir de faire des fouilles—ce n'est pas difficile. Si l'on accepte que si l'on veut aller aux États-Unis, il faut soumettre et utiliser un modèle fondé sur le consentement, il est entendu qu'on leur donne le pouvoir de faire des fouilles, et notamment physiques. Laissez cela. Le libellé ne pose pas de problème là où on dit que des agents canadiens seront appelés. Je crois qu'on peut le faire en se fondant sur le consentement. Si quelqu'un veut poursuivre son voyage et qu'il y a des motifs raisonnables pour nécessiter une fouille, c'est possible. Supprimez simplement l'obligation légale et les infractions.
Nos membres nous parlent de gens qui ont eu de mauvaises expériences dans les zones de précontrôle mais également aux frontières américaines. Ce qui nous préoccupe en partie, c'est que lorsque l'on permet à des agents étrangers d'opérer sur le sol canadien, ils ne sont redevables devant aucune autorité canadienne. Ils suivent les ordres d'un gouvernement étranger. Même si nous pouvons dire que la Constitution s'applique et que c'est le droit criminel canadien qui s'applique, il ne faut pas oublier que du point de vue opérationnel, la politique, l'orientation et les lois qu'ils appliquent sont étrangères à notre pays.
Pour cette raison, nous nous inquiétons de donner des pouvoirs que nous considérons excessifs à des gens qui ne relèvent pas de nos autorités. C'est quelque chose qui n'existe pas. Le libellé utilisé dans une bonne partie de ce projet de loi vient de la Loi canadienne sur les douanes. Il y a là une différence fondamentale. Tout d'abord, vous protégez l'intégrité du sol canadien mais vous traitez aussi d'agents des douanes qui sont responsables devant les autorités canadiennes et nous avons donc beaucoup plus la situation en mains.
Si les Canadiens n'apprécient pas la façon dont ce gouvernement étranger les traite en sol canadien dans les zones de précontrôle—et c'est la différence fondamentale—ils devraient pouvoir dire: «Je ne veux pas essayer d'entrer. Je m'en vais. Je prendrai mes vacances au Canada», ou quelque chose du genre.
Nous avons soulevé quelques autres préoccupations dans cette lettre. Je pourrai y revenir durant la période de questions. Il y a des questions qui portent sur l'information—sur le respect des renseignements personnels—et d'autres plus précises sur la détention et les seuils. J'attendrai les questions. J'ai fini pour le moment.
Le président: Merci beaucoup. Je vous remercie, monsieur Greene.
M. Elliot va-t-il faire l'exposé pour l'ATAC? Évidemment, comme nous manquons de temps, je ne voudrais pas vous déranger dans la façon dont vous avez l'intention de présenter les choses, mais nous avons déjà entendu pas mal parler de la question des avantages du système pour les aéroports, les compagnies aériennes, l'industrie et les avantages économiques, etc. Peut-être que vous pourriez ce matin nous parler davantage des problèmes que présente le projet de loi à cet égard. Mais c'est à vous de décider.
M. Geoffrey Elliot (vice-président exécutif, Association du transport aérien du Canada): Monsieur le président, merci beaucoup. Nous avons l'intention de nous en tenir aux questions qui ont été soulevées par l'Association du Barreau canadien, essentiellement parce que je sais que ce sont les plus difficiles à examiner.
Dans mon mémoire, j'ai un petit chapitre qui traite des avantages et je vais donc peut-être le sauter quand j'y arriverai. Je sais que vous avez entendu le Conseil des aéroports canadiens et j'ai l'impression que son mémoire a porté presque exclusivement sur l'importance du précontrôle, du point de vue économique et pour notre secteur.
Je suis vice-président exécutif de l'Association du transport aérien du Canada. Je dois dire tout d'abord que je ne suis pas avocat, mais que je suis accompagné de plusieurs membres du service du contentieux de notre association qui sont des avocats en exercice et membres de l'Association du Barreau canadien. Christine Kurrant est l'avocate auprès des Lignes aériennes Canadian et George Petsikas auprès d'Air Transat. George se trouve aussi être le président de la Section du droit de l'air et de l'espace de l'Association du Barreau canadien. Guy Poppe est avocat auprès d'Air Canada.
• 1135
Comme vous le savez, le secteur des transports canadien est
tout à fait favorable au projet de loi S-22 et il n'y a pas de
divergence d'opinions entre nous. Le projet de loi est important.
Nous estimons qu'il doit être adopté aussi vite que possible et
nous vous invitons instamment à le faire.
Je reviendrai dans un instant sur les raisons économiques et commerciales qui nous poussent à appuyer ce projet de loi mais, comme je le disais, la Section de l'immigration de l'Association du Barreau canadien a soulevé un certain nombre de préoccupations au sujet du projet de loi aujourd'hui et lorsqu'elle a comparu devant le Sénat. C'est là-dessus que j'aimerais m'arrêter ce matin.
Nous comprenons ce qui inquiète la Section de l'immigration mais, très franchement, nous ne sommes pas d'accord avec elle. Je vais donc vous expliquer pourquoi l'ATAC et les avocats qui travaillent dans le secteur de l'aviation ne sont pas d'accord.
La principale préoccupation de l'ABC—et on l'a répété ce matin—est que le projet de loi S-22 représente une intrusion dans la souveraineté canadienne et permet aux États-Unis de disposer de pouvoirs leur permettant de faire appliquer leurs lois en sol canadien. Nous estimons que cette affirmation est trompeuse parce que la loi canadienne demeurera suprême dans la zone de précontrôle des aéroports. Seul le Canada mettra en application le droit criminel et l'entente avec les États-Unis est absolument réciproque. Les fonctionnaires canadiens auront des pouvoirs similaires aux États-Unis, lorsque le Canada exercera son droit d'avoir des stations de précontrôle aux États-Unis. Même si ce n'est pas forcément pour demain pour les transports aériens, je crois qu'il y a des choses qui se préparent dans ce domaine.
Les rédacteurs du projet de loi S-22 et les négociateurs du précontrôle canadiens avec les États-Unis faisaient face à un défi très complexe. Il leur fallait équilibrer le besoin légitime des autorités américaines de protéger l'intégrité du réseau de contrôle des frontières américaines et le fait que les agents d'inspection américains se trouvaient en sol canadien lorsqu'ils s'acquittent de ces fonctions dans les aéroports canadiens. La tâche n'était pas aisée. Cela a certes nécessité des compromis et l'ATAC croit que les négociateurs et les rédacteurs juridiques sont arrivés à un excellent résultat.
L'essentiel de l'argument de l'ABC est que parce que le processus d'inspection se déroule au Canada avant qu'un voyageur n'embarque dans l'avion pour un vol transfrontalier, ce voyageur devrait être traité différemment de celui qui se présenterait à un agent d'inspection américain à une frontière terrestre ou à un point de postcontrôle à un aéroport américain.
L'ABC affirme que les agents américains dont le rôle est de faire appliquer les lois américaines sur les douanes et l'immigration enfreindraient en quelque sorte la souveraineté canadienne s'ils étaient autorisés par la loi canadienne à appliquer dans les stations de précontrôle des aéroports canadiens une norme d'application de la loi équivalente—et pas nécessairement identique—à celle qui s'applique aux stations d'inspection américaines et aux douanes canadiennes ou à d'autres frontières.
Autrement dit, l'ABC prétend que le Canada devrait insister pour que les Américains acceptent une norme de contrôle aux frontières inférieure pour les gens qui choisissent de demander à entrer aux États-Unis par avion à partir du Canada que pour ceux qui vont aux États-Unis en train, en autobus ou en voiture parce que dans tous ces cas, l'inspection aurait évidemment lieu aux États-Unis.
Le fait est qu'au poste frontalier terrestre, les autorités américaines responsables ont toujours été libres d'appliquer la loi américaine dans toute sa portée pour détenir, fouiller, saisir, poursuivre, verbaliser, emprisonner ou expulser des États-Unis tout individu qui se présente pour entrer dans le pays, y compris les Canadiens. Les Canadiens qui entrent aux États-Unis à un poste frontalier terrestre n'ont pas automatiquement droit de changer d'avis et de retraverser la frontière pour aller au Canada si les questions sont trop indiscrètes ou s'ils croient qu'un agent de douane américain a lieu de soupçonner qu'ils ont commis une infraction aux termes de la loi américaine. D'ailleurs, il en va de même pour les Américains qui se présentent au poste frontalier canadien. À partir du moment où ils sont en contact avec un agent d'inspection canadien, ils sont assujettis à l'application de toutes les dispositions de la loi canadienne. Ils n'ont pas le droit de retraverser le pont.
• 1140
La réalité, c'est qu'il est évidemment très avantageux et
beaucoup plus pratique pour les voyageurs que le gouvernement
américain ait accepté de placer des agents d'inspection dans les
aéroports canadiens afin de permettre aux voyageurs de s'assurer de
pouvoir entrer aux États-Unis avant de monter à bord d'un avion.
Pour eux, le précontrôle américain élimine la nécessité de se faire
inspecter après être arrivés dans un des aéroports d'entrée des
États-Unis qui sont très achalandés. Le précontrôle facilite les
correspondances puisque les vols transfrontaliers peuvent aller
directement ainsi aux portes des vols intérieurs dans les aéroports
des États-Unis et les bagages des voyageurs peuvent ainsi être
enregistrés jusqu'à leur destination finale. Je ne parle pas là des
avantages économiques que cela représente pour les compagnies
aériennes, je parle simplement des avantages pour les voyageurs.
Le précontrôle permet aussi d'utiliser pleinement les ciels ouverts pour offrir des vols sans escale du Canada vers les aéroports américains qui n'ont pas de services d'inspection de douane et d'immigration. Ainsi, beaucoup de transporteurs réguliers nolisés canadiens peuvent offrir des services sans escale vers d'innombrables destinations américaines qui ne seraient pas autrement abordables. C'est peut-être bon pour les compagnies aériennes mais cela avantage aussi des millions de Canadiens qui en profitent tous les ans.
Malgré cela, l'ABC prétend que le gouvernement américain devrait être tenu d'accepter une norme de contrôle frontalier inférieure et ainsi une application moins stricte de ses lois en prenant davantage de risques alors qu'il offre ce service aux Canadiens aux aéroports canadiens. Nous estimons qu'insister pour que les Américains acceptent de prendre davantage de risques aux aéroports canadiens serait tout à fait inacceptable pour les États-Unis et que les raisons sont évidentes. Nous jugeons donc que l'adoption des amendements proposés par l'ABC serait vraisemblablement tout à fait préjudiciable à tout le concept de précontrôle américain dans les aéroports canadiens.
Je vais maintenant passer aux recommandations spécifiques incluses dans le dernier mémoire de l'ABC. La première porte sur l'octroi aux agents d'un gouvernement étranger du pouvoir de faire appliquer des lois étrangères de précontrôle au Canada. L'ABC estime que c'est une intrusion dans la souveraineté canadienne.
Comme je l'ai déjà dit, le travail d'un agent de précontrôle américain consiste à appliquer la loi américaine et les normes américaines concernant le contrôle des frontières. Le projet de loi S-22 ne donne pas aux agents américains le pouvoir de parcourir les aéroports canadiens pour faire appliquer la loi américaine. En fait, le projet de loi codifie et limite les pouvoirs d'inspection des États-Unis et limite l'exercice de ces pouvoirs à des zones précisément définies dans des aéroports canadiens désignés.
Les seuls Canadiens que rencontrent les inspecteurs américains sont ceux qui demandent volontairement d'entrer aux États-Unis juste avant de monter à bord d'un avion. Lorsque l'ABC dit que les États-Unis devraient être invités à accepter une norme inférieure de contrôle aux frontières pour les voyageurs passant la zone de précontrôle dans les aéroports canadiens qu'aux autres postes-frontières, nous estimons que c'est irréaliste.
Nous croyons d'autre part que le projet de loi protège les droits des Canadiens dans ces circonstances. Protéger les droits des Canadiens et, de ce fait, des citoyens de pays étrangers qui passent par les aéroports canadiens, est évidemment important et délicat. Nous sommes convaincus que les négociateurs canadiens du précontrôle ont été extrêmement prudents et soigneux dans leurs négociations avec les États-Unis et dans la rédaction du projet de loi. La Loi sur le précontrôle protégera en fait les droits prévus dans la loi canadienne pour ceux qui entrent aux États-Unis en passant par des aéroports canadiens.
La Charte des droits et libertés et toutes les lois canadiennes continueront à s'appliquer dans la zone de précontrôle. L'application du droit criminel canadien et des pénalités compensera le fait que les inspecteurs américains ne sont pas habilités à appliquer le droit criminel américain dans les aéroports canadiens. La mise en application de la loi dans les zones de précontrôle sera laissée aux agents de police canadiens. Seuls les Canadiens entameront des poursuites criminelles, en vertu du droit canadien et devant les tribunaux canadiens. Au cas où des fouilles à nu seraient nécessaires—et cela a été un sujet de controverse par le passé—celles-ci seront menées uniquement par des agents canadiens responsables de l'application de la loi exclusivement pour des motifs qui correspondent à la loi canadienne.
• 1145
L'ABC croit que les gens qui sont ainsi inspectés devraient
avoir le droit de se soustraire au processus d'inspection à
n'importe quel moment. Nous ne sommes pas d'accord. Comme je le
disais, ce droit de retour en arrière n'existe pas pour les voyages
en autobus, en train ou en automobile aux postes frontaliers
terrestres et les voyageurs peuvent en plus, dans ce cas, voir leur
moyen de transport saisi et mis à la fourrière.
En fait, dans les zones de précontrôle des aéroports, les Canadiens conserveraient le droit de changer d'avis et de ne plus aller aux États-Unis jusqu'au moment où un agent américain aurait des motifs raisonnables de soupçonner cette personne d'infraction.
L'adoption de la position de l'ABC sur le droit de se retirer à tout moment aboutirait à une norme d'inspection américaine moins rigoureuse dans les aéroports canadiens qu'elle ne l'est aux postes frontaliers terrestres ou aux stations de postcontrôle dans les aéroports américains, ce qui ferait des aéroports canadiens un meilleur point d'entrée aux États-Unis pour les éléments criminels et d'autres indésirables. Non seulement cela abaisserait la norme au point d'être inacceptable pour les autorités américaines, mais cela aboutirait aussi à une augmentation inacceptable des risques pour la sécurité dans les aéroports canadiens touchés car ces éléments de la société découvriraient que c'est là le maillon faible de la chaîne.
Quant au droit d'imposer des amendes et de saisir des biens, nous croyons que c'est un élément universel de l'administration du contrôle des frontières, de la loi et des pratiques et que cela devrait également être reconnu aux autorités américaines lorsqu'elles appliquent leurs lois aux points de précontrôle. Là encore, il s'agit de pouvoirs normaux pour les autorités douanières dans le monde entier, il s'agit de combattre le trafic illégal, le crime légalisé et la contrebande. Refuser d'accorder ces pouvoirs seraient diminuer le contrôle frontalier américain aux aéroports canadiens et ce ne serait pas acceptable pour les États-Unis.
Si on leur retirait le pouvoir d'imposer des amendes et de saisir des biens, cela ferait aussi une distinction entre les postes frontaliers terrestres et le précontrôle dans les aéroports et cela abaisserait considérablement le risque pour le criminel qui choisirait d'entrer aux États-Unis en passant par un aéroport canadien. Ce ne serait pas acceptable pour les États-Unis et ce serait pour une raison que j'ai déjà donnée une mauvaise politique pour le Canada.
Un autre point soulevé par l'ABC concerne la possibilité d'utiliser toute la force nécessaire pour détenir des présumés criminels. Nous ne voyons pas d'objection en principe à la proposition de l'ABC qui consiste à insérer le mot «raisonnablement» avant «nécessaire» au paragraphe 1 de l'article 12, mais nous ne sommes pas sûrs que cela ajoute quoi que ce soit car nous estimons qu'il est de toute façon implicite que les agents des États-Unis ne seraient pas autorisés par la loi à user de façon déraisonnable de la force.
M. Greene a mentionné les fouilles. Nous estimons que les fouilles devraient être autorisées quand on «soupçonne pour des motifs raisonnables», et non pas quand on «croit pour des motifs raisonnables», comme le propose M. Greene.
Là encore, l'ABC souhaiterait une double norme. Il serait déraisonnable de prétendre que les autorités américaines devraient avoir à accepter d'être tenues d'avoir «de bonnes raisons de croire» plutôt que «de bonnes raisons de soupçonner» que quelqu'un qui cherche à entrer aux États-Unis peut poser un problème alors que pour les fouilles pratiquées par les agents de douane canadiens en vertu de la loi canadienne sur les gens qui entrent au Canada, on s'en tient à «de bonnes raisons de soupçonner».
L'ABC s'inquiète aussi des informations sur les voyageurs et du non-respect éventuel du caractère privé de ces renseignements. C'est une question beaucoup plus vaste. Les autorités d'inspection aux États-Unis, au Canada et dans le monde entier cherchent à avoir accès à l'avance aux renseignements sur les voyageurs afin de pouvoir déterminer à l'avance les risques et d'affecter les ressources de contrôle aux frontières, qui sont de plus en plus maigres, aux secteurs à plus hauts risques. Ces informations deviennent de toute façon disponibles au moment de l'inspection lorsque l'on questionne directement le voyageur.
Les renseignements sur les voyageurs dans le contexte du projet de loi S-22 ne s'appliquent pas aux Canadiens qui traversent simplement la frontière des États-Unis. Cela ne sera fourni que pour les voyageurs en transit venant d'un pays tiers en route vers les États-Unis de sorte que les agents d'inspection américains aux aéroports canadiens aient à l'avance des informations sur qui arrive. Auparavant, ils savaient que tous les voyageurs étaient d'abord passés par les services de douane et d'immigration canadiens si bien que le risque était moindre.
• 1150
L'ABC ne voudrait pas que la loi canadienne considère qu'il y
a infraction quand on résiste à un agent d'inspection américain ou
qu'on l'induit en erreur. M. Greene a mentionné à nouveau cela ce
matin. Il faut pouvoir créer une base à partir de laquelle
déclencher la possibilité d'avoir recours à d'autres pouvoirs pour
les agents d'inspection américains. Une fausse déclaration ne
pourrait être considérée comme une infraction que si elle est
pertinente pour l'entrée de cette personne et de marchandises aux
États-Unis. Toutefois, des mensonges et fausses déclarations au
moment où un agent d'inspection interroge l'individu peuvent
fournir les motifs nécessaires de soupçon raisonnable d'infraction
et ainsi déclencher le recours possible à d'autres pouvoirs de
fouilles, saisies et détentions en attendant l'intervention d'un
agent de la force publique canadienne. D'ailleurs, aux termes du
droit canadien, faire une fausse déclaration devant un agent des
douanes canadien est également considéré comme une infraction. Il
n'y a donc rien de nouveau à cela.
Monsieur le président, j'ai ici un chapitre qui traite de l'importance que revêt pour notre secteur l'adoption de cette Loi sur le précontrôle. Comme je sais que vous n'avez pas beaucoup de temps et comme c'est dans notre mémoire, que vous avez tous reçu, je pourrais me dispenser de vous le lire.
Le président: Nous pouvons donc nous arrêter là car nous risquerons de perdre certains députés qui aimeraient vous poser des questions.
[Français]
Mme Sheila Finestone: Puis-je lui demander si leur niveau de protection et de vérification est plus bas ou plus haut que celui du Canada?
[Traduction]
Merci beaucoup de vos exposés. J'ai trouvé tout cela très intéressant. Je dois dire que pour la première fois, je comprends un peu mieux de quoi il est question dans ce projet de loi. Je ne sais pas qui a raison et qui a tort et cela n'est pas grave. Je vais étudier la question moi-même. Je vous remercie toutefois de vos exposés et je préférerais aussi que l'on ajoute «raisonnablement» à l'expression «la force nécessaire» au paragraphe 1 de l'article 12. Je puis vous dire cela tout de suite.
Je m'intéresse beaucoup à la protection des renseignements personnels et aux droits connexes et j'examinerai donc cela de près en essayant d'obtenir d'autres renseignements. Si cela préoccupe certains, je veux comprendre pourquoi. Nous risquons déjà assez en ce monde de perdre le contrôle de nos renseignements personnels.
J'aimerais savoir pourquoi, monsieur Elliot, vous semblez laisser entendre—et je vous ai peut-être mal compris—que le droit américain serait meilleur ou aurait des normes meilleures que le droit canadien, ou vice-versa. C'est ma première question.
Deuxièmement, vous ne vous inquiétez pas du tout de la question qui a été soulevée à propos des articles 32, 33 et 34. Estimez-vous qu'ils ne sont pas pertinents?
Enfin, quand la loi américaine qui est censée faire le pendant de celle-ci devrait-elle entrer en vigueur? Est-ce qu'elle a déjà été présentée au Congrès? Comme il s'agit d'une année électorale, pensez-vous que le Congrès américain va se pencher sur cette loi et l'adopter?
J'ai un peu l'impression—et j'espère que je me trompe—que l'on nous menace: si nous n'adoptons pas le projet de loi tel quel, nous manquons une occasion d'avoir un outil important et nécessaire, à savoir le précontrôle. Je n'ai pas apprécié cela. Je n'aime pas que l'on me menace en me disant que si je n'accepte pas quelque chose, notre grand frère d'à côté n'acceptera pas de changements. Je suis désolée mais nous avons une loi canadienne. Si les normes sont plus élevées ou plus basses, je veux le savoir. Et nous avons le droit, en tant que pays souverain, d'exprimer une position et des préoccupations. Si les parlementaires et l'exécutif jugent que quelque chose se défend, je pense que ce devrait être acceptable pour les Canadiens.
J'aimerais donc savoir où en est la loi américaine. Quand sera-t-elle adoptée? Je crois qu'il faut qu'il y ait une autre loi aux États-Unis. Deuxièmement, cette question de protection des renseignements personnels et, troisièmement, les amendements.
Merci beaucoup. Je suis désolée mais vous deviez...
Le président: Ne vous en allez pas avant d'avoir entendu la réponse.
Mme Sheila Finestone: Je pourrai toujours le lire dans le hansard.
Le président: On ne publie plus les audiences de notre comité dans le hansard.
M. Geoffrey Elliot: Je vais répondre, monsieur le président, et j'invite mes collègues avocats à compléter au besoin ma réponse.
• 1155
Tout d'abord, je ne disais pas que les lois américaines sont
meilleures que les lois canadiennes. Ce que je disais c'est que la
norme américaine d'application de la loi aux postes frontaliers
terrestres serait supérieure à celle que l'on aurait dans les
aéroports canadiens si les amendements proposés par l'ABC devaient
être acceptés. Et les autorités américaines, pour de bonnes
raisons, ne voudraient pas créer un maillon faible dans le réseau
de contrôle frontalier aux aéroports canadiens.
Mme Sheila Finestone: Cela signifie-t-il que les deux sont exactement les mêmes actuellement et sont interchangeables?
M. Geoffrey Elliot: Je pense que vous devriez consulter le ministère canadien de la Justice à ce sujet. Mais, pour le moment, je ne crois pas qu'il existe de codification juridique de ce que font les bureaux de douane américains aux postes de précontrôle canadiens, ce qui fait que l'on pourrait contester leurs actes en vertu du droit canadien. Ce projet de loi rectifierait en partie cette situation.
Ce n'est pas que les lois américaines prévoient des normes de contrôle frontalier supérieures aux lois canadiennes. C'est qu'il faut que les Américains puissent faire appliquer leurs lois au Canada comme ils le font aux États-Unis lorsqu'ils font appliquer ces mêmes lois. Et bien qu'il ne s'agisse pas de faire appliquer le droit criminel américain dans les aéroports canadiens, ce que prévoit ce projet de loi, c'est la possibilité d'appliquer le droit criminel canadien dans des circonstances où il y a infraction. Pour cela, il faut habiliter des agents d'inspection américains à exercer des pouvoirs de fouille, saisie et détention lorsqu'ils ont des motifs raisonnables de soupçonner qu'une personne demandant à entrer aux États-Unis a commis une infraction.
M. Deepak Obhrai: Madame Finestone, vous avez posé une question de nature hautement juridique et la réponse devrait venir du Comité de la justice, non pas de M. Elliott, qui n'est pas avocat. Je comprends votre point de vue.
Mme Sheila Finestone: [Note de la rédaction: Inaudible]
M. Deepak Obhrai: Mais la réponse devrait venir du Comité de la justice. C'est un très bon point. Il s'agit d'une question de nature juridique très importante, mais je pense que la réponse doit venir...
Mme Sheila Finestone: Je veux savoir quelles sont les conséquences dans le projet de loi. Peu importe d'où vient la réponse, si vous me comprenez.
M. Deepak Obhrai: Ce sera quand même noté dans le compte rendu.
Mme Sheila Finestone: Oui.
[Français]
M. Daniel Turp: Je trouve que c'est une bonne question.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup. Tant mieux.
[Traduction]
Le président: Ce n'est pas au Comité de la justice à s'occuper de cette question. Nous devons décider si nous allons adopter le projet de loi ou non. Le Comité de la justice n'a rien à voir avec cela et nous n'allons pas le faire intervenir.
M. Deepak Obhrai: Je voulais dire le ministère de la Justice.
Le président: Vous pouvez être certain qu'il y a quelqu'un du ministère qui écoute ce que nous disons et qui pourra répondre à ces questions au moment de l'étude article par article parce que cela cause nettement un problème.
Comme vous le voyez, M. Elliott est accompagné par un avocat et il va nous donner son avis.
M. Geoffrey Elliott: La question de Mme Finestone portait sur autre chose. Elle voulait notamment savoir si nous adoptons ce processus à cause d'une menace des États-Unis. Encore là, je pense...
Mme Sheila Finestone: Je n'ai pas dit que c'était sous la menace. C'est vous qui avez fait une menace. Je n'ai pas dit que les États-Unis nous avaient menacés. C'est vous qui l'avez fait.
M. Geoffrey Elliott: J'ai proféré des menaces?
Mme Sheila Finestone: Je pense que, vu la façon dont vous avez présenté cette question... Vous avez dit que, si nous décidions de modifier le projet de loi d'une façon quelconque, il ne sera jamais adopté parce que les États-Unis n'accepteront pas de changement.
M. Geoffrey Elliott: Je n'ai pas dit cela.
Mme Sheila Finestone: Oui, vous l'avez dit et ce sera noté dans le compte rendu. C'est pour cela que j'ai posé ma question. Où le processus est-il rendu aux États-Unis? A-t-on déjà rédigé un projet de loi? Avez-vous vu le projet de loi correspondant? Savez-vous s'il sera accepté ou non aux États-Unis? Quand sera-t-il présenté?
M. Geoffrey Elliott: Je pense que vous devriez poser cette question aussi aux fonctionnaires du Canada. Je ne suis même pas certain que les États-Unis aient besoin d'une loi quelconque pour appliquer les dispositions de l'accord de prédédouanement.
Mme Sheila Finestone: Je pense que oui. De toute façon...
M. Geoffrey Elliott: Je ne connais pas la réponse.
Je pensais que vous demandiez si les États-Unis refuseraient d'avoir un précontrôle au Canada si le projet de loi n'est pas adopté sous sa forme actuelle. Je ne pense pas avoir dit cela exactement. Par ailleurs, la Loi sur le précontrôle définit les cas où les agents américains peuvent faire leur travail au Canada et, si le Canada n'est pas prêt à accepter les conditions, peu importe comment le projet de loi est rédigé au juste, qui permettront aux agents américains d'effectuer un contrôle aux aéroports canadiens de façon raisonnablement équivalente à celui qui se fait à d'autres points frontières, il y a effectivement un risque important que la possibilité d'avoir le précontrôle au Canada disparaisse. Le projet de loi est justement conçu pour régler cette question.
Mme Sheila Finestone: Merci beaucoup.
Le président: Merci.
Nous entendrons maintenant M. Obhrai et ensuite M. Turp.
M. Deepak Obhrai: Merci de votre exposé.
Avant de poser une question à M. Greene, je voudrais simplement signaler à M. Elliott que les questions soulevées par Mme Finestone sont de nature juridique et qu'il me semble que vous courez un risque en y répondant pour le ministère. Mme Finestone a soulevé toutes sortes de questions de nature juridique.
Ma question s'adresse à M. Greene. Monsieur Greene, avant de commencer votre exposé, vous avez fait une observation qui m'inspire des réserves. Vous avez dit que vous représentiez les gens qui traversent la frontière à destination ou en provenance des États-Unis. Il me semble que vous ne représentez pas ceux qui traversent d'un côté ou de l'autre. Je veux dire que vous ne me représentez certainement pas. Vous dites que vous représentez ces gens parce que vous faites partie de l'Association du Barreau canadien.
Cela m'amène à une autre chose. Il y des membres de l'Association du Barreau canadien de ce côté-ci et vous faites partie de l'association du barreau de ce côté-là. Je ne vois pas vraiment comment...
Mme Sheila Finestone: Et les deux sont inconciliables. C'est merveilleux.
M. Deepak Obhrai: Laissez-moi terminer, madame Finestone.
J'ignore combien de membres de votre association approuvent votre exposé. Je voudrais cependant vous poser une question à ce sujet parce que je trouve quelque peu curieux que vous nous disiez que cette mesure devrait être volontaire. C'est peut-être un avis que vous pouvez donner. Cependant, si le gouvernement des États-Unis et le gouvernement du Canada décident d'investir beaucoup d'argent pour ouvrir les frontières, je ne vois pas comment une méthode volontaire pourrait fonctionner.
Cela me ramène au fait que le projet de loi pourrait représenter d'énormes avantages économiques et beaucoup de commodité pour le public canadien. Vous dites que les autorités américaines peuvent laisser les gens partir et les arrêter quand ils entrent aux États-Unis, mais cela va à l'encontre du fait que le projet de loi vise justement à favoriser un mouvement plus rapide à la frontière qui serait avantageux non seulement pour l'industrie aérienne, mais aussi pour le public canadien.
Il y a donc deux choses.
Vous avez aussi fait une affirmation, que je ne peux pas vraiment commenter, même si vous l'avez fait vous-même. Vous avez dit que l'article 33 avait été modifié, mais pas l'article 34, et que c'était quelque peu contradictoire. Je suis bien d'accord que «raisonnable» semble être le bon mot.
Vous pourriez peut-être commenter ces divers points.
M. Michael Greene: Certainement. Je vais essayer de vous répondre.
Tout d'abord, quand j'ai dit que nous représentions les voyageurs dans un sens et dans l'autre, ce que je voulais dire, c'est que les avocats spécialisés en droit d'immigration représentent des voyageurs dans les deux directions. C'est tout ce que je veux dire. Par exemple, je représente moi-même beaucoup de clients d'affaires qui font des voyages d'affaires aux États-Unis. Nous devons donc nous occuper des questions de ce genre.
Quant à savoir si un système volontaire peut fonctionner ou non, je peux vous dire que le système fonctionne depuis 40 ans sans qu'il s'appuie sur la moindre mesure législative. Le système fonctionne raisonnablement bien, assez pour que les Américains aiment venir au Canada. Certains problèmes ont surgi et c'est parce qu'on voulait appliquer le système aux voyageurs en transit qu'on a décidé d'adopter le projet de loi. Cependant, le système peut fonctionner de façon volontaire très efficacement comme il l'a fait dans le passé.
Le président: Avez-vous bien dit 40 ans, monsieur Greene?
M. Michael Greene: Il existe des zones de précontrôle au Canada depuis les années 50.
Si vous pensez que les autorités américaines fermeraient leurs bureaux si elles n'avaient pas ces pouvoirs, je peux vous dire qu'elles n'ont pas ces pouvoirs depuis 40 ans, mais qu'elles n'ont toujours pas fermé leurs bureaux. Je ne pense pas que le fait de ne pas leur donner ces pouvoirs maintenant y change quoi que ce soit. C'est certainement avantageux pour les voyageurs canadiens d'avoir un tel système, mais c'est aussi extrêmement avantageux pour les États-Unis d'avoir un processus de précontrôle à l'extérieur des États-Unis.
• 1205
J'en ai parlé à divers représentants du Service d'immigration
des États-Unis. Ce processus est vraiment très avantageux pour eux,
en partie à cause de l'effet d'entonnoir. Les autorités américaines
peuvent avoir une dizaines de zones de précontrôle au Canada et les
voyageurs peuvent ensuite se diriger vers des aérogares un peu
partout aux États-Unis et ce n'est plus nécessaire d'avoir là-bas
des services de douanes et d'immigration à 50 aéroports. On peut
faire le travail à 10 aéroports au Canada. C'est très avantageux.
Les autorités américaines ne vont certainement pas se débarrasser
du système si nous supprimons les dispositions relatives aux
infractions en droit canadien. J'aurais bien du mal à le croire.
Vous avez parlé de l'Association du Barreau canadien. Je voudrais vous expliquer comment se sont passées les choses. On a communiqué avec nous. Quand les représentants du ministère des Affaires étrangères ont témoigné devant le comité du Sénat, on leur a demandé si quelqu'un s'était opposé au projet de loi. Le témoin a répondu que c'était un peu comme demander à un lanceur qui est sur le point d'enregistrer une partie sans point ni coup sûr s'il y avait des problèmes. Il a dit qu'il n'y en avait pas, que le projet de loi avait été remis aux avocats spécialisés en droit de l'immigration et que l'Association du Barreau avait l'habitude de dire clairement ce qu'elle pensait de ces questions, mais qu'elle n'avait rien dit dans ce cas-ci.
Nous n'avions pas encore vu le projet de loi à ce moment-là. C'est un peu comme si une équipe de base-ball enregistrait une partie sans point ni coup sûr sans avoir dit à l'autre équipe qu'on jouait au base-ball. Nous avons été mis au courant à la dernière minute. Nous avons appris ce qui se passait une semaine avant d'aller témoigner devant le Sénat. Cela nous préoccupait beaucoup. Je pense que mes collègues de l'Association de transport aérien étaient au courant, mais ils n'en avaient pas informé l'ABC. Nous n'avions aucune idée de ce qui se passait.
Nous avons préparé un mémoire que nous avons transmis au Comité de la législation et de la réforme du droit de l'ABC, qui représente toute l'ABC et non seulement la section de l'Immigration. Les membres de ce comité viennent de tous les horizons au sein de l'ABC. Ils ont approuvé le mémoire. Ils en ont même renforcé certaines parties. Celui-ci a ensuite été remis à l'exécutif de l'ABC, qui l'a lu et approuvé.
Nous avons ici des gens qui font partie de l'ABC, mais qui ne témoignent pas à ce titre. Il y a des députés des deux côtés de la Chambre des communes qui font partie de l'ABC. Le simple fait d'être membre de l'ABC ne veut pas dire que vous savez quelle est la position de l'ABC sur diverses questions. Nous prenons position à l'occasion. C'est une question qui nous préoccupe et nous avons pris position dans ce cas-ci.
Comme je l'ai dit, nous avons certains intérêts communs. Mes collègues de la section du transport aérien sont en faveur du projet de loi. Nous le sommes aussi. C'est une chose que nous avons en commun.
J'ignore si cela répond à toutes vos questions.
Le président: Monsieur Greene, sans vouloir entrer dans l'aspect politique de la question à l'ABC, vous reflétez le point de vue du Comité de l'immigration de l'ABC, mais pas de l'ensemble de l'ABC. Sinon, le projet de loi devrait être étudié par le Comité du commerce et le Comité du transport aérien de l'ABC. Vous auriez ensuite une réponse au nom de l'Association du Barreau canadien. Vous reflétez exclusivement le point de vue de votre sous-comité, n'est-ce pas?
Mme Joan Bercovich: Oui, et je peux expliquer le processus. C'est la section du droit de l'immigration de l'ABC qui a préparé le mémoire. Le processus d'approbation passe par divers paliers à l'association. D'abord, il y a la section du droit de l'immigration elle-même, qui a un exécutif de 20 membres, qui ont tous eu l'occasion de lire le mémoire et de le transmettre à tous ceux qu'ils représentent dans les provinces et les territoires du Canada où l'on a des sections de l'ABC sur le droit de l'immigration, c'est-à-dire dans toutes les provinces et tous les territoires.
Une fois approuvé par ce groupe très nombreux comme reflétant la position de la section du droit de l'immigration, le document est ensuite envoyé à ce que nous appelons le Comité de la législation et de la réforme du droit, un comité permanent de l'ABC composé de six personnes. Ce comité est chargé d'examiner le mémoire et de l'évaluer à partir des normes de l'ABC pour s'assurer qu'il n'y a pas contradiction entre ce qu'on y affirme et la politique courante de l'ABC et que le document est conforme aux normes de l'ABC. Les divers mémoires font l'objet d'un examen très rigoureux. Comme l'a dit Michael, la plupart du temps, le comité atténue ce que nous disons dans les mémoires destinés aux comités de la Chambre ou du Sénat. Dans ce cas-ci, le comité a renforcé le mémoire. Le comité formule ensuite une recommandation à l'exécutif de l'ABC, qui se compose de l'ancien président, du président, du trésorier et—je m'excuse, mais j'ai oublié qui est l'autre membre—et ils l'approuvent comme énoncé de principe de la section du droit de l'immigration.
Le président: Merci. Le document a donc été vu par plus d'une section.
M. Deepak Obhrai: Mon autre question portait sur les articles 33 et 34.
M. Michael Greene: Je m'excuse de ne pas avoir répondu à cette question. Vouliez-vous...
Le président: Vous aviez quelque chose à dire au sujet du processus de l'ABC, monsieur Petsikas. Faites-le tout de suite pour que tout le monde sache ce qu'il en est.
[Français]
M. George Petsikas (Association de transport aérien du Canada): Monsieur le président, je suis d'accord que ce n'est pas le moment d'entrer dans le débat concernant la procédure interne de l'Association du Barreau canadien. Cependant, comme vous le savez, je suis président de la section du droit aérien et spatial de l'Association du Barreau canadien et je dois vous dire que certains avocats parmi nos membres travaillent aussi pour des transporteurs aériens, ce qui est normal. Nous avons donc un intérêt évident pour ce dossier, mais nous n'avons jamais été consultés par l'Association du Barreau canadien sur ce sujet.
• 1210
Je crois que la distinction que vous venez de
faire est exacte. C'est la position de la
section d'immigration qui a été présentée au Conseil
de l'Association du Barreau canadien que
vous avez devant vous.
Nous sommes ici en tant que membres de la communauté canadienne de l'aviation, mais il faut dire, pour le procès-verbal, qu'il ne s'agit pas d'une opinion unanime de l'Association du Barreau canadien.
[Traduction]
Le président: Mme Bercovich a bien expliqué que le document venait de la section du droit de l'immigration et que c'était la façon normale de procéder. Le document est transmis au reste de l'Association du Barreau avant d'être approuvé. Nous comprenons tous le processus maintenant.
[Français]
M. Daniel Turp: Je pourrais ajouter que votre section aurait pu faire exactement la même démarche que celle de l'immigration, ce qui n'a pas été fait, si j'ai bien compris.
M. George Petsikas: C'est vrai, mais pour cela, il aurait fallu qu'on soit avisés et consultés formellement par le mécanisme qui existe au sein de l'Association du Barreau canadien ici, à Ottawa. Il y a une centrale qui organise ces activités. On ne nous a jamais donné l'occasion de nous exprimer sous prétexte qu'on n'avait pas assez de temps pour nous consulter. Qu'est-ce que vous voulez que je vous dise?
[Traduction]
Le président: Revenons à la distinction à faire entre les articles 33 et 34. M. Greene en a-t-il parlé?
M. Deepak Obhrai: Je pense qu'il en a parlé. Il en avait été question tantôt.
M. Michael Greene: Certaines choses nous ont échappé.
Voulez-vous savoir pourquoi il faudrait modifier l'article 34 pour qu'il ressemble à l'article 33?
M. Deepak Obhrai: Non. Si j'ai bien lu votre lettre, ce qui vous inquiétait, c'est que le gouvernement ait modifié l'article 33 pour en faire une infraction punissable par procédure sommaire, mais qu'il n'a pas fait la même chose pour l'article 34.
M. Michael Greene: En effet.
M. Deepak Obhrai: Pourrais-je donc conclure qu'il s'agit encore d'une infraction criminelle aux termes de l'article 34?
M. Michael Greene: Oui, cela nous semble être une infraction criminelle.
M. Deepak Obhrai: Pouvez-vous me dire d'où vient la contradiction? Où est la contradiction entre les articles 33 et 34? S'agit-il de deux questions distinctes?
M. Michael Greene: Quand nous avons lu le libellé de l'article 33 relativement à divers points, y compris la façon très générale dont la disposition sur la représentation erronée était rédigée, nous avons signalé qu'il y avait divers problèmes dans cet article, notamment parce que nous considérions que le fait de n'avoir pas respecté une loi étrangère pouvait être un acte criminel. On a donc modifié l'article 33, mais pas l'article 34. Je pense que c'était un oubli, mais je n'en suis pas certain.
Le gouvernement avait peut-être une bonne raison de ne pas le faire, mais les infractions sont plus ou moins... Si les deux articles sont maintenus, il devrait y avoir équivalence. Il n'y a aucune raison pour qu'on ne parle pas dans les deux cas d'infraction punissable par procédure sommaire pour des choses qui ne sont pas des actes criminels. Les paragraphes de l'article 33 montrent bien qu'il ne s'agit pas d'acte criminel, mais le gouvernement n'a pas fait la même chose pour l'article 34 quand il a modifié le projet de loi.
Le président: Puis-je ajouter quelque chose?
M. Deepak Obhrai: Allez-y.
Le président: Il me semble que vous avez raison sur un point. Pourquoi ferait-on une distinction? Un article dit que c'est une infraction de faire une déclaration fausse oralement ou par écrit à un agent de la paix pour le précontrôle et que ce sera considéré comme une infraction punissable par procédure sommaire plutôt que comme un acte criminel. Il s'agit donc de fausses déclarations orales. L'autre article stipule que, si vous résistez ou si vous empêchez un agent de précontrôle de faire son travail... Il est peut-être logique de distinguer entre ces deux actes. Dans le premier cas, le voyageur écrit quelque chose et remet le document à l'agent de la paix. Dans l'autre cas, il empêche volontairement l'agent de la paix de faire son travail. Il me semble y avoir une différence qualitative dans la nature de ces deux infractions qui pourrait justifier l'imposition d'une peine plus sévère dans un cas que dans l'autre.
Cela ne semble pas être votre avis, mais vous conviendrez sans doute qu'il y a une différence dans la nature du comportement.
M. Michael Greene: Ce sont des infractions différentes.
Selon nous, on aurait pu réunir les deux en une seule infraction. Si vous comptez les maintenir, vous pourriez en faire une seule infraction, parce qu'elles sont de la même nature. Une fausse déclaration, par exemple, c'est se prétendre quelqu'un qu'on n'est pas. Vous pourriez être un terroriste qui prétend ne pas en être un. Vous pourriez présenter de faux documents, par exemple. Je ne sais pas si l'on peut vraiment considérer le fait de résister comme étant plus grave. De toute façon, c'est au ministère des Affaires étrangères à en juger.
D'un autre côté, nous ne voulons pas de ces articles du tout. Nous ne pensons pas en avoir besoin.
Le président: C'est ce que je pensais.
M. Michael Greene: Si vous voulez les maintenir, ils devraient être compatibles. Il n'y a aucune raison pour considérer comme des actes criminels des infractions punissables sur déclaration de culpabilité par procédure sommaire.
M. Deepak Obhrai: Je vous remercie beaucoup d'avoir répondu à ma question.
M. Michael Greene: Je peux vous donner quelques renseignements sur la question de réciprocité qu'a posée Mme Finestone. Elle a demandé ce qu'on avait fait aux États-Unis à ce sujet jusqu'ici. Il existe maintenant une disposition dans la loi américaine stipulant que, si un gouvernement étranger accorde des pouvoirs de précontrôle aux États-Unis, les autorités américaines peuvent conférer des pouvoirs réciproques. Dans un tel cas, il faut adopter une mesure législative appropriée.
Nous considérons donc qu'il n'y a pas de réciprocité. À l'heure actuelle, le processus ne fonctionne que dans un sens. Cela pourrait changer à l'avenir, mais pour l'instant, il ne fonctionne que dans un sens. Il n'y a pas de précontrôle. Le Canada ne fait pas de précontrôle ailleurs. Cela ne se fait qu'au Canada et cela vient de nos rapports avec les États-Unis.
Si vous lisez notre mémoire, vous verrez que nous parlons de la question de réciprocité. Le gouvernement prétend qu'il y a une disposition équivalente aux États-Unis, mais elle ne correspond nettement pas à ce projet de loi-ci. Pour qu'il y ait correspondance, il faudrait adopter une autre loi. Vu l'esprit qui règne au Congrès, je doute vraiment qu'il soit prêt à y songer, mais c'est une autre question.
Le président: C'est une observation intéressante.
Monsieur Turp.
[Français]
M. Daniel Turp: Merci, monsieur le président. C'était une de mes préoccupations, et j'aurai probablement une question additionnelle là-dessus, mais je voudrais d'abord remercier les témoins.
Ce matin, on a eu un exemple d'un débat entre témoins. Cela éclaire beaucoup les travaux du comité, et on l'apprécie beaucoup. Lors de l'étude d'un projet de loi comme celui-ci, qui limite la souveraineté ou à tout le moins confère des compétences à un autre État sur son territoire, ce qui est très exceptionnel, il faut avoir le souci d'assurer que l'exercice des compétences de cet autre État sur son territoire n'aille pas à l'encontre des lois de portée générale et ne limite pas de façon abusive la portée de ces lois.
Ma première question porte justement sur la Charte canadienne. Dans le mémoire de l'Association du Barreau canadien, on laisse entendre à plusieurs reprises que dans l'état actuel de son libellé, il y a plusieurs dispositions qui vont à l'encontre de la Charte et qui pourraient vraisemblablement être déclarées inopérantes par un tribunal canadien.
Je voudrais que vous nous indiquiez si, à votre avis, il y a dans ce projet des dispositions qui sont contraires à la Charte et qui pourraient faire l'objet d'une déclaration d'inconstitutionnalité si elles étaient contestées devant les tribunaux. C'est ma première question. Si vous le voulez, je vais les poser toutes en même temps.
Sur la réciprocité, est-ce que ça pose un problème qu'il n'y ait pas de réciprocité dans l'état actuel des choses? Croyez-vous que l'on ne devrait consentir à cette limitation des compétences sur le territoire canadien que s'il y avait, peut-être dans le traité qui serait la suite de cette loi, un engagement formel de même nature de la part de l'autre gouvernement qui ferait qu'il y aurait obligation d'adopter une loi semblable lorsque le Canada voudrait obtenir aux États-Unis un droit de précontrôle équivalent à celui qu'il reconnaîtrait dans sa loi?
Ma troisième question porte sur un élément que vous évoquez et que je trouve tout à fait intéressant. Vous prétendez qu'il ne faudrait pas utiliser à l'article 4 le terme «droit de précontrôle». C'est vrai que, par cette loi-là, on crée un droit aux États-Unis; on confère au gouvernement américain et à ses officiers un droit. C'est beaucoup plus que d'autoriser l'exercice d'une compétence à l'intérieur du territoire canadien. Croyez-vous qu'il est approprié de créer un droit? Et s'il ne faut pas créer un droit, comment doit libeller la disposition de l'article 4?
Il y a une dernière chose, monsieur le président. Vous proposez l'abrogation d'une disposition particulière à l'article 28. Vous proposez que soit tout simplement abrogée la disposition sur la confiscation de marchandises saisies au Canada qui serait permise par cet article 28. J'aimerais que vous nous expliquiez les raisons pour lesquelles vous souhaiteriez que l'on abroge non seulement les articles 33 et 34, mais également l'article 28.
• 1220
M. Graham et moi, qui sommes professeurs de droit
international, adorons les débats comme ceux-là.
Le président: Jusqu'à un certain point. J'adore aussi mon déjeuner.
M. Daniel Turp: Soyez patient, monsieur le président.
[Traduction]
M. Michael Greene: Je peux peut-être répondre à ces questions dans l'ordre.
Relativement à la Charte canadienne des droits et libertés, si un agent de la paix canadien vous arrête dans la rue et demande à vous fouiller, il ne pourra pas le faire à moins d'avoir des motifs raisonnables de croire que vous avez commis une infraction et que vous avez des preuves sur vous. Il faut même plus que cela. L'agent de la paix doit obtenir un mandat du tribunal dans la plupart des cas.
L'article 8 de la Charte canadienne stipule que nous sommes tous protégés contre les perquisitions et les saisies déraisonnables et cet article a déjà été interprété à maintes reprises par les tribunaux. Les policiers ne peuvent pas vous arrêter et vous dire: «Je vous soupçonne d'avoir des stupéfiants en votre possession et je vais donc vous fouiller.» En temps normal, les policiers ne peuvent même pas vous arrêter et dire qu'ils pensent que vous avez des stupéfiants sur vous et vous fouiller. Souvent, les policiers doivent arrêter le suspect et la fouille fait suite à l'arrestation. La loi impose des critères relativement stricts avant de permettre une fouille.
Le président: Je n'aime pas vous interrompre, mais on nous a dit l'autre jour qu'un agent des douanes au Canada peut faire tout cela.
M. Michael Greene: Une chose à la fois. Je voulais parler d'un agent de la paix canadien.
Le président: Ne nous disputons pas. Un agent des douanes peut le faire. C'est vrai qu'un policier ne peut pas vous fouiller si vous marchez sur la rue Bay, mais si vous arrivez à un poste de douane canadien, peu importe d'où vous venez, et que les agents vous soupçonnent pour une raison quelconque, ils ont tous ces pouvoirs que vous n'aimez pas.
M. Michael Greene: Vous avez tout à fait raison. Selon la loi canadienne, un agent de la paix n'a pas tous ces pouvoirs. On fait exception dans le cas de la Loi sur les douanes. La Loi sur les douanes établit des normes moins strictes pour ceux qui arrivent en territoire canadien. Cette loi stipule qu'un agent des douanes peut faire une fouille s'il a des motifs raisonnables de vous soupçonner d'avoir violé une loi.
Ce qui se passe ici, c'est qu'on a voulu reprendre les mots de la Loi sur les douanes dans la Loi sur le précontrôle. On a décidé de donner aux agents de précontrôle américains les mêmes pouvoirs que possèdent les agents des douanes canadiens selon la Loi sur les douanes.
La Cour suprême a examiné les dispositions de la Loi sur les douanes dans l'affaire Simmons et statué que ces pouvoirs de fouille étaient constitutionnels dans le cas des personnes qui arrivent au Canada. Il s'agit d'une atténuation légitime du droit à la protection contre les perquisitions et les saisies déraisonnables.
Cela nous inquiète beaucoup. Nous nous sommes demandé si les tribunaux rendraient la même interprétation que dans le cas de la Loi sur les douanes s'il s'agissait de protéger la souveraineté d'une autre nation.
M. Daniel Turp: Pourquoi pas?
M. Michael Greene: Voilà la question. Devons-nous avoir des normes moins strictes quand nous traitons avec d'autres pays? Nous avons des normes très strictes pour les perquisitions et les saisies dans tous les cas sauf aux douanes.
Le président: Vous rappelez-vous la Convention sur les armes chimiques que notre comité avait étudiée il y a quelques années? Voyez quelles sont les dispositions relatives aux perquisitions et aux saisies prévues dans la Convention sur les armes chimiques pour les activités étrangères au Canada. N'importe qui, y compris des inspecteurs des Nations Unies, peut arriver dans une usine de peinture, prendre un produit quelconque et déclarer qu'il s'agit d'une arme chimique et vous amener en prison.
M. Michael Greene: L'article 1 de la Charte stipule qu'on a le droit de fixer des limites raisonnables et justifiables. Il s'agit de savoir si c'est le cas dans cette mesure-ci.
Nous avons eu le même débat avec les représentants du ministère des Affaires étrangères. Selon eux, le jugement dans l'affaire Simmons justifie cette disposition. Nous l'avons contesté sur le plan constitutionnel, mais sur le plan pratique, nous considérons que ce n'est pas nécessaire.
M. Daniel Turp: Pourquoi dites-vous que cette disposition ne serait pas maintenue? Est-ce seulement parce qu'il s'agit d'agents étrangers?
M. Michael Greene: Parce que les fouilles seraient basées uniquement sur des soupçons plutôt que sur...
M. Daniel Turp: Cette possibilité a été maintenue.
M. Michael Greene: Oui, parce que c'est la loi étrangère... L'argument derrière le jugement Simmons serait qu'on protège le territoire canadien et qu'on peut donc adopter des lois qui rabaissent la norme habituelle. Nous voulons protéger notre propre territoire parce que nous en avons le droit. Ce n'est pas le cas ici. Nous rendons une faveur aux États-Unis et nous protégeons le territoire américain. Nous ne pensons donc pas que les tribunaux vont maintenir une norme affaiblie si ce n'est pas le territoire canadien qu'on veut protéger, mais un autre pays. Nous pourrions nous tromper.
M. Daniel Turp: Je comprends la distinction, mais je ne suis pas certain que les tribunaux la comprendront.
M. Michael Greene: C'est la position qu'ont adoptée les tribunaux dans d'autres cas relatifs aux perquisitions et saisies. Je sais qu'il y a certaines limites, mais les tribunaux ont fixé des normes relativement élevées pour les perquisitions et saisies. Lorsqu'il s'agit de protéger d'autres intérêts légitimes du Canada, par exemple la possibilité de se protéger contre le trafic des stupéfiants, les tribunaux continuent à fixer des normes très élevées. Nous ne savons pas ce qui va se passer ici. Cela va susciter un débat.
Quant à la question de réciprocité... Je ne veux pas aller trop loin. C'est la même chose pour la détention à cause de simples soupçons. La question de la saisie de biens est intéressante parce que nous n'avons pas de droit de propriété dans la Charte. C'est une question intéressante. On m'a demandé ce que nous pensions des dispositions relatives aux saisies et pourquoi nous adoptons une telle position.
Le problème dans le cas des saisies, c'est que nous permettons à un autre pays de saisir et de garder des biens en sol canadien alors qu'il n'est peut-être pas illégal au Canada d'être en possession de ces biens. Les États-Unis ont toutes sortes d'interdictions à l'égard de produits fabriqués dans des pays qui font l'objet d'un embargo alors que ce n'est pas le cas du Canada. Le Cuba en est le meilleur exemple qui soit. Par exemple, une boîte de cigares cubains peut valoir de 400 $ à 500 $. On peut être en possession d'une boîte de ces cigares au Canada, mais pas aux États-Unis parce qu'il est illégal de les importer.
Nous estimons que lorsqu'on applique les lois et que l'on permet à ces gens de saisir des biens dans les centres de précontrôle, on leur permet essentiellement d'exproprier au Canada des biens qu'ils ne pourraient pas normalement exproprier, en vertu de dispositions que nous pourrions trouver répréhensibles, puisque nous acceptons de commercer avec certains des pays visés et que nous n'y voyons aucun problème.
En outre, l'argument contraire tient au fait qu'ils essayent d'importer ces biens aux États-Unis. À un poste frontalier terrestre, ils perdraient ces biens. Mais nous ne sommes pas à un poste terrestre; nous sommes ici, au Canada. C'est la distinction que nous voulons établir. Vous êtes ici, au Canada. Cette personne devrait pouvoir...
M. Daniel Turp: C'est une distinction que M. Elliot et ses collègues ne trouvent pas appropriée.
M. Michael Greene: Ils pensent que cela devrait être exactement la même chose qu'à la frontière, mais ce n'est pas la même chose.
M. Daniel Turp: Pourquoi?
M. Michael Greene: Parce que nous sommes en sol canadien. Nous leurs disons: «Nous voulons bien que vous soyez efficaces; nous voulons vous aider à être efficaces. Toutefois, nous vous demandons d'accepter certains compromis quant aux outils que vous pouvez utiliser au Canada. Nous ne pensons pas qu'il soit nécessaire que vous vous serviez de tous les outils que vous avez au poste terrestre, parce que certains d'entre eux ne sont pas conformes aux dispositions des lois canadiennes.»
Il y a un autre exemple, celui des armes à feu. Aux postes terrestres, les agents ont des armes à feu. Ils les portent à leur ceinture. Ils ont le droit de s'en servir. Il est arrivé fréquemment que des gens se plaignent d'avoir vu un agent mettre la main sur son pistolet lorsqu'ils commençaient à le presser de questions. Cela lui sert d'outil d'intimidation, ou de je ne sais trop quoi. Mais ils ne peuvent pas faire cela ici. Nous ne les autorisons pas à avoir des armes à feu dans la zone de précontrôle.
Le président: C'est la police qui s'en occupe.
M. Michael Greene: J'ai entendu cela assez souvent que je crois que cela fait probablement partie de ma formation. Nous ne les autorisons pas à porter des armes à feu. Affaiblissons-nous, pour autant, un des maillons de la chaîne? Non. C'est notre intégrité qui est en cause. Nous estimons que cela n'est pas approprié.
C'est la même chose dans ce cas-ci. Pour ce qui est des infractions en droit canadien, c'est une disposition à laquelle on ne peut avoir recours à la frontière de toute façon. Voilà qui est nouveau: créer des infractions en droit canadien. En ce qui concerne les pouvoirs que ce projet de loi vise à leur accorder, nous estimons qu'ils doivent accepter de mettre de l'eau dans leur vin, parce qu'ils sont en sol canadien. Nous pensons que c'est un compromis acceptable. Nous ne croyons pas que ces compromis vont les pousser à plier bagage et à rentrer chez eux. C'est la même chose que de ne pas pouvoir porter d'arme à feu. Ils sont bien contents d'être ici. Rappelons-nous que ce système a fonctionné plutôt bien pendant 40 ans sans...
[Français]
Le président: Monsieur Turp, je m'excuse, mais j'ai un rendez-vous et je suis déjà en retard de 20 minutes. Donc, je donne la parole à M. Elliot et ensuite on termine.
[Traduction]
M. Geoffrey Elliot: Ce ne sera pas très long. Je veux simplement faire quelques observations sur la dernière partie de l'intervention de M. Greene. Il s'agit là de l'essentiel. Souvenons-nous de la question: «Pourquoi les agents chargés de l'application des lois américaines auraient-ils des pouvoirs équivalents au Canada?» L'aéroport est devenu une frontière. C'est ce que prévoit l'accord. C'est là qu'ils doivent exercer leur contrôle.
Comme je l'ai signalé, en vertu de l'accord «Ciels ouverts» les avions des transporteurs aériens canadiens se rendent à des destinations américaines où il n'y a pas de contrôle a posteriori. Je ne trouve pas valable l'argument qui consiste à dire que les Américains peuvent toujours poster des policiers aux aéroports pour arrêter les personnes visées lorsqu'elles arrivent à destination. Je ne pense simplement pas qu'il soit pratique de tenir à ce que les États-Unis aient deux niveaux de contrôle frontalier, l'un au poste de précontrôle des aéroports canadiens, l'autre à la descente d'avion, parce que le Canada n'est pas prêt à accorder des pouvoirs de contrôle équivalents. Nous en avons déjà discuté, les pouvoirs accordés ne sont pas identiques, mais ils sont conçus pour être équivalents. Il s'agit d'un équilibre très délicat.
• 1230
Je pense que les négociateurs de l'accord sur le
prédédouanement et les rédacteurs de la présente loi étaient tout
à fait conscients des préoccupations qu'exprime M. Greene. Je
n'affirme pas qu'il n'y a aucune possibilité d'apporter des
améliorations au texte; je n'ai jamais eu l'intention de prétendre
cela. Toutefois, les solutions fondamentales qui ont été négociées,
acceptées et incluses dans le texte représentent un équilibre
délicat qui vise à assurer l'intégrité du système de contrôle
frontalier américain et la protection de nos intérêts.
M. Daniel Turp: Y a-t-il équilibre en matière de réciprocité, cependant? Je ne suis pas convaincu que les Américains soient prêts à faire la même chose que nous. Est-ce exact?
M. Geoffrey Elliot: Oui. Permettez-moi de parler de réciprocité de façon pratique, et non strictement du point de vue du droit.
Tout d'abord, je crois que nous avons le droit théorique d'effectuer un précontrôle aux aéroports américains depuis que l'accord canado-américain sur le prédédouanement a été négocié en 1974. Cela ne s'est jamais produit parce qu'il n'existe simplement pas de justification économique à l'installation de postes de précontrôle dans les aéroports des États-Unis. En raison des différences géographiques entre le Canada et les États-Unis, les compagnies de transport aérien ne voient aucun intérêt à ce qu'il y ait des mesures de précontrôle aux aéroports américains.
On peut, à partir des États-Unis, se rendre directement en avion à toutes les grandes destinations au Canada. Il n'y a cependant pas foule de voyageurs à bord des vols frontaliers, et c'est leur grand nombre qui justifierait, aux yeux des compagnies aériennes, le recours à des mesures de précontrôle. Je pense que la signification réelle de la réciprocité se manifestera ultérieurement, dans le contexte des initiatives des autorités douanières des deux pays visant à rendre plus efficace le passage aux postes frontaliers terrestres.
Je crois que les dispositions de la Loi sur le précontrôle permettront, en grande mesure, à M. Dhaliwal, en sa qualité de ministre responsable, d'avoir des discussions positives avec ses homologues américains sur la façon de parvenir à cette plus grande efficacité. Je soupçonne d'ailleurs que les Américains tiendront à ce qu'il y ait effectivement des dispositions réciproques. Ce n'est pas la même chose pour le mode de transport aérien, mais ce sera important pour les autres modes de transport.
Le président: Nous avons également eu l'impression, d'après ce que nous avons entendu aux autres audiences, qu'il s'agit là d'une mesure préalable à l'établissement d'une sorte de condominium à divers postes frontaliers, où il y a beaucoup d'activité et où l'on pourrait...
M. Daniel Turp: Poste terrestre.
Le président: Poste frontalier terrestre. Le mot «condominium» semble être le mot approprié, puisqu'il exprime l'idée de collaboration entre les deux parties. Nous verrons bien si cela se produit.
Merci beaucoup à tous deux. Comme l'a dit M. Turp, il est utile d'avoir un dialogue ou même un débat entre vous deux, parce que cela nous aide vraiment à beaucoup mieux comprendre les dossiers.
Monsieur Greene, si vous pouviez préparer les amendements précis qui, selon vous, seraient appropriés, nous les ferions circuler parmi les membres du comité et ils les auront sous la main lorsqu'on passera à l'étude article par article. Cela serait très utile.
M. Michael Greene: Nous sommes pas mal sûrs de pouvoir faire cela aujourd'hui.
Le président: Vous n'avez pas à vous inquiéter de le faire aujourd'hui, puisque le Parlement fait relâche la semaine prochaine. L'étude article par article aura lieu le 25 mai; il y a donc amplement le temps. Mais il serait quand même utile de les avoir un peu avant le 25 mai.
M. Michael Greene: Très bien. Nous serons bien contents de rencontrer les représentants du ministère des Affaires étrangères—nous l'avons déjà fait dans le passé—pour discuter de ces questions avec eux. Nous sommes également prêts à être présents lors de l'étude article par article. Ce ne serait pas nécessairement moi, mais il y aurait un représentant de notre service.
Le président: Bien sûr. Vous voudrez peut-être les rencontrer et tirer les choses au clair à l'avance. C'est toujours utile, et pour eux et pour nous.
Merci beaucoup à tous d'être venus. Nous vous en savons gré. Désolé pour le vote, mais nous avons fini par avoir presque autant de temps, de toute façon.
La séance est levée.